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Le port obligatoire de la ceinture de sécurité : hypothèses et données pour l'étude des effets d'une norme

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Le port obligatoire de la ceinture de sécurité : hypothèses et données pour l'étude des effets d'une norme

MORAND, Charles A., et al.

MORAND, Charles A., et al. Le port obligatoire de la ceinture de sécurité : hypothèses et données pour l'étude des effets d'une norme. Genève : CETEL, 1977

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:4980

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Avant-propos, p. 1 1. Robert ROTH :

HISTORIQUE DU PROJET ET METHODOLOGIE, p. 2, suivi de NOTES SUR LES OBJECTIFS DE LA RECHERCHE, p. 13

II. Charles-Albert MORAND:

LE CADRE CONSTITUTIONNEL DE L'OBLIGATION DU PORT DE LA CEINTURE DE SECURITE, p. 16

III. Robert ROTH

LE CONTROLE POLICIER, p. 31

IV. Jean-François PERRIN:

L'EFFECTIVITE DE L'ORDONNANCE DU 10 MARS 1975, p. 36

V. Christian-Nils ROBERT:

ANNEXES

UNE IDEOLOGIE INEGALEMENT INTERIORISEE LA SECURITE, p. 63

1. PREMIER ET DEUXIEME QUESTIONNAIRES, p. 87, suivis de NOTES SUR L'UTILISATION DU QUESTIONNAIRE, p. 93

II. Robert ROTH :

RESULTATS BRUTS ET TABLEAUX, p. 95

III. EXTRAITS DE L'ORDONNANCE DU 10 MARS 1975, p. 124

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AVANT-PROPOS

:::;;;;;:::==========

Une recherche doit afficher clairement ses objectifs.

Quel fut l'objet de celle-ci? Nous souhaitions étudier l'impact d'une norme juridique élémentaire! Fut-elle jamais juridique, fut-elle jamais simple ?! Involontairement nous nous sommes trou- vés embarqués dans une recherche sur l'impact d'une norme d'une étrange nature ... et peut-être, d'ores et déjà sur l'étude de la différence entre le "social" et le "juridique". Nous ne pou- vions que difficilement prévoir le trouble qui s'est introduit dans le mécanisme sanctionnateur dès les premiers mois. L'estoca- de donnée à l'ordonnance par le Tribunal fédéral n'a constitué que l'aboutissement d'un phénomène d'usure allant croissant qui se manifestait déjà pendant l'enquête.

Les conditions de l'expérimentation ont donc modifié en cours de route la nature et la portée de la recherche. Nous n'avons pas pu réaliser le rapport que nous souhaitions!

Nous avons cependant pensé que les diverses contributions qui furent réalisées devaient pouvoir être accessibles. Nous in- sistons sur le fait que l'effort collectif de synthèse et de critique n'a, à dessein, pas été effectué car nous estimons que les hypothèses de départ se sont trop profondément modi- fiées pour que le travail mérite d'être tenté. Les contribu- tions sont donc toutes personnelles et n'engagent que leurs auteurs.

Le CETEL adresse ses vifs remerciements aux nombreuses personnes associées à notre travail, collaboratrices et colla- borateurs scientifiques et administratifs qui n'ont pas mé- nagé leur peine pour permettre la réalisation de ce recueil.

Tout modeste qu'il soit le présent résultat a coûté beaucoup d'efforts. Un objectif au moins a été atteint; notre appren- tissage de la méthode sociologique appliquée au droit s'est poursuivi.

J.-F. P.

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CHAPITRE I .

HISTORIQUE DU PROJET ET HETHODOLOGIE

====================================

Robert ROTH

L'introduction d'une règle rendant obligatoire le port de la ceinture de sécurité a suscité, dans les pays anglo- saxons en particulier, des recherches analogues à celle que nous allons présenter, quoiqu'en général plus ambitieuses et plus importantes. Ce fut le cas en particulier au Canada*

et en Australie**.

I l est vrai que l'introduction d'une norme au plus haut

point élémentaire comme l'obligation d'attacher sa ceinture de sécurité formait le prétexte à une observation, très simple elle aussi, de la réaction sociale, individuelle et collective.

Notre observation devait prendre un relief particulier au vu du mouvement de rejet fort et inattendu qui allait se déclencher en Suisse. L'introduction de cette nouvelle norme restrictive donna pretexte à une campagne virulente et étendue, à propos de laquelle i l était difficile de déterminer si elle visait unique- ment la norme ou, plus généralement, tendait à dénoncer l'ingé- rence de l'Etat dans ce qu'il est convenu d'appeler la "sphère privée" de l'individu par un phénomène connu en Suisse sous

* D.J. COOLEY, Compulsory Seat Belt Use. Is I t Feasible ?, thèse dacty-

lographiée, Centre of Criminology, Toronto, 1974.

** B.N. JOUBERT, Compulsory Wearing of Seat Belt, thèse dactylographiée,

Université de Melbourne, 1971, citée par COOLEY, op. cit.

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l'appellation "réflexe anti-Berne". Chercher 1 opérer le départ entre refus ponctuel et opposition générale était

l'un des objectifs que se fixait cette recherche. Il s'agis- sait également de mesurer l'impact immédiat d'une norme pré- cise dans ce "domaine social important" selon l'appréciation du spécialiste canadien de la prévention FATTAH, suivre l'in- clinaison de la courbe ascendante, puis descendante, d'obéis- sance 1 la règle nouvelle.

L'objet juridique de notre recherche était donc l'or- donnance du Conseil fédéral du 10 mars 1975, modifiant l'or- donnance du 13 novembre 1962 sur les règles de la circulation routière (voir extraits de l'ordonnance en annexe et, sous chapitre II ,l'analyse de cette règle du point de vue du droit constitutionnel) .

Historique

Le projet prit naissance en septembre 1975. Les ques- tionnaires furent élaborés dans le courant de l'automne.

Un budget spécial de fr. 8'000.-, prélevé sur le Fonds SCHNEITER, fut attribué à la recherche par la Faculté de droit de l'Université de Genève. Le montant indiqué ne tient pas compte de la mobilisation des ressources du budget ordinaire de l'Université. Qu'il nous soit permis ici d'insister sur la modestie délibérée des moyens mis en oeuvre. La recherche étant avant tout expérimentale, i l était hors de question de mobiliser des ressources importantes. Il s'agissait, en même temps que de s'attaquer 1 un problème actuel et d'appliquer 1 une situation concrète des notions élaborées le plus souvent "en laboratoire", d'achever la formation d'une équipe de juristes prêts 1 appré- hender la réalité sociale environnante. Cette double qualité

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d'expérience et de première étape incitait à la réserve.

L'obligation nouvelle entrait en vigueur le 1er janvier 1976 il était donc possible d'opérer une première phase d'en- quêtes en 1975 encore, ce qui rehaussait considérablement l'at- trait de l'entreprise. Lors de cette première série, nous nous proposions d'étudier le comportement du conducteur, sa motiva- tion et l'attitude qu'il adopterait face à la réglementation à venir.

En 1976, deux phases subséquentes furent réalisées:

en février, peu après l'entrée en vigueur de l'ordonnance et en mai-juin, soit après un laps de temps suffisant pour que les effets directs de la nouveauté de la règle aient cessé de se faire sentir. Dans ces deux dernières séries d'enquêtes, un même questionnaire fut utilisé, plus fouillé et un peu plus complexe que le premier abordant une nouvelle série d'interrogations

outre le comportement général et l'opinion face à la règle, nous allions tenter de tester l'impact de la menace de la sanction,

la connaissance du mode de genèse de la règle (formes, autori- tés promulgantes, etc ... ).

Les résultats de notre enquête allaient être influencés par deux événements extérieurs, plus ou moins inattendus : la violence de l'opposition, déjà relevée plus haut et l'attitude presqu'entièrement passive de l'autorité chargée d'assurer le respect de la norme par la sanction, la police. D'une part en effet, la promulgation de cette règle nouvelle a soulevé une vague de refus et, par là, un débat passionné auquel l'obser- vateur ne pouvait s'attendre. Les expériences étrangères lais- saient prévoir quelques grognements plutôt qu'une très large protestation. Passion des réactions contre cet "abus d'autorité et ( ... ) exemple de l'ingérence du pouvoir politique dans le

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domaine privé"*, "qui porte atteinte à la liberté individuel- le, liberté garantie par la Constitution fédérale"**. On alla jusqu'à prédire que "de tels abus vont faire passer le citoyen, sans qu'il s'en aperçoive, d'un rang d'homme libre à celui d'as- sisté social, puis d'esclave"***. Un tel environnement ne pou- vait que stimuler le chercheur, sans que ce dernier ait à se prononcer sur le fond du débat. Une de ses conséquences les plus immédiates pourrait être le taux particulièrement bas de refus de répondre au questionnaire (voir plus loin).

En revanche, certaines analyses projetées allaient être rendues plus difficiles, sinon impossibles, par l'attitude

laxiste de la police. Il faut préciser ici que notre champ d'in- vestigation était limité spatialement: le canton de Genève, se- lon les modalités exposées plus bas, plus une station d'essence située en bordure d'autoroute sur le territoire du canton de Vaud entre Genève et Lausanne. NOUS renvoyons le lecteur au cha- pitre III sur l'attitude de la police des deux cantons concer- nés. Soulignons en anticipant que la réserve manifestée par la police modifiait le modèle auquel nous pensions avoir à faire :

* Communiqué du Mouvement Vigilance cité par "La Suisse" du 14.4.1976.

On notera au passage l'emploi de la locution "pouvoir politiquell opposée à

"domaine privéll D'un côté, l'association de 2 termes-choc, évoquant deux

mondes inquiétants, de l'autre, une expression qui respire la neutralité.

Le pouvoir investit le domaine: quelle image parlante.

** Me RIEDMATTEN, avocat d'un citoyen valaisan auteur d'un recours de droit

public et d'un pourvoi en nullité au Tribunal fédéral (voir chap.

par "La Suisse" du 30.9.1976.

), cité

*** (voir note *). Le mouvement qui est à l'origine de ce communiqué et de

bien d'autres est certes très minoritaire. On aurait toutefois pu citer des avis "scientifiques" ou "autorisés" manifestant à peine moins de retenue, et l'esprit de refus, sinon de révolte, qui habite ces lignes reflète assez bien une atmosphère peu habituelle en Suisse.

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pas d'expérience de la sanction (pour certains initiés dont le cercle allait s'élargissant, plus de crainte à nourrir).

Notre test sur la peur de l'amende (ou du gendarme) en perdait de l'importance. Nuance considérable si l'on reconnait que:

"Behavior on the road is more related to fear of the sanction than to anxiety aroused by moral orientation towards a given norrn"* .

Méthode

L'aspect expérimental de cette recherche est important.

D'une part, en effet, i l s'agissait de creuser quelque peu la notion théorique d'ineffectivité pour les besoins de l'en- seignement; d'autre part, la mise à l'essai d'une méthode de recherche figurait au premier plan des préoccupations des au- teurs.

Plus directement, il s'agissait d'obtenir une représentation aussi exacte que possible du comportement et de l'opinion des au- tomobilistes circulant à Genève et dans la région voisine dans des véhicules immatriculés en Suisse. Il est à souligner que seuls les conducteurs de véhicules étaient soumis à cette en- quête par entretien. Notre échantillon ne fut pas entièrement le fruit du hasard. Nous avions divisé la région en 4 catégo- ries correspondant à des types d'environnement: ville, banlieue, campagne et autoroute (laquelle méritait un traitement spécial**) De même, la journée était décomposée en trois périodes: matin, après-midi et soir. Par la combinaison de ces deux variables, nous obtenions douze "cases" selon le schéma suivant :

* SCHOHAM, GEVA, MARKOWSKI, KAPLINSKI, "Internationalization of Norms

( •.• lu in British Journal of Crimino1ogy, 1976, p. 146.

** Précisons qu'aucun péage n'est perçu sur les autoroutes en Suisse.

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, ,

matin après-midi soir

Ville l 2 3

Banlieue 4 5 6

Campagne 7 8 9

Autoroute 10 11 12

Une "case" était dévolue à chaque enquêteur. Chaque "case"

correspondait donc à un lieu et à une heure donnés. Les con- ducteurs (voitures de tourisme et véhicules de livraison ex- clusivement) étaient interrogés à l'occasion d'un arrêt dans un garage. L'entretien durait de 5 à 10 minutes. L'enquêteur était libre de se rendre au garage de son choix pour autant que l'em- placement de celui-ci correspondît à la catégorie donnée. Il était en revanche astreint à retourner au même endroit pour réa- liser les trois phases successives de l'enquête.

Ont été remplis 374 questionnaires durant la première pha- se, 260 durant la deux9ème et 240 durant la troisième. A cha- que fois le nombre de.cas était identique ou très voisin pour chaque "case", 30 pour la première étape, 20 pour les deux sui- vantes.

Ce système peut paraître hybride. Nous nous en explique- rons plus bas en relevant les limites de notre enquête.

Le questionnaire ménageait à l'enquêteur une certaine marge de manoeuvre (se référer aux questionnaires en annexe). On trou- vait un nombre relativement élevé de questions ouvertes post- codées, ainsi que quelques questions à coder sur le terrain

(l'enquêteur classant la réponse au moment où elle était fournie et sans la noter intégralement). Notre équipe d'enquêteurs était en majorité formée d'étudiants en droit ayant manifesté un inté- rêt particulier pour la recherche.

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Il faut également noter que notre questionnaire était centré sur un seul objectif et ne contenait ni question de con- trôle, ni question-piège. Le conducteur était par exemple in- terrogé seulement sur son opinion face à l'obligation de porter la ceinture de sécurité, sans qu'il fût fait allusion à d'autres normes restrictives qui exerceraient sur l'individu une contrain- te semblable, telles que l'incrimination de la consommation de drogue ou d'autres interdictions de comportement.

Le questionnaire peut se décomposer en deux rubriques : observations et questions. Les observations faisaient l'objet d'un codage direct par l'enquêteur, avant même que les premiers mots ne soient échangés. Elles visaient à dresser quelques traits relatifs au portrait du conducteur et à décrire l'équipement de son véhicule. La deuxième partie, corps de l'enquête, consiste en des questions qui permettaient au conducteur de s'exprimer sur la ceinture-équipement et la ceinture-règle. Le deuxième ques- tionnaire, utilisé lors des deux dernières phases de l'enquête, comporte également des questions sur la sanction et la genèse de la règle.

Parallèlement aux enquêtes qu'il parvenait à mener à

bien, chaque enquêteur devait noter certaines caractéristiques grossières des conducteurs qui lui opposaient un refus de ré- pondre au questionnaire.

On ne peut conclure cette présentation sans introduire un certain nombre de réserves quant aux résultats, analyses et com- mentaires qui vont suivre.

Il n'est pas inutile ici de redire la modestie des moyens mis en oeuvre.

- La procédure d'échantillonnage pourrait prêter le flanc à la critique. Le choix des personnes interrogées n'était pas

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livré au seul hasard. Pour commencer, nous ne nous adres- sions qu'aux conducteurs de voitures de tourisme et de li- vraison. Puis, nous les contactions à l'occasion d'un arrêt à un garage. Enfin, sans recourir à un échantillon stratifié, nous avons cherché à obtenir l'image la plus variée possible - et peut-être la plus fidèle - en dispersant les enquêtes dans le temps et dans l'espace. Nous avons le sentiment d'avoir agi là de manière non orthodoxe. Il faut toutefois souligner que notre volonté n'était pas de dégager des règles d'ensemble de comportement de la population globale du canton ou des automo- bilistes du canton, mais bien de comparer à l'intérieur de no- tre échantillon et entre les types de conducteurs auxquels nous avions à faire, les variations et différences de comportement et d'opinion. Quant aux observations générales (fréquence du port de la ceinture), elles sont livrées à titre informatif. Elles ne sont toutefois pas plus critiquables au plan de la méthode de collecte des résultats que les observations statistiques qu'on a pu lire dans la presse ou les rapports de police.

- On pourra s'attaquer également à la valeur quantitative de notre échantillon : 374 enquêtes ont été remplies en décem- bre 1975, 260 en février 1976 et 240 en juin 1976. Nous nous sommes fixé pour règle de ne jamais additionner les résultats de 2 ou 3 phases, mais tout au plus de juxtaposer ces données afin de constater une évolution. Il est clair que la répétition d'une tendance lors de 2 ou 3 phases accentue la signification de l'hypothèse qu'elle permet d'émettre.

Les échantillons totaux nous ont paru suffisamment impor- tants pour nous permettre d'échafauder quelques analyses tout en ne nécessitant pas l'engagement de moyens supérieurs à ceux que nous nous étions accordés. On peut ajouter que la représen- tativité de l'échantillon se trouve renforcée par le taux très bas des refus (3,4 1,9 et 3,8 % lors des trois phases).

- On s'interrogera sur la superficialité des entretiens.

Ces derniers ne dépassaient pas en moyenne 5 à 10 minutes. Une

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nouvelle réflexion s'impose donc: nous attendions une ré- ponse directe à la situation d'enquête, à des données pré- cises, et non à un exposé réfléchi sur le problème de l'o- bligation de porter la ceinture de sécurité.

Une vérification méthodologique approfondie s'est enfin révélée nécessaire : les hypothèses qui établissent une corré- lation entre deux facteurs (exemple : classe sociale et atti- tudes) supposent que les données que l'on envisage de prendre en considération soient ·pures· et que l'on puisse parler d'

"ouvriers" alors même que les ressortissants de cette classe socio-professionnelle ont été sélectionnés. En d'autres termes, i l faut se demander si

ouvriers de ville + ouvriers de campagne + ouvriers d'autoroute = ouvriers en général.

Pour procéder à cette vérification, nous nous en tenons à trois variables du questionnaire : la cylindrée de la voiture, la ca- tégorie sociàle à laquelle appartient son conducteur et le com- portement de ce dernier (est-il attaché ou non ?). Il s'agit d'abord d'enregistrer l'écart entre les fréquences maximale et minimale de chaque item, lors de chaque phase de l'enquête.

Tableau l (voir notes page suivante)

Décembre

Nb moyen d'enquêtes par "case" 30

a) Profession

--- PL

CM BD

b) g:i~~12<:l~~,=

Faible Moyenne Grosse

% %

Minimum Maximum

(no case) (no case)

16 (4) 42 (10) 17 (8) 43(7) 24 (7) 47 (12)

10(7) 65(4) 15 (9) 52(7) 10 (3) 38(7) c) Port de la ceinture

Non oui

---

65(11) 100(4) 35(11) 0(4)

Février 20

% %

Minimum Maximum

(no case) (no case)

10(7,12) 20(2) 10 (11)

20 (10) 5(12) 5 (8)

20(10) 80(10)

50(11) 55(1) 60(3)

70(3) 40 (11) 45(10,12)

85(7) 15(7)

%

Juin 20

%

Minimum Maximum (no case) (no case)

5(4,8) 20(1,2) 15 (11)

30(8) 13 (3)

5(4,7)

10(10) 90(10)

45 (2) 65(7) 67 (3)

87(3) 50 (10) 30(12)

50(2) 50 (2)

(13)

Notes concernant le tableau l (page précédente) Nomenclature des cases

01 ville/matin 04 banlieue/matin

02 ville/après-midi 05 banlieue/après-midi

03 ville/soir 06 banlieue/soir

10 = autoroute/matin 11 autoroute/après-midi

Nomenclature des professions PL = Professions libérales

CM Cadres moyens, techniciens

EQ Employés, ouvriers.

07

=

campagne/matin

08 campagne/après-midi

09 campagne/soir

12 autoroute/soir

Première constatation : toute hypothèse reposant sur une dif- férenciation des comportements ou des opinions par catégorie sociale ou type de voiture doit être nuancée, et toute inter- prétation mono-factorielle énoncée avec prudence : la profes- sion ou la cylindrée ne sont pas nécessairement seules à en- trer en considération et rien n'exclut a priori que le compor- tement ou l'opinion soit plutôt fonction du lieu dans lequel telle ou telle profession est sur-représentée que de l'origine socio-professionnelle directement.

Il faut toutefois tenir compte de la minceur du nombre des cas sur lesquels se déroule l'opération pour chaque case (de 20 à 35). Ceci peut expliquer l'importance des écarts qui ap- paraissent; cependant, une étude aussi minutieuse que possible, remontant aux sources de l'échantillon, était dans un premier temps nécessaire pour analyser le produit de la méthode choi- sie.

Dans une perspective diachronique, on peut ensuite se deman- der si les "professions libérales", par exemple, sont toujours de même provenance; autrement dit, les "cases" présentent-elles des caractéristiques analogues d'une période à l'autre? Nous allons laisser de côté la dimension temporelle pour ne tenir compte que des données de lieu et regrouper les items "ville"

et "banlieue", dont la séparation apparalt la plus discutable.

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Tableau 2

Ville-banlieue

Nb.d' Déc.

enquêtes 210

a) Prof.

PL

CM

EO b) Cyl.

F M G

%

27 33 40

51 29 19

Fév.

140

%

25 36 39

53 26 21

Juin 120

%

22 34 43

63 23 14

Déc.

77

%

30 26 30

38 35 27

s:~~r~2:~':

Fév.

60

%

23 40 35

55 25 20

Juin 60

%

12 50 38

50 33 17

Déc.

87

%

30 33 37

29 31 35

Autoroute Fév.

60

%

35 40 23

26 27 25

Juin 60

%

40 37 23

23 37 33

Les résultats semblent ici plus favorables; on peut conclure à une certaine homogénéité dans le recrutement des différentes catégories socio-professionnelles ou d5véhicules.

Afin d'affiner les considérations du tableau l, nous allons finalement chercher à déterminer si c'est le facteur

"temps" ou le facteur·"lieu" qui fait subir aux données les variations les plus importantes. Pratiquement, il s'agit d'éli- miner la variable "lieu" pour ne conserver que la variable

"heure" et vice-versa.

* * * * * *

Tableau 3 page suivante.

Aucune conclusion nette ne se dégage de cette confron- tation. Notre échantillon subit des variations tout autant se- lon les conditions de temps que selon celles de lieu. Il faut s'en tenir à la réserve générale, résultat de la lecture du tableau 1.

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Tableau 3 Décembre Février Juin ------ Matin Après-Soir Ecart Matin Après-Soir Ecart Matin Après-Soir Ecart a. Cylindrée midi min-max midi min-max midi min-max aa. Heure Nombre d'enquêtes 114 159 101 80 100 80 80 80 80 % % % % % % % % % F 39 51 51 12 45 47 58 13 56 45 61 16 M 33 30 29 4 28 33 16 17 31 38 18 20 G 29 19 21 10 28 19 26 9 13 18 21 8 Ville! Cam-Auto-Ecart Ville! Cam-Auto-Ecart Ville! Cam-Auto- ab. Lieu banl. pagne route banl. pagne route banl. pagne route Ecart Nombre d'enquêtes 210 77 87 140 60 60 120 60 60 % % % % % % % % % F 51 38 45 13 53 55 37 18 63 50 40 23 M 29 35 31 6 26 25 27 2 23 33 37 14 G 19 27 24 8 21 20 35 15 14 17 23 9 b. Profession Matin Après-Soir Ecart Matin Après-Soir Ecart Matin Après-Soir Ecart ba. Heure midi midi midi Nombre d'enquêtes 114 159 101 80 100 80 80 80 80 % % % % % % % % % PL 33 26 16 17 23 36 20 16 25 25 19 6 CM 30 33 31 3 45 33 38 12 40 36 45 9 EO 38 36 25 13 31 30 43 13 35 38 36 3 Ville! Cam-Auto-Ecart Ville! Cam-Auto-Ecart Ville! Cam-Auto-Ecart bb. Lieu banl. pagne route banl. pagne route banl. pagne route Nombre d'enquêtes 210 77 87 140 60 60 120 60 60 % % % % % % % % % PL 27 30 30 3 25 23 35 12 22 12 40 28 CM 33 26 33 7 36 40 40 4 34 50 37 16 EO 40 30 37 10 39 35 23 16 43 38 23 20

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NOTES SUR LES OBJECTIFS DE LA RECHERCHE

Cette recherche qui se distingue par la simplicité de son objet, n'en ouvre pas moins par certaines particu-

larité des perspectives de discussion intéressantes sur un plan théorique. Ainsi, la confrontation des situations de décembre 1975 (première phase de l'enquête), et de février et mai-juin 1976 (deuxième et troisième phases) nous incite à engager une réflexion sur l'ensemble des don- nées de la recherche.

Quels étaient en gros nos objectifs ? La suite de ce rapport montrera leur variété. Dans le domaine de l'étude de la norme et des circonstances et conséquences de son édiction, nous nous intéressions d'une part à la mesure de la "déviance", terme dont la (re)définition occupera nos réflexions plus loin, d'autre part à l'étude des effets de la sanction. En ce qui ocncerne ce second volet, les données sont, vues ~_E~~~~~!~~!, claires: impossibilité de mesurer un effet de prévention spéciale, faute de su-

jets ayant été confrontés à la norme par le biais de la sanction; effet préventif général, atténué certes par l'ab- sence d'intervention policière, à estimer au moyen de la comparaison des taux d'obéissance antérieur et postérieur à la promulgation. Au niveau de l'interprétation surgit tou- tefois une nouvelle question préalable : doit-on distinguer entre effet de la règle et effet de la sanction et, si oui, par quels instruments? L'on sait en effet que de nombreuses règles juridiques sont dépourvues de sanction légale (les

exemples abondent en droit privé*. De telles normes entrainent

* Il serait sans doute plus exact de dire que, "si le droit est toujours

sanctionné, i l n'est pas toujours assorti de sanctions répressives" (M.

MIAILLE, Une introduction critique au droit, Paris, 1976,p.lOO). Comme

le rappelle avec pertinence cet auteur, I1sanc tion signifie avant tout pri-

se en compte formelle" (Loc. cit.).

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pourtant un certain taux de respect. La formulation de l'injonction induit donc E~~_~~ certaines modifications de comportement. Dans le cas d'une règle assortie d'une sanction, même modeste, l'on a peine à opérer le départ entre le fruit de l'une et de l'autre, tant au plan de la construction théorique que de la mesure expérimentale.

Aussi, dans la suite de ce rapport, nous fondrons ces deux facteurs en une unité, en intégrant pour les besoins de l'a- nalyse la sanction à la règle.

Si les problèmes théoriques soulevés par ce deuxième volet étaient relativement simples (en partie parce qu'ils étaient insolubles en pratique !), il en va différemment de la discussion et de la classification des comportements.

Nous n'entreprendrons pas ici une longue digression sur les concepts de déviance et d'observance, qui font en grande partie l'objet du préambule du présent rapport, pour nous contenter de quelques réflexions nées de la confrontation avec la situation expérimentale.

Il faut rappeler que la recommandation "attachez votre ceinture" était largement propagée avant même d'avoir reçu une sanction légale (voir note *). D'autres moyens de per- suasion que la menace de la peine étaient employés - sta- tistiques, expertises médicales - dans un vaste effort pa- tronné par un organisme paraétatique, le Bureau de Préven- tion des Accidents (BPA). Comment définir cette injonction avant le 1er janvier 1976 ? Norme sociale ? On peut en dou- ter vu l'absence de consensus social d'une part, de volonté de se faire obéir (ou de moyens pour imposer cette volonté) d'autre part. L'impossibilité de classifier cette règle ou de la ranger dans une typologie abstraite rend également im- possible l'étiquetage en tant que groupe homogène de ceux qui refusent de l'observer. Peut-on déjà parler de déviants?

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Au vu des données statistiques qui indiquent une grande ma- jorité de réfractaires, le déviant n'est-il pas plutôt celui qui adopte une attitude encore minoritaire, ce qui nous

rapprocherait d'une définition de la norme comme compor- tement modal et de DURKHEIM ? Il faut en ce cas admettre qu'un simple acte de volonté de l'Etat (promulgation de l'ordonnance) renverse les données théoriques aussi bien que les statistiques.

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CHAPITRE II.

LE CADRE CONSTITUTIONNEL DE L'OBLIGATION DU PORT

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DE LA CEINTURE DE SECURITE

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Charles-Albert MORAND

L'introduction de cette obligation pose une série de problèmes constitutionnels. Le premier est de savoir si le Conseil fédéral disposait de la compétence d'adopter l'or- donnance contenant cette obligation. Le deuxième, de déter- miner si cette ordonnance est valable ou si au contraire elle recèle des inconstitutionnalités qui pourraient être sanction- nées par le Tribunal fédéral. Une dernière question serait de se demander si le Tribunal fédéral pourrait constater que l'or- donnance relative à l'introduction de l'obligation du port de la ceinture a perdu sa validité du fait de l'inapplication de plus en plus généralisée dont elle semble faire l'objet. Mal- gré l'intérêt de la question, i l nous semble préférable d'y renoncer du moins provisoirement pour deux raisons. La première est qu'elle s'inscrit plus directement dans le cadre de la con- tribution de mon collègue J.-F. PERRIN*. La deuxième est qu'elle ne peut être traitée que dans la perspective de la théorie gé- nérale du droit, qu'elle nécessite une confrontation entre les diverses disciplines du droit et l'utilisation de certaines données des sciences sociales. Il vaut mieux dès lors renoncer pour l'instant à traiter superficiellement un problème qui mé- rite qu'on lui consacre une étude particulière et approfondie.

* Cf. supra,

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1) LA COMPETENCE DU CONSEIL FEDERAL D'ADOPTER L'ORDONNANCE Si l'obligation d'équiper les voitures d'une ceinture de sécurité trouve un fondement indiscutable dans la LCR*, i l n'en va pas de même de l'obligation relative au port de la ceinture figurant à l'article 3a de l'Ordonnance sur les rè- gles de circulation routière (OCR). En adoptant cette disposi- tion, le Conseil fédéral s'est fondé sur les articles 57 al.

l et 106 al l LCR. Cette dernière disposition qui habilite le Conseil fédéral à adopter des ordonnances d'exécution ne cons- titue de toute évidence pas un fondement satisfaisant à l'obli- gation de porter la ceinture. Cette obligation constitue une règle primaire à la fois très importante et très contestée. Elle doit trouver son support dans une ordonnance de substitution.

L'obligation du port de la ceinture ne peut dès lors être fondée que sur l'article 57 al. l LCR qui habilite le Conseil fédéral à "édicter des règles complémentaires de circulation". La ques- tion qui se pose est dès lors de savoir si une disposition qui a pour but essentiel la protection de l'individu contre lui-mê- me peut être considérée comme une règle de circulation au sens des articles 26 et ss. LCR. L'étude de la systématique de la loi montre que les règles de circulation tendent principalement à obliger chacun à ne pas gêner la circulation et à ne pas met- tre en danger la sécurité d'autrui (article 26 LCR). Il Y a certes des dispositions, comme l'article 29 LCR relatif aux garanties de sécurité des véhicules, qui ne tendent pas seule- ment à la protection des tiers mais aussi à celle du conducteur.

* Voir l'article 8 LCR qui confère expressément le pouvoir au Conseil fédéral d'édicter des prescriptions sur la construction et l'équipement des véhicules automobiles. L'obligation d'équiper les véhicules auto- mobiles de ceintures de sécurité a été introduite par une ordonnance du 10 mai 1975, en vigueur depuis le 1er janvier 1976 (RQ 1975, p. 541).

Elle figure à l'article 23 al. 3 bis de l'Ordonnance sur la construction et l'équipement des véhicules routiers (RS 741.41, p. 19).

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Il n'existe cependant aucune disposition qui tende à titre principal à protéger l'individu contre lui-même. On consta- te aussi qu'aucune disposition figurant dans la loi parmi les règles de circulation n'empiète aussi manifestement sur la sphère de la liberté personnelle. L'introduction du port de la ceinture de sécurité constitue dès lors une innovation re- marquable qui ne s'inscrit pas dans la systématique de la loi, mais qui la dépasse très largement.

Une autre approche pour interpréter une norme de déléga- tion consiste à se demander comment un citoyen moyen et raison- nable aurait pu comprendre la norme de délégation*. Il ne s'a- git pas de recourir à une interprétation historique de la volon- té subjective du législateur, telle qu'elle pourrait résulter des travaux préparatoires. On connaît les limites d'une telle méthode. Il s'agit au contraire de se fonder sur une inter- prétation historique et objective du sens qui pouvait être donné à l'opoque de l'édiction de la loi à la norme de délé- gation. La question qui se pose est de savoir s ' i l était pré- visible (voraussehbar) que la norme de délégation soit un jour interprétée d'une certaine façon**. Le choix de la méthode his- torique de préférence à une méthode contemporaine pour inter- préter les normes de délégation, s'explique par le fait que les restrictions à la délégation de pouvoirs sont essentiellement inspirées par la protection des droits populaires. Il faut que le citoyen, au moment où une loi est votée, puisse se rendre compte clairement de l'ampleur des délégations qui y figurent, afin de juger si le référendum doit être lancé.

* Voir Th. FLEINER, Die Delegation aIs Problem des Verfassungs-und

Verwaltungsrechts, p. 100 et ss.

** Ibid. p. 103 et ss.

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En appliquant le critère de la prévisibilité en l'es- pèce, on constate qu'en 1958, date de l'adoption de la loi, la ceinture de sécurité était totalement inconnue, même si quelques spécialistes étaient au courant d'essais infructueux qui avaient été tentés. On ne pouvait pas imaginer non plus en 1958 que l'Exécutif fédéral en viendrait à prendre des mesu- res contraignantes obligeant les particuliers à prendre des mesures positives pour se protéger eux-mêmes contre les ris- ques. Des mesures de ce type étaient à peu près inconnues*.

L'obligation de scolarité qui s'en approche s'en différencie par le fait qu'elle incombe aux parents en raison de la res- ponsabilité qu'ils ont dans le cadre de l'éducation de leurs enfants. L'obligation de se faire vacciner vise tout autant la protection des tiers que celle de l'individu qui s'y soumet.

Le résultat auquel conduit l'interprétation systématique et l'interprétation historique objectivée ne pourrait être re- mis en cause que s ' i l existait une pratique interprétative

contraire et ocnstante de la norme de délégation**. Tel n'est pas le cas. L'obligation du port de la ceinture constitue la première règle visant principalement la protection contre soi- même qui ait été introduite par voie d'ordonnance, La cons- titutionnalité du procédé a été immédiatement contestée par les associations d'automobilistes. Diverses mesures, comme le port du casque par les motocyclistes, n'ont pas donné lieu à l'adoption d'ordonnances, mais ont été simplement recommandées

* Pour une analyse de ces mesures, cf. D. KAPPELER, "La protection

contre soi-même", Mélanges offerts à la Société suisse des Juristes, Genève, 1976, p. 157.

** Sur le recours à la pratique interprétative, voir l'arrêt STEINER

qui concernait une question assez semblable, à savoir si l'on pouvait déduire du pouvoir accordé au CF de sauvegarder la santé publique, ce- lui de proscrire l'usage du tabac. ATF, 87, IV, p. 34 et 55.

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par le bureau de prévention des accidents. Inversément, le Conseil fédéral a considéré qu'il ne disposait pas de pouvoirs suffisants pour interdire le commerce et l'usage d'appareils pouvant perturber les contrôles officiels de la circulation routière*, alors qu'il s'agit pourtant d'une mesure beaucoup plus anodine que l'introduction du port obligatoire de la cein- ture.

Les méthodes d'interprétation envisageables concourrent au même résultat. L'ordonnance du Conseil fédéral est nulle parce- qu'elle ne pouvait pas être fondée sur l'article 57 al. l LCR.

Seule une loi formelle pouvait introduire l'obligation du port de la ceinture de sécurité.

2) LA VALIDITE DE L'ORDONNANCE

Si l'on devait par impossible considérer que l'article 57 al. l doit être interprété largement comme permettant au Con- seil fédéral d'adopter n'importe quelle règle nouvelle en rapport avec la circulation automobile et en particulier des règles qui tendent essentiellement à la protection des indi- vidus contre eux-mêmes, la validité de l'ordonnance devrait alors être examinée dans les limites étroites qui sont tracées en pouvoir d'examen du juge en raison de l'article 113 al. 3 Cst. On sait que l'inconstitutionnalité d'une ordonnance ne peut être censurée par le juge que dans la mesure où elle n'est pas couverte par la loi.

En admettant par hypothèse que la norme de délégation per- mette de prendre des mesures tendant principalement à la protec- tion de l'individu contre lui-même, i l n'y a pas à déterminer si

* Article 57 al. 4 LCR

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des mesures de ce type constituent dans la conception des li- bertés qui est la nôtre, une atteinte grave à la liberté per- sonnelle. On peut en revanche examiner si l'ordonnance respecte le principe d'égalité, si elle n'est pas arbitraire et si elle respecte le principe de la proportionnalité*. Rien ne permet de penser que le législateur aurait entendu exonérer le Conseil fé- déral du respect de ces principes fondamentaux de l'activité administrative.

a) Sous l'angle du respect du principe d'égalité** l'excep- tion qui est faite aux conducteurs de taxi par l'article 30 al. 2 l i t . b apparaît comme sans fOndement raisonnable. A cet égard, l'enquête faite auprès des polices cantonales est élo- quente. Dix-sept polices cantonales considèrent que l'exception ne se justifie pas dans la mesure où elle porte aussi sur les trajets à vide***. Sept polices cantonales estiment l'exception injustifiée dans tous les cas**** • On peut en effet trouver choquant que les personnes les plus exposées aux risques de la route soient précisément celles qui sont exonérées de l'obliga- tion du port de la ceinture.

Il reste à se demander, conformément à la jurisprudence, si l'inégalité de traitement n'est pas couverte par la loi.

Il faut se demander si l'exonération des conducteurs de taxis

* Sur l'état de la question en ce qui concerne l'ampleur du pouvoir

d'examen du TF, cf. Th. FLEINER, ibid, p. 17.

** Sur l'obligation de respecter le principe d'égalité, lorsque le CF

dispose d'un pouvoir d'appréciation, cf. ATF 88 L, p. 281.

*** Verkehrskommission der Konferenz Kantonaler Polizeikommandanten der

Schweiz, Gurtentragpflicht, Kontrollpraxis der Polizei une Erfahrungen,

St Gallen, Oktober 1976, p. 7.

**** Ibid.

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est justifiée par la lettre et l'esprit de la LCR*. Rien dans la loi ne permet d'aboutir à la conclusion qu'une exception pouvait être faite en faveur de la catégorie d'automobilistes qui est la plus exposée aux risques de la circulation. La seu- le indication qui concerne les exceptions aux règles de circu- lation figure à l'article 57 al, l LCR et prévoit la compé- tence du CF d'introduite des exceptions 'hotamment pour les besoins militaires et pour les routes à sens unique". On ne dispose en revanche d'aucune indication permettant de conclu- re que la loi aurait entendu donner le pouvoir au CF d'établir

d.~s dérogations en faveur de catégories professionnelles déterminées

et de céder à leurs pressions. Un des avantages de la procédure réglementaire d'élaboration du droit est de fournir aux autori- tés le moyen de mieux résister aux groupes de pression qui .ne disposent pas de la menace du référendum. Il est dès lors inadmissible que le Conseil fédéral se plie à ces pression en introduisant des inégalités de traitement injustifiées.

Le fait révélé par l'enquête qu'une infime minorité parmi les automobilistes opposés à l'obligation du port de la ceintu- re de sécurité invoque comme justification principale de sa po- sition les dérogations prévues par l'ordonnance, n'est à cet égard pas déterminant. En effet, la question posée aux automo- bilistes n'était pas de savoir s'ils estimaient les dérogations

justifiées ou non, mais si ces d2rogations étaient le motif majeur de leur opposition à l'obligation du port de la ceintu- re. On pouvait donc simultanément trouver les dérogations injustifiées et pourtant ne pas en faire le principal motif d'opposition à la norme. Il serait intéressant, si une nouvelle enquête était faite, de connaître la perception que se font les automobilistes du caractère justifié ou injustifié des déroga-

tions, même si l'on peut avoir des doutes au sujet des conséauences

* Sur ce principe, cf. ATF 88, l, p. 288. ATF 88, l, p. 308; ATF 92, l 434.

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que l'on pourrait déduire au plan constitutionnel de la perception que se fait le public d'une inégalité de trai- tement.

b) Sous l'angle de l'arbitraire*, la question est plus délicate. On peut se demander si la manière avec laquelle l'ordonnance est appliquée par les autorités chargées de la répression des infractions n'entraîne pas une telle insécurité du droit que l'ordonnance elle-même devrait être considérée comme arbitraire. Les recommandations des chefs cantonnaux de police, du 18 février 1976, montrent que les autorités de po- lice ne sont pas prêtes à assurer de manière efficace la ré- pression des infractions. Elles se refusent à opérer des con- trôles spécifiques du port de la ceinture de sécurité, étant donné le nombre exagéré des exceptions prévues par l'ordonnan- ce et les difficultés pratiques d'opérer des contrôles. On pré- conise certes que le port de la ceinture entre dans le cadre des contrôles ordinaires, mais on ajoute qu'on devra le faire avec tout le doigté nécessaire (mit der notigen Vernunft**) . Encore faut-il constater que même ces contrôles ne sont pas exécutés uniformément, puisque dans certains cantons comme Genève, au- cune contravention n'a été infligée depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance.

Diverses hypothèses peuvent être faites pour expliquer l'at- titude des autorités cantonales de police. Nous nous proposons de les vérifier dans une étude plus vaste. Peut-on établir une cor- rélation entre cette attitude et la procédure utilisée pour adopter l'ordonnance? Les autorités de police ont-elles des doutes sur la validité de l'ordonnance? Sont-elles sensibles

* Sur le contrôle de l'arbitraire, cf. Th FLEINER, op. cit. p.17

** Rapport précité, p. l

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au fait que l'obligation ne possède pas la légitimité démo- cratique qu'elle aurait eue si elle avait été introduite par une l o i ? Sont-elles conscientes de l'existence d'une opposi- tion radicale du public à l'imposition d'une obligation dans ce secteur comme l'enquête semble le montrer? Ce qui paraît certain, c'est qu'il y a une discordance manifeste entre la vo- lonté des autorités centrales braquées sur la promotion de la sécurité et peu soucieuse de l'acceptabilité de la norme et celle des autorités cantonales, en contact direct avec une po- pulation récalcitrante et soumisffià un contrôle plus étroit de la part de cette population.

Le problème se pose de savoir si l'on peut prendre en considération le mode d'exécution d'une norme pour juger de sa constitutionnalité. Dans la doctrine traditionnelle, la nor- me et son application correspondent à deux stades du processus de concrétisation du droit. La manière avec laquelle une norme est appliquée ne peut avoir d'influence sur la norme elle-même que dans le cas extrême de la désuétude. Cette vision qui opè- re une réduction et une simplification de la réalité est beau- coup trop statique. La manière avec laquelle une norme est ap- pliquée a une action sur le contenu de la norme elle-même.

Ainsi par exemple la prévisibilité de la sanction qui fait par- tie intégrante de la norme disparaît en cas d'inapplication ou de mauvaise application. La norme n'est plus un modèle fiable du comportement humain, si la sanction prévue à sa violation n'a plus de probabilité suffisante d'intervenir. Avant d'atteindre le point extrême de la désuétude qui lui enlève son existence, la norme mal appliquée est arbitraire, parce que les administrés sont soumis au hasard de la répression et au bon vouloir des au- torités d'exécution. Les situations de ce type ne sont pas nou- velles. L'arbitraire des lois pénales dont la poursuite est de- venue exceptionnelle par le jeu du principe de l'opportunité a été dénoncé par la doctrine. Cela est tout particulièrement

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le cas de la répression de l'avortement en Suisse, dont on a souligné qu'elle est la source d'inégalités ~raves et de l'arbitraire le plus complet*.

On méditera avec profit l'intervention pertinente du Conseiller national Oprecht dans les discussions qui ont pré- cédé l'adoption du code pénal et qui est citée par Graven dans son étude sur l'interruption de la grossesse en droit pénal suisse "Ein Strafgesetz, das in der Praxis eine Person für dieselbe Handlung bestraft die es bei 99 andern Personen straflos lasst, macht den Zufall zum Strafrichter, macht die Freiheit des Staatsbürgers zum Lotteriespiel und muss aIs ein im hochstem Mass unsittliches, das Rechtsgefühl vollig un ter- graben des Gesetz bezeichnet werden".**

Il ne fait aucun doute, à notre avis, que le Tribunal

fédéral peut contester à l'occasion d'un cas d'application, l'in- constitutionnalité d'une ordonnance prise en vertu d'une déléga- tion qui est devenue arbitraire à la suite d'une mauvaise appli- cation. Sauf à le prévoir expressément, ce qui serait ridicule, la norme de délégation ne peut pas couvrir l'inconstitutionnalité due à l'application arbitraire d'une ordonnance. On peut même se demander si dans un cas de ce genre, le Tribunal fédéral ne pourrait pas contrôler la constitutionnalité d'une loi fédérale.

L'article 113 al. 3 de la Constitution fédérale ordonne certes au Tribunal fédéral d'appliquer les lois votées par l'Assemblée fédérale; i l ne lui enjoint pas de les appliquer arbitrairement ou ce qui revient au même, de concourir par son action à l'ap- plication arbitraire et hasardeuse d'une loi.

* Cf. Ph. GRAVEN, "L'interruption de la grossesse en droit pénal suisse",

L'avortement, Colloque interdisciplinaire de l'Association des professeurs de l'Université de Genève, 29-30 novembre 1974. Genève, 1975, p. 13

** Ibid.

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L'intégration des données relatives à l'application d'une norme dans le cadre du contrôle de constitutionnalité, si elle peut surprendre au premier abord, n'est pas sans pré- cédent. L'arbitraire qui présidait à l'application de la peine de mort aux Etats-Unis, l'absence dans certaines lois des

Etats de critères sérieux permettant de prévoir son application a été l'un des arguments majeurs de la Cour Suprême lorsqu'elle a déclaré que la peine de mort était inconstitutionnelle dans certaines situations*. C'est un des avantages du contrôle répressif et concret de constitutionnalité de permettre au juge de prendre en considération la manière avec laquelle une disposition est appliquée en fait pour juger de so conformité à la constitution. Il n'est pas rare que le TF saisi d'un re- cours abstrait portant sur une ordonnance dans son ensemble la considère comme constitutionnelle, mais indique que si les nor- mes étaient appliquées d'une certaine façon, elles deviendraient

inconstitutionnelles.

c) Sur le plan de la proportionnalité, le contrôle que le Tribunal fédéral peut opérer n'est pas complet lui non plus.

Etant donné que par hypothèse on considère que la norme de dé- légation permet de prendre même des mesures de protection con- tre soi-même, on n'a pas à se demander si l'introduction de l'o- bligation de porter la ceinture de sécurité porte une atteinte exagérée à la liberté. Même si l'on devait considérer qu'il y a une atteinte grave à la liberté, cette atteinte serait par hypothèse couverte par la norme de délégation. Les seules ques- tions qui se posent sont de savoir si le moyen utilisé est pro- pre a atteindre le but d'intérêt public que l'ordonnance se pro-

* FURMAN V. GEORGIA, 408 U.S. 238 (1972) et 5 arrêts de juillet 1976 :

GREGG V. GEORGIA 19 CrL 3251-3276, PROFFIT V. FLORIDA, 19 CrL 3276-3282, JUREK V. TEXAS, 19 CrL 3282-3287, WOODSON V. NORTH CARLINA, 19 CrL 3288-

3301, ROBERTS V. LOUISIANA, 19 CrL 3301-3312.

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pose de réaliser et si une mesure moins restrictive de la li- berté personnelle n'aurait pas permis d'atteindre le but pour- suivi. Le but d'intérêt public principal poursuivi est de ré- duire le nombre et la gravité des accidents et corrolairement de diminuer le coût social de ceux-ci. L'enquête et le rapport de la commission de la Conférence des chefs de police montrent que le but poursuivi a été parfaitement atteint. L'enquête mon- tre en effet que le taux des personnes attachées a augmenté de manière spectaculaire à Genève de décembre 1975 à février 1976 en passant de 17,47 % à 71,15 %. L'enquête faite par la gen- darmerie vaudoise sur les conducteurs impliqués dans des acci- dents montre que le pourcentage des conducteurs attachés est passé de 30,02 % en 1975 à 72,56 % en 1976. Nonobstant les ré- serves méthodologiques qui ont été faites dans le cadre de la présentation de l'enquête, la variation des comportements est si nette qu'il est à peu près invraisemblable qu'elle puisse être attribuée au hasard. L'enquête faite par la gendarmerie vaudoise montre de son côté avec netteté l'influence positive du port de la ceinture de sécurité en ce qui concerne la réduc- tion du nombre des blessés et des morts*.

Une restriction doit cependant être apportée. S'il devait s'avérer qu'à la suite des difficultés de contrôle dues notam- ment aux exceptions trop nombreuses figurant dans l'ordonnance, les autorités de police persistaient dans leur volonté de ne pas réprimer les infractions et si le taux des personnes res- pectant la règle devait encore diminuer de manière notable, on pourrait douter que la règle soit encore propre à atteindre les buts visés. Ce serait un cas assez par1:iculier dans lequel

* Rapport précité. Ammese. Le pourcentage des blessés est en 1975 de 5,10 % avec ceinture et de 23,26 % sans ceinture; en 1976, de Il,51 % avec cein-"

ture et de 22,40 % sans ceinture.

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les défauts de technique législative et de l'incapacité des autorités centrales à provoquer l'adhésion des autorités can- tonales à la mise en oeuvre de la norme pourraient avoir un effet direct sur la constitutionnalité d'un texte. Une dispo- sition qui n'est pas apte à atteindre les buts qu'elle se pro- pose est contraire au principe de proportionnalité. Elle est en outre dangereuse, car elle affaiblit la confiance globale dans le droit. Elle crée un sentiment d'insécurité qui, s ' i l était généralisé, pourrait provoquer l'ébranlement d'un sys- tème juridique ou de secteurs de celui-ci.

Sous l'angle de la subsidiarité, on ne voit guère quelles sont les mesures moins restrictives qui auraient permis d'at- teindre le but visé. L'enquête montre que l'introduction de l'o- bligation de porter la ceinture de sécurité a provoqué une mo- dification radicale des comportements. Il est clair que des mesures d'information déjà largement utilisées auparavant n'au- raient pas pu aboutir à des résultats semblables. On a dit que

"le même résultat (que l'obligation dù port de la ceinture) eût pu être atteint par des mesures telles que des tarifs d'assuran- ce spéciaux pour ceux qui ne porteraient pas de ceinture"*. Il n'en est rien. En ce qui concerne l'assurance Re, qui est seu- le obligatoire et qui est dès lors la seule sur laquelle les pouvoirs publics pouvaient avoir une action d'envergure, on ne voit pas quelle mesure aurait pu être prise au niveau des tarifs.

Il n'est techniquement pas possible d'envisager la réduction des primes de celui qui s'engagerait à s'attacher. On ne voit pas comment le contrôle de cet engagement pourrait être effectué. On pourrait songer dans le cadre du droit de la responsabilité à réduire l'indemnité des victimes d'accident non attachées. Mais outre le caractère insatisfaisant et antisocial de cette mesure,

* Cf. D. KAPPELER, op. cit., p. 165.

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