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Points de vue de l'élève et du professeur. Essai de développement de la théorie des situations didactiques

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Points de vue de l’élève et du professeur. Essai de

développement de la théorie des situations didactiques

Claire Margolinas

To cite this version:

Claire Margolinas. Points de vue de l’élève et du professeur. Essai de développement de la théorie des situations didactiques. Education. Université de Provence - Aix-Marseille I, 2004. �tel-00429580v2�

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Habilitation à diriger les recherches

en Sciences de l’Éducation

Université de Provence

Note de synthèse

Points de vue de l’élève et du professeur

Essai de développement de la théorie des situations didactiques

par

Claire Margolinas

soutenue le 29 juin 2004 devant le jury Elisabeth Bautier, Université Paris VIII,

Samuel Johsua, Université de Provence,

Alain Mercier, Institut National de Recherche Pédagogique, David Pimm, University of Alberta,

Aline Robert, Institut Universitaire de Formation des Maîtres de Versailles, Maria-Luisa Schubauer-Leoni, Université de Genève.

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A la mémoire de mon père

Samuel Margolinas

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Introduction

Mon parcours correspond à une histoire, qui part de mon insertion dans le champ de la didactique des mathématiques, et plus exactement dans le paradigme francophone de cette didactique, et qui me conduit maintenant, dans un mouvement d‟ouverture, à m‟intéresser aux didactiques, à la didactique comparée, aux sciences de l‟éducation.

Je situerai tout d‟abord ce parcours dans le champ des didactiques et des sciences de l‟éducation (§1). Le travail que je propose, en sciences de l‟éducation, est celui d‟un développement de la théorie des situations didactiques, considérée comme un paradigme (parmi d‟autres) pour les phénomènes didactiques (§2). J‟exposerai enfin les principes directeurs du plan de cette Note (§3).

1 Didactique(s) et sciences de l’éducation

Aucun champ de connaissance ne se construit sans histoire, même si ce caractère historique est effacé dans l‟écriture d‟un texte du savoir intemporel et universel. Sans nier l‟importance de cette constitution historique, les justifications historiques et théoriques de constitution d‟un champ n‟ont pas le même statut, ces deux points de vue nous renseignent différemment sur la constitution du champ dont je suis issue : la didactique des mathématiques. Les raisons qui me conduisent à insérer mon travail dans le champ des sciences de l‟éducation pourront alors être données.

Quelques points historiques

La didactique des mathématiques francophone s‟est constituée historiquement dans le courant des années 60, il s‟agit donc d‟un champ extrêmement jeune au regard de l‟histoire. Comme c‟est souvent le cas, la naissance de ce champ s‟est faite en opposition avec certains courants de pensée ou de recherche et en concordance avec d‟autres. Le paradigme francophone de didactique des mathématiques en porte encore la marque.

Sans entreprendre une véritable recherche historique, les traits saillants me semblent être les suivants. Tout d‟abord ce champ naît comme un champ scientifique, et les problèmes de reconnaissance scientifique y occupent une grande place depuis le départ. Cette volonté de scientificité va opposer la didactique des mathématiques aux mouvements pédagogiques, considérés dans leur dimension idéologique. Cette première opposition entre didactique et pédagogie est à la fois fondatrice du champ de la didactique des mathématiques et responsable, sans doute, d‟un grand nombre de malentendus, notamment avec les sciences de l‟éducation.

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La proximité naturelle du champ de la didactique des mathématiques avec les mathématiques a sans doute joué un rôle dans les présupposés épistémologiques et méthodologiques de départ. Cette proximité avec les disciplines d‟origine a sans doute eu des répercutions historique différentes dans des didactiques d‟origine disciplinaires différentes (sciences du langage, biologie, etc.). De même, l‟épistémologie de nos disciplines varie selon les traditions épistémologiques des différents pays.

Ainsi nous héritons, selon les disciplines et selon les régions géographiques, certaines déterminations de nos champs qui n‟ont rien de scientifiquement nécessaire, mais dont la dimension historique peu explicitée rend parfois la discussion difficile. Les dimensions institutionnelles, très différentes selon les champs et les pays, contribuent également à un certain obscurcissement du débat. En France, les didacticiens des mathématiques ont fait le pari, partiellement réussi, d‟une insertion dans la communauté mathématique1, ce qui joue également

un rôle important, puisque ce sont des critères acceptables pour la communauté mathématique auxquels doivent se confronter les recherches de didactique des mathématiques en France. Par ailleurs, la didactique des mathématiques francophones a connu un développement théorique consistant et rapide, appuyé sur des réflexions épistémologiques concernant le plus souvent spécifiquement les mathématiques. Je pense ici au travail fondateur2, dès les années 70, de

Georges Glaeser (travaux réunis dans Blochs et Régnier (eds) 1999, Régine Douady (1986), et Guy Brousseau (travaux réunis en 1998).

Notre discipline s‟est donc constituée dans un certain isolement vis-à-vis des autres disciplines s‟intéressant à l‟éducation et à l‟enseignement. Jusqu‟à une époque très récente, on peut résumer l‟attitude des didacticiens des mathématiques francophone de cette manière : nos paradigmes sont issus des mathématiques, nous ne nous intéressons qu‟à leurs résultats en mathématiques, et nous ne garantissons aucunement leur passage à d‟autres disciplines, qui ne nous concerne pas.

Un point de vue épistémologique

L‟opposition de départ entre didactique et pédagogie correspond, d‟une façon qui n‟est pas anecdotique, à un refus de l’application dans le champ didactique, de conceptions issues d‟autres

1 Ce qui, du point de vue institutionnel, en France, correspond à une appartenance de la majeure partie des chercheurs de didactique des mathématiques à la section de « mathématiques appliquées » (26e section) du Conseil National des Universités.

2 On peut s‟étonner que je ne cite pas ici Gérard Vergnaud, l‟origine piagétienne et l‟insertion de Gérard Vergnaud dans la psychologie est une sorte « d‟anomalie » dans ce paysage, qui a sans doute joué un rôle très important, que je n‟évoquerai pas dans ce tour d‟horizon très rapide.

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champs théoriques, et à la légitimité d‟un champ de recherche qui s‟intéresse spécifiquement à la transmission des savoirs, en milieu scolaire notamment. Ce refus d‟application sans conversion (Blanchard-Laville, Chevallard, Schubauer-Leoni 1996, [42]) est essentiel, et fondateur.

En effet, tout le monde ou presque semble avoir son mot à dire sur l‟enseignement : les psychologues puisqu‟il s‟agit d‟apprendre, les sociologues puisque l‟école est une institution sociale, les mathématiciens puisqu‟il s‟agit d‟enseigner des mathématiques, voire les parents puisqu‟il s‟agit d‟éduquer leurs enfants... Les discours des uns et des autres, même quand ils sont fondés dans leur propre champ, ne sont plus contrôlés quand il s‟agit de les appliquer à celui de la transmission des savoirs, qui apparaît sans spécificité : c‟est un discours « d‟expert » au sens médiatique du terme.

Il est donc essentiel de fonder un champ qui permette d‟affirmer une spécificité, tout en posant le problème de son insertion dans un paysage plus large.

Appuyons-nous sur une définition assez récente de la didactique des mathématiques :

« […] la didactique des mathématiques [est] la science de l‟étude et de l‟aide à l‟étude des (questions de) mathématiques. » Bosch et Chevallard (1999), page 79

Cette définition appelle plusieurs remarques : la dimension scientifique est affirmée, le champ scolaire n‟est pas nommé, il n‟est pas le seul champ de cette discipline. Le problème qui se pose est celui de savoir ce qui, en didactique des mathématiques est spécifique des mathématiques, au delà des objets qui l‟occupe, sur le plan de ses concepts, de ses méthodes, de ses techniques. Nous avons, à ce sujet, un problème de „mise en abîme‟ : si tous les concepts de didactique des mathématiques étaient spécifique des mathématiques, alors de mêmes les concepts de didactique de l‟algèbre seraient spécifiques de l‟algèbre, de même pour l‟équation de premier degré, etc. Il existe effectivement des résultats qui sont spécifiques des mathématiques, de l‟algèbre, des équations des premier degré, et parfois même des concepts spécifique de ces domaines (la dialectique arithmétique algèbre, par exemple). Si nous « remontons » de cette mise en abîme, on peut se demander, à l‟inverse, s‟il existe une didactique des disciplines scientifiques, ou une didactique3 « tout court ».

Mais si nous nous demandons qu‟est-ce qu‟un résultat en didactique des mathématiques, nous allons rencontrer autrement la spécificité. Voilà ce que conclue Johsua (1996), dans un article consacré à cette question :

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« Un résultat en didactique est un bloc composé d’un cadre théorique explicite, et de données

empiriques. Bien qu‟une théorie ne soit jamais entièrement explicite, elle le sera plus en

didactique qu‟en physique, par exemple, à cause de l‟absence de paradigme dominant ;

A l‟intérieur de ce bloc, il est nécessaire que le résultat résiste, qu’il soit stable. Il faut déjà bien sûr qu‟il résiste aux faits dans des contextes semblables, similitude définie sous la responsabilité principale des chercheurs, ou plus de son cadre théorique. Et ce n‟est pas une mince affaire ;

Mais pour qu‟il soit vraiment considéré comme un résultat, il faut qu‟il puisse aussi se dégager notablement du cadre où il a été produit. Là, la compréhension de ce qu‟on entend par cette exigence n‟est pas évidente à cerner. Tant qu‟on reste à l‟intérieur du cadre théorique où la recherche a pris naissance, le problème est clair, même s‟il n‟est pas toujours simple. Mais il est inévitable de faire intervenir un facteur de légitimation pour fonder l‟assertion que tel résultat est bien détachable.

En conséquence, la marque principale d‟un résultat en didactique, c‟est de renforcer le

paradigme où il s’abrite.

[...] Finalement, la marque essentielle d’un résultat, c’est sa capacité à produire de nouveaux

résultats. Soit par élimination, au moins temporaire, de questions que je n‟ai plus

besoin de me poser, soit par l‟ouverture de nouvelles zones de recherches. » (pages 214-215)

Ce que Johsua décrit ici, c‟est un lien intime entre résultat et paradigme, tout résultat prenant un sens à l‟intérieur d‟un paradigme, ce qui ne permet pas de dépasser la question de la spécificité, mais qui cerne le lieu de validation d‟un résultat.

Il conclue, dans la dernière phrase de l‟article :

« Montrer que ce paradigme est d‟une portée théorique et pratique déjà palpable dans ces effets de production de nouvelles « mises en ordre » [...] n‟est pas sans liaison avec la capacité de montrer que des « résultats » peuvent d‟ores et déjà s‟en dégager, et vivre indépendamment de leurs producteurs, ou même de la communauté des didacticiens » (page 217)

Cette nouvelle perspective produit depuis quelques années de nouveaux développements, notamment dans le cadre de la didactique comparée (Mercier, Schubauer-Leoni, Sensevy 2002). La question de la généricité et de la spécificité des théories didactiques est maintenant une question ouverte dans les champs des didactiques, et plus largement dans celui des sciences de l‟éducation.

Une position personnelle

A l‟heure actuelle, il me semble qu‟il est nécessaire que chaque chercheur adopte une position, sans que cette position soit considérée comme celle qui est souhaitable pour le champ tout entier de la communauté de recherche de laquelle il est issu.

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Historiquement, comme mon parcours de recherche l‟a montré, mon intérêt se dirige clairement vers l‟enseignement puis vers la didactique des mathématiques, avec un intérêt tout à fait spécifique pour cette discipline. De plus, dans le milieu des années 80, l‟opposition historique entre la didactique des mathématiques et la pédagogie, ainsi que la revendication d‟appartenance aux mathématiques étant très fortes, j‟y ai adhéré.

En même temps, mon intérêt pour les réflexions épistémologique et théorique ne pouvait vraiment se satisfaire des déterminations historiques, ce qui m‟a amené à réfléchir à la nature des concepts de didactique, et à leur relation avec le savoir enseigné (les mathématiques, dans mon cas).

Ainsi, je parle d‟un concept de didactique quand ce concept génère des techniques qui produisent, quand elles sont appliquées à des situations d‟étude ou d‟aide à l‟étude d‟une question relevant d‟un savoir donné, des résultats spécifiques de ce savoir.

Le concept de contrat didactique en est un bon exemple : en tant que concept il est tout à fait général, mais « plongé » dans une situation donnée, les résultats qu‟il produit sont spécifiques du savoir.

De ce point de vue, il existerait donc, en théorie du moins, des concepts de didactique ayant une portée non déterminée a priori en terme de discipline, puisque c‟est seulement dans la capacité, ou l‟incapacité à produire des résultats qu‟ils peuvent être révélés comme des concepts pertinents pour l‟étude de tel ou tel champ.

Par ailleurs, si l‟on reprend mon parcours personnel, mon insertion à l‟IUFM d‟Auvergne aux côtés de didacticiens d‟autres disciplines, dont l‟un ou moins, Roland Goigoux, participe activement au champ des sciences de l‟éducation a été un élément déterminant dans mon parcours. J‟ai ainsi découvert d‟une part que les concepts de théorie des situations que je connaissais bien permettaient d‟obtenir des résultats en ce qui concerne l‟enseignement d‟autres disciplines mais aussi que ces mêmes résultats étaient souvent obtenus par d‟autres moyens issus de paradigmes tout à fait différents.

Dans ma communauté de recherche d‟origine, j‟ai parfois eu le sentiment que le fait d‟atteindre un résultat en s‟appuyant sur des paradigmes différents conduisait à une sorte de « lutte » de légitimité entre ces paradigmes. Grosso modo, l‟argument est le suivant : "puisque je peux atteindre ton résultat dans « mon » paradigme, je ne vois pas l‟intérêt de l‟obtenir autrement." Je ne partage pas cette opinion, mais tout au contraire, celle de Georges Devereux (1972), dont la

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finesse épistémologique4 influence durablement ma conception de la recherche en sciences

humaines :

« [...] c‟est précisément la possibilité d‟expliquer « complètement » un phénomène humain d‟au moins deux manières (complémentaires) qui démontre, d‟une part, que le phénomène en question est à la fois réel et explicable, et, d‟autre part, que chacune de ses deux explications est « complète » (et donc valable) dans son propre cadre de référence. » (page 13)

C‟est parce qu‟un même résultat peut être obtenu de plusieurs manières différentes que les paradigmes qui y conduisent sont confortés dans leur existence et qu'ils peuvent s‟interroger sur leurs liens, voire leur complémentarité.

Cet élément de mon parcours marque donc mon intérêt pour les didactiques, et non plus seulement pour la didactique des mathématiques.

Par ailleurs, le travail sur le rôle du professeur, qui a occupé mes recherches pendant une dizaine d'années, conduit inévitablement à la prise en compte d'autres dimensions que les dimensions strictement didactiques. Il est possible de modéliser une part importante du rôle de l'élève, dès lors qu'il s'engage dans la résolution d'un problème, par des considérations exclusivement didactiques. Il est plus douteux que ce soit possible pour le professeur, dont le travail en tant que professionnel et l'insertion dans le social peuvent se révéler déterminants. Le travail conjoint du professeur et de l'élève, les malentendus et les ruptures de contrat, peuvent également être l'objet de résultats essentiels issus de champs non didactiques.

C'est pourquoi, au delà des didactiques, inscrire mon travail en sciences de l'éducation me permet d'envisager des liens avec des champs qui, s'intéressant aux mêmes objets de recherche, pourront permettre un croisement de résultats propice à la consolidation de nos travaux respectifs, et porteurs de nouvelles perspectives.

2 Un travail de développement de la théorie des situations didactiques

Insérer mon travail dans le large champ des sciences de l‟éducation ne correspond pas dans mon esprit à une perte de spécificité, mais à une spécification différente. En effet, le champ de la didactique des mathématiques, même si on le réduit au paradigme francophone, est un espace qui, tout en semblant plus réduit que celui des sciences de l‟éducation, est bien trop large pour

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être véritablement cohérent. A l‟intérieur de ce champ, existent d‟assez nombreux courants, souvent concurrents, dont la compatibilité est un problème en soit.

Je considère mon travail, en sciences de l‟éducation, comme s‟insérant dans le paradigme de la

théorie des situations didactiques (Brousseau 1998). Le fait que cette théorie soit née dans le cadre de

la didactique des mathématiques est un fait historique (qui me l‟a fait rencontrer, bien sûr), mais les concepts qu‟elle manipule ne sont pas en eux mêmes spécifiés par cette origine.

Nous verrons par la suite que l‟origine des concepts est un point essentiel pour un travail de développement, il ne s‟agit donc pas de l‟écarter, mais de le questionner. Dans le cas de la théorie des situations didactiques, la naissance dans le cadre de l‟ingénierie didactique me semble au moins aussi importante que le cadre des mathématiques elles-mêmes.

Je prétends donc ici que la théorie des situations didactiques est un paradigme pertinent, à l‟intérieur des sciences de l‟éducation, pour étudier les phénomènes d‟étude et d‟aide à l‟étude. Affirmer ne suffit pas : le paradigme de la théorie des situation doit se développer, et donc se transformer, pour prendre en compte d‟autres phénomènes que ceux qui ont été envisagés au départ (autre disciplines, autres types de situations). C‟est ce développement de la théorie des situations didactique dans lequel j‟inscris mon travail depuis quinze ans, et donc tout naturellement cette Note.

Chaque chercheur est animé par des motivations et des pistes diverses. Les expliciter permet souvent de mieux comprendre les mobiles et finalement la cohérence du travail.

Pour ma part, c‟est toujours la clarification et le besoin de cohérence théorique qui m‟anime. Ce ne sont pas d’abord les faits qui guident mon travail, mais d‟abord les besoins théoriques. C‟est parce que j‟ai abordé les situations sous l‟angle du résultat trouvé par l‟élève que j‟ai défini les phases de conclusion (dont je parlerai dans le chapitre 1 de cette Note). C‟est parce que j‟ai cherché à clarifier le concept de milieu, puis la structuration du milieu, que j‟ai modifié le modèle de Brousseau et produit plusieurs formes de ce nouveau modèle (niveaux, bifurcations, chapitres 2 et 3 de cette Note). C‟est enfin pour comprendre comment rendre compte de certains problèmes posés à l‟élève que j‟ai introduit la notion de situation nildidactique (chapitres 2 et 3 de cette Note).

Ainsi, je n‟ai pas d‟abord décidé de m‟intéresser au rôle du professeur, même si mes travaux s‟inscrivent de fait dans ce secteur depuis une dizaine d‟année (chapitre 1 et 3 de cette Note). Je

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n‟ai pas plus décidé de m‟intéresser ensuite à la situation des élèves, même si c‟est le travail que j‟entend poursuivre maintenant (chapitre 2 de cette Note).

Ceci explique que mon travail se situe dans un cadre théorique précis, et donc restreint, parce que c‟est ce cadre que je cherche à travailler et à développer. En ce sens, je m‟inscris dans la ligne tracée par Johsua (1997) quand il écrit que « la marque principale d‟un résultat en didactique c‟est de renforcer le paradigme où il s‟abrite » (page 215). J‟espère aussi contribuer à ce que ces résultats puisse « vivre indépendamment de leurs producteurs, ou même de la communauté des didacticiens » (page 217).

3 Plan

La note d‟habilitation que je présente est donc organisée suivant les développements que je propose pour la théorie des situations, et les résultats qui sont ainsi rendus possibles.

Elle s‟ouvre tout d‟abord (chapitre 1) sur la question du rôle du professeur en situation didactique. Les développements de la théorie des situations qui fondent ce chapitre ont été obtenus à l‟issue de ma thèse : définition des phases de conclusion et de leurs deux modalités, caractérisation des critères de validité. Le point de vue de la validation que j‟ai alors développé, m‟a donné des clés pour mieux comprendre certains aspects du rôle du professeur en situation didactique.

Le développement suivant (chapitres 2 et 3) concerne les transformations successives du modèle de la structuration du milieu.

Dans une première partie (chapitre 2) je montrerai comment le travail de la technique de la structuration du milieu permet de renouveler l‟analyse a priori des situations didactique par

l’analyse ascendante de la situation. Ce travail conduit à envisager les problèmes posés aux élèves

comme porteurs, le plus généralement, de plusieurs situations. Un nouvelle transformation du modèle de la structuration du milieu fonde ce que j‟ai appelé les bifurcations de situations didactiques. Il existe donc, dans ce modèle, des alternatives pour l‟élève, qui investit l‟une ou l‟autre de ces situations. Le concept de situation adidactique ne suffit pas pour décrire les problèmes posés aux élèves en situation ordinaire, même si l‟on s‟intéresse aux situations-problèmes dans lesquelles l‟élève peut travailler avec une certaine indépendance. La notion de situation nildidactique viendra compléter ce modèle. C‟est l‟ensemble de cette analyse a priori complétée qui fonde ce que j‟appelle le point de vue de l’élève dans la situation didactique.

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La dernière partie (chapitre 3) remplit deux fonctions : introduire le point de vue du professeur, réunir les deux points de vues introduits. Le chapitre 1 nous a permis de clarifier certains points concernant le rôle du professeur en situation didactique. Le chapitre 3 fournira un modèle de la situation du professeur, dans sa dimension didactique, et notamment des niveaux de détermination de cette situation. Le point de vue du professeur sera alors caractérisé par l’analyse descendante de la situation didactique. La réunion des deux analyses (ascendante et descendante) conduit à questionner la rencontre, plus ou moins productrice de malentendus et de ruptures de contrat, entre les deux points de vue du professeur et des élèves. Pour conclure cette Note, je montrerai quels résultats les développements ci-dessus permettent d‟obtenir pour l‟analyse d‟un système de protocole concernant trois classes dont les professeures de mathématiques participent à un même groupe de préparation (niveau collège).

En conclusion, je développerai les projets de recherche que j‟espère diriger, si vous m‟en jugez digne.

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Chapitre 1

Le rôle du professeur dans la situation didactique

Les recherches en didactiques, et notamment les ingénieries, concernent toujours le professeur, en tant qu‟il participe ou est destinataire des travaux. Mais le rôle du professeur en tant qu‟objet modélisable a été long et difficile à construire. Je situerai tout d'abord mon travail sur ce sujet dans le cadre des recherches qui développent la théorie des situations, et j‟exposerai notamment les difficultés de prise en compte du rôle du professeur connues au début des années 90 (§1). Une des questions qui se pose est de comprendre comment caractériser ce que peut faire le professeur dans la gestion des situations. La problématique des phases de conclusion, notion que j‟ai introduite à la fin de ma thèse (1989), a permis de montrer certains éléments de choix du professeur, et la façon dont la situation détermine certaines possibilité ou impossibilité d‟agir du professeur, au delà de sa « bonne volonté ». Les phases de conclusion se révèlent ainsi comme une charnière entre les processus de dévolution et d‟institutionnalisation, qui ont trop souvent été considérés comme des « opposés » dans la situation didactique (§2).

La dernière partie de ce chapitre sera consacrée au concept de critère de validité, connaissance de l‟élève dont le caractère plus ou moins disponible rend possible ou non le déroulement de certains scénarios didactiques. Le travail du professeur apparaît ainsi avec de nouveaux déterminants. Nous verrons comment certains problèmes peuvent être analysés comme des problèmes « en boucle », didactiquement impossibles à réaliser en classe, quelle que soit « l‟expérience » du maître. Mais nous verrons aussi comment le professeur peut faire preuve de d‟ingéniosité didactique et jouer sur les possibilités du problème posé (§3).

1 Difficultés de la prise en compte du professeur dans la théorie des

situations dans les années 80

Mon travail de recherche a commencé dans les années 80, dans le cadre de la théorie des situations. Ce premier paragraphe vise à replacer mes premiers travaux sur le professeur dans les problématiques de l'époque. La théorie des situations prend son origine au début des années 70, ses concepts fondateurs (situation fondamentale, situation adidactique) naissent dans le cadre d‟une épistémologie expérimentale (§1.1). L'ingénierie didactique y joue un très grand rôle, comme élément de phénoménotechnique, en tout cas. Le rôle assigné au professeur dans l'ingénierie didactique a rendu difficile l‟émergence du professeur en tant qu‟acteur de la situation

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didactique (§1.2). Dans les années 80, de nombreuses interrogations concernant le rôle du professeur émergent en marge de la construction et de l'observation des ingénieries, qui vont nous permettre poser les bases d'une étude du professeur en tant que tel (§1.3).

1.1 L'épistémologie expérimentale, fondement de la didactique des mathématiques

Dans ce paragraphe, je tenterai une sorte de généalogie personnelle de la théorie des situations, plus qu'un véritable historique. Deux éléments me paraissent essentiels: tout d'abord la nécessité d'une recherche fondamentale, qui ne s'intéresse pas directement à l'amélioration de l'enseignement ; ensuite le lien entre cette recherche fondamentale qui s‟appuie sur l‟expérimentation et l‟épistémologie, qui a conduit à la nommer „épistémologie expérimentale‟.

Une recherche fondamentale

Guy Brousseau envisage, dès les années 70, la didactique des mathématiques comme une science expérimentale (Perrin-Glorian 1994, pages 100 à 104), dans laquelle les résultats techniques et technologiques sont envisagés comme des conséquences des résultats fondamentaux. Même si l‟ambition d‟amélioration de l‟enseignement des mathématiques est présente dans les intentions (recherche orientée, recherche appliquée, recherche de développement), l‟existence et la légitimité d‟une recherche fondamentale sont posées.

Une des originalités du paradigme francophone de recherche en didactique des mathématiques est de prendre au sérieux cette recherche fondamentale, et non directement la réussite (supposée meilleure) des élèves. Ce point de vue appelle la recherche de conditions qui permettraient en

théorie de faire évoluer les connaissances des élèves, et non pas la recherche de conditions qui

améliorent de fait l‟enseignement.

« Si une didactique scientifique existe, il faudra qu‟elle permette de déduire les mesures méthodologiques les plus aptes à provoquer les acquisitions, d‟une connaissance scientifique des processus de formation intellectuelle. » (1975, cité par Perrin-Glorian 1994 page 101)

Pour réaliser ce programme, la première voie a consisté à cerner, dans les multiples facteurs ou variables qui interviennent dans la possibilité d‟apprendre, ceux qui sont nécessaires et non pas simplement suffisants. Il va donc s‟agir « d‟épurer » en quelque sorte la situation d‟enseignement pour en «extraire » le « noyau dur ».

Dans la lignée de la psychologie piagétienne et de la théorie des jeux, Brousseau va considérer l‟interaction sujet-milieu comme étant la plus petite unité d‟interaction cognitive. Un état

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d‟équilibre de cette interaction définit un état de la connaissance, le déséquilibre sujet-milieu étant producteur de connaissance nouvelle (recherche d‟un nouvel équilibre).

Il s‟agit d‟une donnée très générale, puisque l‟interaction cognitive sujet-milieu n‟a pas lieu uniquement dans un cadre didactique dans lequel l‟intention d‟apprendre ou d‟enseigner se manifeste : elle existe dans la vie sociale de tout individu, en situation non didactique.

L’épistémologie expérimentale

Le fil conducteur des situations non didactiques est au fondement de la théorie des situations. Le système d‟enseignement existe parce que nous devons, hors de l‟école, disposer des savoirs permettant de réagir en situation non didactique. Dans une institution didactique, l‟intention d‟enseigner est manifeste pour les acteurs. La situation didactique réunit ces acteurs autour de cette intention.

On a donc deux problèmes centraux : (1) celui de la relation entre le savoir à l‟origine de l‟intention d‟enseigner et la construction d‟une situation didactique, (2) celui de la reconstitution des conditions de construction d‟une connaissance en situation.

Le savoir est une construction sociale, qui résulte d‟un processus historique – il est donc toujours en construction. Le lien entre connaissance et savoir existe dans l‟origine du savoir : connaissance d‟un seul qui deviendra un construit social au fil d‟une longue et hasardeuse élaboration. Le savoir n‟existe donc pas sans connaissance, et donc sans équilibre sujet-milieu, mais cette interaction fondatrice et constitutive du savoir doit être reconstruite. La construction sociale du savoir implique qu‟à un même savoir soit associé plusieurs interactions sujet-milieu qui le caractérisent, et non pas une seule. Ce n‟est pas tant „la‟ situation fondamentale qui est donc le adéquat concept, mais plutôt la recherche de la situation fondamentale (comme c‟est le cas pour le contrat didactique). Cette recherche consiste à interroger la construction du savoir pour lui associer les interactions fondamentales sujet-milieu qui le constituent. Cette recherche, si elle utilise l‟histoire et l‟épistémologie, se distingue de ces dernières par sa finalité : construction des interactions fondamentales du savoir. Il s‟agit d‟une épistémologie expérimentale, terme qui a un temps concurrencé celui de „didactique‟ pour caractériser notre champ, et qui me semble approprié pour en désigner la partie dont je tente ici une généalogie.

Quand on cherche à construire une situation didactique, il faut reconstituer les conditions d‟une interaction élève – milieu. C‟est le résultat de cette transposition didactique d‟une situation non didactique fondamentale que l‟on nomme situation adidactique. Elle est conçue comme le cœur

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d‟une situation didactique, qui porte l‟intention d‟enseigner et vise à reconstituer artificiellement l‟interaction fondamentale. La „qualité‟ de la situation adidactique découle donc à la fois de celle de l‟identification d‟une situation fondamentale et de la reconstitution de l‟interaction avec le milieu, ce qui pose le problème de l’adéquation (Chevallard 1985) entre une situation adidactique et une situation fondamentale du savoir à enseigner. Une situation adidactique peut donc être plus ou moins idoine par rapport à un savoir donné. Pour l‟élève, le savoir s‟avance „masqué‟ par le milieu, idée importante que je développerai par la suite.

1.2 L’étude du professeur : une émergence difficile

Dans ce paragraphe, je mettrai en évidence les raisons qui ont rendu difficile l‟émergence de l‟étude du professeur. Tout d‟abord, dans la perspective de l‟épistémologie expérimentale, l‟étude du professeur ne peut être mise en avant, puisqu‟il n‟intervient qu‟en tant qu‟agent de la situation. Dans le cadre des ingénieries, le professeur n‟exerce seul qu‟une part de ses responsabilités, celle de la réalisation en classe. Il peut alors être considéré comme un plus ou moins bon acteur du scénario prévu, mais son rôle ne peut être problématisé. Pourtant, nous verrons que l‟origine effective du travail théorique de Guy Brousseau, en interaction avec l‟institution didactique singulière de l‟école Jules Michelet, nous fourni un matériau d‟une richesse bien plus grande que ce qu‟annonce d‟emblée la théorie.

Le professeur dans la perspective de l’épistémologie expérimentale

L‟épistémologie expérimentale s‟intéresse au « noyau dur » des interactions élève –- milieu et savoir – connaissance. Pour observer (indirectement) ces interactions, il est essentiel d‟un point de vue méthodologique d‟observer l‟élève dans un cadre qui puisse être « le moins troublé possible » par le professeur et son projet social, dans lequel le professeur n‟interviendra que comme organisateur des relations au milieu. En effet, ce sont les connaissances abandonnées ou produites par l‟élève dans l‟interaction avec le milieu qui permettraient d‟apporter des preuves contingentes de l‟idonéïté du rapport. C‟est sans doute dans ce cadre que la notion de « situation quasi-isolée du maître » (voir Brousseau 1983) prend son sens5.

Dans ce cadre strictement expérimental, le professeur comme l‟école ne sont que des moyens pour permettre d‟éprouver la pertinence de ces constructions. On trouve une trace de ce point de

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vue dans lequel le professeur ne se manifeste que comme moyen didactique dans un texte ancien (1975) de Brousseau :

« Chacune des situations identifiables, comme d‟ailleurs le processus entier met donc en présence :

1) un savoir : une partie des théorèmes mathématiques, accompagnés de conceptions métathéoriques (opinion sur la place de cette théorie dans l‟édifice des maths, son rôle dans la compréhension de tel genre de problème, le sens de son contenu, son importance, le langage dans lequel il est préférable de l‟exprimer, le genre de problème que l‟on y rencontre, etc.)

2) des sujets : les états initiaux des élèves, leur manière d‟évoluer, d‟apprendre, de répondre… un projet social relatif au comportement des élèves en fin d‟apprentissage : les buts de l’apprentissage en termes de comportements, avec des attendus et des

justifications de ces buts

3) des moyens didactiques : un maître, des décisions, un ensemble de stratégies

d’apprentissages (états initiaux du maître et du système éducatif et manières d‟évoluer,

de répondre) et de moyens matériels.» Brousseau 1975 page 6 (repris dans Perrin-Glorian 1994), c‟est moi qui souligne.

Il est intéressant de noter que, si le professeur est d‟une certaine manière omniprésent dans tous les éléments que j‟ai souligné, il n‟apparaît explicitement que dans les moyens didactiques.

Le rôle du professeur dans les ingénieries

Dans les ingénieries didactiques, professeur et chercheur sont conduits inévitablement à collaborer. On va voir que cette collaboration a longtemps empêché la prise en compte du rôle du professeur.

Dans le cas des ingénieries longues, il est clair que le professeur participe aux recherches et à la mise en place des situations, mais le chercheur assume une partie du rôle du professeur, puisqu‟il est le maître d‟œuvre du processus à réaliser en classe. Mercier 1998 a pointé la difficulté dans laquelle se sont longtemps trouvés les chercheurs en didactique vis-à-vis du professeur, en assumant une partie de son rôle :

« En proposant une ingénierie d‟aide à l‟enseignement en échange de l‟observation, le didacticien avait pris à sa charge une part de la responsabilité d‟enseigner du professeur : au point de ne plus être vraiment en position d‟observateur distancié, puisqu‟il s‟engageait dans un travail phénoménotechnique. » (p. 292)

Ce modèle rend impossible la conception d‟un rôle du professeur, car l‟interaction entre chercheur et professeur est faussée.

« L‟identification des situations adidactiques est garantie par l‟analyse a priori d‟une ingénierie, les comportements enseignants observés sont alors des « ratés » : les « effets de contrat » en sont alors une description suffisante. » (Ibid. p. 295)

(18)

C‟est parce que le professeur est parfois „gênant‟ que les chercheurs vont commencer à s‟intéresser à lui au début des années 1990, comme nous allons le voir par la suite.

Dans les ingénieries ponctuelles (quelques leçons, un chapitre), les chercheurs remplacent parfois entièrement le professeur ou bien le soulagent de la préparation des leçons. Certains chercheurs se sont ainsi trouvés en position de professeur, ce qui leur a parfois fait éprouver directement les contraintes de ce rôle6.

Les recherches de Guy Brousseau et le professeur

La réalité du système didactique, et en particulier le professeur réel, se prête mal à la réduction phénoménotechnique. Une des facettes essentielles du travail réel de Brousseau est l‟interaction quotidienne avec l‟école maternelle et primaire Jules Michelet de Talence toute entière, dans le cadre du COREM7.

L‟école Jules Michelet n‟a pas été conçue comme une école expérimentale qui serait à comparer à des écoles « témoins » du point de vue des résultats obtenus, mais comme un élément essentiel d‟une recherche orientée vers l‟amélioration de l‟enseignement, mais néanmoins fondamentale.

« Il ne s‟agit pas d‟une école pilote ni d‟une école d‟application, en dehors des phases d‟observation assez courtes, on n‟y met pas à l‟essai des méthodes, il suffit que les activités des enfants soient connues et compatibles avec les recherches » Brousseau 1998 page 359

Le COREM (dont le bâtiment comprend une salle de classe indépendante de l‟école, dans laquelle les leçons filmées prennent place) est la face émergée de l‟école Jules Michelet, l‟aspect expérimental, et pendant longtemps le seul visible (les classes de l‟école n‟étant pas officiellement ouverte à l‟observation en dehors des plages organisées par des recherches). Mais à Michelet pas plus qu‟ailleurs, l‟implication répétée des professeurs aussi bien que des élèves, pour ne pas parler de l‟environnement scolaire (institutions d‟enseignement, parents) ne peut exister que si la recherche travaille pour l‟école et répond à certaines aspirations de ses acteurs.

« L‟observation d‟une leçon est le résultat d‟un travail d‟équipe obéissant à de nombreux impératifs : d‟une part les problèmes que pose l‟enseignement tel qu‟il est pratiqué aujourd‟hui, d‟autre part les objectifs de la recherche fondamentale. » Brousseau 1998 page 360

6 je pense à Annie Bessot et Madeleine Eberhard, dont j‟ai étudié le rôle dans [5], à Denise Grenier et Harrisson Ratsimba Rajohn, travaux dont je parlerai plus tard

7 Centre pour l‟Observation et la Recherche sur l‟Enseignement des Mathématiques, structure complexe mise en place dans le cadre de l‟IREM de Bordeaux, qui a fonctionné de 1972 à 1999 (voir Brousseau 1998 pour une description détaillée de ce dispositif).

(19)

Dans les deux citations ci-dessus, on aperçoit une interaction complexe entre les séances observées et organisées par la recherche et les leçons de l‟activité ordinaire des enfants puisqu‟il faut « que les activités des enfants soient connues et compatibles avec les recherches » et que « les problèmes que pose l‟enseignement tel qu‟il est pratiqué aujourd‟hui » y soient pris en compte. Les maîtres de Michelet, qui n‟ont pas au départ de formation particulière, réagissent chacun à leur manière (comme on le voit par exemple très bien dans les protocoles de Julia Centeno, 1995) L‟école fournit donc une possibilité de résistance et d‟observation d‟un travail spécifique de l‟institution, en creux des ingénieries prévues. Le paradigme de cette découverte est celle de l‟institutionnalisation, à propos de laquelle Brousseau (1986, repris dans 1998):

« C‟est ainsi que nous avons découvert ( !) ce que tous les enseignants font à longueur de journée et que notre effort de systématisation avait rendu inavouable ».

On trouve ainsi au passage des textes de Brousseau des éléments qui concernent le rôle du professeur et qui sont bien plus riches que ce que peut prendre en charge la théorie des situations au sens strict (comme la gestion affective de la dévolution voir Brousseau 1981 repris dans 1998) J‟ai ainsi fait le pari que l‟on pouvait considérer les écrits de Brousseau et notamment les écrits d‟ingénierie non seulement pour ce qu‟ils visent explicitement, mais aussi comme le résultat d‟une interaction effective avec une institution didactique singulière. A mon avis, on ne peut pas confondre le travail de Brousseau et la théorie des situations, et de nombreux travaux pourraient être menés qui viseraient à expliciter et confirmer ses observations et ses intuitions le plus souvent géniales; je pense y avoir contribué.

1.3 Premiers questionnements du rôle du professeur en situation adidactique Dans les années 80, le rôle du professeur est mis en avant dans le processus de dévolution d‟une situation adidactique. La fonction de ce processus est de déléguer pour un temps la responsabilité de la recherche mathématique à l‟élève. Mais le rôle du professeur pour permettre ce processus est longtemps resté obscur, et une part importante de mon travail a justement été de clarifier ce point. L‟objet de ce paragraphe est de faire partager les éléments d‟interrogation du rôle du professeur que j‟ai pu rencontrer soit par des observations personnelles, soit par la mise en perspective d‟interrogations issues d‟autres recherches.

Les observations que j‟ai eu l‟occasion de faire à l‟école Jules Michelet m‟ont permis, dès 1984, de m‟interroger sur l‟interprétation courante du rôle du professeur. Dans les mêmes années, Harrisson Ratsimba Rajohn (1982) et plus tard Denise Grenier (1988) posent des questions essentielles, alors sans réponse, sur l‟incertitude du professeur dans la réalisation des ingénieries,

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et notamment sur la difficulté de réalisation de la dévolution d‟une situation adidactique. Un peu plus tard, Gilbert Arsac et Michel Mante (1988) observent très précisément les effets sur les élèves de l‟intervention et de la non intervention du professeur.

Quel rôle pour le professeur dans le processus de dévolution?

Dans une perspective d‟ingénierie issue de la théorie des situations, les situations adidactiques sont en quelque sorte le principe actif des situations didactiques. Le professeur, même s‟il dévolue une situation adidactique à l‟élève, reste le garant de la relation didactique adéquate. La nécessaire inclusion de la situation adidactique dans une situation didactique provoque donc a priori une tension entre les deux processus de dévolution et institutionnalisation, et une incertitude importante pour le professeur.

L‟ingénierie didactique introduit encore une autre donnée. La théorie des situations peut être aussi considérée comme la description « d‟une didactique » particulière (voir notamment Brousseau 1986, repris dans 1998). De ce point de vue, le professeur doit faire confiance à l‟interaction élève-milieu pour provoquer les modifications prévues, c‟est pourquoi il assume en quelque sorte une position d‟observateur de cette interaction. Le problème qui se pose donc est de savoir comment chercheur et enseignant vont pouvoir négocier le rôle du professeur dans les situations adidactiques, ce qui est devenu plus tard un problème théorique que j‟ai contribué à problématiser puis à résoudre.

A l‟époque où je faisait mon DEA à Bordeaux, étant enseignante à plein temps en lycée je ne pouvais assister aux observations au COREM car j‟avais cours. J‟ai donc demandé à Nadine Brousseau, qui enseignait en CM2, de bien vouloir m‟accepter au fond de la classe8. C‟est là que

j‟ai découvert avec stupeur l‟omniprésence du professeur pendant toutes les phases du déroulement des séances (il suffit de consulter la plupart des vidéos réalisées au COREM pour en être convaincu). Plus tard, j‟ai été amenée à transformer, pour la formation d‟adulte, la séquence des rationnels et décimaux (Brousseau N. et G. 1987). J‟ai alors personnellement vécu la complexité du rôle du professeur, alors que j‟étais pourtant aguerrie du point de vue théorique (j‟étais en deuxième année de thèse et je pensais bien connaître la théorie des situations).

Dans Margolinas 1993 (page 35), je décris (pour m‟y opposer) une description schématique d‟une phase adidactique du point de vue du rôle du professeur

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1- Le maître est actif, il parle à la classe, et présente le problème, parfois réduit à la consigne. Ce serait la phase de dévolution.

2- Le maître ne dit plus rien, il n'intervient en aucun cas, le problème étant devenu celui des élèves. Ce serait la phase adidactique, quasi-isolée du maître.

3- Le maître intervient à nouveau activement pour institutionnaliser le savoir. Ce serait la phase d'institutionnalisation.

Si je m‟y oppose, c‟est parce qu‟il est impossible qu‟il en soit ainsi du point de vue didactique. Pourtant, il me semble que ce contresens est encore courant dix ans après : pour sortir de celui-ci, il faut en effet caractériser ce que dit et ce que fait le professeur pendant une phase adidactique, et donc disposer d‟une description modélisée de l‟activité du professeur, qui constitue l‟essentiel de cette Note.

Incertitudes du professeur dans la réalisation des ingénieries didactiques

Dans les descriptions d‟ingénierie des années 70-80, la demande typique faite au professeur est une demande de neutralité pendant certaines phases, comme par exemple :

« 6ème phase : La mise en commun va provoquer l‟apparition de méthodes et de

résultats différents. Il y aura des comparaisons au termes desquelles des résultats définitifs seront adoptés. D‟autre part, il n‟y aura pas une méthode unique et certaines seront favorisées soit par leur fréquence d‟emploi, soit par leur succès. Le maître n‟aura pas pour tâche de les souligner, il se contentera de remarquer certaines de leurs caractéristiques et de mettre en évidence celles qui sont systématiquement erronées. » (Rouchier 1980 p. 239)

C‟est souvent ce que le professeur ne doit pas faire qui est indiqué, « intervenir le moins possible » étant sans doute révélateur d‟une sorte d‟équilibre dans la négociation entre chercheur et professeur.

C‟est dans les travaux qui mettent en valeur les problèmes de réalisation des ingénieries prévues que l‟on va trouver des indications sur les difficultés du professeur. Je partirai de deux citations longues qui toutes deux décrivent avec précision les difficultés rencontrées. Ratsimba-Rajohn (1982, thèse sous la direction de Guy Brousseau) décrit une difficulté rencontrée dans le cadre de la gestion d‟une ingénierie au COREM. Denise Grenier (1987, thèse sous la direction de Colette Laborde) décrit l‟évolution d‟un problème rencontré lors d‟une ingénierie portant sur un chapitre au collège qui a donné lieu à une deux séquences avec le même professeur deux années de suite. Ratsimba-Rajohn (1982) introduit la gestion d’incertitude:

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Pour illustrer brièvement cette notion d‟incertitude, rappelons que parmi les élèves, certains avaient eux-mêmes fermé leur incertitude en limitant leur droit à l‟utilisation exclusive de la bande unité pour le mesurage.

Il y avait ceux pour qui l‟incertitude a été trop fermée car l‟enseignant leur proposait trop tôt un procédé à suivre pour dépasser les obstacles qui se présentaient.

Il y avait ceux pour qui on a laissé l‟incertitude grande ouverte en ne leur apportant aucune information, en plus des règles du jeu, à un point tel qu‟ils se démobilisaient et se désintéressaient de l‟activité en déclarant tout simplement que c‟était impossible. Il y avait enfin ceux qui, pour fermer leur incertitude, persistaient à tout prix à mettre en œuvre la commensuration, ou qui cherchaient des adaptations locales telle que « redemande de la bande d‟unité ou de bandes d‟essais supplémentaires ».

Face à ces réactions, faute de préparation de « la gestion d‟incertitude », la plupart du temps l‟enseignant ou les observateurs sont pris au dépourvu et se sentent obligés de faire quelque chose dont le résultat est aléatoire.

D‟habitude, on conseille aux enseignants soit de rester « neutres » soit de reconnaître le « moment opportun » dans leurs interventions ; or ces deux termes sont vagues ; ils ne permettent pas de préciser les comportements corrects au moment des dépassements des obstacles. D‟où la nécessité d‟une étude plus approfondie de la gestion de ces incertitudes. […]

Cependant le travail que nous venons de réaliser a montré qu‟il était impossible de faire l‟économie du jeu de l‟enseignant avec les élèves. » pp. 109-111

Plus tard, Denise Grenier (1989) montre un autre phénomène qui reprend la question de l‟incertitude pour l‟enseignant :

« Lorsque les situations-problèmes ne remplissent pas leurs objectifs, l‟enseignant doit faire un choix au moment de la phase collective qui suit - s‟en tenir aux objectifs d‟apprentissage visés et donc traiter le contenu mathématique prévu - ou bien - accepter de changer le contenu pour porter au débat les connaissances effectivement mises en œuvre par les élèves et non celles prévues. Ces deux décisions ont des conséquences très différentes sur les apprentissages.

Dans le premier cas, l‟enseignant va devoir faire émerger du débat collectif les connaissances qui ne sont pas apparues dans les travaux en groupes. Il traite les notions prévues, son problème est de trouver les moyens de les faire émerger chez les élèves. Dans le second cas, l‟enseignant doit gérer un débat dans lequel les élèves peuvent s‟impliquer, puisqu‟il se base sur leurs travaux individuels ou de groupes, mais les connaissances traitées peuvent se révéler très éloignées de celles qui étaient planifiées.

L‟incertitude pour l‟enseignant ne porte pas sur le même objet. Dans le premier cas, elle est du côté de la participation des élèves au débat ; tandis que, dans le second cas, elle est du côté des connaissances traitées.» (pages 46- 47)

Elle repère également une technique dont fait usage le professeur :

« La prise en compte ou l‟ignorance des procédures des élèves, qu‟elles soient minoritaires ou non, erronées ou exactes, font partie de la marge de manœuvre de l‟enseignant pour la gestion de sa classe. » (p. 50)

Par la suite, elle introduit les représentations de l‟enseignant comme élément prise de décision, et elle conclue :

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« […] quels outils développer pour un contrôle [des phases collectives] - par rapport aux finalités - des événements qui s‟y produisent ? Ces deux questions ramènent à l‟enseignant dans la classe là où, justement, il a des choix à faire et des décisions à prendre. […]. Dans un souci de reproductibilité des situations didactiques, on ne peut pas faire l‟économie de l‟étude du pôle « enseignant » du système didactique. » (p. 55)

Problème d'interprétation des actions du professeur par les élèves et les chercheurs

C‟est l‟article de Gilbert Arsac et Michel Mante (1989) qui va être décisif, car il remet en cause l‟idée que le rôle du professeur pourrait être décrit assez simplement, voire minimisé. Ils décrivent la grande complexité de la prise en compte du rôle du professeur.

Une de leurs observations montre qu‟une intervention mineure, anodine sur le plan du contenu, peut avoir des conséquences très importante sur le fonctionnement d‟un groupe de travail. En voici un exemple :

« [Le professeur, noté (P) intervient auprès d‟un groupe d‟élèves en passant d‟un groupe à l‟autre]

(P) : Bon ça y est ? Il est au point ce message ? (E) : Oui, c‟est mieux.

(P) : Vouis pouvez peut-être commencer déjà à l‟écrire, hein, vous pouvez commencer déjà à l‟écrire » (page 86)

L‟observateur note que le groupe était en plein débat contradictoire avant le passage du professeur, ce débat sera abandonné au profit d‟une rédaction qui ne permettra pas de dépasser le conflit.

Ils montrent également qu‟une non-intervention totale du professeur (consigne expérimentale) peut être tout aussi dévastatrice : les groupes observés trouvent bien les amorces de démonstration, voire les solutions, mais elles sont abandonnées :

« Pendant toute cette période, l‟observateur jurerait qu‟ils sont bien partis, et sans doute un professeur faisant un sondage pour savoir où en sont les élèves, penserait-il de même et ne manquerait-il pas d‟ajouter : „‟continuez‟‟ ! Pourtant ce beau programme n‟aboutira pas […] D‟autre idées viendront obscurcir l‟idée initiale, qui n‟est après tout qu’une idée parmi d’autres, qu‟aucun échange avec le professeur n‟a valorisé. Le message finalement produit proposera une construction fausse qui ne contiendra aucune mention de la méthode un moment envisagée. » (pages 88-89) Ils analysent enfin les réactions d‟un professeur au visionnement de la vidéo de sa conduite de classe dans la phase de débat collectif. Voici leur conclusion générale :

« Théorisation :

Elle est ici bien avancée. Depuis longtemps, on sait que, „l‟épistémologie du professeur‟, sa conception des mathématiques, vont influer sur son comportement en classe.

(24)

Plus récemment, on s‟est aperçu que, en fait, chaque enseignant a une „théorie personnelle de l‟enseignement‟, le mot théorie étant abusif, puisqu‟il s‟agit en fait de

conceptions sur l‟enseignement :

- conceptions sur la nature des mathématiques : „épistémologie du professeur‟, - conceptions sur ce qu‟est l‟enseignement des mathématiques c‟est-à-dire le rôle de l‟enseignant : „théorie didactique‟

- conceptions sur ce qu‟est l‟apprentissage des mathématiques par l‟élève [...] : théorie de l‟apprentissage » (page 102)

La situation des recherches en didactique des mathématiques en 1989, en ce qui concerne le rôle du professeur, notamment dans les phases de débat et de bilan, est donc très ouverte : certains problèmes sont posés, parfois de manière très fine, mais les réponses apportées sont très globales et finalement pas très convaincantes.

2 Les phases de conclusion

Les phases de conclusion, avec leurs deux modalités (évaluation, validation), étaient la conclusion de ma thèse (1989), j'ai vite compris l'importance de ce résultat comme un élément d'analyse du rôle du professeur [5 ; 1]. L'objet de ce paragraphe est donc de montrer comment la prise en compte des phases de conclusion a permis de commencer à problématiser le rôle du professeur. Les phases de conclusion permettent de montrer que la structure de la situation du professeur est incertaine par nature (§2.1), d'une façon générale il existe deux modalité de la phase de conclusion. Mais les choix qui s'ouvrent pour le professeur sont malgré tout déterminés par certains éléments de la situation, ce qui permet de sortir de l'illusion d'un professeur totalement libre de son action (§2.2). Les phases de conclusion apparaissent comme un élément charnière entre les deux processus de dévolution et d'institutionnalisation (§2.3), ce qui permet de sortir de l'illusion d'un cloisonnement entre ces processus, qui rendait impossible la prise en compte du rôle du professeur : il devient possible de commencer à caractériser l'action du professeur autrement que par le silence ou l'intervention.

2.1 Les phases de conclusion et la structure incertaine de la situation du professeur L‟objet de ce paragraphe est d‟entrer dans la problématique des phases de conclusion, tout d‟abord en les définissant, puis en montrant comme elles caractérisent une structure incertaine de la situation du professeur, qui peut toujours réaliser une phase d‟évaluation et seulement sous certaine condition une phase de validation.

(25)

Les phases de conclusion

Le raisonnement qui correspond à la définition des phases de conclusion est simple. Le professeur est responsable du point de vue du savoir qui circule dans sa classe. Quand un élève résout un problème, sa qualité d‟élève implique qu‟il puisse commettre des erreurs, qu‟il doit nécessairement avoir l'occasion de reconnaître.

La reconnaissance de l'erreur par l'élève est sous la responsabilité du professeur. Cette reconnaissance est particulièrement importante en mathématiques, discipline dans laquelle le caractère vrai ou faux d‟un énoncé est crucial, mais elle est plus générale car dans toute discipline l‟élève doit pouvoir passer par des réponses plus ou moins souhaitables du point de vue de l‟institution, puisque c‟est justement l‟évolution de ces réponses vers le rapport institutionnel qui va être l‟indice de son progrès scolaire.

« Au cours de toutes les situations dans lesquelles l'élève doit fournir un travail personnel existe ce que nous avons appelé une phase de conclusion au cours de laquelle l'élève accède à une information sur la validité de son travail. Cette information doit être pertinente du point de vue du savoir en jeu. La phase de conclusion est sous le contrôle du maître, et peut s'analyser selon le rôle qu'y joue le maître. » ([1] page 29)

Le problème est alors de savoir comment le professeur peut exercer cette responsabilité. J‟ai distingué deux modalités de phases de conclusion

« 1) la phase de conclusion peut être une phase d'évaluation

Nous dirons que la phase de conclusion est une phase d'évaluation quand, dans cette phase, la validité du travail de l'élève est évaluée par le maître sous la forme d'un jugement sans appel. [...]

2) la phase de conclusion peut être une phase de validation.

Nous dirons que la phase de conclusion est une phase de validation si l'élève y décide lui-même de la validité de son travail.

Encore faut-il qu'une telle possibilité ait été rendue possible d'avance! En effet, cette phase est toujours sous la responsabilité du maître, et il ne pourra laisser l'élève statuer que si la situation le permet. La conclusion ne peut venir alors que de l'interaction avec le milieu. » ([1] pages 30-31)

Les distinctions ainsi opérées peuvent paraître brutales. Il s‟agit bien entendu de cas limites, mais c‟est justement parce que ces distinctions sont relativement grossières qu‟elles peuvent être opérationnelles suffisamment facilement, comme on le verra par la suite.

Sur le point particulier des phases de conclusion, il devient possible de problématiser l’incertitude du professeur et de décrire une contrainte de la situation du professeur.

Le point central est celui-ci : le professeur peut toujours conclure en évaluant (sauf dans les cas rarissimes dans lesquels le professeur ne maîtrise pas les solutions à donner aux problèmes traités), par

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contre: le professeur ne peut laisser l’élève valider sa solution que si le milieu le permet. Les formes de conclusion sont donc inégales en ce qui concerne le professeur.

Il s‟agit maintenant de montrer quelles sont les conséquences de ce raisonnement.

Liberté du professeur et contraintes de la situation

Comme le montre les conclusions de vérification et Mante (1989), on a pu penser que l‟essentiel résidait dans un changement „d‟épistémologie‟ ou de „théorie personnelle de l‟enseignement‟. On pouvait même penser qu’il suffirait que ces conceptions globales changent pour changer les actions du professeur en situation (c‟est par exemple la problématique du professeur „constructiviste‟). Il y a donc un postulat implicite de liberté du professeur.

Or, si l‟on s‟intéresse aux phases de conclusion, on peut voir que le professeur est toujours libre de conclure, mais qu‟il est contraint par une propriété de la situation en ce qui concerne la validation. La bonne volonté du professeur ne suffit pas, l‟information du professeur non plus. Pourtant cette illusion de liberté du professeur me semble traverser beaucoup de réflexions sur l‟enseignement ou de travaux [33].

En théorie, si une situation permet a priori une phase de validation, il existe une alternative pour le professeur entre évaluation et validation. Pour qu‟il soit possible de parler de choix, il faudrait que le professeur ait conscience d‟une alternative, c‟est-à-dire ici qu‟il ait des connaissances sur certaines propriétés du milieu de la situation dans laquelle évoluent les élèves. Dans le cas d‟une ingénierie didactique, l‟analyse a priori de la situation peut être communiquée à l‟enseignant, mais cette information peut-elle suffire ? Sans aller plus loin sur ce sujet, car il nous manque des outils d‟analyse que je décrirai plus tard, on peut remarquer que le professeur est nécessairement aguerri à l‟évaluation (toujours possible) plus qu‟à laisser dérouler la validation (possible seulement dans certains cas). L‟incertitude du professeur qui participe à la réalisation d‟une ingénierie didactique peut donc, dans le cas particulier de la phase de conclusion, être de différente nature : incertitude sur la capacité de la situation à permettre une validation satisfaisante pour l‟exercice de sa responsabilité, incertitude sur les gestes professionnels à mettre en œuvre pour permettre l‟investissement des élèves dans la validation.

Au delà de la distinction radicale entre validation et évaluation, le professeur peut faire des choix. Il peut ouvrir plus ou moins une question ou une autre : même s‟il conclue par une phase d‟évaluation, il peut laisser plus ou moins de temps à l‟élève pour la recherche d‟une solution. La forme de l‟évaluation est également ouverte : il peut seulement indiquer qu‟une réponse est

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fausse, sans fournir immédiatement une solution correcte, ce qui ne referme pas immédiatement le problème pour l‟élève. Observer la façon dont le professeur ouvre et ferme des questions est donc un bon point de départ pour l‟observation du rôle du professeur dans les deux grands processus de dévolution et d‟institutionnalisation, processus qui règlent et organisent le temps didactique.

Cette première entrée dans les protocoles tient une place à part dans mon parcours de recherche. Après la publication des éléments théoriques qui définissent l‟existence des phases de conclusion [5], je n‟ai publié qu‟une seule analyse complète en terme de conclusion et de critères de validité [33]. Le développement très rapide de l‟analyse de la structuration du milieu (voir chapitres suivants) ayant en quelque sorte empêché une poursuite de mon travail public concernant les phases de conclusion.

2.2 Les phases de conclusion comme entrée didactique dans l’analyse des protocoles

L‟objectif de ce paragraphe est de montrer comme les phases de conclusion permettent une interprétation didactique des protocoles d‟interaction en classe. Les interactions langagières en classe peuvent en effet être interprétées par des méthodes directement issues ou bien adaptées de la pragmatique linguistique (comme l‟ont fait par exemple Christophe Hache 2001 ou Monique Chappet-Pariès 2002), ce qui permet des résultats qualitatifs globaux sur les formes d‟interaction en classe. Si l‟on cherche au contraire une interprétation sémantique des interactions avec un grain d‟analyse plus fin, l‟identification des questions et des conclusions peut être une approche intéressante. Je montrerai sur un exemple, dans une leçon de français au CP, comment la qualification de phase d’évaluation relève à la fois de l‟analyse a priori de la question posée et de l‟observation des interactions entre professeur et élèves. Nous verrons ensuite comment l‟existence fréquente de phase d‟évaluation façonne le contrat didactique et permet de comprendre pourquoi l‟élève interprète les actions du professeur comme des évaluations. J‟indiquerai enfin quelques éléments sur les actions possibles et sans doute nécessaires du professeur dans les phases adidactiques.

Une entrée didactique dans les interactions langagières en classe

Pour permettre le travail sur les protocoles d‟interactions langagières en classe, il faut pouvoir structurer ces interactions, „découper‟ le protocole. Le „découpage‟ par les phases de conclusion correspond à l‟identification des séquences de „question posée à l‟élève‟ / „réponse de l‟élève‟ /

Figure

Figure 2 - La situation objective (Brousseau 1986)
Figure 4 - La situation d‟apprentissage adidactique
Figure 5 - La situation d‟enseignement (Brousseau 1986)
Tableau 1 - Transformation formelle du modèle de Brousseau
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