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Indices d’appropriation théorique dans les textes « réflexifs »

3. RESULTATS

3.1 Les indices d’appropriation théorique dans les textes académiques et réflexifs

3.1.2 Indices d’appropriation théorique dans les textes « réflexifs »

A présent, il convient de relever les indices d’appropriation théorique issus des textes dits

« réflexifs » fournis par les mêmes étudiantes, environ 3 mois après le premier devoir (texte académique).

Dans ce devoir de type « réflexif », rappelons que la consigne proposée était scindée en trois parties. Les étudiantes devaient :

- Rapporter leurs apprentissages dans le cadre du module

- Expliquer les moyens mis en œuvre pour s’approprier les concepts

- Expliquer les gestes professionnels retenus, qu’elles souhaitent utiliser dans leur (future) pratique enseignante.

Rappelons aussi que 16 textes réflexifs ont été analysés, soit 4 textes supplémentaires tirés de la volée 2018, car emblématiques de certains « niveaux d’appropriation ».

3.1.2.1 Des cas spécifiques démontrant le niveau d’appropriation du savoir

Comme dans la première partie des résultats, la classification par niveau a été effectuée sur la base du tableau « escalier renversé » et de la grille critériée ; outils présents dans la méthodologie.

Voici un résumé du classement effectué suite à l’analyse des 16 textes réflexifs :

TEXTE REFLEXIF (devoir n°2) Patty Pas d’appropriation (forme 0) Téa Pas d’appropriation (forme 0) Ava Acquisition (forme 1)

Lou Acquisition (forme 1) Isa Acquisition (forme 1) Gisèle Acquisition (forme 1) Magali Acquisition (forme 1) Eve Acquisition (forme 1) Sylvie Appropriation (forme 2) Mady Appropriation (forme 2) Simone Appropriation (forme 2) Janine Appropriation (forme 2) Elvina Appropriation (forme 2) Pia Appropriation (forme 2)

Sabine Appropriation/internalisation (formes 2 et 3) Mya Internalisation (forme 3)

Les cas « d’acquisition du savoir » (Ava, Lou, Isa, Gisèle, Magali, Eve) (degré n°1)

Il est intéressant de constater que la moitié des étudiantes de cette catégorie (Eve, Gisèle et Ava) a préféré relater ses idées sous forme de liste. Or, ce format génère automatiquement du discours « juxtaposé » ; les idées émises par les auteurs n’étant pas reliées entre elles. Ce choix syntaxique ne nous permet pas de juger plus en amont de leur véritable degré d’appropriation

du savoir. Les consignes ont peut-être induit cet effet de présentation. Dans tous les cas, les propos sont correctement restitués mais jamais retouchés.

Les trois autres étudiantes de cette catégorie (Lou, Isa et Magali), ont toutes en commun le fait d’avoir cité ou nommé des éléments d’apprentissage sans les développer et sans les relier entre eux, ce qui à nouveau génère un effet de juxtaposition sans nous informer davantage du niveau d’appropriation effectif : « j’ai pu découvrir les outils médiateurs, la zone proximale de développement, la médiation, le développement des fonctions psychiques… » (Magali).

Notons au passage que la modalisation discursive de type « logique » n’est que faiblement présente. Ainsi, les étudiantes de cette catégorie axent majoritairement leur discours sur une modalisation de type « déontique » générant un empan « technique ». Ce qui s’explique en grande partie par la dernière consigne « Expliquer les gestes professionnels que vous retenez et que vous souhaitez utiliser dans votre (future) pratique enseignante », qui invite l’étudiante à traduire les concepts théoriques « en conséquences concrètes » pour son métier.

Les modalisations discursives de types « pragmatique » et « appréciatif » sont également présentes pour les étudiantes faisant partie de cette catégorie. Les appréciations ne sont pas toujours suivies de discours logique qui structureraient le propos, comme en témoigne cet extrait : « L’importance de prendre en compte la perspective de l’élève pour favoriser son apprentissage. » (Magali). Ici, Magali nomme différents apprentissages qu’elle a fait sans les développer ou les expliquer. Elle émet un jugement appréciatif sur « la perspective de l’élève », qui selon elle est une dimension importante à prendre en considération, mais son discours n'est pas étoffé davantage et s’arrête ici.

La modalisation discursive de type « pragmatique », quant à elle, s’explique certes en grande partie par les injonctions de cette dernière consigne, mais un autre constat émerge : 3 étudiantes (Lou, Eve et Ava) ponctuent leur texte de prescriptions normative sur « l’ensemble » du devoir sans se limiter à la consigne n°3. Ainsi, le texte d’Eve regorge de doxas déjà à partir de la consigne n°1 (rapporter ses apprentissages) :

« L’enseignant doit pouvoir repérer la ZPD de ses élèves afin de la respecter et guider son enseignement en fonction. La médiation de l’adulte doit se situer dans cette zone pour être efficace. La ZPD doit être prise en compte pour aider un élève dans l’exécution d’une tâche, pour l’évaluer, pour déterminer ce qui est approprié́ ou non pour lui. » (Eve)

Constatons qu’Eve et Gisèle, qui autrefois se situaient dans un degré d’appropriation théorique plus élevé (appropriation), se retrouvent toutes les deux à la limite entre acquisition et appropriation pour ce dernier devoir. Au moins deux hypothèses interprétatives expliquent ce phénomène :

- Elles ont toutes les deux fait le choix de structurer leur propos sous forme de puces et se contentent de citer des concepts sans les développer (surtout dans le texte de Gisèle).

Or, ce format ne permet pas d’articuler les idées entre elles, ce qui ne nous dit pas réellement si elles se sont ou non appropriées le savoir.

- Peut-être aussi que ces deux étudiantes ne perçoivent pas l’utilité ou la pertinence de ce dernier devoir. Cette hypothèse est renforcée par les réponses qu’elles ont fournies au questionnaire qui a suivi la réalisation de ce dernier devoir : Gisèle a coché la case « je ne perçois pas l’utilité de ce devoir » et a ajouté à côté « je l’ai trouvé moins utile que les précédents ». Cependant, Eve dit percevoir l’utilité du devoir et cette hypothèse ne semble donc pas valable pour elle.

Les cas « d’appropriation du savoir » (Simone, Janine, Pia, Mady, Elvina, Sylvie) (degré n°2) Sur les six étudiantes appartenant à cette catégorie, toutes restituent et reformulent le savoir correctement, dont trois d’entre elles qui nomment explicitement les auteurs derrière les idées émises. Il est intéressant de constater que toutes ne mobilisent pas le savoir de la même manière :

- Mady ne mobilise pas explicitement les auteurs des apprentissages qu’elle a réalisés et restitue le savoir correctement sous forme de « narration », c’est-à-dire dans l’ordre chronologique des apprentissages qu’elle a réalisés dans le module.

- Simone ne mobilise pas explicitement les auteurs et transforme directement les idées théoriques en doxas et prescriptions pour le métier (tout au long du texte).

- Janine non plus, ne mobilise pas explicitement les auteurs mais se positionne sur les principales idées émises en émettant un avis appréciatif suivi d’une explication théorique : « Je trouve la notion de ZPD très importante car… J’aime l’idée de l’évaluation dynamique car… ».

- Sylvie et Pia nomment explicitement les auteurs et ponctuent parfois leur texte de doxas, mais se contentent la majorité du temps de restituer le savoir.

- Elvina nomme explicitement les auteurs tout en restituant le savoir. Elle se positionne à de faibles occasions et émet un avis appréciatif sur quelques idées.

Si Elvina et Janine sont les seules à émettre des avis critiques et appréciatifs sur le savoir qu’elles restituent et qu’en ce sens, elles se rapprochent davantage de la catégorie

« internalisation du savoir », il est à noter que les critiques émises sont toutes positives et servent davantage à valoriser la théorie sans pour autant la questionner ou la transformer à leur propre compte.

Concernant la présence de doxas dans les textes des six étudiantes de cette catégorie, notons que cinq d’entre elles ont effectivement marqué leur texte de prescriptions normatives et ce sur l’ensemble des trois consignes (excepté Mady qui le fait uniquement suite à la consigne n°3).

Les cas « d’internalisation du savoir » (Mya et Sabine) (degré n°3)

Deux étudiantes ont été classées dans cette catégorie car leur texte diffère de la catégorie

« appropriation » d’au moins deux façons. Premièrement, la gestion des doxas n’est pas la même, voire absente. Deuxièmement toutes les deux ont émis des propos critiques et logiques découlant de la théorie et ont montré des signes de transformation du savoir « à leur propre compte ». C’est essentiellement ce dernier point qui marque la différence.

Si leur discours est logique, comme les étudiantes de la catégorie précédente, le texte de Sabine est absent en termes de modalisation « déontique », malgré l’injonction de la consigne n°3.

Dans le cas de Mya, celle-ci est consciente que le savoir « ne s’applique pas » et opte pour des tournures de phrases de forme « intentions » en faisant référence à ce qu’elle souhaite mettre en place dans sa classe, comme en témoigne cet extrait :

« Bien entendu l’approche historico-culturelle n’est pas linéaire et applicable telle une recette.

Il faudrait plutôt la considérer comme une ligne de conduite, un objectif à viser tout en étant conscients de ses propres limites (objectifs réel et objectifs imaginaires liés au métier d’enseignant(e)). Dans ma pratique d’enseignante je chercherai, en syntonie avec ce qu’on a pu voir en cours et séminaire de privilégier l’observation, l’écoute et la bienveillance. Évaluer chacun de façon dynamique, considérer les erreurs non pas comme une « honte » mais au contraire comme une base de réflexion pour l’élève mais également pour l’enseignant. » (Mya)

De plus, toutes les deux montrent des signes de construction d’un discours à la fois logique mais aussi critique. Chez Sabine, l’empan critique est mobilisé à travers une déduction théorique qu’elle découvre seule (puisque le module en question n’a pour le moment pas encore abordé ces sujets) et qui s’avère correct (cela fait même l’objet du prochain module qu’elle n’a pas encore abordé).

« L’enseignement, par la façon dont on s’y prend, influence la réussite de l’apprentissage des élèves. Et le fait, qu’à taches égales, certains élèves qui vont percevoir des choses que d’autres ne vont pas percevoir me rend doublement attentive à la tâche de rendre mon enseignement accessible à tous les élèves. » (Sabine)

Le principe des tâches n’a pas été abordé en séminaire. Peut-être l’a-t-il été en cours mais probablement furtivement car cela ne faisait pas partie du programme du premier semestre. Il est possible que Sabine ait compris cet élément seule à la suite du séminaire, ce qui montre sa capacité à comprendre l’enjeu de savoir, de façon plus globale et systémique.

Quant à Mya, celle-ci nous dévoile à plusieurs reprises ce qu’elle pense des actions mises en place dans les écoles à l’heure actuelle, qu’elle remet en question à la suite de sa compréhension élargie de quelques principes théoriques. C’est la seule à oser « critiquer » le modèle actuel de l’école, mais elle le fait en mobilisant des éléments de savoir qu’elle retient pour sa pratique :

« La métacognition, le partage de ses propres stratégies pour s’approprier un concept m’ont fait réfléchir à l’automatisme, trop souvent répandu dans les classes, du « silence à tout prix ». Or, un chaos « créatif » peut parfois être plus constructif qu’un silence innaturel et stérile (même si rassurant). » (Mya)

En plus de mobiliser les habiletés cognitives attendues dans cet exercice comme la reformulation, la restitution et l’explication, Mya et Sabine analysent (et déduisent) une situation et émettent un avis critique, ce qui les démarquent de leurs pairs.

Les cas « d’absence d’acquisition du savoir » (Patty et Téa)

Patty et Téa sont les représentantes d’une absence d’acquisition du savoir. Du moins, leur texte ne donne aucun indice d’appropriation théorique. En effet, Téa ne fait pas de liens entre ses phrases et ne fournit aucune explication ou reformulation. Pour la première consigne (mes apprentissages), elle cite les trois axes du séminaire (1. Apprentissage-développement 2. Outils médiateurs 3. Concept quotidien et scientifique) sans émettre de développement.

Quant à Patty, elle ne rapporte pas de concept et adopte un style « narratif » dans lequel elle parle essentiellement de sa propre expérience avec son statut d’étudiante dans le cadre de ce premier module. Par extension à ces constats, on remarque qu’il n’y a pas de gestion de la polyphonie, puisque soit les savoirs sont nommés (Téa), soit les savoirs théoriques sont inexistants ; l’étudiante mobilisant uniquement du savoir pratique ou d’expérience (Patty).

Il y a présence de doxas prescriptives dans le discours de Téa, induite par la consigne n°3 (les gestes professionnels retenus), de type « généralisante » : « il faut toujours connaitre le niveau des élèves, où ils se trouvent dans la ZPD » (Téa). Quant à Patty, aucune présence de doxa n’est relevée. Ce qui peut s’expliquer par le style « narratif » qu’elle a adopté, exploitant ce devoir comme l’espace pour discuter de ses expériences en tant qu’étudiante et enseignante ACM7 à temps partiel. Seule une formulation de phrase laisse à penser que Patty consolide une pratique actuelle sur la base d’un argument théorique qu’elle transforme en règle d’action (doxa), sans pour autant mentionner le concept auquel elle fait référence :

7 ACM : activité créatrice et manuelle

« Ma détermination à ne pas mettre une note sur un bricolage terminé mais sur l’acquisition d’une technique et le développement de celle-ci est tout à fait au goût du jour. » (Patty)

Ici, Patty évoque une idée théorique mais ne fait aucune mention explicite de ce savoir (ici le concept d’évaluation dynamique) et ne développe pas davantage son idée (pourquoi est-ce « au goût du jour » ?).

3.1.2.2 La construction du sens

A nouveau, comme pour le texte académique, les indicateurs « construction du sens » (récurrence, intention, valeur, doxa, régulation) ont été analysés dans les 16 textes réflexifs.

Voici le tableau nous indiquant les items présents dans ce devoir n°2 pour chaque étudiante : Tableau 2 : construction du sens en fonction des degrés d’appropriation théorique dans le texte réflexif

Etu Degrés d’appropriation sur

le texte réflexif (devoir n°2) Indicateurs de construction de sens

Récurrence Intention Valeur Doxa Autorégulation

Patty Pas d’appropriation (forme 0) - - - - -

Téa Pas d’appropriation (forme 0) - - - 2 -

Ava Acquisition (forme 1) - 1 4 1 -

Lou Acquisition (forme 1) - - 3 5 -

Isa Acquisition (forme 1) - - 1 5 -

Magali Acquisition (forme 1) - 3 - - -

Eve Acquisition (forme 1) - - 2 1 -

Gisèle Acquisition (forme 1) - 2 2 - -

Janine Appropriation (forme 2) - - 2 - 1

Sylvie Appropriation (forme 2) 3X la même idée

3X la

même idée

2 - 6 -

Elvina Appropriation (forme 2) 1X la

même idée - 4 1 -

Mady Appropriation (forme 2) 2X la

même idée 2 1 1 -

Simone Appropriation (forme 2) 2X la même idée

1 1 3 -

Pia Appropriation (forme 2) 2 X la

même idée 3 1 - 1

Sabine Appropriation/internalisation

(formes 2 et 3) - 1 - - 1

Mya Internalisation (forme 3) 3X la

même idée 3 6 - 2

Commentaires du tableau :

Le premier constat, tout comme pour le texte « académique » nous montre que plus les étudiantes possèdent un haut degré d’appropriation théorique, plus celles-ci sont aptes à mobiliser à plusieurs reprises les mêmes idées dans un texte sous un angle différent, et ce indépendamment des consignes. Cet indicateur de « récurrence » est la marque de ce qui a pu

« faire sens » pour ces étudiantes.

Le deuxième constat, en lien avec l’indicateur « intention future », nous indique qu’une majorité des étudiantes sont capables de formuler des intentions futures qui découlent de la théorie apprise, quoi que les personnes situées dans des degrés d’appropriation moins élevés en produisent moins en proportion. Cependant, il est à noter que la formulation de ces intentions futures émerge le plus souvent suite à l’injonction de la consigne n°3 (expliquez ce que vous retenez en termes de gestes professionnels et ce que vous souhaitez utiliser dans votre future pratique).

Le troisième constat, en lien avec l’indicateur « doxa », nous informe qu’une majorité des étudiantes (9/16) emploient des doxas. A nouveau, l’induction liée à la consigne n°3 explique la formation de ces doxas. Pour autant, il est intéressant de relever que les étudiantes des degrés d’appropriation les plus élevés (Pia, Sabine, Mya) n’ont pas formulé de prescriptions normatives. A l’inverse, Ava et Lou (acquisition du savoir) ont formulé des doxas bien avant la consigne n°3, déjà en amont durant la partie concernant les apprentissages effectués.

Le quatrième constat, en lien avec l’indicateur « autorégulation », nous montre que rares sont les étudiantes qui font des régulations sur leurs conceptions du métier ou sur leurs actions professionnelles. Aucune injonction de consigne n’a été donnée en ce sens, ce qui peut expliquer cette absence de propos de type « régulation ». Toutefois, contrairement au premier devoir, 4 étudiantes ont tout de même indiqué des éléments de régulation. On constate que les étudiantes des degrés les plus élevés sont également celles qui vont mentionner des indices de régulation. Par exemple, Sabine nous dit : « cette formation m’a permis d’avoir un autre regard sur l’enseignement. Un regard, entre autres, plus responsable ». Ici, Sabine réalise une régulation sur ses conceptions de l’enseignement, qu’elle formule explicitement. Pia aussi réalise ce type de régulation, à cela près que cette dernière viendra impacter ses intentions futures ; elle comprend que l’apprentissage provoque le développement ce qui modifie sa vision de l’enseignement (d’après elle) puis ajoute qu’elle créera des séquences pédagogiques qui stimuleront le développement de ses futurs élèves. Mya (internalisation du savoir) quant à elle, formule à la fois une régulation sur ses conceptions de l’enseignement, mais ajoute également une régulation sur ses actions professionnelles (elle n’imposera plus le silence à tout prix à ses élèves).

Finalement, seul le texte de Patty, qui avait été classé dans la catégorie « sans appropriation », ne présente aucun indicateur de construction de sens. En revanche, le sens supposé pour cette dernière est de l’ordre de la logique de cheminement (Bautier et Rochex, 1999), parce que son objectif, à partir de ce dernier devoir et des prochains cours est avant tout de réussir son examen comme l’indique son propos:

« Je pense que le BP23ENS, cours du prochain semestre va me permettre de mieux me situer, je m’en réjouis. En attendant, il y a une date butoir (qui ne va pas attendre ma digestion de la théorie) pour cet examen et je dois m’y présenter comme cela. » (Patty)