• Aucun résultat trouvé

Article pp.38-45 du Vol.111 n°1 (2018)

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Article pp.38-45 du Vol.111 n°1 (2018)"

Copied!
8
0
0

Texte intégral

(1)

ENTOMOLOGIE MÉDICALE /MEDICAL ENTOMOLOGY

Faune phlébotomienne du foyer leishmanien de Keur Moussa : données actuelles sur la diversité et variations saisonnières (Thiès, Sénégal)

Sandflies Fauna of the Focus of Keur Moussa: Current Data on Diversity and Seasonal Variations (Thies, Senegal)

S.A. Said Omar · M. Serigne · A.A. Niang

Reçu le 5 janvier 2018 ; accepté le 31 janvier 2018

© Société de pathologie exotique et Lavoisier SAS 2018

RésuméUne surveillance interépidémique a été menée au niveau du foyer de leishmaniose cutanée de Keur Moussa (région de Thiès) entre juin 2015 et octobre 2016, soit plus de 20 ans après la dernière épidémie. Les trois méthodes d’échantillonnage utilisées (papiers huilés, pièges lumineux CDC et pulvérisations intradomiciliaires avec des pyréthri- noïdes) ont permis la capture de 1 746 phlébotomes apparte- nant à deux genres et 24 espèces, celles impliquées dans la transmission des leishmanioses au Sénégal et 11 espèces nouvelles pour le foyer. Le vecteur de la leishmaniose cuta- née humaine au Sénégal, Phlebotomus duboscqi Neveu- Lemaire, 1906, représente 10,9 % des captures.Sergento- myia schwetzi, l’une des espèces impliquées, avecSergento- myia dubiaetSergentomyia magna, dans la transmission de la leishmaniose canine au Sénégal, est la plus abondante avec 38,1 % des captures. Les deux autres espèces ont des pourcentages individuels moins importants. Les variations saisonnières d’abondance montrent une intense activité des phlébotomes en fin de saison sèche sous l’influence des tem- pératures moyennes élevées et d’une humidité dépassant les 50 %. La pluie constitue un facteur limitant. En vue de pré- venir la survenue d’épidémies, une importance particulière devra être accordée à ce foyer, vu l’enrichissement de la faune et les densités élevées des différents vecteurs de leish- manioses dans ce foyer, en particulierP. duboscqi.

Mots clésPhlébotomes · Leishmanioses ·

Phlebotomus duboscqi· Écologie · Keur Moussa · Thiès · Sénégal · Afrique intertropicale

AbstractAn inter-epidemic oversight was conducted in the cutaneous leishmaniasis focus of Keur Moussa (Thies region)

between June 2015 and October 2016, more than 20 years after the last epidemic. The three sampling methods (adhesive traps, CDC light traps, and indoor pyrethroids sprays) allowed the capture of 1,746 sand flies belonging to 2 genera and 24 species, those involved in the transmission of leishmania- sis in Senegal, as well as 11 new species for the focus. The vector of human cutaneous leishmaniasis in Senegal,Phlebo- tomus duboscqi Neveu-Lemaire, 1906, represents 10.9% of this fauna.Sergentomyia schwetzi, one of the species invol- ved, with Sergentomyia dubiaand Sergentomyia magna, in the transmission of canine leishmaniasis in Senegal, is the most abundant species with 38.1% of the samples. The other two species have individually smaller percentages. Seasonal variations of the abundance show an intense activity of sand- flies at the end of the dry season under the influence of high average temperatures and a humidity exceeding 50%. Rains are a limiting factor. According to the enrichment of the fauna and the high density of the different vectors of leishmaniasis in this focus, particularlyP. duboscqi, a specific importance should be given for this focus in order to prevent occurrence of epidemics.

Keywords Sandflies · Leishmaniasis ·

Phlebotomus duboscqi· Ecology · Keur Moussa · Thies · Senegal · Sub-Saharan Africa

Introduction

Au Sénégal, les types de leishmaniose répertoriés sont : la leishmaniose cutanée humaine, la leishmaniose cutanéomu- queuse, la leishmaniose canine et la leishmaniose du gecko [5,16–18,26]. Deux foyers de leishmaniose y sont connus : le foyer de leishmaniose canine de Mont-Rolland et celui de leishmaniose cutanée humaine de Keur Moussa (tous deux dans la région de Thiès).

S.A. Said Omar · M. Serigne · A.A. Niang (*) Laboratoire de zoologie des invertébrés terrestres, Institut fondamental d’Afrique noire Cheikh-Anta-Diop, université Cheikh-Anta-Diop, B.P. 206, Dakar, Sénégal e-mail : abdoul.niang@ucad.edu.sn

DOI 10.3166/bspe-2018-0012

(2)

Le foyer de Keur Moussa a fait l’objet d’une étude sui- vie de 1976 à 1983 par plusieurs spécialistes. Durant cette période d’observation, le rôle vecteur de Phleboto- mus duboscqiNeveu-Lemaire, en 1906, a été mis en évidence pour la première fois au Sénégal, de même que celui de l’agent étiologique,Leishmania majorainsi que des rongeurs réservoirs de virus,Arvicanthis niloticus, Mastomys erythro- leucusetGerbilliscus gambiana(anciennementTatera gam- biana) [5,13,15,16]. Depuis, cette affection réapparaît pério- diquement avec la pullulation des rongeurs réservoirs [4].

Ce caractère endémoépidémique rend nécessaire l’établis- sement de surveillances régulières, afin de prévenir de nou- velles flambées épidémiques [4]. La dernière surveillance remonte à 1992 [19,21,26].

L’objectif global de notre travail était d’assurer une sur- veillance interépidémique du foyer leishmanien cutané de Keur Moussa en effectuant une mise à jour de la diversité de la population phlébotomienne, accompagnée d’études écologiques et parasitologiques.

Matériels et méthodes Cadre géographique

Le village de Keur Moussa est situé à un peu moins de 2 km sur une voie secondaire partant du km 50 de la route natio- nale Dakar–Thiès. L’océan est à une quinzaine de kilomètres.

Notre zone d’étude se situe dans les villages de Keur Moussa et de Ndoyène Peul, dans une vallée au sud-ouest de la faille dite de Sébikotane [19]. Elle comprend trois sites : le site 1 (domaine du monastère de Keur Moussa, coordon- nées : Nord 14°46.574′Ouest 17°07.578′), le site 2 (village de Ndoyène Peul et environs, à 600 m du monastère, Nord 14°47.207′Ouest 17°07.760′) et le site 3 (domaine des reli- gieuses, à environ 500 m du monastère vers Keur Moussa : Nord 14°46.823′Ouest 17°07.212′).

Huit missions y ont été effectuées entre juin 2015 et octo- bre 2016. Pendant les deux premières, les piégeages ont eu lieu dans les sites 1 et 2, et à partir de la troisième (novem- bre 2015), les trois sites ont été prospectés. Proportionnelle- ment à l’étendue des sites, le nombre de piégeages était ainsi défini : trois piégeages dans le site 1, un dans le site 2 et deux dans le site 3.

Méthodes de capture et de traitement

Le piégeage adhésif avec les papiers huilés est réalisé avec des papiers blancs de 20 cm de côté, imbibés d’huile de ricin sur les deux faces et placés à l’entrée des terriers de rongeurs, au niveau des crevasses du sol, dans les trous des arbres.

Le piégeage lumineux de type CDC est réalisé avec un petit cylindre muni d’un ventilateur actionné par une

dynamo, avec à l’extrémité une lampe de faible intensité, et alimenté par trois piles de 1,5 V. L’autre extrémité est reliée à une cage en tulle moustiquaire permettant de recueil- lir les insectes aspirés par la ventilation.

Les pulvérisations intradomiciliaires avec un insecticide et des bombes insecticides à base de pyréthrinoïdes sont utili- sées à l’intérieur des habitations le matin entre 8 et 11 h. Les chambres sont ensuite refermées hermétiquement pour laisser agir l’insecticide durant 7 à 12 minutes. Des draps blancs, préalablement étalés sur le plancher, permettent de recueillir les insectes assommés ou tués sous l’effet du traitement.

Les phlébotomes capturés à l’aide de ces piégeages sont introduits dans des tubes contenant de l’alcool à 70° avec toutes informations sur le lieu, la date, le biotope, le mode de piégeage, etc. Les femelles obtenues avec le piégeage lumineux sont disséquées à la recherche de parasites dans leurs tubes digestifs ; elles sont conservées dans de l’eau physiologique si elles sont infestées, sinon dans de l’alcool.

Au laboratoire, en vue de leur identification, les phlébo- tomes sont passés par différents bains (potasse caustique 20 %, eau distillée, Marc-André, alcool 70°, puis alcool 90°) qui durent en tout quatre heures. Les échantillons sont ensuite montés entre lames et lamelles dans une goutte de Marc-André pour les montages rapides ou d’Euparal pour les montages permanents.

Résultats et discussion

Les échantillonnages effectués entre 2015 et 2016 dans le foyer de leishmaniose cutanée humaine de Keur Moussa ont permis la récolte de 1 746 phlébotomes répartis entre 24 espèces, dont 11 nouvelles pour le foyer. Ces captures sont composées de 821 femelles et de 925 mâles.

Richesse spécifique et abondance de la faune de phlébotomes

Les espèces rencontrées sont présentées dans le tableau 1.

L’analyse du tableau 1 montre la dominance des mâles sur les femelles, avec 53 % contre 47 %.

Sur les 23 espèces, 2 sont du genre Phlebotomus, repré- sentant 11 % des captures, les 21 autres du genre Sergento- myia, soit 89 %.

Trois espèces sont dominantes : Sergentomyia schwetzi, un des vecteurs présumés de la leishmaniose canine dans la communauté rurale de Mont-Rolland [23] avec 38,1 % ; Sergentomyia distincta, sans rôle vecteur connu, avec 13,6 % ; etP. duboscqi, vecteur de la leishmaniose cutanée humaine au Sénégal [13], comptant pour 10,9 % de la faune.

Le complexe Sergentomyia antennata/Sergentomyia dubia (aux mâles morphologiquement indissociables) représente

(3)

15,5 %, un pourcentage assez élevé et méritant une attention particulière du fait de la récente découverte de l’implication deS. dubia(vecteur de la leishmaniose du gecko au Sénégal) dans la transmission de la leishmaniose canine dans la région de Thiès.

Les espèces restantes, hormis Sergentomyia buxtoni (6,5 %) etSergentomyia adleri(5,6 %), ne sont que faible- ment représentées, avec chacune moins de 5 %.

La comparaison des abondances des faunes rencontrées dans les trois sites fait apparaître une large dominance du domaine du monastère, avec 1 416 individus sur les 1 746 obtenus, soit 81 %, suivi du village de Ndoyène (14 %), puis du domaine des religieuses (5 %) (Tableau 2).

Ces résultats confirment par ailleurs la dominance de S. schwetzi dans les trois sites : respectivement 37,9 ; 43,3 ; et 27,1 %. Les deuxième et troisième espèces en abon- dance sont ainsi classées en fonction des sites :

site 1 :S. distincta(15,1 %),P. duboscqi(9,4 %) ;

site 2 :P. duboscqi(15,1 %),S. dubia(10,2 %) ;

site 3 : P. duboscqi (23,5 %), Sergentomyia magna (18,8 %).

Les autres espèces sont faiblement représentées même si S. adlerietS. buxtoniont des pourcentages supérieurs à 5 % dans le site 1, soit respectivement 6,75 et 7,34 %.

L’étude de la distribution des phlébotomes en fonction des biotopes et des types de piégeage ne peut être abordée que du point de vue quantitatif, les mêmes types de piégeage n’étant pas réalisés uniformément dans tous les biotopes. Il ressort ainsi du tableau 3 qu’une très grande majorité des captures a été obtenue au niveau des terriers de rongeurs ou d’autres petits animaux (à l’aide des papiers huilés et des CDC), avec un pourcentage de 95,4 %, soit 1 666 phlébotomes. Au niveau des habitations humaines où ont été utilisés les pièges lumi- neux et les pulvérisations intradomiciliaires, 43 individus ont été capturés, correspondant à 2,5 % du total, alors que les trous des troncs d’arbres n’ont fourni que 23 phlébotomes, soit 1,3 %. Les 14 autres phlébotomes sont répartis entre les amas de bois morts et le périmètre du dispensaire.

Tableau 1 Richesse spécifique, sex-ratio et abondance des phlébotomes en 20152016 à Keur Moussa /Sandflies specific diversity, sex-ratio and abundance in 20152016 at Keur Moussa

Genres Sous-genres Espèces Nb. femelles Nb. mâles Total %

Phlebotomus Phlebotomus duboscqi 64 126 190 10,9

Anaphlebotomus rodhaini 2 1 3 0,2

Sergentomyia Sergentomyia antennatafem. 59 59 3,4

dubiafem. 58 58 3,3

antennatadubia 154 154 8,8

schwetzi 327 339 666 38,1

buxtoni 103 11 114 6,5

distincta 100 137 237 13,6

Sintonius adleri 51 46 97 5,6

clydei 16 35 51 2,9

lewisiana 2 5 7 0,4

sidiolensis 1 3 4 0,2

tauffliebi 1 1 0,1

Parrotomyia magna 35 46 81 4,6

freetownensis f. 3 3 0,2

Grassomyia ghesquierei 1 6 7 0,4

inermis 2 2 0,1

squamipleuris 2 2 0,1

RondanomyiaTeodor, 1958 collarti 4 4 0,2

corneti 2 2 0,1

decipiens 1 1 0,1

dureni 1 1 0,1

ingrami 1 1 0,1

Incertae sedis hamoni 1 1 0,1

Totaux 821

(47 %)

925 (53 %)

1 592 100 100

(4)

Fréquence des espèces à Keur Moussa

La fréquence d’une espèce est exprimée par le pourcentage du nombre de présences de cette espèce sur la totalité des séances de capture effectuées. Une espèce est très commune si sa fréquence est supérieure à 50 %, commune à une fré- quence comprise entre 25 et 50 %, rare à une fréquence entre 10 et 25 % et très rare en dessous de 10 %.

Le calcul des fréquences est fait avec les deux méthodes d’échantillonnage les plus productives : le piégeage adhésif et le piégeage lumineux CDC.

Avec le piégeage adhésif

Sur l’ensemble des captures, 10 espèces sur les 24 captu- rées sont très communes :P. duboscqi,S. adleri,S. buxtoni , Sergentomyia clydei, S. dubia, S. magna, S. schwetzi, S. antennata,S. dubiaetS. distincta. Les autres espèces sont très rares. L’abondance et la fréquence des espèces sont inti- mement liées, les espèces les plus abondantes étant les plus fréquentes.

Les fréquences observées au niveau de chaque site pris séparément sont les suivantes :

site 1 : neuf espèces sont très communes :P. duboscqi, S. adleri, le complexeS. antennata–S. dubia, S. buxtoni, S. clydeietS. distincta; une espèce est commune :Ser- gentomyia lewisiana; deux espèces sont rares :Sergento- myia ghesquiereietSergentomyia collarti, et les espèces restantes sont très rares ;

site 2 : seules deux espèces sont très communes : P. duboscqiet le complexeS. antennata–S. dubia; deux espèces sont communes : S. magna et S. schwetzi ; S. distinctaest rare, et toutes les autres sont très rares ;

site 3 : les deux espèces qui étaient très communes dans le site 2 le sont ici :P. duboscqietS. antennata–S. dubia, de même queS. distincta.

Avec le piège lumineux

Sur l’ensemble des captures, seules cinq espèces sont très communes :P. duboscqi, S. antennata,S. buxtoni,S. dubiaet Tableau 2 Abondance des phlébotomes selon les sites de piégeage /Abundance of sandflies according to the sites

Espèces Site 1 Site 2 Site 3

(Monastère) (Village de Ndoyène) (Domaine des religieuses)

Nb. % Nb. % Nb. %

1 P. duboscqi 133 9,4 37 15,1 20 23,5

2 P. rodhaini 2 0,1 1 0,4 0 0

3 S. antennata 42 2,97 15 6,1 2 2,3

4 S. dubia 33 2,3 25 10, 9 0

5 S. antennataS.dubia 118 8,3 16 6,5 11 12,9

6 S. schwetzi 537 37,9 106 43,3 23 27,1

7 S. buxtoni 104 7,34 10 4,1 0 0

8 S. distincta 214 15,1 20 8,2 3 3,5

9 S. adleri 93 6,7 4 1,6 0 0

10 S. clydei 49 3,5 2 0,8 0 0

11 S. lewisiana 7 0,5 0 0 0 0

12 S. sidiolensis 4 0,3 0 0 0 0

13 S. tauffliebi 1 0,07 0 0 0 0

14 S. magna 62 4,4 3 1,2 16 18,8

15 S. freetownensis 1 0,07 2 0,8 0 0

16 S. ghesquierei 4 0,3 3 1,2 0 0

17 S. inermis 2 0,1 0 0 0 0

18 S. squamipleuris 2 0,1 0 0 0 0

19 S. collarti 3 0,2 1 0,4 0 0

20 S. corneti 2 0,1 0 0 0 0

21 S. decipiens 1 0,1 0 0 0 0

22 S. dureni 1 0,1 0 0 0 0

23 S. ingrami 0 0 0 1 0,4

24 S. hamoni 1 0,1 0 0 0 0

Total 1 416 81 % 245 14 % 85 5 %

(5)

S. schwetzi ;deux espèces sont communes :S. distinctaet S. magna; une espèce est rare :S. adleri; les autres sont très rares.

Les fréquences observées au niveau de chaque site pris séparément sont les suivantes :

site 1 : quatre espèces, P. duboscqi, S. buxtoni, S. antennata-dubiaetS. schwetzi, sont très communes ; S. distinctaetS. magnasont communes, etS. adleriest rare ; les autres espèces sont très rares ;

sites 2 et 3 : les espèces S. schwetzi et

S. antennata–S. dubiasont très communes ;P. duboscqi est très commune dans le site 2, mais rare dans le site 3 ; S. buxtonietS. distinctasont très rares dans le site 2, mais

très communes dans le site 3 ;S. magnaest très commune dans le site 2 et très rare dans le site 3 ; les espèces res- tantes sont rares dans les deux sites.

Variations saisonnières

Notre étude à Keur Moussa s’est déroulée pendant huit mois et à cheval sur deux années (2015 et 2016). Même si les échantillonnages n’ont pas été faits pendant une année entière, toutes les périodes et saisons du pays ont été couver- tes : saison sèche froide (décembre–février), saison sèche chaude (mars–juin), hivernage (juin–octobre) et période post-hivernale (octobre–décembre).

Tableau 3 Répartition des captures en fonction des biotopes /Distribution of sandflies by biotopes Tas bois

mort

Terriers Trous darbres Habitations Dispen-

saire

Totaux

Espèces PH PH CDC Total PH CDC Total CDC PID Total CDC

P. duboscqi 151 38 189 1 1 190

P. rodhaini 3 3 3

S. antennata

.

37 16 53 1 1 3 3 2 59

S. dubia 37 9 46 2 1 3 15 2 17 1 67

S. antennata dubia

103 28 131 12 12 2 2 145

S. schwetzi 6 488 164 652 1 1 4 4 3 666

S. buxtoni 1 84 20 104 2 2 7 7 114

S. distincta 216 12 228 2 2 6 6 1 237

S. adleri 92 4 96 1 1 97

S. clydei 48 2 50 1 1 51

S. lewisiana 7 7 7

S. sidiolensis 4 4 4

S. tauffliebi 1 1 1

S. magna 62 17 79 1 1 1 1 81

S. freetownen- sis

3 3 3

S. ghesquierei 6 6 1 1 7

S. inermis 1 1 2 2

S. squami- pleuris

2 2 2

S. collarti 4 4 4

S. corneti 2 2 2

S. decipiens 1 1 1

S. dureni 1 1 1

S. ingrami 1 1 1

S. hamoni 1 1 1

Totaux 7 1 354 312 1 666 22 1 23 41 2 43 7 1 746

% 0,4 95,4 1,3 2,5 0,4 100 %

(6)

L’analyse de la figure 1 représentant les fluctuations de l’ensemble des espèces fait ressortir globalement trois pério- des importantes :

novembre à février (fin de la saison pluvieuse vers la mi- saison sèche) : la population de phlébotomes augmente régulièrement, maintenant des densités relativement faibles ;

mars à juin (seconde moitié de la saison sèche) : les plus fortes densités de phlébotomes y sont rencontrées ;

juillet à octobre (saison pluvieuse) : marquée par une chute considérable de l’abondance des phlébotomes qui se main- tient à de faibles proportions durant tout l’hivernage.

Discussion

La richesse spécifique de la faune phlébotomienne de Keur Moussa est passée depuis la découverte de ce foyer leishma- nien entre 1976 et 1979 [4,11,12,15] de 11 à 13 espèces durant la dernière surveillance interépidémique de 1992 [21]. Elle compte actuellement 24 espèces et est toujours sous la dominance deS. schwetzi.

P. duboscqi, le vecteur de la leishmaniose cutanée humaine, était constamment la deuxième espèce en abon- dance, suivie du complexeS. antennata–S. dubia, mais elles sont actuellement dominées parS. distincta.

À 27 km de là, dans la même région de Thiès, à Mont- Rolland, aux biotopes et conditions bioécologiques diffé- rents, Bâ et al. [2] puis Senghor et al. [23] ont remarqué

l’absence de P. duboscqi et la dominance de S. schwetzi, suivie de S. dubia, puis de Sergentomyia squamipleuris.

Dans d’autres régions du Sénégal, des faunes similaires ont été obtenues comme à Dodel, Diomandou et Thialaga (vallée du fleuve Sénégal), où Niang [19] a capturé, entre 1990 et 1991, 1 837 phlébotomes, et à Kédougou où Bâ et al.

[3] ont trouvé 25 espèces. Les phlébotomes impliqués dans la transmission des leishmanioses au Sénégal,P. duboscqi, S. schwetzi, etS. dubia[5,17,23], confirment ici leur inféo- dation à la région.

L’abondance actuelle de la faune de phlébotomes selon les sites se rapproche de celle observée par Niang et al.

[21] : la plus forte densité est trouvée dans le domaine du monastère.S. schwetziy a été et est toujours la plus abon- dante ; elle était suivie deP. duboscqiet deS. magnaqui sont actuellement dominées par S.distincta.

De telles évolutions phénologiques font penser à l’influ- ence du climat et du biotope. En effet, avec le temps, les modifications des écosystèmes sous l’action des change- ments climatiques et de la pression anthropique affectent forcément les biocénoses végétales et animales, comme l’at- teste l’OMS dans sa publication datant de 2011. Il y est dit qu’une augmentation de 1 °C de la température de juillet ferait apparaître l’espèce Pratylenchus neglectus en Autri- che, un pays jusque-là exempt de ces insectes.

Pour ce qui est de l’abondance des phlébotomes en fonc- tion des biotopes, il a été confirmé que les terriers de ron- geurs sont les plus fréquentés, avec l’utilisation des papiers huilés, comme signalé auparavant dans différentes localités du Sénégal, dont Thiès [17], dans le foyer de Keur Moussa

Fig. 1 Variations saisonnières des espèces de phlébotomes à Keur Moussa en 20152016 / Seasonal variations of sandflies species in Keur Moussa during 20152016

(7)

[4,21] et à Mont-Rolland [23]. Les terriers sont des gîtes de ponte et de développement larvaire, des lieux de repos et de recherche de repas sanguin sur les rongeurs [1]. Les trous d’arbres, les haies au niveau du dispensaire et les amas de bois morts sont moins productifs, n’étant que des gîtes de repos et de ponte. Ces différences d’abondance ont déjà été notées [2,15,19,20,23,25].

Dans d’autres régions du pays, les termitières et trous d’arbres sont plus fréquentés, comme ce qui a été trouvé dans le Ferlo [22,24] ou à Kédougou, où le climat et la bio- géographie sont bien plus favorables [3].

Les fluctuations saisonnières font apparaître une présence quasi constante des populations de 5 des 23 espèces de phlé- botomes (S. schwetzi, S. distincta, S. antennata–S. dubia, P. duboscqietS. magna) durant toute l’année, ponctuée par trois périodes de plus grande activité qui semblent traduire une succession de trois générations : en novembre après l’hi- vernage, vers février et en mai–juin.S. schwetziconnaît sa plus forte densité en février, tandis queP. duboscqia été plus active en fin de saison sèche, mai–juin et le complexe S. antennata–S. dubia, en mars. Ces variations, précédem- ment observées dans la zone [8,15,21], s’expliqueraient par l’influence de la température et de l’hygrométrie durant la saison sèche et celle négative des pluies abondantes pendant l’hivernage, qui inondent les terriers et empêchent le déve- loppement larvaire. La même chose a déjà été observée à Mont-Rolland [2,23].

Conclusion

Notre étude menée à Keur Moussa, foyer de leishmaniose cutanée humaine du Sénégal, a permis de réactualiser les données faunistiques et épidémiologiques après huit mois d’échantillonnage (2015-2016). Ainsi, parmi les 1 746 phlé- botomes capturés, nous avons retrouvé 24 des 30 espèces décrites au Sénégal, dont 2 du genre Phlebotomus, représen- tant 11 %. La faune s’est enrichie de 11 espèces depuis les travaux de surveillance de 1992.

S. schwetzi, une des espèces impliquées dans la leishma- niose canine à Mont-Rolland, situé à 27 km de Keur Moussa, est la plus abondante avec 38 %, tandis queP. duboscqi, vecteur de la leishmaniose cutanée humaine au Sénégal, assez bien représentée avec 11 %, occupe la troisième place derrière le complexeS. antennata–S. dubia(15,5 %), com- prenant S. dubia, vecteur de la leishmaniose du gecko au Sénégal et impliquée dans la transmission de la leishmaniose canine à Mont-Rolland. Ces espèces se montrent toujours inféodées aux terriers de rongeurs et sont capturées plus abondamment à l’aide du piégeage adhésif.

L’étude écologique nous a permis de bien constater la relation d’influence étroite entre les facteurs météorolo- giques, température, pluviométrie et humidité relative sur

la dynamique saisonnière de population des phlébotomes.

C’est dans la seconde moitié de la saison sèche que l’activité des phlébotomes est le plus intense, atteignant le maximum d’abondance et de richesse spécifique. Les pluies abondan- tes de l’hivernage suffisent à elles seules à réduire considéra- blement les populations en inondant les gites larvaires et de repos.

En dehors deP. duboscqidont les effectifs ne semblent pas être menaçants pour la survenue d’épidémie de leishma- niose, une attention particulière doit être portée sur les espè- cesS. schwetzietS. dubia, vu leur bonne représentation dans la zone, leur implication dans la leishmaniose canine à Mont-Rolland. Leur relation avec Leishmania infantum (qui, en plus d’être l’agent étiologique de la leishmaniose canine, est aussi impliquée dans la leishmaniose viscérale zoonotique dans l’Ancien Monde et, dans de rares cas, dans la leishmaniose cutanée humaine) en fait des espèces poten- tiellement dangereuses pour la santé humaine et animale.

Les études parasitologiques sur les femelles capturées à Keur Moussa ont été entamées, avec les extractions d’ADN sur des femelles à l’aide du « Kit DNA Qiagen ». Il s’agira prochainement de faire des PCR sur ces ADN afin de détec- ter la présence éventuelle de leishmanies. Quels que puissent être les prochains résultats, des études parasitologiques devraient être initiées au niveau de la population humaine et chez les rongeurs réservoirs de la leishmaniose. La dispo- nibilité croissante de l’alimentation au niveau de la zone, due en partie à une pluviométrie de plus en plus abondante, et l’augmentation de la richesse spécifique au fil des ans sont des conditions favorables à la survenue de potentielles pério- des d’épidémies.

RemerciementsLes auteurs remercient l’Institut fondamen- tal d’Afrique noire Cheikh Anta Diop (IFAN Ch. A Diop) pour le financement de ce travail. Remerciements aussi à l’endroit des moines et des sœurs servantes des pauvres de Keur Moussa pour leur accueil et les facilitations dont nous avons fait l’objet durant notre séjour à Keur Moussa.

Liens d’intérêt :Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt.

Bibliographie

1. Abonnenc E (1972) Les phlébotomes de la région éthiopienne (Diptera, Psychodidae). Mém ORSTOM 55, 289 pp

2. Bâ Y, Trouillet J, Thonnon J, Fontenille D (1998) Phlébotomes du Sénégal (Diptera, Psychodidae) : peuplement et dynamique des populations de la région de Mont-Rolland. Parasite 5:143–50 3. Bâ Y, Trouillet J, Thonnon J, Fontenille D (1999) Phlébotomes du Sénégal : inventaire de la faune de la région de Kédougou.

Isolements darbovirus. Bull Soc Pathol Exot 92:1315 [http://

www.pathexo.fr/documents/articles-bull/T92-2-1978.pdf]

(8)

4. Blanchot M, Lusina D, Beunier E (1984) Surveillance interépidé- mique dun foyer de leishmaniose cutanée au Sénégal. Med Trop 44:3540

5. Dedet JP, Derouin F, Cornet M (1978) Infestation spontanée de Phlebotomus duboscqi par des promastigotes de Leishmania au Sénégal. C R Acad Sci Hebd Seances Acad Sci D 286:301–2 6. Dedet JP, Derouin F, Hubert, et al (1979) Isolation ofLeishma-

nia majorfromMastomys erythroleucusandTatera gambianain Senegal (West Africa). Ann Trop Med Parasitol 72:3337 7. Dedet JP, Derouin F, Hubert B (1979) Écologie dun foyer de

leishmaniose cutanée dans la région de Thiès (Sénégal, Afrique de lOuest) 1. Rappel sur la situation de la leishmaniose cutanée au Sénégal et présentation de la zone étudiée. Bull Soc Pathol Exot 72: 124–31

8. Dedet JP, Desjeux P, Derouin F (1980) Écologie d’un foyer de leishmaniose cutanée dans la région de Thiès (Sénégal, Afrique de lOuest) 4. Infestation spontanée et biologie de Phleboto- mus duboscqi Neveu-Lemaire, 1906. Bull Soc Pathol Exot 73:26676

9. Dedet JP, Hubert B, Desjeux P, Derouin F (1981) Écologie dun foyer de leishmaniose cutanée dans la région de Thiès (Sénégal, Afrique de L’Ouest) 5. Infestation spontanée et rôle de réservoir de diverses espèces de rongeurs sauvages. Bull Soc Pathol Exot 74:717

10. Dedet JP, Lemasson JM, Martin J, et al (1979) La leishmaniose cutanée dans la région du Fleuve Sénégal (Afrique de lOuest).

Évaluation du taux dendémicité dans la population humaine.

Ann Soc Belg Med Trop 59:2132

11. Dedet JP, Marchand JP, Strobel M, et al (1979) Écologie dun foyer de leishmaniose cutanée dans la région de Thiès (Sénégal, Afrique de l’Ouest) 2. Particularités épidémiologiques et clini- ques de la maladie humaine. Bull Soc Pathol Exot 72:24553 12. Dedet JP, Pradeau F, De Lauture H, et al (1979) Écologie dun

foyer de leishmaniose cutanée dans la région de Thiès (Sénégal, Afrique de lOuest) 3. Évaluation de lendémicité dans la popu- lation humaine. Bull Soc Pathol Exot 72:45161

13. Dedet JP, Safjanova VM, Desjeux P, et al (1982) Écologie dun foyer de leishmaniose cutanée dans la région de Thiès (Sénégal, Afrique de l’Ouest) 6. Caractérisation et typage des souches de Leishmania isolées. Bull Soc Pathol Exot 75:15568

14. Dedet JP, Winshall R, Hayes RD, Desjeux P (1980) Les phlébo- tomes (Diptera, Psychodidae) de la vallée du fleuve Sénégal. Pre-

mière mention de Sergentomyia (Parvidens) lesleyae Lewis et Kirk, en 1946 en Afrique de lOuest. Ann Parasitol 55:12533 15. Desjeux P, Dedet JP (1982) Ecology of a focus of cutaneous

leishmaniasis in the Thies region (Senegal, West Africa) 7. Epi- demiologic synthesis after 5 years observation and a working hypothesis. Bull Soc Pathol Exot 75: 62030

16. Desjeux P, Waroquy L (1981) Mise en évidence du cycle évolutif de la leishmaniose du geckoTarentola annuaris(Geoffroy Saint- Hilaire, 1823) au Sénégal. Rôle vecteur deSergentomyia dubia (Parrot, Mornet et Cadenat, 1943) Afr Med 19:339442 17. Desjeux P, Waroquy L (1981) Étude entomologique de 3 000 phlé-

botomes (Diptera, Psychodidae) du Sénégal. Infestation sponta- née par Trypanosomatidae. Afr Med 20:34752

18. Larivière M, Abonnenc E, Kramer R (1961) Chronique de la leishmaniose cutanée en Afrique occidentale. Problème du vec- teur. Bull Soc Pathol Exot Filiales 54:103146

19. Niang AA (1992) Étude bioécologique de Phlebotomus dubosqi Neveu-Lemaire, 1906 (Diptera, Psychodidae), vecteur de la leish- maniose cutanée humaine au Sénégal. Thèse de doctorat 3ecycle biologie. Anim Univ Ch A DIOP Dakar Fac. Sciences 008:148 pp.

20. Niang AA, Trouillet J (1995) Phlébotomes du Sénégal (Diptera, Psychodidae) Faune de la vallée du fleuve Sénégal. Bull Inst Fond Afr Noire 48:6778

21. Niang AA, Trouillet J, Faye O (1998) Surveillance interépidé- mique du foyer leishmanien de Keur Moussa (Thiès, Sénégal).

Parasite 5:519

22. Said Omar SA, Senghor MW, Niang AA (2014) Phlébotomes (Diptera, Psychodidae) du Sénégal. Peuplement phlébotomien dans les périmètres reboisés de Tessékéré (Ferlo, Sénégal). Bull Inst Fond Afr Noire 53:6782

23. Senghor MW, Faye MN, Faye B, et al (2011) Ecology of phlebo- tomine sand flies in the rural community of Mont-Rolland (Thies region, Senegal): area of transmission of canine leishmaniasis.

PLoS One 6:e14773. doi: 10.1371/journal.pone.0014773 24. Trouillet J, Bâ Y, Traoré-Lamizana M, et al (1995) Phlébotomes

(Diptera, Psychodidae) du Sénégal. Peuplement du Ferlo. Isole- ment darbovirus. Parasite 2:28996

25. Trouillet J, Faye O (1993) Phlébotomes du Sénégal. Présence de Phlebotomus (Phlebotomus) bergeroti Parrot, 1934 (Diptera, Psy- chodidae). Ann Parasit Hum Comp 68:1013

26. Trouillet J, Niang AA (1994) Leishmanioses et phlébotomes au Sénégal : revue historique et état actuel des connaissances. Bull Inst Fond Afr Noire 47:7385

Références

Documents relatifs

Chez notre patiente, on notait un antécédent de syn- drome de Stevens-Johnson sous diclofénac et l ’ apparition de la forme grave (syndrome de Lyell) moins de 24 heures après

Résumé L ’ objectif de notre étude est de mettre à jour les données épidémiologiques de la trypanosomose humaine africaine (THA) dans un des foyers connus de la

Or, les antibiotiques contre la lèpre ne sont plus disponibles, en Haïti, et aucun système de surveil- lance ni d ’ enregistrement des nouveaux cas n ’ existe à notre connaissance

Manifestations neurologiques centrales chez les patients infectés par le VIH dans le service des maladies infectieuses du CHU de Casablanca, Maroc.. Central Neurological Diagnosis

Twelve species of Aedes have been reported in Iran till now, including Aedes vexans, Aedes geniculatus, Aedes caballus, Aedes caspius, Aedes pulchritarsis, Aedes detritus,

Pour chaque adolescent, les variables analysées étaient le sexe, l ’ âge de découverte de la maladie, le nombre d ’ enfants atteints de drépanocytose dans la famille, le

This study concerned 269 dogs suspected of canine leishma- niosis (CanL) which were presented to the hospital of the National School of Veterinary Medicine of Sidi Thabet, Tunisia..

1 Unité des maladies infectieuses et tropicales, centre hos- pitalier Andrée-Rosemon, Cayenne 97300, Guyane fran- çaise ; 2 Département universitaire de médecine générale, faculté