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Géographie Économie Société: Article pp.5-29 of Vol.14 n°1 (2012)

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Texte intégral

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Géographie, économie, Société 14 (2012) 5-29

doi:10.3166/ges.14.5-29 © 2012 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés.

économie société économie société

La proximité revendiquée et désirée : les apports d’une enquête lancée par des élus locaux

Proximity claimed and desired: the contributions of a survey lounched by local councillors

Olivier David

a*

, Nicolas Cahagne

a

, Emmanuelle Hellier

a

, Régis Keerle

b

, Raymonde Séchet

a

a ESO (UMR CNRS 6590), Université Rennes 2, Place du recteur Henri Le Moal - CS 24307, 35043 Rennes cedex

b ESO (UMR CNRS 6590), Université Rennes 1, IUT de Rennes, 3 rue du Clos Courtel – BP 90422, 35074 Rennes cedex

Résumé

Cet article s’appuie sur l’exploitation d’une enquête réalisée dans les Côtes d’Armor et portant sur la proximité des services. Il a pour objectif de contribuer aux débats scientifiques sur la notion de proximité et d’interroger les usages de la proximité par les acteurs politiques. Revendiquée par ceux-ci et désirée par les habitants, la proximité ne se réduit pas à une affaire de distance physique : elle est relative et polysémique.

La première partie de ce texte présente les débats scientifiques autour de la proximité et les grandes lignes des modalités de l’action publique dans ce domaine, avant de donner la mesure de la demande de proximité des services par les enquêtés. Dans la deuxième partie, nous proposons un modèle d’analyse du désir de proximité. Celui-ci sert de cadre pour l’analyse des résultats de l’enquête. Il apparaît que la demande de proximité varie selon les services et qu’elle ne dépend pas seulement des niveaux de pratique.

Les résultats de l’enquête montrent aussi l’inégale importance de facteurs tels que la CSP, l’âge, le sexe, le type de communes de résidence dans la variabilité des désirs de proximité.

© 2012 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés.

*Adresse email : olivier.david@univ-rennes2.fr

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Summary

This article is based on the data from a survey conducted in “Côtes d’Armor” about the proximity of services. It aims to enrich the scientific debate on the concept of proximity and to investigate the use of proximity in the political field. Proximity as it is claimed by the politicians and desired by the citizens is not only a matter of physical distance: proximity has different meanings.

The first part of this paper reflects the scientific debates about the concept of proximity and the usual ideas about proximity in public action, before measuring the demand for proximity of services by the respondents involved in the study. In a second part, we propose a model of ana- lysis of the desire for proximity. We use this model for the analysis of the results of the survey.

It appears that the demand for proximity differs from a type of service to another and does not only depend on the level of use of these services. The results also show the unequal importance of factors such as the socio-economic position, age, sex, the type of city of residence, on the variability of the desire for proximity.

© 2012 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés.

Mots clés : proximité, services, âge, catégories socio-professionnelles, communes rurales, Côtes d’Armor

Keywords: proximity, services, age, socio-economic position, rural municipalities, Côtes d’Armor

Introduction

Au tournant des années 2000, alors que « l’idée de proximité imprègne le discours des politiques urbaines, soucieuses de solidarité et de quotidienneté » (Querrien, Lassave, 2001), Alain Rallet fait le constat que « la notion de proximité est de plus en plus utilisée en économie régionale et spatiale dans des travaux d’inspiration théorique variée » (Rallet, 2002). Du côté de la géographie, et plus largement des sciences sociales, cette notion est devenue centrale dans les problématiques et les objets de recherche. Une même importance a progressivement été donnée à ce qui rapproche les individus, aux interactions, à l’habiter et aux ségrégations et distances de toute nature qui séparent les humains et fracturent les espaces et les sociétés. Posée comme un atout, la proximité a été recherchée par les acteurs politiques ayant mandat dans les territoires institutionnels, de même qu’elle l’aurait été et le serait par les acteurs économiques comme par les individus habitants.

Cet article n’a pas pour objectif de revenir sur les raisons de cette émergence de la proximité dans les recherches et l’action politique mais de contribuer aux réflexions sur ce qui motive la demande de proximité de la part des habitants d’un territoire.

Il s’appuie sur une interprétation, réalisée à l’aune des acquis des réflexions sur la notion de proximité, des résultats d’une enquête quantitative conduite en 2008 dans les Côtes d’Armor (annexe I). La proximité des services ne saurait être confondue avec les services de proximité dont le développement dans le cadre des politiques sociales et de la ville dans les années 1990 renvoie largement à une évolution impor- tante des modes d’habiter et de vivre en lien avec l’évolution des familles : « entre l’offreur de service et le bénéficiaire, une relation interpersonnelle se noue, celle-ci étant fondatrice de la proximité. C’est à la fois une relation intersubjective entre les

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personnes et la manifestation de la capacité de l’offreur à s’adapter en permanence à la demande du client afin de lui apporter une aide » (Bonnet, 1998).

Le département des Côtes d’Armor se caractérise par l’importance de la fonction agri- cole et agro-alimentaire dans l’économie, l’absence de grandes villes et un tissu urbain qui repose sur une trame de petites villes, la présence d’espaces ruraux périphériques affichant un vieillissement démographique très sensible. Ce contexte territorial joue un rôle dans la structuration des attentes des habitants et conditionne l’action des acteurs politiques, dont celle de René Régnault, ancien sénateur socialiste et président de l’asso- ciation des maires du département, qui a décidé de lancer cette enquête sur les besoins de la population en matière de services.

Cette enquête traduit autant l’implication des élus locaux dans la défense des services publics dans les espaces ruraux et les aires urbaines moyennes que le souci de répondre aux attentes des habitants. Souhaitée par les acteurs économiques, objet d’incantation pour les acteurs politiques, désirée par les habitants, la proximité est polysémique et ne se réduit pas à l’évidence de la distance physique. C’est pourquoi nous nous attacherons d’abord à montrer cette relativité et cette polysémie de la notion de proximité, avant de dégager les grandes lignes des évolutions des modalités d’aménagement des territoires qui en découlent. L’exigence de proximité vis-à-vis des administrés dont les élus locaux parlent volontiers rencontre-t-elle la demande des habitants ? Dans la deuxième partie, nous proposerons un modèle d’analyse du désir de proximité, l’hypothèse de départ étant que le niveau individuel de pratique d’un service ne présage pas à lui seul de la demande de proximité de ce service. Les résultats de l’enquête réalisée dans les Côtes d’Armor montrent par ailleurs l’inégale importance de facteurs tels que la CSP, l’âge, le sexe, le type de communes de résidence dans la variabilité des désirs de proximité.

1. La proximité pour les chercheurs, les aménageurs, les habitants

Après avoir présenté les acceptions de la proximité dans diverses sciences sociales, dont plus particulièrement la géographie, cette première partie souligne la forte demande de proximité par les usagers/habitants/citoyens et son intense mobilisation par l’action publique territorialisée. En effet, depuis la deuxième moitié des années 1990, la proxi- mité est plébiscitée par l’action publique, et cela pour au moins deux raisons liées l’une à l’autre :

- comme modalité de gouvernement dans un contexte de décentralisation et d’injonction à la participation,

- comme objectif d’intervention sociale, dans le cadre du couple urgence/proximité, du proche et du près bien illustré par le Fonds d’urgence sociale de janvier 1998 et la loi d’orientation de lutte contre l’exclusion de 1998 (Séchet, 2001).

1.1. La proximité, une notion discutée en SHS

Le contenu et les contours de la notion de proximité ne vont pas de soi, tout d’abord parce que les approches de cette notion procèdent de champs disciplinaires certes con- nexes mais bien différenciés : géographie et aménagement de l’espace, disciplines les plus mobilisées dans cet article, mais aussi sociologie, économie spatiale ou science politique.

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De ce fait, malgré les efforts de confrontations et d’interactions entre disciplines menés depuis une quinzaine d’années, efforts dont témoignent notamment les travaux du groupe de recherche « Dynamiques de proximité » (Rallet, 2002) et les « Journées de la proxi- mité  » régulièrement organisées depuis 19971, chacune garde des spécificités dans les manières d’appréhender la proximité. De plus, une ambivalence de la notion de proximité subsiste à l’intérieur même des disciplines. Celle-ci est tantôt considérée comme rela- tion à un objet dit référent (le centre-ville, un équipement, un service), tantôt convoquée comme facteur des relations entre acteurs (Huriot, 1998 ; Torre, 2009), d’où la distinction établie par André Vant entre proximité « de », « qui impose axe de lecture et référent », et proximité « entre », « qui génère aire de regard et transaction » (Vant, 1998).

La première acception (proximité de) renvoie aux analyses de densités, de rentes fon- cières, de localisation des équipements et des services. Puisqu’il est maintenant admis qu’il faut retenir, parmi les principes généraux de localisations des services, « une influence majeure : le type de relation entre le prestataire et l’usager » (Mérenne-Schoumaker, 2008), ceux-ci méritent une analyse sous l’angle de la proximité, en même temps qu’ils contribuent à enrichir les analyses relatives à cette notion. Dans sa deuxième acception (proximité entre), la proximité est de nature « transactionnelle », ce qui suppose de s’inté- resser à la construction des relations (cf. les relations de sous-traitance), aux processus de coopération ou encore à l’organisation des fonctionnements en réseau, en d’autres termes à la coordination par la proximité entre les acteurs de la transaction, la proximité étant alors une condition de cette coordination (Rallet, 2002).

Les débats autour de la proximité tiennent par ailleurs au fait que de nombreux cher- cheurs s’accordent pour penser que la proximité est relative et socialement construite.

Alors que la distance géométrique s’apparente à un « fait brut », la proximité constitue plutôt une qualité assignée par les décideurs et, plus encore, vécue par les habitants d’un territoire. De ce fait, la proximité, qui peut se définir comme « un fait institutionnel non réductible à l’inverse d’une distance brute » (Talbot, 2010), revêt une dimension relative qu’on ne peut appréhender qu’indirectement, en recueillant d’une manière ou d’une autre l’opinion des usagers effectifs ou potentiels, alors que la distance géométrique est mesu- rable avec une unité reconnue par tous (mètre ou yard).

Cette relativité de la proximité peut être mise en relation avec les différentes manières d’appréhender l’espace, et cela parce que l’appréciation de la proximité dépend forte- ment des contextes de vie des individus, de « leur destin et pas seulement de leur espace d’« hommes-habitants » (Rochefort, 1963, d’après Le Lannou). La distance physique se mesure dans l’espace euclidien ; les distances-temps (celles de « La France à 20 minutes » - Benoît et al., 2002) dépendent des conditions techniques et structurelles du moment ainsi que des moyens économiques liés aux positions sociales. L’appréhension de la proximité des services dépend quant à elle du vécu individuel des distances et des représentations quant à la nécessité des services offerts : elle s’inscrit dans l’espace vécu (Frémont, 1976 ; Bertrand, 1978). Cette dernière acception inspirée des distinctions établies dans le cadre de la géographie de l’espace vécu des années 1970 peut, aujourd’hui encore plus qu’alors,

1 Par exemple : Lyon, 1997 : « Proximité et coordination économique » ; Paris, 2001 : « Nouvelles croissances et territoires » ; 2004, Marseille : « Proximité, réseaux et coordination » ; 2009, Bordeaux : « Dynamiques de proximité. Le temps des débats ».

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être reformulée en tant que distance cognitive2. En effet, dans un contexte de territoria- lisation de l’action publique et de démocratie participative, décideurs et chercheurs sont amenés à s’interroger sur les modalités par lesquelles les individus peuvent surmonter les distances inhérentes à leurs cadres de représentations et à leurs perceptions - et donc leurs appréhensions autant que leurs manières d’appréhender3 - qui viennent borner leurs pratiques et limiter leurs usages.

1.2. Proximité des services et aménagement des territoires

Bien qu’elle soit de plus en plus prise en charge par les collectivités territoriales, la mise en œuvre de la proximité des services dans l’aménagement des territoires fait en réalité l’objet d’un arbitrage complexe entre ces dernières et l’État. Le resserrement des contraintes économiques (mise en concurrence, coûts raisonnables) rend cet arbitrage tendu.

Au niveau national d’abord, l’État s’est saisi de l’objectif de proximité des services pour définir l’organisation territoriale des fonctions régaliennes  : police de proximité, justice de proximité, soutien à la gestion urbaine de proximité ont été d’actualité à la fin des années 1990. Dans le même ordre d’idées, les Schémas de services collectifs, inscrits dans la Loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable des territoires de 1999 et pilotés par les Préfets, suivaient le fil de la proximité, en privilégiant l’approche par la demande et les usages, plutôt que par l’offre et en se fondant sur un diagnostic réalisé par les collectivités, en l’occurrence les Régions (Lacour, Delamarre, 2003). Depuis cette époque, l’État s’est largement désengagé du soutien au développe- ment d’activités visant à réduire l’isolement et à soutenir les relations sociales ainsi que la mise en œuvre des Schémas de services collectifs.

Les réformes de l’organisation territoriale des pouvoirs publics —  la déconcen- tration tout d’abord, puis les deux vagues de décentralisation (1982-1983 et 2003- 2004) — ont été pensées pour rapprocher le pouvoir du terrain : dans le respect du principe de subsidiarité, les modalités de gouvernement décentralisé doivent permettre une prise en compte plus fine des aspirations des habitants et des usagers, apportant ainsi des réponses plus adaptées aux singularités des territoires locaux (David, 2007).

En même temps que le niveau territorial d’intervention se réduisait, le vocabulaire comme les actions de l’aménagement glissaient du territoire vers l’aménagement des territoires (Séchet, 2001 ; Séchet, 2006). Par rapport à un pouvoir législatif réputé loin- tain, la décentralisation donnerait une légitimité plus forte à une action publique réali- sée au plus près des usagers, pour les usagers, voire avec les usagers : « les territoires

2 Pour ce qui concerne la géographie française, cette notion de distance cognitive, formalisée en psycho- logie, a d’abord inspiré dans les années 1970 le courant relatif à l’espace vécu. Des auteurs comme Armand Frémont, Xavier Piolle ou André Vant ont notamment cherché à mettre en évidence la part de subjectivité dans l’appropriation des espaces en insistant sur l’importance des processus cognitifs dans la perception de ces espaces. Dans les années 1980, les processus cognitifs comme éléments de perception des distances ont été également mobilisés dans des démarches quantitatives et modélisatrices (Béghin, Cauvin). Plus récemment, cette notion de distance cognitive a aussi largement inspiré les sciences de gestion. Nous renvoyons notamment à Nathalie Van Hée et ses travaux sur l’impact de la distance cognitive en matière d’innovation et d’apprentis- sage (Van Hée, 2008).

3 Les appréhensions au sens de craintes conditionnent les représentations et en conséquence les manières de pratiquer les espaces, faire avec, s’y déplacer, etc.

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ne sont plus des cadres où les choses se passent, mais où les choses s’inventent » (DATAR, 2000). Les régions, les départements, les communes et les intercommunali- tés ont mis en place un certain nombre d’outils (équipements, guichets, services ter- ritorialisés) aptes à assurer la proximité physique des populations vis-à-vis des équi- pements : maillage de transports collectifs, implantation d’équipements culturels, de sports et de loisirs, ou encore Commission locale d’insertion, Commission locale de l’habitat et Points Accueil Emploi4. Cela ne veut pas dire que l’État s’est désengagé de la planification des services et de l’offre d’équipements, au contraire. Depuis 2002, cette planification s’opère par l’intermédiaire d’agences — par exemple les Agences régionales de santé (ARS) instaurées en 2010 —, nouveaux outils de « gouvernement à distance » développés par l’État (Epstein, 2005).

Par ailleurs, dans le cadre de la rationalisation des politiques publiques, l’objectif de proximité des services est assorti des conditions de maîtrise des coûts de fonctionnement et, plus largement, d’équilibre financier des services et des équipements. Il s’opère dans un contexte d’obligation de mise en concurrence des opérateurs du fait de l’interdiction des monopoles de services publics par des directives européennes. Ces exigences peuvent être illustrées par les exemples des transports intérieurs et de l’eau. Les textes de loi rappellent que l’accès aux services publics collectifs est un droit universel, valable pour chaque individu, mais dans des conditions « raisonnables » de coût pour la collectivité (article 2 de la Loi n°82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports inté- rieurs, article 1er de la Loi n°2006 1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques). Or, les collectivités territoriales, autorités organisatrices des services collec- tifs, ne disposent pas toutes des mêmes ressources (financières, matérielles) ni des mêmes capacités d’expertise, si bien que les usagers ne sont pas à égalité devant l’offre en matière de services publics de proximité. Alors, quand la prise en charge de services non rentables ne peut reposer sur la collectivité locale, deux voies s’ouvrent aux gestionnaires : soit d’autres modes de financement sont mobilisés, tel que le recours à l’usager-payeur ou les partenariats publics-privés, soit l’offre de service est supprimée, réduite ou réorganisée au nom de l’efficacité. La Poste d’une part, les maternités et plus largement les hôpitaux, de l’autre, sont les deux services qui ont suscité le plus d’attention des populations et décideurs locaux dans cette perspective.

C’est dans ce type de contraintes globales et de rapports de pouvoir entre l’État et les collectivités que les élus locaux des territoires ruraux et des petites villes déve- loppent un discours sur l’enjeu socio-économique des services à la population et mobilisent leurs réseaux politiques dans des projets d’amélioration de cette desserte des populations5. Quand ils existent, les Pays peuvent soutenir des initiatives en ce sens et recueillir des fonds européens, nationaux ou régionaux pour des projets utiles à la population. Les associations d’élus, organisées par taille et type de collectivi-

4 Avec le risque que les incohérences des découpages d’intervention entravent le repérage du bon inter- locuteur par les bénéficiaires potentiels (Séchet et Le Délézir, 1998), et de ce fait créent de la distance et de l’injustice spatiale.

5 Les préoccupations qui suscitent ces mobilisations évoluent dans l’espace mais aussi dans le temps, tant pour des raisons politiques que technologiques. À titre d’exemples, les projets relatifs à l’insertion et l’emploi ont été nombreux à la fin des années 1990 ; les TIC (téléphonie mobile, internet) font partie des préoccupations actuelles.

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tés6, ainsi que leurs relais privilégiés au Parlement, constituent aussi des lobbies aux niveaux des départements et de l’État. L’Association des Maires de France (AMF), qui dit regrouper les maires de la quasi-totalité des communes françaises et s’appuie sur une légitimité historique, est le porte-parole majeur des élus communaux face à l’État et à l’Union européenne. Elle vise à défendre les moyens financiers des com- munes et à affermir les pouvoirs publics locaux face à la centralisation administrative.

La défense des «  libertés locales  » est en permanence rappelée dans les prises de positions publiques de l’AMF, plus encore depuis la décentralisation ; les fonctions municipales s’étant alourdies, cette association joue aussi un rôle de conseil et d’assis- tance en matière juridique et matérielle (statut de l’élu, retraites des élus, indemnités, centres de formation…). Cette visée politique s’accompagne d’un deuxième objectif majeur, la promotion du développement local et de la desserte en services et équipe- ments de la population, notamment rurale. Les maires qui estiment devoir à la fois maîtriser les dépenses et répondre aux besoins croissants des populations demandent le concours de l’État pour de nombreuses politiques publiques (école, haut-débit, médecine).

L’enquête réalisée dans les Côtes d’Armor le montre : les élus peuvent aussi être inté- ressés à la production de connaissances sur les attentes des habitants et usagers en matière de proximité des services7. En 2009-2010, les résultats ont été présentés à des groupes de travail et des assemblées plénières dans lesquels étaient présents aussi bien des élus locaux que les différents services déconcentrés de l’État.

1.3. La proximité, une évidente exigence pour les habitants ?

L’approche de la proximité par la demande et les pratiques sociales permet de la lier aux comportements des habitants dans leurs relations à l’espace, contexte de leurs actions, et d’appréhender plus finement les espaces vécus tels qu’Armand Frémont les a définis.

À nos yeux, ce choix est beaucoup plus pertinent qu’une approche par l’offre qui peut enfermer la réflexion dans une vision spatialiste et réduire ainsi la proximité à la seule notion de distance métrique.

L’exploitation de l’enquête sur les services dans les Côtes d’Armor permet ainsi de dessiner les grandes lignes des proximités vécues et souhaitées par les ménages. Cette expression des individus peut enrichir et relativiser l’approche a priori des acteurs publics en apportant des éléments de perception qualitative (hiérarchie des services souhaités, acceptabilité de l’éloignement des commerces et services).

Les répondants à l’enquête ont, dans leur ensemble, insisté sur l’importance de la proximité et sur sa relativité en fonction de la nature des services. En matière de priorités

6 Association des Petites Villes de France ; Association des Villes Moyennes ; Grandes Villes ; Association des Communautés de France ; Association des Communautés urbaines ; Association des Départements de France ; Association des Régions de France.

7 Ce département se caractérise par l’engagement des élus dans la recherche des solidarités territoriales et dans la représentation des pouvoirs locaux. L’actuel président de l’Association des Départements de France est le président du Conseil général des Côtes d’Armor, Claudy Lebreton ; le président de l’AMF des Côtes d’Armor (22), René Régnault, a quant à lui beaucoup milité durant sa carrière politique pour le développement des ser- vices à la population.

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d’action, 7 répondants sur 10 ont déclaré que la proximité des services était préférable à toute autre modalité (permanences hebdomadaires, points-service et bornes d’accès).

Pour autant, à ce stade de l’analyse, rien ne prouve qu’au-delà de cette adhésion très majoritaire, la proximité recouvre les mêmes réalités pour tous, ce qui sera l’objet de la deuxième partie. Il convient tout au plus, ici, de souligner que les réponses à l’enquête suggèrent que la proximité fait consensus pour les habitants comme pour les acteurs publics, dont les élus locaux qui ont mis en œuvre cette enquête.

Par ailleurs, lorsque les ménages sont interrogés sur leur degré de satisfaction en matière de services à la population, une très grande majorité se déclare satisfaite ou très satisfaite (82,5 % des réponses). Et parmi les éléments les plus satisfaisants qu’ils sou- lignent, la proximité arrive en première position pour plus de la moitié des ménages. Cet attachement à la proximité et ce haut niveau de satisfaction n’excluent pas des souhaits

Commer

ces

nté Sa

isir Lo s A

utres s ervices

Enseignement

Une proximité modulable : la variation des distances moyennes souhaitées selon les services

0 1 2 3 4 5 6

0

secondaire

commerce ambulant commerce de proximité distributeur automatique de billets

café grande ou moyenne

surface médecin pharmacie infirmier dentiste

maternité hôpital

trésorerie tribunal supérieur

primaire

préfecture police

La Poste

bibliothèque sport

cinéma

salle de spectacle association culturelle mairie

Conception et réalisation : Cahagne N., David O.

Source : Enquête de l’Association des maires de France des Côtes d’Armor, 2009

5 min 15 min 30 min + 30 min

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Enseignement

Une proximité modulable : la variation des distances moyennes souhaitées selon les services

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commerce ambulant commerce de proximité distributeur automatique de billets

café grande ou moyenne

surface médecin pharmacie infirmier dentiste

maternité hôpital

trésorerie tribunal supérieur

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préfecture police

La Poste

bibliothèque sport

cinéma

salle de spectacle association culturelle mairie

Conception et réalisation : Cahagne N., David O.

Source : Enquête de l’Association des maires de France des Côtes d’Armor, 2009

5 min 15 min 30 min + 30 min

Fig. 1 : Une proximité modulable : la variation des distances moyennes souhaitées selon les services

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d’amélioration et d’évolution. En effet, si la proximité constitue un élément d’apprécia- tion positive des services, elle figure également en bonne place parmi les améliorations à apporter en matière d’offre de services. Ainsi, tout en plaçant la proximité comme le premier élément satisfaisant, 17 % des enquêtés considèrent simultanément qu’elle doit encore être améliorée. Surtout, les degrés de satisfaction et d’exigence en matière de proximité des services varient en fonction de leur nature.

Le questionnaire proposait aux ménages d’indiquer un temps de trajet maximum accep- table pour une série de 57 services (annexe II), en choisissant parmi des seuils de durée prédéfinis (5, 15, 30 ou plus de 30 minutes). Il leur était donc suggéré de raisonner en termes de distances-temps, selon l’argument implicite que la distance est une contrainte.

L’analyse des résultats permet de dégager une forme de hiérarchisation des services, cer- tains apparaissant comme devant être proches du lieu de domicile, et d’autres comme pouvant en être plus éloignés (Fig. 1). Pour cette étape de l’analyse, la consolidation des résultats a permis de construire un schéma de synthèse positionnant les différents services en fonction de la distance-temps acceptable moyenne pour l’ensemble des répondants.

Beaucoup de services ont été déclarés comme devant être très proches du domicile, ce qui confirme l’attachement général des ménages à la proximité des services. L’observation par familles de services permet d’appréhender quels services sont les plus attendus à proximité du lieu de résidence. Dans le domaine de l’enseignement, une hiérarchie est établie en fonction du type d’établissement et du niveau d’enseignement, les écoles pri- maires étant souhaitées à proximité immédiate du domicile alors que des distances-temps plus longues sont considérées comme acceptables pour les collèges, les lycées et les éta- blissements du supérieur. Dans le domaine de la santé, la même hiérarchisation est expri- mée entre, d’une part, la pharmacie, le médecin et l’infirmière, exigés près de chez soi, et, d’autre part, les médecins spécialistes et l’hôpital. La mairie, la poste, les pompiers et la police émergent dans un ensemble de services pour lesquels la demande de proximité est plus importante que, parmi d’autres services, la trésorerie, la préfecture et les tribu- naux. Les commerces de proximité, les cafés et les distributeurs automatiques de billets appellent des trajets beaucoup plus courts que les grandes et moyennes surfaces. Seuls les services culturels et de loisirs sont globalement acceptés dans un rayon d’éloignement du domicile plus élevé. Toutefois, les répondants ont exprimé des attentes spécifiques pour les bibliothèques et les équipements sportifs et culturels, qui sont considérés comme devant être plus proches que les salles de cinéma ou de spectacles. Ces hiérarchisations peuvent être mises en relation avec les modalités d’organisation de la vie quotidienne des ménages. Les services qui sont les plus régulièrement fréquentés ainsi que ceux dont dépendent la sécurité des populations (santé, police, pompiers), ou bien encore les ser- vices prenant en charge les enfants avant qu’ils soient autonomes dans leurs déplacements (crèche ou école primaire), sont attendus à des distances-temps assez courtes par rapport au domicile. À l’inverse, pour les équipements et les services utilisés plus occasionnelle- ment, notamment parce qu’ils sont plus spécialisés, ainsi que pour les services juridiques, les durées de trajet annoncées comme acceptables sont plus élevées.

Ainsi, les répondant-e-s ont globalement confirmé ce que l’on sait sur la hiérarchi- sation des souhaits de proximité des services, mais, au-delà de ces tendances générales, l’exploitation de l’enquête permet aussi de révéler la variation des attentes en fonction des profils sociaux des individus et des types de communes de résidence.

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2. Des désirs de proximité variables

La nature des services souhaités près de chez soi laisse penser que la proximité est peut- être autant à considérer comme une ressource pour l’organisation de la vie quotidienne

— qui suppose la coordination des divers services auxquels le ménage a recours — ou pour répondre à des situations d’urgence, que comme la conséquence de la contrainte spatiale, la qualité essentielle de la proximité étant alors d’être « un non-coût » (Rallet, 2002). Cette hypothèse permet de suggérer que cet attachement et cette exigence sont à nuancer parce qu’ils sont soumis à des variables liées à la structure démographique et sociale de la popu- lation enquêtée ainsi qu’aux contextes résidentiels8. C’est pourquoi nous proposons ici à la discussion un schéma (Fig. 2) posant le principe que la diversité des attentes en matière de proximité découle de la combinaison entre le niveau de pratique et plusieurs autres facteurs, combinaison qui varie selon la nature des services envisagés.

2.1. Les éléments d’appréciation de la proximité désirée

La fréquence d’usage d’un service est traditionnellement invoquée, soit comme un élément d’explication, soit comme un élément de justification de sa proximité. D’après cet argument, les variations dans le désir de proximité selon les services traduiraient directement les diffé- rences dans les fréquences d’usage par les répondants. Or, l’analyse des réponses recueillies conduit à relativiser franchement cette évidence.

8 L’analyse de la proximité des services ne porte pas ici sur leur accessibilité. D’une part, l’accessibilité n’a de sens que par rapport à un service précisément situé, or les éléments de l’enquête mobilisés portent sur des souhaits de distances-temps à un service théorique. D’autre part, nous ne disposons pas d’information sur les ressources de mobilité des répondants, mais ces ressources n’influenceraient qu’à la marge les réponses sur les souhaits de proximité puisque le raisonnement porte sur des distances-temps et non sur des distances kilométriques.

Nécessité sociale

Proximité désirée

Imaginaire spatial Dimension

symbolique

Niveau de pratique effectif

OC ND TI OI NS

générationnelles

familiales

autres conditions sociologiques (CSP et sexe)

territoriales

Conditions et facteurs de la proximité désirée

Conception et réalisation : Cahagne N., David O.

Fig. 2 : Conditions et facteurs de la proximité désirée

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En effet, pour une fréquence d’usage identique, les enquêtés n’expriment pas tous le même désir de proximité. Par exemple, dans le domaine des loisirs, plus d’un tiers des usagers mensuels des équipements sportifs et des bibliothèques estiment que le temps de trajet acceptable est de l’ordre de cinq minutes alors qu’ils ne sont que 6 % pour le cinéma. Dans le domaine du commerce, près de neuf clients hebdomadaires des com- merces de proximité sur dix les souhaiteraient à cinq minutes de leur domicile alors qu’ils ne sont plus que deux sur trois pour le café-tabac-presse et seulement un sur six pour la grande ou moyenne surface : la possibilité de regroupement des achats offerte par le supermarché, et donc aussi le gain de temps pour ceux ou celles qui font les courses, com- pense la distance-temps pour se rendre au supermarché. S’ils ne sont évidemment jamais plus exigeants que les utilisateurs réguliers, les non-utilisateurs des services montrent eux aussi un attachement plus prononcé pour certains services. Par exemple, 69 % des individus qui ne se rendent jamais dans un commerce de proximité le souhaiteraient tout de même à cinq minutes de chez eux ; c’est aussi le cas pour 48 % de ceux qui n’entrent jamais dans un café contre moins de 5 % de ceux qui ne vont jamais au cinéma.

Le niveau individuel de pratique d’un service, dont la fréquence d’usage n’est qu’une composante parmi d’autres9, ne peut donc présager à lui seul du niveau désiré de proxi- mité de ce service.

Premièrement, la proximité souhaitée de certains services serait surtout pensée en fonc- tion de leur nécessité sociale reconnue. Il s’agirait de services pour lesquels les besoins supposés pour d’autres que soi comptent autant voire plus que le niveau de pratique de chaque individu, d’où peut-être la place des services de santé, d’éducation ou de garde d’enfants dans la hiérarchie exprimée par la population enquêtée, indépendamment de la fréquence d’usage voire même de leur utilité réelle immédiate.

Deuxièmement, il faut sans doute aussi compter sur la valeur symbolique de certains services. De la même façon qu’une mairie atteste de l’existence politique et administra- tive d’une commune, la présence d’un minimum de services près de chez soi témoigne de la qualité du territoire investi et approprié. Il est alors difficile d’être « contre » la proxi- mité lorsque celle-ci s’envisage comme une condition d’autonomie dans l’exercice des conduites quotidiennes, favorisant par là cette sécurisation ontologique (Giddens, 1987) propre à assurer la confiance dans la continuité du monde et de soi.

Enfin, il est probable que l’organisation socio-spatiale dans laquelle sont ancrés les habitants façonne leur imaginaire spatial10 au point d’influencer les échelles de la proxi- mité désirée. Les individus, insérés dans un monde social qu’ils sont en mesure de se représenter, articulent leur jugement sur l’importance sociale et symbolique d’un service avec les contraintes socio-spatiales qu’ils perçoivent, notamment en fonction des hiérar-

9 Il faut en effet prendre en compte la façon dont les individus peuvent user du service, ce qui dépend non seulement de conditions temporelles (horaires et amplitude d’ouverture, durée d’utilisation du service...) mais aussi de conditions organisationnelles (fonctionnement propre, normes d’usage du service).

10 En référence à « imaginaire géographique : ensemble d’images mentales en relation qui confèrent, pour un individu ou un groupe, une signification et une cohérence à la localisation, à la distribution, à l’interaction de phénomènes dans l’espace. L’imaginaire contribue à organiser les conceptions, les perceptions et les pra- tiques spatiales » (Debarbieux, 2003). Nous préférons parler ici d’imaginaire spatial à propos d’un phénomène, la localisation des services, qui renvoie plutôt à la conception d’un espace-étendue qu’à celle d’espaces discon- tinus (à titre d’exemple, le questionnaire ne portait pas sur la répartition des services dans les Côtes-d’Armor).

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chies administratives, des rentabilités économiques ou des potentiels démographiques. La Poste, service qui a été au cœur des débats sur la désertification, réelle ou symbolique, des espaces ruraux (Mignotte, 2010), peut susciter des mobilisations pour des raisons socioé- conomiques11 (banque des ménages modestes), mais plus encore en raison de sa nécessité perçue, construite dans un contexte d’actualité nationale spécifique, celui de la remise en cause du modèle français d’offre de services publics (cf. 1.2). En revanche, l’éloignement accepté des services de santé spécialisés ou plus généralement des services les moins banals (notamment établissements d’enseignement supérieur, tribunaux, salles de spectacles) procède peut-être d’une démarche individuelle de rationalisation du système des proximi- tés désirées. Effectivement, « l’accès aux différents services de santé n’est pas le fruit du hasard, mais résulte d’une dialectique entre l’offre et les besoins, qui dépend à la fois du nombre et de l’implantation des offreurs que de leurs modes d’organisation, et des besoins (ou de la perception des besoins) quantitatifs et qualitatifs des populations. […] Du point de vue du citoyen-patient-contribuable, trois niveaux territoriaux émergent selon que domine l’importance de la proximité ou la rareté des ressources » (Even, Tardif, 2004).

Variable en fonction de la nature des services, l’attachement à la proximité est égale- ment structuré par un ensemble de conditions sous-jacentes : positions sociales, structures familiales, effets de génération, contextes territoriaux participent à la construction des hiérarchies exprimées. Ceci souligne l’intérêt d’approfondir l’analyse des réponses à la question relative aux temps de trajet maximum acceptables, cet approfondissement per- mettant en outre de tester la pertinence du modèle de lecture de la pluralité des facteurs susceptibles d’expliquer la diversité des attentes en matière de proximité. Pour cela, un indicateur de mesure de la diversité des réponses individuelles a été construit en attribuant un coefficient à chacun des quatre seuils de distance-temps proposés (5, 15, 30 minutes, plus de 30 minutes), puis en calculant l’écart-type pour chaque service. Le commerce de proximité est ainsi caractérisé par l’écart-type le plus faible (0,915), suivi par l’enseigne- ment primaire, la pharmacie, le médecin généraliste. À l’inverse, la proximité souhaitée varie très fortement pour certains services comme l’Internet haut débit (1,822), le notaire, l’accès multimédia public, l’enseignement supérieur. Même si la dispersion des niveaux d’attente augmente de manière relativement régulière avec les distances-temps souhai- tées, ce lien n’est pas mécanique : le café-tabac-presse, qui occupe le cinquième rang des distances souhaitées, présente le 23e écart-type tandis que la grande surface n’affiche que le septième écart-type alors qu’elle arrive au 28e rang des distances-temps acceptées.

Cette diversité des réponses individuelles reste socialement déterminée : à propos de la distance-temps majoritairement souhaitée pour chaque service, les écarts à la moyenne par catégorie de répondants sont corrélés à deux caractéristiques sociales principales, l’âge (pour 27 services) et la catégorie socio-professionnelle des actifs (pour 24 services), tandis que deux autres apparaissent secondaires, le type de communes (pour 5 services) et le sexe (pour 1 service). Toutefois, c’est peut-être du fait de la prépondérance des com- munes rurales et peu peuplées dans l’échantillon que la variable « type de communes » exerce une influence moindre.

11 Même si dans les Côtes d’Armor, comme dans toute la Bretagne d’ailleurs, la Poste est moins qu’ailleurs la banque des ménages modestes ou âgés. Cette fonction est remplie par les bureaux et agences du Crédit agricole et du Crédit Mutuel de Bretagne dont la concurrence pour capter l’épargne des populations a favorisé la dispersion.

C’est donc bien la dimension emblématique plus que l’usage de la Poste qui justifie l’attachement à ce service.

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2.2. L’âge et le sexe : des effets de différenciation contrastés

Il s’agit ici d’analyser l’influence de la variable « âge » puis de la variable « sexe » dans les distances-temps souhaitées. Pour représenter graphiquement l’influence du fac- teur « âge » dans la distance-temps souhaitée, les écarts à la moyenne des souhaits de proximité de chacune des six classes d’âge retenues dans le questionnaire ont été calculés pour chaque service, ce qui nous a permis d’attribuer un rang à chaque classe d’âge pour chaque service, le graphique illustrant l’addition de ces rangs (Fig. 3).

Cette influence de l’âge est particulièrement simple à cerner, les moins de 40 ans s’op- posant fortement aux plus de 60 ans. Chez les premiers, les 30-39 ans devancent toujours les moins de 30 ans en matière d’exigence de proximité sauf pour le café-tabac-presse, la police-gendarmerie, l’enseignement supérieur et l’opticien. Les 60-74 ans ne sont jamais les plus exigeants. Quant aux plus de 75 ans, leur exigence de proximité pour le notaire, le taxi, le pédicure-podologue, le transport à la demande et le commerce ambulant les positionne de manière très spécifique par rapport aux autres groupes d’âge.

De tels résultats laissent penser que le niveau de recours est le principal facteur d’explication des écarts. C’est le cas pour de nombreux services dont les services de la petite enfance (assistante maternelle, crèche, accueil périscolaire), de l’emploi, de certains loisirs (équipement ou association sportive), des nouvelles technologies de communication (internet haut-débit), des distributeurs automatiques de billets, de certains commerces (café-tabac-presse, commerce de proximité) et services qualifiés de sociaux (Caisses d’allocations familiales notamment). Mais cette relation entre

Conception et réalisation : Cahagne N., Keerle R.

Source : Enquête de l’Association des maires de France des Côtes d’Armor, 2009

0 10 20 30 40 50 57

Moins de 30 ansDe 30 à 39 ans De 40 à 49 ans De 50 à 59 ans De 60 à 74 ans75 ans et plus 1er rang

2ème rang 3ème et 4ème rang

5ème rang 6ème rang

Nombre de services

La variation des rangs de proximité souhaitée selon les classes d’âge

Conception et réalisation : Cahagne N., Keerle R.

Source : Enquête de l’Association des maires de France des Côtes d’Armor, 2009

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Moins de 30 ansDe 30 à 39 ans De 40 à 49 ans De 50 à 59 ans De 60 à 74 ans75 ans et plus 1er rang

2ème rang 3ème et 4ème rang

5ème rang 6ème rang

Nombre de services

La variation des rangs de proximité souhaitée selon les classes d’âge

Fig. 3 : La variation des rangs de proximité souhaitée selon les classes d'âge

Note de lecture : les moins de 30 ans sont les plus exigeants pour 4 services, arrivent au deuxième rang des six classes d’âge pour 26 services, à l’avant-dernier rang pour 3 services et au dernier rang pour 3 services.

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le niveau de pratique déclaré et la proximité désirée n’explique pas les écarts entre classes d’âge pour d’autres services dont la mairie, la poste, l’agence bancaire, la sécurité sociale (Caisse primaire d’assurance-maladie ou Mutualité sociale agricole) ou bien la salle de spectacle. En fait, de nombreux exemples de réponses au question- naire montrent que les seniors sont, même à niveau égal de pratique, moins exigeants que les jeunes, sauf pour la police-gendarmerie. Et ce n’est pas dans la présence ou le nombre d’enfants que se trouve l’explication de ces différences, puisque, en dehors des services de la petite enfance, les réponses des moins de 40 ans sans enfants restent souvent très proches de celles des parents avec enfants. 

Pour les services à propos desquels l’enquête ne posait pas la question de la fréquence de la pratique, le fait que l’écart entre les moins de 30 ans et les plus de 60 ans pour les souhaits de proximité de l’enseignement supérieur soit près de deux fois inférieur à celui des souhaits concernant le médecin ou la pharmacie confirme la pertinence de la mise en question du niveau de pratique comme seul facteur explicatif des souhaits de proximité. Cette différence, assez systématique, d’exigence entre jeunes et seniors est- elle une question d’influence des habitudes générationnelles et de contraintes temporelles sur l’imaginaire spatial ? On peut penser que les représentations générationnelles pèsent plus lourdement dans certains cas que dans d’autres, modérant ainsi la portée du facteur de la nécessité sociale. Par exemple, pour les plus de 75 ans, la proximité désirée de l’école primaire, qu’ils ont tous fréquentée, reste nettement plus importante que celle de l’assistante maternelle ou de la crèche et halte-garderie.

Bien que la variable « sexe » soit une variable moins influente que l’âge, la CSP ou le type de communes quant aux écarts de proximité souhaitées (annexe I), elle n’en est pas moins très illustrative. Pour tous les services à l’exception de la crèche et de la halte-gar- derie, des associations et équipements sportifs, du café-tabac-presse et de la mairie, les femmes souhaitent toujours plus de proximité que les hommes. Ce souhait est si marqué dans le cas des transports que la variable du sexe passe alors au premier rang des écarts (transport à la demande) ou au deuxième (taxi). Sauf pour la crèche et la halte-garderie, les rares préférences masculines de proximité vont de pair avec des niveaux de pratique plus élevés. C’est moins simple pour les préférences féminines du fait du grand nombre de services pour lesquels les femmes devancent les hommes en matière de proximité dési- rée. Elles déclarent, par exemple, pratiquer moins souvent que les hommes le commerce de proximité et la salle de spectacles, tout en les désirant pourtant plus proches.

Les écarts de proximité souhaitée par les femmes et les hommes ne se traduisent pas par des différences majeures dans la structure globale des services désirés à proximité du domicile. Hormis le cas particulier des transports (à la demande, par taxi ou en commun), souhaités plus proches par les femmes, le facteur «  nécessité sociale  » est davantage commun aux deux sexes que pour les autres variables explorées. En comparant les écarts de proximité souhaitée entre hommes et femmes, les résultats révèlent un incontestable effet de genre. Si des convergences s’observent pour la demande de proximité de cer- tains services (l’enseignement primaire et plus encore l’assistante maternelle), à l’inverse, l’orthophoniste, la maternité, la sage-femme et la bibliothèque-médiathèque-ludothèque paraissent moins prioritaires pour les hommes, soit parce que les femmes en sont les utili- satrices uniques (sage-femme), soit parce qu’elles y accompagnent plus que les hommes leurs jeunes enfants (orthophoniste, bibliothèque-médiathèque-ludothèque).

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Cette analyse des différences de proximité souhaitée des services selon l’âge et le sexe montre la combinaison entre des conditions sociologiques (des services destinés en priorité à et pratiqués plus fréquemment par certaines catégories sociales, ici par exemple générationnelles, familiales et de sexe) et d’autres facteurs d’explication (représentations de ces priorités, de leurs combinaisons et des modalités d’aménage- ment de l’espace qu’elles induisent).

2.3. Des souhaits de proximité très spécifiques pour certaines CSP

Note de lecture : les agriculteurs, qui sont les plus exigeants pour 3 services, arrivent au deuxième rang des six CSP pour 1 service, à l’avant-dernier rang pour 9 services et au dernier rang pour 40 services.

L’analyse selon les CSP contribue, elle aussi, à nous éclairer sur la variabilité de la demande de proximité, et de ce fait renseigne sur le cumul des lignes de partages dans l’appréciation des attendus en matière de services. Pour représenter graphiquement l’in- fluence du facteur « CSP » dans la distance-temps souhaitée (Fig. 4), nous avons utilisé la même procédure que pour l’âge. Les agriculteurs apparaissent globalement peu exigeants en matière de proximité (ils ne sont au premier rang que pour 3 services alors qu’ils sont au dernier pour 35), et l’on peut faire l’hypothèse que cette faible exigence est associée à un niveau de pratique de certains services plus réduit que celui des autres CSP. Cela se vérifie notamment pour les transports collectifs, l’assistante maternelle, le centre social, le notaire, la salle de spectacle, le cinéma, les services d’aide au retour à l’emploi et le café- tabac-presse. Il en est de même pour les ouvriers, qui sont assez peu exigeants quant à la proximité de services tels que les bibliothèques-médiathèques-ludothèques, et pour les artisans-commerçants-chefs d’entreprise vis-à-vis des crèches ou des haltes-garderies. À l’inverse, les cadres se distinguent par une forte demande de proximité et un haut niveau

Conception et réalisation : Cahagne N., Keerle R.

Source : Enquête de l’Association des maires de France des Côtes d’Armor, 2009

La variation des rangs de proximité souhaitée selon les catégories socioprofessionnelles

0 10 20 30 40 50 57

Agriculteurs

Artisans, commerçants, chefs d’entreprise

Cadres Employés Ouvriers

Professions intermédiaires

1er rang 2ème rang 3ème et 4ème rang

5ème rang 6ème rang

Nombre de services

Conception et réalisation : Cahagne N., Keerle R.

Source : Enquête de l’Association des maires de France des Côtes d’Armor, 2009

La variation des rangs de proximité souhaitée selon les catégories socioprofessionnelles

0 10 20 30 40 50 57

Agriculteurs

Artisans, commerçants, chefs d’entreprise

Cadres Employés Ouvriers

Professions intermédiaires

1er rang 2ème rang 3ème et 4ème rang

5ème rang 6ème rang

Nombre de services

Fig. 4 : La variation des rangs de proximité souhaitée selon les catégories socioprofessionnelles

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d’usage en ce qui concerne les assistantes maternelles, l’accueil périscolaire, le sport, le commerce ambulant et, dans une moindre mesure, le commerce de proximité. La tréso- rerie est souhaitée plus proche et est plus pratiquée par les artisans-commerçants-chefs d’entreprise que par les autres CSP.

A contrario, de faibles niveaux de pratique n’empêchent pas qu’une valeur symbolique forte, voire emblématique, soit conférée à certains services, ceux dont la disponibilité induite par leur proximité contribue le plus au sentiment de qualité du territoire. C’est le cas pour la mairie chez les agriculteurs et pour la Poste chez les ouvriers et les employés.

De même, ouvriers et employés ne pratiquent pas forcément les services de l’emploi mais les souhaitent près de chez eux au cas où surviendrait le chômage tandis que les commer- çants, pour lesquels la demande de sécurité est beaucoup plus forte, veulent un poste de police-gendarmerie à proximité de chez eux.

Niveau de pratique et dimension symbolique ne suffisent pas pour expliquer d’autres résultats. Pour les CSP, il est particulièrement difficile de distinguer les poids respec- tifs des facteurs « nécessité sociale » et « imaginaire spatial ». La très faible exigence des agriculteurs pour tous les services de santé, de même que pour la maternité ou la sage-femme, montre que le facteur « nécessité sociale » n’explique pas seul les écarts.

Cependant, agriculteurs mis à part, lorsque les écarts extrêmes entre CSP dépassent ceux liés à l’âge et au type de commune, c’est pour des services que l’ensemble de l’échan- tillon accepte de ne trouver qu’à des distances-temps relativement élevées (enseignement supérieur, services juridiques, services qualifiés de sociaux). On peut donc conclure que la communauté de vue pour les services souhaités les plus proches du domicile est plus forte entre les CSP d’actifs que selon les groupes d’âges.

Employés et ouvriers arrivent respectivement au premier rang, avec une très grande régularité quels que soient les services, et au deuxième rang, avec davantage de nuances selon les services, en termes de souhaits de proximité. Les employés sont ainsi, par exemple, les plus exigeants pour la proximité avec les services juridiques, quelques services paramédicaux et médicaux tels que le masseur-kinésithérapeute et le dentiste, et se placent au deuxième rang pour le pédicure-podologue et l’ensei- gnement supérieur. L’explication par le poids d’un imaginaire spatial fondé sur une demande généralisée de forte proximité semble plus probante ici que celle par la nécessité sociale. De leur côté, les ouvriers se distinguent des employés par leur faible exigence de proximité pour certains services de santé (sage-femme, mater- nité) et pour les services d’enseignement autres que supérieurs. Ces différences entre ouvriers et employés expriment des écarts culturels sensibles entre deux CSP qui sont pourtant souvent regroupées sous le qualificatif « populaires ». Leurs positions convergentes révèlent une moindre aisance pour la mobilité quotidienne ou occasion- nelle par rapport aux autres catégories sociales. Ce rapport à la mobilité, qui varie selon les individus en fonction de leurs ressources financières et culturelles, permet d’expliquer pour partie les différences de souhaits de proximité selon les CSP, par sa capacité à influencer l’imaginaire spatial. Les réponses des cadres et professions libérales confirment quant à elles ce que nous savons par ailleurs de leur plus forte propension à la mobilité (Wenglenski, 2006), puisqu’ils se situent au deuxième rang global de moindre exigence après les agriculteurs, tout en occupant le premier rang pour l’association culturelle, la crèche halte-garderie et le deuxième pour les services

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liés à la petite enfance, derrière les professions intermédiaires. Par contre, ils expri- ment des souhaits de proximité bien moindres pour l’enseignement supérieur, qu’on les imagine aller chercher hors du département, dont l’offre en Côtes d’Armor est limitée à des formations en STS, IUT, et à quelques licences.

Les résultats de l’enquête confirment ce qui est connu des pratiques sociales des actifs en matière de recours aux services. Ainsi, en ce qui concerne les modes d’accueil de la petite enfance, les cadres et professions intermédiaires sont davantage intéressés par les structures collectives (crèches, haltes-garderies), principalement pour des raisons éducatives (socia- lisation et épanouissement de leur enfant), tandis que les catégories plus modestes font davantage confiance à une assistante maternelle (David, 1999). Les stratégies éducatives des parents influencent directement les usages en matière de service, la recherche de proximité sociale et culturelle primant sur le souhait d’une forte proximité physique. Les pratiques culturelles, sportives, de loisirs et de santé peuvent donner lieu aux mêmes observations, sans négliger des velléités de distinction sociale parfois marquées.

2.4. Une opposition entre urbain et rural

La variable « type de commune » repose sur une distinction élémentaire entre les trois caté- gories « urbain », « rural », « périurbain » telle que proposée par l’Insee (© INSEE/ZAUER).

Pour représenter graphiquement son influence dans la distance-temps souhaitée, nous avons d’abord repris la procédure utilisée pour les figures 3 et 4. Par contre, pour ce graphique, au lieu de présenter les résultats par modalité de réponse, nous additionnons les services pour chaque type de succession de rangs possible construit avec les trois catégories « urbain »,

« rural », « périurbain » (Fig. 5). L’ordre des distances souhaitées pour les différents services est beaucoup moins clairement stratifié que pour l’âge, le sexe et même les CSP.

Note de lecture :

pour 17 services, les habitants des communes rurales (R) sont plus exigeants que ceux des communes périurbaines (P), eux-mêmes plus exigeants que ceux des communes urbaines (U).

Fig. 5 : Types de communes et proximité souhaitée nombre de services par types de successions de rangs

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Les résultats montrent souvent des exigences de proximité du service inverses à ce que la structure par âge moyenne des types de communes laisserait supposer. Par exemple, les répondants des communes rurales sont les plus exigeants vis-à-vis du commerce de proximité alors que les plus de 60 ans, pourtant surreprésentés en milieu rural dans l’échantillon, ne le sont pas. Par contre, il y a parfois correspondance dans l’échantillon entre communes rurales où dominent populations plutôt âgées et plus forts souhaits de proximité. C'est le cas pour le transport à la demande et le taxi, ou encore pour le pédicure-podologue, et il en va de même pour les communes urbaines ou périur- baines où dominent populations plus jeunes et plus forts souhaits de proximité des services d’accompagnement des jeunes, de l’orthophoniste et du cinéma.

Pour cette variable «  type de communes  » comme pour les autres, les résultats de l’enquête confirment l’hypothèse que le niveau de pratique est le principal facteur d’expli- cation des écarts d’exigence de proximité pour quelques services, dont les transports col- lectifs et le centre social. Pour ces deux services, le souhait de proximité est plus fort dans les communes urbaines. Le degré d’usage déclaré y est plus important que pour les com- munes rurales où les transports en commun sont rares et les centres sociaux encore plus.

Mais, pour plusieurs services, on note un degré d’usage plus important par les urbains et un souhait de proximité plus fort chez les ruraux : commerce de proximité, mairie, commerce ambulant, association/équipement sportif… Dans d’autres cas, la faiblesse de l’écart entre pratiques n’explique pas l’importance de la différence de proximité souhai- tée. C’est le cas de services plus pratiqués et souhaités plus proches par les ruraux que par les urbains (café-tabac-presse, poste) ou de services plus pratiqués et souhaités plus proches par les urbains (services de l’emploi, services sociaux).

Pour les habitants des communes rurales, la valeur symbolique de certains services comme la mairie, la Poste et l’enseignement primaire ressort nettement. On l’observe également pour le café-tabac-presse, le bar rural étant souvent le dernier commerce des communes12. D’autres équipements et services prennent aussi plus d’importance dans les souhaits de proximité des habitants de communes rurales  : associations et équipe- ments sportifs, bibliothèque-médiathèque-ludothèque, associations et autres équipements culturels, accès au multimedia public. L’interprétation de ces résultats relève en partie de l’imaginaire spatial des habitants, les urbains développant des pratiques sportives et de loisirs plus individuelles et indépendantes des infrastructures. Les réponses des habitants des communes rurales peuvent aussi traduire leur inquiétude quant à la précarisation de l’animation culturelle dans des espaces déjà peu pourvus en équipements et dépendant de ce fait des dynamiques associatives et de leur soutien par les municipalités. À l’inverse, l’imaginaire spatial des ruraux s’accommode assez facilement de l’éloignement relatif des services de santé (hôpital et services d’urgence, maternité et sage-femme), ou tout au moins s’avère moins exigeant quant à leur proximité, sauf pour l’infirmier, qui appartient au registre des services de santé de proximité.

L’imaginaire spatial des périurbains peut être qualifié d’hybride, se rapprochant tantôt de celui des urbains, tantôt de celui des ruraux. Cela renvoie au statut d’intermédiarité qui caractérise les formes de maturation et de diversification actuelles des espaces périur-

12 Cf. thèse en cours de Nicolas Cahagne, dont on trouvera des éléments de présentation dans : Cahagne N., Séchet R., Le Caro Y. (2009).

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bains (Roux, Vanier, 2008 ; Dumont, Hellier, 2010). En effet, une partie des réponses des habitants périurbains correspond à celles des urbains pour la proximité souhaitée de ser- vices tels que les écoles, le collège, les commerces, le distributeur automatique de billets.

D’autres réponses apportent une nuance de type « position de banlieue ». C’est le cas pour le cinéma, la grande surface, l’agence bancaire, pour lesquels les périurbains semblent admettre que ces services puissent se trouver dans une commune voisine plutôt que dans la leur. Cela témoigne également d’une habitude de mobilité automobile plus importante que celle des urbains. Par contre, les périurbains semblent parfois témoigner de la même insatisfaction que les habitants de communes rurales face au sous-équipement de leur environnement proche en matière de services culturels (association-équipement sportif, bibliothèque-médiathèque-ludothèque).

L’appréhension, partielle, du rôle de la nécessité sociale en fonction du type de commune a reposé sur l’analyse des réponses à la question « Quels sont les 5 services que doit au minimum proposer une commune rurale ? ». Il en ressort que les urbains sont plus enclins à citer le médecin ou la Poste que les ruraux (61 % contre 54 % et 45 % contre 40 %) alors qu’au contraire les ruraux accordent plus d’importance à la mairie ou aux commerces de proximité (55,4 % contre 46,8 % et 51,6 % contre 45,3 %). Les réponses des périurbains apparaissent beaucoup plus proches de celles des ruraux que de celles des citadins.

En résumé, si la variable « type de communes » révèle les exigences spécifiques des populations urbaines pour certains services, qu’ils soient du quotidien ou plus rares, elle permet aussi d’affiner la caractérisation des attentes des populations des communes rurales, bien représentées dans les Côtes d’Armor. Les résultats soulignent ainsi l’inté- rêt spécifique de ces habitants tant pour des services jugés indispensables au quotidien (commerce de proximité) que pour d’autres qu’ils estiment faire partie de l’équipement souhaitable pour le dynamisme de leur territoire (équipement culturel), actuellement moindre que celui des citadins, ou encore pour des services qui revêtent une valeur certes symbolique mais essentielle pour le maintien de la reconnaissance de la qualité de leurs communes et de leurs espaces de vie (mairie).

Conclusion

Objet de débats en sciences humaines et sociales, dotée d’une épaisseur épistémolo- gique intéressante pour la géographie, la notion de proximité est mobilisée par les pou- voirs publics centraux et décentralisés comme le sésame d’un aménagement des terri- toires cohérent et adapté aux besoins des populations. Simultanément, la mobilisation récente des élus ruraux en France pour s’opposer à la fermeture de services publics de base (bureaux de poste, école), mobilisation dans laquelle s’insère l’enquête lancée dans les Côtes d’Armor et qui a rendu possible cet article, montre bien que l’évolution actuelle du maillage des services aux populations est jugée défavorablement. Ces élus se font les porte-parole des habitants des territoires qu’ils ont mandat de gérer et administrer.

Les habitants-usagers sont eux-aussi légitimés à exprimer le sens et le contour qu’ils donnent à la proximité des services, « les » services ne constituant pas une entité homo- gène par ailleurs. C’est ainsi que l’exploitation de l’enquête de l’association des maires des Côtes d’Armor met en évidence l’influence de plusieurs variables sociales (l’âge, le sexe, la CSP) et du type de commune sur le désir de proximité exprimé selon les services.

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