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Indices d’appropriation du savoir dans des textes académiques et réflexifs d’étudiantes de première année Bachelor

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Master

Reference

Indices d'appropriation du savoir dans des textes académiques et réflexifs d'étudiantes de première année Bachelor

COUTURIER, Léa

Abstract

La formation académique de type Bachelor en enseignement primaire du canton de Vaud (Haute École Pédagogique – HEP), exige de ses étudiant.es qu'ils/elles fournissent un certain nombre d'écrits, de textes, de rapports, et ce tout au long de la formation. Ce mémoire se penche sur une série de textes académiques et réflexifs produits par des étudiant.es de première année de Bachelor dans le but de cerner les indices de discours visibles qui révèlent une appropriation théorique de la part de ces étudiant.es. Aussi, il s'agit d'identifier les types de savoirs mobilisés dans ces textes et les conceptions sous-jacentes de la théorie, qui se dégagent à travers les mots employés. Ce travail s'adresse à tous les formateurs et toutes les formatrices soucieux/ses de l'évaluation qu'ils/elles font des écrits fournis par les étudiant.es, que cette évaluation soit sommative ou formatrice.

COUTURIER, Léa. Indices d'appropriation du savoir dans des textes académiques et réflexifs d'étudiantes de première année Bachelor. Master d'études avancées : Univ.

Genève, 2020

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:142785

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Indices d’appropriation du savoir dans des textes académiques et réflexifs d’étudiantes

de première année Bachelor

MÉMOIRE REALISE EN VUE DE L’OBTENTION DU MASTER OF ADVANCED STUDIES (MAS) :

« Théories, pratiques et dispositifs de formation d’enseignants »

PAR Léa Couturier

DIRECTRICE DU MEMOIRE : Kristine Balslev

JURY: Genève, 2020

Kristine Balslev Sabine Vanhulle

Danièle Périsset Bagnoud

UNIVERSITE DE GENEVE

FACULTE DE PSYCHOLOGIE ET DES SCIENCES DE L'EDUCATION SECTION SCIENCES DE L'EDUCATION

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Résumé

La formation académique de type Bachelor en enseignement primaire du canton de Vaud (Haute École Pédagogique – HEP), exige de ses étudiant.es qu’ils/elles fournissent un certain nombre d’écrits, de textes, de rapports, et ce tout au long de la formation. Ce mémoire se penche sur une série de textes académiques et réflexifs produits par des étudiant.es de première année de Bachelor dans le but de cerner les indices de discours visibles qui révèlent une appropriation théorique de la part de ces étudiant.es. Aussi, il s'agit d’identifier les types de savoirs mobilisés dans ces textes et les conceptions sous-jacentes de la théorie, qui se dégagent à travers les mots employés. Comment le formateur/la formatrice peut-il/elle lire les écrits de ses étudiant.es et évaluer l’appropriation théorique en jeu ? Quels savoirs sont utilisés par les étudiant.es et à quelle(s) fin(s) ? Comment ces étudiant.es perçoivent-ils/elles la théorie ? Comment mettent- ils/elles en mots leurs propres apprentissages ? C’est à cette série de questions que ce mémoire tente de répondre. Ce travail s’adresse à tous les formateurs et toutes les formatrices soucieux/ses de l’évaluation qu’ils/elles font des écrits fournis par les étudiant.es, que cette évaluation soit sommative ou formatrice. Dans les deux cas, il s’agit de repérer les signes d’une

« réelle » appropriation théorique chez les apprenants. Aussi, « décrypter » les conceptions des étudiants sur la théorie, permet aux formateurs/trices d’émettre une régulation quand ces conceptions viennent « entraver » l’apprentissage.

Sur le plan méthodologique, ce travail est largement inspiré des travaux de Vanhulle et plus spécifiquement de la grille ADAP (Analyse des Discours d’Apprentissage Professionnel). Au total, 28 textes (12 textes « académiques » et 16 textes « réflexifs ») ont été analysés, tous provenant d’étudiant.es de première année Bachelor dans le cadre d’un module transversal intitulé « Apprentissage et développement ». Les principaux résultats obtenus montrent que les étudiant.es classé.es dans des degrés élevés d’appropriation théorique se démarquent des autres par leurs capacités à construire du discours « logique » et « critique ». Tandis que les étudiant.es classé.es dans des degrés moins élevés d’appropriation théorique émettent plus souvent des discours « appréciatifs » ainsi que des prescriptions normatives, telles que des doxas. Ces doxas semblent se décliner en plusieurs typologies, entrainant possiblement des conséquences différentes en termes de formation pour les étudiant.es.

MOTS-CLES

Appropriation – théorie - apprentissage – langage – savoirs – texte académique – texte réflexif – formation des enseignant.es – doxas

Remerciements :

Merci à tous mes collègues de travail ainsi qu’à ma hiérarchie, Anne Clerc et Daniel Martin pour leurs précieux conseils, leur patience, leur confiance et également pour tout le temps alloué à la réussite de ce travail.

Merci à Marilena Cuozzo pour son soutien pendant le MAS, sa capacité d’écoute, ses suggestions de lectures, ses encouragements et la motivation qu’elle a su me donner.

Merci à mon amie de longue date Alexandra Jost pour sa précieuse relecture et correction.

Et bien entendu, merci à Kristine Balslev, ma directrice de mémoire, qui a su me faire confiance et me laisser relativement libre dans la réalisation de ce travail, tout en me conseillant et en me guidant quand j’en avais besoin.

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Table des matières

Problématique et question de recherche : ... 6

1. CADRE THEORIQUE ... 9

1.1 Le récit réflexif dans une perspective historico-culturelle de l’apprentissage ... 9

1.1.1 L’apprentissage et le développement ... 9

1.1.2 Le langage écrit en tant qu’outil de la pensée ... 11

1.2 Les savoirs et leur appropriation ... 12

1.2.1 Définition du savoir ... 12

1.2.2 Les formes de savoirs de référence ... 12

1.2.3 Appropriation des savoirs et élaboration des connaissances ... 13

1.3 L’analyse de discours ... 16

1.3.1 Prise en charge d’un point de vue ... 17

1.3.2 Construction du sens ... 20

1.3.3 Empans réflexifs ... 21

1.3.4 Savoirs de référence convoqués ... 21

1.3.5 Opérations cognitives et métacognitives ... 22

1.3.6 Modalisations discursives ... 22

1.3.7 Structure de textes ... 23

1.3.8 Usages de la théorie ... 24

2 CADRE METHODOLOGIQUE ... 26

2.1 Contexte de la formation ... 26

2.1.1 Présentation de la formation Bachelor ... 26

2.1.2 Présentation du module « Apprentissage et développement » et de ses étudiants ... 26

2.2 Collecte des données ... 27

2.3 Concepts théoriques mobilisés dans les textes ... 28

2.4 Traitement et analyse des données ... 29

2.5 Questionnaire « appropriation subjective du savoir» ... 31

3. RESULTATS ... 32

3.1 Les indices d’appropriation théorique dans les textes académiques et réflexifs ... 32

3.1.1 Indices d’appropriation théorique dans les textes « académiques » ... 32

3.1.2 Indices d’appropriation théorique dans les textes « réflexifs » ... 42

3.2 Types de savoirs convoqués et usages des savoirs théoriques ... 47

3.2.1 Types de savoirs convoqués dans les textes académiques et réflexifs ... 47

3.2.2 Conception de la théorie dans le texte « académique » ... 48

3.2.3 Conception de la théorie dans le texte « réflexif » ... 49

3.3 Évolution en termes d’appropriation théorique ... 50

3.3.1 Évolution en termes d’appropriation théorique entre le devoir n°1 et le devoir n°2 ... 50

3.4 Texte réflexif et dimensions personnelles ... 53

3.4.1 Parler de soi et parler de la théorie : lier les deux dimensions ... 53

3.5 Perception des étudiants sur leur propre niveau d’appropriation théorique ... 55

3.5.1 Perception à la suite du devoir n°1 : Textes académiques ... 55

3.5.2 Perception à la suite du devoir n°2 : Textes réflexifs ... 56

3.5.3 Évolution dans la perception des étudiantes sur leur travail d’appropriation ... 57

3.5.4 Les moyens mis en œuvre par les étudiants pour réussir les deux devoirs ... 58

SYNTHESE ET PERSPECTIVES ... 59

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Résumé des principaux résultats ... 59

Limites de la recherche ... 60

Discussion et perspectives de recherche et de formation ... 61

En guise de conclusion… ... 63

BIBLIOGRAPHIE ... 65

ANNEXES ... 69

Annexe n°1 Consignes du devoir n°1 ... 69

Annexe n°2 Consignes du devoir n°2 ... 69

Annexe n°3 Le questionnaire « appropriation subjective du savoir » ... 70

Annexe n°4 Classification des étudiants par niveaux d’appropriation et comparaison avec leur propre perception de leur appropriation suite au devoir n°1 ... 72

Annexe n°5 Tableau « détails des moyens mis en œuvre par les étudiants pour réaliser le devoir n°1 » ... 73

Annexe n°6 Tableau « détails des moyens mis en œuvre par les étudiants pour réaliser le devoir n°2 » ... 75

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Problématique et question de recherche :

La formation Bachelor pour le titre « enseignement primaire » du canton de Vaud (HEP-VD), vise le développement de compétences, l’acquisition de savoirs et plus généralement, le développement d’une posture réflexive. Les productions écrites demandées aux étudiants1 prennent plusieurs formes, allant du texte de restitution théorique (synthèses) au mémoire académique, en passant par les bilans de stage (portfolio) ou encore les « méta-textes ». Toutes ces productions écrites tiennent une place prépondérante en formation, parce qu’elles permettent d’évaluer le processus d’appropriation du savoir et ont comme finalité de déclencher du développement cognitif. Elles sont des supports pour le formateur, qui évalue leur qualité et le développement de l’étudiant en identifiant les indices textuels d’appropriation du savoir.

Néanmoins, ces mêmes dispositifs d’écriture peuvent amener les étudiants à réaliser un exercice de style et à produire des discours « formatés », voire « creux », sans compter les enjeux auxquels ils sont confrontés ; comme la problématique du destinataire, la difficulté de parler de soi ou encore les enjeux identitaires perceptibles à travers leurs discours, pour ne citer que ceux- là (Cadet, 2006).

Aussi, la maitrise de la langue française apparait comme un prérequis nécessaire afin de réaliser les différents travaux écrits demandés tout au long de la formation. Bien que l’institution de formation prévoit un test de français durant la première année de Bachelor, et qu’elle ne retient que les personnes dont le niveau est suffisant pour poursuivre la formation, la question de l’accompagnement à la littératie se pose. D’autant plus que Clerc (2019) constate que l’écriture fait souvent l’objet de résistances de la part des étudiants qui ne perçoivent pas les enjeux de formation derrière les textes demandés. Leur vision des écrits en formation se limiterait à la simple fonction de transmission dans le but de répondre aux injonctions des formateurs. Si l’écriture est considérée pour les formateurs comme un outil de développement professionnel, il n’en est pas moins un exercice nouveau pour les étudiants, qui sans la maitrise des codes propres aux écrits académiques, ne peuvent véritablement s’approprier les savoirs et entrer dans un processus de formation. Dès lors, avoir développé des compétences littéraciées, comme la capacité à comprendre, utiliser et produire des informations écrites apparait comme une nécessité (Clerc 2013). La question de l’accompagnement à ces compétences se pose, à qui incombe cette responsabilité de former à l’écriture ?

Un autre constat, établi par les responsables et formateurs de l’unité de formation

« Enseignement, apprentissage et évaluation » de la HEP-VD, apparait : au terme des trois années de formation, une grande partie des étudiants se situe toujours et bien souvent dans le registre premier, soit celui de l’opinion au lieu d’employer un registre second, c’est-à-dire l’emploi du vocabulaire scientifique et la construction d’un discours basé sur des apprentissages construits en formation. Rester sur le registre de l’opinion apparait dès lors comme l’indice d’une faible appropriation des concepts théoriques proposés en formation. Au mieux, lorsque des liens théoriques sont retenus et intégrés, les savoirs se transforment en « doxas », soit en prescriptions normatives qu’il s’agit d’appliquer sur le terrain et qui figent les opinions de l’étudiant, peu propice au développement et à la remise en question. Cette vision « applicationniste » du savoir traduit la volonté d’apprendre des concepts « directement utiles » pour la pratique. L’étudiant ignorant que l’écriture, instrument de réflexivité de par sa fonction de restructuration de la pensée, n’a pas uniquement pour visée l’expression des savoirs mais sert principalement la transformation de ses propres conceptions par la manipulation des savoirs (Vanhulle, 2002). Pour autant, cette vision « applicationniste » peut être liée à la présence du

1 Pour faciliter la lecture de ce mémoire, le langage épicène n’est pas utilisé.

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référentiel de compétences, spécifique au métier enseignant, qui traduit cette volonté d’apprendre dans le but de « faire » ou « d’être en action », autrement dit, dans le but d’être directement « compétent » sur le terrain. Ce mouvement de professionnalisation traduit par des compétences tend à viser la performance et l’efficacité au travail et valorise essentiellement la pratique. De fait, la théorie perçue comme une simple transmission de connaissances n’est plus autant valorisée dans ce paradigme « professionnalisant » (Clerc, 2013). En plus d’une vision réductrice des apports théoriques, cantonnés à leur simple « utilité pratique », une partie des étudiants dont le programme de formation est bien rempli, perçoit les modules de formation comme des modules « à faire » pour réussir l’examen et poursuivre son cheminement académique, sans pour autant réaliser des liens entre les différents savoirs. Par exemple, bon nombre d’étudiants ne comprennent pas que certains modules permettent le développement de compétences professionnelles et perçoivent les tâches de rédaction proposées en formation comme des activités nécessaires pour réussir l’année (Breithaupt et Clerc, 2017). En ce sens, ils s’inscrivent pleinement dans une logique dite de « cheminement », terme employé par Bautier et Rochex (1999) pour désigner l’état d’esprit de l’apprenant qui perçoit sa formation comme une série « d’étapes/de modules » à franchir sans faire les liens nécessaires entres les différents apports et apprentissages. Cet état d’esprit est opposé à la logique dite

« d’apprentissage » dans laquelle les étudiants comprennent le sens des modules et des apports théoriques, peuvent tisser des liens entre les différents modules et construisent des compétences (Bautier et Rochex, 1999).

En lien avec ces quelques constats concernant les écrits demandés en formation, un enjeu professionnel pour le formateur émerge : celui d’être capable d’analyser les textes de ses étudiants pour évaluer l’appropriation des savoirs en cours. En effet, analyser les textes d’étudiants sur la base de critères relatifs à l’analyse du discours apparait comme une compétence centrale pour le formateur, tant dans l’acte de certification finale (rendus d’examens écrits) que dans les régulations formatives visant à faire progresser les apprenants.

Ce mémoire a pour objectif de déceler les indices d’appropriation du savoir théorique dans des textes académiques et réflexifs d’étudiants de première année Bachelor en enseignement primaire et tente de répondre à la question générique suivante : comment les étudiants de première année s’approprient-ils les cadrages et concepts théoriques ? Pour y répondre, deux sous-questions seront traitées :

1) Quels sont les indices de discours visibles dans des textes académiques et réflexifs, qui révèlent une appropriation théorique chez l’individu ? Quels types de savoirs mobilisent-ils et à quelle(s) fin(s) ? Quelle est leur conception de la théorie ? En premier lieu, il s’agit de distinguer ce que l’on entend par texte « académique » et texte « réflexif ». Dans les deux cas, ces types de production ont pour but l’appropriation des savoirs. Le premier incite l’étudiant à restituer, reformuler, interpréter le savoir académique (théorique) donné en formation. Le second invite l’étudiant à lier plus explicitement les types de savoirs élaborés (académiques mais aussi pratiques) en formation et à revenir sur ses démarches d’apprentissage. Une description plus précise de ces deux types de textes sera présentée dans le chapitre 1.1.2

2) Comment les étudiants mettent-ils en mots leurs propres apprentissages dans les textes réflexifs ? Comment lient-ils le contenu d’ordre théorique à leur propre personne et leur propre expérience ?

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En effet, s’intéresser à cette seconde question semble primordial dans la mesure où les étudiants peuvent être confrontés à une double difficulté lorsqu’il s’agit d’écrire des textes de genre « réflexif » (qu’avez-vous appris ? Quels moyens avez-vous mis en œuvre pour apprendre ? Quels gestes professionnels retenez-vous ?). Premièrement, ils doivent réaliser un travail de synthèse pour lequel il est nécessaire d’identifier, puis de structurer par écrit leurs principaux apprentissages. Deuxièmement, ils doivent également « parler d’eux-mêmes » et relier le tout à la première dimension (les apprentissages réalisés). En ce sens, il ne s’agit pas simplement de répondre à une question théorique, mais de répondre à ce qui fait sens pour l’étudiant. Certains peuvent se sentir désemparés à l’idée de parler de soi, d’autant plus qu’il s’agit là d’être capable de mobiliser des habiletés métacognitives et d’explorer ses propres fonctionnements et apprentissages pour les mettre en mots.

Ces deux questions permettent ensuite de répondre à la préoccupation du formateur, soucieux du progrès de ses apprenants concernant l’appropriation théorique visée. En effet, il s’agit in fine, de comprendre comment le formateur peut lire ces textes, sur la base de quels indicateurs il peut évaluer la réflexivité de ses étudiants et l’appropriation des savoirs ?

C’est à cette série de questions que ce travail de mémoire tente de répondre.

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1. CADRE THEORIQUE

1.1 Le récit réflexif dans une perspective historico-culturelle de l’apprentissage

La question principale de recherche questionne l’appropriation des savoirs théoriques proposés en formation. La conception des termes « appropriation » et « savoirs » nécessite un développement particulier et ces concepts seront présentés dans les prochains chapitres. En attendant, il s’agit d’éclairer le lecteur quant au postulat de base de ce mémoire. La recherche s’inscrit dans une perspective historico-culturelle (Vygotski, 1934) car le lien d’emblée affirmé est la relation entre le langage et l’appropriation du savoir. En effet, dans la visée vygotskienne, le langage agit comme médiation transformant les structures cognitives des individus et engendrant par la même occasion, des développements mentaux supérieurs (Vanhulle, 2013).

En ce sens, l’exercice d’écriture proposé en formation devient un instrument de réflexivité par sa fonction de restructuration de la pensée et permet l’appropriation des savoirs.

Aussi, précisons que bien que les travaux de Lev Vygotski se limitent à la population

« enfants », ses découvertes ont été élargies à l’humain en général. Dans cette optique, la théorie de Vygotski reste valable pour une population d’adultes, comme celle qui nous intéresse dans ce mémoire. Comme le souligne Buysse (2018), « le développement ne s’arrête pas à un âge donné, mais se déploie tout au long de la vie, quoiqu’éventuellement à des coûts supérieurs en effort de la part de l’apprenant » (p.22). En effet, les neurosciences nous apprennent que la plasticité du cerveau permet la modification des structures des neurones à chaque nouvel apprentissage (Buysse, 2018).

1.1.1 L’apprentissage et le développement

L’approche vygotskienne, contrairement à l’approche piagétienne, pose le postulat selon lequel l’apprentissage provoque le développement des fonctions psychiques de l’être humain (Brossard, 2004). En effet, pour Piaget, l’approche est perçue différemment, puisque pour lui, les apprentissages proposés dépendent du stade de maturation des fonctions psychiques ; autrement dit, un enseignement ou un apprentissage ne peut être proposé à l’individu si celui- ci n’a pas déjà atteint le bon stade de développement biologique dans lequel l’apprentissage peut se dérouler. Ce n’est donc pas l’apprentissage qui va influencer le développement des fonctions psychiques, mais bien la maturation de ces dernières qui vont influencer les apprentissages potentiels (Brossard, 2004). Pour Vygotski, il en est autrement, puisque bien que dépendant en partie d’un stade de maturation biologique, les apprentissages que les enfants vont réaliser sont surtout constitutifs de l’environnement social et culturel de ces derniers.

Facteur laissé dans l’ombre par Piaget et qui pourtant revêt une dimension essentielle. En ce sens, la thèse centrale proposée par Vygotski repose sur l’idée d’une double médiation nécessaire à l’apprentissage et provoquant in fine du développement. Cette double médiation se définit de la manière suivante : 1. L’apprentissage est un acte « social » et dépend des multiples interactions avec l’environnement. 2. Et cette genèse sociale passe systématiquement par la médiation d’outils, soit d’instruments extérieurs à l’individu, historiquement et culturellement construits. Ce sont ces outils culturels que l’enfant va s’approprier par les significations qu’il construira et l’usage qu’il en fera, pour aboutir à une forme d’intériorisation de ces outils, générant le développement de la pensée (Tartas, 2009).

Alors, quels sont ces outils ? Le langage, l’écriture et le savoir apparaissent comme des outils médiateurs, car ils sont des intermédiaires entre l’individu et le monde extérieur (Tartas 2009).

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Pour se développer, l’être humain s’approprie les outils culturels déposés dans son environnement, mais ces derniers ne peuvent être directement « transférables » dans le système de pensée de l’individu, ils font nécessairement l’objet d’une médiation pour être finalement

« intégrés ». Par exemple, le savoir ne peut être directement déposé dans l’esprit de l’individu : pour l’acquérir et le comprendre, il est nécessaire d’utiliser le langage. Le langage, agit alors comme outil médiateur, c’est-à-dire intermédiaire entre l’individu et l’acquisition du savoir.

Ces outils (le langage, l’écriture, le savoir, etc.) sont tout d’abord extérieurs aux individus apprenants, non seulement parce qu’ils existent indépendamment de l’individu (ils sont déposés dans la culture par les générations précédentes), mais aussi parce qu’ils ne sont pas d’emblée intériorisés par le jeune enfant. Leur intégration dépend donc en premier lieu du milieu environnemental et social. Un mouvement, qui au départ peut être qualifié « d’interpsychique », c’est-à-dire qu’un apprentissage (l’appropriation des outils) est tout d’abord l’affaire de deux individus, ou deux êtres pensants, débouche progressivement vers un processus dit

« intrapsychique », c’est-à-dire que les outils sont intériorisés par l’apprenant (Tartas, 2009).

Cette dialectique extérieur-intérieur sera reprise plus précisément dans le chapitre

« appropriation des savoirs et élaboration des connaissances ». Notons cependant que cette dialectique n'est possible qu’à la condition où les apprentissages/enseignements proposés à l’être pensant se situent dans la zone proche de développement de ce dernier (Brossard, 2004).

Cela signifie que la nouvelle tâche ou le nouvel apprentissage doit relever du défi pour l’apprenant, tout en se situant dans sa zone de développement potentiel. En d’autres termes, l’apprenant peut relever ce nouveau défi avec de l’aide, alors que seul il n’y parviendrait pas et peut alors accéder à des apprentissages situés au-delà de son développement actuel. C’est à cette condition que les apprentissages engendreront du développement.

Quant au développement des fonctions psychiques, il émerge par les apprentissages antérieurs réalisés par l’apprenant et peut être qualifié de processus incessant, générant de nouvelles formes d’organisations psychiques (Brossard, 2004). Et c’est cette nouvelle restructuration qui va permettre l’émergence d’une nouvelle zone proximale de développement (Buysse et Vanhulle, 2009). Les fonctions psychiques sont, par exemple : l’attention, la mémorisation, la volonté, la pensée et la perception. Ces fonctions sont latentes, c’est-à-dire présentes chez l’humain à des degrés divers : au départ, qualifiées « d’inférieures », elles vont progressivement se transformer en fonctions psychiques « supérieures ». Par exemple, la fonction psychique de

« l’attention » chez le nourrisson est tout d’abord non volontaire et non consciente, il possède cette fonction, mais ne la maitrise pas. Avec les années, il va progressivement développer cette fonction, pour finir par la maitriser de façon consciente et volontaire : la fonction d’attention se développant au stade « supérieur » de sa capacité. Toujours selon Vygostki, c’est cette fonction, une fois modifiée qui provoque un changement dans la conscience globale de l’individu (Leopoldoff Martin & Schneuwly, 2018). Mais cette maitrise n’est possible que par l’intériorisation des différents outils médiateurs proposés au jeune apprenant.

En résumé, l’acte d’apprentissage pour Vygotski, revient à s’approprier les différents outils culturels déposés par les générations précédentes (le langage, les savoirs, le récit réflexif…). Et cette appropriation, ou « internalisation » (pour reprendre le terme vygotskien) va engendrer des structures cognitives supérieures qui vont à leur tour impacter l’ensemble du système de pensée de l’individu. Les savoirs, considérés ici comme des outils validés par la communauté scientifique, jouent un rôle primordial dans la construction des concepts par l’apprenant, qui peu à peu sera capable de les mobiliser pour comprendre sa pratique (Buysse, 2018). Précisons toutefois que ce n'est pas l’outil en tant que tel qui va transformer l’individu, mais bien le fait de l’utiliser (Tartas, 2009).

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1.1.2 Le langage écrit en tant qu’outil de la pensée

Comme nous l’avons vu, l’apprentissage passe nécessairement par diverses formes de médiations. Les outils de la pensée apparaissent comme des médiations qui se verront progressivement intériorisées dans le psychisme de l’individu apprenant, dès lors qu’il en fait usage. A partir de cet état de fait, il convient en lien avec notre étude de préciser ce que pourrait être un outil de la pensée dans cette optique.

Selon Vanhulle (2009), les savoirs issus de la sphère académique, les cadres théoriques offerts en formation endossent une fonction psychologique de restructuration de la pensée. Comme dit précédemment, cette restructuration va générer du développement, c’est donc en ce sens que

« le savoir académique » peut être considéré comme un outil de la pensée. Le savoir n’est donc pas à considérer comme une information, à toutes fins utiles, visant uniquement « l’agir » professionnel, mais bel et bien comme un outil de réorganisation et de transformation du psychisme (Clerc & Breithaupt, 2018).

Mais le savoir, pour être intégré, nécessite à son tour l’usage d’une autre forme de médiation : le langage. Le langage, toujours dans une perspective vygotskienne, apparait comme un outil puissant de la pensée « en s’actualisant dans les discours oraux ou écrits, il constitue le support même de la transformation des structures cognitives, affectives, motrices (…) » (Vanhulle, 2013, p. 38). Bien que le langage englobe les dimensions orales et écrites, c’est bien la forme

« écrite » qui nous intéresse dans cette recherche. Il est à noter que la dimension contraignante de cette forme (règles linguistiques rigoureuses, lenteur associée à l’usage de l’écrit obligeant l’organisation de la pensée, etc.) constitue un moyen puissant de réflexion perçu comme un outil pour penser, apprendre et réfléchir (Vanhulle, 2009). A travers son usage optimal, l’étudiant intériorise à la fois les contenus qu’il est censé aborder, mais également les règles relatives à l’écrit. L’usage de l’écrit modèlera également sa pensée, une idée en amenant une autre viendra restructurer sa cognition, engendrant potentiellement du développement cognitif.

« L’écrit » peut être décliné en plusieurs catégories de textes selon les auteurs. Pour les besoins de cette étude, nous retenons les catégories de Balslev et Pellanda-Dieci (à paraître) qui distinguent, à partir des travaux de Vanhulle, deux types d’écrits :

1) Le genre académique classique

Ce type d’écrit, aussi appelé « écrit académique » prend généralement la forme de synthèse théorique. Il s’agit de faire référence au discours d’autrui, soit d’être capable de restituer des savoirs théoriques, des concepts ou cadres théoriques. D’autres auteurs (Beaudet & Rey, 2012) parlent de textes à valeur heuristique ou de textes de restitution des savoirs. Dans ce type de texte, l’on n’attend pas des étudiants qu’ils évoquent leur propre personne, seul le

« je épistémique » est attendu, soit l’articulation des savoirs théoriques entre eux (Balslev

& Pellanda-Dieci, à paraitre). L’objectif de ce genre de texte est essentiellement de permettre à l’étudiant de s’approprier les cadres théoriques qu’il étudie (Beaudet & Rey, 2012).

2) Le genre réflexif académique

Ce type d’écrit, aussi appelé « écrit réflexif », demande aux étudiants d’articuler le discours d’autrui, soit les références théoriques à sa propre pratique. L’idée étant d’être capable de développer une posture critique sur ses propres expériences à partir des savoirs issus de la recherche. Dit autrement : « l’écriture réflexive permet de donner du sens à ses expériences, en offrant une intelligibilité de l’action » (Balslev & Pellanda-Dieci, à paraitre, p.4). Ces textes ont pour finalité de générer des savoirs professionnels, engendrant également du développement professionnel. Pour entrer dans ce type d’écrit, l’étudiant doit à la fois

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s’observer et s’analyser. Ce genre de texte peut générer des difficultés chez les étudiants, qui dans certains cas, évitent de parler d’eux pour se contenter de restituer le savoir (genre académique classique) ou à l’autre extrême utilisent cet espace pour livrer un récit de vie sans l’articuler à des savoirs théoriques. L’exigence du récit réflexif étant à la fois de parler de soi, tout en incluant le discours d’autrui : celui-ci oblige donc l’étudiant d’être à la fois

« objectif » et « subjectif ». (Balslev & Pellanda -Dieci, à paraître).

1.2 Les savoirs et leur appropriation

1.2.1 Définition du savoir

Il convient à présent de définir ce que l’on entend par « savoir », terme polyphonique renvoyant à plusieurs courants de pensée. Par exemple, selon Foucault (1969), le savoir dépend d’une manière de penser, fondée sur la pensée et la logique, et doit pouvoir être discuté. Il s’agit donc pour cet auteur, d’une forme de pensée scientifique, qui plus est, doit pouvoir faire l’objet d’une pratique discursive. En d’autres termes, et selon d’autres auteurs (Tardif et Gauthier, 1997), le

« savoir » renvoie à des idées, des arguments ou discours « logiques » et « rationnels » permettant de fournir des justifications au discours et à l’action.

Toujours dans une approche historico-culturelle, le savoir est culturellement partagé et est le résultat d’une activité humaine et d’un travail collectif à partir duquel son statut est négocié et défini. Contrairement aux connaissances qui peuvent être situées, c’est-à-dire contextualisées et propres aux individus, les savoirs sont quant à eux, socialement reconnus et déconnectés de leurs situations de production (Hofstetter & Schneuwly, 2009).

Pour Vygotski, le savoir est une forme de médiation, outil pour penser le monde, l’analyser, le comprendre ou pour conceptualiser une pratique. Tandis que pour Perrenoud (1996), les savoirs théoriques de l’enseignant sont de type déclaratif et proposent des régularités qui peuvent aboutir à des règles d’action. Or, dans cette optique, les savoirs théoriques deviennent les prescripteurs d’une pratique professionnelle, ce qui peut s’avérer limitant si les professionnels appliquent une théorie en ignorant les particularités propres à la situation au lieu de la penser dans sa complexité globale. En effet, selon Astolfi (2008), les savoirs savants sont souvent

« abrégés » en formation, au risque d’une vulgarisation invitant au discours prescriptif plutôt qu’au discours scientifique pourtant indispensable pour réfléchir une pratique. Comme le souligne Breithaupt (2015), les étudiants en début de formation perçoivent trop souvent « la théorie » comme un outil directement « applicable » sur le terrain et n’entrent que progressivement vers une vision « conceptualisante » de la théorie, vision privilégiée par les formateurs pour analyser et comprendre la pratique.

1.2.2 Les formes de savoirs de référence

Vanhulle (2009), évoque trois formes de savoirs : les savoirs académiques (ou scientifiques), les savoirs institutionnels et les savoirs issus de l’expérience ou de la pratique. Les deux premiers sont des savoirs fixés dans les textes et légitimés par une communauté scientifique (savoirs académiques, institutionnels), tandis que les savoirs issus de l’expérience sont propres à l’individu qui agit dans son contexte de travail.

- Les savoirs académiques, pour Vanhulle (2009), sont issus de la recherche et considérés comme des outils d’interprétation des pratiques professionnelles : « ce sont des grilles d’intelligibilité ; ils constituent des références – provisoires – pour décrire et

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comprendre, voire orienter sur des bases scientifiques et techniques, les pratiques éducatives » (p. 171). Ce sont donc des outils théoriques essentiellement proposés par la formation aux étudiants pour comprendre leur profession. Dans notre étude, plus spécifiquement, les savoirs académiques recouvrent les cadres théoriques (courants théoriques sur l’enseignement-apprentissage), les concepts et notions pédagogiques (exemple : évaluation dynamique, zone prochaine de développement) disponibles dans les cours, séminaires et lectures de référence.

- Les savoirs institutionnels renvoient aux prescriptions de l’employeur et référentiels de compétences utiles à l’exercice du métier (Vanhulle, 2009 b). Ils font par exemple référence aux programmes scolaires. Ils dépendent des attentes de la société et de ceux de l’employeur (Vanhulle, 2009).

- Les savoirs issus de l’expérience ou de la pratique, quant à eux, sont issus de l’expérience professionnelle et ne sont à priori pas formalisés. Ils apparaissent au gré des expériences vécues (savoirs expérientiels), qu’elles soient en lien avec le propre passé scolaire de l’individu ou en lien avec son expérience professionnelle. Lorsqu’ils sont transmis et partagés par les formateurs de terrain, on parle davantage de « savoirs pratiques » (Vanhulle, 2009).

Pour compléter ce panel de savoirs, Gouin-Hamel & Falardeau (2018) convoquent la grille d’analyse de Buysse pour distinguer les savoirs « scientifiques » des savoirs « académiques ».

Les premiers sont issus de la recherche et sont des références scientifiques sur lesquelles les étudiants peuvent s’appuyer. Les seconds sont enseignés par l’institution de formation, ils proviennent également de la recherche et ont été didactisés. A ces différents types de savoirs, ils ajoutent la catégorie des « savoirs de vulgarisation », faisant référence aux applications concrètes, outils, méthodes issues d’ouvrages non scientifiques (sites internet, forum d’enseignants, articles de presse…).

Le savoir professionnel

Finalement, les trois formes de savoirs évoquées à l’instant, lorsqu’elles sont articulées entre elles, génèrent potentiellement du savoir professionnel. Le savoir professionnel est la réinterprétation et la restructuration des savoirs de référence par l’individu en vue d’une logique d’action : «…les savoirs professionnels se construisent dans la réélaboration subjective de connaissances à la fois issues des expériences en situations, des savoirs scientifiques appris, des prescriptions institutionnelles en circulation, et du contact avec les pratiques sociales du terrain » (Vanhulle, 2009 b, p.249). La dimension praxéologique ou d’action est au cœur du savoir professionnel, puisque c’est en ayant pour finalité des intentions et projections de l’agir enseignant que l’étudiant construit cette réélaboration des savoirs de référence (Vanhulle, 2009 b). Ces savoirs de référence, alors utiles à l’action sont certes orientés vers l’efficience, mais permettent surtout la construction de grilles d’intelligibilité pour interpréter et concevoir l’action (Vanhulle, 2006).

Enfin, la construction des savoirs professionnels amène au développement professionnel, développement qui implique la modification des structures cognitives en vue de l’atteinte d’un équilibre, qui à défaut d’être durable est au moins « dynamique » car capable d’adaptation pour faire face aux différentes situations professionnelles rencontrées (Buysse, 2018).

1.2.3 Appropriation des savoirs et élaboration des connaissances

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Après avoir défini ce que l’on entend par « savoir », nous pouvons explorer ce que revêt le concept « d’appropriation » et celui « d’élaboration des connaissances ».

Selon Vanhulle (2002), trois types d’activité sont à prendre en considération et définissent les procédures d’élaboration des connaissances.

1. Les activités d’information font référence à l’étude et la lecture de textes, l’observation, la prise de notes en cours par exemple, etc.

2. Les activités d’organisation font référence à la capacité de grouper des faits suivant une logique, de schématiser, de comparer, d’analyser des informations, de mettre en place des stratégies d’écriture, etc.

3. Les activités de conceptualisation font référence à la capacité de comprendre et de concevoir les caractéristiques définissant le savoir.

Autrement dit, ces activités font référence à la prise de conscience du concept dans sa forme « scientifique » et non « spontanée ». En effet selon Vygotski, le concept spontané, quotidien et inconscient sur lequel l’apprenant s’est appuyé pour élaborer des connaissances mute et se transforme en concept scientifique qu’il peut, cette fois-ci, mobiliser consciemment (Brossard, 2004).

Tout le travail d’appropriation des savoirs académiques consistera en la capacité pour l’étudiant d’opérationnaliser ces trois formes d’activité. Pour ce faire, comme le souligne Clerc (2013), l’apprenant doit comprendre, utiliser et produire des informations écrites, soit développer des compétences littéraciées. Et l’écriture nécessite un travail conscient et volontaire propice à l’élaboration des connaissances.

Pour rappel, dans la perspective historico-culturelle, « Vygotski entend par appropriation, l’internalisation des différents outils culturels par l’enfant, c’est-à-dire que ces outils d’abord extérieurs vont être reconstruits sur le plan interne, intégrés donc dans le fonctionnement mental du sujet » (Tartas, 2009, p. 55). Buysse et Vanhulle (2009) parlent d’un double mouvement pour définir cette « internalisation », propre aux dispositifs de formation :

1) Le mouvement d’objectivation : il précède le mouvement de subjectivation et est externe à l’apprenant. Il fait référence aux formes de médiations interpsychiques nécessaires à l’acquisition d’un savoir, comme toutes les formes d’interaction avec le formateur ou encore les lectures de référence proposées. Ce mouvement dépend donc du caractère social et culturel déposé dans l’environnement du formé (Vanhulle, 2002).

2) Le mouvement de subjectivation : il apparait lorsqu’il y a réelle appropriation du savoir.

On parle également « d’internalisation du savoir » : le mouvement qui au départ était interpsychique devient « intrapsychique » et les formes de médiation proposées au départ s’intériorisent dans l’esprit du sujet. C’est la forme la plus élaborée et aboutie d’appropriation du savoir (Vanhulle 2002).

Entre ces deux mouvements, plusieurs « niveaux, formes ou degrés » d’appropriation peuvent être définis. Buysse et Vanhulle (2009) proposent les catégories suivantes pour hiérarchiser le processus d’appropriation du savoir :

- Acquisition du savoir : le discours est restitué ou reformulé, l’étudiant fait peu de liens entre les éléments, la structure du texte est peu cohérente et il y a manifestement absence de réélaboration du savoir (les énoncés sont repris tels quels, présence de citations en

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trop grand nombre, etc.). En résumé, le savoir est présent, mais souvent « juxtaposé ».

Il y a absence de réélaboration, le discours peut apparaitre comme lisse, creux ou non incarné.

- Appropriation du savoir : l’on décèle une cohérence interne du savoir dans le discours, une compréhension générale sur le contenu, ainsi qu’une articulation du discours possible notamment par la présence de connecteurs langagiers mais sans traces de restructuration personnelle. Le savoir peut prendre la forme de prescriptions. En résumé, le savoir est intégré, voire appliqué, mais pas retouché.

- Internalisation du savoir : le discours démontre le mouvement de subjectivation évoqué plus haut, visible dans les réseaux de significations construits et à travers la restructuration du savoir possible, notamment par l’utilisation des différents savoirs de référence (expérience, théorique, etc.). Plus qu’une cohérence globale, le discours démontre un travail de reformulation important, une forme de réappropriation des concepts, ainsi qu’une transformation du savoir visible par une délibération critique du statut du savoir. Cette réelle « appropriation » du savoir ou « internalisation » génère un sens permettant d’éclairer et de penser les expériences futures de manière autonome. Le savoir est intégré, transformé et personnalisé et peut entrainer à son tour « une subjectivation des savoirs professionnels, dans laquelle, notamment, des apports théoriques sont incorporés dans un discours propre orienté vers un agir investi de signification » (Vanhulle, 2011, p.148).

- Expertise : en principe, les étudiants n’abordent pas ce quatrième niveau d’appropriation, laissé aux experts du domaine qu’ils étudient. Ici, le langage est soutenu, la reformulation consciente dans laquelle s’ajoutent les discours sociaux intégrés. Les savoirs font partie intégrante du système de pensée de l’individu (Vanhulle, 2011).

De fait, entre ces quatre niveaux d’appropriation, le développement des fonctions psychiques ne sera pas le même. En effet, l’étudiant pris dans des enjeux de logiques internes propres à l’institution de formation peut entrer dans un processus d’intériorisation « adaptatif », dans le sens où les apprentissages qu’il réalise sont des formes d’adaptation aux exigences de la formation. Alors que dans l’autre cas de figure, il y a bien développement au sens de Vygotski et donc subjectivation, générant une transformation des modes de penser et d’agir (Buysse &

Vanhulle, 2009). Notons que ces quatre niveaux d’appropriation sont corrélés aux structures de textes proposés par Clerc (2013), que nous développerons dans la partie « analyse de discours » pour opérationnaliser et classifier les textes en fonction de ces formes ou niveaux d’appropriation théorique.

C’est dans cette optique, visant au mieux l’internalisation et à défaut l’appropriation des savoirs, que la pratique du récit réflexif, apparait comme une forme de médiation, favorisant la subjectivation des savoirs et donc leur réelle appropriation (Buysse & Vanhulle, 2009). De par sa démarche intellectuelle et sa nécessaire mise en mots, le texte réflexif invite donc l’étudiant à restructurer sa pensée pour générer un véritable développement. Le langage et l’écriture plus particulièrement, apparaissant bien comme un vecteur de transformation des fonctions psychiques.

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1.3 L’analyse de discours

Dans cette partie, il s’agit à présent de définir précisément les items d’analyse retenus pour

« évaluer » le degré d’appropriation visible dans les textes d’étudiants. Ces items sont donc des indicateurs qui démontrent une forme d’appropriation théorique plus ou moins marquée.

Cette grille, largement inspirée de la grille ADAP2 de Vanhulle (2015, chapitre 8) et de celle de Buysse & Vanhulle (2009), représente huit items généraux dont le détail figure sur la droite du tableau et dont l’explication par item d’analyse est fournie ci-dessous.

Items d’analyse Détail

Prise en charge d’un point de vue

- Discours polyphonique (insertion des sources, évocation, reformulation, citation)

- Capacité à parler de soi (récit impliqué ou peu impliqué) - Les usages du « Je » (déictique ou épistémique)

- Marques d’adressage et usage de pronoms inclusifs Construction du sens - Récurrence thématique

- Intention/action future

- Discours appréciatif ou attribution d’une valeur - Discours déontique ou doxas

- Régulation de l’activité et des conceptions Empans réflexifs - Empan « autoréférencé »

- Empan « technique » - Empan « contextuel » - Empan « critique » Savoirs de référence

convoqués - Savoir d’expérience (de vie)

- Savoir de la pratique (professionnelle) - Savoir académique/théorique

- Savoir institutionnel - Savoir de vulgarisation Opérations cognitives - Réminiscence/se souvenir

- Narrer

- Juger (donner son point de vue personnel, reproches ou félicitations)

- Restituer (reproduire)

- Reformuler (décrire, expliquer) - Exemplifier

- Comprendre (expliquer, synthétiser, interpréter) - Analyser (mettre en relation, mettre en opposition,

restructurer, diagnostiquer)

- Critiquer (auto-évaluer, questionner) - Reconceptualiser (transformer) - Synthétiser (restructurer)

Modalisations discursives - Déontique (ordre du devoir, doxa) - Appréciative (jugement)

- Pragmatique (efficacité, faire) - Logique (loi, norme)

Structure de textes - Juxtaposition - Articulation

2 ADAP : Analyse des Discours d’Apprentissage Professionnel

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- Intégration

Usages de la théorie - Justifier des propos avec une théorie - Restituer un savoir ou une théorie - Appliquer une théorie

- Théorie pour agir autrement

- Utiliser des concepts pour parler de la pratique

- Comprendre et interpréter des situations professionnelles - Discuter (avec) la théorie

1.3.1 Prise en charge d’un point de vue

Cet item inclut plusieurs dimensions principales, qui toutes ont pour point commun de mettre en avant un point de vue.

La première dimension est le caractère polyphonique des textes; c’est-à-dire l’usage et l’insertion des différentes « voix » invoquées dans le discours écrit. Selon Pollet et Piette (2002), l’usage du discours d’autrui n’est pas suffisamment maitrisé par les étudiants. Cela se perçoit notamment par la « mauvaise » utilisation des citations, souvent non pertinentes, ou encore par des sources peu claires et non repérables (Boch et Grossmann, 2002). Pour Nonnon (2017), la difficulté réside également dans le fait de rendre compte à la fois de sa propre expérience tout en la reliant à des savoirs issus de ces différentes sources. Sources théoriques qui parfois peuvent diverger et venir complexifier la cohérence interne du discours ainsi que la construction de sa propre voix, parmi un discours polyphonique (Nonnon, 2017).

Il existe plusieurs formes de gestion de la polyphonie, ainsi nous retenons les trois catégories suivantes :

- L’évocation : le discours n’est certes pas développé sur le plan thématique, mais il est évoqué (allusion théorique) et l’on peut repérer l’origine du discours par la présence d’un nom propre d’auteur entre parenthèses par exemple (Boch et Grossmann, 2002).

- La reformulation : le discours externe subit une forme de réélaboration par l’étudiant (Vanhulle 2013) et précise la source de son discours (selon tel auteur, d’après tel auteur…). Le discours polyphonique est ici intégré dans le discours propre de l’étudiant (Boch et Grossmann, 2002). Pour Pollet et Piette (2002), les étudiants peinent à utiliser la reformulation, par exemple, ils recourent à des formes de surgénéralisation du discours ou effacent les nuances, ce qui peut s’expliquer par une difficulté à comprendre les propos de l’auteur.

- La citation : une partie du discours externe est rapportée ou restituée sous la forme de citation repérable par des guillemets, l’usage d’une police d’expression en italique ou encore l’insertion d’un pavé topographique (Boch et Grossmann, 2002). Selon Boch et Grossmann (2002), les étudiants auraient tendance à utiliser la citation dans leur texte, bien plus souvent qu’un chercheur aguerri et souvent pour des informations banales.

Cette tendance s’explique par la peur d’être piégé en s’essayant à une reformulation non pertinente qui ne ferait que démontrer la faible maitrise du sujet par l’étudiant. Ou encore, l’étudiant l’utilise pour confirmer ses dires, l’auteur jouant le rôle d’autorité épistémique infaillible. Une autre hypothèse serait que les étudiants utilisent ce mode de procédé régulièrement dans leur discours pour montrer qu’ils ont lu les textes proposés en formation ou encore pour atteindre le nombre de pages demandé (Pollet et Piette, 2002). Dans tous les cas, les citations en trop grand nombre révèlent une forme

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de juxtaposition des données qui indiquent que le discours d’autrui n’est pas réellement intégré au discours propre de l’étudiant, puisque ce dernier ressent manifestement la nécessité de rapporter le discours tel quel au lieu de tenter une forme de réélaboration du contenu par un travail de reformulation (Boch et Grossmann, 2002). Selon Pollet et Piette (2002), la trop grande utilisation des citations impacte sur la qualité et la structure du texte qui devient difficilement lisible pour le lecteur qui ne peut que constater l’écart entre les styles lexicaux rapportés. Toujours selon ces mêmes auteurs, il existe plusieurs moyens d’introduire une citation :

La citation directe et classique : qui sert le plus souvent à confirmer une affirmation et qui est repérable par des énoncés du type « comme le souligne X… » ou encore « selon X… ».

La citation entre guillemets qui vient en premier dans un texte, en tant qu’amorce, suivie d’une explication, mais qui, générée en trop grand nombre, provoque un effet

« patchwork ».

La citation intégrée au discours de l’étudiant, en d’autres termes, la citation vient terminer le début d’une phrase produite par l’étudiant.

Boch et Grossmann (2002) observent que plus rarement, le discours externe rapporté est utilisé pour se référer à des travaux antérieurs, pour être discuté, mis en débat, voire réfuté par les étudiants, fonctions davantage exploitées par les experts-chercheurs. La plupart du temps, les étudiants se contentent de juxtaposer différentes sources sans construire pour autant un véritable dialogue où les différentes « voix » se font écho et se répondent, et où un sens global cohérent émerge (Pollet et Piette, 2002).

La deuxième dimension toujours en lien avec l’item « prise en charge d’un point de vue », concerne la capacité à parler de soi dans des textes réflexifs et indique une forme d’implication versus une forme de distanciation. En effet, écrire et parler de soi peut être déstabilisant pour certains étudiants, car en dévoilant ses apprentissages, l’étudiant expose en même temps une partie de son histoire personnelle (Cadet, 2006). Cependant, cette dialectique entre soi et ses apprentissages semble nécessaire à l’émergence d’une réelle réflexivité : « c’est en s’appuyant sur le rapprochement ou la confrontation des expériences actuelles (expériences d’apprentissage, mais aussi expériences de vie) et des expériences passées que se construit la réflexivité et que commence à se développer un point de vue critique sur l’enseignement/apprentissage » (Cadet, 2006, p. 166).

En ce sens, il est possible de distinguer le récit « impliqué » qui montre un travail de réélaboration du savoir, possible par la mise en lien de soi, de ses expériences, du récit « peu ou pas impliqué » dans lequel l’étudiant émet des généralités sur les notions abordées, à savoir l’enseignement et l’apprentissage. Bien que les consignes d’écriture proposent à l’étudiant de

« se raconter », ce dernier s’efface au profit d’éléments généralisants (Cadet, 2006).

La troisième dimension de cet item concerne les usages différents du pronom « je » qui démontrent la capacité de l’étudiant à se distancier de l’objet de savoir. Boch (2013) distingue deux types de « je » :

1) Le « Je déictique » : renvoie à l’auteur en tant que personne incluant sa subjectivité propre. La personne parle d’elle et de ses expériences. Le verbe qui suit ce pronom personnel nous indique sa dimension ; si le verbe fait référence à l’activité ou encore à l’identité de l’étudiant, cela indique une forme de « je » déictique (Balslev et Gagnon, 2016). Ce type de « je » est à éviter dans des écrits scientifiques classiques, écrits qui recommandent l’effacement énonciatif (Boch, 2013). En effet, Clerc (2019), constate que l’usage de ce « je » relève de l’expression d’opinions personnelles, empêchant l’appropriation réelle des savoirs. De plus, les étudiants

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utilisant le registre de l’opinion ne progressent pas dans la construction du savoir et utilisent les données à leurs portées pour les faire coïncider avec leurs conceptions spontanées. Notons toutefois que ce type de « je » est parfois utilisé favorablement, dès lors que les règles des écrits scientifiques classiques ont été respectées et que les apprenants poursuivent leur réflexion à travers la construction de nouvelles significations qu’ils contestent, discutent ou négocient. Ce travail réflexif permet de confronter le discours polyphonique avec ses conceptions de départ, générant une évolution de celles-ci (Clerc, 2019).

2) Le « Je épistémique » : renvoie à des connaissances à visée universelle. Ce type de « je » favorise l’argumentation et la prise de distance par l’invocation d’une forme de polyphonie et démontre une certaine appropriation sur le plan théorique et épistémique. A nouveau, il est repérable à travers le verbe qui le suit : si le verbe renvoie à des opérations décontextualisées liées à l’activité de recherche, par exemple « j’analyse », « je questionne le… » (Balslev et Gagnon, 2016).

Cependant, ce type de « je » peut aussi revêtir une dimension symbolique parce qu’il ne fait pas toujours référence à l’étudiant en tant que personne (Boch, 2013).

Finalement, toujours en lien avec l’item « prise en charge d’un point de vue », les marques d’adressage, comme l’usage des pronoms inclusifs et leurs différentes fonctions sont directement liées aux formes d’implication et de distanciation, dont le but est de créer des effets de styles qui facilitent la prise de position de l’étudiant qui émet une opinion, un jugement ou un reproche pouvant être perçu comme difficilement « énonçable ». L’étudiant assume son point de vue face au lecteur et utilise différentes stratégies :

- Utilisation du pronom « il/elle » pour désigner et permettant de neutraliser le discours (Cadet, 2006).

- Usage du passif permettant d’atténuer une critique (exemple : « aucun support ne nous a été transmis » au lieu de « vous ne nous avez transmis aucun support… »).

- Utilisation du pronom « nous/on » mettant en scène l’étudiant comme faisant partie d’un collectif (Balslev, 2017) :

Il permet d’inclure l’ensemble d’un groupe (le groupe d’étudiants, d’enseignants) auquel le locuteur marque son appartenance.

Il permet de s’inclure dans la critique et donc d’atténuer les propos émis.

Il permet d’inclure le lecteur qui se sent alors concerné par les propos du locuteur (« on voit là la contradiction entre Vygotski et Piaget…»)

- Utilisation du pronom « vous/tu » permettant de s’adresser directement au lecteur, en ce sens qu’il est le mode d’adressage le plus direct et le moins nuancé. Toutefois, certains étudiants y ajoutent un effet de distance en parlant également d’eux-mêmes dans l’expérience qu’ils critiquent. Ainsi, on parle de marque d’adressage « direct » lorsque celle-ci permet de s’adresser directement au lecteur et montre que le rédacteur garde dans son esprit la place du lecteur au moment de la rédaction. Cette marque peut apparaitre dans son texte sous la forme de doubles tirets, de parenthèses ou encore de notes de bas de page ou par les termes « j’entends par là, je veux dire… » qui ont pour but de faire comprendre un élément particulier au lecteur facilitant sa compréhension générale (marqueurs d’éclaircissement du discours). Toutefois, cette forme de guidage et d’adressage directe peut apparaitre lorsque les étudiants ne sont pas certains de la

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conformité de leur travail vis-à-vis de ce qu’aurait attendu le formateur. Enfin, pour créer un effet de rapprochement avec son interlocuteur et donc entrer dans une forme d’implication, l’étudiant peut utiliser les marques de connivence dans son discours en utilisant les propos, idées et concepts que le formateur a utilisé en séminaire (Cadet, 2006).

1.3.2 Construction du sens

De façon générale, cet item « construction du sens » fait référence aux significations construites par l’étudiant, dont les indicateurs peuvent être nombreux. Pour faciliter l’analyse, nous avons sélectionné cinq indicateurs, eux-mêmes issus de plusieurs travaux et auteurs :

1. La récurrence dans les thématiques : pour Vanhulle (2002), les significations construites par les étudiants se dessinent notamment à travers le retour sur les idées, soit l’utilisation fréquente d’un même concept, d’une même idée qui nous indique que l’élément en question « a fait sens » pour l’étudiant.

2. Les intentions ou actions futures : elles sont corrélées aux préoccupations de l’étudiant.

Pour Balslev et al. (2015), il existe un lien entre les préoccupations des étudiants et la construction du savoir, parce que les préoccupations deviennent des moteurs invitant à la recherche de solutions et d’actions dont les réponses peuvent se trouver dans les savoirs théoriques. En ce sens, « les préoccupations constituent un motif pour revenir sur son expérience ou anticiper une activité future à l’aide de ces savoirs » (Balslev et al., 2015, p. 284). La présence d’intentions ou d’actions futures nous donne également un indice de ce qui « fait sens » ou/et de ce qui « préoccupe » l’étudiant.

3. Le discours appréciatif ou l’attribution d’une valeur à un concept : Bronckart (1997) parle de modalisations discursives (cf. 1.3.6 « modalisations discursives ») qui nous révèlent le positionnement de l’énonciateur dans son discours. Ainsi, le positionnement de type « appréciatif » nous montre comment l’étudiant se positionne face à l’idée qu’il émet. Cette modalisation « appréciative » fait que l’étudiant va attribuer une valeur à un concept (exemples « il est important de… » « il est indispensable de… ») et dévoiler ainsi ce qui « fait le plus sens » pour lui.

4. Le discours déontique ou la déduction d’une prescription à partir d’une théorie : Dans la même idée que la précédente, Bronckart (1997) identifie aussi la modalisation déontique dans le discours des apprenants. Ici, cette modalisation sera identifiée lorsque l’étudiant formule une prescription normative, soit une doxa pour régir un pan de son activité. Si la formulation de doxa est généralement perçue comme limitante dans le développement professionnel, elle reste néanmoins un élément de « construction de sens » pour l’étudiant, qu’elle soit par ailleurs erronée ou non.

5. La régulation de l’activité et/ou des conceptions : Enfin, Buysse et Vanhulle (2009) parlent de système de régulation induisant le processus de construction du savoir professionnel et formulent plusieurs types de régulations. Pour cette étude, nous retiendrons les deux types de régulation suivants :

La régulation de l’activité lorsque l’étudiant énonce les actions qu’il ferait différemment aujourd’hui.

La régulation des conceptions lorsque l’étudiant modifie sa perception ou sa croyance sur un élément lié au métier.

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1.3.3 Empans réflexifs

Buysse (2009) met en avant quatre empans réflexifs nous permettant de saisir le niveau de réflexion des apprenants. Dans leur article, Buysse, Périsset et Renaulaud (2019) décrivent ces quatre empans :

1) L’empan « autoréférencé » : l’étudiant se base sur des informations issues de son vécu non-professionnel et de sa personnalité pour comprendre une situation particulière, un phénomène. Il évoque ses préférences, ses expériences personnelles et décrit ses émotions.

2) L’empan « technique » : l’étudiant recherche ou invoque des techniques, des moyens ou des « trucs » pour enseigner de façon générale sans contextualiser ou questionner une situation. L’étudiant évoque des manières de faire, des actions enseignantes ou des régulations de l’action.

3) L’empan « contextuel » : l’étudiant mentionne les éléments de la situation comme autant d’indices générant une meilleure compréhension des actions. La situation est contextualisée pour être analysée. L’apprentissage des élèves est au cœur de la réflexion. Une réflexion sur soi-même, ses propres compétences en tant que professionnel et son évolution professionnelle dans ce cas de figure peut émerger.

L’étudiant opère un retour sur soi et s’inclut en tant que futur professionnel dans la réflexion (Balslev et al., 2015). Plus l’étudiant arrive à entrer dans le troisième degré de réflexion, plus ce dernier élabore une réflexion approfondie.

4) L’empan « critique » : l’étudiant est capable d’analyser les enjeux d’une situation pédagogique et peut émettre un avis critique envers les systèmes sociaux et éducatifs.

A noter que l’entrée dans ces niveaux de réflexion est fortement corrélée aux dispositifs de formation, aux consignes des formateurs, soit aux médiations proposées. Deux types de médiations ou de consignes vont induire et permettre l’entrée dans ces empans. Ainsi, il est nécessaire de distinguer les « médiations contrôlantes », qui visent à orienter la préoccupation des apprenants et à se centrer sur des aspects précis, des « médiations structurantes », qui visent à favoriser l’élaboration de la pensée. Ces médiations sont proposées dans les consignes et leur intériorisation par les étudiants sera visible à travers les textes produits (Buysse, Périsset et Renaulaud, 2019 et Buysse, 2009).

Pour ce mémoire (détail dans la partie méthodologique), nous constaterons que la consigne d’élaboration des textes académiques et réflexifs a été induite : celle-ci fait alors partie des médiations dites « contrôlantes » qui visent à orienter la préoccupation des étudiants sur des aspects précis, comme les gestes professionnels retenus qui découlent de leurs apprentissages théoriques. On peut donc s’attendre à ce que les étudiants mobilisent davantage l’empan

« technique » au détriment des autres.

1.3.4 Savoirs de référence convoqués

Cet item énonce les différents types de savoirs de référence potentiellement convoqués par les étudiants dans leurs écrits. Ces derniers sont repris des catégories de Vanhulle (2015) (cf.

chapitre 1.2.2 les formes de savoirs de référence).

Pour rappel, voici les différents types de savoir potentiellement identifiables dans les textes :

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