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De la cause à la loi. Les mobilisations pour la parité politique en France (1992-2000)

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Texte intégral

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HAL Id: tel-00232810

https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00232810

Submitted on 1 Feb 2008

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politique en France (1992-2000)

Laure Bereni

To cite this version:

Laure Bereni. De la cause à la loi. Les mobilisations pour la parité politique en France (1992-2000). Science politique. Université Panthéon-Sorbonne - Paris I, 2007. Français. �tel-00232810�

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Thèse de doctorat de l’université Paris 1 Panthéon – Sorbonne

Ecole doctorale de science politique

Présentée par Laure Bereni

De la cause à la loi

Les mobilisations pour la parité politique en France

(1992-2000)

Thèse présentée et soutenue publiquement à l’université Paris 1

Le 6 décembre 2007, devant le jury composé de :

Rose Marie LAGRAVE Directrice d’études, EHESS Paris Rapporteure Frédérique MATO.TI Professeure, université Paris 1 Présidente Amy MAZUR Professeure, Washington State University Examinatrice Pierre MULLER Directeur de recherche, CEVIPOF Rapporteur Frédéric SAWICKI Professeur, université Lille 2 Examinateur Johanna SIMEA.T Professeure, université Paris 1 Directrice

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Au terme de ces six années de recherche, je suis heureuse d’avoir l’occasion de remercier enfin celles et ceux qui ont contribué de diverses manières à la réalisation de cette thèse.

Mes pensées vont en premier lieu à la mémoire de Jean-Michel Berthelot, qui, en encadrant mes recherches depuis la maîtrise, a orienté avec bienveillance mes premiers pas de chercheuse, et m’a toujours prodigué le plus grand soutien intellectuel et humain. J’aurais voulu qu’il soit là aujourd’hui pour partager ce moment d’aboutissement.

Je tiens à adresser mes plus chaleureux remerciements à ma directrice de thèse, Johanna Siméant, qui a accepté sans hésiter de reprendre, en cours de route, l’encadrement de ma thèse, et dont l’implication personnelle et l’exigence intellectuelle ont beaucoup contribué à l’achèvement de cette recherche.

Je voudrais également témoigner de toute ma gratitude aux institutions qui m’ont permis de réaliser le présent travail dans des conditions optimales : le Laboratoire de sciences sociales de l’ENS (devenu entre temps l’équipe « Enquêtes, Terrains, Théories » du Centre Maurice Halbwachs), qui m’a offert un cadre intellectuel, logistique et humain précieux, surtout dans les débuts de mon parcours de doctorante. Son soutien a été indispensable à la réalisation de l’enquête par questionnaire exploitée dans cette recherche, et m’a offert la possibilité de participer à plusieurs colloques à l’étranger, ouvrant ainsi mes horizons intellectuels. J’ai également eu la chance d’effectuer à l’automne 2003 un séjour de recherche très fructueux à l’Institut of French Studies de ew York University. Je remercie Edward Berenson pour m’y avoir invitée, mais aussi Pascaline Dupas, Frédéric Viguier et Emmanuelle Saada pour avoir facilité mon adaptation new yorkaise. La Commission franco-américaine, en m’octroyant une bourse Fulbright, a rendu ce séjour réalisable. Que l’Association des femmes diplômées des universités, qui m’a accordé une bourse Huguette Delavault à cette même occasion, soit également remerciée.

Je tiens à exprimer ma reconnaissance à celles et ceux qui ont manifesté un intérêt pour cette recherche dans ses différentes étapes, pour leurs conseils et leur soutien : Christian Baudelot, qui m’a toujours encouragée à assumer mes choix intellectuels, notamment mon orientation vers les recherches sur le « genre », avec la chaleur et l’enthousiasme qui le caractérisent ; Catherine Marry, qui m’a offert un appui amical et intellectuel précieux alors que j’étais une jeune étudiante en maîtrise, et qui n’a cessé de m’encourager depuis lors ; Amy Mazur, pour m’avoir communiqué sa passion de la recherche sur les mouvements des femmes et pour avoir beaucoup inspiré mes travaux. Parmi toutes les personnes qui ont pris le temps de lire et de discuter mon travail, je tiens à remercier tout particulièrement, pour leurs remarques stimulantes : Daniel Cefaï, Delphine Dulong, Lilian Mathieu, Pierre Muller et Tuija Pulkkinen. Ma gratitude va aussi à Guillaume Courty, Bernard Lacroix et Eric Phélippeau pour avoir contribué à faire des trois années passées en tant qu’enseignante à l’université de Nanterre une expérience fructueuse sur les plans professionnel et humain. Merci également à Christine Bard et Valérie Neveu, qui ont rendu si productifs et agréables mes séjours au Centre des archives du féminisme à Angers.

Mes remerciements particulièrement chaleureux vont à Anne Revillard, pour son soutien amical, pour les discussions fécondes et les fous rires échangés sur le concept d’espace de la cause des femmes, et pour m’avoir montré qu’il était possible de combiner une forte exigence intellectuelle et une juste distance à l’égard du métier de chercheuse. Cette thèse doit également énormément à Daniel Sabbagh pour son amitié, pour sa générosité, mais aussi sa rigueur et son perfectionnisme intellectuels – qui ne cesseront sans doute jamais de m’impressionner.

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Ma reconnaissance va bien sûr à celles et ceux qui ont accepté de consacrer du temps et de l’énergie à la relecture critique de différents chapitres de cette thèse, et qui ont ainsi beaucoup contribué à son achèvement : Lorenzo Barrot, Francis Corson, Kate Dunkley, Sophie Jacquot, Séverine Lacalmontie, Mylène Lagarde, Emmanuelle Latour, Axelle Lemaire, Delphine Naudier, Bibia Pavard, Geneviève Pruvost, Anne Revillard et Daniel Sabbagh.

Je voudrais exprimer ma gratitude à toutes les autres personnes qui, par leurs conseils, leur goût de l’échange intellectuel mais aussi par leur solidarité et leur humour, ont contribué à rendre plus intéressant et plus humain ce parcours de doctorante, et m’ont ainsi donné l’envie de continuer et le courage de terminer. Je remercie les membres du groupe de recherche sur les féminismes, Magali Della Sudda, Liane Henneron, Alban Jacquemart, Bibia Pavard et Anne Revillard, avec qui j’ai partagé une expérience intellectuelle très enrichissante et des vrais moments de plaisir dans la recherche, qui, je l’espère, se prolongeront. Mes remerciements chaleureux vont également à Éléonore Lépinard, pour m’avoir offert son amitié et son soutien, mais aussi pour m’avoir transmis une partie de son enthousiasme intellectuel et de son imagination théorique au cours de nos expériences de collaboration. Il serait trop long d’énumérer toutes les autres personnes qui m’ont accompagnée au cours de ce travail de thèse. J’adresse des remerciements collectifs aux membres de l’association des jeunes chercheuses et chercheurs en études féministes, genre et sexualités (EFiGiES), et tout particulièrement à Coline Cardi, Virginie Descoutures, Elsa Dorlin, Béatrice de Gasquet, Isabelle Giraud, Christelle Hamel, Reguina Hatzipetrou-Andronikou, Anna Jarry, Cynthia Kraus, Marylène Lieber et Séverine Sofio. Merci également aux doctorant-e-s ou anciens doctorant-e-s du Laboratoire de sciences sociales de l’ENS, en particulier Christelle Avril, Sébastien Chauvin, Muriel Darmon, Audrey Mariette, Sarah Mazouz, Yasmine Siblot, Emmanuel Soutrenon et Thierry Tirbois ; à mes collègues et amis de l’université de Nanterre : Dorota Dakowska, Christelle Dormoy et Coralie Duteil ; à l’équipe de choc du séminaire « politiques anti-discriminatoires », animé au CERI par Gwénaële Calvès et Daniel Sabbagh, notamment à Thomas Kirszbaum, Gwénaële Calvès et Paul Schor ; merci à Meike Schmidt-Gleim et Claudia Wiesner que j’ai eu la chance de rencontrer dans le cadre du réseau « The Politics and History of European Democratization » (European Science Foundation). Enfin, j’adresse toute ma gratitude à Myriam Aït-Aoudia et Bibia Pavard pour leur soutien quotidien dans la dernière ligne droite de l’écriture.

Je voudrais également transmettre mes sincères remerciements aux militantes de la parité qui ont accepté de me consacrer du temps, et dont l’expérience et l’enthousiasme constituent la principale richesse de cette enquête. Merci à celles qui m’ont communiqué des archives – sans lesquelles je n’aurais pas pu mener ce travail –, tout particulièrement à Monique Dental.

Ma grande reconnaissance va évidemment à mes amis, qui ont fait peut-être le plus important, c’est-à-dire me supporter comme thésarde tout en me faisant exister en dehors de ma thèse : Kate Dunkley, Marie-Laure de Bergh, Axelle Lemaire, Géraldine Pollet, Roman Kwiatkowski, Yves Roussel, Persephone Kessanidis, Charles Anastase, Lucile Hoang, et bien sûr Francis Corson.

Je voudrais enfin remercier ma famille, pour m’avoir toujours fait confiance dans ce parcours de recherche et pour avoir su en attendre patiemment le résultat : ma sœur Mathilde en premier lieu, pour sa solidarité à toute épreuve et pour toutes nos discussions intellectuelles et politiques ; ma mère, Marie-Noël Bereni, Hervé Guérin, Bill et Lydie Corson, et enfin mes grands-parents Denise Mora, Claudie et Dominique Bereni.

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ACGF Action catholique générale féminine AFD Agence française de développement

AFEM Association des femmes de l’Europe méridionale

AFFDU Association française des femmes diplômées des universités AVFT Association contre les violences faites aux femmes au travail CAF Centre des archives du féminisme

CEDAW Convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes

CEFW Conseil européen des fédérations WIZO CEVIPOF Centre d’étude de la vie politique française

CILAF Comité international de liaison des associations féminines CIR Convention des institutions républicaines

CLEF Coordination française pour le lobby européen des femmes C.DF Collectif national pour les droits des femmes

C.FF Conseil national des femmes françaises

C.IDF Centre national d’information sur les droits des femmes

DGV Direction générale V de la Commission européenne (emploi et affaires sociales)

EFIGIES Association de jeunes chercheuses et chercheurs en études féministes, genre et sexualités EPF Ecole polytechnique féminine

FACM Fédération des associations de conseillères municipales FEHR Femmes du Haut-Rhin

FGDS Fédération de la gauche démocrate et socialiste

FMA Féminin, Masculin, Avenir/Féminisme, Marxisme, Avenir F.ESER Fédération nationale des élus socialistes et républicains GEF Groupe d’études féministes

IFBPW International Federation of Business and Professionnel Women IPEFF Institut politique de formation des femmes

IVG Interruption volontaire de grossesse LEF Lobby européen des femmes MDC Mouvement des citoyens

MDF Mouvement démocratique féminin

MLAC Mouvement pour la libération de l’avortement et de la contraception MLF Mouvement de libération des femmes

PFU Parti féministe unifié

UFCS Union féminine catholique et sociale UFF Union des femmes françaises UPF Union professionnelle féminine

WIZO Women’s International Zionist Organization

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Table des matières

Remerciements ... 2

Principaux sigles utilisés ... 4

Table des matières ... 5

Table des encadrés ... 10

Liste des tableaux ... 12

Introduction générale... 13

L’objet parité ... 13

Cadre analytique ... 19

Explications « par le haut » ou « par le bas » : les récits dominants de la genèse des lois sur la parité ... 19

L’espace de la cause des femmes ... 23

Au nom des femmes et pour les femmes... 23

Un espace intersectionnel... 28

Mouvement, champ, espace ... 34

Des usages d’une catégorie analytique... 35

Méthodologie et terrains de l’enquête ... 38

Plan ... 45

PREMIERE PARTIE - L’invention d’un slogan, l’émergence d’un mouvement ... 48

Chapitre 1 - 1992 : l’irruption des mobilisations pour la parité... 49

Introduction ... 49

I - Les élections régionales de 1992 : l’affirmation de l’identité féminine dans l’arène électorale... 55

II - De Au pouvoir, citoyennes ! à la déclaration d’Athènes : La parité, nouveau point de repère et de ralliement ... 63

A - La diffusion d’un slogan : Au pouvoir, Citoyennes ! Liberté, Égalité, Parité ... 64

B - De la conférence d’Athènes au « mouvement » pour la parité ... 68

1) La déclaration d’Athènes : une résonance particulière ... 68

2) Des associations pour la « parité » dans le sillage de la conférence d’Athènes ... 72

Conclusion... 76

Chapitre 2 - La genèse d’un slogan... 78

Introduction ... 78

I - La cause de la représentation politique des femmes, à la marge du féminisme de la seconde vague... 81

A - Les organisations féminines traditionnelles : une longue tradition d’investissement dans le domaine des questions « civiques » ... 82

B - Essor et impasses du quota... 86

II - L’acclimatation de la cause de la représentation politique des femmes dans le féminisme de la seconde vague (1978-1992) ... 93

(7)

A - Choisir : « Défendre la cause des femmes à l’Assemblée nationale »... 93

B - « Un quota maximum de 50% d’hommes dans toutes les assemblées élues de la nation » : le « courant G » du Parti socialiste... 96

C - Au croisement entre féminisme, politique « alternative » et mouvance écologiste : la parité comme pratique partisane... 100

III - Théories, normes et expertises : des ressources pour la cause de la représentation politique des femmes ... 106

A - Les connaissances académiques, outils de dénonciation du scandale de l’exclusion des femmes en politique ... 106

B - De la « participation » des femmes à la « parité » : normes et expertises internationales ... 111

1) Favoriser l’accès des femmes à la « prise de décision » : les élaborations onusiennes et communautaires ... 112

2) L’invention de la « démocratie paritaire » au Conseil de l’Europe... 115

Conclusion... 121

Chapitre 3 - Converger vers la parité : carrières individuelles et logiques des espaces sociaux ... 123

I - Transfuges du Parti socialiste... 128

A - Le cycle d’ouverture-fermeture des opportunités politiques pour les féministes du PS (1971-1992)... 128

B - Du socialisme au féminisme autonome... 131

1) Françoise Gaspard ... 134

2) Yvette Roudy ... 137

3) Régine Saint-Criq ... 140

II - Féministes de la seconde vague... 142

A - Du radicalisme au réformisme : l’institutionnalisation de l’espace de la cause des femmes ... 143

B - Du féminisme de la seconde vague à la parité ... 148

1) Gisèle Halimi : un engagement ancien pour la « cause des femmes à l’Assemblée nationale ».. 149

2) Monique Dental : du courant « lutte de classes » à la parité... 151

3) Antoinette Fouque : du maoïsme « spontex » à la parité ... 153

III - Militantes d’associations féminines traditionnelles... 158

A - L’affirmation de la cause de la représentation politique des femmes ... 159

B - Une insertion croissante dans les réseaux de l’espace de la cause des femmes ... 164

1) L’ACGF : du conservatisme religieux à la « promotion féminine »... 165

2) L’UFCS : de l’engagement civique à la promotion des droits des femmes ... 167

Conclusion... 168

DEUXIEME PARTIE - Luttes associatives, investissements intellectuels ... 170

Chapitre 4 - « Faire mouvement » autour d’une cause marginale : les mobilisations associatives pour la parité (1993-1997)... 171

Introduction ... 171

I - La difficile constitution d’un « mouvement » pour la parité... 176

A - Des mobilisations marginales ... 176

1) L’étroitesse des effectifs militants ... 176

(8)

Table des matières

2) Des militantes « respectables » à la marge du champ politique... 179

B - Des luttes hétéroclites autour d’un slogan fluide ... 184

1) L’hétérogénéité des profils militants ... 184

2) La diversité des perceptions militantes ... 187

C - Pratiques protestataires... 188

1) Une technologie organisationnelle pour faire mouvement : le « réseau » associatif ... 188

2) Les registres d’action d’un mouvement respectable : l’écrit et le colloque ... 190

II - Une tentative précoce de fédérer les luttes autour de la cause de la « loi » : le réseau Femmes pour la parité (1993) ... 196

A - Du « réseau » au groupe d’« individualités »... 196

B - L’empreinte du féminisme de la seconde vague ... 199

1) Les signes de renaissance d’un « mouvement » ... 199

2) Rassemblements de rue... 202

3) Une action symbolique dans l’arène médiatique : le Manifeste des 577 ... 204

C - Les luttes sur le sens de la parité : l’éclatement du réseau Femmes pour la parité ... 208

III - Des mobilisations dispersées et personnalisées ... 211

A - L’association Parité de Régine Saint-Criq ... 212

B - La lettre Parité-Infos de Claude Servan-Schreiber... 216

C - Choisir la cause des femmes de Gisèle Halimi ... 220

D - L’Assemblée des femmes d’Yvette Roudy... 224

IV - Des « réseaux » d’associations féminines traditionnelles : Elles Aussi et Demain la parité... 231

A - « Motiver les femmes » à l’échelon local : Elles Aussi ... 234

1) Les militantes du raisonnable ... 234

2) « Sensibiliser », « former », au plus près du « terrain » : la stratégie des petits pas ... 238

B - « Deux millions de femmes » pour une démocratie paritaire : Demain la parité. 242 Conclusion... 253

Chapitre 5 - L’investissement des savantes... 255

Introduction ... 255

I - L’illégitimité intellectuelle d’un « concept » ... 258

A - Les théoriciennes légitimes du féminisme radical contre la parité ... 258

B - Des intellectuel-le-s républicain-e-s contre la parité ... 271

1) Les logiques sexuées de l’engagement contre la parité ... 272

2) Un socle intellectuel commun : la doxa républicaine ... 279

3) La parité : une menace pour l’égalité républicaine ... 283

II - Savantes et savoirs savants au service de la parité ... 288

A - Compagnes de route ... 291

1) Spécialisation académique et engagement militant... 292

2) Les logiques extra-académiques de la notoriété intellectuelle ... 297

3) Les registres acceptables de la légitimation savante ... 302

B - Alliées providentielles ... 305

1) Un discours savant providentiel : la rhétorique de la « valence différentielle des sexes » de Françoise Héritier... 306

(9)

2) Blandine Kriegel et Sylviane Agacinski : deux philosophes médiatiques au service de la parité 312

Conclusion... 322

TROISIEME PARTIE - Dynamiques de politisation et d’institutionnalisation... 324

Chapitre 6 - La parité dans le champ politique : une acclimatation difficile (1993-1997)... 325

Introduction ... 325

I - Les percées d’une revendication marginale dans le champ politique (1992-1995) ... 331

A - Un champ politique globalement fermé aux femmes ... 331

1) Les femmes exclues de l’élite des partis politiques français... 331

2) Les partis politiques français et la cause de la représentation politique des femmes ... 335

B - La liste « chabada-bada » de Michel Rocard aux élections européennes : une percée fragile de la parité au PS ... 337

C - Les relais marginaux de la parité à l’Assemblée nationale ... 343

D - À droite : le tabou du quota... 347

E - Le tournant de l’année 1995 : la consolidation de la rhétorique de la parité... 350

1) Les associations paritaires se mobilisent ... 351

2) Les petits candidats de gauche à l’avant-garde ... 352

3) La conversion des trois candidats de poids... 354

II - Face à la parité : le gouvernement tergiverse, les partis de droite résistent, le Parti socialiste se convertit (1996-1997) ... 362

A - Le « Manifeste des dix »: une percée inédite de la parité ... 362

B - Le gouvernement d’Alain Juppé, les partis de droite et la parité : blocages et reports de la prise de décision (1995-1997) ... 371

1) L’Observatoire de la parité : une institutionnalisation fragile... 371

2) La fermeture persistante des partis de droite à la parité et aux quotas ... 377

C - Le pari de la parité : au cœur de la nouvelle stratégie d’ascension politique du Parti socialiste (1996-1997) ... 384

1) La parité au cœur du projet de rénovation démocratique du PS ... 386

2) La parité : la réémergence d’un discours féministe respectable au PS ... 392

Conclusion... 402

Chapitre 7 - La fabrique des lois dites « sur la parité » (1997-2000)... 404

Introduction ... 404

Une nouvelle séquence dans la carrière de la parité... 404

La formation d’une coalition paritaire... 407

I - Inscrire la parité dans la Constitution : de l’annonce au projet (juin 1997 - juin 1998)... 412

A - La révision constitutionnelle, solution convergente pour les militantes de la parité ... 412

B - La genèse du projet de loi... 419

1) Une conjoncture favorable : la « course à la modernisation » des institutions entre les deux têtes de l’exécutif ... 419

2) Un compromis politique et institutionnel ... 421

II - L’examen du projet de loi constitutionnelle : un bras de fer politique... 422

(10)

Table des matières

A - « Garantir » plutôt que « favoriser » ... 423

B - Faire céder le Sénat ... 432

1) Le veto du Sénat ... 432

2) Le regain des mobilisations paritaires : manifestations et pétitions... 435

3) La pression médiatique ... 441

4) Le compromis final... 446

III - Une lutte sur le degré de contrainte du dispositif paritaire : L’élaboration de la loi du 6 juin 2000 ... 448

A - Le déplacement de l’épicentre des mobilisations... 449

1) L’éclatement du réseau Femmes et Hommes pour la parité ... 449

2) De nouveaux relais institutionnels ... 451

B - Une chaîne de mobilisations pour durcir le texte ... 457

1) En amont du projet de loi : les mobilisations pour le « 50-50 » ... 457

2) L’Observatoire de la parité et les délégations parlementaires aux droits des femmes : porte-voix de la « parité réelle » dans l’arène parlementaire... 460

3) Les députés durcissent le texte... 468

4) Le compromis final... 473

Conclusion... 474

Conclusion générale ... 476

La carrière de la revendication de parité au prisme de l’espace de la cause des femmes ... 476

Les devenirs de la réforme paritaire... 480

Les devenirs de l’espace de la cause des femmes... 483

A..EXES ... 486

Annexe 1 - Liste des personnes interviewées ... 487

Annexe 2 - Questionnaire ... 492

Annexe 3 - Courant G du PS, motion « L’autre alternance » (1981) ... 500

Annexe 4 - Décision du Conseil constitutionnel, .°82-146DC, 18 novembre 1982 .... 504

Annexe 5 - Déclaration d'Athènes... 505

Annexe 6 - Appel à la manifestation du 2 avril 1993... 506

Annexe 7 - « Manifeste des 577 pour une démocratie paritaire »... 507

Annexe 8 - Réseau Femmes et Hommes pour la parité... 511

Annexe 9 - Procès-verbal d’installation de l’Observatoire de la parité (JO du 19 octobre 1995)... 512

Annexe 10 - Loi du 6 juin 2000... 514

Annexe 11 - Manifestation du 2 avril 1993 ... 517

Annexe 12 - Manifestation du 8 mars 1994... 519

Annexe 13 - Manifestation du 26 janvier 1999 ... 521

BIBLIOGRAPHIE... 522

(11)

Table des encadrés

Encadré 1 – Mouvement des femmes, féminisme : quelques définitions analytiques ... 24 Encadré 2 – Chronologie de l’émergence des mobilisations associatives pour la parité ... 55 Encadré 3 – Une histoire critique de la démocratie moderne : Muse de la raison de Geneviève Fraisse (Aix-en-Provence, Alinéa, 1989) ... 109 Encadré 4 – Claudette Apprill : une fémocrate pour la parité au Conseil de l’Europe ... 116 Encadré 5 – Des profils militants hétérogènes ... 123 Encadré 6 – Une enquête par questionnaire sur les mobilisations associatives pour la parité

... 173 Encadré 7 – Françoise Duriez, une hétérodoxe dans le réseau Femmes pour la parité ... 210 Encadré 8– Claude Servan-Schreiber : une professionnelle de la presse engagée dans l’espace de la cause des femmes ... 217 Encadré 9 – Françoise Durand : un engagement dans l’ombre d’Yvette Roudy au sein de l’Assemblée des femmes ... 226 Encadré 10 – Les militantes de Elles Aussi ... 235 Encadré 11 – La commission « Parité » du CNFF : un cadre institutionnel pour des entreprises personnelles (1992-1995)... 244 Encadré 12 – Colette Kreder: de l’École polytechnique féminine à Demain la parité ... 246 Encadré 13 – Deux associations « féminines » dans Demain la parité : l’Union professionnelle féminine (UPF) et l’Association française des femmes diplômées des universités (AFFDU) ... 248 Encadré 14 – Huguette Delavault : une militante de l’élite associative féminine pour « la parité dans l’éducation » ... 251 Encadré 15 – L’intellectuelle, une figure tardive ... 257 Encadré 16 – Christine Delphy : théoricienne, militante et emblème du féminisme radical . 265 Encadré 17 – Élisabeth Badinter : intellectuelle médiatique, féministe respectable... 278 Encadré 18 – Françoise Héritier, spécialiste légitime de la « pensée de la différence »... 308

(12)

Encadré 19 – Chronologie des « percées » de la parité dans le champ politique (1993-1997)

... 329

Encadré 20 – Les Verts : un petit parti à l’avant-garde de la parité ... 336

Encadré 21 – Le Parti communiste et la représentation politique des femmes... 346

Encadré 22 – Simone Veil : un soutien de poids pour la parité dans le champ politique ... 357

Encadré 23 – Le « Manifeste des dix pour la parité » (extraits) ... 365

Encadré 24 – Les signataires du Manifeste des dix : éléments biographiques ... 368

Encadré 25 – Roselyne Bachelot : avocate esseulée de la parité au RPR ... 374

Encadré 26 – Le « rapport Halimi » : une vision maximaliste de la parité ... 377

Encadré 27 – Les rhétoriques pro-parité au Parlement ... 430

Encadré 28 – Les termes de la résistance à la parité : inertie des mœurs et mise en péril des principes ... 434

Encadré 29 – Chronologie de l’examen parlementaire du projet de loi constitutionnelle « relatif à l’égalité entre les femmes et les hommes » (juin 1998-juin 1999) ... 447

Encadré 30 – Dominique Gillot et Catherine Génisson : deux « converties » à la cause des femmes dans le cadre de leur fonction ... 454

Encadré 31 – Le rapport Gillot (septembre 1999) : « une démarche résolue et modérée » .. 458

Encadré 32 – Deux précieux alliés masculins de la cause paritaire au Parlement : Guy Carcassonne et Bernard Roman ... 469

(13)

Liste des tableaux

Tableau 1 – Catégories d’acteur-rice-s interviewé-e-s... 39 Tableau 2 – Part des femmes dans les conseils municipaux... 160 Tableau 3 – Estimation du nombre de militantes engagées pour la parité entre 1992 et 1997 (par association)... 179 Tableau 4 – Classes d’âge des enquêtées en 1995 (.=104) ... 180 Tableau 5 – Répartition des enquêtées par catégorie socioprofessionnelle (.=101) ... 182 Tableau 6 – Part des enquêtées ayant été candidates ou élues au moins une fois (.=112)

... 183 Tableau 7 – Parti politique d’appartenance des enquêtées au moment de l’engagement pour la parité ... 185 Tableau 8 – Type et période du premier engagement des enquêtées dans le mouvement des femmes ... 186 Tableau 9 – Les femmes dans les élites des principaux partis politiques (1978-2002)... 333 Tableau 10 – La presse et la parité (septembre 1998-juin 1999) ... 441

(14)

Introduction générale

L’objet parité

Pour la première fois dans l’histoire juridique française, la loi du 6 juin 2000 prévoit la mise en œuvre de mesures de discrimination positive en faveur des femmes dans la constitution des listes à la plupart des élections politiques. Si la France s’inscrit à cet égard dans une dynamique internationale marquée par la mise en place de dispositifs de type quotas pour féminiser les assemblées élues, en particulier en Europe1, le caractère solennel de la réforme (elle a nécessité une révision constitutionnelle préalable2) et son degré de contrainte (elle impose, pour certaines élections, un quota sexué de 50% assorti d’un ordre alterné) font de la parité une réforme « pionnière et ambitieuse »3.

Certes, l’impact de la réforme paritaire est inégal selon le type de scrutin. Particulièrement contraignante pour ce qui concerne les élections au scrutin de liste, la loi a induit une progression notable de la représentation des femmes dans les assemblées municipales et régionales ainsi qu’au sein de la délégation française au Parlement européen4. En revanche, elle s’est avérée beaucoup moins efficace pour les élections au scrutin uninominal. La première application de la loi aux élections législatives de 2002 ne s’est traduite que par une augmentation de 1,4 points de la part des femmes à l’Assemblée nationale (de 10,9% à 12,3%), les partis politiques, et en particulier les plus importants

1

J. LOVENDUSKI (ed.) (2005), Feminism and the Political Representation of Women in Europe and orth America, Cambridge, Cambridge University Press ; M. SAWER, M. TREMBLAY et L. TRIMBLE (eds.) (2006), Representing women in parliament: a comparative study, London, New York, Routledge, p. 247.

2

La loi du 8 juillet 1999 ajoute deux alinéas à la Constitution : le premier, inséré dans l’article 3, relatif à la souveraineté, dispose que « la loi favorise l’égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives » ; le second, inséré dans l’article 4 de la Constitution, relatif à l’organisation des partis, précise que « les partis et groupements politiques contribuent à la mise en œuvre de ce principe ».

3

C. ACHIN, L. BARGEL, D. DULONG, É. FASSIN, C. GUILLONNET, S. GUYON, C. LABROUCHE, S. LATTÉ, P. LEROUX, S. LÉVÊQUE, F. MATONTI, M. PAOLETTI, C. RESTIER-MELLERAY, P. TEILLET et A. TROUPEL (2007), Sexes, genre et politique, Paris, Economica, p. 9. Voir le texte de la loi du 6 juin 2000, reproduit en Annexe 10, p. 514.

4

Lors du renouvellement de 2001, la part des femmes dans les assemblées municipales est passé de 21,7% à 33%. En ce qui concerne les communes de plus de 3 500 habitants – auxquelles la loi s’applique – le pourcentage de femmes est passé de 25,7% à 47,5%. La proportion de femmes élues dans les conseils régionaux est passée de 25% (en 1998) à 47,6% (en 2004). La progression est moins nette en ce qui concerne la délégation française au Parlement européen : la part des femmes est passée de 40,2% à 43,6% [http://www.observatoire-parite.gouv.fr].

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d’entre eux, ayant préféré s’acquitter de pénalités financières plutôt que de respecter l’objectif de 50% fixé par la loi. En outre, plusieurs fonctions et mandats électifs demeurent en dehors du domaine de la loi (assemblées cantonales1, communautés urbaines et groupements de communes), malgré de récentes réformes visant à renforcer son champ d’application2.

En dépit de cet impact inégal, la réforme paritaire constitue une césure majeure dans l’économie des relations entre genre3 et politique. D’une part, la loi a constitué une rupture dans le fonctionnement du champ politique. En suscitant l’entrée en scène d’une masse critique de femmes dans certaines assemblées, elle a ébranlé certaines règles de « l’ordre politique masculin »4. D’autre part, les lois sur la parité, et les débats publics qui les ont précédées, ont induit une politisation nouvelle des questions de genre. La parité, qui s’est détachée du sens que lui donnaient initialement ses partisanes (égalité arithmétique entre les sexes dans les assemblées élues), est devenue une nouvelle grammaire – publiquement plus recevable que le terme « féminisme » – pour dire la cause des femmes dans l’espace public5.

Innovation institutionnelle majeure, rupture dans l’économie des relations entre genre et politique, la parité a fait l’objet d’un foisonnement de recherches, menées en France mais aussi à l’étranger, où cette réforme, en raison de la combinaison d’un fort degré de solennité, d’une importante dimension symbolique (la logique du « 50-50 ») et des limites de son application pratique, passe pour une nouvelle déclinaison de l’« exception française ». Globalement, on peut répartir les travaux menés sur la parité en deux catégories. La première

1

Suite au renouvellement de 2004, la part des femmes élues dans les conseils généraux ne s’élève qu’à 10,9% (contre 8,3% après le renouvellement de 1998, et 9,8% après celui de 2001) [http://www.observatoire-parite.gouv.fr].

2

Notamment la loi du 31 janvier 2007 [http://www.observatoire-parite.gouv.fr].

3

Le terme de genre s’est généralisé dans le champ académique et militant depuis les années 1970 (dans les années 1990 en ce qui concerne la France) pour désigner la construction sociale du masculin et du féminin, en rupture avec le déterminisme biologique auquel renvoie généralement le mot « sexe » (A. OAKLEY (1972), Sex, Gender and Society, London, Temple Smith). On entendra ici le concept de genre comme un système de bicatégorisation hiérarchisé et hétérocentré entre les femmes et les hommes, qui est au principe d’une répartition inégale des ressources entre les sexes, d’un classement symbolique entre « le masculin » et « le féminin », d’injonctions normatives afférentes à chaque groupe de sexe, etc. (pour une définition plus approfondie du concept de genre, cf. J.W. SCOTT (1986), « Gender: a Useful Category of Historical Analysis », American Historical Review, vol.91, n°5, pp. 1053-1075 ; J. BUTLER (2005 [1990]), Trouble dans le genre: pour un féminisme de la subversion, Paris, La Découverte). Afin de ne pas diluer son apport heuristique, on en fera un usage restreint dans le cadre de cette thèse. On utilisera en effet les termes « femme(s) », « homme(s) » et « sexe(s) » dès lors qu’il s’agira seulement de désigner l’une ou l’autre des deux entités du genre.

4

ACHIN, BARGEL, DULONG, FASSIN, GUILLONNET, GUYON, LABROUCHE, LATTÉ, LEROUX, LÉVÊQUE, MATONTI, PAOLETTI, RESTIER-MELLERAY, TEILLET et TROUPEL Sexes, genre et politique, p. 12.

5

Voir C. BAUDINO (2001), Politique de la langue et différence sexuelle: la politisation du genre des noms de métier, Paris, L'Harmattan ; L. BERENI et A. REVILLARD (2007), « Des quotas à la parité: 'féminisme d'État' et représentation politique (1974-2007) », Genèses, n°67, pp. 5-23.

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Introduction

se situe en aval de la réforme. S’y rattachent les recherches qui entreprennent de mesurer l’écart entre les ambitions initiales de la réforme et son application effective, et qui explorent les transformations des rapports entre genre et politique en contexte paritaire1.

La seconde catégorie de travaux, dans laquelle s’inscrit cette thèse, se situe en amont de la réforme, et s’interroge sur sa genèse. Le point de départ consiste en l’énigme de la légitimation de la parité. C’est en 1992, à la suite de la parution d’un ouvrage intitulé Au pouvoir, citoyennes ! Liberté, Égalité, Parité2, puis d’une conférence (« Femmes au pouvoir ») organisée par la Commission européenne à Athènes, que le slogan de « parité » se trouve diffusé dans les réseaux de militantes de la cause des femmes en France. Même si son sens est alors loin d’être stabilisé, il s’impose comme une nouvelle manière de formuler la cause de la représentation politique des femmes, en termes d’équivalence numérique. Les auteures de Au pouvoir, citoyennes, porte-parole d’une vision contraignante du slogan, réclament ainsi le vote d’une loi imposant autant de femmes que d’hommes dans les assemblées élues. Dès son apparition, le mot d’ordre suscite une certaine effervescence militante dans le petit monde des associations féminines et féministes. Des collectifs spécifiquement dédiés à la parité se constituent, et initient de multiples actions (pétitions, bulletins, courriers aux élites, colloques, etc.). Mais les chances de succès de cette revendication paraissent alors bien minces. Les avocates de la parité sont en faible nombre, et se situent pour la plupart à la marge ou à l’extérieur du champ politique. Elles se heurtent au fort degré de fermeture des partis vis-à-vis de la cause de la représentation politique des femmes. En outre, elles sont confrontées à d’importants obstacles d’ordre juridique (le Conseil constitutionnel a jugé, dans une décision datant de 1982, que l’instauration de quotas sexués sur les listes est incompatible avec la Constitution) et rhétorique (les années 1990 voient la consolidation d’un discours sur le modèle français de l’« universalisme républicain », présumé hostile à tout système de « quotas »). De fait, la parité suscite, au moment de son apparition, l’indifférence, le mépris ou l’hostilité des acteurs dominants des champs politique, médiatique et intellectuel.

1

Voir « La parité en pratiques », Politix, vol.15, n°60, 2002 ; Y. LE QUENTREC et A. RIEU (2003), Femmes: Engagements publics et vie privée, Paris, Syllepse ; J. HEINEN (2004), Genre et gestion locale du changement dans sept pays de l'Union européenne. Rapport à la Commission européenne, Bruxelles ; É. LÉPINARD (2004), L'égalité introuvable. Stratégies de légitimation et mise en oeuvre de la parité politique en France, Thèse de doctorat en sociologie, EHESS, Paris ; R. MURRAY (2004), « Why Didn't Parity Work? A Closer Examination of the 2002 Election Results », French Politics, vol.2, n°3, pp. 347-362 ; « Comment gouverner une ville en mutation? », Pouvoirs locaux, n°65, 2005 ; C. ACHIN et S. LÉVÊQUE (2007), « Femmes, énarques et professionnelles de la politique. Des carrières exceptionnelles sous contrainte », Genèses, n°67, pp. 24-44.

2

F. GASPARD, A. LE GALL et C. SERVAN-SCHREIBER (1992), Au pouvoir, citoyennes! Liberté, Égalité, Parité, Paris, Seuil.

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Pourtant, en l’espace de quelques années, la revendication a connu une acclimatation notable dans le champ politique français, au point d’être « traduite » en dispositif législatif. Dès 1994, des listes « paritaires » – dont celle du PS – sont constituées pour les élections européennes. En 1995, les principaux candidats à l’élection présidentielle manifestent publiquement leur adhésion au terme de parité. La même année est créé l’Observatoire de la parité, une instance consultative placée sous la tutelle du Premier ministre, qui remet à celui-ci, à la fin de l’année 1996, un rapport proposant une première formulation institutionnelle du dispositif paritaire (une révision constitutionnelle suivie d’une loi imposant des quotas)1. Au même moment, le Parti socialiste, placé sous la direction de Lionel Jospin, s’engage à procéder à une réforme de la Constitution pour y inscrire l’objectif de parité, et réserve 30% des investitures à des femmes aux prochaines élections législatives. Après la victoire du PS aux élections anticipées de mai-juin 1997, Lionel Jospin, nommé Premier ministre, confirme son souhait d’inscrire le principe de parité dans la Constitution. Deux ans plus tard, la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999 modifie les articles 3 et 4 de la loi fondamentale afin d’autoriser la mise en œuvre de quotas sexués sur les listes électorales. La loi du 6 juin 2000 précise les modalités pratiques du dispositif paritaire.

La question que se posent les recherches sur la genèse de la loi est donc la suivante : comment un slogan marginal, jugé utopique et incompatible avec la tradition politique et juridique française au moment de son émergence, a-t-il pu, en l’espace de quelques années, se traduire en deux réformes institutionnelles d’une telle ampleur ?

Pour répondre à cette énigme, deux approches ont été suivies. Une première série de travaux s’est focalisée sur les dimensions discursives du processus de légitimation de la parité, en s’inscrivant dans le sillage d’une tradition de recherche très riche dans la littérature sur les mouvements des femmes, qui s’intéresse à la manière dont les revendications féministes sont formulées au sein des arènes publiques pour être jugées acceptables par le plus grand nombre2. Parmi les recherches consacrées à cette question3, deux ouvrages ont exploré

1

OBSERVATOIRE DE LA PARITÉ (1996), Rapport de la commission pour la parité entre les hommes et les femmes dans la vie politique, par Mme Gisèle Halimi, Paris, Observatoire de la parité.

2

D. RILEY (1988), 'Am I That ame?' Feminism and the Category of 'Women' in History, Minneapolis, University of Minnesota Press ; J.W. SCOTT (1998), La citoyenne paradoxale. Les féministes françaises et les droits de l'homme, Paris, Albin Michel ; C.L. BACCHI (1999), Women, Policy and Politics. The Construction of Policy Problems, Londres, Thousand Oaks ; M.M. FERREE (2003), « Resonance and Radicalism: Feminist Framing in the Abortion Debates of the United States and Germany », American Journal of Sociology, vol.109, n°2, pp. 304-344.

3

J.W. SCOTT (1997), « 'La Querelle des Femmes' in the Late Twentieth Century », ew Left Review, n°226, pp. 3-19 ; É. FASSIN et M. FEHER (1999), « Parité et PaCS: anatomie politique d'un rapport », in D. BORILLO, É. FASSIN et M. IACUB (dir.), Au-delà du PaCS. L'expertise familiale à l'épreuve de l'homosexualité, Paris, PUF, pp. 13-43 ; C. ACHIN (2001), « Représentation ‘miroir’ vs Parité. Les débats parlementaires relatifs à la parité revus à la lumière des théories politiques de la représentation », Droit et société, n°47, pp. 237-256 ; Y. SINTOMER (2001), Délibérer, participer,

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Introduction

de manière particulièrement approfondie cette dimension. Dans Parité ! L’universel et la différence des sexes1, Joan Scott met en évidence les innovations que recèle, selon elle, le concept de parité tel qu’il est formulé par ses théoriciennes « initiales » : en posant l’universalité de la dichotomie sexuelle, tout en refusant de lui accorder un contenu, les auteures de Au pouvoir, citoyennes tendent, selon Joan Scott, à dépasser le « dilemme de la différence » qui structure les discours féministes revendiquant l’inclusion politique depuis la Révolution française. Joan Scott prend également pour objet la dynamique du slogan qui, à mesure qu’il gagne en publicité au cours de la décennie 1990, perd selon elle ses potentialités subversives et tend à retrouver les formes d’un discours essentialiste et hétérocentré, comme en témoigne le livre de Sylviane Agacinski, Politique des sexes2. À partir d’une analyse fine des controverses que suscite la parité dans différentes arènes (organisations internationales, mouvement des femmes, espace public, Parlement), Éléonore Lépinard explore, dans L’égalité introuvable. La parité, les féministes et la République3, l’articulation entre les rhétoriques de justification de la parité et les contraintes discursives qui pèsent sur leur formulation. Elle met en évidence à quel point la « mise en conformité »4 de la parité avec la grammaire de l’universalisme républicain – discours « hégémonique » dans l’espace public – est au cœur du processus de légitimation de la revendication. Elle s’attache également à démontrer que l’analyse des discours de justification sur la parité dans les arènes publiques permet d’éclairer les modalités de la mise en forme juridique de la réforme paritaire et, plus encore, ses effets pratique – en faisant l’hypothèse que les conséquences d’une réforme ne sont pas indépendantes de la manière dont elle a été justifiée.

représenter. Vers une sociologie de la délibération politique, Thèse d'habilitation à diriger des recherches, Sociologie, Université Paris 5 ; É. FASSIN (2002), « La parité sans théorie. Retour sur un débat », Politix, n°60 ; L. BERENI et É. LÉPINARD (2003), « La parité, 'contresens de l'égalité'? Contraintes discursives et pratiques d'une réforme », ouvelles Questions Féministes, vol.22, n°3, pp. 12-31 ; L. BERENI et É. LÉPINARD (2004), « 'Les femmes ne sont pas une catégorie'. Les stratégies de légitimation de la parité en France », Revue française de science politique, vol.54, n°1, pp. 71-98 ; É. LÉPINARD et L. BERENI (2004), « La parité ou le mythe d'une exception française », Pouvoirs, n°111, pp. 73-85 ; J.W. SCOTT (2004), « French Universalism in the Nineties », Differences: A Journal of Feminist Cultural Studies, vol.15, n°2, pp. 32-53 ; É. LÉPINARD (2005), « Malaise dans le concept. Différence, identité et théorie féministe », Cahiers du genre, n°39, pp. 107-135 ; L. BERENI (2007), « French Feminists Renegotiate Republican Universalism. The Gender Parity Campaign », French Politics, vol.5, n°3, pp. 191-209 ; E. RAEVAARA (2007), « In the Land of Equality? Gender Equality and the Construction of Finnish and French Political Communities in the Parliamentary Debates in Finland and France », in E. MAGNUSSON, M. RÖNNBLOM et H. SILIUS (eds.), Gender, Equality and Other ormativities: Critical Perspectives on Gender Constructions in ordic Policies and Practices, Eslöv, Gondolin.

1

J.W. SCOTT (2005), Parité! L'universel et la différence des sexes, Paris, Albin Michel.

2

S. AGACINSKI (1998), Politique des sexes, Paris, Seuil.

3

É. LÉPINARD (2007), L'égalité introuvable. La parité, les féministes et la République, Paris, Presses de Science po.

4

Ibid., p. 247.

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La deuxième catégorie de travaux sur la genèse des lois sur la parité se focalise non plus sur les discours mais sur les mobilisations qui les ont précédées (qui sont les actrices qui se mobilisent pour la parité, comment s’organisent-elles, quels sont leurs répertoires protestataires ?) et sur la carrière1 politique et institutionnelle du slogan (comment expliquer la transformation de la parité en dispositif institutionnel ?). C’est dans cet axe de questionnement que s’inscrit la présente recherche. Une telle dimension n’a pas été explorée de manière aussi systématique et approfondie que la précédente. L’histoire des mobilisations paritaires et de l’institutionnalisation du slogan a souvent été abordée de manière subsidiaire, dans le cadre d’un agenda de recherche plus large. C’est le cas, par exemple, dans les ouvrages pré-cités de Joan Scott et d’Éléonore Lépinard, qui se focalisent sur les controverses suscitées par la parité, et n’accordent qu’une place restreinte à l’analyse des actrices et formes des mobilisations pour la parité2. C’est également le cas dans la thèse de doctorat d’Isabelle Giraud sur l’évolution des rapports des mouvements des femmes à la question de représentation politique en France et au Québec depuis les années 19603, ainsi que dans l’ouvrage de Katherine Opello sur les mobilisations pour les quotas et la parité dans les partis politiques français au cours de la même période4. Ces travaux apportent des éléments précieux pour analyser la genèse des lois sur la parité, sans pour autant considérer celle-ci comme l’objet central de l’analyse. Enfin, il faut mentionner que plusieurs mémoires de recherche de

1

Le concept de carrière, au sens de « modèle séquentiel d’analyse des comportements sociaux » (É. AGRIKOLIANSKY (2001), « Carrières militantes et vocation à la morale: les militants de la Ligue des droits de l'homme dans les années 1980 », Revue française de science politique, vol.51, n°1-2, pp. 27-46, p. 30), a initialement été forgé par Everett Hughes (E. HUGHES (1996 [1967]), « Carrières », in J.-M. CHAPOULIE (dir.), Le regard sociologique, Paris, Editions de l'EHESS) et Howard Becker (H.S. BECKER (1963), Outsiders: studies in the sociology of deviance, New York, The Free Press of Glencoe). Cette catégorie a été importée depuis quelques années, notamment en France, dans le champ des recherches sur les mouvements sociaux, pour analyser les trajectoires militantes (approches en termes de carrières militantes), dans la perspective d’échapper aux biais des analyses trop déterministes et aux apories du choix rationnel (voir le numéro spécial « Devenirs militants », Revue française de science politique, vol. 51, n°1-2, 2001). En parlant de carrière de la parité, dans le cadre de cette thèse, on entend insister sur le caractère dynamique du processus de transformation du slogan de parité en dispositif institutionnel, en pointant l’indétermination qui le caractérise, et en l’analysant au regard des contextes successifs dans lesquels il est pris (et non pas seulement en termes de contraintes ou d’opportunités structurelles).

2

Le chapitre 4 de l’ouvrage de Joan Scott est dédié à l’histoire du « Mouvement pour la parité » (SCOTT Parité! L'universel et la différence des sexes, pp. 127-168). Éléonore Lépinard consacre quant à elle une partie du chapitre 2 de son ouvrage à l’analyse des actrices et des registres des mobilisations paritaires (« Une revendication pour une alliance réformiste », LÉPINARD L'égalité introuvable. La parité, les féministes et la République, pp. 110-127).

3

I. GIRAUD (2005), Mouvements des femmes et changements des régimes genrés de représentation politique au Québec et en France 1965-2004, Thèse de doctorat en science politique, université de Montréal (Canada) / université de Versailles-Saint-Quentin (France).

4

K.A.R. OPELLO (2006), Gender Quotas, Parity Reform and Political Parties in France, Lexington Books.

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Introduction

maîtrise ou de DEA1 et un certain nombre d’articles2 ont pris pour objet la genèse des lois sur la parité, mais ils ont plutôt jeté les bases d’un programme de travail, fixé des orientations de recherche ou examiné des épisodes ponctuels de ce processus, faute de pouvoir s’appuyer sur une enquête empirique systématique et approfondie.

Cadre analytique

Explications « par le haut » ou « par le bas » : les récits dominants de la

genèse des lois sur la parité

L'objectif initial de ce travail est de comprendre les logiques sociales et politiques – davantage que discursives – qui sont au principe de la transformation d’un slogan en dispositif institutionnel, et, plus précisément, d’identifier les liens que l’on peut établir entre les mobilisations pour la parité et la carrière de cette dernière dans le champ politique. Dans les entretiens avec des actrices et acteurs impliqués dans les mobilisations paritaires réalisés au cours de l’enquête, on a pu constater la prédominance de deux types de récits tendant à « expliquer » le vote des lois sur la parité : le premier présente les lois comme le produit de pressions venues « d’en bas », du « mouvement associatif féminin », issu de la « société civile », et/ou de « l’opinion publique » ; le second fournit une explication centrée sur le rôle des élites institutionnelles et politiques, attribuant à la dynamique des évolutions normatives au niveau international et/ou aux anticipations des élites politiques nationales un rôle-clef dans le vote des lois de 1999 et 2000. Au-delà des discours indigènes, un clivage analogue traverse la littérature savante visant à expliquer la genèse des changements institutionnels : schématiquement, on peut en effet rapprocher le premier type de récit de la perspective des mouvements sociaux (centrée sur les mouvements grassroots, qui se développent à l’extérieur

1

Voir notamment : F. BESNIER (1996), La parité hommes-femmes en politique: histoire d'une revendication, DEA de science politique, université Paris 1 ; J. BATTILANA (1999), Etude du mouvement paritaire français, Maîtrise de sociologie, université Paris 10 ; L. PAGE (1999), La parité hommes/femmes en politique: de la contestation à la législation, Maîtrise de sociologie, université Paris 10 ; F. STÉFANON (1999), Représentations et construction d'une 'culture féminine' de la politique dans le cadre des mobilisations associatives en faveur de la parité. L'exemple du réseau Demain la parité, DEA de sociologie, université Paris 7.

2

Cf. R.M. LAGRAVE (2000), « Une étrange défaite: la loi constitutionnelle sur la parité », Politix, n°51, pp. 81-112 ; F. GASPARD (2001), « The French Parity Movement », in J. KLAUSEN et C.S. MAIER (eds.), Has Liberalism Failed Women? Assuring Equal Representation in Europe and the United States, New York, Palgrave, pp. 55-66 ; J. JENSON et I. GIRAUD (2001), « Constitutionalizing Equal Access: High Hopes, Dashed Hopes? », in J. KLAUSEN et C.S. MAIER (eds.), Has Liberalism Failed Women? New York, Palgrave ; A.G. MAZUR (2001), « Drawing Lessons from the French Parity Movement », Contemporary French Civilization, vol.25, n°2 ; J. MOSSUZ-LAVAU (2002), « La parité en politique: histoire et premier bilan », Travail, genre et sociétés, n°7, pp. 41-57 ; M. TREMBLAY (2002), « Les élites parlementaires françaises et la parité: sur l'évolution d'une idée », Modern and Contemporary France, vol.10, n°1, pp. 41-57.

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du champ de la politique institutionnelle); tandis que le second reprend plutôt la perspective des politiques publiques (centrée davantage sur le rôle des élites institutionnelles et politiques).

Les récits privilégiant l’explication « par le bas » sont souvent véhiculés par des militantes qui ont été parties prenantes des mobilisations associatives au cours de la décennie 1990, et sont soucieuses de rétablir la mémoire de leurs actions, bien moins médiatisées que la controverse intellectuelle qui a précédé le vote des lois sur la parité. Ces actrices soulignent l’effervescence militante à laquelle l’irruption du slogan de parité a donné lieu au sein du mouvement associatif féminin et féministe à partir de 1992 : pas moins d’une dizaine d’associations ont été créées spécifiquement autour de l’objectif de parité, dont certaines prétendaient représenter des milliers, voire des « millions » de femmes1. Elles mettent en avant l’intensité de leur travail militant : colloques, manifestations, formations, pétitions, brochures et autres rapports auraient joué un rôle majeur dans la popularisation de la revendication de parité tout au long des années 1990.

Dans la même perspective, certains discours attribuent à « l’opinion publique » un rôle essentiel dans la réforme paritaire. Au cours des années 1990, de nombreux sondages auraient pointé la lassitude de l’opinion à l’égard d’une classe politique mono-sexuée et auraient mis en évidence une « demande » de féminisation des lieux de décision, « obligeant » les élites politiques à entreprendre une telle réforme. L’opinion publique aurait été « en avance » sur les élites politiques, notamment sur les élites partisanes, majoritairement hostiles à tout dispositif contraignant pour féminiser les assemblées élues. Dans les discours militants, l’explication par le mouvement et celle par l’opinion sont souvent associées : le travail de pression et de sensibilisation des associations féminines – largement invisibles, ignorées par les médias et par le champ politique – aurait créé une « lame de fond », un « mouvement d’opinion » en faveur de la parité et auraient fini par avoir raison des résistances des élites politiques, notamment partisanes.

Ce premier type de récit se heurte à plusieurs objections. L’examen détaillé des mobilisations associatives pour la parité révèle plusieurs faiblesses qui jettent le doute sur l’explication par le « mouvement » : étroitesse numérique et marginalité politique des troupes militantes, profondes divisions sur le sens qu’il convient d’accorder à l’objectif de parité – au moins jusqu’à la mise à l’agenda de la réforme –, absence de coordination des luttes. L’explication par l’opinion publique, qui présente la loi comme le produit d’une « demande

1

C’est le cas des « réseaux » Demain la parité (créé en 1995) et Femmes et Hommes pour la parité (1998-1999).

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Introduction

sociale de droit »1, est à prendre avec davantage de précautions encore. L’exploration des sondages donne à voir l’ambivalence de « l’opinion publique » vis-à-vis de la parité tout au long de la décennie. Dès lors que la parité est entendue comme un but à atteindre, elle suscite, certes, une forte adhésion. Mais quand elle désigne un dispositif technique précis, contraignant, les mêmes sondages indiquent les incertitudes, voire les réticences de cette même « opinion ».

Les récits accordant un rôle central au « mouvement » sont cependant concurrencés par un second type de récit, qui tend à considérer que les lois sur la parité sont le produit de pressions venues « d’en haut ». Recueilli en entretien, il émane souvent d’acteur-rice-s extérieur-e-s aux mobilisations associatives, plutôt issu-e-s de partis, d’institutions publiques ou du champ intellectuel. Deux explications prédominent dans ce pôle. La première insiste sur l’impact des évolutions politiques et normatives à l’échelle internationale dans le domaine de la représentation politique des femmes ; la seconde, sur le volontarisme d’une partie des élites politiques nationales, qui auraient défini la parité comme une réponse à un problème politique.

La première explication met en valeur le rôle des organisations internationales dans la genèse de la réforme paritaire. L’ONU, le Conseil de l’Europe, et plus récemment (depuis le tournant des années 1990) la Communauté européenne ont en effet promu des mesures d’« action positive » pour favoriser la participation des femmes à la « prise de décision » notamment en politique. En adoptant des quotas légaux, la France n’aurait fait que se plier à des directives émanant de ces organisations. Dans la même perspective, la genèse de la loi sur la parité est expliquée par l’intégration de la France au sein d’une dynamique internationale plus large, qui se caractérise par la banalisation de dispositifs volontaristes, incluant des quotas, pour favoriser la présence des femmes dans les lieux de pouvoir, en particulier parmi les pays européens. La France aurait suivi le mouvement, imité ses pays voisins, afin de sortir de la situation de « lanterne rouge » qui la caractérisait dans les années 1990. Il ne s’agit pas ici de nier l’impact du contexte international sur la légitimation de la parité. Cette question a d’ailleurs été déjà bien documentée2. Mais il convient de souligner que les normes produites par les organisations internationales en matière de représentation politique des femmes relèvent de la soft law, et qu’elles n’ont donc pas d’impact mécanique sur les législations nationales : elles n’ont d’effet que dans la mesure où des acteurs nationaux s’en saisissent. De

1

D. MEMMI (1989), « 'Demande de droit' ou 'vide juridique'? Les juristes aux prises avec la construction de leur propre légitimité », in CURAPP (dir.), Les usages sociaux du droit, Paris, PUF, pp. 13-31.

2

F. GASPARD (2000), « Les enjeux internationaux de la parité », Politique étrangère, n°1, pp. 197-211 ; L. BERENI (2004), « Le mouvement français pour la parité et l'Europe », in S. JACQUOT (dir.), Les usages de l'Europe. Acteurs et transformations européennes, Paris, L'Harmattan, pp. 33-54 ; LÉPINARD L'égalité introuvable. La parité, les féministes et la République.

(23)

manière plus générale, cette explication par les pressions internationales ne permet ni d’expliquer la temporalité ni les modalités spécifiques de la réforme paritaire en France.

Dans la même perspective – accordant un rôle central aux pressions venues d’en haut –, un discours récurrent dans les entretiens consiste à attribuer la réforme paritaire au volontarisme d’une partie des élites politiques, qui auraient envisagé la parité comme une réponse possible à un certain nombre de problèmes politiques, en particulier le problème de la « crise » réelle ou supposée de la représentation politique. Depuis le début des années 1990, ce thème constitue en effet un « problème public » régulièrement débattu dans les arènes médiatique et politique1. De fait, si le PS a, à partir de 1996, intégré la parité au cœur de sa stratégie de reconquête électorale, c’est sans doute parce que cette réforme a pu apparaître, aux yeux d’une partie de l’élite du parti (et en particulier de Lionel Jospin), comme un instrument de renovatio de l’ordre politique2. Pourtant, ce type d’explication n’éclaire qu’une partie de la réalité. Il laisse entière la question des conditions de possibilité, à un moment donné, d’une articulation entre la revendication de parité et la thématique de la rénovation des institutions politiques. Il conduit à sous-estimer les profondes résistances d’une partie des élites politiques vis-à-vis de la parité, les doutes qui ont longtemps pesé sur ce qui apparaît, a posteriori, comme un pari réussi. Il ne dit rien, enfin, sur les modalités techniques du dispositif paritaire, notamment sur son degré de contrainte.

En définitive, l’alternative qui semble se dessiner, au premier abord, entre des explications par le haut et par le bas de la genèse des lois sur la parité révèle un double point aveugle, qui ne permet pas de saisir la complexité des mobilisations pour la parité et du processus de légitimation. D’une part, une telle perspective tend à opposer une explication par l’offre (politique) et une explication par la demande (sociale), sans penser les interactions entre les deux. On montrera plus loin en quoi une approche dynamique, restituant l’épaisseur historique de la genèse des lois sur la parité, permet en partie de dépasser cette aporie, en offrant la possibilité de prendre en compte les interactions stratégiques3 (échanges de coups, anticipations croisées) entre les différents acteurs du jeu (offreurs et demandeurs). D’autre part, et surtout, le clivage qui est au fondement d’une explication par le haut ou par le bas révèle une vision « grassroots » de l’action collective : tout se passe comme si l’explication par le mouvement devait conduire à placer la focale d’analyse sur des acteurs qui se situent à

1

É. NEVEU (1993), « Médias et construction de la 'crise de la représentation': le cas français », Communication, vol.14, n°1, pp. 21-54.

2

D. DULONG (2003), « Des actes d'institution d'un genre particulier. Les conditions de légitimation des femmes sur la scène électorale (1945 et 2001) », in J. LAGROYE (dir.), La politisation, Paris, Belin, pp. 425-444.

3

T. SCHELLING (1986 [1960]), Stratégie du conflit, Paris, PUF ; M. DOBRY (1990), « Calcul, concurrence et gestion du sens. Quelques réflexions à propos des manifestations de novembre-décembre 1986 », in P. FAVRE (dir.), La manifestation, Paris, Presses de la FNSP, pp. 357-386.

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Introduction

l’extérieur des frontières de la politique institutionnelle. Or cette vision, remise en cause par une série de travaux récents sur la « politique contestataire », ne résiste pas à l’analyse empirique de l’objet de recherche. Les mobilisations pour la parité se caractérisent en effet par l’implication d’actrices issues de sphères sociales variées, situées à « l’extérieur » comme à « l’intérieur » de l’univers politico-institutionnel, parmi lesquelles on peut distinguer au moins quatre catégories : militantes associatives, intellectuelles, militantes de partis et « fémocrates » (membres des instances étatiques légalement chargées des droits des femmes). C’est sur la base de ce constat empirique, qui rend inadéquat l’usage de schémas d’analyse opposant les « mouvements » aux « institutions », la politique « non conventionnelle » à la « politique conventionnelle », qu’on a élaboré, dans le cadre de cette thèse, une catégorie analytique, l’espace de la cause des femmes, qui permet d’appréhender à la fois – et indissociablement – l’hétérogénéité des actrices, des lieux et des investissements pour la parité (traversant les frontières établies entre les « associations », l’« État », les « partis », l’« université », etc.) et les liens qui les unissent.

L’espace de la cause des femmes

L’espace de la cause des femmes désigne ici l’ensemble des collectifs – et leurs participantes1 – qui luttent au nom des femmes et pour les femmes, quels que soient les termes de la lutte et la sphère dans laquelle elle se déploie.

Au nom des femmes et pour les femmes

La catégorie d’espace de la cause des femmes a été élaborée à partir d’une revue critique des définitions proposées par la littérature sur les mouvements des femmes et le féminisme (cf. Encadré 1), un domaine situé à l’intersection des études féministes et sur le genre (feminist/gender studies) et des recherches sur les mouvements sociaux, qui s’est autonomisé depuis une dizaine d’années, de manière privilégiée aux États-Unis, et le plus souvent dans une perspective comparative.

1

On utilise ici le féminin pour rendre compte du caractère très majoritairement féminin de cet espace (voir plus loin). En outre, il faut préciser que les « collectifs » dont il est question ici peuvent être formels ou informels (commissions, associations, groupes, réseaux…).

Figure

Tableau 1 – Catégories d’acteur-rice-s interviewé-e-s 1
Tableau 2 – Part des femmes dans les conseils municipaux 1 Année  % de femmes  1959  2  1965  2  1971  4  1977  8  1983  14  1989  17
Tableau 3 – Estimation du nombre de militantes engagées pour la parité entre 1992 et  1997 (par association)
Tableau 5 – Répartition des enquêtées par catégorie socioprofessionnelle (.=101)
+4

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