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3. RESULTATS

3.2 Types de savoirs convoqués et usages des savoirs théoriques

3.2.1 Types de savoirs convoqués dans les textes académiques et réflexifs

Les savoirs convoqués dans le cadre du texte « académique », sont comme son nom l’indique

« académiques », dans la très grande majorité des cas. Ainsi, sur les 12 textes, 11 d’entre eux mobilisent exclusivement des savoirs théoriques/académiques.8 Seule Ava, qui était hors sujet,

8 Pour cette étude, nous ne distinguons pas le savoir académique du savoir théorique.

n’a pas utilisé les savoirs académiques attendus et a mobilisé essentiellement des savoirs pratiques et de vulgarisation, comme le montre cet extrait : « La gestion de la classe et de l’enfant est globale ; l’enseignant(e) doit faire preuve de discernement et voir la classe sous un angle plus large. ». L’ensemble de son texte est constitué « d’affirmations vraies » dont on suppose l’extraction de par sa pratique enseignante : pour rappel, dans le questionnaire qui a suivi la réalisation du devoir n°1, Ava nous informe qu’elle détient une pratique enseignante de plus de cinq ans, ce qui explique en partie la mobilisation du savoir d’expérience ou de la pratique.

Concernant le texte « réflexif », nous repérons un panel plus large de mobilisation de savoirs.

Ainsi, plusieurs types de savoirs sont mobilisés même si pour la grande majorité, les savoirs académiques restent largement surreprésentés. Toutes les étudiantes (les 16 textes réflexifs) mobilisent des savoirs de type académique et certaines d’entre elles (7 sur 16) font usage à la fois de savoirs académiques et pratiques :

« J’ai pu mettre en œuvre les questions de métacognition lors de mon stage, mais également durant des cours d’appui. L’enseignement individuel permet encore plus de poser des questions du type : explique-moi ce que tu as fait ? Qu’est-ce qui se passe dans ta tête quand tu réalises cet exercice ?... » (Janine)

Ici, Janine fait explicitement référence à la dimension pratique de son stage tout en mobilisant un savoir académique reçu en formation (les éléments sur la métacognition).

Toutefois, une majorité d’entre elles (9 étudiantes sur 16) mobilisent essentiellement et exclusivement des savoirs académiques, sans les articuler à des dimensions plus pratiques. Ce phénomène s’explique en partie par l’absence ou très faible expérience pratique que détiennent les étudiantes, qui dans un tel contexte, ne peuvent que réaliser un exercice de projection à partir des éléments théoriques. A défaut, certaines font le choix de mobiliser également des savoirs d’expérience de vie, c’est-à-dire des situations vécues en tant qu’étudiante et qu’elles peuvent relier à l’objet du cours, comme c’est le cas chez Eve :

« Lors de mes précédentes études, j’avais plus été sensibilisée à Piaget et ses stades de développement et la théorie de Vygostki n’avait pas été détaillée de la sorte, or elle est essentielle… » (Eve)

Mais la difficulté à mobiliser d’autres types de savoirs que ceux académiques peut également s’expliquer par le fait que la consigne ne suggère pas explicitement à l’étudiante de réaliser des liens avec sa pratique actuelle (qui correspond à 1 jour de stage par semaine).

Finalement, toujours en lien avec la mobilisation des types de savoirs, aucun savoir

« institutionnel » n’a été repéré, ni dans les textes académiques ni dans les textes réflexifs.

3.2.2 Conception de la théorie dans le texte « académique »

En lien avec le devoir « texte académique », rappelons que la consigne invitait les étudiantes à expliquer deux concepts propres à la théorie historico-culturelle de Vygotski (les outils sémiotiques et la relation entre apprentissage et développement). Dans la perspective de Buysse (2009), ce devoir s’apparente à une médiation dite « contrôlante », parce qu’elle dirige volontairement le processus de réflexion vers un travail de type « restitution du savoir ». En ce sens, la consigne qui fait office de « médiation », influence nettement l’usage que vont faire les étudiants de la théorie et ne nous informe pas pour autant de leur conception « personnelle et sous-jacente » du savoir académique. En appui aux catégories d’usages du savoir de Balslev et Pellanda-Dieci (à paraitre), sur les 12 textes académiques analysés, 11 personnes utilisent la théorie à des fins de restitution du savoir. La douzième personne est Ava (hors sujet) qui ne fait pas usage de la théorie.

En plus de la fonction de « restitution du savoir » que proposait ce premier devoir, certaines de ces étudiantes ont utilisé le savoir théorique différemment, sans être cette fois-ci influencées par les énoncés de la consigne. A ce titre, Janine, Sylvie et Elvina, qui se situent toutes les trois dans la catégorie « acquisition du savoir » (1er degré d’appropriation), appliquent la théorie à différents moments de leur texte, la transformant en principes ou doxas utiles pour le métier.

Comme le montre cet extrait tiré du texte de Sylvie :

« La médiation est un des comportements que l’enseignant doit avoir, cela veut dire qu’il ne doit pas juste être la personne qui sait et qui répète aux élèves ce qu’il sait pour qu’ils apprennent, mais il doit aider les élèves à découvrir et à comprendre. Il ne doit pas juste réciter bêtement ce qu’il sait, il doit le démontrer aux élèves pour que ça soit concret pour eux. » (Sylvie)

Cet usage répété du verbe « devoir » à l’impératif nous montre bien que Sylvie construit des principes pédagogiques de types « doxas » qui peuvent à terme « l’enfermer » dans des positionnements professionnels peu propices au développement ou à la remise en question.

3.2.3 Conception de la théorie dans le texte « réflexif »

Comme pour le premier devoir, le devoir « texte réflexif » oriente les étudiantes dans leur processus de réflexion, en leur proposant de structurer leurs propos en trois parties distinctes (3 consignes distinctes). La consigne est aussi une médiation « contrôlante » (Buysse, 2009).

Toutefois, la première consigne (rapporter ses apprentissages) est suffisamment large pour que l’étudiante décide quel contenu invoquer et quelles habiletés mobiliser sans que cela influence l’usage spontané qu’elles font de la théorie.

Contrairement au premier devoir, dont l’usage principal est la « restitution du savoir », les usages de la théorie (catégories de Balslev et Pellanda-Dieci, à paraitre) sont nombreux dans les textes de nature « réflexive ».

De façon générale, les groupes des niveaux « acquisition » et « appropriation » utilisent majoritairement la théorie pour la restituer et pour l’appliquer. Le groupe « internalisation » (haut degré d’appropriation), quant à lui utilise la théorie à d’autres fins, mais aucunement pour simplement « restituer » et encore moins pour « appliquer le savoir ». En effet, Mya discute la théorie à travers les propos critique qu’elle émet :

« Le fait de regarder l’apprenant non pas comme un « donneur » de bonnes (ou mauvaises) réponses, mais comme un individu en devenir est en soi révolutionnaire. Une perspective qui, selon moi, libère l’élève d’une pression tétanisante qui le garde prisonnier d’un présent oppressant…» (Mya)

Mais elle ne s’arrête pas là et est capable également de mobiliser la théorie pour comprendre et interpréter des situations professionnelles, du moins pour modifier sa conception sous-jacente du métier, soit pour réguler sa conception du métier (exemple : penser au départ qu’enseigner c’est faire de la transmission et penser à présent qu’enseigner c’est partir des concepts quotidiens des élèves pour les élever vers les concepts scientifiques). C’est également le cas de Sabine (entre appropriation et internalisation du savoir) qui modifie sa conception sous-jacente du métier à partir des nouveaux éléments théoriques qu’elle a intégrés et le mentionne explicitement au début de son texte (« cette formation m’a permis d’avoir un autre regard sur l’enseignement »), puis poursuit son propos en développant la raison de ce changement de vision.

De plus, une nouvelle catégorie d’usage du savoir apparait à travers ces textes : Patty (sans appropriation) qui n’a pas fait mention explicitement du savoir théorique, laisse sous-entendre qu’elle mobilise le concept de métacognition (sans mentionner le terme) et utilise la théorie

pour s’autoévaluer, soit se situer par rapport aux principes théoriques qu’elle traduit :

« Intuitivement, je demande toujours aux élèves de s’organiser face à la tâche, de détecter les pièges ».

(Patty). A ce sujet, ce constat vient corroborer les résultats de Clerc (2019), quant au fait que les étudiants restant dans le registre de l’opinion utilisent généralement les données à leurs portées pour les faire coïncider avec leurs conceptions spontanées, ce qui semble être le cas pour Patty.