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Menaces
sur les décharges statutaires
Ce rapport conclut une mission d’audit réalisée par l’Inspection générale des finances et l’Inspection générale de l’administration de l’Éducation nationale et de la recherche. Le rapport complet est consultable sur le site : www.performance_publique.gouv.fr
Plusieurs catégories de décharge sont dénuées de justi- fication.
Plusieurs dispositions, qui pouvaient avoir un sens lorsque 5 % d’une génération obtenait le baccalauréat en ont beau- coup moins aujourd’hui où le taux global est de 62 % et de 32 % dans les disciplines générales.
L’heure de « première chaire » apparaît comme une survivance (...)
Les classes des lycées où la diminution du maximum de service demeure effective sont celles qui, en 1950, prépa- raient à un baccalauréat organisé en deux parties. (...)
La mesure a-t-elle encore une justification pour la classe de Terminale ?
(...) Dans les années cinquante, les enjeux attachés au bac- calauréat étaient très forts pour une population scolaire res- treinte : 32 000 lauréats en 1950. L’examen conserve tou- jours une forte charge symbolique et le système scolaire est très largement orienté par l’objectif d’y faire accéder et réussir le plus grand nombre d’élèves. mais, précisément avec l’ouverture très large de l’enseignement du second degré depuis la fin des années soixante à des publics nou- veaux, socialement et culturellement moins favorisés que ceux du lycée d’antan, les défis pédagogiques à relever et l’obligation de résultats assignée aux enseignants ne se concentrent plus dans la phase ultime de la scolarité secon- daire : les difficultés à surmonter se rencontrent, pour les élèves comme pour les professeurs, tout au long de celle-ci.
Commentaire du SNES
Rappelons que l’heure de première chaire est attribuée aux enseignants qui enseignent au moins six heures en Première et en Terminale.
Les rapporteurs ne traitent même pas de la classe de Première, laissant entendre que le caractère « indu » à ce niveau ne souffrirait aucune contestation.
L’argumentation développé à propos de la Terminale est extraordinaire : la difficulté d’enseigner est une réalité à tous les niveaux du secondaire. En bonne logique, les rapporteurs devraient conclure à un abais- sement du service de tous !
Les heures dites « de cabinet » ou « de laboratoire » destinées au classement de documents ou de collections et à l’entretien de matériels ou d’équipements sont le produit d’un contexte administratif dans lequel des personnes spé- cialisées n’étaient pas affectées dans les établissements.
Depuis, les corps des personnels de laboratoire ont été constitués (...) En outre, la fonction de documentalistes s’est développée au sein du corps enseignant avec la créa- tion de centres de documentation et d’information dans lesquels sont implantés plus de 8 500 ETP(1)en 2005. Ces personnels peuvent fournir un appui aux enseignants.
De même, les assistants d’éducation recrutés par les éta- blissements à un niveau de qualification au minimum équi- valent au DEUG peuvent être mobilisés pour prendre en charge « l’aide à l’utilisation des nouvelles technologies » plutôt que des enseignants. La DESCO(2)recense à la ren- trée 2005 un potentiel de près de 43 000 assistants d’édu- cation dans les premier et second degrés.
(1) Équivalents temps plein.
(2) Direction des enseignements scolaire.
Commentaire du SNES
La coordination de la discipline est en fait venue s’ajouter à des charges qui n’ont pas disparu.
S’agissant des assistants d’éducation, « l’aide à l’uti- lisation des nouvelles technologies » n’est qu’une des missions pour lesquelles des AED sont recrutés. 43 000 AED correspondent à 33 000 emplois à temps plein dont 26 126 en collège et lycée*. Moins de 10 % d’entre eux exercent d’autres fonctions que la sur- veillance ou l’accompagnement d’élèves handicapés.
L’approche des rapporteurs est malhonnête.
* CTPM du 18 octobre 2005.
La pondération horaire en section de techniciens supé- rieurs joue sur une période d’enseignement inférieure à 36 semaines.
Le régime de pondération dont bénéficient les enseignants dans les sections de techniciens supérieurs (STS) trouve sa jus- tification initiale dans le travail supplémentaire demandé aux enseignants du fait du public de ces classes. Cependant, le dis- positif ne tient pas compte de la durée réelle de la période d’en- seignement. En effet, l’année scolaire (36 semaines) est ampu- tée, en premier lieu, du fait des examens qui sont organisés tout au long du mois de mai et, en second lieu, par les stages des étudiants d’une durée moyenne autour de huit semaines (quatre à seize semaines selon les spécialités).
Commentaire du SNES
À en croire les rapporteurs, les enseignants n’assurent aucun suivi des élèves en stage, ni aucun service d’examen.
Extraits du rapport sur les décharges statutaires des enseignants du second degré (avril 2006)
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DÉCHARGES STATUTAIRES
Proposition n° 3 : prévoir dans la nouvelle réglementa- tion la possibilité d’accorder des décharges de service pour l’accomplissement :
a) des activités qui participent au métier d’enseignant ou favorisent son exercice : coordination disciplinaire ou interdisciplinaire, conseil et appui technique pour l’uti- lisation des TICE, soutien et aide pédagogique aux publics scolaires à besoins éducatifs particuliers ou aux élèves en difficulté, animation de l’association sportive ;
b) de la formation des professeurs du second degré (tutorat et interventions en IUFM) ;
c) de la reconversion ;
d) de l’assistance aux inspecteurs d’académie – inspecteurs pédagogiques régionaux dans l’exercice de leurs fonc- tions ;
e) du service partagé entre plusieurs établissements ; f) des missions académiques à caractère transversal.
Proposition n° 4 : substituer « notamment » à « princi- palement » dans les articles relatifs aux missions des statuts particuliers des corps enseignants.
Commentaire du SNES
Au détour de l’analyse juridique, les rapporteurs pro- posent de redéfinir les missions statutaires des ensei- gnants : « les professeurs participent aux actions d’éducation principalement en assurant un service d’enseignement ».
La reconnaissance du fait que « les enseignants peu- vent apporter des compétences dans d’autres fonctions que celles d’enseignement » ne saurait justifier un élargissement aussi vague de nos missions.
Au total, le paysage actuel des aménagements de service peut être présenté comme suit au regard de leur légalité et de leur légitimité pour les besoins du sys- tème éducatif.
Commentaire du SNES C’est à partir de cette ana- lyse, que sont construites les propositions qui suivent :
Proposition n° 5 : modifier les décrets de 1950 pour donner un fondement réglementaire unique à toutes les décharges de service autorisées.
Commentaire du SNES
Le ministère s’est toujours refusé à faire ce travail sur les TICE, par exemple.
Proposition n° 13 : donner la liberté aux chefs d’éta- blissement de répartir leur contingent annuel d’heures de décharge en vertu de leurs priorités, après consultation du conseil pédagogique.
Commentaire du SNES
La démarche des rapporteurs est de contingenter les décharges. Les textes réglementaires n’indiqueraient plus que les situations qui ouvriraient un droit, sans le garantir.
Le conseil pédagogique, imposé à la profession aurait donc un premier rôle : celui d’arbitrer parmi les ensei- gnants susceptibles de bénéficier d’une décharge.
Est-ce bien ainsi que l’on construit un travail d’équipe ?
non
non oui
oui Légalité
Légitimité Coordination pédagogique
Aide aux élèves Formation des enseignants
Reconversion TICE Activités culturelles
ARA* (en partie)
Contrôle DHG (en partie) Actions à justifier
ARA obsolètes ARA affectées de code-lettres
ARA second degré privé
Première chaire Forfaits UNSS (en minorité)
Pondérations STS Affectations hors établissements Heures de laboratoire
Effectif pléthorique Service partagé Forfaits UNSS (en majorité)
Pondération CPGE
* Activités à responsabilité académique
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DÉCHARGES STATUTAIRES
Les gains de productivité induits à moyen terme par la transformation du système des décharges.
Compte tenu des travaux à entreprendre, le plan de trans- formation proposé ne pourra vraisemblablement pas entrer en vigueur avant la rentrée scolaire 2007.
La réduction des décharges pourrait atteindre 40 % par rapport à la situation actuelle.
La suppression du caractère automatique des décharges et leur recentrage sur les priorités du système éducatif sont des vecteurs d’économies significatives. En tenant compte des grandes masses que représentent les heures de pre- mière chaire et de pondération en classe de STS, il paraît pos- sible d’estimer les gains potentiels à plus de 10 000 ETP.
Commentaire du SNES
La conclusion du rapport répond à la commande.
Pour mémoire, les audits de modernisation pilotés par le ministre délégué à la réforme de l’État, placé sous l’autorité du ministre du Budget, ont pour objet d’identifier les gains de « productivité » permettant de ne pas remplacer un départ en retraite sur deux.
Depuis 3 ans, 5 000 emplois sont supprimés chaque année dans le second degré. Pour le gouvernement, les décharges statutaires des enseignants constituent un des filons à exploiter ? D’autres audits sont en cours d’élaboration, sur les horaires des élèves en lycée et en collège ; il est vraisemblable qu’ils appor- teront de l’eau au moulin de ceux qui jugent qu’il y a trop d’enseignants.
Enfin, la disparition des décharges qui donnent aujour- d’hui lieu au paiement d’heures supplémentaires entraî- nerait une perte de rémunération pour les enseignants concernés. Elle peut être chiffrée au minimum à 40 M€.
Pour en réduire les conséquences sociales, il pourrait être envisagé d’ouvrir la possibilité d’effectuer des heures sup- plémentaires aux enseignants les plus concernés par la réforme ou de les indemniser. (...)
Commentaire du SNES
Pour gagner (ou éviter de gagner moins) travaillez plus. C’est bien là aussi une des orientations de la poli- tique gouvernementale.
Les propositions du présent rapport, doivent être replacées dans une perspective plus large, celle de la recherche d’une nouvelle définition du service des enseignants qui prenne en compte les évolutions du métier et des conditions de travail et qui permette aux équipes pédagogiques de répondre aux besoins des publics auxquels elles s’adressent. Ces recom- mandations constituent donc une étape d’une démarche plus vaste à engager.
Commentaire du SNES
Une nouvelle définition du service des enseignants construite sur les orientations décrites ci-dessus, cela mérite la plus grande vigilance. Il est urgent d’informer nos collègues.
« Extraits de la réponse du ministère »
Le ministère de l’Éducation nationale estime utile de disposer du diagnostic de la mission d’inspection. Il rap- pelle son attachement à ce que, d’une part, les moyens dont bénéficie l’enseignement scolaire soient mobilisés au service de la réussite de chaque élève et, d’autre part, les établissements puissent disposer d’une plus grande res- ponsabilité dans la gestion de leur ressource enseignante, dans le cadre des priorités ministérielles et sur la base d’un projet d’établissement partagé par tous les membres de ces établissements.
C’est pourquoi il estime souhaitable que la mise en œuvre de certaines des pistes d’évolution du dispositif évoquées par la mission d’inspection fasse assez rapidement l’objet de dis- cussions avec les organisations représentatives de person- nels enseignants et des chefs d’établissements.
Commentaire du SNES
En quoi, les organisations représentatives des chefs d’établissements sont-elles fondées à discuter des services des enseignants ?
Dans ces discussions, le SNES s’opposera à l’alour- dissement de notre temps de travail et défendra nos revendications (voir L’US n° 637, p. 2).
Heures ETP 18 heures
Première chaire 118 500 6 580
Pondération STS 73 000 4 060
Association sportive (1) 14 500 800
Décharges obsolètes :
Coordination CPPN-CPA 2 000 330
Actions à justifier 4 000
Autres décharges injustifiées pour partie ou totalement (2) : Contrôle DGH
ARA dans le second degré privé
ARA affectées de codes lettres 2 000 110
Affectations intégrales hors établissement Prêts à des organismes extérieurs
Total 214 000 11 880
Gains potentiels
(1) Impact du passage à un taux d’encadrement de 30 licenciés par animateur d’asso- ciation sportive pour un nombre identique de licenciés et d’animateurs d’AS à 2004-2005.
(2) Le chiffre ne peut qu’être très approximatif faute d’information suffisante sur le contenu réel de toutes les décharges concernées. Le nombre retenu est un chiffre minimal.