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du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 mars e chambre Audience publique du 21 mai 2014

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Texte intégral

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Tribunal administratif N° 32235 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 mars 2013 3e chambre

Audience publique du 21 mai 2014

Recours formé par Monsieur ...,

contre une décision du ministre de l’Intérieur et à la Grande Région en matière de discipline

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 32235 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 mars 2013 par Maître Jean-Marie Bauler, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ..., commissaire en chef, chef d’unité du Commissariat de proximité (CP) de …, actuellement affecté à la Direction générale de la Police grand-ducale, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Intérieur et à la Grande Région du 26 février 2013 ayant prononcé à l’encontre du demandeur la sanction disciplinaire de la rétrogradation, aucune promotion ne pouvant intervenir pendant une durée de deux ans, assortie du déplacement, ayant désaffecté le requérant de son poste de chef du CP de … pour être affecté à la Direction générale de la Police, l’intéressé étant placé hors cadre et étant tenu de supporter les frais de procédure ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 juin 2013 ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 5 juillet 2013 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Marie Bauler au nom de Monsieur ... ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 août 2013 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jean-Marie Bauler et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline Jacques en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 22 janvier 2014 ;

Vu l’avis du tribunal administratif du 27 février 2014 prononçant la rupture du délibéré et fixant l’affaire pour continuation des débats à l’audience publique du 26 mars 2014 ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Jean- Marie Bauler et Monsieur le délégué du gouvernement Daniel Ruppert en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 26 mars 2014.

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Par une note brevi manu du 13 août 2012, réceptionnée par l’intéressé le 21 août 2012, le directeur régional de la circonscription régionale de Grevenmacher de la Police grand- ducale, ci-après désigné par « le directeur régional », notifia au commissaire en chef ..., chef du Commissariat de proximité de …, ci-après désigné par « le CP …», l’ouverture d’une procédure disciplinaire.

Par un courrier du 1er octobre 2012, réceptionné par l’intéressé le 5 octobre 2012, le directeur régional notifia à Monsieur ... les faits fautifs lui reprochés.

Par un courrier du 8 octobre 2012, Monsieur ... prit position par rapport aux faits lui reprochés.

En date du 15 octobre 2012, le directeur régional adressa le rapport final d’instruction disciplinaire au directeur général de la Police grand-ducale, ci-après désigné par « le directeur général », qui, par courrier du 31 octobre 2012, s’adressa au président du conseil de discipline de la force publique.

Ledit conseil de discipline rendit son avis en date du 31 janvier 2013.

Par une décision du 26 février 2013, le ministre de l’Intérieur et à la Grande Région, ci-après désigné par « le ministre », prononça à l’encontre de Monsieur ... la sanction disciplinaire de la rétrogradation, aucune promotion ne pouvant intervenir pendant une durée de deux ans, assortie du déplacement. Ladite décision est libellée comme suit :

« Vu l'avis du Conseil de discipline de la Force publique du 31 janvier 2013 dont copie ci-jointe ;

Considérant qu'il est établi que le commissaire en chef ... a, en date du 8 août 2012, de sa propre initiative, en ses qualités de commissaire en chef et chef du commissariat de proximité de …, et sans avoir au préalable consulté ses supérieurs hiérarchiques, adressé à l'Administration communale de … une prise de position relative à un projet de construction d'un centre d'accueil pour demandeurs d'asile ;

Considérant que dans ce rapport le commissaire en chef ... affirme péremptoirement que toutes les communes qui abritent des centres d'accueil pour demandeurs d'asile voient leur criminalité augmenter ;

Considérant qu'il s'agit d'une affirmation purement gratuite qui n'est pas nullement étayée par les statistiques policières ;

Considérant que cette affirmation, empreinte de populisme, ne sert en définitive qu'à nourrir, auprès de certaines franges de la population, la peur de l'autre ;

Considérant que le commissaire en chef ... a par ailleurs laissé entendre que le projet de construction était contraire aux dispositions réglementant les autorisations de bâtir;

Considérant que le fait d'avoir rédigé le rapport en sa qualité de chef du commissariat de proximité de … sur du papier à entête de la Police laissait supposer que les positions y émises étaient celles de la Police ;

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Considérant la sensibilité des questions touchant à l'immigration et les difficultés de loger les demandeurs d'asile ;

Considérant que le chef d'un commissariat de proximité doit servir d'exemple à ses subordonnés tant par ses actes que par ses opinions ;

Considérant qu'en agissant ainsi, le commissaire en chef ... a violé la discipline militaire et les devoirs qui en découlent, et plus particulièrement ceux énoncés aux articles 2, 3 alinéa 6 et 9 alinéa 1er de la loi modifiée du 16 avril 1979 ayant pour objet la discipline dans la Force publique, à savoir :

ne pas s'être comporté d'une façon irréprochable;

ne pas avoir observé la réserve et la discrétion qui lui assurent la confiance de ses subordonnés ;

ne pas avoir tenu compte de l'intérêt du service et ne pas s'être abstenu de tout ce qui pourrait nuire à la bonne renommée de la Police;

Eu égard à la gravité de la faute commise, aux fonctions exercées et aux antécédents disciplinaires et judiciaires de l'inculpé, il y a lieu de prononcer la peine de la rétrogradation d'une durée de deux ans assortie du déplacement ;

Arrête:

Article 1er.- La peine disciplinaire de la rétrogradation, aucune promotion ne pouvant intervenir pendant la durée de deux ans, assortie du déplacement est prononcée à l'encontre du commissaire en chef ....

Article 2 .- Le commissaire en chef ... est désaffecté de son poste de chef du commissariat de proximité de … pour être affecté à la Direction générale de la Police.

L'intéressé est placé hors cadre. […] »

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 26 mars 2013, Monsieur ... a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du ministre du 26 février 2013.

Conformément à l’article 30 de la loi modifiée du 16 avril 1979 ayant pour objet la discipline dans la Force Publique, ci-après désignée par « la loi du 16 avril 1979 », un recours en réformation est prévu en matière de discipline concernant des membres de la Police grand- ducale dans les cas où la peine prononcée dépasse la compétence du chef de corps.

Il se dégage de l’article 25, paragraphe II de la loi du 16 avril 1979 que « Le droit d’appliquer au personnel policier du corps de la Police et de l’Inspection générale de la Police les peines disciplinaires appartient (…) 4. au ministre de la Force publique en ce qui concerne

a) le personnel des carrières de l’inspecteur et du brigadier pour les peines sub 1 à 12 ; […] ».

La sanction disciplinaire infligée en l’espèce à Monsieur ..., - qui, en sa qualité de commissaire en chef fait partie de la carrière des inspecteurs de police conformément à

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l’article 22 de la loi modifiée du 31 mai 1999 portant création d’un corps de Police grand- ducale et d’une Inspection générale de la police, - étant celle de la rétrogradation prévue sous le n° 9) de l’article 19 A de la loi du 16 avril 1979, dépasse la compétence du chef de corps, de sorte que le tribunal est compétent pour statuer sur le recours principal en réformation.

Le demandeur conclut à la recevabilité du recours. Néanmoins, dans ce contexte, il soutient que l’article 30 de la loi du 16 avril 1979 serait contraire à l’article 10bis de la Constitution en ce qu’il instituerait un régime différent entre les fonctionnaires de police et les autres fonctionnaires concernant les délais de recours en matière disciplinaire, les autres fonctionnaires disposant d’un délai de trois mois, tandis que l’article 30 prévoirait un délai de recours d’un mois. A cet égard, le demandeur demande au tribunal de poser à la Cour constitutionnelle la question préjudicielle suivante : « L’article 30 de la loi modifiée du 16 avril 1979 ayant pour objet la discipline dans la Force Publique, en tant qu’il impose un délai d’un mois pour introduire un recours auprès du tribunal administratif contre une décision disciplinaire, alors que les fonctionnaires soumis au statut général bénéficient d’un délai de trois mois, est-il conforme à l’article 10bis de la Constitution ? ».

Conformément à l’article 6 a) de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour constitutionnelle, le tribunal est dispensé de soumettre une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle, si une décision sur la question soulevée par le demandeur n’étant pas nécessaire pour rendre le présent jugement.

Tel que cela a été relevé à juste titre par le délégué du gouvernement, le tribunal n’a pas à prendre position par rapport à ces développements du demandeur fondés sur le reproche d’une inégalité de traitement, dans la mesure où le présent recours a été introduit endéans le délai d’un mois et est partant recevable ratione temporis, de manière que les développements afférents du demandeur sont dénués de pertinence pour la solution du présent litige. Pour les mêmes considérations, le tribunal est dispensé de poser une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle.

Le recours principal en réformation est dès lors recevable pour avoir par ailleurs été introduit dans les formes de la loi.

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, le demandeur précise être entré dans la police en 1989 et avoir exercé la fonction de chef d’unité auprès du CP … depuis 2011. Il aurait adressé le 8 août 2012 à l’administration communale de … un rapport dans lequel il aurait émis des réserves concernant le site choisi pour réaliser la construction d’un centre d’accueil pour demandeurs d’une protection internationale, rapport que le bourgmestre de l’administration communale de … aurait communiqué au directeur régional, qui, à son tour, aurait présenté ses excuses au bourgmestre de ce fait.

Le demandeur retrace ensuite les différentes étapes de la procédure ayant conduit à l’avis du conseil de discipline du 31 janvier 2013.

En droit, le demandeur invoque de prime abord une violation de l’article 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH », et de l’article 14 de la Constitution, au motif que le caractère vague

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des incriminations ainsi que le vaste éventail des peines disciplinaires susceptibles d’être prononcées violerait le principe de la légalité des peines et offrirait à l’administration un pouvoir discrétionnaire, voire arbitraire, ce qui serait incompatible avec un Etat de droit. A cet égard, il se prévaut d’un arrêt de la Cour constitutionnelle française du 17 janvier 1989. Il souligne que l’énumération par la loi d’un certain nombre d’obligations ne serait pas suffisante d’un point de vue de la sécurité juridique pour garantir aux fonctionnaires le respect du principe de la légalité des sanctions et de l’incrimination.

Le demandeur soutient encore qu’un certain nombre d’affaires disciplinaires, et plus particulièrement celle d’une personne qu’il mentionne uniquement par ses initiales « C.W. », seraient significatives de l’incertitude planant entre le manquement invoqué et la sanction prononcée, puisque cette personne aurait, pour des faits similaires, dans un premier temps été sanctionnée de la peine de l’amende et ensuite fait l’objet de la peine de la rétrogradation.

L’énumération même détaillée des sanctions et des obligations laisserait une trop grande latitude au pouvoir disciplinaire et tendrait à s’apparenter à un pouvoir arbitraire. Cette impression serait encore corroborée par le fait que l’avis du conseil de discipline ne serait que consultatif et que l’administration n’aurait pas l’obligation de le suivre. Tout en admettant que la Cour constitutionnelle se serait déjà prononcée à propos de l’article 53 de la loi du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires, ci-après désignée par « le statut général », s’apparentant à l’article 22 de la loi du 16 avril 1979 dans la force publique, en retenant que cette disposition permettrait d’éviter l’arbitraire des sanctions disciplinaires, le demandeur soutient qu’il maintiendrait ses doutes à ce sujet. Comme le législateur entendrait réformer la procédure disciplinaire de la force publique et qu’il souhaiterait notamment renoncer à certaines sanctions, il y aurait lieu de s’interroger sur la sanction de la perte d’emploi qui est plus sévère que la peine d’emprisonnement de douze mois assortie du sursis intégral.

Le demandeur, déclarant agir dans un souci de vouloir évaluer si l’article 22 de la loi du 16 avril 1979 permet d’éviter l’arbitraire, demande encore la communication de toutes les décisions disciplinaires, y compris les avis rendus par le conseil de discipline, entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2012. A titre d’exemple non exhaustif il mentionne cinq affaires disciplinaires qui ne témoigneraient ni d’une logique, ni d’une règle fiable dans l’application des sanctions, en mentionnant les affaires par des initiales des intéressés et en renvoyant à des pièces, qui ne sont cependant pas versées aux débats. Il soutient que tandis que lui-même aurait été sanctionné d’une peine extrêmement grave, d’autres faits a priori plus graves, auraient été sanctionnés par une amende.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du moyen en renvoyant à divers jurisprudences du tribunal administratif.

En vertu de l’article 7, paragraphe 1er de la CEDH « Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou international. De même il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise ».

Ledit article consacre le principe de la légalité des peines tel que consacré également par l’article 14 de la Constitution, en vertu duquel « Nulle peine ne peut être établie ni appliquée qu’en vertu de la loi ».

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Tel que cela a été retenu par la Cour Constitutionnelle à différentes occasions, en droit disciplinaire la légalité des peines suit les principes généraux du droit pénal et doit observer les mêmes exigences constitutionnelles de base. Le principe de la légalité de la peine entraîne la nécessité de définir les infractions en termes suffisamment clairs et de préciser le degré de répression pour en exclure l’arbitraire et pour permettre aux intéressés de mesurer exactement la portée de ces dispositions et le principe de la spécification de l’incrimination est le corollaire de celui de la légalité des peines. La Cour Constitutionnelle a encore retenu que le droit disciplinaire tolère dans la formulation des comportements illicites et dans l’établissement des peines à encourir une marge d’indétermination sans que le principe de la spécification de l’incrimination et de la peine n’en soit affecté, si des critères logiques, techniques et d’expérience professionnelle permettent de prévoir avec une sureté suffisante la conduite à sanctionner et la sévérité de la peine à appliquer (cf. arrêt n° 23/04 du 3 décembre 2004 de la Cour Constitutionnelle, Mém. A n° 201 du 23 décembre 2004).

La Cour Constitutionnelle a pareillement retenu que le principe de la légalité des peines ne fait pas obstacle à ce qu’en matière disciplinaire les infractions soient définies par référence aux obligations légales et réglementaires auxquelles est soumise une personne en raison des fonctions qu’elle exerce, de la profession à laquelle elle appartient ou de l’institution dont elle relève (cf. arrêt n° 41/07 du 14 décembre 2007 de la Cour Constitutionnelle, Mém. A n° 1 du 11 janvier 2008).

Par conséquent, la circonstance que la loi du 16 avril 1979 prévoit un certain nombre de devoirs et d’obligations incombant aux militaires et aux membres de la Police grand-ducale et que, par ailleurs, la même loi prévoit un catalogue de sanctions disciplinaires, n’est pas contraire au principe de la légalité des peines, dans la mesure où les devoirs sont décrits avec suffisamment d’objectivité et que l’arbitraire des sanctions à appliquer est évité par le biais de l’article 22 de la loi du 16 avril 1979, qui impose que l’application des sanctions disciplinaires doit se régler notamment d’après la gravité de la faute commise, le grade, la nature de l’emploi et les antécédents du militaire de l’armée, respectivement du personnel policier du corps de la Police et de l’Inspection générale de la Police concernés.

Il s’ensuit que le moyen fondé sur une violation de l’article 7 de la CEDH respectivement de l’article 14 de la Constitution est à rejeter pour ne pas être fondé.

Cette conclusion n’est pas énervée par la référence faite par le demandeur au projet de loi du 11 novembre 2011 ayant pour objet la discipline dans la force publique, puisque la circonstance qu’un projet de loi supprime, le cas échéant, certaines sanctions, ne permet pas de retenir que le texte actuellement en vigueur soit contraire à l’article 7 de la CEDH.

Pareillement, la circonstance que le conseil de discipline n’a qu’un rôle consultatif ne signifie pas ipso facto qu’il existe, au regard du libellé des devoirs des membres de la force publique, un risque d’arbitraire dans l’application des sanctions. En effet, tel que relevé ci- avant, l’autorité compétente pour prononcer la sanction disciplinaire est tenue d’analyser les faits reprochés à la lumière du grade de l’intéressé, de sa fonction et de ses antécédents disciplinaires, sous le contrôle du tribunal administratif.

En tout état de cause le moyen fondé sur l’affirmation qu’en pratique, les sanctions disciplinaires appliquées ne seraient pas cohérentes, tout comme la demande de communiquer les sanctions disciplinaires prononcées et les avis du conseil de discipline rendus entre janvier

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2010 et décembre 2012, par laquelle le demandeur entend corroborer son moyen, est à rejeter comme n’étant pas pertinent par rapport au moyen fondé sur une violation du principe de la légalité des peines. En effet, cette contestation relève de l’application de la sanction en l’espèce et partant de l’appréciation du caractère proportionnée de la sanction, examen qui sera fait ci-après, mais elle n’est pas de nature à admettre que la loi en tant que telle violerait le principe de la légalité des peines. A ce stade, il convient d’ores et déjà de retenir qu’il se dégage des différents actes de la procédure disciplinaire que les éléments prévus à l’article 22, précité, ont été pris en compte en l’espèce, indépendamment du caractère justifié des éléments ainsi pris en compte. D’autre part, il convient de relever que la prise en compte, en application de l’article 22 de la loi du 16 avril 1979, du grade, de la nature de l’emploi et des antécédents disciplinaires de l’intéressé, à côté de la gravité de la faute commise, a nécessairement pour conséquence que le même fait peut être sanctionné de manière différente, une même faute pouvant être plus ou moins reprochable en fonction du grade ou de la nature de l’emploi de l’intéressé, respectivement peut être susceptible d’une sanction plus ou moins sévère en fonction des antécédents de l’intéressé. Il s’ensuit que le fait que, le cas échéant, d’autres fonctionnaires ont été sanctionnés de façon différente pour des faits similaires n’est pas de nature à admettre l’application arbitraire des dispositions de l’article 22, précité en l’espèce.

Par ailleurs, force est encore de constater qu’en droit disciplinaire et également en droit pénal, le choix d’une peine dans le catalogue des peines prévues par le législateur est forcément conditionné par une marge d’appréciation de l’auteur de la décision, qui est en définitive soumis au contrôle du juge.

Le demandeur invoque ensuite une violation de l’article 10bis de la Constitution en ce que les dispositions de la loi du 16 avril 1979 établiraient une différence de traitement entre les fonctionnaires de la force publique et les autres fonctionnaires régis par le statut général.

En effet, les fonctionnaires relevant de Police grand-ducale seraient traités de façon moins favorable en matière d’instruction disciplinaire, en ce que le statut général prévoirait un commissaire de gouvernement, a priori indépendant, chargé spécifiquement de l’instruction disciplinaire, tandis que dans la force publique l’instruction serait confiée au supérieur hiérarchique et que dans ce domaine le conseil de discipline rendrait un avis et non une décision. A cet égard, le demandeur renvoie encore à un arrêt de la Cour administrative du 14 mars 2013, n°31821C du rôle, pour soutenir que la pertinence des moyens soulevés par lui aurait d’ores et déjà été reconnue, de sorte qu’il conviendrait d’annuler la décision sur le fondement de ce moyen, sinon de surseoir à statuer en attendant la décision de la Cour constitutionnelle.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen.

Aux termes de l’article 10bis de la Constitution « (1) Les Luxembourgeois sont égaux devant la loi […] ».

Le principe d’égalité de traitement est compris comme interdisant le traitement de manière différente de situations similaires, à moins que la différenciation soit objectivement justifiée. Il appartient par conséquent aux pouvoirs publics de traiter de la même façon tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit. Par ailleurs, lesdits pouvoirs publics peuvent, sans violer le principe de l’égalité, soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents, à condition que les différences instituées procèdent de disparités objectives, qu’elles soient rationnellement justifiées, adéquates et proportionnées à leur but.

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Force est de constater que la Cour constitutionnelle a, dans un arrêt du 15 novembre 2013, inscrit sous le n° 00102 du registre, pris position par rapport à la question soulevée dans l’arrêt précité de la Cour administrative du 14 mars 2013, inscrit sous le n° 31821C du rôle.

Il s’ensuit que la demande de sursoir à statuer est devenue sans objet.

La Cour constitutionnelle a retenu que la loi du 16 avril 1979, en ce qu’elle instaure une procédure disciplinaire spécifique à l’égard des membres de la Police grand-ducale, et plus particulièrement son article 31 en ce qu’il confie l’instruction disciplinaire au supérieur hiérarchique du fonctionnaire en cause, et son article 33 en ce qu’il prévoit l’avis consultatif du conseil de discipline, n’est pas contraire à l’article 10bis, paragraphe 1er de la Constitution, garantissant le principe d’égalité devant la loi.

Pour arriver à cette conclusion, la Cour Constitutionnelle a retenu qu’à l’égard de l’obligation de se conformer aux règles régissant leur discipline, sanctionnées par des peines appliquées au terme d’une procédure disciplinaire comportant une instruction préalable et l’intervention du conseil de discipline, les fonctionnaires de la force publique se trouvent dans une situation certes comparable à celle des fonctionnaires soumis au statut général. Elle a en outre retenu que la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires de la force publique diffère de celle prévue au statut général plus particulièrement par le fait que l’instruction disciplinaire poursuivie contre un fonctionnaire de la force publique appartient au chef hiérarchique et au conseil de discipline et qu’à l’exception des peines mineures, aucune sanction disciplinaire ne peut être prononcée sans l’avis du conseil de discipline, tandis que celle poursuivie contre un fonctionnaire de l’Etat soumis au statut général appartient au commissaire du gouvernement chargé de l’instruction et au conseil de discipline, et que ce dernier prend une décision sur la sanction disciplinaire à appliquer et que l’autorité de nomination est tenue d’appliquer la sanction disciplinaire conformément à la décision du conseil de discipline. La Cour constitutionnelle a néanmoins retenu que la différence ainsi instituée entre la loi du 16 avril 1979 et la procédure disciplinaire prévue au statut général est rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à son but, de sorte que ces dispositions ne sont pas contraires à l’article 10bis de la Constitution.

Face à la solution ainsi retenue par la Cour Constitutionnelle de la non-contrariété de la loi du 16 avril 1979 à l’article 10bis de la Constitution, le moyen invoqué par le demandeur à l’appui de son recours et fondé sur une violation de l’article 10bis de la Constitution sur le fondement des mêmes contestations et considérations que celles à l’origine de la question soumise à la Cour constitutionnelle, est à rejeter comme étant non fondé, sans qu’il n’y ait lieu, conformément à l’article 6 c) de la loi du 27 juillet 1997, précitée, de saisir la Cour constitutionnelle d’une question préjudicielle, ladite Cour ayant déjà statué sur une question ayant le même objet.

Il s’ensuit que le moyen fondé sur une prétendue violation de l’article 10bis de la Constitution est à rejeter.

Le demandeur relève ensuite un certain nombre d’irrégularités au niveau de la procédure disciplinaire au regard des principes généraux du droit tenant au respect des droits de la défense et du procès équitable et au regard de l’article 6 de la CEDH.

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A titre liminaire, il conclut à l’applicabilité de l’article 6 de la CEDH dans le domaine disciplinaire en se référant à un arrêt Dubus c/ France de la Cour européenne des droits de l’Homme.

Aux termes de l’article 6, paragraphe 1er de la CEDH : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle […] ».

Force est de constater que la procédure disciplinaire qui est critiquée en l’espèce par le demandeur au regard des impératifs découlant de l’article 6 de la CEDH, en l’occurrence l’intervention du directeur régional et la poursuite de l’instruction devant le conseil disciplinaire ayant rendu son avis, ne constitue qu’une étape d’un processus décisionnel et ne revêt en elle-même pas un caractère juridictionnel, mais a une nature purement administrative.

Si l’article 6, précité, impose certes des impératifs à respecter en matière de procès équitable, les garanties afférentes n’ont néanmoins pas pour autant vocation à s’appliquer au niveau d’une procédure disciplinaire purement administrative, en ce qu’elles n’entrent en ligne de compte qu’à un stade ultérieur, au niveau de l’instance juridictionnelle compétente pour connaître du recours dirigé contre la décision administrative traduisant l’aboutissement de ladite procédure disciplinaire.

Il s’ensuit que les moyens avancés par le demandeur, basés sur une violation alléguée de l’article 6 de la CEDH au niveau de la procédure disciplinaire administrative ayant précédé la décision déférée sous examen, tant en ce qu’ils sont dirigés contre l’instruction menée par le directeur régional, qu’en ce qu’ils sont dirigés contre la procédure devant le conseil de discipline, laissent d’être fondés.

Or, même si l’autorité administrative n’est pas formellement soumise au respect de l’article 6 de la CEDH, elle est néanmoins tenue d’observer les principes généraux de droit, tels que le principe d’équitable procédure, le principe du respect des droits de la défense ou encore le principe général d’impartialité, et ce même en l’absence d’un texte exprès (cf. trib.

adm. 12 mars 2008, n°21852a, Pas. adm. 2012, V° Fonction publique, n° 195, cf Cour adm.

15 décembre 2011, n°28984C).

En premier lieu, le demandeur soutient que la procédure disciplinaire serait viciée en raison d’un manque d’impartialité objective dans le chef du directeur régional.

En effet, les principes généraux du respect des droits de la défense et du droit à un procès équitable, ensemble l’article 6 de la CEDH proscriraient que l’autorité ayant marqué son accord avec le déclenchement des poursuites disciplinaires instruise également les faits dont elle est saisie. La personne initiant les poursuites et qui par là même considérerait les faits comme suffisamment graves pour faire l’objet d’une procédure disciplinaire, ne pourrait pas être chargée pour instruire ces mêmes faits. Or, en l’espèce, le directeur régional aurait mené l’enquête et aurait proposé de renvoyer le dossier devant le Conseil de discipline.

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Le demandeur soutient encore que l’enquête aurait été menée à sa seule charge, puisqu’aucun témoin, tels que plus particulièrement les responsables de la Commune de …, n’aurait été entendu.

Il fait valoir que le directeur régional aurait également exercé les fonctions de personne poursuivante corroborant son manque d’indépendance et d’impartialité.

Au-delà de la fonction de partie poursuivante, le directeur régional aurait encore exercé les fonctions de procureur en renvoyant le dossier devant le directeur général et en proposant le renvoi devant le Conseil de discipline.

En résumé, le directeur régional lui aurait demandé des explications concernant les faits reprochés, aurait informé le directeur général des faits en proposant sa suspension avant le déclenchement de la procédure disciplinaire, aurait présenté ses excuses au bourgmestre de la Commune de … , aurait déclenché la procédure disciplinaire, aurait procédé à l’instruction disciplinaire et aurait proposé le renvoi devant le Conseil de discipline.

Le demandeur ajoute enfin, en citant une jurisprudence du tribunal administratif, que l’organe enquêteur devrait également être impartial du point de vue subjectif en ce qu’il ne devrait pas avoir procédé à des prises de position antérieures de nature à préjuger le résultat de la procédure disciplinaire.

Quant au requis d’une impartialité objective dans le cadre de l’instruction disciplinaire, il échet d’une manière générale d’assurer que l’enquête disciplinaire soit conduite par une personne compétente à condition que son impartialité ne soit pas contestable. Ainsi, à part le fait que l’organe enquêteur chargé de l’instruction de l’affaire disciplinaire doit être impartial d’un point de vue subjectif, en ce qu’il ne doit pas avoir procédé à des prises de position antérieures de nature à préjuger du résultat de la procédure disciplinaire, il est exigé que, d’un point de vue objectif, ledit enquêteur ne puisse pas être soupçonné de partialité objective, la partialité objective pouvant découler de conditions structurelles ou organisationnelles qui autoriseraient à suspecter l’impartialité d’un organe.

Les contestations du demandeur se résument en substance au reproche que le directeur régional aurait diligenté toute la procédure disciplinaire et que cette même personne aurait proposé sa suspension et se serait excusée auprès des autorités communales de la commune de ....

Quant au reproche d’une partialité objective, force est de constater qu’en vertu de l’article 31 de la loi 16 avril 1979, le directeur régional a été chargé, en tant que chef hiérarchique, de mener l’instruction disciplinaire.

Il est certes exact que le rapport d’instruction disciplinaire a été rédigé par le directeur régional et que l’instruction a été diligentée par celui-ci. C’est également le même directeur régional qui a notifié les faits fautifs au demandeur.

Force est cependant de constater que d’après les dispositions du point 2 de l’article 31, précité, le chef hiérarchique procède à charge et à décharge et, en vertu du point 5 dudit article 31, il transmet le dossier avec ses conclusions au chef de corps qui peut alors prendre une triple décision suivant les options y posées, consistant soit à classer l’affaire, soit à appliquer

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une sanction lorsqu’il estime que les faits établis par l’instruction constituent des manquements mineurs à sanctionner par les peines du bas de l’échelle y énoncées, soit encore à transférer le dossier au conseil de discipline de la force publique lorsqu’il estime que les mêmes faits établis par l’instruction constituent des manquements devant être sanctionnés par des sanctions plus sévères.

Il se dégage de ces dispositions que la mission du chef hiérarchique est limitée à l’instruction du dossier disciplinaire. Or, en instruisant à charge et à décharge, il n’est pas amené à prendre de décision sur la sanction à appliquer. La seule circonstance qu’il donne son appréciation sur la sanction à appliquer lorsqu’il transmet le dossier au chef de corps ne permet pas de retenir une partialité objective, le chef de corps restant en toute hypothèse libre de statuer suivant les trois options lui conférées par l’article 31 (5) de la loi du 16 avril 1979.

Pareillement, la circonstance que le chef hiérarchique a déclenché en l’espèce la procédure disciplinaire n’implique pas un manque d’impartialité objective dans son chef, dans la mesure où la loi requiert en toute hypothèse qu’il instruise à charge et à décharge.

S’y ajoute que dans l’hypothèse, comme en l’espèce, où une peine plus sévère est susceptible d’être prononcée, l’avis du conseil de discipline, un organe collégial, est requis conformément à l’article 33 de la loi du 16 avril 1979. Dans cette hypothèse, la procédure disciplinaire menée par le chef hiérarchique est dédoublée d’une procédure disciplinaire devant le conseil de discipline, devant lequel peuvent, en application de l’article 38 de la loi du 16 avril 1979, être prises toutes mesures d’instruction complémentaires susceptibles d’éclairer les faits, soit d’office, soit à la demande de l’intéressé, et notamment il peut être procédé à l’audition de témoins. L’intéressé a en outre le droit de se faire assister, lors de l’instruction et lors du débat devant le conseil, par un défenseur de son choix. Il s’ensuit que la procédure disciplinaire est organisée par la loi de manière que l’instruction ne se passe pas devant le seul chef hiérarchique.

Même si en l’espèce seul le demandeur a été auditionné par le conseil de discipline, cette circonstance n’est pas de nature à faire admettre un manque d’impartialité au niveau de l’instruction, puisque le conseil de discipline a pu et a dû revoir les éléments de l’instruction jusqu’alors menée afin de dégager notamment la réponse à la question de savoir si une instruction complémentaire ne s’imposait pas, le conseil de discipline pouvant, d’office, ordonner toute mesure d’instructions complémentaire, de même que pareilles démarches peuvent être demandées par l’intéressé, cela en vertu de l’article 38 c) de la loi de la loi du 16 avril 1979 (cf. en ce sens Cour adm. 28 juin 2012, n° 30161C du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu ).

Quant aux exigences d’une impartialité subjective de l’organe enquêteur, celui-ci ne doit pas avoir procédé à des prises de position antérieures de nature à préjuger du résultat de la procédure disciplinaire. Il est vrai que le directeur régional s’est par un courrier du 13 août 2012 excusé auprès du bourgmestre de la commune de … à propos du rapport établi par le demandeur. Cependant, en ce faisant, le directeur régional n’a pas manifesté une prise de position par rapport à la qualification du comportement du demandeur, respectivement par rapport à la sanction susceptible d’être prononcée, mais il n’a fait que réagir par rapport à des interrogations soulevées par les autorités communales pour calmer la situation. S’y ajoute que, dans la mesure où dans la présente affaire l’instruction ne s’est pas limitée à celle menée par le directeur régional, mais s’est poursuivie devant le conseil de discipline, le tribunal ne dispose pas de suffisamment d’éléments pour retenir globalement un problème de partialité

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subjective au niveau de la tenue de l’instruction disciplinaire, à défaut d’autres contestations soulevées par le demandeur que la citation d’une jurisprudence du tribunal du 11 mars 2009.

Il s’ensuit que la procédure de l’instruction disciplinaire telle qu’elle est organisée par la loi du 16 avril 1979 ne révèle pas une partialité objective dans le chef du directeur régional en tant que chef hiérarchique menant l’instruction. Par ailleurs, le tribunal ne dispose pas d’éléments permettant de conclure à une partialité subjective dans le chef du directeur régional.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que les moyens fondés sur une violation du droit à un procès équitable et du respect des droits de la défense en tant que principe général de droit sont à rejeter comme étant non fondés.

Le demandeur invoque ensuite des irrégularités au niveau de l’instruction disciplinaire par le conseil de discipline en relevant une impartialité tant objective que subjective dans la composition du conseil de discipline.

Il soutient que comme le conseil de discipline est composé en vertu de l’article 34 de la loi du 16 avril 1979 également par des fonctionnaires de la carrière supérieure, l’impartialité ne serait pas garantie d’un point de vue structurel et organisationnel, puisqu’il serait difficilement concevable que des fonctionnaires de la carrière supérieure puissent juger un de leurs collèges, d’autant plus que le ministre, qui prend la décision, serait représenté par son conseiller et que la direction de police le serait par le directeur adjoint susceptible de remplacer le directeur général. L’impartialité objective ne serait pas garantie non plus par l’intervention d’un sous-officier dans l’hypothèse où l’inculpé ne relève pas de la carrière supérieure.

Le demandeur fait d’autre part état d’un manque d’impartialité subjective dans le chef de Monsieur ..., membre du conseil de discipline, puisqu’au début des années 2000, il aurait déposé une plainte contre ce dernier devant l’Inspection générale de la police et que Monsieur ... aurait été à l’initiative et impliqué dans une affaire disciplinaire relative à des faits remontant à 2003 et qui auraient donné lieu à une sanction disciplinaire le 4 mai 2006.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ces moyens.

Il se dégage de l’article 34 de la loi du 16 avril 1979 que le conseil de discipline a été institué d’une manière telle qu’il est composé autour d’un magistrat de l’ordre judiciaire, qui en est le président. D’autre part, il est composé de manière paritaire, en ce qu’il comporte à la fois des représentants de l’employeur public, à savoir un fonctionnaire de la carrière supérieure de l’administration gouvernementale, et des fonctionnaires concernés, à savoir un officier de l’Armée, un membre du cadre supérieur du corps de la Police grand-ducale et un membre du cadre supérieur de l’Inspection générale de la Police.

Le tribunal est amené à retenir que cette composition paritaire de fonctionnaires issus de différents corps de la force publique, voire de l’administration gouvernementale, indépendants les uns des autres, sous la présidence d’un magistrat, répondant par essence aux exigences d’indépendance et d’impartialité, donne toutes les garanties d’impartialité requises pour garantir une procédure répondant aux principes d’équitable procédure précités.

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Dans ce contexte, la Cour administrative a retenu que le fait de déduire un caractère non objectif de la composition du conseil de discipline du simple fait de l’appartenance d’un ou de deux représentants à la sphère de l’employeur public reviendrait à consacrer l’arrêt de mort de toute juridiction fonctionnant d’après le système de l’échevinage, lequel a jusque lors été à juste titre regardé comme étant celui qui conciliait au mieux la représentation des deux parties intéressées en matières de conflits du travail et de sécurité sociale au sens large, sous la présidence d’un ou de plusieurs magistrats de l’ordre judiciaire appelés à garantir la continuité de l’application adéquate du droit en la matière (cf. Cour adm. 17 décembre 2009, n° 25839C, Pas. adm. 2012, V° Fonction publique, n° 225).

Le reproche du demandeur que la direction de la police serait représentée par son directeur adjoint laisse d’être fondé, puisque dans l’hypothèse où, comme en l’espèce, l’inculpé relève de la Police grand-ducale mais n’est pas membre du cadre supérieur, le membre du cadre supérieur de la Police est remplacé par un membre de la carrière de l’inspecteur de la Police. La seule circonstance que le membre de la carrière de l’inspecteur qui remplace le membre du cadre supérieur doit être étranger au corps ou à l’unité dont relève l’intéressé, loin d’être un signe de manque d’impartialité, est au contraire un garant de la neutralité de l’organe.

Il s’ensuit que le moyen fondé sur une impartialité objective du conseil de discipline est à rejeter comme n’étant pas fondé.

En ce qui concerne le reproche d’une impartialité subjective dans le chef de Monsieur ..., le tribunal constate, de concert avec le délégué du gouvernement, que le demandeur n’a à aucun moment récusé l’intéressé lors de la procédure devant le conseil de discipline, à supposer qu’il ait eu l’impression qu’il existe un risque d’impartialité subjective dans le chef de celui-ci en raison de leurs relations dans le passé. Au-delà de ce constat, il ne se dégage pas du dossier administratif que Monsieur ... ait fait preuve d’une impartialité subjective et plus particulièrement qu’il ait procédé à des prises de position antérieures de nature à préjuger du résultat de la procédure disciplinaire sous examen.

Il s’ensuit que le moyen afférent est à rejeter comme étant non fondé.

Ensuite, le demandeur invoque une violation de l’article 31.5 c) de la loi du 16 avril 1979 au motif que cette disposition attribuerait au chef de corps la compétence de transmettre le dossier au conseil de discipline, tandis qu’en l’espèce le directeur général aurait saisi le président du conseil de discipline en lui demandant de saisir ledit conseil, en renvoyant à cet égard au libellé de la lettre de saisine du 23 novembre 2010.

C’est à juste titre que le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen. En effet, aux termes de l’article 31.5 c), précité, « […] 5. Le supérieur hiérarchique autre que le chef de corps transmet le dossier avec ses conclusions au chef de corps.

Celui-ci prend une des trois décisions suivantes : […]

c) Il transmet le dossier au conseil de discipline de la force publique lorsqu’il estime que les faits établis par l’instruction constituent un manquement à réprimer par une sanction

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plus sévère que celles mentionnées sous b). […] ». Le tribunal est amené à retenir que s’il est vrai que le directeur général s’est adressé au président du conseil de discipline en employant les termes « Je vous prie de bien vouloir saisir le conseil de discipline de la force publique de cette instruction disciplinaire », il y a lieu d’admettre que le directeur général a entendu saisir le conseil de discipline par l’intermédiaire de son président et que partant le courrier de saisine du 31 octobre 2012 est conforme aux exigences posées par l’article 31 (5) c) précité.

S’y ajoute qu’il appartient, en vertu de l’article 36 de la loi du 16 avril 1979, au président du conseil de discipline de la force publique de convoquer ledit conseil toutes les fois que les circonstances l’exigent, de sorte que si un dossier relatif à une instruction disciplinaire est transmis audit président ce dernier est obligé de par la loi de convoquer le conseil et qu’ainsi la saisine du conseil a valablement été opérée.

Il s’ensuit que le moyen afférent est à rejeter.

Le demandeur invoque en outre une violation de l’article 4, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des Communes, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », en ce que l’avis du conseil de discipline ne ferait pas référence aux arrêtés de nomination des différentes personnes présentes ni à leur qualité de magistrat, officier ou sous-officier, de sorte que l’avis ne renfermerait pas les conditions de sa légalité.

Plus particulièrement, il ne résulterait pas de la composition indiquée dans l’avis si les conditions de l’article 34, alinéa 2 de la loi du 16 avril 1979 avaient été respectées.

Pareillement, l’avis serait vicié puisque, contrairement aux exigences de l’article 4, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, il ne renseignerait pas le nombre des voix exprimées en sa faveur.

Aux termes de l’article 4 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 « Les avis des organismes consultatifs pris préalablement à une décision doivent être motivés et énoncer les éléments de fait et de droit sur lesquels ils se basent.

Lorsqu’il s’agit d’un organisme collégial, l’avis doit indiquer la composition de l’organisme, les noms des membres ayant assisté à la délibération et le nombre de voix exprimées en faveur de l’avis exprimé. Les avis séparés éventuels doivent être annexés, sans qu’ils puissent indiquer les noms de leurs auteurs. »

Le tribunal constate que si l’avis d’un organisme consultatif doit indiquer la composition de l’organe et les noms des membres ayant assisté à la délibération, il ne se dégage pas de cette disposition que l’avis doit formellement renseigner l’arrêté de nomination de membres de l’organe consultatif et la qualité en laquelle ils ont assisté à la délibération, mais il suffit que ces caractéristiques soient en cas de contestation retraçables au plus tard devant les juridictions administratives.

Force est de constater que l’avis du conseil de discipline mentionne les noms de ses membres ayant assisté à la délibération. Quant aux qualités des membres et leur nomination, la partie étatique a précisé dans son mémoire en réponse, par référence à un jugement du tribunal administratif du 8 novembre 2012, l’arrêté grand-ducal du 27 février 2010 portant

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nomination des membres du conseil de discipline, mentionnant les qualités respectives des membres effectifs et suppléants, et a, par ailleurs, sur question afférente du tribunal, versé au dossier l’arrêté grand-ducal du 23 septembre 2011 portant nomination de Monsieur … n’ayant pas figuré dans l’arrêté du 27 février 2010. Ces arrêtés ont été publiés au Mémorial B du 14 avril 2010 sous le n° 31, respectivement du 13 octobre 2011 sous le n° 87 et sont partant censés être à la connaissance du demandeur.

Il s’ensuit que le moyen afférent est à rejeter comme étant non fondé.

En ce qui concerne l’indication du nombre des voix exprimées, le tribunal constate qu’il se dégage de l’expédition de l’avis du conseil de discipline du 31 janvier 2013, que tous les membres ayant assisté à la délibération ont signé ledit avis. La seule circonstance que l’avis d’un organe consultatif n’indique pas de manière chiffrée le nombre des voix favorables exprimées n’est pas de nature à vicier l’avis, alors que tous les membres présents ont signé l’avis et qu’à défaut de mentionner une quelconque voix contre, leurs signatures conjointes sont à interpréter comme traduisant nécessairement l’unanimité du vote (cf. Trib. adm. 10 juillet 2006, n° 21069 du rôle, Pas. adm. 2012, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 32).

Le moyen afférent est partant à rejeter.

Le demandeur invoque ensuite une violation de la liberté d’expression en soulevant plus particulièrement la question de la combinaison de ce droit et du devoir de réserve, en se référant à diverses jurisprudences de la Cour européenne des droits de l’homme et des publications doctrinales à cet égard. Il soutient que d’un point de vue juridique, la liberté d’expression, trouvant son fondement dans l’article 10 de la CEDH, ne saurait céder devant le devoir de réserve ayant une valeur législative.

Il soutient encore que la prise de position purement professionnelle d’un

« fonctionnaire de terrain » à l’adresse d’un élu concernant des considérations empiriques n’entrerait manifestement pas dans le champ d’application du devoir de réserve et de discrétion. Il soutient qu’il aurait été de son devoir en tant que responsable de la sécurité de ..., d’informer les personnes à l’initiative du projet de construction litigieux des éventuelles contraintes et conséquences pratiques du site projeté sur la sécurité des citoyens. D’autre part, il souligne que ne constituerait pas une faute le fait d’avoir exprimé sa propre opinion concernant des questions pratiques de sécurité, même si celles-ci différent de la ligne de la hiérarchie. En l’espèce, il n’aurait fait qu’exprimer ses interrogations et cela ne préjugerait en rien de son acceptation des décisions prises par les responsables de la police. Il souligne encore que sa prise de position n’aurait pas été publique, mais aurait été émise à l’adresse des responsables politiques de la commune de ....

Le délégué du gouvernement pour sa part fait valoir que la liberté d’expression serait aux termes de l’article 10 de la CEDH soumise à certaines restrictions constituant des mesures nécessaires notamment à la défense de l’ordre et à la prévention du crime ou à la protection de la réputation des droits d’autrui. En l’espèce, un policier aurait, en affirmant péremptoirement que toutes les communes qui abritent des centres d’accueil pour demandeurs d’asile, verraient leur criminalité augmentée, porté atteinte tant à la réputation qu’au droit de ces personnes d’accéder à un logement et aurait nourri la peur de ces gens. En l’espèce, le demandeur ne se

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serait pas exprimé en son propre nom, mais au nom de la Police grand-ducale, de sorte qu’il ne saurait être retenu qu’il ait été porté atteinte à sa liberté d’expression.

Le demandeur reproche ensuite au ministre d’avoir retenu une violation de l’article 9, alinéa 1er de la loi du 16 avril 1979. Par rapport à ce motif à la base de la décision litigieuse, il renvoie à ses explications sur le fondement de la liberté d’expression. Il donne à considérer que son courrier ne comporterait que des considérations empiriques et pratiques, qui ne concerneraient pas la ligne nationale de la Police grand-ducale. Il souligne pareillement qu’il aurait tenu compte de l’intérêt du service puisque les considérations contenues dans son courrier seraient celles du responsable du service de police de la commune concernée. Enfin, il conteste avoir nui à la bonne renommée de la police.

Le demandeur reproche encore au ministre d’avoir retenu sur le fondement de l’article 2 de la loi du 16 avril 1979 qu’il se serait comporté d’une façon irréprochable.

A cet égard, il soutient que l’incrimination serait trop vague et générale.

Le demandeur soutient ensuite que le courrier litigieux du 8 août 2012 n’aurait pas eu vocation à être public et ne l’aurait pas été. Il soutient qu’il aurait présenté ses observations en tant que responsable administratif à l’adresse d’un responsable politique, tout en relevant qu’il serait nécessaire que la bourgmestre de la commune de ... soit tenu informée des considérations du chef d’unité du CP ... concernant la sécurité et la police sur le territoire de la commune. Il souligne encore que le ton employé par lui ne serait ni injurieux ni inapproprié.

Aucun terme ne permettrait de lui imputer des sentiments xénophobes ou racistes. D’autre part, la circonstance qu’il s’est adressé directement à la bourgmestre ne serait pas reprochable non plus. Il ajoute encore que la position officielle de la Police grand-ducale ne pourrait lui être opposée s’il entend exprimer ses interrogations sur le projet litigieux.

En ce qui concerne la violation reprochée de l’article 3, alinéa 6 de la loi du 16 avril 1979, le demandeur soutient que ce reproche serait subjectif puisqu’il ne se dégagerait d’aucun élément du dossier que les subordonnés, les responsables politiques ou mêmes les habitants de ... auraient perdu confiance en lui pour assurer leur sécurité, alors qu’il aurait seulement considéré que le lieu envisagé pour le projet communal ne serait pas le plus approprié. Il reproche au directeur régional d’avoir soulevé un reproche purement personnel et que pour pouvoir maintenir ce reproche il se serait abstenu d’interroger plus particulièrement le bourgmestre de la commune de ....

Il ajoute encore qu’une partie des citoyens de la commune de ... auraient émis les mêmes réserves que lui-même et qu’il n’aurait fait qu’exprimer le point de vue objectif d’un garant de la sécurité de la commune de ..., en accord avec les préoccupations d’une grande partie des habitants de la commune. A cet égard, il fait valoir que bien avant les réserves émises par lui en raison de la présence d’enfants à proximité du projet, des parents d’élèves de l’école située à proximité auraient signé une pétition. Il en déduit que ce serait à tort qu’il aurait été retenu que ses subordonnés, et à ces yeux également les administrés, aient perdu confiance en lui.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ces moyens.

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Le tribunal constate que le ministre, dans sa décision, a retenu à charge du demandeur une violation des dispositions des articles 2, 3, alinéa 6 et 9, alinéa 1er de la loi du 16 avril 1979.

Il convient de prime abord de rejeter la contestation du demandeur fondée sur un caractère imprécis des dispositions des articles 2, 3, alinéa 6, 9, alinéa 1er de la loi du 16 avril 1979, au regard de la conclusion ci-avant retenue par rapport au moyen fondé sur une violation de l’article 7 de la CEDH.

Aux termes de l’article 2 de la loi du 16 avril 1979 : « La discipline militaire exige l'observation des lois et règlements fixant les droits et devoirs des militaires, la subordination hiérarchique, l'exécution prompte et complète des prescriptions et ordres de service, la soumission de l'intérêt personnel à l'intérêt du service, la solidarité, le respect et la confiance mutuels ainsi que le comportement irréprochable tant dans le service qu'en dehors du service. », tandis que l’article 3, alinéa 6 de la même loi dispose que: « […] Le supérieur observe, tant dans le service qu'en dehors du service, la réserve et la discrétion qui lui assureront la confiance de ses subordonnés. »

Aux termes de l’article 9, alinéa 1er de la même loi, « Les militaires doivent tenir compte de l'intérêt du service et s'abstenir de tout ce qui pourrait nuire à la bonne renommée de la force publique en général et du corps dont ils font partie. […] »

Le demandeur entend mettre en balance notamment par rapport au devoir de réserve se dégageant de ces dispositions, la liberté d’expression garantie par l’article 10 de la CEDH, en vertu duquel « 1. Toute personne a le droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontières.

Le présent article n’empêche pas les Etats de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations.

2. L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions, prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire. »

Si cette disposition garantit la liberté d’expression, cette liberté n’est pas absolue, mais peut être soumise à des restrictions en vertu de dispositions légales, motivées par des considérations tenant notamment à la défense de l’ordre et à la protection de la réputation ou des droits d’autrui.

Dans son arrêt du 8 décembre 2009 dans une affaire Aguilera Jiménez et autres contre Espagne, la Cour européenne des Droits de l’Homme rappelle que la liberté d’expression constitue l’un des fondements essentiels d’une société démocratique et que les exceptions sont

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à interpréter de manière stricte par le juge national dans le cadre de sa marge d’appréciation des circonstances de l’espèce lui soumise1.

D’après les critères dégagés par la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme, les restrictions à la liberté d’expression doivent être prévues par la loi, dans un but légitime et être nécessaires dans une société démocratique.

Il convient de préciser que les restrictions à la liberté d’expression peuvent non seulement prendre la forme de dispositions légales limitant l’exercice de la liberté d’expression, dans le cadre tracé par l’article 10 de la CEDH, mais peuvent également consister en des sanctions postérieures à un exercice excessif de ce droit2.

La loi du 16 avril 1979 définit un certain nombre de devoirs des membres de la force publique tombant dans son champ d’application, et plus particulièrement à travers les dispositions précitées des articles 2, 3 et 9, elle prévoit d’une manière générale un devoir de réserve.

Cette restriction à la liberté d’expression découlant de la loi du 16 avril 1979, dont le non-respect est susceptible d’être sanctionné en droit disciplinaire, est prévue dans un but légitime, à savoir la sauvegarde de l’image d’autrui, en l’occurrence la renommée de la force publique et du corps auquel le militaire est affecté, et plus loin aussi la sauvegarde de la réputation et des droits de tiers touchés par les déclarations des membres de la force publique.

Il s’ensuit que le fait que la loi du 16 avril 1979 impose un devoir de réserve aux membres de la force publique visés par ses dispositions n’est pas, par principe, contraire à la liberté d’expression comme l’entend le demandeur.

En ce qui concerne la qualification des déclarations du demandeur, le tribunal est de prime abord amené à retenir qu’en l’espèce, la prise de position reprochée au demandeur ne constitue pas l’expression de son opinion en sa qualité de personne privée, mais elle a été exprimée en sa qualité de policier et plus particulièrement celle de commissaire en chef et chef du CP ..., dans un rapport couché sur du papier en-tête de la Police grand-ducale. En effet, du moment que le demandeur s’est exprimé, ce qu’il qualifie actuellement avoir été son appréciation personnelle, en sa qualité de chef du CP ... dans un rapport officiel adressé aux autorités communales sous le couvert de la Police Grand-ducale, il doit avoir été conscient que cette opinion allait être nécessairement perçue comme étant celle de la Police grand- ducale en tant que corps et non seulement comme étant son opinion individuelle et que, par ailleurs, elle allait être débattue en public, vu le caractère sensible du dossier dont il était nécessairement conscient, puisqu’il se réfère lui-même à des pétitions de parents d’élèves et à l’opinion exprimée par des habitants de ....

Comme le demandeur s’est ainsi exprimé en sa qualité de policier et en public, son devoir de réserve était encore plus renforcé que s’il s’était exprimé en privé. Plus particulièrement, en s’exprimant au nom de la Police grand-ducale sur un dossier aussi sensible que celui qui est litigieux, il avait l’obligation de se conformer à la ligne officielle de la Police, et sinon, du moins de nuancer ses propos et de préciser que l’opinion exprimée est

1 Aguilera Jiménez et autres c. Espagne, 8 décembre 2009

2 Ezelin c. France, 26 avril 1991, § 53, série A no 202.

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celle qui lui est propre. En toute hypothèse, il n’était pas libre d’exprimer ses propres opinions si celles-ci sont de nature à préjudicier à l’intérêt et à la renommée de la Police grand-ducale, respectivement de nature à porter atteinte à la renommée et aux droits d’autrui.

Il est certes vrai que le fait pour le demandeur d’avoir, dans son rapport du 8 août 2012 adressé à l’administration communale de ..., fait état d’un problème de sécurité pour les usagers de la voie publique, en ce sens qu’il a affirmé que suivant les plans le bâtiment projeté allait bloquer un passage à piétons, et d’avoir ainsi en sa qualité de chef du CP ... rendu attentives les autorités communales à un problème de sécurité de ce genre, n’est pas reprochable en soi.

Néanmoins, le tribunal constate encore que le ton employé par le demandeur dans son rapport manque incontestablement de neutralité et d’objectivité en ce qu’il insinue de manière indirecte que les autorités communales auraient l’intention de donner leur aval à un projet illégal pour favoriser un constructeur public par rapport à un projet émanant d’une personne privée (« Es muss wohl kaum erwähnt werden dass, sollte eine Privatperson einen derartigen Bauplan zum Bau einer Immobilie bei der Gemeindeverwaltung einreichen, diese mit hundertprozentiger Sicherheit keine Baugenehmigung erhalten würde. »).

Pareillement, en alléguant que « Es ist dies einer der wenigen Wege in ..., welche Kinder ungefährdet benutzen können, ohne über eine Strasse gehen zu müssen », le demandeur laisse sous-entendre que la commune serait peu soucieuse de la sécurité des écoliers.

En ce faisant, le demandeur a nuit à la renommée de la Police grand-ducale.

Il se dégage ensuite du rapport litigieux que le demandeur insinue une relation directe entre une augmentation de la criminalité et la présence d’un centre d’accueil pour demandeurs d’asile, présumant ainsi une criminalité accrue due à la présence de demandeurs d’asile, en faisant allusion de manière vague à des infractions constatées et en en déduisant péremptoirement un fait avéré, sans que, tel que cela a été retenu à juste titre par le délégué du gouvernement, les considérations sécuritaires émises par lui ne soient fondées sur des données policières et statistiques objectivement vérifiables (« Es ist nun mal Fakt, dass sich die Kriminalität in allen luxemburgern Gemeinden, welche über Asylantenheime verfügen, steigt.

Da hilft es auch nichts, wenn man dies behauptet, gleich als Rassist abgestempelt zu werden, die Zahlen der festgestellten Straftaten sprechen hier für sich. Dies soll natürlich nicht heissen, dass alle Asylanten kriminell sind, doch wird sich auch in ... die Zahl der Straftaten erhöhen »). Force est encore de constater que le demandeur n’a ni au cours de la procédure disciplinaire, ni dans le cadre du présent recours avancé des éléments objectifs et vérifiables de ses allégations. S’il n’a certes pas employé des termes clairement racistes ou xénophobes, il n’en reste pas moins que son affirmation peu nuancée consistant à retenir une présomption de criminalité accrue de demandeurs d’asile est non seulement de nature à faire naître dans la population un sentiment d’insécurité injustifié à l’égard de demandeurs d’asile, mais aussi nuit à la renommée de Police grand-ducale en ce sens que ces déclarations risquent d’être perçues comme répondant à l’opinion officielle de la Police grand-ducale. Le tribunal constate encore que le rapport du demandeur n’est pas resté sans effet, puisque les autorités communales se sont adressées au directeur régional par courrier électronique du lendemain afin de savoir s’il s’agit de la position officielle de la police. Il convient encore de relever que même si des pétitions d’habitants ont été signées en rapport avec le projet litigieux, le

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