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Article pp.365-371 du Vol.2 n°6 (2012)

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ARTICLE ORIGINAL /ORIGINAL ARTICLE

Analyse et impact des revues de morbimortalité (RMM) au sein d ’ un pôle de médecine d ’ urgence

Analysis of morbidity and mortality conferences in an emergency department

B. Vallé · E. Dehours · J. Mallet · M. Belhadj · R. Aniba · H. Juchet · V. Bounes · J.-L. Ducassé · D. Lauque

Reçu le 30 décembre 2011 ; accepté le 18 avril 2012

© SFMU et Springer-Verlag France 2012

Résumé Introduction : Une revue de morbimortalité (RMM) a pour objectif l’analyse collective rétrospective de cas anonymisés marqués par la survenue d’un décès ou d’une complication, afin d’améliorer la qualité des soins.

Notre objectif est de décrire et d’analyser les principaux dys- fonctionnements et propositions correctrices résultant de l’analyse des dossiers en RMM au sein d’un pôle de méde- cine d’urgence.

Matériel et méthodes: Analyse rétrospective des dossiers de RMM de deux services d’urgences adultes et d’un Samu sur un an. Chaque dossier est classé en fonction des problèmes rencontrés et des propositions correctrices proposées.

Résultats: Dix-huit RMM ont été réalisées : huit aux urgen- ces, neuf au Samu et une en réunion commune dite de pôle.

Cinquante-cinq dossiers ont été analysés avec une présence moyenne de 22 participants par réunion. Les thèmes abordés le plus fréquemment sont la traumatologie pour les services d’urgences et la cardiologie pour le Samu. Quarante pour cent des dossiers (n= 27) sont consécutifs à des problèmes diagnostiques, 15 dossiers (22 %) objectivent des choix stra- tégiques erronés et des problèmes de communication sont présents dans neuf dossiers. Tous les dossiers ont abouti à

des propositions correctrices : formations, élaborations de procédures ou filières de soins.

Conclusion: Les RMM au sein de notre pôle permettent de dégager de nombreuses propositions correctrices devant aboutir à l’amélioration des soins d’urgence de nos patients.

Notre étude met aussi en avant l’intérêt des RMM de pôle permettant l’analyse complète du circuit patient depuis l’appel au Samu jusqu’à l’hospitalisation dans un service d’urgences.

Mots clésRevue de morbimortalité · Qualité des soins · Médecine d’urgence · Médecine préhospitalière

Abstract Aims: A review of morbidity and mortality (RMM) aims to analyze retrospectively and collectively ano- nymized cases marked by the occurrence of death or compli- cations, and to improve the quality of care. Our objective was to describe and analyze the main dysfunctions and reme- dial proposals resulting from the analysis of RMM records within a center of emergency medicine.

Procedure: Retrospective analysis of RMM cases of two adult emergency departments and one emergency medical service (Samu) over a year was conducted. Each case was classified according to the encountered problems and propo- sed remedial recommendations.

Results: Eighteen RMMs were performed: eight in emer- gency departments, nine in Samu and one in joint meeting called center meeting. Fifty-five cases were analyzed with an average attendance of 22 participants per meeting. The most frequent theme was trauma for emergency departments and cardiology for Samu. Forty percent of cases (N= 27) were consecutive to diagnostic problems; 15 cases (22%) showed a wrong strategic choices; communication problems were present in 9 cases. All records have resulted in remedial proposals: trainings, development of procedures or courses of care.

Conclusion: The RMM within our center led to numerous remedial proposals ending up to the improvement of

B. Vallé (*) · E. Dehours · V. Bounes · J.-L. Ducassé Samu 31, CHU de Toulouse Purpan,

F-31059 Toulouse cedex 9, France e-mail : valle.b@chu-toulouse.fr

J. Mallet · R. Aniba · H. Juchet · D. Lauque

Service des urgences adultes, CHU de Toulouse Rangueil, France M. Belhadj · D. Lauque

Service des urgences adultes, CHU de Toulouse Purpan, France D. Lauque

Université Paul-Sabatier, Toulouse-III, Toulouse, France V. Bounes

Inserm UMR 1027, service de pharmacologie médicale et clinique, centre Midi-Pyrénées de pharmacovigilance, université de Toulouse, Toulouse, France

DOI 10.1007/s13341-012-0207-8

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emergency care for our patients. Our study also highlights the interest of RMM within a center for the complete analy- sis of the patient circuit from the call to the ambulance to admission in an emergency department.

KeywordsMorbidity and mortality conferences · Quality of care · Emergency medicine · Prehospital medicine

Introduction

Une revue de morbimortalité (RMM) est une revue collec- tive de dossiers de patients dont l’évolution a été marquée par un événement indésirable : le décès ou la survenue d’une complication. L’exercice consiste à examiner si la prise en charge du patient était adaptée et d’identifier d’éventuelles défaillances qui auraient pu contribuer à la survenue d’une complication [1]. Le concept de RMM s’était mis en place initialement aux États-Unis au début duXXesiècle dans le cadre de la formation initiale des chirurgiens. Il ne s’agissait pas encore de RMM à proprement parler mais de conférence d’analyse des décès. L’idée était de tirer les leçons des cas où un décès ou un dysfonctionnement étaient survenus. Le but était l’amélioration des pratiques professionnelles en analy- sant de manière collégiale la survenue de décès en dehors de tout jugement ou sanction individuelle [2–5]. Ce concept s’est ensuite diffusé dans les autres disciplines et dans les autres pays. L’émergence de la gestion de la qualité et des risques sanitaires dans les établissements de santé dans les années 1990 modifiait le regard porté sur les RMM qui sont apparues comme un outil d’amélioration de la qualité des soins et de gestion des risques iatrogènes. Aujourd’hui, nous pouvons comparer les RMM aux comités de retour d’expé- riences utilisées en sécurité aérienne civile. La réalisation de RMM en France est déjà bien ancrée dans les services de chirurgie, d’anesthésie-réanimation [6], de médecine interne ainsi qu’en médecine maritime [7]. Ces dernières années, le développement des RMM dans les hôpitaux s’est accéléré, surtout depuis que la HAS a reconnu cette méthode comme un programme continu d’évaluation qui entre dans le cadre de l’évaluation des pratiques professionnelles [8]. Elle fait partie des critères de la deuxième version de la certification des établissements de santé, et est obligatoire dans des secteurs d’activité comme la chirurgie, la réanimation et la cancérologie pour répondre à certains critères de la version 2010 de la certification [9,10].

Il n’existe que peu de données dans la littérature sur les expériences de RMM dans les services d’urgences en France. L’objectif de notre travail est de décrire et d’analyser les RMM mises en place au sein d’un pôle de médecine d’urgence.

Matériel et méthode

Nous avons réalisé une analyse rétrospective des dossiers présentés en RMM en 2011 au sein du pôle de médecine d’urgence. Pour cela, les responsables des RMM de chaque service ont étudié tous les dossiers afin de montrer les simili- tudes et les différences entre les RMM des urgences et celles du Samu. L’objectif principal de notre étude était de démon- trer les principaux dysfonctionnements et propositions correc- trices résultant de l’analyse des dossiers en RMM.

Contexte de mise en place des RMM

Le pôle de médecine d’urgence du CHU de Toulouse se compose de deux services d’accueil des urgences (SAU), l’un sur l’hôpital de Rangueil et l’autre sur l’hôpital de Purpan, du Samu 31 comprenant un Smur adulte, un Smur pédiatrique, un centre de consultations médicales maritimes (CCMM) et un centre antipoison et de toxicovigilance (CAP-TV). Le nombre de passages annuels dans les deux SAU est de 90 000, et le nombre de sorties Smur adultes est de 6 100 par an.

Des RMM se sont tout d’abord développées au sein de chaque service des urgences depuis 2009, elles se sont mises en place au sein du Samu depuis mars 2010, puis sont appa- rues des RMM communes de pôle en 2011. Initialement, chaque service réalisait ses réunions en se concentrant sur ses propres problématiques. Actuellement, trois responsa- bles des RMM sont nommés au sein du pôle, un pour chaque service. Celui-ci a rédigé une charte conformément aux recommandations de la HAS et coanime avec le chef de ser- vice les RMM au sein de son unité. Les modalités de sélec- tion des cas sont différentes selon les services. Pour les urgences, les dossiers sont sélectionnés à partir de l’analyse des patients décédés dans le service, à partir des lettres de plainte ou après signalement oral du cas par un médecin du pôle, d’un service d’aval ou par le médecin traitant du patient. Pour le Samu, les dossiers sont sélectionnés après déclaration anonymisée informatique réalisable par tout médecin du service ou par oral auprès du responsable des RMM. Les dossiers provenant de plaintes ne sont pas étudiés en RMM au sein du Samu. Les méthodes d’analyse sont tirées de la méthode ALARM [11] pour tous les services.

Les RMM réalisées au Samu utilisent l’écoute anonymisée des bandes de régulation ainsi qu’un procédé participatif de vote. Ainsi, chaque dossier est présenté par ordre chronolo- gique des événements avec questionnement de la salle sur les décisions prises au fur et à mesure du cas. Ainsi, l’analyse des réponses de l’assemblée permet de commencer le débat sur le dossier. Cette procédure est en cours d’évaluation.

Tous les services du pôle invitent des spécialistes non urgen- tistes pour intervenir selon les dossiers présentés. Toutes les réunions aboutissent à des propositions de mesures

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correctives et à la réalisation d’un compte rendu de la RMM, compte rendu rédigé par le responsable des RMM du ser- vice. Ce compte rendu comprend la liste d’émargement, le thème de la réunion, une synthèse des problèmes rencontrés ainsi que les propositions correctives. Celui-ci est archivé et envoyé à l’ensemble de l’équipe médicale pour les deux services d’urgences et à l’ensemble du service pour le Samu.

Procédure d’analyse des dossiers

Chaque responsable des RMM a ressorti les dossiers présen- tés au cours de l’année 2011 afin d’en analyser le contenu.

Les comptes rendus de chaque conférence ont permis de colliger le nombre de participants pour chaque réunion, le sexe du patient, son âge, le lieu de prise en charge (préhos- pitalier ou intrahospitalier), le thème ou motif d’appel au Samu ainsi que le motif d’admission aux urgences. Chaque dossier est classé en fonction des problèmes rencontrés, des propositions correctrices proposées ainsi que sur l’apparition d’un décès ou non (Tableaux 1 et 2).

Résultats

Sur une période d’analyse d’un an, 18 RMM ont été réalisées au sein du pôle de médecine d’urgence. Le Tableau 3 reprend les caractéristiques des RMM au sein des trois services sur un an. Les réunions étaient trimestrielles dans les deux services d’urgences alors qu’elles se déroulaient de façon mensuelle au sein du Samu. La moyenne était de quatre dos- siers par réunion réalisée en deux heures pour les SAU alors

que trois dossiers étaient présentés pour une durée moyenne d’une heure 30 minutes au Samu. La participation était limi- tée aux médecins et internes des deux services d’urgences.

La réunion était ouverte à l’ensemble du personnel du Samu, avec la présence moyenne de 24 médecins et de quatre per- sonnels paramédicaux, qu’ils soient infirmiers, permanen- ciers ou ambulanciers. Les principaux thèmes abordés sont donnés dans le Tableau 3, avec une proportion importante de cas liés à de la traumatologie, principalement pour les RMM des SAU. Les cas de cardiologie étaient les plus fréquents pour le Samu (n= 6), résultats qui paraissent logiques devant le très grand nombre d’appels régulés pour motif car- diologique. Il est important de noter une forte proportion de cas de RMM impliquant un dossier ayant pour thème une dyspnée (n= 8, soit près de 15 %), symptôme très fréquent de recours au 15 et pourvoyeur d’hospitalisations dans les services d’urgences. Neuf spécialistes non urgentistes ont été invités, qu’ils soient réanimateurs, radiologues, gynéco- logues, psychiatres ou chirurgiens, afin de participer à une RMM sur leur domaine de compétence et d’échanger sur la problématique de l’urgence.

L’analyse des problèmes rencontrés et des propositions correctives ainsi que la proportion de décès dans les cas présentés en RMM sont donnés dans le Tableau 4.

Le problème le plus fréquemment à la base d’une évalua- tion de dossier en RMM reste de loin celui des erreurs d’hypothèses diagnostiques formulées (n= 27, soit 40 % des cas). Ces problèmes diagnostiques sont retrouvés dans les trois services, avec une proportion deux fois plus impor- tante dans les services d’urgences que dans le Samu. Des

Tableau 1 Classement des problèmes rencontrés

Problèmes rencontrés Exemples

Défaut diagnostique Fracture de la tête radiale non vue sur le cliché radiographique Défaut de communication Absence de transmission/refus dintervention dun spécialiste Choix stratégique erroné Orientation inadaptée/imagerie avant geste thérapeutique Défaut organisationnel Absence de lit daval/brancardage

Erreur thérapeutique Prescription dun antibiotique inadéquat Effet indésirable grave Convulsions sous trimébutine

Autres Agitation/séquestration par patient psychiatrique

Tableau 2 Classement des propositions correctives

Propositions correctives Exemples

Thérapeutique Création dune procédure de soins

Organisationnelle Création dune filière de soins

Relationnelle Amélioration concertation avec spécialistes non urgentistes

Formation sur le sujet Formation/cours sur un sujet précis

Déclaration pharmacovigilance Déclaration de convulsions sous trimébutine

Autres Formation sur outil informatique de comptes rendus médicaux

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choix stratégiques erronés représentent 22 % des cas de RMM (n= 15) avec des différences notables entre les deux services. Par exemple, pour le Samu, les choix stratégiques erronés correspondent à des orientations inadaptées de patients. Quant aux stratégies erronées dans les SAU, elles correspondent le plus souvent à des retards de prise en charge secondaires à des décisions d’attente d’imagerie ina- déquates par exemple. Enfin, les défauts de communication représentent 13 % des cas (n= 9). Il est important de noter que les quatre dossiers présentés en RMM de pôle faisaient

ressortir des problèmes de communication à type de pro- blèmes de transmission d’informations depuis la régulation aux médecins urgentistes receveurs et de problèmes de trans- missions médicales et paramédicales au sein des services des urgences. Toutes les réunions ont abouti à des propositions correctives. Trente et un pour cent des cas (n= 21) aboutis- saient à des propositions d’amélioration organisationnelle.

Un quart des cas de RMM entraînait une formation spéci- fique sur un sujet précis, comme par exemple une formation sur l’électrocardiogramme ou encore un rappel sur les Tableau 3 Principales caractéristiques des RMM sur un an

Services des urgences

Samu Pôle de médecine durgence

Total

Nombre de réunions 8 9 1 18

Nombre de dossiers 27 24 4 55

Nombre de participantsn(moyenne) 110 (14) 245 (28) 41 396 (22)

Thèmes

Traumatologie 12 4 1 17

Cardiologie 3 6 0 9

Dyspnée 5 3 0 8

Toxicologie 1 4 1 6

Neurologie 3 1 1 5

Psychiatrie 1 3 1 5

Infectieux 2 1 0 3

Gynécologie 0 2 0 2

Nombre de spécialistes invités 4 5 0 9

Tableau 4 Analyse des problèmes et des propositions correctives

SAU Samu RMM de pôle Total (%)

Âge moyen des patients (extrêmes) 62 (2296) 43 (1589) 51 (2580) 52 (1596)

Dont âge > 75 ans (%) 11 (40) 4 (16) 1 (25) 16 (29)

Hommes/femmes 11/16 14/10 3/1 28/27

Problèmes rencontrés

Défaut diagnostique 17 9 1 27 (40)

Choix stratégique erroné 5 8 2 15 (22)

Défaut de communication 2 3 4 9 (13)

Défaut organisationnel 2 4 2 8 (12)

Effet indésirable grave 0 5 0 5 (7)

Erreur thérapeutique 3 0 0 3 (5)

Autres 0 1 0 1 (1)

Propositions correctives

Organisationnelle 5 13 3 21 (31)

Formation 11 5 0 16 (24)

Thérapeutique 5 8 1 14 (21)

Relationnelle 4 2 4 10 (15)

Déclaration pharmacovigilance 0 5 0 5 (8)

Autres 1 0 0 1 (1)

Mortalitén(%) 7 (26) 12 (50) 1 (25) 20 (36)

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recommandations de prise en charge du sepsis. Cinq dossiers ont donné lieu à une déclaration d’effet indésirable grave auprès du centre régional de pharmacovigilance [12]. Enfin, la mise en place d’une procédure informatisée de déclaration de cas potentiellement analysables en RMM au sein du Samu a permis sa généralisation dans les autres services du pôle. Concernant la RMM de pôle, l’analyse de l’enquête de satisfaction au terme de la réunion a permis de mettre en évidence trois grands axes d’amélioration : l’appel systéma- tique du médecin régulateur vers le médecin receveur aux urgences le plus fréquemment possible, la tenue de trois réu- nions de morbimortalité de pôle par an ainsi que l’élargisse- ment de la participation aux paramédicaux des RMM.

Discussion

Cette étude est une des rares études françaises en médecine d’urgence à analyser ses dossiers de RMM. Une précédente étude avait évalué la mise en place de RMM au sein d’un pôle urgences–Samu–Smur mais sans détailler les causes d’erreurs ou les problèmes rencontrés [13]. Notre étude met en avant une forte proportion d’erreurs diagnostiques comme dysfonctionnements générant des RMM, alors qu’en comparaison les dysfonctionnements les plus fréquents pour les services d’anesthésie-réanimation étaient des effets indé- sirables graves ou des échecs de geste [14]. Ces résultats peuvent être expliqués en partie par l’aspect transversal de notre discipline. En effet, le médecin urgentiste prend en charge un patient dans sa globalité avec des pathologies rele- vant tant de spécialités médicales, chirurgicales que médico- techniques. Notre étude met donc en lumière toute la diffi- culté de notre spécialité, spécialité en devenir et en pleine mutation avec la création prochaine d’un diplôme d’études spécialisés (DES) de médecine d’urgence. De plus, le méde- cin urgentiste est régulièrement amené à prendre des déci- sions avec d’autres spécialistes (chirurgien, radiologue, bio- logiste…) pour la prise en charge d’un malade aux urgences.

Le nombre d’intervenants pour la prise en charge d’un même patient est souvent élevé, et les changements réguliers des équipes médicales et paramédicales sont source de perte d’information. Tout cela peut expliquer les défauts de com- munication retrouvés dans les dossiers de RMM. Cependant, tous les dossiers de la RMM de pôle comportaient des pro- blèmes de communication mais entre médecins urgentistes uniquement, et les échanges au cours des RMM ont permis de rappeler les règles de bonne pratique concernant la prépa- ration de l’accueil d’un patient dans un service d’urgence.

Le nombre de réunions peut sembler important à la vue des résultats de l’enquête nationale sur la réalisation de RMM dans les services d’urgences [15]. En effet, 18 réu- nions ont été réalisées au sein du pôle avec une seule réunion commune. Ce résultat élevé est lié aux réunions mensuelles

du Samu, service qui s’astreint à organiser une réunion par mois malgré l’aspect très chronophage de la préparation de ces réunions, comme souligné dans l’enquête nationale. La réalisation fréquente de RMM au sein du Samu a entraîné certaines réactions « négatives » dans l’équipe malgré l’enthousiasme suscité par les séances de RMM qui repré- sentent le staff médical ayant la plus forte affluence. Ainsi, une réunion dite positive ounear misseddes Anglo-Saxons a été réalisée. Deux dossiers mettant en lumière des attitudes très positives et très pédagogiques ont été proposés. Les décisions médicales pertinentes ont été mises en avant, des choix stratégiques inhabituels mais ayant été très bénéfiques pour les patients ont permis des discussions fructueuses avec valorisation du travail des équipes. Cette expérience locale, innovante, a permis d’apporter un influx positif dans l’intérêt de pérenniser les RMM dans le service. En effet, toute la difficulté de la mise en place des RMM et sa pérennisation dans un service réside dans la façon de présenter les cas. En effet, la recherche des dysfonctionnements se fait dans le domaine des facteurs humains, matériels et organisationnels.

La RMM n’est ni un tribunal ni une expertise médicolégale et doit s’inscrire dans une démarche non punitive [16]. Pour cela, il faut partir du principe que l’erreur est inévitable mais que le principe de faute et de culpabilité des personnes est écarté. L’analyse de l’incident devient ainsi une occasion précieuse de voir comment fonctionne réellement un service et d’en prendre conscience collectivement. Il faut cependant rassurer nos confrères sur le risque de judiciarisation des RMM, celle-ci n’est pas d’actualité en France même si l’enquête nationale portant sur des services d’urgences démontre bien que cet aspect reste une crainte importante des médecins urgentistes français. À l’inverse, l’enquête nationale des RMM au sein des services d’anesthésie- réanimation [16] ne retrouvait pas cette crainte. Cette diffé- rence était peut-être expliquée en partie par une plus grande expérience des anesthésistes-réanimateurs, ceux-ci ayant obli- gation de réaliser des RMM depuis quelques années. Cet aspect « judiciaire » n’est que le reflet d’une crainte qui découle du changement de mentalité de la société française avec des plaintes fréquentes en médecine d’urgence [17].

L’analyse de la littérature montre que les publications sur les RMM sont peu nombreuses. Une revue récente [18]

a analysé les différents types de publication sur les RMM.

De réelles différences apparaissent entre les RMM de chirur- gie et de médecine [19]. Les RMM de chirurgie concernent essentiellement des pratiques médicales et des facteurs indi- viduels alors que les RMM de médecine portent plus souvent sur des facteurs collectifs ou liés à l’organisation des soins.

Il n’existe que très peu d’études avec description des cas [7,20], et la plupart des publications sont des évaluations sur l’intérêt des RMM dans leur dimension pédagogique ou dans leur apport dans la formation médicale. Il s’agit prin- cipalement d’enquêtes d’opinion sur les RMM. Ainsi, des

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résidents américains déclaraient que les RMM leur appor- taient une certaine confiance dans leur capacité à faire face à des situations similaires [21]. La plupart des médecins pen- sent que les RMM ont un apport pédagogique important que ce soit en France ou aux États-Unis [16,22,23], et quelle que soit la spécialité [24]. Toutes les études décrivent des propo- sitions d’amélioration sur des problèmes d’organisation, de prescription, de communication ou de formation. De plus, la présentation de cas de RMM permet de concevoir des cas de simulation haute fidélité en médecine d’urgence [25]. Ces ateliers de simulation permettent la mise en situation d’équi- pes expérimentées qui pourraient être confrontées à des situations d’exception ou à des effets indésirables graves peu ou non connus. Le nombre et la qualité des participants peuvent aussi influencer l’impact potentiel des RMM. Dans les réunions strictement médicales, l’essentiel des débats porte sur la pertinence de telle ou telle décision médicale ayant été prise ou qu’il eut fallu prendre et la discussion est centrée sur des questions cliniques et sur les pratiques médi- cales. Dans les réunions pluriprofessionnelles, auxquelles participent les personnels paramédicaux, la discussion aborde plus souvent des problèmes d’organisation de l’équipe et du processus de soin [26]. Actuellement, les deux services d’urgences de notre pôle réalisent leur RMM sans présence paramédicale. L’enquête nationale [15] rapportait que seuls un tiers des services d’urgences en 2011 invitaient le staff paramédical lors des RMM, et que cette présence était d’autant plus importante dans les centres hospitaliers périphériques en comparaison avec les centres hospitaliers universitaires. L’expérience du Samu montre que les RMM avec présence de tous les personnels, qu’ils soient médecins, infirmiers, ambulanciers ou assistants de régulation, se pas- sent très bien. Nous pensons que chaque service devrait faire cette démarche d’ouverture des RMM à l’ensemble des per- sonnels du service. De plus, toutes les études ont constaté que les médecins participaient de leur propre initiative aux RMM et en avaient une vision positive.

Notre étude comporte un certain nombre de limites. En effet, nous nous sommes concentrés sur l’analyse des RMM au sein de notre pôle de médecine d’urgence. Ainsi, toutes les problématiques dégagées n’ont qu’un impact local, lié à notre propre organisation et peuvent difficilement être généralisables. Cependant, notre étude démontre un certain nombre de différences entre les RMM des services d’urgence et celles du Samu. Une des principales remarques des médecins urgentistes dans l’enquête nationale était le manque de cadre méthodologique appliqué à notre spécia- lité. Il serait sans doute intéressant de proposer un groupe de travail sur les RMM en médecine d’urgence au sein de notre société savante, la SFMU. De plus, nous ne sommes pas entrés dans les détails des propositions d’amélioration et le suivi de ces propositions à un an comme demandé par la HAS n’est pas encore réalisé. Une prochaine étude devra

évaluer la mise en application des propositions correctrices.

L’analyse des horaires de survenue des problèmes n’a pu être réalisée. Nous souhaitions savoir si les dossiers présentés survenaient plutôt en période de garde ou de week-end, mais ces données étaient manquantes pour de nombreux dossiers.

De plus, la mise en application des mesures prises en RMM étant souvent difficile à pérenniser, il serait intéressant de réaliser une prochaine étude sur l’évaluation des proposi- tions faites en RMM et sur leur application dans l’année qui suit. Enfin, il nous semble indispensable que les méde- cins en cours de formation en médecine d’urgence (DESC et futurs DES) participent activement aux réunions de morbi- mortalité, celles-ci ayant un apport pédagogique indéniable.

Conclusion

L’évaluation des RMM au sein de notre pôle de médecine d’urgence a montré que ces réunions sont intéressantes et attrayantes pour les équipes, car elles permettent de dégager de nombreuses propositions correctrices devant aboutir à l’amélioration des soins d’urgence de nos patients. Des efforts devront être réalisés en termes de diagnostic et d’organisation au sein de notre pôle, mais les nombreuses formations réali- sées démontrent la volonté d’amélioration. Notre étude met aussi en avant l’intérêt des RMM de pôle en plus des RMM de chaque service, celles-ci permettant l’analyse complète du circuit patient depuis l’appel au Samu jusqu’à l’hospitalisa- tion dans l’un des deux services d’urgences. Enfin, il faut souligner que notre pôle a réussi à mettre en place ses RMM mais surtout à les pérenniser malgré l’aspect très chro- nophage de ces réunions. Du fait de l’adhésion des médecins et de la mise en place de mesures incitatives nationales, les RMM sont appelées à se développer à grande échelle dans les établissements de santé français. Cela leur confère un intérêt particulier en tant qu’outils et méthodes d’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins.

Conflit d’intérêt : les auteurs ne déclarent pas de conflit d’intérêt.

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