1. Introduction
1.2. Les cellules stromales mésenchymateuses
1.2.4. Capacités et fonctions des CSM
1.2.4. Capacités et fonctions des CSM
1.2.4.1. Autorenouvellement
Les CSM sont des cellules immatures capables de s’auto-renouveler et de générer plusieurs
types de cellules différenciées matures et fonctionnelles.
Les études in vitro montrent que les CSM sont capables de se diviser pendant plusieurs
générations (20 à 50 divisions) sans changement de morphologie ni perte de leur pouvoir de
différenciation [175]. D’autre part, des analyses du cycle cellulaire révèlent qu’une faible proportion
des CSM est engagée activement dans la prolifération (±20% en phase S/G2/M – figure 20) [176].
En effet, la majorité des cellules est regroupée dans les phases G1/G0. Les « colony forming
unit-fibroblastic » (CFU-F) sont des progéniteurs mésenchymateux hétérogènes sélectionnés à faible
densité et sur base de leur adhérence au plastique mais étant le reflet de la capacité de prolifération
des progéniteurs mesenchymateux [177].
1.2.4.2. Différenciation
Les CSM se différencient classiquement en ostéoblastes, chondroblastes et adipocytes; tous
ces types cellulaires étant issus du feuillet mésodermique [159]. De plus, grâce à l’ajout in vitro de
différents facteurs de reprogrammation (agents déméthylant l’ADN), les CSM sont capables de
donner beaucoup d’autres types cellulaires matures provenant des trois feuillets embryonnaires tels
que des cardiomyocytes [178,179], des cellules musculaires squelettiques [180], des cellules
neuronales [181,182], des cellules épithéliales rénales [183] ou des hépatocytes [184]. Il a aussi été
démontré que ces cellules peuvent non seulement se différencier in vitro, mais peuvent également
contribuer à la formation de cartilage, d’os et de muscle in vivo lorsqu’elles sont transplantées in
utero ainsi que dans des sites de fractures osseuses ou dans du cartilage lésé [185]. Ces différents
Figure 21 : Processus d’ostéoblastogenèse
20
1.2.4.3. Ostéoblastogenèse
L’ostéoblaste (OB) est la cellule chargée de synthétiser et de participer à la minéralisation de
la matrice osseuse. C’est une cellule mononucléée fonctionnant toujours en groupe. L’OB est une
cellule grossièrement cubique ou prismatique formant des tapis cellulaires plus ou moins étendus à
la surface des travées osseuses. L’ostéoblastogenèse se divise en trois étapes : l’état de
pré-ostéoblaste, d’ostéoblaste immature et d’ostéoblaste mature (figure 21) [186]. L’ostéoblastogenèse
est régulée par 3 facteurs de transcription majeurs au centre du processus et qui sont Runx2, osterix
(Osx) et « Activator Protein 1 » (AP1).
Runx2 est le facteur de transcription le plus important de l’ostéoblastogenèse et appartient à
la famille des facteurs de transcription à domaine Runt (Runt box, RUNX). En effet, Runx2 est
nécessaire à l’initiation de la différenciation comme démontré par l’absence d’ostéoblastes dans les
embryons de souris invalidées (KO) pour Runx2 [187]. Runx2 est également nécessaire à
l’expression de gènes associés au bon fonctionnement des OB matures après le développement
embryonnaire [188]. L’activation de Runx2 induit l’expression de gènes impliqués dans
d’importantes étapes de la minéralisation de la matrice extracellulaire des os tels que l’ostéocalcine,
l’ostéopontine (OPN), la phosphatase alcaline (PAL) et la MMP13 [189–192].
Osterix (Osx) ou « Transcription Factor » Sp7 (Sp7) est un membre de la famille des
facteurs de transcription SP à doigt de zinc de type C2H2 dont l’expression est assurée par Runx2
[193]. Cette induction d’Osx est nécessaire à la bonne formation d’ostéoblastes fonctionnels puisque
la délétion de ce gène chez la souris entraîne l’arrêt de la différenciation des pré-ostéoblastes à un
stade précoce sans toutefois affecter leur nombre ou leur distribution [194].
Enfin, le troisième facteur de transcription jouant un rôle majeur dans l’ostéoblastogenèse,
AP1, est formé par l’homo- ou l’hétérodimérisation de protéines à domaine riche en leucine (bZIP)
appartenant à l’une des trois sous-familles suivantes : JUN, FOS et CREB/ATF [195,196]. Parmi
ces protéines, on peut citer Jun, c-Fos, Fosl1, Fosl2, ΔFosB mais surtout ATF4 qui promeuvent la
Figure 22 : Influences hormona les sur l’ostéoblastogenèse
21
prolifération et la différenciation des ostéoblastes [197–199].
Le contrôle de la formation osseuse fait également intervenir des facteurs systémiques
hormonaux (PTH, PTHrP, œstrogènes, glucocorticoïdes et 1,25-dihydroxyvitamine D) et des
facteurs locaux (BMP-2/4, TGF-β, IGF, FGF, WNT3a/5a/10), dont l’action est schématisée sur la
figure 22 [186,200,201], produits notamment par les OB eux-mêmes, incorporés dans la matrice
nouvellement formée et libérés lors de la résorption. Enfin, des facteurs externes viennent aussi
réguler l’ostéoblastogenèse tels que les forces mécaniques exercées sur le squelette [202,203].
In vitro, la différenciation en OB se fait classiquement en incubant les CSM durant 3
semaines dans un milieu contenant de l’acide ascorbique, du β-glycérophosphate et de la
dexaméthasone. On observe alors une accumulation de dépôts de calcium et une augmentation de
l’expression et de l’activité des phosphatases alcalines (PAL). En plus de ces paramètres,
l’expression de RANKL, OPN et BSP permet d’évaluer la différenciation des CSM en OB étape par
étape [204].
1.2.4.4. Effets immunomodulateurs
Les CSM sont capables de moduler l’ensemble des acteurs de l'immunité par des
mécanismes complexes (figure 23) [205]. En effet, les CSM humaines n'exprimant ni les antigènes
d'histocompatibilité de classe II, ni la famille des molécules de co-stimulation B7 (CD80/86) [206],
leur activité immunomodulatrice s'opère via la sécrétion de nombreux facteurs solubles et par le
contact cellulaire direct. De plus, cette activité est bimodale, c'est-à-dire que les CSM peuvent
inhiber ou stimuler les cellules immunitaires suivant les situations [207]. Ces capacités
immunomodulatrices permettent aux CSM de jouer un rôle dans la maintenance de la tolérance
périphérique, la tolérance suite à une transplantation, la tolérance fœto-maternelle, l'autoimmunité,
mais aussi dans l'évasion tumorale.
Figure 23 : Mécanismes d’immunomodulation des CSM
22
Les premières indications des capacités immunomodulatrices des CSM proviennent d’études
sur les interactions entres CSM et lymphocytes T. Les CSM sont capables d’inhiber l’activation et
la prolifération des lymphocytes T activés par des alloantigènes, des mitogènes ou des anticorps
anti-CD3 et -CD28 [208]. Cette inhibition n’a pas de restriction immunologique, c’est-à-dire,
qu’elle peut être observée avec des lymphocytes T auto- et allogéniques [209]. Cette inhibition est
dose-dépendante et porte aussi bien sur les cellules T CD4
+que sur les CD8
+, qu’elles soient naïves
ou mémoires [208,210,211]. Cette inhibition est due notamment à des facteurs solubles produits de
manière non constitutive par les CSM. On peut citer le TGF-β, HGF, IL-10, IL-6, VEGF, PGE2,
IDO, LIF, HLA-G5, NO, les galectines-1 et -3 et la sémaphorine 3A [205,212–218]. Les
lymphocytes T régulateurs (Treg), importants dans l’induction de la tolérance, sont recrutés et
générés par les CSM via la sécrétion de CCL1, HLA-G5 ou LIF [219]. Les CSM semblent
également capables de promouvoir ou réprimer l’expansion des cellules Th17, impliquées dans
l’inflammation locale [220,221].
Les CSM inhibent la prolifération et l’activation des cellules B et modulent leur
différenciation et production d’anticorps [222,223]. Le TGF-β et l’IDO, produits par les CSM,
participent à l’inhibition des lymphocytes B [224,225]. L’inhibition de la synthèse
d’immunoglobulines serait liée à la production de MMP menant à une diminution de l’expression
par les cellules B de « B lymphocyte induced maturation protein 1 » (BLIMP-1) [226].
Elles sont aussi capables d’inhiber la prolifération des cellules NK induite par 2 ou
l’IL-15, ainsi que la production d’IFN-γ [227]. D’autre part, elles interfèrent avec la différenciation, la
maturation et la fonction des cellules dendritiques [228].
23
1.2.4.5. Soutien de l’hématopoïèse
Au sein de la moelle osseuse, les cellules souches hématopoïétiques (CSH) résident dans un
microenvironnement confiné, appelé niche [229]. Ces niches comprennent des cellules
non-hématopoïétiques, qui fournissent des facteurs solubles, et une matrice extracellulaire qui soutient
l’expansion et l’activité des CSH [230]. L’implication des CSM dans le soutien de l’hématopoïèse
est connue depuis longtemps [231] et prend place via la sécrétion de nombreux facteurs solubles
(SCF, GM-CSF, G-CSF, IL-1/6/7/8/11/12/14/15, SDF-1, TGF-β et IGF) mais également par la
génération de matrice extracellulaire (collagènes, fibronectine, laminine), d’ostéoblastes [232] et
d’adipocytes, composants du stroma médullaire et donc du support de l’hématopoïèse. Les CSM
sont capables d’induire la prolifération des CSH primitives [233] mais aussi leur différenciation,
notamment en mégacaryocytes et en érythrocytes [234,235].
Dans le document
Thibaud ANDRE
(Page 47-54)