• Aucun résultat trouvé

Article pp.411-413 du Vol.2 n°6 (2012)

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Article pp.411-413 du Vol.2 n°6 (2012)"

Copied!
3
0
0

Texte intégral

(1)

CAS CLINIQUE /CASE REPORT

Il n ’ y a pas d ’ âge pour un prélèvement d ’ organe !

Not too old to be an organ donor!

T. Schmutz · C. Sander · A.-C. Didaux · Y. Picard · E. Chouvet · F. Braun

Reçu le 20 avril 2012 ; accepté le 14 juillet 2012

© SFMU et Springer-Verlag France 2012

Afin de faire face à la pénurie de donneurs d’organes, le recensement des comas graves devient un enjeu prioritaire de santé publique. L’âge, même très avancé, ne doit plus être un frein à la déclaration d’un donneur potentiel à la coordi- nation hospitalière des prélèvements d’organes et de tissus (CHP). Nous rapportons ici le cas de la doyenne française des donneurs multi-organes en état de mort encéphalique.

Observation

Une patiente âgée de 92 ans est prise en charge par une équipe du Smur pour des troubles majeurs de la conscience.

L’examen clinique initial met en évidence une anisocorie avec mydriase droite, un signe de Babinski bilatéral. Il n’y a pas de notion de traumatisme. La glycémie est de 2,20 g/L.

Ses antécédents sont dominés par un syndrome dépressif, une démence vasculaire avec une autonomie très limitée, une thrombose veineuse profonde traitée par antivitamine K (AVK), une hépatite A. Le diagnostic d’accident vascu- laire cérébral est évoqué. En accord avec les proches, une décision de limitation des thérapeutiques actives est d’emblée envisagée. La patiente est transportée en position latérale de sécurité vers le service des urgences (SU). À son arrivée, la CHP est informée de la prise en charge d’un coma grave en salle d’accueil des urgences vitales. Le scanner cérébral affirme l’existence d’un hématome parenchymateux temporal droit avec hémorragie ventriculaire associé à un hématome sous dural frontotemporal droit avec important effet de masse et engagement cérébral sous falcoriel et sous

tentoriel (Fig. 1). La famille est informée du diagnostic et de son pronostic. L’analyse des antécédents ne décèle pas de contre-indication au don d’organes. L’Agence de la biomé- decine (ABM) valide l’éventualité d’un prélèvement multi- organes. L’abord anticipé des proches par la CHP permet alors d’envisager une réanimation d’attente dans l’éventua- lité d’un passage en état de mort encéphalique. La patiente est intubée après une induction à séquence rapide, puis ven- tilée. Un traitement antagoniste des AVK par PPSB et vita- mine K est administré. Elle est transférée en service de réanimation. Le surlendemain, l’absence de ventilation spontanée et l’abolition des réflexes du tronc cérébral pousse à la réalisation d’un angioscanner cérébral qui affirme l’état de mort encéphalique. L’examen se termine par un balayage tardif sur l’abdomen : l’aspect morphologique des organes est normal. La patiente est déclarée décédée 36 heures après son arrivée. Le foie, les deux reins en vue d’une bitransplan- tation rénale, et les cornées seront prélevés. L’évolution des patients greffés est satisfaisante : le receveur des deux reins à repris une diurèse en postopératoire immédiat et sa dernière créatinine est mesurée à 128 μmol/L, le transplanté hépa- tique est rentré à domicile. Il n’existe pas à ce jour de dys- fonction des greffons.

Discussion

En 2011, 16000 patients étaient en attente d’une greffe et seulement un tiers en a bénéficié avec 4945 greffes d’orga- nes réalisées cette même année [1]. La pénurie d’organe aug- mente les listes d’attente, les délais d’accès à la greffe et les coûts de santé. Afin d’y faire face, l’ABM met tout en œuvre : amélioration du recensement de donneurs potentiels et élargissement des critères de prélèvement au regard des progrès de la recherche [2]. La lutte contre le refus au prélè- vement est intensifiée. Pourtant en 2010, un tiers des person- nes recensées en état de mort encéphalique n’a pas été pré- levé suite à une opposition du défunt ou de sa famille [2].

Début 2012, la secrétaire d’État à la santé annonce un plan greffe 2012-2016 afin d’obtenir un nouvel élan [3]. Ce projet

T. Schmutz (*) · C. Sander · A.-C. Didaux · F. Braun Service des urgences, Samu-Smur, CHR Metz-Thionville e-mail : t.schmutz@chr-metz-thionville.fr

Y. Picard

Service de réanimation, CHR Metz-Thionville E. Chouvet

Coordination hospitalière des prélèvements d’organes et de tissus, CHR Metz-Thionville, 1, place Philippe De Vigneulles, F-57000 Metz, France

Ann. Fr. Med. Urgence (2012) 2:411-413 DOI 10.1007/s13341-012-0237-2

Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur archives-afmu.revuesonline.com

(2)

construit par la direction générale de la santé (DGS), la direc- tion générale de l’offre de soins (DGOS) et l’ABM, vise notamment à augmenter le nombre de greffes d’organes et de tissus réalisées à partir de donneurs en état de mort encé- phalique (DEME), en sensibilisant urgentistes, réanimateurs, et praticiens des unités neurovasculaires. L’objectif est d’atteindre 5700 greffes d’organes en 2015 avec une pro- gression annuelle de 5 % [3].

En France, la majorité des organes est prélevée sur des DEME, la part de greffes réalisées à partir de donneurs vivants reste anecdotique [1,2,4]. Les étiologies des décès des DEME sont dominées par les accidents vasculaires céré- braux, les traumatismes crâniens, les anoxies cérébrales et les intoxications [2]. Le profil de répartition de ces étiologies se modifie depuis plusieurs années avec une nette régression des décès de causes traumatiques au profit de ceux liés à des pathologies vasculaires [2]. Le vieillissement de la popula- tion renforce cette tendance. L’âge des donneurs augmente alors progressivement pour atteindre 53,6 ans en 2011 [1].

L’analyse de ces tranches d’âge montre l’évidence : c’est la population des donneurs de plus de 65 ans qui subit la plus grande croissance, en doublant quasiment son effectif en six années. Le nombre de donneurs âgés de 50 à 64 ans reste quant à lui stable alors que celui de patients prélevés de moins de 50 ans diminue parallèlement [2]. Afin de toujours faire face au déficit d’organes, le concept de donneurs

« limites » ou « marginaux » s’est progressivement déve-

loppé [5-8]. Il regroupe les greffons prélevés sur la base de critères élargis quant à la sélection du donneur : âge avancé, facteurs de risque de néphropathie (diabète et/ou hyperten- sion), réduction de la filtration glomérulaire, stéatose hépa- tique évaluée jusqu’à 50-60 % et/ou un risque de transmis- sion d’une maladie infectieuse ou tumorale. La qualité des greffons peut aussi être altérée du fait des conditions de pré- lèvement (durée d’ischémie prolongée, prélèvement à « cœur arrêté ») [5]. Ces greffons peuvent être proposés à des patients qualifiés eux aussi de « limites », du fait de leur âge avancé et/ou de leurs comorbidités, ou parce que leur pronostic vital est engagé sur le concept d’une balance béné- fice/risque [5]. La greffe devient ainsi accessible à des patients qui probablement n’auraient jamais pu être trans- plantés, avec des résultats encourageants [7-9]. Parallèle- ment, l’évolution des techniques de transplantation (greffe des deux reins d’un donneur à critères élargis afin d’augmen- ter la masse néphronique, bipartition et technique en domino lors de transplantation hépatique) permet l’utilisation d’un maximum de greffons disponibles [6,8,10-12].

Malgré toutes ces évolutions, des disparités régionales de recensement des comas graves persistent [2]. Certaines équi- pes, gardant à l’esprit le mythe de donneur « idéal », jeune et sans antécédent, réfutent des donneurs potentiels sur la base de préjugés non fondés, et réalisent ainsi leur propre tri sélectif. Un consensus récent sur la prise en charge des acci- dents vasculaires cérébraux balaye pourtant de nombreux obstacles en validant d’un « accord fort » le concept de réa- nimation d’attente parce que tous les éléments nécessaires à la prise de décision ne sont pas documentés (pronostic de la pathologie et enquête étiologique) [13]. Si le pronostic neu- rologique est d’emblée péjoratif, des décisions de limitations des thérapeutiques actives peuvent être prises à distance, que le patient soit ventilé ou non. Cette phase de réflexion sur le diagnostic et son pronostic, le patient et ses comorbidités, réalisée en concertation avec l’équipe de la CHP, peut conduire vers une réanimation dite « d’organe » lorsque l’évolution vers la mort encéphalique est probable et que rien ne s’oppose au don [13]. La notion d’un « abord anticipé » des proches prend ici toute sa valeur.

Conclusion

Le processus de prise en charge d’un éventuel donneur doit s’organiser en une filière de soins individualisée, validée par des protocoles écrits et centrée autour de la CHP. La sensi- bilisation prioritaire des urgentistes puis de l’ensemble des praticiens au signalement à la CHP des comas graves, quel que soit l’âge du patient, est la clé de la réussite d’une telle organisation. Sans recensement, il n’y a pas de prélèvement ! Fig. 1 Scanner cérébral sans injection de produit de contraste iodé :

hématome parenchymateux temporal droit avec important effet de masse

412 Ann. Fr. Med. Urgence (2012) 2:411-413

Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur archives-afmu.revuesonline.com

(3)

Références

1. Activité de prélèvement et de greffe dorganes 2011. Commu- niqué de presse, Saint Denis, le 23 mars 2012 http://www.

agence-biomedecine.fr/article/581 (dernier accès le 21 avril 2012) 2. Rapport annuel de lAgence de la biomédecine 2011 http://www.

agence-biomedecine.fr/uploads/document/RA_BIOMED_2010_

Internet.pdf (dernier accès le 21 avril 2012)

3. Nora Berra lance le nouveau Plan Greffe 2012-2016, Paris, 23 mars 2012 http://www.sante.gouv.fr/nora-berra-lance-le-nouveau-plan- greffe-2012-2016.html#nb1 (dernier accès le 21 avril 2012) 4. Delanaye P, Weekers L, Dubois BE, et al (2012) Outcome of the

living kidney donor. Nephrol Dial Transplant 27:41-50

5. Cohen S, Colpart JJ, Julvez J, et al (1999) Donneurs, greffons et attributions limites. Méd Thérap 5:449-55

6. Vigneau C, Fulgencio JP, Vincent F, et al (2001) Is there an age limit for organ donors? Ann Fr Anesth Reanim 20:723-6 7. Alexander JW, Vaughn WK (1991) The use ofmarginaldonors

for organ transplantation. The influence of donor age on out- come. Transplantation 51:135-41

8. Gridelli B, Remuzzii G (2000) Strategies for making more organs available for transplantation. N Engl J Med 343:404-10

9. Hubbard WJ, Dashti N (2011) Aging and transplantationa topic for biomedecine or bioethics? Aging Dis 2:181-5

10. De Serres SA, Caumartin Y, Noël R, et al (2010) Dual-kidney transplants as an alternative for very marginal donors: long-term follow-up in 63 patients. Transplantation 90:1125-30

11. Johnson LB, Kno PC, Schweitzer EJ, et al (1996) Double adult renal allografts: a technique for expansion of the cadaveric kid- ney donor pool. Surgery 120:580-3

12. Tan JC, Alfrey EJ, Dafoe DC, et al (2004) Dual-kidney transplan- tation with organs from expanded criteria donors: a long-term follow-up. Transplantation 78:692-6

13. Bollaert PE, Vinatier I, Orlikowski D, et al (2010) Prise en charge de laccident vasculaire cérébral chez ladulte et lenfant par le réanimateur (nouveau-né exclu), (hemorragie meningée exclue).

Recommandations formalisées dexperts sous légide de la Société de réanimation de langue française, avec la participation du groupe francophone de réanimation et urgences pédiatriques (GFRUP), de la société française neurovasculaire (SFNV), de lassociation de neuro-anesthésie et réanimation de langue fran- çaise (ANARLF), de lagence de la biomédecine (ABM). Reani- mation 19:471-8

Ann. Fr. Med. Urgence (2012) 2:411-413 413

Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur archives-afmu.revuesonline.com

Références

Documents relatifs

La radiographie de thorax confirme la dextro- cardie (inversion congénitale de la place du c œ ur dans le thorax) avec inversion gauche droite de la poche à air gas- trique et donc

Notre patiente à été admise dans un tableau compliqué de sepsis d ’ évolution rapide avec des hémocultu- res qui se sont révélées négatives.. L ’ évolution se fait en

Enfin, l ’ analyse des données toxicologiques semble objectiver le bien-fondé de la réalisation très rapide du lavage gastrique et de l ’ administration de charbon de bois, avec

examens toxicologiques dans les intoxications aiguës NoToxique incriminéPrincipaux symptômesMéthode d’identificationMarqueurs biologiques utilesType

Commentaires : Cette étude montre qu’un coroscanner négatif chez un patient admis aux urgences pour douleur thoracique avec risque faible ou intermédiaire de SCA auto- rise

• suivi : « Le centre de régulation médicale demande au médecin effecteur de le tenir informé de la prise en charge du patient » ; « Le dossier n ’ est clôturé qu ’ après

En conclusion, nous avons actuellement de solides données, pour la RCH (et probablement également pour la MC, mais de façon moins tranchée), établissant que la CM améliore le

sity of immune cells in the invasive margin of human metastatic colorectal cancer are prognostic for response to chemotherapy.. Cancer