Université Libre de Bruxelles
Faculté de Médecine
Laboratoire de Thérapie Cellulaire Clinique
Institut Jules Bordet
Caractérisation des cellules stromales
mésenchymateuses médullaires chez les sujets
normaux et les patients atteints de myélome
multiple : lien avec les lésions ostéolytiques et les
réponses au traitement
Université Libre de Bruxelles
Faculté de Médecine
Laboratoire de Thérapie Cellulaire Clinique
Institut Jules Bordet
Caractérisation des cellules stromales
mésenchymateuses médullaires chez les sujets
normaux et les patients atteints de myélome
multiple : lien avec les lésions ostéolytiques et les
réponses au traitement
Remerciements
Je souhaite tout d’abord remercier les professeurs et docteurs Joanne Rasschaert, Jean-Jacques Body, Francis Corazza, Alexandra Van Keymeulen, Karin Tarte et Ivan Van Riet de m’avoir fait l’honneur de participer à mon jury de thèse et d’avoir accepté d’évaluer mon travail.
Je voudrais remercier mon directeur de thèse le Dr Laurence Lagneaux pour m’avoir accueilli au sein de son laboratoire et de m’avoir donné la chance, au moment où je perdais espoir, de réaliser ce travail de thèse. Je ne saurais assez la remercier pour avoir tout fait, par sa disponibilité, sa patience, ses conseils mais surtout par sa bonne humeur et son humour, pour rendre mon travail aussi agréable que possible. Je la remercie aussi de m’avoir donné l’opportunité de développer ce sujet de façon autonome. Ce contexte m’a permis d’apprendre énormément quant au métier de chercheur.
Au docteur Nathalie Meuleman, toute ma reconnaissance pour avoir contribué à ce travail avec dévouement.
Au docteur Basile Stamatopoulos, toute ma gratitude pour son accueil, son enseignement des techniques, ses très nombreux conseils et sa joyeuse compagnie lors des congrès à l’étranger.
Au docteur Mehdi Najar, toute ma gratitude pour sa précieuse aide lors de l’élaboration de mon second article, ses conseils et pour m’avoir inculqué l’importance de la promptitude.
Merci à Karlien Pieters qui, par son dévouement, sa disponibilité et sa sympathie, m’a beaucoup aidé dans la réalisation des expériences.
Je remercie également tous les membres du Laboratoire de Thérapies Cellulaires et Cliniques et de la banque de sang de cordon de l’Institut Jules Bordet, pour avoir rendu cette aventure scientifique passionnante mais surtout humainement extraordinaire.
Je remercie le département d’Hématologie de l’Institut Jules Bordet, le Dr Olivier Pradier et son laboratoire d’Hématologie de l’hôpital Erasme pour leurs collaborations sans lesquelles rien n’aurait été réalisable.
Merci aux nombreux membres de l’équipe Myélome du Laboratoire de Thérapie Cellulaire et Clinique dont l’indispensable aide m’a permis de réaliser ce travail.
Je tiens tout particulièrement à remercier mon Ange, pour laquelle mon cœur bat si fort. Je ne saurais assez la remercier car, depuis toutes ces années, elle fait de moi l’homme et aujourd’hui le père, le plus heureux du monde.
« La connaissance s'acquiert par l'expérience, tout le reste n'est que de l'information.»
Composition du Jury de Thèse :
Promoteur
Dr. Laurence Lagneaux,
Laboratoire de Thérapie Cellulaire Clinique Institut Jules Bordet (ULB)
Bruxelles, Belgique
Co-promoteur
Dr. Nathalie Meuleman, Département d’hématologie Institut Jules Bordet (ULB) Bruxelles, Belgique
Président du Jury
Pr. Joanne Rasschaert, Département de Biochimie
Université Libre de Bruxelles (ULB) Bruxelles, Belgique
Membres du Jury
Pr. Jean-Jacques Body,
Laboratoire de médecine expérimentale Université Libre de Bruxelles (ULB) Bruxelles, Belgique
Dr. Francis Corazza, Laboratoire d’immunologie CHU Brugmann
Bruxelles, Belgique
Dr. Alexandra Van Keymeulen,
Institut de Recherche Interdisciplinaire en Biologie Humaine et Moléculaire (IRIBHM) Université Libre de Bruxelles (ULB)
Bruxelles, Belgique
Experts extérieurs
Pr. Karin Tarte,
INSERM U917 – MICA Université de Rennes 1 Rennes, France
Pr. Ivan Van Riet,
Liste des abréviations
Ang: Angiopoietin
AP-1: Activator protein 1
APRIL: A proliferation-inducing ligand
ASCT: Autologous stem cell transplant
ATM: Ataxia telangiectasia mutated
ATR: Ataxia telangiectasia and Rad3 related
BAFF: B-cell activating factor
BCL-XL: B-cell lymphoma-extra large
BLIMP: B lymphocyte-induced maturation
protein
BMP: Bone morphogenetic protein
BRCA1: Breast cancer 1
BrdU: 5-Bromo-2-deoxyUridine
CCL: Chemokine (C-C motif) Ligand
CD: Cluster of Differentiation
Cdc: Cell division cycle
CdK: Cyclin-dependent kinase
CE: Cellule endothéliale
CFU-F: Colony-Forming Unit-Fibroblast
CGH: Comparative genomic hybridization
COX: Cyclo-oxygenase
CRAB: Calcium, Renal failure, Anemia,
Bone lesions
CREB: C-AMP response element-binding
protein
CSDA: Cellules Stromales Dérivées du tissu
Adipeux
CSH: Cellule Souche Hématopoïétique
CSM: Cellule Stromale Mésenchymateuse
CTL: Cytotoxic T Lymphocyte
CTLA-4: Cytotoxic T-Lymphocyte
Antigen 4
CXCR: CXC chemokine receptor
DC: Dendritic cell
DEX: Dexaméthasone
DKK-1: Dickkopf WNT signaling pathway
inhibitor 1
DS: Donneur sain
EGF: Epidermal growth factor
ELISA: Enzyme-Linked ImmunoSorbent
Assay
ERK: Extracellular signal-regulated kinase
EST: Expressed sequence tag
FGF: Fibroblast growth factor
FISH: Fluorescence in situ hybridization
FN: Fibronectine
G-CSF: Granulocyte colony-stimulating
factor
GDF: Growth differentiation factor
GM-CSF: Granulocyte macrophage
colony-stimulating factor
HA: Hyaluronic acid
HGF: Hepatocyte Growth Factor
HLA: Human Leucocyte Antigen
HUVEC: Human umbilical vein endothelial
cell
ICAM: Intercellular Adhesion Molecule
IDO: Indoleamine-pyrrole 2,3-dioxygenase
IFN-γ: Interferon-gamma
Ig: Immunoglobuline
IGF: Insulin-like growth factor
IL: Interleukine
IMiD: Immunomodulator drug
ISCT: International Society for Cellular
Therapy
ISS: International staging system
I-TAC: Interferon–inducible T cell alpha
chemoattractant
LFA: Lymphocyte Function-associated
Antigen
LIF: Leukemia Inhibitory Factor
LPS: Lipopolysaccharides
LTC-IC: Long-term culture initiating cell
MCL: Myeloid leukemia cell differentiation
protein
MGUS: Monoclonal gammopathy of
undeterminated significance
MHC: Major Histocompatibility complex
MIC: Macrophage inhibitory cytokine
MIP: Macrophage inhibitory protein
MM: Myélome multiple
MMP: Matrix metalloproteinase
MO: Moelle Osseuse
MPC1: Mitochondrial pyruvate carrier 1
NF-κB: Nuclear factor-kappa B
NGFR: Nerve growth factor receptor
NHRD: Non-hyperdiploïde
NK: Natural Killer
NO: Nitric Oxide
OB: Ostéoblaste
OC: Ostéoclaste
OPN: Ostéopontine
Osx: Ostéorix
PAI: Plasminogen activator inhibitor
PAL: Phosphatase alkaline
PC: Plasmocyte
PCR: Polymerase Chain Reaction
PDGF: Platelet-Derived Growth Factor
PGE: Prostaglandine E
PHA: Phytohemagglutinine
PKC: Protein kinase C
PTH: Parathyroid hormone
PTHrP: Parathyroid hormone-related protein
qRT-PCR: Quantitative real-time polymerase
chain reaction
RANKL: Receptor activator of nuclear factor
kappa-B ligand
Rb: Retinoblastoma protein
RHAMM: Receptor for hyaluronan-mediated
motility
ROS: Reactive oxygen species
Runx: Runt box
SA-β-Gal: Senescence-associated
β-Galactosidase
SDF: Stromal cell-derived factor
SERPIN: Endothelial plasminogen activator
inhibitor
sFRP: Secreted frizzled-related protein
SMAC: Second mitochondria-derived
activator of caspases
STASIS: Stress or aberrant signaling-induced
senescence
STAT: Signal transducers and activators of
transcription
TCR: T cell receptor
TGF-β: Transforming Growth Factor-beta
Th: T helper
TIMP: Metallopeptidase inhibitor
TLR: Toll-Like Receptor
TNF: Tumor Necrosis Factor
TOBP1: DNA topoisomerase 2-binding
protein 1
TRAIL: Tumor-necrosis-factor related
apoptosis inducing ligand
Treg: T régulateur
TRF: T cell Replacing Factor
uPAR: Urokinase receptor
VCAM: Vascular Cellular Adhesion
Molecule
VEGF: Vascular endothelial growth factor
VLA: Very Late Antigen
Résumé
Le myélome multiple (MM) est une hémopathie maligne de la lignée B qui se manifeste par
une accumulation de plasmocytes monoclonaux dans la moelle osseuse. Le MM se caractérise par
la nature inéluctable de ses rechutes de plus en plus réfractaires au traitement. Au sein de la moelle
osseuse, les cellules malignes interagissent avec leur microenvironnement notamment composé de
cellules stromales mésenchymateuses (CSM). Les CSM apportent un soutien aux cellules
plasmocytaires (PC) malignes via des interactions cellulaires directes (VLA-4, VCAM-1, CD44,…)
ou par la production de cytokines (IL-6, SDF1, VEGF,…). De ces interactions résulte l’apparition
d’altérations constitutives au sein des MM-CSM telles qu’une production réduite de dépôts de
calcium et une augmentation de la sécrétion de nombreux facteurs (IL-6, GDF-15, etc.).
L’objectif de ce travail est de mieux caractériser les anomalies constitutives (génomiques,
prolifératives, immunomodulatrices, etc.) des MM-CSM et d'évaluer l’impact des traitements reçus
par les patients sur ces anomalies. Ces analyses permettront de mieux définir le rôle des CSM dans
la physiopathologie et la progression de la maladie afin de mettre en évidence d’éventuelles cibles
thérapeutiques.
Compte tenu de l’altération de nombreux acteurs du cycle cellulaire mise en évidence par
notre analyse du profil d’expression génique des MM-CSM après comparaison avec celui des CSM
de donneurs sains (DS-CSM), nous avons décidé d’étudier leurs capacités prolifératives. Nos
observations démontrent que a) les MM-CSM sont caractérisées par une réduction de leur
clonogénicité et par un temps de doublement plus important par rapport aux DS-CSM b) l’entrée
précoce des MM-CSM en sénescence est confirmée par l'augmentation drastique du nombre de
cellules exprimant la « senescence-associated β-galactosidase », par l’augmentation de la taille
cellulaire, par l’expression spécifique de membres du « senescence-associated secretory profile »
(SASP) et par la surexpression de TP53 et TP21, deux facteurs importants du cycle cellulaire et de
la sénescence c) l’ostéoblastogenèse des MM-CSM est altérée en raison de ce processus de
sénescence, à savoir, une réduction de la production de calcium et une hausse précoce de l’activité
de la phosphatase alcaline des MM-CSM par rapport aux DS-CSM d) l’activité de support à
l’hématopoïèse des MM-CSM est augmentée (« increased Blast-Colony Forming Cells and
Long-Term Culture Initiating Cells »).
Dans la seconde partie de ce travail, on s’est intéressée plus particulièrement aux capacités
immunomodulatrices des MM-CSM. Nous avons observé, par réaction mixte lymphocytaire et
stimulation mitogénique (PHA/IL-2), a) une réduction de l’inhibition de la prolifération des
lymphocytes T activés en présence de MM-CSM par rapport aux DS-CSM b) une inversion du ratio
Th17/Treg lorsque des lymphocytes T activés sont cultivés en présence de MM-CSM par rapport
aux DS-CSM ; les mécanismes potentiellement impliqués dans ces altérations ont été investigués c)
les MM-CSM présentaient une expression anormale du CD40/40L, VCAM1, ICAM-1, LFA-3
HLA-DR et HLA-ABC et des taux d’IL-6 et d’IL-10 altérés ont été mesuré dans le milieu de
culture lorsque les lymphocytes T activés étaient cultivés en présence de MM-CSM par rapport aux
DS-CSM.
Table des matières
1. Introduction ... 1 1.1. Le myélome multiple ... 1 1.1.1. Définition ... 1 1.1.2. Plasmocytes ... 1 1.1.3. Symptômes ... 3 1.1.4. Diagnostic et classifications ... 3 1.1.5. Traitements ... 5 1.1.5.1. Classification du risque ... 51.1.5.2. Les nouveaux traitements ... 5
1.1.5.2.1. Agents immunomodulateurs ... 5
1.1.5.2.2. Bortezomib ... 6
1.1.5.3. Recommandations belges pour le traitement du MM ... 7
1.1.6. L’oncogenèse ... 8
1.1.6.1. Instabilité génomique ... 8
1.1.6.2. Evasion du système immunitaire... 10
1.1.6.3. Microenvironnement ... 12
1.1.6.3.1. La matrice extracellulaire ... 13
1.1.6.3.2. Le compartiment cellulaire ... 13
1.1.6.3.2.1. Les ostéoclastes ... 14
1.1.6.3.2.2. Les ostéoblastes ... 14
1.1.6.3.2.3. Les cellules endothéliales ... 15
1.2. Les cellules stromales mésenchymateuses... 17
1.2.1. Définition ... 17
1.2.2. Caractéristiques phénotypiques et morphologiques des CSM ... 17
1.2.4. Capacités et fonctions des CSM ... 19
1.2.4.1. Autorenouvellement ... 19
1.2.4.2. Différenciation ... 19
1.2.4.3. Ostéoblastogenèse ... 20
1.2.4.4. Effets immunomodulateurs ... 21
1.2.4.5. Soutien de l’hématopoïèse ... 23
1.2.5. Les CSM dans le myélome ... 23
1.2.5.1. Interactions in vivo ... 23
1.2.5.2. Altérations constitutives ... 24
1.2.5.2.2. Profil sécrétoire ... 26
1.2.5.2.3. Prolifération ... 26
1.2.5.2.4. Ostéoblastogenèse ... 26
1.2.5.2.5. Immunomodulation ... 26
1.2.5.2.6. Support de l’hématopoïèse ... 27
1.2.5.2.7. Profil d’expression génique ... 27
1.2.5.2.8. Anomalies génomiques ... 27
1.3. Sénescence ... 28
1.3.1. Télomères... 29
1.3.2. Dommages à l’ADN ... 30
1.3.3. Régulation transcriptionnelle de la sénescence ... 30
2. Objectifs ... 32
3. Résultats/Publications ... 34
3.1. Evidences of Early Senescence in Multiple Myeloma Bone Marrow Mesenchymal Stromal Cells. ... 35
3.2. Immune impairments of the multiple myeloma bone-marrow mesenchymal stromal cells. ... 36
4. Discussion ... 37
5. Conclusions ... 48
6. Perspectives ... 49
7. Références ... 51
8. Annexes ... 78
8.1. Intitulé de la thèse annexe ... 78
8.2. Données supplémentaires des publications ... 79
8.3. C.V. ... 83
Figure 1 : Formation des plasmocytes
1
1. Introduction
1.1. Le myélome multiple
1.1.1. Définition
Le myélome multiple (MM) est une hémopathie maligne caractérisée par l'expansion
monoclonale de plasmocytes au sein de la moelle osseuse, associée à une sécrétion anormale
d'immunoglobulines (Ig) dans le sang [1].
1.1.2. Plasmocytes
Figure 2 : Commutation isotypique
2
différencient pour leur part en centrocytes, qui constituent la majeure partie de la zone claire du
centre germinatif et donnent naissance aux lymphocytes B à
mémoire et aux plasmocytes à longue
durée de vie [6].
A l’échelle moléculaire ont lieu au cours de cette différenciation en plasmocytes, entre autres,
deux mécanismes modifiant l’affinité et les fonctions des Ig sécrétées: l’hypermutation somatique et
la commutation isotypique. L’hypermutation somatique est l’introduction de mutations ponctuelles
au hasard dans les régions variables des gènes des immunoglobulines [7]. Les gènes des régions
variables des Ig accumulent des mutations à une fréquence d’une paire de base pour 10
3paires de
base à chaque division (10
7fois plus que les autres cellules somatiques). Elle permet la production
de cellules avec un récepteur antigénique très spécifique. La commutation isotypique (figure 2),
aussi appelée « class-switch », correspond à la substitution de la chaîne lourde de l’Ig M par un
autre isotype (G, A ou E) [8]. Elle confère à l’Ig de surface de nouvelles propriétés sans altérer sa
spécificité. Ces processus de formation et de révision du récepteur des cellules B mettent en danger
l’intégrité de leur génome puisqu’ils requièrent la génération de cassures double-brins de l’ADN
des loci des Ig [9]. Ajouté à cela l’impact potentiellement néfaste d’infections chroniques sur le
contrôle de l’expansion des cellules B, la différenciation de ces cellules peut être apparentée à un
désastre en sursis [10]. En effet, de nombreux lymphomes et leucémies ont comme origine une
anomalie dans la différenciation des cellules B matures
(lymphome folliculaire, du manteau, de
Burkitt, d’Hodgkin, de la zone marginale, etc.).
Figure 3 : Les symptômes du myélome multiple
3
sélection et de commutation isotypique [9]. Toutefois, une étude récente démontre qu’une
proportion de certaines translocations (t(11 ;14) et t(14 ;20)) prennent place à un stade précoce du
développement des cellules B dans la moelle osseuse [12].
1.1.3. Symptômes
Dans ses stades précoces, le myélome est souvent asymptomatique et les symptômes
n'apparaissent qu'à un stade plus avancé de la maladie. Les principaux symptômes sont l'anémie, les
lésions ostéolytiques, la diminution de la fonction rénale et l’hypercalcémie. Ces symptômes sont
regroupés sous l’appellation « CRAB symptoms » (figure 3) [13]. L’anémie, présente dans 73% des
patients au diagnostic, est due à une infiltration de plasmocytes dans la moelle osseuse et à des
problèmes de la fonction rénale. Les lésions osseuses, que développent près de 60% des patients au
diagnostic [14], est à mettre en relation avec un déséquilibre entre la formation et la destruction
osseuse. Elles constituent la cause majeure de morbidité dans le myélome en raison de douleurs
osseuses, de l’hypercalcémie, de l’ostéopénie et de fractures pathologiques
.
On peut également citer
comme éléments débilitants fréquents, la compression vertébrale et ses conséquences neurologiques
néfastes. Les problèmes de la fonction rénale (20 à 40% des patients nouvellement diagnostiqués)
résultent de dégâts directs aux structures tubulaires dus à un excès de charges protéiques (Ig), une
déshydratation, une hypercalcémie et l’utilisation de médicaments néphrotoxiques. De plus,
l'hyperviscosité du sang, les infections répétées et des signes d'amyloïdose peuvent également être
considérés comme des symptômes du myélome.
1.1.4. Diagnostic et classifications
Figure 4 : Stades du myélome multiple
Kuehl WM, Bergsagel PL (2002). Nat Rev Cancer 2: 175-187.
Figure 5 : Critères de diagnostique du myélome multiple
4
contraire très faible chez les asiatiques. Comme tout cancer, le myélome multiple ne manifeste que
peu d’alertes préventives. De plus, le stade précédant le myélome, la gammopathie monoclonale à
signification indéterminée (MGUS) est très commun (3% de la population supérieure à 50 ans) et ne
se transforme en cancer qu’à un rythme de 0,5 à 3% par an [17,18]. Bien qu’il ait été démontré que
virtuellement tous les patients qui développent un MM passent par le stade MGUS [17], peu de
choses sont connues sur les évènements favorisant l’évolution des MGUS vers le MM. Au cours de
l’évolution de la maladie et de l’exposition aux traitements, le myélome peut présenter une
évolution plus agressive et passer par trois phases : le MM intramédullaire, le MM extramédullaire
et la leucémie plasmocytaire (figure 4) [19]. Les deux derniers stades se caractérisent par l'absence
d'une dépendance des cellules tumorales à l'environnement de la moelle osseuse.
Les symptômes les plus communs au diagnostic du MM sont une fatigue importante, des
douleurs/fractures osseuses et des infections répétées [14]. Ces symptômes peuvent amener le
médecin à suspecter le développement d’un MM chez le patient et à prescrire des analyses
sanguines et une ponction médullaire afin de déterminer les deux critères biologiques principaux du
diagnostic du MM : une infiltration médullaire de cellules cancéreuses ≥10% et un pic
d’immunoglobulines monoclonales supérieur à 30 g/L [20]. L’absence d’atteinte aux organes
indique que le myélome multiple est asymptomatique ou indolent (MMi). Toutefois, si une atteinte
des organes est observée (« CRAB symptoms »), on parle de myélome multiple symptomatique
(figure 5) [21].
Figure 6 : Classification de Durie-Salmon et ISS
Greipp et al., (2005). J Clin Oncol 23: 3412-3420.
Figure 7 : Classification du risque dans le myélome multiple (« Mayo Clinic »)
5
rénale.
Dans les cas des MM symptomatiques, on distingue les patients suivant l'étendue de la
maladie. La classification de Durie et Salmon, la plus ancienne, classe les patients en 3 stades
suivant le taux sérique d’hémoglobine, de calcium et d’Ig et l’état des lésions osseuses.
L’ « International Staging System » (ISS) classifie les patients symptomatiques en trois stades selon
leurs taux de β
2-microglobuline et d’albumine dans le sang (figure 6) [22].
1.1.5. Traitements
1.1.5.1. Classification du risque
Les systèmes de classification fournissent des informations pronostiques importantes mais
elles ne tiennent pas compte de l’impact des anomalies cytogénétiques. Un modèle de stratification
du risque, qui se base sur un nombre de marqueurs moléculaires cytogénétiques indépendants, a été
développé par les équipes de la « Mayo Clinic »
(figure 7) [23]
. Il distingue 3 classes de risque :
standard avec un temps médian de survie d’environ 6 à 7 ans, intermédiaire avec un temps médian
de survie intermédiaire entre les deux autres classes de risque et haut avec un temps médian de
survie de 2 à 3 ans. Sur base de ce modèle, les patients à hauts risques seront traités de manière plus
agressive [24].
1.1.5.2. Les nouveaux traitements
Le temps de survie globale dans le myélome a été grandement amélioré [25] avec
l’émergence des traitements basés sur le thalidomide [26], le lenalidomide [27] et le
bortezomib [28].
1.1.5.2.1. Agents immunomodulateurs
Figure 8 : (A) Structure moléculaire du thalidomide et du lenalidomide et (B)
leurs mécanismes d’action dans le myélome multiple
(A)
Reske et al., (2010). Leukemia 24 : 22-32.
(B)
6
leur potentiel et leurs effets secondaires (figure 8). Premièrement, ils sont capables d'agir
directement sur les cellules myélomateuses en activant l'apoptose via la voie de la caspase 8 et le
relargage du cytochrome c et de SMAC dans le cytoplasme [31,32]. Deuxièmement, ils augmentent
le nombre de cellules « natural killer » (NK) et leurs fonctions pour améliorer la réponse immune
contre le cancer. En effet, le thalidomide, ou les IMiD au sens large, agit comme co-stimulateur de
la prolifération des lymphocytes T stimulés par des anticorps anti-CD3, ce qui augmente la
sécrétion d'interleukine-2 (IL-2) et d'IFN-γ et le nombre de cellules NK [33,34]. Troisièmement, ils
affectent les interactions entre les cellules myélomateuses et les CSM [35]. Les mécanismes
d’actions de ces composés sont encore incompris mais agissent entre autre via la réduction de la
cyclo-oxygénase (COX)-2, du SDF-1α et de son récepteur CXCR-4 [36,37]. Les IMiD sont en
général utilisés en combinaison avec des stéroïdes et parfois, en plus, des agents alkylant
(dexaméthasone, prednisone, cyclophosphamide, melphalan, etc.). Les effets secondaires typiques
des IMiD sont une majoration du risque des évènements thrombo-embolique et des troubles
digestifs. L’administration de thalidomide provoque fréquemment des neuropathies périphériques
tandis que le lenalidomide provoquent plus fréquemment des cytopénies [38].
1.1.5.2.2. Bortezomib
Le bortezomib (Velcade®) est un inhibiteur du protéasome, le premier membre de sa classe
thérapeutique. Le bortezomib est un dipeptide « N-protected » (
Pyz-Phe-boroLeu) dont l'atome de
bore se lie avec une grande affinité et spécificité au site catalytique du protéasome 26S (figure 9).
Cette activité a de nombreuses conséquences dans les cellules malignes du MM : une inhibition de
NF-κB, l'induction de l'apoptose induite par les caspases 8/9, la destruction des enzymes
réparatrices de l'ADN, l'interruption de l'activation, induite par l'IL-6, des voies de signalisation
STAT3, ERK et AKT [39]. Le Bortezomib est également le seul traitement à pouvoir, dans certains
cas, améliorer les problèmes osseux par une induction des processus de la formation osseuse [40].
Les principaux effets indésirables du bortezomib sont une neuropathie périphérique, une
7
1.1.5.3. Recommandations belges pour le traitement du MM [41]
Dans le cas des patients présentant un MM asymptomatique, il est recommandé, dans la
majorité des cas, de ne pas les traiter.
Dans le cas des patients symptomatiques, on distingue d'abord si les patients sont éligibles
ou non pour une transplantation de cellules souches autologues (ASCT - « autologous stem cell
transplantation »). L'âge (≤65ans), un statut de bonne performance et l'absence de co-morbidités
sont favorables à l'éligibilité du patient pour l'ASCT.
Pour les patients éligibles à l'ASCT, un traitement d’induction à base de bortezomib
consolidé par l’administration de haute dose de melphalan (200mg/m
2) suivi d'une ASCT est
considéré comme la thérapie de première ligne standard. Elle permet d'atteindre un temps médian
de survie sans progression de 35,9 mois [42]. Un traitement de consolidation (association avec
bortezomib, thalidomide ou seconde ASCT) peut être envisagé pour les patients n'ayant pas atteint
une rémission complète ou une très bonne rémission partielle dans les 2-3 mois suivant l'ASCT.
Pour les patients non éligibles à l'ASCT, la thérapie de première ligne recommandée est une
combinaison de thalidomide, une combinaison
melphalan-prednisone-bortezomib ou une combinaison de lenalidomide-dexaméthasone (DEX).
8
1.1.6. L’oncogenèse
Les causes du MM restent inconnues et l’étude de l’influence de divers facteurs
environnementaux (radiations, tabac, alcool, virus, …) n’a fourni jusqu’à présent aucun résultat
convaincant. Toutefois, on sait que le myélome est l’étape ultime d’un processus impliquant des
mutations génétiques successives [43], l’échec du système immunitaire à contrôler la maladie et le
développement d’altérations du microenvironnement médullaire.
1.1.6.1. Instabilité génomique
L’étude cytogénétique du myélome est compliquée en raison du faible taux de prolifération
des cellules plasmocytaires in vitro. Toutefois, des études par FISH, caryotypage spectral et
hybridation génomique comparative (array-CGH) ont démontré que les caractéristiques
cytogénétiques des cellules du myélome sont plus proches de celles de tumeurs épithéliales qu’à
celles d’autres tumeurs hématopoïétiques [44–46]. En effet, les leucémies présentent en général une
seule anomalie cytogénétique alors que le caryotype du myélome est complexe avec des
modifications souvent nombreuses, à la fois numériques et structurelles [47]. Par conséquent, il
n’existe pas d’anomalies constantes et spécifiques du myélome.
Figure 10 : Classification du myélome multiple suivant l’origine génétique
Kuehl WM, Bergsagel PL (2012). J Clin Invest 122: 3456-3463.
Figure 11 : Evènements génétiques impliqués dans l’initiation et la progression
du myélome multiple
9
Les translocations primaires se produisent précocement durant la pathogenèse car de
nombreuses anomalies chromosomiques sont présentes dans la plupart, voire, tous les cas de MGUS.
De plus, plusieurs aberrations chromosomiques sont parfois corrélées entre-elles. Par exemple, une
translocation t(4,14) ou t(14,16) est associée dans 85-90% des cas avec une délétion du
chromosome 13q14 [51]. On observe également qu'une délétion du chromosome 13 peut être
trouvée dans 85% des plasmocytes malins NHRD mais seulement dans 30-35% des plasmocytes
malins HRD.
La principale anomalie cytogénétique décrite au cours du myélome est une translocation au
niveau des gènes codant pour l’IgH sur le locus 14q32 (57-74% des patients atteints de myélome)
[52–54]. Cette translocation est due à une erreur dans le processus de réarrangement des Ig durant la
commutation isotypique. La translocation de l’IgH positionne un oncogène sous le contrôle
d’activateurs IgH (« enhancers ») menant à sa surexpression. On peut différencier trois groupes
suivant la famille de gènes touchés par la translocation: le groupe des gènes des cyclines D, des
gènes MAF et des gènes FGFR3/MMSET (figure 10)
[55].
Une autre anomalie fréquemment
observée dans les plasmocytes malins est le changement dans l’état de ploïdie.
Le premier évènement, commun au MGUS et MM, permet donc d’initier l’oncogenèse qui
va progresser par le biais d’autres aberrations chromosomiques. Parmi ces anomalies secondaires,
on peut citer : les anomalies du chromosome 13 (del13), la dérégulation de c-myc et de la voie du
rétinoblastome (p16, p18), l’activation de la voie NF-κB et l’inactivation de p53. La figure 11
résume les évènements génétiques impliqués dans l’initiation et la progression du myélome [11].
Le génome des cellules myélomateuses est également caractérisé par des variations
épigénétiques modifiant la méthylation, l’acétylation et la phosphorylation de l’ADN et des histones
[56]. En effet, les taux de méthylation des séquences répétitives (i.e. LINE-1) diminuent avec la
progression de la maladie et sont associés à un mauvais pronostique [57]. Le génome des cellules du
Figure 12 : Mécanismes impliqués dans l’évasion immunitaire des cellules du
myélome multiple
10
des gènes est un processus rare [58]. Toutefois, l’hyperméthylation du génome des cellules du MM
semble associé à la progression du MGUS au MM symptomatique [57] et être spécifique à certains
loci (SPARC, DAPK, p16, etc.) [59].
Les modifications des histones présentent également des anomalies mais très peu de choses
sont connues à ce sujet dans le MM. L’exemple le plus documenté est la translocation t(4;14) qui
mène à la surexpression de MMSET, une méthyltransferase d’histone, et qui se retrouve dans 15%
des patients myélomateux [60]. Dans les cellules du MM, MMSET régule des gènes impliqués dans
la voie du p53, l’apoptose, le cycle cellulaire, la réparation de l’ADN et l’adhésion cellulaire
[61,62]. De nos jours, des traitements avec des inhibiteurs d’histone méthyltransferase (HMTi) ou
d’histone déactylase (HDACi) sont développés et testés en phase clinique dans le MM (acide
valproique, Panobinostat, Tacedinaline, AZA, Decitabine, etc.).
1.1.6.2. Evasion du système immunitaire
La sécrétion excessive d'anticorps monoclonaux et l’accumulation importante des cellules
malignes induisent une réduction des taux des anticorps polyclonaux normaux dans le sang
(hypogammaglobulinemie). De ce fait, les patients atteints de myélome sont plus susceptibles aux
infections par de nombreuses bactéries et virus, qui constituent une cause importante de morbidité
et de mortalité [63]. Le bénéfice partiel apporté par les thérapies utilisant des anticorps de
remplacement illustre bien que plusieurs composants de l'immunité sont compromis chez les
patients atteints de myélome. En effet, le myélome est unique dans sa capacité à échapper à
l'immunosurveillance (figure 12). Parmi les mécanismes impliqués, on peut citer les anomalies
qualitatives et quantitatives des cellules dendritiques (DC), des lymphocytes T et l'augmentation de
la sécrétion de cytokines immunorégulatrices par les cellules du microenvironnement (IL-6, IL-10,
IDO, TGF-β, VEGF, HGF, etc.) [64].
11
le transfert et la présentation d'antigènes de la cellules tumorales à travers le complexe majeur
d'histocompatibilité (MHC) de classe II. Chez les patients atteints de MM, la vaccination avec des
DC stimulées par un idiotype spécifique des patients est incapable de réduire la prolifération du
clone malin [65]. Pour expliquer ce phénomène, des études ont démontré que les propriétés
immunologiques des DC sont altérées dans le MM [66]. Les DC dérivées des patients atteints de
MM présentent des défauts phénotypiques et fonctionnels caractérisés par une diminution de
l’expression de facteurs membranaires requis pour la présentation de l’antigène et la stimulation des
lymphocytes T (CD40, CD80/86 et HLA-DR) [67] et par une capacité réduite à pouvoir activer les
cellules T spécifiques aux cellules myélomateuses [68]. D'autres études suggèrent que les DC
pourraient évoluer vers un nouveau phenotype
visant à stimuler la prolifération des cellules
malignes, à activer la machinerie osteoclastogénique via une trans-différenciation en cellules
similaires aux ostéoclastes (OC) et à augmenter la concentration médullaire d'IL-17 par
l'augmentation des cellules T auxiliaires (« T helper » - Th-17) [69,70].
Les patients atteints de MM présentent une série d’anomalies numériques et fonctionnelles
des cellules T : des ratios anormaux des sous-types de cellules T [71,72], une réduction du nombre
de lymphocytes T CD4
+et plus particulièrement des cellules naïves CD4
+/CD45RA
+[73,74], une
réduction de la diversité des récepteurs des cellules T (TCR) [75] et une réponse fonctionnelle
anormale [67,76–78]. La capacité de reconnaitre et d'éliminer les cellules tumorales du MM par les
lymphocytes T a été démontrée [79] mais est compromise par une présentation des antigènes
inadéquate et par la production de facteurs immunosuppressifs. Les lymphocytes T dérivés des
patients atteints de MM présentent des anomalies dans certaines molécules de signalisation (PKC-α
et NF-κB) et une plus grande susceptibilité à l'apoptose [76,80]. Les cellules malignes sont
également capables d’inhiber directement les lymphocytes T par le biais d’une sécrétion de
TGF-β [81].
Figure 13 : Microenvironnement tumorale du myélome multiple
12
inflammatoires [82]. Elles constituent ainsi une cible de choix dans la stratégie d’évasion tumorale
et un obstacle à l’efficacité des immunothérapies [83–85]. Leur développement et leur prolifération
sont induits notamment par l’IL-2/10 et le TGF-β [86,87]. La fréquence et les capacités inhibitrices
des Treg dérivés des patients atteints de MM sont sujets à débat car plusieurs études aux résultats
opposés ont été publiées [88–91]. Toutefois, ces études suggèrent que les Treg sont anormaux dans
le MM, que cela soit quantitativement ou qualitativement, sans que l'on connaisse la base
biologique de ces dysfonctionnements. Enfin, la proportion des cellules Th17 est augmentée chez
les patients atteints de MM [92].
Les Th17 sont des cellules T auxiliaires (CD4
+)
dont le nom est
dérivé de leur importante sécrétion d’IL17 [93]. Ces cellules ont une activité pro-inflammatoire du
fait de la production d’IL17, IL-6, IL-21 et IL-22. Leur différenciation est régulée par un cocktail de
cytokines composé d’IL-6 et de TGF-β avec ou sans IL-1, IL-21 et IL-22 [94]. Les Th17 sont
impliqués dans plusieurs maladies inflammatoires (maladie inflammatoire de l’intestin, arthrite
rhumatoïde, psoriasis, etc.) [95] mais également dans de nombreux cancers [96].
1.1.6.3. Microenvironnement
Le microenvironnement médullaire est constitué d'une population hétérogène de cellules et
d'un compartiment extracellulaire organisés en une architecture complexe [97]. Les cellules du MM
interagissent avec les protéines de la matrice extracellulaire et le compartiment cellulaire non
hématopoïétique caractérisé par les cellules stromales comprenant les cellules stromales
mésenchymateuses (CSM), les ostéoclastes, les ostéoblastes, les cellules endothéliales et les
adipocytes (figure 13) [98]. Les autres composantes de la moelle sont issues du compartiment
cellulaire hématopoïétique comprenant les monocytes, les polynucléaires et les lymphocytes. Ces
différents acteurs moléculaires et cellulaires jouent un rôle essentiel dans le développement, la
progression et la résistance aux traitements de plusieurs cancers et tout particulièrement du MM
[99–101].
En effet, lorsque les cellules myélomateuses sont cultivées seules in vitro, elles entrent
rapidement en apoptose à moins d’être co-cultivées avec des CSM [102,103], démontrant
Figure 14 : Interactions des cellules du myélome multiple avec les composants
de la matrice extracellulaire
13
1.1.6.3.1. La matrice extracellulaire
La matrice extracellulaire du microenvironnement du MM est composée principalement de
fibronectine (FN), de collagène de type I et IV, de laminine et de glycoaminoglycans dont l'acide
hyaluronique (HA) [104–106]. Les cellules du MM interagissent avec ces molécules via divers
récepteurs (figure 14) [107] dont certains ne sont pas exprimés (NCAM et LFA-3) ou exprimés de
manière différente (CD44, RHAMM
« receptor for hyalunoran-mediated motility »
, LFA-1 et
VLA-5) par les plasmocytes sains [108–114].
La FN et l'HA sont deux facteurs extracellulaires importants dans le MM. La FN se trouve
en plus grande quantité dans le plasma sanguin de la majorité des patients atteints de MM par
rapport aux donneurs sains [115]. Par sa capacité à se lier aux intégrines, la FN induit au sein des
cellules malignes du MM plusieurs voies de signalisation favorisant la résistance aux traitements
par suppression de l'apoptose [116], la modulation de la progression du cycle cellulaire [117] et
l'inhibition des dommages à l'ADN induits par les traitements [118]. L'HA, quant à lui, agit par deux
mécanismes : l'activation directe de voies de signalisation intracellulaires (via le CD44 et RHAMM),
la compartimentalisation et la présentation de nombreuses cytokines et facteurs de croissance
[119,120]. Ces activités, étroitement reliées entres-elles au sein de la matrice extracellulaire de la
moelle osseuse, permettent au HA d'intervenir dans l'angiogenèse [121], la prolifération tumorale
[122] et la résistance aux traitements [123]. D'ailleurs, plusieurs études indiquent que l'HA joue un
rôle dans la physiopathologie du MM et qu'une concentration anormale de l'HA dans le sérum de
patients atteints de MM est un facteur de mauvais pronostic [124,125].
1.1.6.3.2. Le compartiment cellulaire
Figure 15 : Représentation schématique de la formation et des relations entre
ostéoblastes et ostéoclastes
14
1.1.6.3.2.1. Les ostéoclastes
Les ostéoclastes (OC) sont les cellules responsables de la résorption de la matrice osseuse
dont l'activité, couplée à celle des ostéoblastes, permet un renouvellement constant de la masse
osseuse. Les OC sont des cellules géantes (20-100µm) multinucléées (jusqu'à 100 noyaux) d'origine
hematopoïétique
puisqu'elles
dérivent
du
même
progéniteur
myéloïde
que
les
monocytes/macrophages [126]. L'ostéoclastogenèse nécessite la présence d'ostéoblastes ou de
cellules stromales car leur sécrétion de « receptor activator of nuclear factor-kB ligand » (RANKL)
et de « monocyte-colony stimulation factor » (M-CSF) est critique pour ce processus (figure 15)
[127–130]. Lors de la différenciation dans l’environnement médullaire et en réponse à un stimulus
chimiotactique, le précurseur de l’ostéoclaste est attiré vers la surface osseuse à résorber [131]. A ce
niveau, les précurseurs ostéoclastiques adhèrent à la surface osseuse et fusionnent de manière
asynchrone, entraînant la formation d’une cellule multinucléée, l’ostéoclaste mature.
Dans le myélome, les cellules malignes augmentent l'ostéoclastogenèse et l'activité des
ostéoclastes par la création d'un environnement riche en « macrophage inflammatory protein 1-α »
(MIP-1α), RANKL,
« stromal cell-derived factor-1 » (SDF-1), IL-3 et -6 [132,133] mais aussi par
une interaction directe avec les cellules du MM activant la voie de signalisation Notch [134].
A leur
tour, les OC sécrètent divers facteurs favorisant la prolifération du clone malin comme le « B cell
activating factor of the TNF family » (BAFF) et le « a proliferation-inducing ligand » (APRIL)
[135]. Les OC sécrètent également la « matrix metalloproteinase » 9 (MMP-9) qui participe à l'effet
pro-angiogénique des OC [136].
1.1.6.3.2.2. Les ostéoblastes
15
réduction de l'ostéoblastogenèse est engendrée par la dérégulation de plusieurs molécules dont
Runx2, Wnt et IL-3. Les cellules du MM bloquent l'activité et la fonction de Runx2, facteur de
transcription central de l'ostéoblastogenèse, à travers les interactions directes VLA-4/VCAM-1,
NCAM-NCAM ou la sécrétion d'IL-7 [137,138].
Plusieurs facteurs sont responsables de la réduction des OB dans le MM mais le plus
important est le « Dickkopf WNT signaling pathway inhibitor 1 » (DKK-1). Sa surexpression chez
les patients atteints de MM avec lésions osseuses [139] est responsable de l'inhibition de la voie de
signalisation activée par le Wnt qui joue un rôle majeur dans l'ostéoblastogenèse [140]. L'inhibition
des précurseurs ostéoblastiques par DKK-1 favorise le déséquilibre vers une augmentation des OC.
D'autres facteurs inhibiteurs peuvent être cités comme les « secreted frizzled related protien »
(sFRP) 2 et 3 [141] et l'IL-3 [142].
De plus, les cellules tumorales du MM induisent l'apoptose des
OB par le biais du « tumor-necrosis-factor related apoptosis inducing ligand » (TRAIL) [143].
Les OB sont caractérisés par un stade terminal de différenciation: les ostéocytes. Suite au
processus de minéralisation, les ostéocytes se retrouvent piégés dans la matrice osseuse au sein
d’une ostéoplaste et communiquent avec les autres cellules via un réseau de dendrites. Au sein de la
matrice osseuse, les ostéocytes jouent un rôle de mécano-senseur, régulent le modelage et le
remodelage de l’os et l’homéostasie minérale [144,145]. En effet, les ostéocytes inhibent la
formation des OB par la sécrétion de sclérostine [146] et favorisent la formation des OC par la
sécrétion de RANKL [147]. Dans le MM, une étude a démontré une viabilité réduite des ostéocytes
au sein de la moelle des patients qui est corrélée avec le nombre d’ostéoclastes [148].
1.1.6.3.2.3. Les cellules endothéliales
Comme dans tout cancer, l'angiogenèse joue un rôle crucial dans le développement et la
progression du MM [149]. Celle-ci est plus importante chez les patients atteints de MM, comme
l'ont démontré Vacca et ses collègues [150] en mesurant une densité accrue en micro-vaisseaux dans
16
par plusieurs facteurs solubles produits par les cellules malignes et les cellules endothéliales du MM:
VEGF, FGF-2, HGF, Ang1, OPN, MMP-2/9, etc. [151–156]. De plus, 22 gènes sont
différentiellement exprimés dans les cellules endothéliales (CE) de patients MM par rapport à celles
provenant de donneurs sains [157]. Ces gènes sont impliqués dans la régulation de la formation de
la matrice extracellulaire, le remodelage osseux, l'adhésion cellulaire, le chimiotactisme,
l'angiogenèse, la résistance à l'apoptose et le cycle cellulaire. Les CE provenant de patients atteints
de MM expriment et sécrètent de plus grandes quantités d'IL-8, d' « interferon-inducible T-cell-a
chemoattractant » (I-TAC), de SDF-1α et de « monocyte chemotactic protein-1 » (MCP-1) que les
cellules endothéliales matures isolées de la veine ombilicale (HUVEC) [158]. Ces chimiokines sont
impliquées dans les interactions entres les CE et les cellules tumorales du MM mais aussi dans la
Figure 16 : Phénotype des cellules stromales mésenchymateuses
Positifs (<95%)
Negatifs (<2%)
CD105 (TGFβ receptor/endoglin, reconnu par
Ac SH2)
CD45 (pan-leukocyte marqueur)
CD73 (ecto 5’nucléotidase, Ac SH3-SH4)
CD34
(progéniteurs
hématopoïétiques
et
cellules endothéliales)
CD90 (Thy-1)
CD14 ou CD11b (monocytes et macrophages)
CD79α ou CD19 (marqueur B)
HLA-DR (peut être exprimé après stimulation
par IFN-γ)
17
1.2. Les cellules stromales mésenchymateuses (CSM)
1.2.1.
Définition
Les cellules stromales mésenchymateuses sont des cellules adultes multipotentes capables de
se différencier vers les 3 lignées mésodermales (ostéoblastes, chondrocytes et adipocytes).
1.2.2. Caractéristiques phénotypiques et morphologiques des CSM
Il n’existe pas de marqueur universel permettant d’identifier les CSM mais le comité des
« cellules souches tissulaires et mésenchymateuses » de la Société Internationale de Thérapie
Cellulaire (ISCT) a établi 3 critères indispensables pour la définition des CSM [159] :
1. L’adhérence au plastique dans des milieux de culture standards
2. Un phénotype établi par cytométrie en flux se basant sur l’expression ou l’absence d’expression
de certains antigènes de surface spécifiques (
figure 16
). Les CSM expriment faiblement les
molécules HLA de classe I mais n’expriment pas les antigènes de classe II, ni les molécules de
co-stimulation (CD 80, CD86, CD40). Les CSM expriment classiquement des molécules d’adhésion
comme le CD44, CD49e et le CD62L ainsi qu’une variété d’intégrines et de récepteurs aux facteurs
de croissance [160–162].
3. Le potentiel de différenciation vers les trois lignées mésodermiques est le critère qui caractérise
le plus les CSM. En présence de milieux d’induction spécifiques, les CSM doivent se différencier in
vitro en ostéoblastes (minéralisation mise en évidence par la coloration Alizarin Red ou von Kossa),
Figure 17 : Colorations de CSM différentiées en adipocytes, ostéoblastes et
chondrocytes
Adipocytes
Ostéoblastes
Chondrocytes
Données personnelles.
Figure 18 : Représentation des deux types de CSM
Type I
Type II
18
Deux types de cellules morphologiquement distinctes sont présents dans les cultures de CSM.
Les cellules à l’aspect fusiforme ou fibroblastique (type I) ont une croissance plus rapide tandis que
les cellules de type II, d’aspect polygonal et plus larges, possèdent une croissance plus lente et
apparaissent au fur et à mesure des passages [163–165] (figure 18).
1.2.3. Sources de CSM
Historiquement les CSM furent identifiées dans la moelle osseuse (MO) [166] qui, à l’heure
actuelle, demeure la source principale des CSM bien qu’elles ne représentent qu’une faible fraction
(entre 0,0001% et 0,01%) de la population des cellules nucléées de la MO [167]. En effet, leur
isolement à partir d’un prélèvement de MO est relativement aisé par une méthode de centrifugation
sur gradient de densité. Les cellules mononucléées sont cultivées dans un milieu adéquat et les CSM
sont sélectionnées par leur capacité à adhérer au plastique. De nos jours, on considère que les CSM
sont virtuellement présentes dans tous les organes et tissus [168]. Les CSM peuvent être isolées à
partir de nombreux tissus tels que le tissu adipeux, le cordon ombilical (gelée de Wharton) et le
sang de cordon ombilical (figure 19).
Dans le tissu adipeux, les CSM y sont plus abondantes que dans la MO et ont une plus grande
capacité de prolifération [169]. Le tissu adipeux présente également une facilité d’accès et est un
tissu quasiment inépuisable. Les cellules mésenchymateuses isolées à partir du tissu adipeux sont
nommées Cellules Stromales Dérivées du Tissu Adipeux (CSDA) et possèdent des propriétés
similaires aux CSM dérivées de la MO mais avec des propriétés angiogéniques plus marquées
[170–172].
Figure 19 : Proportions d’utilisation des sources de CSM dans les essais
cliniques
Cell therapy clinical trials – 2012 report.
Figure 20 : Répartition du cycle cellulaire dans la population de CSM in vitro
19
1.2.4. Capacités et fonctions des CSM
1.2.4.1. Autorenouvellement
Les CSM sont des cellules immatures capables de s’auto-renouveler et de générer plusieurs
types de cellules différenciées matures et fonctionnelles.
Les études in vitro montrent que les CSM sont capables de se diviser pendant plusieurs
générations (20 à 50 divisions) sans changement de morphologie ni perte de leur pouvoir de
différenciation [175]. D’autre part, des analyses du cycle cellulaire révèlent qu’une faible proportion
des CSM est engagée activement dans la prolifération (±20% en phase S/G2/M – figure 20) [176].
En effet, la majorité des cellules est regroupée dans les phases G1/G0. Les « colony forming
unit-fibroblastic » (CFU-F) sont des progéniteurs mésenchymateux hétérogènes sélectionnés à faible
densité et sur base de leur adhérence au plastique mais étant le reflet de la capacité de prolifération
des progéniteurs mesenchymateux [177].
1.2.4.2. Différenciation
Les CSM se différencient classiquement en ostéoblastes, chondroblastes et adipocytes; tous
ces types cellulaires étant issus du feuillet mésodermique [159]. De plus, grâce à l’ajout in vitro de
différents facteurs de reprogrammation (agents déméthylant l’ADN), les CSM sont capables de
donner beaucoup d’autres types cellulaires matures provenant des trois feuillets embryonnaires tels
que des cardiomyocytes [178,179], des cellules musculaires squelettiques [180], des cellules
neuronales [181,182], des cellules épithéliales rénales [183] ou des hépatocytes [184]. Il a aussi été
démontré que ces cellules peuvent non seulement se différencier in vitro, mais peuvent également
contribuer à la formation de cartilage, d’os et de muscle in vivo lorsqu’elles sont transplantées in
utero ainsi que dans des sites de fractures osseuses ou dans du cartilage lésé [185]. Ces différents
Figure 21 : Processus d’ostéoblastogenèse
20
1.2.4.3. Ostéoblastogenèse
L’ostéoblaste (OB) est la cellule chargée de synthétiser et de participer à la minéralisation de
la matrice osseuse. C’est une cellule mononucléée fonctionnant toujours en groupe. L’OB est une
cellule grossièrement cubique ou prismatique formant des tapis cellulaires plus ou moins étendus à
la surface des travées osseuses. L’ostéoblastogenèse se divise en trois étapes : l’état de
pré-ostéoblaste, d’ostéoblaste immature et d’ostéoblaste mature (figure 21) [186]. L’ostéoblastogenèse
est régulée par 3 facteurs de transcription majeurs au centre du processus et qui sont Runx2, osterix
(Osx) et « Activator Protein 1 » (AP1).
Runx2 est le facteur de transcription le plus important de l’ostéoblastogenèse et appartient à
la famille des facteurs de transcription à domaine Runt (Runt box, RUNX). En effet, Runx2 est
nécessaire à l’initiation de la différenciation comme démontré par l’absence d’ostéoblastes dans les
embryons de souris invalidées (KO) pour Runx2 [187]. Runx2 est également nécessaire à
l’expression de gènes associés au bon fonctionnement des OB matures après le développement
embryonnaire [188]. L’activation de Runx2 induit l’expression de gènes impliqués dans
d’importantes étapes de la minéralisation de la matrice extracellulaire des os tels que l’ostéocalcine,
l’ostéopontine (OPN), la phosphatase alcaline (PAL) et la MMP13 [189–192].
Osterix (Osx) ou « Transcription Factor » Sp7 (Sp7) est un membre de la famille des
facteurs de transcription SP à doigt de zinc de type C2H2 dont l’expression est assurée par Runx2
[193]. Cette induction d’Osx est nécessaire à la bonne formation d’ostéoblastes fonctionnels puisque
la délétion de ce gène chez la souris entraîne l’arrêt de la différenciation des pré-ostéoblastes à un
stade précoce sans toutefois affecter leur nombre ou leur distribution [194].
Figure 22 : Influences hormona les sur l’ostéoblastogenèse
21
prolifération et la différenciation des ostéoblastes [197–199].
Le contrôle de la formation osseuse fait également intervenir des facteurs systémiques
hormonaux (PTH, PTHrP, œstrogènes, glucocorticoïdes et 1,25-dihydroxyvitamine D) et des
facteurs locaux (BMP-2/4, TGF-β, IGF, FGF, WNT3a/5a/10), dont l’action est schématisée sur la
figure 22 [186,200,201], produits notamment par les OB eux-mêmes, incorporés dans la matrice
nouvellement formée et libérés lors de la résorption. Enfin, des facteurs externes viennent aussi
réguler l’ostéoblastogenèse tels que les forces mécaniques exercées sur le squelette [202,203].
In vitro, la différenciation en OB se fait classiquement en incubant les CSM durant 3
semaines dans un milieu contenant de l’acide ascorbique, du β-glycérophosphate et de la
dexaméthasone. On observe alors une accumulation de dépôts de calcium et une augmentation de
l’expression et de l’activité des phosphatases alcalines (PAL). En plus de ces paramètres,
l’expression de RANKL, OPN et BSP permet d’évaluer la différenciation des CSM en OB étape par
étape [204].
1.2.4.4. Effets immunomodulateurs
Figure 23 : Mécanismes d’immunomodulation des CSM
22
Les premières indications des capacités immunomodulatrices des CSM proviennent d’études
sur les interactions entres CSM et lymphocytes T. Les CSM sont capables d’inhiber l’activation et
la prolifération des lymphocytes T activés par des alloantigènes, des mitogènes ou des anticorps
anti-CD3 et -CD28 [208]. Cette inhibition n’a pas de restriction immunologique, c’est-à-dire,
qu’elle peut être observée avec des lymphocytes T auto- et allogéniques [209]. Cette inhibition est
dose-dépendante et porte aussi bien sur les cellules T CD4
+que sur les CD8
+, qu’elles soient naïves
ou mémoires [208,210,211]. Cette inhibition est due notamment à des facteurs solubles produits de
manière non constitutive par les CSM. On peut citer le TGF-β, HGF, IL-10, IL-6, VEGF, PGE2,
IDO, LIF, HLA-G5, NO, les galectines-1 et -3 et la sémaphorine 3A [205,212–218]. Les
lymphocytes T régulateurs (Treg), importants dans l’induction de la tolérance, sont recrutés et
générés par les CSM via la sécrétion de CCL1, HLA-G5 ou LIF [219]. Les CSM semblent
également capables de promouvoir ou réprimer l’expansion des cellules Th17, impliquées dans
l’inflammation locale [220,221].
Les CSM inhibent la prolifération et l’activation des cellules B et modulent leur
différenciation et production d’anticorps [222,223]. Le TGF-β et l’IDO, produits par les CSM,
participent à l’inhibition des lymphocytes B [224,225]. L’inhibition de la synthèse
d’immunoglobulines serait liée à la production de MMP menant à une diminution de l’expression
par les cellules B de « B lymphocyte induced maturation protein 1 » (BLIMP-1) [226].
23
1.2.4.5. Soutien de l’hématopoïèse
Au sein de la moelle osseuse, les cellules souches hématopoïétiques (CSH) résident dans un
microenvironnement confiné, appelé niche [229]. Ces niches comprennent des cellules
non-hématopoïétiques, qui fournissent des facteurs solubles, et une matrice extracellulaire qui soutient
l’expansion et l’activité des CSH [230]. L’implication des CSM dans le soutien de l’hématopoïèse
est connue depuis longtemps [231] et prend place via la sécrétion de nombreux facteurs solubles
(SCF, GM-CSF, G-CSF, IL-1/6/7/8/11/12/14/15, SDF-1, TGF-β et IGF) mais également par la
génération de matrice extracellulaire (collagènes, fibronectine, laminine), d’ostéoblastes [232] et
d’adipocytes, composants du stroma médullaire et donc du support de l’hématopoïèse. Les CSM
sont capables d’induire la prolifération des CSH primitives [233] mais aussi leur différenciation,
notamment en mégacaryocytes et en érythrocytes [234,235].
1.2.5. Les CSM dans le myélome
De part leurs propriétés de soutien hématopoïétique et d’immunomodulation, les CSM
constituent des partenaires de choix pour influencer la survie, la prolifération, la résistance aux
traitements et la réponse immunitaire des cellules myélomateuses [236].
Dans les cancers, les CSM
ont un effet double : elles peuvent avoir un effet de soutien pro-tumoral et un effet inhibiteur
anti-tumoral en influençant la croissance cellulaire et l’angiogenèse [237].
1.2.5.1. Interactions in vivo
Figure 24 : Interactions entre les MM-CSM et les MM-PC et leurs conséquences
24
Ces interactions et sécrétions mènent à plusieurs conséquences au sein des cellules
myélomateuses et des CSM. Au sein des CSM, l'adhésion des cellules myélomateuses déclenche la
transcription dépendante du facteur de transcription NF-κB et la sécrétion de cytokines dont l'IL-6
renforçant la croissance, la survie, la résistance aux traitements et la migration des cellules
myélomateuses. Cette sécrétion d'IL-6 est encore renforcée par la libération par les cellules
myélomateuses de TGF-β, de TNF-α et de VEGF [240–242]. De plus, l'activation de NF-κB
augmente l'adhésion entre les cellules qui à son tour augmente la transcription et la sécrétion d'IL-6
par les CSM [240]. Enfin, l'interaction, entre le récepteur CD40 exprimé par les cellules
myélomateuses et son ligand CD40L sur les CSM, augmente l'expression de molécules d'adhésion
(tels que ICAM-1 et VLA4) et de ce fait la sécrétion d'IL-6 et de VEGF par les CSM [243].
Au sein des cellules myélomateuses, ces interactions directes et indirectes activent une
pléiade de voies de signalisation anti-apoptotiques et de prolifération : les voies NF-κB , PI3K-Akt,
Ras-Raf-MEK, ERK, Notch et JAK2-STAT3. Celles-ci conduisent à la transcription de facteurs du
cycle cellulaire (cycline D1/2) et anti-apoptotiques (BCL-XL, MCL1 et des inhibiteurs des caspases)
et à la suractivité des télomérases (figure 24)
[244]. Toutes ces voies de signalisation, molécules
d'adhésion et facteurs solubles constituent des cibles thérapeutiques intéressantes. D'ailleurs, des
études en phase clinique évaluent le potentiel thérapeutique de certaines de ces cibles telles que
CD40, IL-6 et VEGF [245–247]
. Toutefois, de nombreuses thérapies potentielles sont testées en
l’absence des cellules stromales et, de ce fait, ne tiennent pas compte du microenvironnement
médullaire et conduisent à des résultats décevants.
1.2.5.2. Altérations constitutives
Une question émerge de l'importance des CSM dans le développement et la progression du
MM : y a t'il des différences entre les CSM de donneurs sains et celles provenant de patients atteints
de MM [248] ? Certaines études suggèrent que les MM-CSM sont intrinsèquement anormales et le
resteront même en l'absence de l'influence des cellules myélomateuses, alors que d'autres études
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