M ATHÉMATIQUES ET SCIENCES HUMAINES
P. P ARLEBAS
Centralité et compacité d’un graphe
Mathématiques et sciences humaines, tome 39 (1972), p. 5-26
<http://www.numdam.org/item?id=MSH_1972__39__5_0>
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CENTRALITÉ ET COMPACITÉ D’UN GRAPHE
par P. PARLEBAS1
RÉSUMÉ
Un
grand
nombre de situations depsychologie
sociale peuvent êtreinterprétées
en termes degraphe,
notamment celles
qui
traitent desphénomènes
de relation et de communication. Les travaux de A. Bavelaset H. Leavitt ont révélé
l’influence
desdifférents
types de réseaux sur le comportement des groupes ; ils ontmis en
pleine
lumière l’intérêt de la notion de centralité. Les recherches de C. Flament ont enrichi etfortement
nuancé ces résultats en
faisant apparaître
lepoids
de la nature de la tâchequi interfère
defaçon
déterminanteavec le réseau lui-même.
On a tenté de montrer ici que l’indice de centralité
adopté
par Bavelas n’était pas entièrement satis-faisant
tant aupoint
de vuepsycho-social
quemathématique.
Un autre indice a étéproposé :
la centralitéd’un réseau évolue alors entre deux bornes dont la
supérieure correspond
augraphe-étoile
etl’inférieure
aux
graphes homogènes qui
comprennent entre autres legraphe-cycle
et legraphe-clique.
De
façon complémentaire,
a été étudiée la dimension decompacité ;
ungraphe
a étéréputé
d’autantplus
compact que sa somme des relais estproche
de zéro. On s’estappuyé
sur la relation d’intermédiarité àlaquelle a
été attachée la notion de relais. Lacompacité
d’un réseau peut osciller entre un maximum illustré par legraphe-clique
et un minimumreprésenté
par legraphe-chaîne.
Il semble
que la
notion de relais et la distinction entre relaissimple
et relais fort permettent de rendre compte defaçon opérationnelle
de certainsphénomènes
de groupe(cohésion, centralisation,
circulation del’information, redondance, saturation).
La notion de relais semblepouvoir jouer
un rôled’importance
dans l’évaluation et
l’interprétation
des processus de communication.De nombreuses situations de
psychologie
socialepeuvent
êtrereprésentées
sous forme degraphe
2. Soit ungraphe
G =(X, U) ;
l’ensemble X des sommets dugraphe peut
parexemple, symboliser
les
sujets
d’un groupe et l’ensemble U des arcs une relation, unissant cessujets:
relation affective(sociogramme), possibilités
de transmission d’information(réseau
decommunication),
liaisons néces-saires pour mener à bien une action
(modèle
detâche)...
1. UER de Mathématique, Logique Formelle et Informatique, Université René Descartes, Paris.
2 L’auteur remercie vivement B. Monjardet pour ses suggestions et ses conseils au cours de cette étude.
Est-il
possible d’apprécier quantitativement
lespropriétés
d’un tel réseau ? Peut-on mesurercertaines
caractéristiques
dugraphe
à l’aide d’indices ? Peut-on comparer des réseaux ? Enbref,
est-ilpossible
de déterminer des mesures del’organisation
interne dugraphe qui
susciteront desinterprétations
intéressantes de la situation
psychosociale correspondante ?
l.A. LA
CENTRALI TÉ
D’UN GRAPHEC’est Alex
Bavelas, puis
Harold Leavittqui,
dans laperspective
des travaux de KurtLewin,
ont effectuéles
premières
recherches en ce domaine.Bavelas a tenté d’établir une liaison entre le comportement des individus d’un groupe de travail et les
caractéristiques
du réseau de communicationimposé
à ce groupe,caractéristiques
résumées dans unindice dit de « centralité». Au cours de ses
expériences,
il utilise notamment quatre réseauxtypés
de5 sommets chacun: les réseaux dits « en
cercle »,
« enchaîne»,
« enY»,
« en roue»(ou
« enétoile»).
En
langage
degraphe,
lepremier
est uncycle,
les trois autres sont des arbres(graphe
connexe sanscycle).
Ces réseaux peuvent être ordonnés de telle sorte que leur centralité relativeparaisse, intuitivement,
deplus
enplus
accentuée(Fig. 1).
Figure
1Les quatre réseaux de Bavelas ordonnés selon une centralité croissante
Est-il
possible
d’associer à cesgraphes
une mesure de centralité en accord avec les données intuitives ? Est-ilpossible
degénéraliser
cette mesure à toutgraphe ?
Avant de commenter les résultats obtenus par
Bavelas,
il semble souhaitable de fonder lalégitimité
de certainesopérations mathématiques
que nous utiliseronsabondamment,
en recourant aux concepts et aux résultats de la théorie desgraphes [1].
I. TRAITEMENT DU
RÉSEAU CONSIDÉRÉ
COMME UN GRAPHETous les
graphes
considérés ici serontsymétriques,
c’est-à-dire que toute liaison(x, y)
se double d’uneliaison
(y, x).
Toute liaison entre deux sommets est donc constituée de deux arcs inverses: elle est
appelée
arête ;
ici,
les arêtes ne seront p as valuées.Une chaînes de x à y : p.
(x, y)
est uneséquence
d’arêtes d’extrémité initiale x et d’extrémité termi-1. Harary ([10], [11]) a étudié des questions analogues dans le cas d’un graphe à n sommets, non forcément symétrique,
ni même connexe. A la suite de Bavelas, on étudie ici la classe des graphes symétriques (ou non orientés) connexes à n sommets.
nale y.
Quand
entre deuxpoints quelconques
d’ungraphe,
passetoujours
au moins unechaîne,
cegraphe
estréputé
connexe. Lesgraphes
que nous utiliseronsici,
seront tous connexes.Les
graphes
G que nousétudierons, appartiendront
tous à l’ensemble e desgraphes
connexes etsymétriques.
La
zingueur
d’une chaîne allant de x à y estégale
au nombre de ses arêtes que nous noterons ainsi:longueur dey (x, y) = 1 {.L (x, y) 1
Est
réputée piste
de x à y, p(x, y)
toute chaîne delongueur
minimumjoignant
x à y.On
appelle
écart entre deux sommets x et y, d(x, y)
lalongueur
de toutepiste joignant
x à y:L’écart entre deux sommets est donc
égal
au nombre d’arêtes de laplus
courte chaîne reliant cesdeux
points.
La
caractéristique
fondamentale pour notreétude,
est que cet écartpossède
lespropriétés
d’unedistance au sens
topologique
du terme.-
Propriété
depositivité:
-
Propriété
desymétrie:
-
Propriété d’inégalité triangulaire:
Il s’ensuit que les
graphes
connexes etsymétriques
seprêtent
auxopérations classiques
réalisablessur les distances.
Remarquons
que cela n’estpossible
quegrâce
à lapropriété
desymétrie qu’on
s’estoctroyée
audépart (cas
dessociogrammes
de choixréciproques
des réseaux de communication à liaisonssymétriques,
des réseaux de circulation à double sens,etc.).
Pour tout
graphe,
il estpossible
de dresser la matrice des écarts(ou
matrice desdistances)
associéeà ce
graphe.
Si un
graphe
G a n sommets(xi.
x2, ... xi, XJI ...xn),
la matrice des écarts de G est une matrice carrée d’ordre n dont les n2 éléments sont constitués par l’ensemble des écarts d(xi, xl).
Établissons
parexemple,
la matrice des distances dugraphe
« en Y»(Fig. 2).
Figure
2. Matrice des écartsSoit un sommet
quelconque
xi.Appelons
somme des écarts S(xi) (ou
somme desdistances)
dusommet xi d’un
graphe
G d’ordre n, la somme des écartsséparant
ce sommet xi des n - 1 autres sommetsde ce
graphe:
Ici,
on a:Appelons
somme des écarts S( G) (ou
somme desdistances)
dugraphe
G d’ordre n, la somme totaledes sommes des distances des n sommets de ce
graphe:
La somme des distances d’un sommet et la somme des distances d’un
graphe représentent
lesmatériaux de base
qui
seront utilisés pour mesurer lescaractéristiques
de liaisons d’ungraphe.
Lapremière correspondra
à Ia «proximité »
d’un élément vis-à-vis de tous les autres; la seconde à la «proxi-
mités
globale
de tous les éléments d’un ensemble entre eux.II. L’INDICE DE
CENTRALITÉ
DE BAVELASPour étudier la centralité d’un
graphe,
Bavelas s’estappuyé
sur la somme des distances dechaque
sommet et sur la somme des distances du réseau
[2].
Il a défini un indice de centralité C(xi)
d’un sommetquelconque
xi tel que :Dans le
graphe précédent
parexemple:
L’indice de centralité C
( G)
dugraphe
G est tel que :Dans notre
exemple:
En revenant aux quatre réseaux de
Bavelas,
on constate que les indices de centralitérespectifs
permettent bien d’ordonner ces
graphes
selon l’ordre de centralité croissante souhaité:25
(en cercle), puis 26,10 (en chaîne), puis 26,20 (en Y),
enfin26,29 (en étoile).
Présentant une
grande originalité,
les travaux de Bavelas et Leavitt ont débouché sur des résultats très intéressants aupoint
de vue de ladynamique
des groupes de travail. Dans les situationsexpéri-
mentales
qu’ils
ontcréées,
ces auteurs ont en effet mis en évidence que lesperformances
de groupe étaient d’autantplus
élevées que la centralité du réseau étaitplus prononcée.
D’autre part, ils ontégalement
constaté que ledegré
de satisfaction dessujets
était d’autantplus
élevé que la centralité du réseau étaitplus
faible(Fig. 3).
« Ces mesures decentralité,
écritLeavitt,
sont en corrélation avecle comportement que nous avons observé»
[3].
Figure
3Schématisation des résultats de Bavelas
Ainsi était nettement montré que la structure d’un réseau de communication
(mesurée
ici parsa«
entrantes) pouvait
influencer defaçon marquée
les comportements d’un groupe de travail.III. LES RECHERCHES DE CLAUDE FLAMENT
Flament a
repris
les recherches de Bavelas et Leavitt en seposant
laquestion
suivante : peut-ongéné-
raliser ces résultats à toutes les situations de
groupe ?
Interprétant
les résultats de diverspsycho-sociologues
et menant lui-même de nombreusesexpériences,
il a montré que les résultats de Bavelas ne sont pasgénéralisables [5].
L’influence d’un réseausur le comportement d’un groupe n’est pas
pré-déterminée
defaçon rigide;
eneffet,
elle interfère avecla nature de la tâche du groupe. Flament propose à ses groupes
expérimentaux plusieurs
types de tâchesdont par ailleurs il détermine à titre de référence le modèle
formel,
apriori (graphe loptimum
descommunications
nécessaires).
Les groupesexpérimentaux disposent
audépart
d’un réseau riche enpossibles
et ilspeuvent
choisir eux-mêmes leur propreorganisation
interne. Flament constate que les groupes tendent tous au cours de la résolution de leur tâche à assurer unisomorphisme
entre lemodèle formel de la tâche et la structure des communications
adoptées.
Cequi
semble donc compter,ce n’est pas le réseau
seul,
mais lecouple tâche-réseau, l’adéquation
de l’un à l’autre. En tendant verscet
isomorphisme,
le groupe tend vers la meilleureperformance.
Laprise
de conscience par lessujets
de ces rapports tâche-réseau peut elle-même intervenir : la
performance
s’accroîtquand
lessujets
prennent conscience des rapports entre les
possibilités
du réseau et les nécessités de la tâche.Chemin
faisant,
Flament acritiqué
l’indice de centralité de Bavelasqui
enfait,
mesurerait« le
degré
dedisparité
entre lespoints
dugraphe» [4].
Ilsouligne
que le réseau « en cercle>y(graphe-
cycle)
et le réseau «complet» (graphe-clique)
ont le même indice decentralité,
cequ’il juge inaccep-
table
(Fig. 4).
« Il estclair, écrit-il,
que ces deux réseaux ne peuvent êtrejugés identiques
quant à leur centralisation»[5].
Figure
4Deux réseaux de même centralité
Ce cas est considéré comme un
contre-exemple
rédhibitoire par cet auteur.Or,
comme nous le verrons, il estpossible d’envisager
une définition de la centralité d’ungraphe
telle que les deux réseauxprécédents
aient une centralitéidentique
et cela sans aucune incohérence.La clef de la
position
de Flamentapparaît lorsqu’il
écrit : « L’indice de centralité necorrespond
pas à la
propriété
des réseaux dont Bavelas s’attendait à cequ’elle
détermine l’activité du groupe. o Flament a manifestement montré que ladépendance
de laperformance
vis-à-vis du réseau n’obéissait pas à l’absolu déterminismeproposé
parBavelas ;
celui-ci en effet rattache étroitement laperfor-
mance au réseau et définit le réseau par la
centralité ;
Flament démontre que la liaisonperformance-
réseau est
erronée,
mais cela n’entraîne pas pour autant que la centralité d’un réseau soit unepropriété
sans intérêt.
Le propos de ce chercheur est
peut-être
excessiflorsqu’il
écrit: « Il nes’agit
pas deremplacer
cet indice par un autre, mais de
reprendre l’analyse
des rapports entre réseau et tâche dans leur ensemble.» Eneffet,
ces deuxapproches
ne semblent pasincompatibles.
Cequi
est remis en cause defaçon élégante
parFlament,
c’est l’utilisation étroite d’un indice de centralité dans une théorieprônant
une influence
despotique
des réseaux sur latâche ;
mais ce n’est pas lalégitimité
d’un indicepertinent
de centralité.
En
effet,
dans de nombreux secteurs de lapsychologie sociale,
lapossession
d’une mesure del’organisation
interne d’un réseau semble d’ungrand
intérêt(sans
que celapréjuge
d’unequelconque opinion
quant à l’influence de cetteorganisation
sur le comportement d’un groupe parexemple).
IV.
CRITIQUE
DE L’INDICE DE BAVELASFlament s’est
posé
laquestion:
« Les résultats de Bavelas concernant laperformance
des groupes sont-ilsgénéralisables
?» Pour notre part, nous nous poserons laquestion
suivante: « L’indice de centralité de Bavelas est-ilgénéralisable ?»
Au
premier regard,
cet indice estséduisant,
car ilparaît
biens’ajuster
à la notionqu’on
se faitde la
centralité,
notion illustrée parexemple,
par la série croissante des quatre réseauxexpérimentaux déjà
observés. C’est certainement l’une des raisons pourlesquelles
de nombreux ouvrages depsycho- sociologie
actuelsreprennent
avec abondance l’indice de Bavelas devenuclassique,
etparlent
de types de réseaux « encercle >y,
« enchaîne o,
« enY», «
en étoile o.L’a~rmation de Leavitt selon
laquelle «
le concept de centralité défini par Bavelas est utile pour décrire les différences à l’intérieur et entre les structures»[3]
estpeut-être
hasardeuse. Eneffet,
ilparaît
délicat d’évaluer de telles différences : dans le cas
précédent
où n =5,
commentinterpréter
la différencede
1,29 qui sépare
« l’étoile » du « cercle» ou la différence de0,19 séparant «
l’étoile » de la « chaîne » ? Enprésence
de deux réseaux dont le nombre d’élémentsdiffère,
ne serait-ce que d’uneunité,
les diffi- cultés augmentent. L’indice de centralité du réseau en cercle atteint 25 pour n = 5 et 100 pour n = 10 ;ne
s’agit-il
pourtant pas de la même structure ? Et la centralité de ce même réseau « en cercle»qui
vaut100 pour n = 10 serait-elle
supérieure
à la centralité de « l’étoile » pour n =9,
centralitéqui
n’atteintalors que
84,27 ?
Ces
quelques
difficultéspourraient cependant
être aisément surmontées: il suffirai de normerl’indice. Le vrai
problème,
c’est que cet indice ne semble pasadapté
à la mesure del’objet
pourlequel
il a été conçu. En
effet,
les types de réseaux trèscaractéristiques
et bien mis en relief d’ailleurs parBavelas,
ne s’ordonnent pas sur l’échelle de centralité selon un ordre invariantlorsque
l’effectif du réseauaugmente. Lorsqu’il
affirme que « cesquatre
réseauxprésentaient
des extrêmes en centralité(comme
lecercle par
opposition
àl’étoile) » [3],
Leavitt sembleignorer
que l’ordination selon une centralité crois-sante de ces
quatre graphes
est brutalementprise
en défaut dèsque n >
8. Il seproduit
unbrusque
renversement des valeurs de centralité.
Ainsi,
pour n =10,
la chaînepossède
un indice de Bavelassupérieur (104,64)
à celui de l’étoile(103,88) !
Il y a doncincohérence, non-fidélité,
des valeurs de l’indice de cen- tralité vis-à-vis des structurescorrespondantes.
Le Tableau
(Fig. 5)
illustre les contradictions résultantes. L’indice de Bavelas semble démuni devalidité ; il
n’est pasgénéralisables.
Figure
5Tableau de la valeur des indices de centralité de Bavelas en
fonction
du nombre de sommets des réseauxLes deux bornes de centralité choisies par Bavelas semblent pourtant
pertinentes :
- Le cercle: à centralité minimum.
- L’étoile: à centralité maximum.
C’est l’indice
proposé qui paraît inadéquat.
Si l’ons’y réfère,
les deux bornesprécédentes
nedélimitent
plus
un intervalle de centralité contenant tous les réseaux intermédiairespossibles.
Eneffet,
la chaîne - entre autres - crève ce
pseudo-intervalle,
cequi
est incohérent.Cet indice semble donc doublement
inacceptable:
- Au
point
de vuepsychosocial :
un réseau en chaîne ne peut être considéré comme étantplus
centraliséqu’un
réseau en étoile. Et le renversement de l’ordre de centralité de ces deux réseaux en fonction de l’effectif neparaît
paspouvoir
êtrejustifié
par desphénomènes psycho-sociaux.
- Au
point
de vuemathématique :
il convient de définir un intervalle dont les deux bornes invariantes encadrentrigoureusement
tout lechamp
despossibles.
V. PROPOSITION D’UNE MESURE DE LA
CENTRALITÉ
D’UN GRAPHE1.
Approche
intuitive de la notion de centralitéLa série croissante des quatre réseaux
proposés
par Bavelas semble très biencorrespondre
à cequ’on
peut entendre par centralité. Il faut
cependant
apporterquelques précisions.
Lorsqu’on
dit d’une structurehiérarchique qu’elle
estcentralisée,
on entend par là que toutes lesquestions importantes
sont canalisées vers un seul centre parqui
passent toutes lesdécisions ; lorsqu’on
dit que le réseau ferroviaire
français
estcentralisé,
oncomprend
que toutes lesgrandes lignes
convergentvers la même
ville, Paris, qui
est souvent unpoint
de passageobligé
entre deux autresgrandes
cités.C’est cette idée que nous
retiendrons;
la notion de centralitécorrespond
au faitqu’un
sommet estprivi- légié
vis-à-vis de l’ensemble des autres aupoint
de vue de l’accès à la « communication».Pour
apprécier
cettecommunicabilité, plusieurs
critèresquantifiés
sontdisponibles:
onpourrait
par
exemple,
utiliser l’ëcartement dechaque
sommet(c’est-à-dire
lalongueur
de laplus longue piste
issuede ce
sommet),
le rayon dugraphe (écartement
d’un sommet d’écartementminimum)
ou encore lediamètre
(écartement
d’un sommet d’écartementmaximum). Ici,
nous choisirons la somme des écarts dechaque
sommet comme critère debase,
car d’une part, ils’agit
d’une distance au sensrigoureux
duterme et d’autre part, cette somme des écarts semble assez bien
adaptée
aux situations concrètescorrespondant
à ladynamique
d’un groupe(aspects
fonctionnelset/ou
affectifs des groupes detravail,
groupes de
discussion, équipes sportives,
modèles detâches).
Dans ce cas, le minimum de centralité sera obtenu
quand
aucun sommet ne seraprivilégié:
tousles sommets seront
équivalents
auregard
de la somme des distances.Le maximum de centralité
correspondra
augraphe
dont un sommet seraprivilégié
à l’extrême:un sommet sera au contact direct de tous les autres
qui
devrontobligatoirement
passer par lui pourcommuniquer
entre eux.2. Indices de centralité.
Définitions
- L’indice de centralité du sommet x d’un
graphe
G connexe etsymétrique,
estégal
aurapport
entre la somme des distances du sommet x et la somme des distances dugraphe
G.Plus cet indice est
petit, plus
la centralité du sommet est forte.2013 Nous
appelons point
central dugraphe
G tout sommet de Gqui possède
leplus petit
indice decentralité :
Un
point
central d’ungraphe
est donc un élément à distance minimum de l’ensemble des autres sommets. On peutl’interpréter
comme une médiane ainsi que le montre B.Leclerc,
dans une noteci-après.
- L’indice de centralité brut d’un
graphe
G estégal
à l’indice de centralité de sonpoint
central :- L’indice de centralité
normé 8 (G)
d’ungraphe
G sera obtenu enprojetant
l’indice brut dans unintervalle
compris
entre 0 et 1.Cet indice que nous établirons dans les pages suivantes a pour valeur:
La centralité d’un réseau est donc ici définie au moyen du rapport entre la
plus petite
somme desdistances d’un sommet et la somme totale des distances des sommets du
graphe.
C’est le sommet leplus
centralisé
(point central) qui
devient l’étalon dugraphe.
Avec de tellesdéfinitions,
la centralité normée dugraphe
mesuréepar 8 ( G) augmente quand
l’indice C( G) diminue,
cequi répond
bien à laconception
intuitive de centralité.
3.
Graphes
de centralité minimumUn
graphe
G est de centralité minimum(c’est-à-dire que 8 ( G)
=0)
si et seulement si C( G) est
maximum.On a:
donc:
et:
donc:
Cette
valeur 1 représente
donc la bornesupérieure
de C( G )( et correspond
à la borneinférieure
n
de l’indice normé S
( G)).
Cette borne
supérieure
de C(G) correspond-elle
à ungraphe
réel ?Appelons graphe homogène
toutgraphe
connexe etsymétrique
d’ordre n dont tous les sommetsc’/B
possèdent
la même somme des écarts S(x)
tel que V x EG,
S(x) = ’S ( G).
P
()
q()
n
Il est clair que pour un tel
graphe,
CG =1/n .
Unquelconque
de cesgraphes homogènes
est doncun
graphe
de centralité 8( G)
minimum. Or la classe desgraphes homogènes existe;
mais elle ne corres-pond
pas à untype unique.
Lui sont associéesplusieurs
sous-classes dont deux sont trèscaractéristiques:
le
graphe-cycle
et legraphe-clique. (Les
valeurs concernant les distances et la centralité de ces deuxgraphes
sontportées
sur le tableau12.)
Selon l’ordre n dugraphe
et selonqu’il
estpair
ou non, ils’y ajoute
un certain nombre de
types
degraphes
nonisomorphes
auxprécédents (exemple:
legraphe homogène Gs
de lafigure 6).
Il convient de différencier les
graphes homogènes
tels que nous les avonsdéfinis,
desgraphes réguliers.
Ungraphe
est ditrégulier
dedegré h, quand
tous ses sommets ont le mêmedegré
h[1],
c’est-à-dire
quand
tous les sommets sont incidents au même nombre d’arêtes h(ou
cequi
estéquivalent
dansnotre cas
,quand
ils ont le même nombre h de sommetsadjacents).
La relation étant
symétrique,
chacune des m arêtes dugraphe
estprise
encompte
deux fois lors del’appréciation
dudegré
h de tous les n sommets.On a donc:
Or
malgré
une tellerelation,
desgraphes
de même ordre n, tousréguliers
et de mêmedegré h, possédant
donc le même nombre d’arêtes m, ne sont pas nécessairementhomogènes. La figure
6 exhibeun
contre-exemple composé
de 3graphes réguliers
d’ordre 8 et dedegré 3,
nonisomorphes
et dont deuxne sont pas
homogènes.
Figure
6Graphes réguliers
dedegré
3 : seulGs
esthomogène (A chaque
sommet estaffectée
sa somme desdistances)
Le
graphe-cycle
n’est donc pas legraphe unique
fixant la limite inférieure de centralité : celle-cicomprend
l’ensemble desgraphes homogènes
dont fontpartie
entre autres, legraphe-cycle
et legraphe-clique.
4.
Graphe
de centralité maximum- Un
graphe correspond-il
à l’indice de centralité C( G)
minimum ?Un réseau dont un sommet serait
emprunté
par toutes lespistes quelles qu’enes
soient serait tel quetoutes les communications entre deux sommets
passeraient
nécessairement par ce sommet. Un tel réseau illustrerait bien lephénomène
de centralité. Or ce réseau existe: c’est legraphe-étoile.
Nous avonsconjecturé
que cegraphe
avait un indice C( G) minimum;
la démonstration de cettepropriété
estréalisée
ci-après
par B. Leclerc.-
Quelle
est la valeur de C( G)
pour cegraphe ?
Le
point
central de cet arbre(Fig. 7)
étantadjacent
à tous les(n -1)
autres sommets, on a:S(z)
= n -1Pour tout autre sommet
périphérique
y, appartenant augraphe-étoile (Et) :
et
Figure
7Arbre centralisé
(graphe-étoile)
5. Intervalle de centralité
Pour les
graphes
d’ordre n, l’intervalle de C( )
est donccompris
entre 2 bornes :- La borne de centralité maximum
(graphe homogène)
devaleur 1,
n
- La borne de centralité minimum
(arbre centralisé)
devaleur 2 (n 1 - 1) .
L’intervalle de variation a pour valeur:
6. Indice de centralité normé
On peut définir un indice de centralité
normé ~ (G)
d’ungraphe quelconque
d’ordre n tel que :avec
on obtient :
Figure
8Indices de centralité normés de
quelques graphes
d’ordre 5Sur le Tableau
(Fig. 8)
sont ordonnés selon une centralitécroissante, quelques graphes
d’ordre 5parmi lesquels
on retrouve les 4graphes-types
de Bavelas dont l’ordre est conservé.Ces
quelques graphes
illustrent bienl’aspect
relatif de la notion de centralité. La même structurede liaison « en étoile» concernant le
point
central parexemple,
estprésente
sur de nombreuxgraphes.
Il est clair que la centralité ne
prend
pas en compte la valeur absolue d’une somme des distancesprivi- légiée
mais la valeur relative de celle-ci parrapport
à toutes les autres.On se
rappelle
que la centralité dugraphe-chaîne
évaluée par l’indice de Bavelas débordait celle dugraphe-étoile quand
le nombre de sommets du réseaudépassait
7. A titre devérification,
il est aiséde constater que cet inconvénient a maintenant
disparu.
Effectuons la différence entre l’indice brut dugraphe-chaîne
et celui dugraphe-étoile (cf.
le tableau de la page25).
Deux cas sont
possibles,
selon que n estpair
ouimpair.
-
Pour n == 2 k +
1:pour n > 3.
- Pour n = 2 k :
pour n > 2.
Pour n >
3,
la centralité(8 ( G))
dugraphe-étoile
est donc bientoujours supérieure
à celle dugraphe-chaîne.
Il est clair que cet indice normé est un résumé
qui
ne tient compte que d’unepartie
de l’information donnée par legraphe.
En aucun cas il ne peutprétendre épuiser
le contenu dugraphe;
il ne fait état quede la dimension de centralité pour l’évaluation de
laquelle
il a été construit.Assimiler par
exemple,
legraphe-clique
augraphe-cycle
comme nous l’avonsfait,
ne serait pasacceptable
si nous ne limitions pas cetteéquivalence
àl’aspect précis
de la centralité. Est-ilpossible
detenir compte de la différence de ces deux
graphes
parexemple,
selon une autre dimensionqui
essaieraitde mesurer l’accès à la communication pour l’ensemble de tous les sommets d’un
graphe ?
Nous allonstenter
l’approche
d’une telle dimension en définissant lacompacité
d’ungraphe.
B.
COMPACITÉ
D’UN GRAPHELa
compacité
d’ungraphe (symétrique
etconnexe)
peut être définie par la somme des distances dechaque
sommet à tous les autres, ou encore par la somme des relais
qui séparent chaque
sommet de tous lesautres
(ce qui
revient au même à un coefficientprès).
Nous centrerons cette étude sur la notion derelais,
car celle-ci semble
pouvoir
éclairer de nombreuxproblèmes
de réseaux. Nous essaierons de déterminer les bornes inférieure etsupérieure
de lacompacité
définie en termes de relais et enfin nous proposeronsun indice normalisé de
compacité
évoluant entre zéro et l’unité.I.
DÉFINITIONS
Dans un
graphe G,
deux sommets reliés directement par une arête sont des sommetsadjacents,
àdistance 1. Deux sommets à distance
égale
ousupérieure
à2,
donc nonadjacents,
sont reliés par unepiste qui
emprunte un ouplusieurs
sommets intermédiairesappelés
relais.Dans un réseau de
communication,
la facilité d’accès à l’information pour unsujet dépend
dunombre de relais
qu’il
doit utiliser pour entrer en communication avec tous les membres du groupe. Ence
qui
concerne le groupe en tant queréseau,
on peut caractériser sespossibilités d’échanges,
sacompacité,
par le nombre total de relais nécessaires pour que chacun
puisse
entrer en contact avec tous.Appelons
nombre de relais r(x, y)
d’unepiste
p(x, y)
le nombre de sommetsempruntés
par cettepiste,
les deux sommets terminaux x et y étant exclus.Si cette
piste
passe par n sommets on sait que:et
Appelons
somme des relais r(x)
du sommet x d’ungraphe
G d’ordre n la somme totale des relais appartenant à(n
-1) pistes qui
relient le sommet x à tous les autres sommets dugraphe.
Il vient:
Appelons
somme des relais r( G)
dugraphe
G d’ordre n, le total de toutes les sommes des relaisdes n sommets de ce
graphe:
Pour tout
graphe,
ces trois types decaractéristiques
peuvent êtreconsignés
dans une matricedes relais
(Fig. 9).
Figure
9Matrice des relais
(A chaque
sommet du réseau « en Y» est associée sa somme desrelais)
Reprenons exemple
dugraphe
« en Yo. Pourchaque cellule, l’inspection
dugraphe
permet de déterminer le nombre des relais de lapiste correspondante.
Mais nous savons que le nombre des relais d’unepiste
estégal
à lalongueur
de cettepiste
diminuée d’une unité. Il est donc facile de passer de la matrice des distances à la matrice des relais.Les cellules de la
diagonale
resterontinchangées.
On retranchera une unité auxn (n - 1)
g g
2 cellules restantes
(toutes
strictementpositives puisque
legraphe
est connexe(Fig. 2)).
Nous
quantifierons
lacompacité
d’ungraphe
àpartir
de la somme des relais de cegraphe. (Il
serait
équivalent
d’utiliser la somme des écarts de cegraphe.)
II. BORNES DE
COMPACITÉ
1. Borne
supérieure
Par
définition, la compacité
d’ungraphe
est maximumquand
la somme des relaisr (G)
dugraphe
estminimum.
Soit ~ l’ensemble des
graphes
connexes etsymétriques
d’ordre n et soitG,
élément de e.La
plus petite
valeurpossible
du nombre des relais d’unepiste
estégale
à zéro : ce cas est réaliséquand
les deux sommets terminaux sontadjacents :
Il vient:
La borne inférieure de r
( G)
est donc nulle etcorrespond
à ungraphe unique:
legraphe-clique (Cl).
Dans le
graphe-clique, graphe complet, chaque
sommet estadjacent
à tous les autres: c’est legraphe
leplus
compactpossible.
La somme des distances dechaque
sommet est de(n
-1)
et la sommedes distances du
graphe
S(Cl)
vaut donc(n - 1)
n.Le
graphe-clique, graphe
sansrelais, représente
donc la bornesupérieure
decompacité.
2. Borne
inférieure
Par
définition, la compacité
d’ungraphe
est minimumquand
la somme des relais dugraphe
est maximum.Nous allons tenter d’aborder le concept de relais à
partir
de la notion d’intermédiaire telle que l’ontrappelée
etprécisée
Marc Barbut(« Intermédiarité»)
et G. Th. Guilbaud(« Esquisses
mésolo-giques») [7].
Telle que l’ontprésentée
ces auteurs, la relation d’intermédiarité semble en effetpouvoir
éclairer notre
problème
des relais.Le sommet x est
appelé
relais par rapport aux sommets y et zsi, et
seulement si unepiste
reliant yet z passe par x. Nous dirons encore que x est entre y et z ou que x
appartient
à l’intervalle ouvert]
y, z[;
cettepropriété
pourra s’écrire :On a
toujours:
Nous sommes exclusivement dans le cas de
l’égalité triangulaire.
On retrouve ici la relation d’inter- médiarité tellequ’elle
est définie defaçon classique
dans les espaces munis d’une distance[8].
La
relation-support
étantsymétrique,
la relation d’intermédiarité I l’estégalement :
si x est relaispar rapport à y et z, x est aussi relais par rapport à z et y.
d’autre part, on a:
Pour trois sommets
quelconques
d’ungraphe
vérifiant la relationI,
il existe donc deux des six arrangements de ces trois élémentsqui
satisfont cette relation. Dans un tel cas, à un sous-ensemble de trois sommets,correspond
undécompte
de deux relais.La notion de relais n’intervient
qu’à partir
de laprésence
d’au moins trois éléments. Une telle relationappelée
« médiation» par G. Th. Guilbaud[7]
est une relation ternairequi impose d’envisager
les sommets d’un
graphe
selon unecomposition
partriplets (nous
entendons partriplet,
un sous-ensemble
quelconque
de troiséléments).
Quelle
est la valeurthéorique
maximum que peut atteindre la somme des relais d’ungraphe ?
Dans un
graphe G,
si tout sous-ensemble de trois sommets admet un relaiseffectif,
alors lenombre maximum
théorique
de relais sera obtenu. Nous avons vuqu’en
raison de lasymétrie
de larelation,
il convient de compter deux relais àchaque triplet.
Proposition
La somme des relais maximum que peut
posséder
ungraphe
G connexe etsymétrique
estégale
au doubledu nombre total de
triplets possibles
dus aux combinaisons des n sommets de cegraphe.
Il vient:
Soit: O O
Si le
graphe correspondant existe, quelle
serait la valeur de la somme des écarts S( G) ?
On a:
La borne inférieure
théorique
decompacité
étantacquise,
unequestion
se pose: à cetteborne,
peut-on associer ungraphe
réel ?B. Leclerc donne dans ce
numéro,
une démonstration directe de cerésultat;
icicependant,
nousferons un détour en utilisant la relation d’intermédiarité afin de
garder
l’unité de l’étudequi
tented’explorer
la notion de relais.A
quelles
conditions devraitrépondre
legraphe correspondant
à la borne inférieure ? Pour allerplus
avant, il convient depréciser quelques
notions.Dans un
graphe G,
estréputé
intermédiarisable touttriplet
dont les trois éléments sontempruntés
par une même