• Aucun résultat trouvé

A la recherche des "années perdues" d'Henri Hoppenot (1922-1933)

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "A la recherche des "années perdues" d'Henri Hoppenot (1922-1933)"

Copied!
125
0
0

Texte intégral

(1)

A la recherche des

« années perdues » d’Henri Hoppenot

(1922-1933)

Mousset Martin

2019-2020

Master 2 Histoire, Civilisation et Patrimoine Pratiques de la Recherche Historique

Sous la direction de M.

Denéchère Yves

Soutenu publiquement le : 25 juin 2020

(2)

L’auteur du présent document vous autorise à le partager, reproduire, distribuer et communiquer selon les conditions suivantes :

Vous devez le citer en l’attribuant de la manière indiquée par l’auteur (mais pas d’une manière qui suggérerait qu’il approuve votre utilisation de l’œuvre).

Vous n’avez pas le droit d’utiliser ce document à des fins commerciales.

Vous n’avez pas le droit de le modifier, de le transformer ou de l’adapter.

Consulter la licence creative commons complète en français : http://creativecommons.org/licences/by-nc-nd/2.0/fr/

(3)

REME RC IEM ENTS

Je tiens tout d’abord à remercier mon directeur de recherche, Yves Denéchère, pour m’avoir permis de mener ce modeste mémoire de recherche jusqu’à son terme.

Je remercie également Marie France et Béatrice Mousli qui ont édités une grande partie des archives du couple Hoppenot, ce qui me fut très utile et profitable. Je les remercie également d’avoir pris le temps de répondre à mes questions sur leurs propres travaux.

Je remercie les archivistes du CADN pour leur accueil et leurs conseils lorsque certains fonds me posaient des problèmes.

Je remercie toute la promotion M2 PRH de l’Université d’Angers pour leur amitié et leur camaraderie.

Les discussions autour de sujets très variés ont pu faire émerger de nouveaux raisonnements sur mon propre sujet.

Je remercie plus particulièrement les compagnons de la Guilde de la Souricière, compagnons de travail et de pauses-cafés, avec lesquels nous nous sommes soutenus mutuellement.

Je remercie par ailleurs Mathieu Cichon qui pris le temps de traduire pour moi quelques documents en polonais alors qu’il avait fort à faire avec son propre mémoire.

Enfin je remercie Morgane Plaisant pour son amour et son soutien indéfectible tout au long de cette année chargée.

(4)

Sommaire

INTRODUCTION :

I- LA CARRIERE DIPLOMATIQUE D'HENRI HOPPENOT

1. Un long parcours vers la reconnaissance entre 1922 et 1933 1.1. Du Chili à la Suisse, une succession rapide de postes

1.2. L’épineuse question de l'argent pour un jeune diplomate sans fortune personnelle 1.3. Henri Hoppenot récompensé

2. Henri Hoppenot, chargé d’affaires, représentant de la France : des moments attendus pour faire la preuve de ses compétences

2.1. Célébrer l'amitié franco-chilienne : les cérémonies autour du 14 Juillet 1924 2.2. Le soutien à l'ouverture d'une ligne aérienne entre la France et l'Amérique du Sud 2.3. L’envoi à Ankara pour négocier la frontière syro-turque

2.4. L’établissement d’une nouvelle convention commerciale avec la Suisse 3. Les réseaux diplomatiques d'Henri Hoppenot,

3.1. Le soutien familial d’Henri Hoppenot : la carrière diplomatique entre dynasties de diplomates et nouveaux-venus bourgeois

3.2. Henri Hoppenot, homme lige de Claudel et Léger ?

II- UNE CARRIERE LITTERAIRE PARALLELE A LA CARRIERE DIPLOMATIQUE : 1. Henri Hoppenot poète

1.1. Moharem, un recueil inspiré par la Perse

1.2. Continent perdu, dernière œuvre d'Henri Hoppenot poète

2. Une carrière littéraire permise par le soutien de quelques proches littéraires et artistiques

2.1. Le soutien d'Adrienne Monnier et le foyer de la Maison des Amis des Livres

2.2. Le soutien d'auteurs reconnus et les collaborations à diverses revues d’Henri Hoppenot 2.3. Les opéras-minutes avec Darius Milhaud

3. Henri Hoppenot, un « passeur de culture »

3.1. Les relations avec les intellectuels et les artistes dans les pays où Henri Hoppenot est en poste 3.2. Les traductions d'auteurs étrangers

CONCLUSION : BIBLIOGRAPHIE : ANNEXES :

Accords et protocoles relatifs à la frontière turco-syrienne, signées à Ankara le 22 juin 1929.

Stérile Exil par Henri Hoppenot dans le Navire d’Argent, n°5, octobre 1925, p. 8-13 TABLE DES ILLUSTRATIONS

(5)

« Non, mon cher, l’historien ne doit être ni moraliste, ni partisan. Il fausse son instrument, il trahit sa mission propre dès qu’il se mêle de juger… Libre à chacun, naturellement de tirer en moraliste (comme moi) ou en partisan (comme vous) les leçons de l’histoire, mais ce n’est plus là faire œuvre d’historien. Ceci dit, il n’y a sans doute jamais eu d’historien "pur", se bornant strictement à la description des faits et de leur enchaînement. »1

1 HOPPENOT Henri, lettre à Henri Guillemin du 29 mars 1951.

(6)

Introduction :

Derrière le titre énigmatique de ce mémoire se trouve une référence à la thèse d’Isabelle Dasque : À la recherche de Monsieur de Norpois : les diplomates de la République (1871-1914), soutenue en 2005. A travers le personnage du roman de Marcel Proust, À la recherche du temps perdu (sept tomes de 1913 à 1927), Isabelle Dasque dresse le portrait des diplomates français de la Belle Epoque. Le présent mémoire se consacre à un diplomate ayant réellement existé, un représentant des diplomates de la génération suivante : celle de l’entre-deux-guerres.

Henri Hoppenot (1891-1977) est un diplomate français de la première moitié du XXe siècle. Atteint de coxalgie, une maladie handicapante qui le fera boiter toute sa vie, Henri Hoppenot est réformé et ne peut pas servir la France au combat. Il entre donc dans la carrière diplomatique en 1914 à la Maison de la Presse. A partir de 1917, Henri Hoppenot suit un parcours mobile aux quatre coins du monde : en vingt ans, de 1917 à 1937, il est nommé à 9 postes à l’étranger, de la Suisse à la Chine.

En 1937, Henri Hoppenot est nommé à l’administration centrale, sous-directeur de l’Asie puis de l’Europe. La guerre et l’armistice ayant modifié l’ordre établi, Henri Hoppenot est nommé ministre en Uruguay. Il s’agit en réalité de mettre à distance ce diplomate dont la loyauté à l’Etat Français n’est pas établie. Henri Hoppenot se résoudra à démissionner en 1942 pour se mettre au service de la France combattante aux Etats-Unis, d’abord auprès du général Giraud puis pour le général de Gaulle. Après la guerre, Henri Hoppenot devient ambassadeur en Suisse, représentant de la France à l’ONU et dernier Haut-Commissaire de la République en Indochine. Ayant atteint la limite d’âge pour travailler au Quai d’Orsay, Henri Hoppenot devient membre du Conseil d’Etat de 1956 à 1964 où il prend sa retraite.

Henri Hoppenot fait également partie de ce groupe disparate et néanmoins important au sein de la Carrière durant l’entre-deux-guerres, celui des diplomates-écrivains. Le phénomène ne semble pas nouveau, la tradition remontant au début du XIXe siècle avec des auteurs et diplomates comme le vicomte de Chateaubriand (1768-1848) ou Stendhal (1783-1842). Les historiens s’emparent assez récemment du sujet comme en témoigne un colloque tenu en 20112. L’âge d’or de cette catégorie est l’entre-deux-guerres : le métier de diplomate, tout comme celui d’écrivain, tend à se professionnaliser et le Quai d’Orsay est relativement indifférent voire favorable envers tous ses

2 BADEL Laurence, FERRAGU Gilles, JEANNESSON Stanislas et MELTZ Renaud (dir.), Ecrivains et diplomates, l'invention d'une tradition, XIXe-XXIe siècles, Armand Colin, Paris, 2012. Actes du colloque rassemblés, complétés et publiés.

(7)

diplomates qui conjuguent leurs carrières diplomatiques avec une carrière littéraire (la moitié des diplomates en poste en 1938 a publié au moins un ouvrage selon Renaud Meltz)3. Après la Seconde Guerre mondiale, une distinction se forme entre le diplomate-écrivain, diplomate de carrière qui écrit et publie des livres, et l’écrivain-diplomate, écrivain reconnu et souvent récompensé qui est nommé dans un consulat ou une ambassade. Cette seconde catégorie est particulièrement mise en valeur au XXIe siècle, la nomination de ces écrivains étant rapportée par la presse qui pose la question de la légitimité de ces écrivains à des postes diplomatiques4. Toutefois, même chez les diplomates de carrière, il existe une tendance croissante à l’écriture comme en témoigne le premier lauréat du Grand Prix du Groupe des Ambassadeurs Francophones de France. Ce prix littéraire est l’héritier du Prix des Ambassadeurs décerné entre 1948 et 2014 par un groupe d’ambassadeurs en poste à Paris ayant une excellente connaissance de la langue française à un ouvrage traitant d’histoire ou de politique. Le Prix des Ambassadeurs a récompensé un certain nombre d’historiens et de journalistes. Le Grand Prix du GAFF, qui a été relancé en 2019, a été décerné pour la première fois le 30 janvier 2020 et a récompensé un diplomate, Claude Martin, pour son ouvrage La diplomatie n’est pas un dîner de gala aux Editions de l’Aube5.

« La carrière diplomatique est faite de silence et d’effacements ». Cette phrase écrite par l’ambassadeur Pierre de Margerie (1861-1942) dans un courrier semble caractériser le corps diplomatique. Citée par Bernard Auffray dans sa biographie de Pierre de Margerie6, reprise par Colette Barbier pour désigner le caractère d’Henri Hoppenot7, cette phrase est finalement utilisée par Stanislas Jeannesson pour démontrer l’attrait du secret et le devoir de réserve qui caractérise l’ensemble des diplomates8. Dès lors, comment faire la biographie de ce personnage assez mystérieux qu’est le diplomate et surtout que peut apporter une telle biographie à l’histoire des relations internationales ? Malgré le rejet qu’en fait l’école des Annales, la biographie de diplomate connait un certain regain depuis les années 1980 et les travaux se sont multipliés ces vingt dernières

3 Ibid. p. 73.

4 La dernière « affaire » en date est la nomination de l’écrivain Philippe Besson comme consul à Los Angeles en 2018, décret dénoncé et finalement annulé en 2019.

5 Organisation internationale de la francophonie, « Claude Martin, premier lauréat du Grand Prix des Ambassadeurs francophones », Mis à jour le 30 janvier 2020 [En ligne], https://www.francophonie.org/claude-martin-premier-laureat- du-grand-prix-des-ambassadeurs-francophones-1068, Consulté le 13 février 2020.

6 AUFFRAY Bernard, Pierre de Margerie (1861-1942) et la vie diplomatique de son temps, Klincksieck, Paris, 1976, p. 12.

7 BARBIER Colette, Henri Hoppenot, diplomate (25 Octobre 1891-10 Août 1977), Direction des archives, Ministère des affaires étrangères, 1999, p. XX.

8 JEANNESSON Stanislas, « Les biographies de diplomates : questions et méthodologiques et enjeux scientifiques » in DUMOULIN Michel et LANNEAU Catherine (dir.), La biographie individuelle et collective dans le champ des relations internationales, P.I.E. Peter Lang, Bruxelles, 2016, p. 20

(8)

années. Stanislas Jeannesson, ayant lui-même contribué à ce renouveau historiographique9, théorise l’intérêt historiographique et les méthodes de la biographie de diplomate10. Pour lui, elle permet de mettre en exergue le processus décisionnel cher à Jean-Baptiste Duroselle mis en place par ces agents de l’Etat, avec une marge de manœuvre plus ou moins libre selon le poste et l’époque. De plus, la biographie de diplomate, par l’étude de cas conformistes ou atypiques, permet de brosser le portrait d’un groupe social plus ou moins homogène qu’est le corps diplomatique. Les diplomates de renom ont d’abord été biographiés par d’autres diplomates puis par des historiens.

Ensuite vient le tour de diplomates plus ou moins à la marge du corps diplomatique, ces cas atypiques permettant d’étudier les normes, les obligations et les interdits propres au groupe des diplomates. Force est de constater qu’un certain nombre d’écrivains-diplomates intègrent cette catégorie. Enfin ces dernières années, l’étude de diplomates moins illustres et qui ne dérogent pas aux règles du Quai d’Orsay permet de brosser le portrait du diplomate moyen. Un certain nombre de cas représentatifs de la carrière diplomatique et des mutations qu’elle connait au XXe siècle permet d’avoir une bonne connaissance du corps diplomatique français de manière générale.

L’historiographie choisie regroupe en priorité les biographies de diplomates français qui ont été publiées jusqu’à présent. L’étude de ces biographies permet d’établir des comparaisons avec Henri Hoppenot sur l’avancement au sein de la carrière diplomatique et également d’établir les réseaux qui se forment entre les diplomates. Il existe une forme de solidarité et d’entraide propre au corps des diplomates, le terme de « collègue » agissant comme une formule absolutrice11. Mais les relations professionnelles et souvent amicales qui se nouent entre certains diplomates permettent de favoriser tel agent plutôt qu’un autre ou d’obtenir tel poste plutôt qu’un autre. C’est pourquoi les biographies de diplomates ayant côtoyés Henri Hoppenot seront privilégiées. L’étude plus particulière des diplomates et écrivains est un champ historiographique plus récent. Bien que le phénomène ne soit pas nouveau, l’étude des écrits de ces diplomates-écrivains étaient d’abord du ressort des littéraires. Les historiens des relations internationales ont privilégié la carrière diplomatique de ces acteurs avant que le cultural turn atteigne le courant de l’histoire des relations internationales. Dès lors, comme pour les biographies de diplomates, les études débutèrent sur les diplomates-écrivains dont la postérité rappelait à la fois leurs talents de diplomates et la qualité de

9 JEANNESSON Stanislas, Jacques Seydoux, diplomate, 1870-1929, PU de la Sorbonne, Paris, 2013.

10 JEANNESSON Stanislas, « Les biographies de diplomates » op cit in DUMOULIN Michel et LANNEAU Catherine (dir.), La biographie individuelle, op cit. p. 15-27.

11 HOPPENOT Hélène, MOUSLI Marie France (édit. scienti.), Journal 1918-1933 : Rio de Janeiro, Téhéran, Santiago du Chili, Rio de Janeiro, Berlin, Beyrouth-Damas, Berne, Éditions Claire Paulhan, Paris, 2012, 20 septembre 1923, p.310.

(9)

leurs écrits. Puis, les historiens s’intéressèrent à des diplomates de second plan dont la carrière littéraire avait été oubliée ou au contraire à certains écrivains de renom dont la carrière diplomatique, courte ou chaotique, avait été oubliée. La part des diplomates ayant écrit leurs mémoires n’est pas à négliger. Pourtant, dans le cas d’Henri Hoppenot, les rapports du diplomate comme les poèmes de l’écrivain sont les seuls écrits qu’il a laissés.

Du fait de sa longue carrière, mais qui ne connait aucun éclat particulier pour être mémorable, Henri Hoppenot est un de ces nombreux diplomates représentatifs de la Carrière. Son appartenance au groupe des diplomates-écrivains en fait toutefois un sujet d’étude unique car autant il est aisé de trouver des dénominateurs communs aux diplomates, autant chaque écrivain est unique en son genre. Etudier le cas d’Henri Hoppenot permet donc de se demander ce qu’est être diplomate et écrivain durant l’entre-deux guerres et surtout comment Henri Hoppenot mène ces deux carrières de front. L’étude de ces années 1920-1930 permet de démontrer un tournant dans la vie d’Henri Hoppenot : celui-ci devient un diplomate confirmé dont le sérieux et le travail sont appréciés. Dans le même temps, la décennie 1920 marque le climax dans sa carrière littéraire puis il s’en détourne presque complétement.

Une biographie d’Henri Hoppenot existe déjà12. Il s’agit de l’édition d’une thèse soutenue par Colette Barbier (1929-2019) en 1988 à l’Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne et publiée en 1999. Colette Barbier retrace la vie du diplomate sur près de 600 pages. Toutefois elle ne consacre que quelques pages à toute la période allant de 1922 à 1933 qu’elle appelle « les années perdues »13. Cela s’explique par les sources utilisées : Colette Barbier se base en priorité sur le

« Fonds nominatif Henri Hoppenot » conservé aux Archives du Ministère des Affaires étrangères de La Courneuve14. Ce fonds ne contient aucun document sur cette période. De plus, « afin de compléter et d’éclairer les documents du Fonds nominatif Henri Hoppenot », Colette Barbier a consulté certains dossiers généraux pour contextualiser la carrière d’Henri Hoppenot. Or elle n’utilise pas de dossier sur les pays où Henri Hoppenot est en poste durant ces fameuses « années perdues »15. Il en ressort un vide dans la vie d’Henri Hoppenot entre 1922 et 1933 que Colette Barbier a tenté de combler par des sources annexes conservées par les Archives du Ministère des Affaires étrangères mais qui restent très succinctes. Il est possible que Colette Barbier ait négligé

12 BARBIER Colette, Henri Hoppenot, op cit.

13 BARBIER Colette, Henri Hoppenot, op cit. p. 34-42

14 MAE, Papiers Henri Hoppenot, 270PAAP.

15 BARBIER Colette, Henri Hoppenot, op cit. p. 588-589.

(10)

sciemment ou non des sources. Elle évoque notamment le journal d’Hélène Hoppenot qui n’était pas communicable lors de la rédaction de sa biographie. Il est plus étonnant que les fonds conservés au Centre des Archives Diplomatiques de Nantes ne soient pas dépouillés : si le bon historien ressemble à l’ogre de la légende selon Marc Bloch16, la piste d’un diplomate ayant passé une grande partie de sa carrière dans des postes à l’étranger conduit l’historien vers le CADN qui conserve les archives des postes diplomatiques français à travers le monde. La consultation des fonds en provenance des différents postes où Henri Hoppenot est nommé permet de suivre sa carrière et ses fonctions plus ou moins précisément. Par ailleurs, la biographie de Colette Barbier s’intéresse avant tout à la carrière diplomatique d’Henri Hoppenot. La production littéraire d’Henri Hoppenot est évoquée mais pas étudiée. Il est vrai que les questionnements sur les diplomates-écrivains n’émergent véritablement qu’une dizaine d’années après la parution de l’ouvrage.

La vie plus personnelle et la carrière littéraire d’Henri Hoppenot furent mises en valeur par les Mousli mère et fille. Béatrice Mousli, biographe spécialiste du monde littéraire français des années 1920, a consacré sa thèse à la revue Intentions à laquelle Henri Hoppenot a collaboré17. Puis, en préparant une biographie sur Valery Larbaud (1881-1957), écrivain français ami d’Henri, elle découvre le fonds Hoppenot conservé à la Bibliothèque Littéraire Jacques Doucet à Paris. Beatrice Mousli publiera par la suite la correspondance entre Henri Hoppenot et Adrienne Monnier (1892- 1955), libraire et amie du diplomate18. Marie France Mousli, la mère de Béatrice Mousli, continuera de publier la correspondance d’Henri Hoppenot, notamment celle avec Darius Milhaud et Saint- John Perse19. Enfin depuis 2012, Marie France Mousli édite le journal d’Hélène Hoppenot, la femme d’Henri.

Les sources utilisées pour l’étude de la vie d’Henri Hoppenot durant ces années 1920-1930 sont de formes et d’origines variées : en majorité textuelles mais aussi audiovisuelles. Elles sont en provenance d’archives publics comme les archives diplomatiques des représentations françaises à l’étranger conservées au Centre des Archives Diplomatique de Nantes. Elles sont aussi issues d’archives privées comme les archives du couple Hoppenot qui ont été en partie éditées.

16 BLOCH Marc, Apologie pour l’histoire ou Métier d’historien, Armand Colin, Paris, 1997, p. 51.

17 MOUSLI Béatrice, Intentions, histoire d'une revue littéraire des années vingt, Ent'revues, Paris, 1995.

18 MOUSLI Béatrice (édit.), Adrienne Monnier/Henri et Hélène Hoppenot, Correspondance, Editions des Cendres, Paris, 1997.

19 MOUSLI Marie France (édit.), Madeleine et Darius Milhaud-Hélène et Henri Hoppenot, Conversation, correspondance (1918-1974), "les inédits de Doucet", Gallimard, Paris, 2005 et MOUSLI Marie France (édit.), Saint John Perse, correspondance avec Henri Hoppenot (1915-1975), les Cahiers de la NRF, Gallimard, Paris, 2009.

(11)

Henri et Hélène Hoppenot ont déposé leurs archives à la bibliothèque littéraire Jacques Doucet entre 1973 et 1990. La bibliothèque doit son nom au couturier français Jacques Doucet (1853-1929) également mécène et collectionneur d’art et de manuscrits. Il lègue sa bibliothèque à l’Université de Paris à sa mort. La bibliothèque est transférée place du Panthéon à Paris et regroupe des écrits de 1800 à aujourd’hui. Le fonds Hoppenot comporte un certain nombre de manuscrits, notes et recueils d’articles de presse ainsi que la correspondance du couple Hoppenot avec des proches membres du milieu littéraire parisien et de la diplomatie française. Ces documents furent versés de leur vivant à partir de 1973. Le fonds fut complété par l’apport du journal d’Hélène à sa mort en 1990. Le fonds constitue un témoignage de la vie littéraire et de la vie diplomatique française à travers la carrière d’Henri sur plus de soixante ans, entre 1911 et 1977. Le journal d’Hélène ainsi que la correspondance du couple ont été en partie édités.

Hélène Hoppenot (1894-1990), née Delacour, est la fille d’un officier de province. Elle monte à Paris où elle se produit comme chanteuse dans quelques cabarets. Elle rencontre Henri Hoppenot vers 1915 et l’épouse en 1917. A partir de cette date, elle le suit à travers le monde dans sa carrière diplomatique et tient un journal intime. Elle y note ses observations et ses réflexions sur les différents pays qu’elle visite ainsi que sur les personnalités qu’elle rencontre. Le journal d’Hélène Hoppenot, qui fait près de 8 000 pages à la fin de sa vie, est en cours de publication. Trois tomes sont actuellement disponibles, tous édités par Marie France Mousli : Journal 1918-1933 (2012) ; Journal 1936-1940 (2015) et Journal 1940-1944 (2019)20. Dans son journal, Hélène fait preuve d’un sens de l’observation précis et méthodique des situations dont elle est témoin, un talent qu’elle mettra à profit en devenant une photographe reconnue après la Seconde Guerre mondiale. Ses portraits des personnes qu’elle rencontre, qu’ils soient diplomates, officiels des pays où elle séjourne ou simples habitants, sont d’une grande précision avec un ton parfois acide à l’encontre de certains. Bien qu’Hélène Hoppenot ne souhaitait pas publier son journal et qu’elle demanda à ce qu’il soit confidentiel vingt ans après sa mort, celui-ci constitue un témoignage volumineux sur la vie diplomatique française de la première moitié du XXe siècle ainsi que sur la situation politique et sociale des pays où elle suit son mari. Suivant Henri, qu’elle appelle « H. » dans son journal, dans

20 HOPPENOT Hélène, MOUSLI Marie France (édit. scienti.), Journal 1918-1933 : Rio de Janeiro, Téhéran, Santiago du Chili, Rio de Janeiro, Berlin, Beyrouth-Damas, Berne, Éditions Claire Paulhan, Paris, 2012 ; HOPPENOT Hélène, MOUSLI Marie France (édit. scienti.),Journal 1936-1940 : 24 décembre 1936- 6 octobre 1940 : "Hitler sait attendre. Et nous?, Éditions Claire Paulhan, Paris, 2015 et HOPPENOT Hélène, MOUSLI Marie France (édit. scienti.), Journal 1940-1944, Editions Claire Paulhan, Paris, 2019.

(12)

tous ses déplacements, Hélène peut indiquer la position et les actions de son mari dans tous les postes où il est nommé. Son journal témoigne de propos et d’évènements qui n’apparaissent pas forcément dans les archives diplomatiques, en cela, il est un outil privilégié pour entrer dans l’intimité d’Henri Hoppenot et mieux comprendre des émotions et des ressentis qu’il pourrait cacher à ses supérieurs. Le journal d’Hélène permet de suivre presque au jour le jour l’évolution de la carrière de son mari, Hélène étant particulièrement intéressée par les potentiels postes dans lesquels Henri peut être nommé.

Tout au long de leurs vies, les Hoppenot ont conservé l’abondante correspondance qu’ils ont reçue des proches issus des milieux littéraires et artistiques ou des membres du monde diplomatique, les deux n’étant par ailleurs pas incompatibles. Cette correspondance est conservée à la bibliothèque Jacques Doucet et une partie a été publiée. Ces lettres permettent de suivre les relations qu’a entretenues le couple Hoppenot sur de longues périodes. Ces lettres sont aussi le moyen de connaitre les sentiments et émotions d’Henri Hoppenot et de déterminer un cercle de connaissances proches susceptible de le soutenir tant dans sa carrière diplomatique que dans sa carrière littéraire. Les Hoppenot ont conservés l’ensemble des lettres reçues mais pas les lettres envoyées, celles-ci demeurant inconnues. Cette vision unilatérale ne permet pas de connaitre les propos tenus par les Hoppenot à leurs correspondants. Quatre relations épistolaires éditées sont utiles pour le présent mémoire.

Marie-René Auguste Alexis Léger (1887-1975), qui raccourcit son nom au Quai d’Orsay pour retenir Alexis Léger, est un diplomate français et un écrivain connu sous le nom de Saint Leger Leger puis Saint John Perse, pseudonyme avec lequel il obtiendra le prix Nobel de littérature en 1960. Entré au Quai d’Orsay peu avant Hoppenot qu’il rencontre à la Maison de la Presse, Alexis Léger est en poste en Chine avant de suivre une brillante carrière à l’administration centrale, devenant le secrétaire général du Ministère des Affaires Etrangères, soit le plus haut fonctionnaire après le ministre lui- même. Désavoué en 1940 par l’Etat Français qui le considère responsable de la défaite, ne soutenant ni Pétain, ni de Gaulle, Alexis Léger s’exile aux Etats-Unis où il passe toute la guerre. Il est réhabilité grâce à Henri Hoppenot qui fut son plus fidèle admirateur et ami tout au long de sa carrière. Alexis Léger avait récompensé Hoppenot pour son soutien en faisant avancer sa carrière une fois à des postes de direction dans les années 1930. Alexis Léger apparait comme un accélérateur de la carrière diplomatique d’Henri Hoppenot. C’est notamment grâce à lui qu’Henri Hoppenot doit sa nomination en Chine en 1933. Les deux hommes s’envoient régulièrement des lettres depuis leur rencontre jusqu’à la mort de Léger en 1975. Cette relation épistolaire soutenue témoigne de l’amitié

(13)

des deux hommes, dans les succès comme dans les échecs. Les lettres d’Alexis Léger envoyés à Henri Hoppenot ont été conservées par ce dernier et données à la bibliothèque Jacques Doucet puis publiées par la suite21.

Darius Milhaud (1892-1974) est un compositeur français parmi les plus prolifiques. Il consacre sa vie à la musique, du conservatoire de Paris en 1915 jusqu’à sa mort en 1974. Membre du « Groupe des Six », regroupement d’artistes plus amical que véritable école artistique des « années folles » réuni par Jean Cocteau, Darius Milhaud est une figure reconnue de la scène musicale française de la première moitié du XXe siècle. Il rencontre Paul Claudel avec qui il devient ami et le suit comme secrétaire particulier lorsque Claudel est nommé ministre au Brésil. C’est à Rio de Janeiro que Darius Milhaud et Henri Hoppenot se rencontrent en 1918. Dès lors, une solide amitié se noue entre les deux hommes, amitié consacrée par une longue correspondance. Les lettres de Darius Milhaud aux Hoppenot conservées à la bibliothèque Jacques Doucet contiennent, outre les récits des tournées de Milhaud à travers le monde, des informations sur les carrières diplomatique et littéraire d’Henri Hoppenot, telle qu’elles apparaissent aux yeux de Darius Milhaud. Il suit ainsi attentivement la carrière tant diplomatique que littéraire d’Hoppenot, le félicitant pour ses nominations à de nouveaux postes comme pour la publication de ses écrits. Par ailleurs, des projets de collaborations entre le compositeur et l’écrivain se mettent en place par l’intermédiaire de ces lettres22.

Adrienne Monnier (1892-1955) est une libraire, éditrice et écrivaine française. Elle fonde sa librairie la Maison des Amis des Livres rue de l’Odéon à Paris en 1915. Avec sa compagne Sylvia Beach (1887- 1962), une Américaine qui ouvre la librairie anglophone Shakespeare and Company en face de la Maison des Amis des Livres, Adrienne Monnier rassemble autour d’elle un important foyer littéraire sur la rive gauche de la Seine. Elle partage sa vie entre les publications et traductions de romans, les contributions à diverses revues et sa librairie, foyer de ses nombreux clients-lecteurs, eux-mêmes souvent écrivains. Parmi eux, Henri Hoppenot découvre la Maison des Amis des Livres grâce à la recommandation de Paul Claudel en 1919. D’une relation commerçant-client nait une véritable amitié qui durera jusqu’à la mort précoce d’Adrienne Monnier. Atteinte de la maladie de Menière, elle se suicide en 1955 pour mettre fin à ses souffrances. La correspondance entre Adrienne Monnier et Henri Hoppenot est un témoignage de la vie littéraire parisienne de l’entre-deux-

21 MOUSLI Marie France (édit.), Saint John Perse, correspondance avec Henri Hoppenot (1915-1975), les Cahiers de la NRF, Gallimard, Paris, 2009.

22 MOUSLI Marie France (édit.), Madeleine et Darius Milhaud-Hélène et Henri Hoppenot, Conversation, correspondance (1918-1974), "les inédits de Doucet", Gallimard, Paris, 2005.

(14)

guerres. Adrienne Monnier tient Henri Hoppenot informé des nouvelles concernant les auteurs et les artistes qui fréquentent sa librairie ainsi que de la vie parisienne de manière générale. Les lettres d’Henri à Adrienne sont connues et sont aussi bien des commandes d’ouvrages que la description des pays et de la vie littéraire de ces derniers où Henri Hoppenot est en poste. La correspondance entre Adrienne Monnier et les Hoppenot a été conservée à la bibliothèque Jacques Doucet et a été éditée par Béatrice Mousli (née en 1966), biographe et professeur de lettres à l’Université de Californie du Sud à Los Angeles23.

Une autre correspondance d’Henri Hoppenot est à prendre en compte : celle qu’il entretient avec Pierre André-May (1901-1999). Ce jeune homme est le fondateur et directeur de la revue littéraire Intentions (1922-1924). Cette revue est créée par le jeune homme avec le soutien d’Adrienne Monnier qui le met en relation avec les auteurs qui fréquente sa librairie et notamment avec Henri Hoppenot. Henri Hoppenot collabore avec Pierre André-May pour sa revue et il rédige plusieurs articles qui sont publiés. Mais cette relation professionnelle devient également amicale. Les lettres d’Henri Hoppenot à Pierre André-May concernent avant tout les articles que Hoppenot veut faire publier ainsi que la joie de recevoir la revue Intentions dans ses postes à l’étranger. Les lettres d’Henri Hoppenot à Pierre André-May ont été compilées et éditées par Béatrice Mousli dans une étude de la revue Intentions24.

En plus de sources éditées vues précédemment, Henri Hoppenot a également été interviewé pour l’émission « Archives du XXe siècle ». « Archives du XXe siècle » est une série d’entretiens filmés réalisée par Jean José Marchand (1920-2011) pour l’O.R.T.F. entre 1968 et 1974. Producteur, réalisateur, créateur des questionnaires et même intervieweur à partir de 1970, Jean José Marchand réalise les entretiens de 170 personnalités. Les personnes interviewées, en majorité des artistes et des intellectuels, racontent leurs vies et leurs expériences à travers ce XXe siècle qu’elles ont traversées et marquées de leurs empreintes. Certaines interviews sont les seuls documents audiovisuels existants pour la personne interrogée. Très peu d’entretiens ont été diffusés et la grande majorité reste inédite, à l’état de rushes conservés par le centre des archives du CNC au Bois d’Arcy. Le Centre National du Cinéma, outre ses missions de soutien au cinéma français et de dépôt légal des films projetés en France depuis 1977, gère les Archives Françaises du Film. Les AFF, créées par André Malraux en 1969, conservent un grand nombre de films et de reportages produit ou

23 MOUSLI Béatrice (édit.), Adrienne Monnier/Henri et Hélène Hoppenot, Correspondance, Editions des Cendres, Paris, 1997.

24 MOUSLI Béatrice, Intentions, histoire d’une revue littéraire des années vingt, Ent’revues, Paris, 1995.

(15)

confié à l’Etat et donc les collections de l’O.R.T.F. Ces archives font l’objet d’un Plan de Sauvegarde et de Restauration (PSR) depuis 1990 ainsi que d’un Plan de Sauvegarde et de Numérisation (PSN) depuis 2005 en collaboration avec l’INA25. La numérisation de ces entretiens est en cours depuis 2005. Les entretiens numérisés sont ainsi disponibles en région depuis les postes informatiques de l’INA, notamment depuis la Bibliothèque Municipale d’Angers.

Henri Hoppenot a été interviewé par Jean José Marchand les 23 et 24 Novembre 1970. L’entretien a lieu dans son salon. Les rushes ont une durée de 2 heures 40 minutes, soit 3 bobines d’une heure environ divisées en 4 parties lors de la numérisation. Henri Hoppenot, qui a près de 80 ans, raconte sa vie et sa carrière devant la caméra. Malgré son grand âge et une propension à confondre les dates, sa mémoire reste vive et il est capable de raconter des conversations qu’il a tenues des décennies auparavant. Il est évident au vu du grand âge du témoin et de l’éloignement temporel des faits évoqués, qu’un travail de reconstruction de la mémoire a eu lieu. Henri Hoppenot a pu répéter et déformer les évènements qu’il raconte au fil des années. Toutefois Henri Hoppenot n’ayant pas laissé de mémoires, cette interview ne peut pas être ignorée et elle apporte des éléments complémentaires. Henri Hoppenot relate toute sa vie, de sa naissance aux années 1970.

Il raconte l’ensemble des postes qu’il a occupé en tant que diplomate ainsi que les écrits qu’il a publiés ou non. Il témoigne des rencontres qu’il a eues avec un grand nombre de personnalités aussi bien artistiques et littéraires que diplomatiques et politiques. L’entretien est le seul document dans lequel Henri Hoppenot s’adresse directement à un public. Il y exprime assez ouvertement ses sentiments et ses émotions alors qu’elles transparaissent peu dans le journal de sa femme ou dans sa correspondance.

Les archives publiques mobilisées pour le mémoire sont exclusivement issues du CADN. Le Centre des Archives Diplomatiques de Nantes a été créé en 1987. Il accueille les archives provenant des postes diplomatiques et des représentations françaises à l’étranger (ambassades, consulats, organismes internationaux…) ainsi que les archives des protectorats marocain et tunisien et des mandats confiés par la SDN en Syrie et au Liban. Le CADN regroupe les archives les plus utiles pour suivre la carrière d’un diplomate à l’étranger. Henri Hoppenot ayant été en poste au Chili, au Brésil, en Allemagne, en Syrie-Liban et en Suisse entre 1923 et 1933, les fonds en provenance de ces différents postes sont mis à profit.

25 GUYOT Jacques et ROLLAND Thierry, Les archives audiovisuelles. Histoire, culture, politique, Armand Colin, Paris, 2011, p. 94 et 116-117.

(16)

Henri Hoppenot est en poste au Chili de 1923 à 1924. Les archives en provenance de la légation française à Santiago sont riches en informations sur la mission d’Henri Hoppenot sur place. Les articles contenant les dossiers du personnel ainsi des informations sur les relations franco-chiliennes entre 1923 et 1924 sont identifiés. L’article 3 contient le dossier personnel d’Henri Hoppenot au Chili. L’article 37 regroupe les rapports des chefs de postes sur la situation politique du Chili entre 1920 et 1925. Les rapports d’Henri Hoppenot en tant que chargé d’affaires témoignent de l’instabilité ministérielle du gouvernement chilien qui débouche sur le coup d’Etat du 5 septembre 1924. L’article 143 regroupe la correspondance des dépêches et des télégrammes entre la légation et le Quai d’Orsay pour les années 1923-1924. Henri Hoppenot communique presque quotidiennement avec le Département français sur ses actions et ses observations en tant que chargé d’affaires.

Henri Hoppenot est en poste au Brésil de 1924 à 1925. La série B du fonds en provenance de Rio de Janeiro contient l’ensemble de la correspondance de l’ambassade de France au Brésil entre 1919 et 1972. Les cartons contenant la correspondance des années 1924-1925 ont été identifiés. Les cartons 2 et 3 contiennent les courriers échangés entre l’ambassade et le Quai d’Orsay pour les années 1924 et 1925. Henri Hoppenot, devenu chargé d’affaires le 1er Janvier 1925, envoie 96 rapports durant ses quatre mois de gérance. Le carton 56 contient les télégrammes échangés entre l’ambassade et le Quai d’Orsay pour les années 1923-1927. La série 4 du fonds en provenance de Rio de Janeiro contient les archives des négociations politiques et commerciales menées par la légation puis l’ambassade de France au Brésil entre 1915 et 1964. Les cartons contenant les informations relatives à la gérance de l’ambassade par Henri Hoppenot entre 1924 et 1925 ont été identifiés. Le carton 5 contient le dossier personnel d’Henri Hoppenot au Brésil, toutefois il contient davantage de documents sur le premier séjour d’Hoppenot à Rio de Janeiro entre 1918 et 1919 que sur le second séjour (1924-1925) étudié dans ce mémoire. Les cartons 75 et 76 contiennent des informations relatives à l’établissement d’une ligne aérienne par la société Latécoère à partir de 1924 et à laquelle l’ambassade de France au Brésil apporte son soutien.

Henri Hoppenot est en poste en Allemagne de 1925 à 1927. La série B du fonds en provenance de Berlin contient les archives de l’ambassade de France en Prusse puis en Allemagne entre 1815 et 1939. Les cartons contenant des informations relatives à la correspondance du poste, au personnel de l’ambassade et aux échanges culturels franco-allemands pour la période 1925-1927 ont été identifiés. Bien de l’ambassade de France à Berlin soit une grande ambassade et malgré le grand nombre de cartons disponibles, Henri Hoppenot n’apparait pas directement dans les archives, il

(17)

n’est qu’évoqué par d’autres. Cela s’explique par sa position subalterne dans l’organigramme de l’ambassade. Toutefois, un certain nombre d’éléments ressortent à la lecture de ces archives. Les cartons 357 à 360 contiennent les dossiers personnels des diplomates en poste à Berlin durant les années 1920-1930, malheureusement, les dossiers de plusieurs agents, dont celui d’Henri Hoppenot, sont manquants. Le dossier de l’ambassadeur Pierre de Margerie (1861-1942), le supérieur d’Henri Hoppenot, évoque toutefois ce dernier. Les cartons 115 et 116 contiennent les télégrammes envoyés par l’ambassade au Quai d’Orsay en 1926 et 1927. Les cartons 248 et 249 contiennent les télégrammes reçus du Département à Paris par l’ambassade en 1926 et 1927. Les télégrammes échangés entre l’ambassade et le Quai d’Orsay ont parfois pour objet Henri Hoppenot.

Henri Hoppenot est en poste dans le mandat français en Syrie-Liban entre 1927 et 1931. Le fonds 1SL contient les archives du mandat français en Syrie et au Liban entre 1919 et 1947. Les archives en provenance des autorités françaises dans le mandat syro-libanais ont un système de classement différent du reste du CADN compte tenu du volume de documents, nécessitant notamment un système d’inventaires sur plusieurs niveaux. Une grande partie du fonds n’est pas communicable.

Ainsi, seule la série 1SL/250 contient des cartons consultables sur la période étudiée. Cette série regroupe les archives du service Législation-Justice-Contentieux et compte 83 articles. Malgré un corpus restreint par les sources disponibles, les cartons contenant des informations relatives au mandat d’Henri Ponsot en tant que Haut-Commissaire (1926-1933) ont été identifiés. Les cartons avec des informations sur le personnel du haut-commissariat, les informations sur la question de la constitution de la Syrie ainsi que sur la question de la frontière syro-turque y sont notamment intégrés. Ceux-ci apportent des informations sur les fonctions d’Henri Hoppenot et en particulier sur les négociations franco-turques pour le bornage de la frontière syro-turque auxquelles il participe.

La série 1 du fonds en provenance d’Ankara contient les archives de l’ambassade de France en Turquie entre 1919 et 1952. Henri Hoppenot n’est pas en poste à Ankara mais il y est envoyé en 1929 en tant que représentant du haut-commissariat du mandat syro-libanais pour les négociations concernant la frontière syro-turque. Les cartons contenant des informations relatives à cette frontière sont à utiliser en complément de ceux sur la question de la frontière syro-turque dans le fonds du mandat français en Syrie et au Liban vu précédemment. Les cartons 148 à 151 regroupe les documents sur les questions de la frontière syro-turque de 1926 à 1929 et notamment les travaux préparatoires menés, entre autres, par Henri Hoppenot en vue d’un traité entre la Turquie et la Syrie.

(18)

Henri Hoppenot est en poste en Suisse de 1931 à 1933.La série 1 du fonds en provenance de Berne contient les archives de la légation puis de l’ambassade de France en Suisse entre 1662 et 1942. Les cartons contenant des informations relatives à la correspondance du poste, les dossiers du personnel ainsi que les traités et accords franco-suisses pour la période 1931-1933 ont été identifiés.

Les cartons 453 à 456 contiennent les rapports envoyés par l’ambassade entre 1931 et 1933. Les rapports du chargé d’affaires Henri Hoppenot en constituent une bonne partie. Le carton 525 contient les documents relatifs aux conventions commerciales entre la France et la Suisse. Henri Hoppenot mène en partie la révision d’un accord commercial franco-suisse. Les cartons 599 à 606 sont consacrés au personnel de l’ambassade et à leurs fonctions. Toutes les informations sur le diplomate Henri Hoppenot y sont intégrées. Le carton 606 contient notamment le dossier personnel d’Henri Hoppenot.

La diversité des sources employées conduit à croiser ces sources entre elles pour avoir une vision, si ce n’est global, tout du moins d’ensemble de la vie d’Henri Hoppenot entre 1922 et 1933.

L’utilisation des sources diplomatiques permet d’avoir la vision officielle des événements tandis que les sources privées comme le journal d’Hélène Hoppenot et les lettres échangées donnent une vision plus subjective de ces mêmes événements. La majorité des sources utilisés ne sont pas de la main d’Henri Hoppenot et permettent d’appréhender quelle image ce dernier renvoie au monde.

En cela, l’interview d’Henri Hoppenot permet d’apprendre comment Henri Hoppenot lui-même se perçoit. Certaines sources ne seront pas croisées avec d’autres car elles apportent des informations sur certains points précis qui sont difficilement vérifiables à l’aide d’autres sources.

Le plan adopté est censé répondre à la problématique suivante : Comment Henri Hoppenot poursuit sa carrière diplomatique tout en cherchant à percer dans le monde littéraire ? La période étudiée (1922-1933) pourrait conduire à adopter un plan chronologique divisé en cinq parties pour étudier les cinq postes où Henri Hoppenot a été nommé. Les répétitions qui ne manqueraient pas d’apparaitre et le format non-académique des cinq parties conduit à privilégier un format plus classique en deux parties qui se concentrent sur deux axes majeurs qui caractérisent la vie d’Henri Hoppenot durant cette période.

Ainsi il s’agira tout d’abord d’étudier la carrière diplomatique d’Hoppenot entre 1922 et 1933. Son avancement au sein de la Carrière, les postes qu’il occupe, du grade de secrétaire de 2ème classe à celui de conseiller, le train de vie qu’il mène et les récompenses qu’il reçoit seront étudiés. Ses fonctions aux différents postes où il est nommé et en particulier les moments où il est chargé d’affaires (pour des raisons de sources) seront une seconde sous-partie importante. Enfin, l’étude

(19)

des réseaux à la fois familiaux et professionnels que tisse Henri Hoppenot permet de voir les stratégies mises en place pour faire avancer sa carrière et obtenir de nouveaux postes.

Dans un second temps, il s’agira d’étudier la carrière littéraire qu’Henri Hoppenot mène en parallèle de sa carrière diplomatique durant la période étudiée. En premier lieu, il s’agit d’étudier les conditions d’écriture et de publication de deux recueils de poésie publiés par Hoppenot : Moharem en 1923 et Continent perdu en 1927. Une étude de la collaboration entre Henri Hoppenot et des proches issus du monde de l’édition ou de la musique sera également faite. Il s’agit en particulier de ses collaborations avec la libraire et éditrice Adrienne Monnier qui le soutient dans la publication de ses ouvrages et avec son ami compositeur Darius Milhaud pour l’écriture et la mise en scène de trois opéras-minutes en 1927. Troisièmement, il s’agira d’étudier la figure d’Henri Hoppenot comme un « passeur de culture ». Cette expression, utilisée par Béatrice Mousli pour désigner Henri Hoppenot26, caractérise bien l’homme : grâce à sa position de diplomate, il peut favoriser les échanges culturels entre la France et les pays où il est en poste. Il d’agira donc d’étudier les relations que Henri Hoppenot établit avec certains intellectuels et artistes qu’il rencontre au gré de ses affectations. Les travaux de traductions d’ouvrages qu’il fait faire ou fait lui-même sont également un point important.

26 MOUSLI Béatrice (édit.), Adrienne Monnier/Henri et Hélène Hoppenot, Correspondance, Editions des Cendres, Paris, 1997, p.10.

(20)

I- La carrière diplomatique d'Henri Hoppenot

Henri Hoppenot est avant tout un diplomate. Il rejoint la Maison de la Presse au Quai d'Orsay, autrement dit le service de propagande du Ministère des Affaires étrangères, lors du déclenchement de la guerre en 1914. Il est envoyé dans deux premiers postes à l'étranger : en Suisse en 1917 et au Brésil en 1918-1919 où il est sous les ordres de Paul Claudel qui devient rapidement un mentor pour Hoppenot. Henri Hoppenot ne passe le concours pour devenir diplomate qu'en 1919. Il avait été annulé le temps du conflit et le concours de 1919 est une session de rattrapage pour régulariser les agents engagés durant la guerre27. Une fois reconnu comme un diplomate à part entière, Henri Hoppenot est en poste en Perse de 1920 à 1921 et il y est chargé d’affaires dans des conditions assez difficiles28. En 1922, il est de retour en France pour prendre ses congés avant de repartir vers de nouveaux horizons. Il est alors secrétaire d’ambassade de 3ème classe, ce qui correspond au second grade qu’atteint un diplomate suivant un cursus honorum classique. Mais Henri Hoppenot occupe généralement des fonctions supérieures à son grade.

1. Un long parcours vers la reconnaissance entre 1922 et 1933

Entre 1922 et 1933, Henri Hoppenot est en poste dans cinq pays différents. Parfois pour de courtes périodes (moins d’un an au Brésil), parfois plus longtemps (jusqu’à quatre ans au Levant), Henri Hoppenot poursuit une carrière similaire à celle des autres diplomates. Les missions effectuées, bien qu’elles puissent varier selon les postes, sont souvent les mêmes et répétitives et les contraintes financières pour assurer son rang sont assez lourdes pour un jeune diplomate sans fortune personnelle. Toutefois Henri Hoppenot se montre appliqué et obtient la reconnaissance de son travail.

1.1. Du Chili à la Suisse, une succession rapide de postes

Henri Hoppenot est en poste au Chili, au Brésil, en Allemagne, en Syrie-Liban et en Suisse entre 1922 et 1933. Dans le même temps, il passe du grade de secrétaire d’ambassade de 3ème classe à celui,

27 BARBIER Colette, Henri Hoppenot, diplomate (25 Octobre 1891-10 Août 1977), Direction des archives, Ministère des affaires étrangères, 1999, p. 18.

28 MOUSSET Martin, Les relations franco-perses au début des années 1920 : les actions du chargé d’affaires Henri Hoppenot à la légation française de Téhéran (25 octobre 1920-20 décembre 1921), mémoire de master 1 sous la direction d'Yves Denéchère, Université d'Angers, 2019.

(21)

de facto, de conseiller d’ambassade. Il convient de s’intéresser plus précisément au parcours suivi par Henri Hoppenot entre 1922 et 1933.

En 1922, Henri Hoppenot profite de ses congés en France pour tenter d’obtenir une autre affectation. En effet, il a été nommé 1er secrétaire à la légation de France de Santiago du Chili le 1er novembre 192129. Darius Milhaud suit attentivement les tractations de son ami : « Je ne veux absolument pas que vous partiez pour un Tokyo hypothétique sans vous revoir. […] Je serais ravi que vous alliez à Prague »30. Être nommé à Tokyo permettrait à Hoppenot de rejoindre Paul Claudel qui y est ambassadeur (1921-1927). Henri Hoppenot part toutefois pour Santiago du Chili qu’il rejoint le 23 février 192331.

Figure 1: Carte du Chili central au début du XXe siècle.

29 CADN, 616PO/1/3, dossier Hoppenot, dépêche du 2 novembre 1921.

30 MOUSLI Marie France (édit.), Madeleine et Darius Milhaud-Hélène et Henri Hoppenot, Conversation, correspondance (1918-1974), "les inédits de Doucet", Gallimard, Paris, 2005, lettre de septembre 1922, p. 63

31 CADN, 616PO/1/3,dossier Hoppenot, dépêche du 23 février 1923.

(22)

Henri Hoppenot intègre la petite équipe diplomatique en poste à la légation française de Santiago.

Il existe à cette époque une hiérarchie des postes diplomatiques : les ambassades sont dirigées par un ambassadeur et situées dans les pays considérés comme des grandes puissances, le nombre d’ambassades françaises passe ainsi de dix en 1913 à seize en 1940. Les autres Etats accueillent des légations dirigées par un ministre plénipotentiaire. Le duopole ambassade/légation disparait après 1945 : la plupart des représentations diplomatiques sont élevée au rang d’ambassade32. Le ministre en poste au Chili est Hyacinthe Lefeuvre-Méaulle (1863-1958), un consul en fin de carrière comme beaucoup de chefs de poste en Amérique du Sud. Hélène Hoppenot écrit à ce sujet : « Le Corps diplomatique n’est pas brillant : les pays d’Europe déversent sur l’Amérique du Sud leurs rebuts, des consuls, généralement, qu’il faut bien envoyer quelque part avant de les mettre à la retraite »33. Outre Henri Hoppenot, secrétaire d’ambassade, se trouve aussi le capitaine Horace Piaggio, attaché militaire et Louis Vion, chancelier-archiviste. Ils sont rejoints par Paul Walle (1872-1950), attaché commercial34. La légation de France se situe alors en banlieue de Santiago : « Elle se trouve à vingt minutes de voiture du centre, éloigné de tout et de tous »35. L’ambassade actuelle, située Avenida Condell, plus proche du centre-ville, sera louée par Henri Hoppenot lorsqu’il sera chargé d’affaires et il justifie son choix par un souci d’offrir au personnel diplomatique un cadre de travail agréable tout en donnant à la France un immeuble diplomatique à la hauteur de son rang36. L’hôtel particulier de l’Avenida Condell sera finalement acheté par la France en 1930. Les Hoppenot louent quant à eux une villa située Avenida Pedro Valdivia, à moins d’un kilomètre de la nouvelle légation.

L’année 1923 est marquée par la naissance de leur fille Violaine le 20 avril, son prénom est choisi par son père « en souvenir de Claudel »37. Henri Hoppenot s’ennuie dans ces fonctions de secrétaire : le ministre garde tout pour lui, ne déléguant rien à son subordonné38. Henri Hoppenot ne peut que constater son inutilité à son poste : « J’ai trouvé un chef agréable et qui ne tardera pas trop, je l’espère, à partir […] J’ai fort peu à faire »39. Il va même plus loin dans un rapport au ministère sur les économies qu’il est possible de faire en proposant de supprimer le poste de secrétaire

32 KESSLER Marie-Christine, Les ambassadeurs, Presses de Sciences Po, Paris, 2012, p. 21-31.

33 HOPPENOT Hélène, Journal, 17 mai 1923, p. 299.

34 Annuaires diplomatiques et consulaires, 1923, p. 30, et 1924, p. 31.

35 HOPPENOT Hélène, Journal, 23 février 1923, p. 287.

36 CADN, 616PO/1/143, dépêche du 28 août 1924.

37 HOPPENOT Hélène, Journal, 27 avril 1923, p. 296.

38 HOPPENOT Hélène, Journal, 3 mars 1923 p. 289-290.

39 MOUSLI Béatrice (édit.), Adrienne Monnier/Henri et Hélène Hoppenot, Correspondance, Editions des Cendres, Paris, 1997, lettre du 11 mars 1923, p. 27-28.

(23)

d’ambassade de la Légation si le chef de poste fournit un travail raisonnable pour assurer ses obligations : « J’en fais l’expérience depuis trois semaines, comme j’ai fait auparavant pendant dix mois celle de mon inutilité »40. En effet, Henri Hoppenot travaille activement lorsqu’il est chargé d’affaires à la suite du départ de Lefeuvre-Méaulle le 2 janvier 1924 et jusqu’à l’arrivée du nouveau ministre Loiseleur des Longchamps-Deville le 8 septembre 1924. Le même jour, Henri Hoppenot apprend sa nomination à l’ambassade de France au Brésil41. Les Hoppenot quittent Santiago le 4 octobre 1924. Pour l’occasion, le journal El Mercurio salue le départ de « la sympathique figure morale et intellectuelle du chargé d’affaires français », soulignant en particulier ses goûts artistiques42.

Les Hoppenot arrivent à Rio de Janeiro le 13 octobre 1924, ravis de revenir dans un pays qu’ils ont aimé lors de leur premier séjour en 1918-1919. Toutefois le « campement diplomatique » tenu par Paul Claudel et Darius Milhaud à bien changé. Tout d’abord la légation a été élevée au rang d’ambassade en 1919, peu après le départ des Hoppenot. La France, en même temps que le Royaume-Uni et l’Italie, remerciait ainsi le Brésil de son entrée en guerre contre l’Allemagne43. De plus, le fait que l’ambassade de France au Brésil soit la seule du continent sud-américain confère au Brésil la position de puissance régionale, tout du moins dans la hiérarchie des représentations diplomatiques françaises. L’ambassadeur n’est plus Paul Claudel mais Alexandre Conty (1864-1947), réputé colérique. Le personnel diplomatique s’est étoffé : outre l’ambassadeur et Henri Hoppenot, promu secrétaire d’ambassade de 2eme classe le 21 novembre 1924, il se trouve M. Bellot, chancelier-archiviste, le commandant Salats, attaché militaire et M. Couve, attaché commercial très vite remplacé par Paul Ploton. La représentation diplomatique a également déménagé : la maison coloniale occupée par Claudel, Rua Paysandu, proche du palais présidentiel du Catete, fut cédée par le chargé d’affaires Jean de Hautecloque (1893-1957) qui ne put acquérir une autre résidence qu’il convoitait et se rabattit sur une autre Rua Léon. La localisation exacte de cette rue à l’heure actuelle reste inconnue. La nouvelle résidence est vue comme une solution temporaire mais qui dure : « De ma vie je n’ai vu une demeure officielle aussi minable : une rue ouvrière où des négrillons passent

40 CADN, 616PO/1/143, dépêche de janvier 1924.

41 HOPPENOT Hélène, Journal, 8 septembre 1924, p. 344.

42 CADN, 616PO/1/3, dossier Hoppenot, article du Mercurio du samedi 4 octobre 1924.

43 QUEIROS MATTOSO Katia de, MUZART-FONSECA DOS SANTOS Idelette et ROLLAND Denis (dirs.), Le Brésil, l'Europe et les équilibres internationaux (XVIe-XXe siècles), Centre d'Etudes sur le Brésil, PU de Paris-Sorbonne, 1999, p. 271.

(24)

entre vos jambes, une lavanderie populaire, une écurie de mulets dont le voisinage est bruyant et doit amener des myriades de mouches et des mauvaises odeurs »44.

Peu après l’arrivée des Hoppenot, Rio de Janeiro est secoué par la mutinerie du São Paulo, un cuirassé de la flotte qui tire quelques obus en direction du palais du Catete avant de prendre la mer vers Montevideo, en Uruguay45. La mutinerie fait partie des nombreux faits d’armes menés par le mouvement des tenentes (lieutenants), des sous-officiers politisés réclamant des réformes sociales et la fin de la vielle république oligarchique. Le fait que le navire mutin porte le nom de la seconde ville du Brésil, São Paulo, la rivale de la capitale, et alors que des mouvements séparatistes secouent le pays a pu jouer un rôle dans la réussite des mutins selon le rapport que fait l’ambassadeur Conty par suite de l’incident46. L’ambassadeur obtient rapidement son congé et Henri Hoppenot devient chargé d’affaires le 31 décembre 1924 jusqu’au 7 mai 1925. Hoppenot, qui a pu obtenir un congé

« à ses frais »47, quitte Rio de Janeiro le 28 juin 1925.

L’été et l’automne 1925, le temps du congé d’Henri Hoppenot, sont marqués par le retour en France et les retrouvailles avec la famille à Paris et dans la résidence familiale du Touquet et avec les amis, en particulier Adrienne Monnier dans sa librairie et les Milhaud à Paris et à Aix-en-Provence. Henri Hoppenot apprend qu’il va être nommé à l’ambassade de Berlin, ce qui déplait beaucoup à sa femme48. Toutefois, il envisage de présenter sa candidature à un poste en Tunisie. Le couple soupèse le pour et le contre : un poste au soleil où la vie est peu chère mais cela signifie aussi abandonner un poste dans une grande ambassade pour un protectorat et la mise hors cadre que cela implique pourrait être un frein dans la carrière d’Henri Hoppenot49. En effet, bien que les protectorats soient administrés par le Ministère des Affaires étrangères, les diplomates qui y sont détachés sont placés hors cadres : leur avancement au sein de la carrière diplomatique est gelé et leur traitement réduit. Les Hoppenot, sur les conseils des amis diplomates, en particulier Claudel, Léger et Charles Corbin (1881-1970, cousin d’Henri), partent finalement pour Berlin.

44 HOPPENOT Hélène, Journal, 25 octobre 1924, p. 358.

45 HOPPENOT Hélène, Journal, 4, 5 et 10 novembre 1924, p. 360-361.

46 CADN, 573PO/B/2, dépêche du 5 novembre 1924.

47 HOPPENOT Hélène, Journal, 6 mai 1925, p. 382.

48 HOPPENOT Hélène, Journal, 21 juillet 1925, p. 391-392.

49 HOPPENOT Hélène, Journal, 24 juillet 1925, p. 392-393.

(25)

Les Hoppenot arrivent à Berlin le 15 décembre 1925. L’ambassade de France a un personnel important : l’ambassadeur est Pierre Jacquin de Margerie (1861-1942), André Lefebvre de Laboulaye (1876-1966) est le conseiller de l’ambassadeur, puis vient Henri Hoppenot en tant que 1er secrétaire. C’est la première fois qu’Hoppenot n’occupe pas la seconde place de l’organigramme d’une légation ou ambassade où il est en poste depuis la Suisse en 1917. De ce fait, c’est le conseiller qui assure les gérances lors de l’absence de l’ambassadeur. Après Hoppenot vient Roland Jacquin de Margerie (1899-1990), le fils de l’ambassadeur, et qui grâce à cette filiation, joue le rôle de conseiller officieux de son père au détriment du conseiller et du 1er secrétaire. Enfin Jacques Fouques-Duparc (1897-1966) et Gilbert Arvengas (1892- ?) sont troisièmes secrétaires tandis que le comte Boniface de Castellane (1896-1946) et le baron Raymond de Boyer de Sainte-Suzanne sont attachés d’ambassade. En 1927, Maurice Dayet (1889-1973) devient second secrétaire tandis que M Denaint remplace Fouques-Duparc50. L’ambassade de France à Berlin est située comme aujourd’hui au 5 Pariser Platz, près de la porte de Brandebourg et à 200 mètres du Reichstag.

Construit comme hôtel particulier au XVIIIe siècle, le bâtiment abrite la légation de France depuis 1835 avant d’être acheté en 1860. L’ambassade a connu un ravalement de façade en 1930 puis elle a été totalement rasée en 1945 lors de la prise de Berlin par l’Armée Rouge. La scission de

50 Annuaires diplomatiques et consulaires, 1926 et 1927.

Figure 2: L'ambassade de France à Berlin en 1925. Source : AUFFRAY Bernard, Pierre de Margerie (1861-1942) et la vie diplomatique de son

temps, Klincksieck, Paris, 1976.

(26)

l’Allemagne en deux Etats et la construction du Mur de Berlin (1961-1989) sur le site de l’ambassade empêche sa reconstruction. Il faut attendre la réunification en 1990 pour que l’ambassade soit reconstruite et rouvre ses portes en 2002 sur son site historique.

En raison de sa position subalterne, les fonctions précises d’Henri Hoppenot à l’ambassade ne sont pas connues. Marion Aballéa, qui a consacré sa thèse à l’ambassade de France à Berlin entre 1871 et 193351, laisse entendre qu’Henri Hoppenot aurait pu se charger des relations culturelles entre la France et l’Allemagne, ce qui correspond tout à fait à cet homme de culture : dans une lettre à Adrienne Monnier, Henri Hoppenot fait la liste des artistes français venus à Berlin depuis son arrivée52. Berlin est redevenu dans les années 1920 une des capitales culturelles de l’Europe et le séjour d’Henri Hoppenot correspond au moment où les relations franco-allemandes sont les plus cordiales durant l’entre-deux-guerres. Colette Barbier se demandant si Henri Hoppenot avait participé à la préparation des accords de Locarno entre, parmi les parties signataires, les ministres des Affaires étrangères français Aristide Briand (1862-1932) et allemand Gustav Stresemann (1878- 1929), Henri Hoppenot lui-même répond que non : « Je suis arrivé juste après Locarno »53. Toutefois, Henri Hoppenot profite de cette nouvelle relation apaisée entre la France et l’Allemagne et il se prend à espérer que la culture apportera la paix entre les nations : « Est-ce ainsi qu’une Europe commence à se refaire ? Je l’espère et l’on sent tout de même que l’esprit reprend ses droits après ce tragique effacement de dix années »54.

Mais la situation en Allemagne reste compliquée à la suite de l’hyperinflation qu’a connue le pays entre 1921 et 1924 et les Français représentent toujours les ennemis de l’Allemagne. Marion Aballéa évoque ainsi la vague d’incidents voire d’agressions à l’encontre des intérêts français et le personnel diplomatique lui-même n’est pas épargné55. C’est par ailleurs en tant que victime de cette vague d’incidents qu’apparait Henri Hoppenot dans les sources de l’ambassade. Une vague de cambriolages touche le Corps diplomatique entre décembre 1926 et janvier 1927, « sujet de conversation et de plaisanterie » lorsque cela touche les autres56, elle atteint les Hoppenot le 27

51 ABALLEA Marion, Un exercice de diplomatie chez l'ennemi. L'ambassade de France à Berlin – 1871-1933, PU du Septentrion, Villeneuve d'Ascq, 2017.

52 MOUSLI Béatrice (édit.), Adrienne Monnier/Henri et Hélène Hoppenot, op cit. Lettre du 31 mars 1926, p. 45.

53 INA, Archives du XXe siècle, Interview d’Henri Hoppenot, 1971.

54 MOUSLI Béatrice (édit.), Adrienne Monnier/Henri et Hélène Hoppenot, op cit. Lettre du 31 mars 1926, p. 45.

55 ABALLEA Marion, Un exercice de diplomatie chez l'ennemi. op cit., p. 138.

56 HOPPENOT Hélène, Journal, 30 janvier 1927, p. 447.

Références

Documents relatifs

Ainsi, suite à l’analyse de ces données, les concentrations des trois antibiotiques choisies pour être ajoutées dans les boues activées remplissant le bio réacteur sont : 500 ng/l

Seul le système arbitraire (dans le sens de non défini par la loi) garantit une justice modérée, nourrie d'équité et qui protège les individus d'un automatisme légal.

(67 des 91 candidats avaient réussi l’examen) 4. En matière de responsabilité médicale, la jurisprudence italienne reconnaît la « perte d’une chance », par contre, aussi

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version. 1

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version. 1

11 Voir par exemple CPJI, affaire du Traitement des nationaux polonais à Dantzig (avis consultatif, 1932), sér.. ancrées dans le droit international 13. En effet, si elle

This same focal position is exploited in the regular interrogative clefts of both varieties, whereas more structure is needed to derive reverse wh-clefts. As for (ii), it was

Au sujet du petit garçon qui se retrouve à mendier pour pouvoir manger (image h.), un début de sen- timent de justice sociale se dégage dans les arguments : « Il y en a qui