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Monique Dental : du courant « lutte de classes » à la parité

Chapitre 3 Converger vers la parité : carrières individuelles et logiques des espaces

2) Monique Dental : du courant « lutte de classes » à la parité

Née en 1942, Monique Dental est issue d’un milieu ouvrier. Son père est militant communiste et responsable syndical chez Renault. Aînée de la famille, elle commence à travailler à 14 ans. Sa trajectoire professionnelle d’autodidacte est étroitement liée à ses engagements politiques et aux transformations de l’université après Mai 1968. Elle travaille comme secrétaire au magazine L’Express à la fin des années 1950, puis à la FGDS après la guerre d’Algérie. Ayant passé son baccalauréat par correspondance puis un diplôme en sciences sociales, elle est reçue autour de Mai 1968 au concours d’ingénieur d’étude et de

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Choisir revendique environ 7 000 adhérent-es à la fin de la décennie 1970 et son bulletin mensuel (Choisir) tire alors à environ 8 000 exemplaires.

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En échange de sa démission de son mandat de députée, qu’elle présente en octobre 1984, elle se voit confier par le Quai d’Orsay – sous la pression de François Mitterrand – des missions auprès d’organisations internationales, puis est nommée ambassadrice de France auprès de l’Unesco entre avril 1985 et septembre 1986. Elle est ensuite élue au conseil exécutif, et devient présidente du Comité des conventions et recommandations (chargé des questions des droits de l’homme) à l’Unesco. En 1989, elle est nommée « conseiller spécial » de la délégation française à l’Assemblée générale de l’ONU, à New York.

recherche, à Vincennes, où elle restera jusqu’en 1989 (elle obtient à cette date un détachement en tant que chargée de mission au Service des droits des femmes).

Monique Dental commence à militer très jeune. Elle se retrouve à l’âge de « quinze ans et demi » dans sa « première manifestation », dans les mobilisations contre la guerre d’Algérie. Aux côtés de son mari algérien, elle milite au FLN puis, après l’indépendance, dans une organisation algérienne clandestine opposée au pouvoir d’Ahmed Ben Bella (premier président de la République algérienne). Par ailleurs, elle adhère au PSU dès sa création, fréquente des organisations « maoïsantes » à partir de Mai 1968 – elle a alors repris des études dans l’enseignement supérieur –, puis rejoint le Parti communiste révolutionnaire marxiste léniniste (PCRML) dans la première moitié des années 1970. Elle raconte s’être engagée dans le mouvement féministe « de manière conséquente » après 1971.

« [...] dans la FGDS il y avait déjà les commissions femmes d’Yvette Roudy. Moi je n’y participais pas… Sauf qu’en 68, à la Sorbonne, le MLF est né. Donc moi j’ai été en contact avec toutes ces femmes à la Sorbonne, et c’est après en 71 que j’ai été impliquée dans le mouvement féministe de manière conséquente. J’étais à la recherche d’un certain nombre de choses que je me disais tout bas et qui m’étaient confirmées par des femmes comme Christine Delphy, comme Françoise Picq, comme Liliane Kandel, comme d’autres… »[Entretien avec Monique Dental, Paris, 12 juillet 2002]

Parallèlement à son engagement dans son organisation « maoïsante », elle milite alors dans le courant « lutte de classes » du mouvement, en fréquentant diverses organisations féministes autonomes « avec l’idée, évoque-t-elle en entretien, qu’il faut l’articulation entre la lutte de classes et la lutte contre l’oppression de sexe ». Mais, à la fin de l’année 1976, elle quitte son organisation en même temps qu’un certain nombre d’autres militantes féministes d’extrême gauche.

Quand j’en suis partie, il y a eu un désaccord sur plusieurs questions, et en particulier pour eux la greffe avec la question du féminisme était impossible. [...] À ce moment-là, avec des femmes qui étaient dans d’autres organisations, la LCR, etc., on se retrouvait régulièrement après les réunions, et on discutait en se disant ‘et toi où tu en es dans ton orga’, et on s’est toutes rendues compte un jour qu’on partait, que la greffe était impossible, il n’y a rien à faire, on s’en va. Il y a un livre qui a été écrit là-dessus, avec pleins de témoignages, qui s’appelle C’est terrible quand on y pense… » [Entretien avec Monique Dental, Paris, 12 juillet 2002]

En 1982, rompant avec le « collectif Femmes de quartiers » (qui réunit les féministes de tendance lutte de classes) dans un climat de décrue des mobilisations d’extrême gauche, elle crée avec quelques autres militantes le collectif de pratiques et de réflexions féministes Ruptures (structuré en association loi 1901 en 1984), qui marque sa conversion au milieu associatif féministe autonome :

« On a fait la démarche qui consiste à dire : le féminisme c’est l’ossature, c’est la colonne vertébrale de tous les autres systèmes d’oppression, et donc il ne peut pas y avoir de changement de société, sans voir d’abord comment le féminisme interroge l’ensemble des questions. Donc moi j’ai orienté après entièrement ma militance, que ce soit du côté féministe ou général, à travers ce prisme d’analyse. »[Entretien avec Monique Dental, Paris, 12 juillet 2002]

Chapitre 3 – Converger vers la parité…

Tout en s’inscrivant de manière croissante dans les réseaux de la Maison des femmes de Paris, Monique Dental conserve cependant des liens étroits avec les militant-e-s de la mouvance d’extrême gauche dont elle est issue. C’est ainsi qu’elle est sollicitée pour participer à la création du mouvement Arc-en-ciel à partir de 1985. Elle contribue, avec d’autres militantes féministes de ce groupe, à y imposer des instances de réflexion féministe et à y acclimater un nouveau principe de fonctionnement, la « parité » (cf. chapitre 2). La dissolution d’Arc-en-ciel en 1989 coïncide avec un moment charnière de sa carrière professionnelle : ingénieure de recherche à l’université de Jussieu (où elle est rattachée à une équipe de recherches féministes, le Centre d’enseignement, de documentation et de recherche pour les études féministes, CEDREF), elle obtient cette année là un détachement en tant que chargée de mission pour les « études, recherches et statistiques » au Service des droits des femmes. Cette nouvelle position professionnelle lui donne l’occasion de diffuser dans l’espace de la cause des femmes le Bulletin de liaison et d’informations féministes Ruptures (Bulletin Ruptures) : faute de s’imposer comme leader dans réseaux associatifs féministes, elle y acquiert ainsi une certaine centralité structurale1. C’est en tant que représentante de l’administration française des droits des femmes qu’elle se rend, en novembre 1992, à la conférence d’Athènes sur les « femmes au pouvoir ». De retour d’Athènes, elle s’attache à diffuser la « déclaration » qui a clôt la conférence et entreprend de mettre en réseau les initiatives éparses pour la cause de la représentation politique des femmes qui ont fleuri depuis les élections régionales. À la fin de l’année 1992, elle lance avec Odette Brun, militante très implantée à la Maison des femmes de Paris, un « appel » conviant les associations féministes à se réunir sur la question de la parité, réunion qui donnera lieu à la création en janvier 1993 du réseau Femmes pour la parité, dont elle sera l’une des principales animatrices.