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Nations Unies, Organisation internationale du travail, Conseil de l'Europe et Union européenne : un cadre de référence pour la sécurité sociale

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Nations Unies, Organisation internationale du travail, Conseil de l'Europe et Union européenne : un cadre de référence pour la

sécurité sociale

GREBER, Pierre-Yves

GREBER, Pierre-Yves. Nations Unies, Organisation internationale du travail, Conseil de l'Europe et Union européenne : un cadre de référence pour la sécurité sociale. Cahiers genevois et romands de sécurité sociale, 2011, no. 47, p. 87-113

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NATIONS UNIES, ORGANISATION INTERNATIONALE

DU TRAVAIL, CONSEIL DE L’EUROPE ET UNION EUROPEENNE : UN CADRE DE REFERENCES POUR LA SECURITE SOCIALE

Pierre-Yves GREBER Professeur à l’Université de Genève

BIBLIOGRAPHIE

1. INTRODUCTION ... 1

2. POURQUOI SELECTIONNER L’ONU, L’OIT, LE CONSEIL DE L’EUROPE ET L’UNION EUROPEENNE ? ... 3

2.1 La compétence de l’OIT ... 4

2.2 La compétence de l’ONU ... 7

2.3 La compétence du Conseil de l’Europe ... 10

2.4 La compétence de l’Union Européenne ... 13

2.5 Première conclusion ... 16

3. LE CADRE DE REFERENCES : CONCEPT ET UTILITE ... 19

3.1 Le concept ... 21

3.2 L’utilité ... 26

4. UNE SYNTHESE DES GRANDS CHANGEMENTS EN COURS ... 29

4.1 L’environnement des systèmes ... 29

4.2 L’évolution des besoins de protection ... 33

4.2.1 Les soins de santé ... 33

4.2.2 La dépendance ou perte d’autonomie ... 34

4.2.3 L’importance des pensions de vieillesse / retraite... 36

4.2.4 La transformation des structures familiales ... 38

4.2.5 Une situation plus difficile pour les jeunes ... 39

4.2.6 L’accroissement des travaux atypiques ... 40

4.2.7 L’impact négatif du chômage sur les systèmes de sécurité sociale ... 42

4.3 L’évolution relative aux valeurs ... 44

4.3.1 Plus ou moins de solidarité ? ... 45

4.3.2 Quid de l’égalité ? ... 49

4.4 L’évolution économique ... 51

4.4.1 L’évolution générale ... 52

4.4.2 Les changements dans les entreprises ... 55

4.4.3 Sécurité sociale et compétitivité de l’économie ... 58

4.4.4 Une série de crises ... 62

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4.5 L’évolution démographique ... 66

4.6 Une évolution politique favorable ou opposée à la sécurité sociale ? ... 69

4.6.1 Deux modèles opposés ... 69

4.6.2 Vers l’insécurité sociale ? ... 71

4.7 Deuxième conclusion ... 72

5. L’UTILISATION DU CADRE DE REFERENCES : PREMIERE ESQUISSE ET ETUDE ANNONCEE ... 78

6. DERNIERE CONCLUSION ... 85

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BIBLIOGRAPHIE

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1. INTRODUCTION

1. Cette étude emprunte le parcours suivant :

• La justification d’une sélection de deux Organisations mondiales, l’ONU et l’OIT, et de deux Organisations européennes, le Conseil de l’Europe et l’Union Européenne. Quelles sont leurs compétences ? Ce cadre institutionnel est-il cohérent ?

• Quid d’un cadre de références pour la sécurité sociale ? Quel est le concept, quelle est son utilité et plus particulièrement dans les conditions actuelles ?

• Comment synthétiser les grands changements qui marquent l’environnement des systèmes de sécurité sociale ?

• La dernière étape porte sur l’utilisation du cadre de références. Peut-on trouver des éléments utiles pour le développement et le pilotage de la sécurité sociale ?

2. Cet exercice est utile d’une manière générale. Mais il l’est encore plus de nos jours : certains besoins de protection augmentent, les valeurs sont discutées (singulièrement celle de la solidarité), les données économiques sont marquées par l’instabilité, la vie s’allonge, les débats politiques sont vifs. Certes les politiques et les systèmes de sécurité sociale relèvent essentiellement de la compétence des Etats.

Pourtant le droit international et européen a un rôle à jouer. Il peut justement fournir aux gouvernements et aux législateurs, comme à la société civile, des éléments de références. Quand les temps sont plus difficiles, les repères sont d’autant plus utiles. Et la sécurité sociale s’inscrit sur le long terme.

2. POURQUOI SELECTIONNER L’ONU, L’OIT, LE CONSEIL DE L’EUROPE ET L’UNION EUROPEENNE ?

3. Comme nous allons le voir, ces quatre Organisations ont des compétences dans le domaine de la sécurité sociale. Elles les ont utilisées de manière judicieuse1.

2.1 La compétence de l’OIT

4. Il m’apparaît normal de commencer par l’Organisation internationale du Travail.

En effet, c’est l’OIT qui a principalement diffusé le modèle de l’assurance sociale, grande création allemande de la fin du XIXe siècle2

1 Pierre-Yves GREBER : Droit international et européen de la sécurité sociale, pp. 123 sv. – Guy PERRIN : Les fondements du droit international de la sécurité sociale, pp. 479 sv.

. Ensuite, au milieu du XXe siècle,

2 Jean-Jacques DUPEYROUX / Michel BORGETTO / Robert LAFORE : Droit de la sécurité sociale, pp. 26 sv. – Guy PERRIN : L’assurance sociale – ses particularités – son rôle dans le passé, le présent et l’avenir. In : Beiträge zu Geschichte und aktueller Situation der Sozialversicherung. Max-Planck-Institut für ausländisches und internationales Sozialrecht.

Duncker & Humblot. Berlin 1983, pp. 29 sv. – Pierre-Yves GREBER : Droit international et européen de la sécurité sociale, pp. 27 sv.

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l’OIT participe de manière décisive à la création même de la sécurité sociale (Recommandations OIT Nos 67 et 69, 1944 ; Convention OIT N° 102, 1952)3. Puis elle guide le développement de cette institution, mettant en place progressivement un système normatif à plusieurs étages, complété par une série d’instruments, par exemple destinés aux personnes vivant avec un handicap4.

5. Sur quelle base l’OIT a-t-elle pu adopter ces normes ? C’est la Constitution de l’Organisation internationale du Travail, adoptée en 1919 et révisée en 1946, qui lui permet d’agir. Les perspectives ou finalités sont indiquées par le Préambule (lien entre la paix et la justice sociale ; urgence d’améliorer les conditions de travail ; lutte contre le chômage ; protection contre les maladies et les accidents ; octroi de pensions de vieillesse et d’invalidité ; défense des intérêts des travailleurs occupés à l’étranger), ainsi que par la Déclaration de Philadelphie annexée ( la pauvreté représente un danger pour la prospérité de tous ; la lutte contre le besoin est à mener sur le plan national et international ; les aspects humains et sociaux ont la primauté sur les considérations économiques ; l’universalité pour les soins médicaux ; la garantie d’un revenu de base à tous ceux qui en ont besoin). L’art. 1 de la Constitution donne ainsi mandat à l’OIT de réaliser le programme résultant tant du Préambule que de la Déclaration de Philadelphie. Concrètement, l’Organisation internationale du Travail est dotée d’une compétence sociale générale, elle a vocation à protéger l’ensemble de la population5.

6. Pour le domaine de l’harmonisation, entendue comme rapprochement des systèmes de sécurité sociale, l’OIT est l’Organisation leader. Son rôle est irremplaçable et elle fournit le premier cadre de références.

2.2 La compétence de l’ONU

7. L’Organisation des Nations Unies doit aussi être prise en considération. La promotion des droits de l’être humain et le progrès social font partie de ses finalités.

Dans ses textes de principes (Déclaration universelle des droits de l’homme ; Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ; Convention internationale relative aux droits de l’enfant, Conventions internationales sur l’élimination de toutes les discriminations raciales et à l’égard des femmes), le droit à la sécurité sociale est reconnu comme un droit de l’être humain. L’ONU a aussi contribué à l’émergence d’un nouveau regard sur les personnes vivant avec un handicap6

3 Guy PERRIN : Histoire du droit international de la sécurité sociale, pp. 236 sv., 500 sv.

, avec

4 Guy PERRIN : Histoire du droit international de la sécurité sociale, pp. 563 sv. – Pierre-Yves GREBER : Droit international et européen de la sécurité sociale, pp. 207 sv., 218 sv.

5 Hector BARTOLOMEI DE LA CRUZ / Alain EUZEBY : L’Organisation internationale du Travail, pp. 9 sv. – Jean-Michel BONVIN : L’Organisation internationale du Travail, pp. 15 sv.

– Guy PERRIN : Histoire du droit international de la sécurité sociale, pp. 86 sv. – Pierre-Yves GREBER : Droit international et européen de la sécurité sociale, pp. 126-129, 156-157.

6 Katarzyna MICHALAK : La Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées : le premier instrument juridiquement contraignant du XXIe siècle ayant trait aux droits de l’être humain. Cahiers genevois et romands de sécurité sociale, N° 39-2007, pp. 43 sv.

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une combinaison judicieuse de protection et de soutien de leur autonomie, de leur pleine participation à la société. Un autre dossier prioritaire est l’élimination de la pauvreté et la garantie à chaque habitant de la Planète d’un socle de protection sociale7.

8. Sur quelle base l’ONU a-t-elle pu adopter ces normes ? C’est la Charte des Nations Unies, adoptée en 1945, qui lui permet d’agir. Le Préambule se réfère à la nécessité d’écarter le fléau de la guerre, à la promotion des droits de l’être humain et au progrès social. L’art. 1 de la Charte indique la coopération internationale, la résolution des problèmes sociaux et économiques, le respect des droits de l’être humain sans distinctions (discriminations). Le chapitre IX de la Charte est consacré à la coopération économique et sociale internationale. Comme l’OIT, les Nations Unies disposent d’une compétence sociale générale, avec également vocation à protéger l’ensemble de la population8.

9. Les Nations Unies sont leader dans le domaine des textes de principes, c’est-à- dire ceux qui reconnaissent à chacun le droit à la sécurité sociale.

2.3 La compétence du Conseil de l’Europe

10. Le Conseil de l’Europe représente la Grande Europe : 47 Etats membres, du Portugal et de l’Irlande à la Russie. Comme l’OIT, il guide le développement des systèmes de sécurité sociale, avec également un système normatif à étages complété par une série d’instruments plus spécifiques (p. ex. aux soins de santé, au chômage, à l’exclusion). Comme l’ONU, il a pour finalité la reconnaissance du droit à la sécurité sociale. A l’exemple des deux Organisations mondiales, il œuvre aussi dans le domaine de la coordination9.

11. Sur quelle base le Conseil de l’Europe a-t-il pu agir ? C’est en vertu du Statut du Conseil de l’Europe, adopté en 1949. Les finalités sont indiquées par le Préambule et l’art. 1 : démocratie et droits de l’être humain, progrès économique et social.

L’Organisation de la Grande Europe bénéficie aussi d’une compétence sociale générale, avec vocation à protéger l’ensemble de la population10.

7 Jean-Jacques DUPEYROUX : Le droit à la sécurité sociale dans les déclarations et pactes internationaux, pp. 365 sv. – Guy PERRIN : Les fondements du droit international de la sécurité sociale, pp. 479 sv. – Pierre-Yves GREBER : Le 60e anniversaire des Nations Unies et la sécurité sociale, pp. 71 sv.

8 Guy PERRIN : Les fondements du droit international de la sécurité sociale, pp. 479 sv.

9 S. Günter NAGEL : Réflexions à propos d’un modèle social européen révisé sur la base de la CEDH, pp. 17 sv. – S. Günter NAGEL / Christian THALAMY : Le droit international de la sécurité sociale, pp. 17 sv. – Guy PERRIN : Histoire du droit international de la sécurité sociale, pp. 593 sv. – Pierre-Yves GREBER : Conseil de l’Europe : 60 années pour la sécurité sociale, pp. 9 sv.

10 Références indiquées à la note précédente et : Jean-Louis BURBAN : Le Conseil de l’Europe, pp. 3 sv., 18 sv. – Pierre DUCLOS : Le Conseil de l’Europe. Presses universitaires de France.

Paris 1970.

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12. Dans le domaine de l’harmonisation (rapprochement des systèmes), le Conseil de l’Europe occupe en importance la deuxième place après l’OIT et pour les grands textes de principes, la deuxième derrière l’ONU.

2.4 La compétence de l’Union Européenne

13. L’Union Européenne occupe une place importante essentiellement dans deux domaines : l’égalité entre femmes et hommes, la coordination des systèmes de sécurité sociale. Son intervention est plus réduite, ce qui ne veut pas dire sans intérêt, en ce qui concerne les textes de principes et le rapprochement des politiques et des systèmes.

Mais sa situation est paradoxale : là où elle peut agir, ses moyens d’action (règlements, directives ; jurisprudence de la Cour) sont beaucoup plus puissants que ceux des trois Organisations internationales précitées (conventions ouvertes à la ratification des Etats, certains mécanismes de contrôle). Cependant l’Union est bridée par les principes d’attribution et de subsidiarité, par la description de ses compétences11.

14. Sur quelle base l’Union peut-elle intervenir ? C’est actuellement en vertu du Traité sur l’Union Européenne (TUE) et du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE). Les buts comprennent la libre circulation des personnes, la promotion d’une « économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social » (art. 3 § 3 TUE), la lutte contre l’exclusion sociale et les discriminations, l’égalité entre femmes et hommes (art. 3 TUE). Mais il s’agit de buts et non de compétences12. L’Union ne peut agir que si et dans la mesure où elle en a reçu la compétence (principe d’attribution, art. 5 § 1 TUE) ; elle doit respecter le principe de subsidiarité (art. 5 § 3 TUE). L’Union Européenne dispose de deux compétences « fortes » : pour la coordination des systèmes de sécurité sociale, élément essentiel pour la libre circulation (art. 48 TFUE) ; pour imposer l’égalité entre travailleuses et travailleurs, avec une application aux régimes professionnels de sécurité sociale (art. 157 TFUE). Pour agir en « politique sociale », sur les contenus des politiques et des systèmes, la compétence est partagée entre l’Union et les Etats (art. 4 § 2, b, TFUE), avec un rappel très clair du principe de subsidiarité : priorité aux Etats, d’ailleurs seuls compétents pour définir les éléments fondamentaux de leurs systèmes (art. 153 TFUE). Dans l’Europe des Vingt-sept, la répartition des actions est donc beaucoup plus complexe et l’Union Européenne ne dispose pas d’une compétence sociale générale13.

11 Pierre-Yves GREBER : Droit international et européen de la sécurité sociale, pp. 134 sv. – Bettina KAHIL-WOLFF / Pierre-Yves GREBER : Sécurité sociale, aspects de droit national, international et européen, pp. 223 sv. – Pierre RODIERE : Traité de droit social de l’Union européenne, pp. 25 sv. – Jean-Michel SERVAIS : Droit social de l’Union européenne, pp. 38 sv.

12 En d’autres termes, à ce stade les acteurs ne sont pas encore définis : les institutions de l’Union Européenne, les Etats membres ? Tous ensemble ?

13 Voir la note 11.

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15. Nonobstant ces limites, l’Union est leader dans deux domaines en sécurité sociale : l’égalité entre femmes et hommes, la coordination des systèmes. Elle a en outre développé un concept intéressant et utile, celui de la convergence14.

2.5 Première conclusion

16. Les développements précédants montrent que si l’on étudie le domaine de la sécurité sociale, il faut effectivement prendre en considération :

Les Nations Unies ;

L’Organisation internationale du Travail ;

Le Conseil de l’Europe ;

L’Union Européenne.

17. Les trois premières Organisations internationales disposent d’une compétence sociale générale ; l’UE bénéficie de certaines compétences définies dans le domaine social. Pourquoi cette différence, à première vue étonnante ? Elle s’explique par les moyens d’actions, les obligations : l’ONU, l’OIT et le Conseil de l’Europe peuvent au maximum adopter des instruments de type conventionnel, seuls les Etats qui les ont ratifiés sont liés sur le plan juridique et ils peuvent choisir de ratifier ou non ; l’UE a la capacité d’adopter des règlements (véritables lois européennes) et des directives (qui obligent les Etats à atteindre les buts fixés), le tout éclairé par la jurisprudence de la Cour. Ainsi, au moment d’attribuer une compétence à une Organisation internationale, les Etats sont enclins à lui accorder un champ large d’interventions possibles, ils verront en effet ultérieurement par quels instruments ils sont d’accord d’être liés. Au contraire, chaque compétence de l’Union est discutée très précisément.

18. L’ONU, l’OIT et le Conseil de l’Europe ont, en sécurité sociale, des activités qui se complètent judicieusement. L’Union a sa propre approche, mais qui n’est pas en contradiction avec les premières. Ainsi, le cadre institutionnel exposé est cohérent.

3. LE CADRE DE REFERENCES : CONCEPT ET UTILITE

19. Formuler une politique de sécurité sociale est une tâche complexe. Instituer, piloter et adapter constamment un système de sécurité sociale constitue une entreprise encore plus complexe. Il faut maîtriser des ensembles normatifs étendus. Les populations doivent pouvoir accorder leur confiance et compter sur la protection prévue.

Les enjeux financiers se comptent en milliards, recettes et dépenses représentent une part importante du produit national.

14 Yves CHASSARD : La convergence des objectifs et politiques de protection sociale, pp. 13 sv. – Michel DISPERSYN : La stratégie européenne de convergence des objectifs et politiques de protection sociale, pp. 1195 sv.

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20. Certes, la sécurité sociale est d’abord de la compétence des Etats. Mais pour ceux-ci, l’existence d’un cadre de références peut être précieuse, encore plus lorsque les temps sont difficiles.

3.1 Le concept

21. Le droit international et le droit européen de la sécurité sociale fournissent des pistes, des indications, sur des éléments essentiels. L’exercice n’est pas facile : d’une part, il faut apporter des contributions substantielles, utiles pour les législateurs et les gouvernements ; d’autre part, il faut respecter les compétences des Etats et se rappeler que ce sont eux qui endossent la responsabilité de fournir effectivement une protection.

22. Le cadre de références international et européen peut porter sur les éléments suivants15

Les buts de la protection : prévenir des risques, fournir des revenus de remplacement, insérer, réinsérer, accompagner ;

:

Les populations à protéger ou détermination du champ d’application personnel.

L’extension progressive de celui-ci est une dynamique qui marque singulièrement les normes de l’OIT et du Conseil de l’Europe ;

Les éventualités à couvrir : certaines ont le caractère de risque (maladie, accident, chômage, insolvabilité de l’employeur, invalidité, dépendance, décès du soutien de famille), d’autres d’événements positifs (maternité, charges familiales, retraite). Une première définition peut-être fournie à ce stade ;

Les sortes de prestations : soins de santé, prestations en espèces à court terme (indemnités journalières), prestations en espèces à long terme (pensions, prestations familiales), services (conseils, orientation, crèches, aide à l’insertion, accompagnement des grands âgés) ;

Les conditions d’octroi (durée de stage admissible p. ex.) et le service des prestations (indexation, durée, exportation p. ex.) ;

L’organisation administrative : responsabilité de l’Etat pour une bonne gouvernance, institutions compétentes, participation des différents acteurs) ;

L’organisation financière : indications pour une répartition équitable entre les personnes protégées, les employeurs, l’Etat) ;

L’organisation contentieuse : possibilité de contester une décision auprès de l’institution qui l’a adoptée puis recours devant une autorité judiciaire.

15 Pour une application aux pensions de retraites et aux prestations d’invalidité, voir p. ex. : – Pierre-Yves GREBER : Les instruments de l’Organisation internationale du Travail et du Conseil de l’Europe relatifs aux pensions de retraites. Revue suisse des assurances sociales et de la prévoyance professionnelle (RSAS / SZS) 2008, pp. 463 sv. – Pierre-Yves GREBER : La protection des personnes vivant avec une invalidité : quelques aspects de droit international. In : La 5e révision de l’AI. B. KAHIL-WOLFF / E. SIMONIN (éditrices). IDAT N° 36. Stämpfli.

Bern 2009, pp. 177 sv.

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23. Pour les trois derniers points, il faut être conscient que l’on aborde des questions que les Etats entendent résoudre eux-mêmes. Le cadre de références doit être ici particulièrement souple.

24. La coordination des systèmes de sécurité sociale peut aussi être mentionnée. Ici les législations nationales sont les données, la coordination n’a pas vocation à les modifier, mais à établir entre elles les liens nécessaires dès qu’une situation excède le cadre d’un Etat. Les normes, internationales et européennes portent alors sur :

L’égalité de traitement entre nationaux et étrangers, éventuellement soumise à des conditions (réciprocité) ou limites (traitement p. ex. différencié des prestations contributives et non contributives) ;

• La constitution si nécessaire d’une carrière <par-dessus les frontières>, soit le principe du maintien des droits en cours d’acquisition (totalisation des périodes de cotisations, d’emploi, de résidence, proratisation) ;

• Le maintien de la protection hors de l’Etat compétent, soit le principe du maintien des droits acquis (entraide administrative pour les soins ; service à l’étranger ou exportation pour les prestations en espèces)16.

25. Toujours dans le domaine de la coordination, la désignation du droit applicable et la coopération administrative, plus techniques, semblent moins relever d’un cadre de références. Elles sont très importantes sur le plan de l’application.

3.2 L’utilité

26. Le cadre de références est utile lors de l’élaboration d’un système de sécurité sociale. C’est donc une tâche qui est ou sera à l’agenda dans les pays émergents et en développement, où une grande partie de la population n’a pas accès à une protection sociale17.

27. Il est également utile en cas de révisions d’un système existant : tout en étant libre de ses choix, un législateur national devrait toujours garder à l’esprit les finalités et les principes fondamentaux de la sécurité sociale : celle-ci est un instrument indispensable pour la protection des populations.

28. Il est enfin particulièrement utile quand les temps sont difficiles, quand il faut à la fois combler des lacunes graves, adapter les législations aux nouvelles conditions de vie, prendre des mesures restrictives, couper certaines prestations. Il s’agit de prendre des décisions cohérentes, acceptables, supportables. Ces questions sont partout à l’agenda. L’étape suivante va consister à apprécier l’environnement actuel de la sécurité sociale.

16 Bettina KAHIL-WOLFF / Pierre-Yves GREBER : Sécurité sociale : aspects de droit national, international et européen, pp. 195 et 318 sv. – Pierre-Yves GREBER : Droit international et européen de la sécurité sociale, pp. 275 sv.

17 BUREAU INTERNATIONAL DU TRAVAIL : Sécurité sociale : un nouveau consensus, p. 37.

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4. UNE SYNTHESE DES GRANDS CHANGEMENTS EN COURS 4.1 L’environnement des systèmes18

29. Tout système de sécurité sociale comprend :

• Un ensemble de normes juridiques ;

• Des institutions (pour la perception des ressources, le service des prestations) ;

• Des flux financiers (de plusieurs provenances ; administrés selon des techniques).

30. Un tel système fonctionne dans un environnement, avec lequel il entretient un jeu d’influences réciproques :

• Des besoins de protection sont à prendre en considération ;

• Des valeurs sont généralement acceptées ou au contraire contestées ;

• Les conditions économiques sont favorables – croissance, plein emploi, stabilité – ou au contraire défavorables : récession, crise, chômage, instabilité ;

• Les données démographiques – natalité, espérance de vie, migrations – représentent un élément incontournable ;

• Enfin, le climat politique est déterminant : est-il favorable ou défavorable, voire hostile à la protection sociale ?

31. L’hypothèse suivante peut être formulée : plus l’environnement de la sécurité sociale est positif, plus les Etats tendront à s’inspirer du cadre de références international et, dans notre région, européen. En effet, celui-ci soutient la recherche d’une bonne protection. Inversement, si les conditions-cadre sont difficiles, les Etats vont s’en écarter et les réformes seront essentiellement voire exclusivement fondées sur des critères financiers ; la protection garantie comme la solidarité vont alors reculer.

32. Cette synthèse des grands changements en cours aborde successivement les besoins de protection, les valeurs, les données économiques et démographiques, les enjeux politiques.

4.2 L’évolution des besoins de protection19 4.2.1 Les soins de santé

33. Les tendances et questions actuelles peuvent être résumées comme suit :

• Entourée par la biologie, la chimie et l’informatique, la médecine continue de progresser ; des améliorations sont attendues notamment en gérontologie, face aux cancers et au sida, en transplantations ;

• Cela pose la question de l’accès à ces progrès : si chacun doit pouvoir en bénéficier, il faudra élargir les prestations des régimes publics (services nationaux de santé ou assurance-maladie), d’où un accroissement des dépenses. En effet, si les législateurs

18 Pierre-Yves GREBER : Droit international et européen de la sécurité sociale, pp. 10-11.

19 Idem, pp. 65 sv.

(15)

se limitent à une protection de base, seule une partie de la population bénéficiera effectivement des avancées, soit par des assurances complémentaires privées soit par un paiement direct ;

• Sur le plan mondial, la situation est très critique : dans les pays émergents et en développement beaucoup de personnes ne bénéficient pas des soins et de la prévention nécessaires. Corriger cette situation inadmissible revêt une importance prioritaire20.

4.2.2 La dépendance ou perte d’autonomie

34. Certains pensionnés n’auront pas seulement besoin de soins et de prestations en espèces, mais également de services pour faire face à ce risque. Celui-ci n’est pas nouveau : de tout temps, des grands âgés sont devenus dépendants de l’aide d’un tiers pour accomplir les actes élémentaires de la vie.

35. Il y a ici une évolution à deux titres :

• L’accroissement du nombre des personnes âgées de 85 ans et plus, exposées à la dépendance ;

• Plus de difficultés pour les familles d’apporter leur contribution, singulièrement si elles sont obligées de changer de domicile et de région pour des raisons professionnelles21.

4.2.3 L’importance des pensions de vieillesse / retraite

36. L’évolution peut-être exposée en deux temps : le positif, puis les problèmes. Il convient tout d’abord de rappeler que la vie humaine s’allonge dans beaucoup de pays22, grâce aux progrès de la médecine, à l’amélioration des conditions de vie et de travail. Les pays en guerre, ravagés par la misère et le sida en fournissent la preuve contraire : le vieillissement n’est pas leur souci majeur, mais c’est la survie. Le deuxième aspect positif à relever est celui de la protection garantie par les régimes de retraite dans les pays économiquement développés. Alors qu’historiquement la vieillesse était synonyme de pauvreté, la situation a changé radicalement, relève le Bureau international du Travail23, au cours du XXe siècle : le statut des pensionnés est comparable à celui des actifs, il s’est <normalisé>.

37. A côté de ces deux évolutions remarquables, qu’il faut garder à l’esprit dans les débats actuels, il y a présence d’une série de problèmes :

20 Sécurité sociale pour la majorité exclue. Etudes de cas dans les pays en développement. Wouter van GINNEKEN (éd.). BIT. Genève 2000.

21 Patrick HENNESSY : Le risque croissant de dépendance des personnes âgées : rôle des familles et de la sécurité sociale. Revue internationale de sécurité sociale, 1/1997, pp. 25 sv.

22 Voir ci-dessous le N° 67.

23 BUREAU INTERNATIONAL DU TRAVAIL : Régimes de retraite de la sécurité sociale.

Evolution et réforme. BIT. Genève 2000, pp. 3-4.

(16)

• Dans les pays émergents et en développement, seule une minorité de la population peut bénéficier d’une pension de retraite. La question est prioritaire notamment en Chine et en Inde ;

• Dans les pays économiquement développés, le nombre des retraités s’accroît de manière importante et donc logiquement il en va de même des dépenses ;

• Le domaine de l’emploi ne répond pas aux tendances démographiques : les travailleurs seniors24 ont de la peine à garder leur travail ou à en retrouver un après un licenciement. De cela découle une non-concordance fréquente entre l’âge effectif de la cessation du dernier emploi et l’âge légal d’ouverture à une pension de retraite.

Que deviennent alors ces personnes ? DUPEYROUX / BORGETTO / LAFORE répondent : « (Elles) se partagent, inégalement, entre trois catégories : chômeurs, invalides ou malades, (…) inactifs, sans statut particulier, comme c’est le cas par exemple pour les personnes ayant épuisé leurs droits au regard de l’assurance- chômage. »25

• Les législateurs, dans les réformes récentes et actuelles (France, Italie, Pologne, Suède, p. ex.). lient davantage le montant des pensions aux cotisations versées. Cela péjore la situation des travailleurs précaires ou atypiques.

;

4.2.4 La transformation des structures familiales

38. Les familles évoluent dans le sens de la diversification, pour certaines de la fragilisation :

• Le modèle traditionnel – deux parents unis par le mariage, le mari exerçant seul ou de manière prépondérante une activité rémunérée alors que l’épouse s’occupe exclusivement ou principalement de l’éducation des enfants, des parents âgés, du foyer – recule fortement ;

• Le nombre de familles monoparentales, dirigées le plus souvent par la mère, s’accroît ;

• Les mariages diminuent, les divorces augmentant (et pour un divorce, combien de ruptures de concubinat ?) ;

• Les femmes sont de plus en plus autonomes sur le plan financier, même si les carrières professionnelles féminines et masculines ne sont pas encore pleinement parallèles26.

4.2.5 Une situation plus difficile pour les jeunes

39. Depuis plusieurs années, la situation des jeunes ou de certains d’entre eux se péjore :

24 55 à 65 ans environ.

25 Jean-Jacques DUPEYROUX / Michel BORGETTO / Robert LAFORE : Droit de la sécurité sociale, p. 154.

26 Famille et sécurité sociale : numéro double spécial. Revue internationale de sécurité sociale, 3- 4/1994.

(17)

• L’entrée dans la vie professionnelle est beaucoup plus difficile ;

• Elle commence souvent par des stages non ou peu rémunérés, qui sont difficiles à obtenir ;

• La suite comprend généralement une série de travaux précaires, singulièrement à durée (courte) déterminée ;

• Certains législateurs (cas p. ex. en Suisse) restreignent leur accès aux prestations d’assurance-chômage (conditions d’octroi plus sévères, durée de l’indemnisation raccourcie) ;

• Au lieu de pouvoir acquérir leur indépendance, fonder leur propre foyer, des jeunes doivent rester longtemps (jusqu’à 25-30 ans) chez leurs parents vu leur situation précaire ;

• Les inégalités se creusent entre ceux qui peuvent être soutenus par leur famille et ceux qui sont privés d’une telle aide.

4.2.6 L’accroissement des travaux atypiques

40. Ces vingt dernières années ont vu l’accroissement des travaux atypiques ou précaires. Une personne est à la recherche d’une activité salariée27 à plein temps et de durée indéterminée (c’est-à-dire à long terme). Or, elle ne parvient pas à accéder à un tel poste. Elle ne trouve que des emplois à temps partiel, à courte durée, intérimaires, sur appel. La situation est subie par l’intéressé28. Le phénomène est surtout présent en début et en fin de carrière (après un licenciement).

41. Vue du côté des employeurs, l’évolution est favorable, car marquée par une grande flexibilité. Mais pour les travailleurs, il s’agit d’un cadre imposé, auquel ils essaient de s’adapter. Pour eux les projets à long terme sont difficiles, les risques d’accidents et de chômage accrus ; une carrière irrégulière influencera négativement les droits futurs à une retraite29.

4.2.7 L’impact négatif du chômage sur les systèmes de sécurité sociale

42. Un chômage important a un effet très négatif sur les systèmes de protection. Sur le plan des recettes, il y a contraction, le chômeur payant moins de cotisations et moins d’impôts vu la baisse de ses revenus. Sur le plan des prestations, il y a service des indemnités de chômage, peut-être à l’issue, d’une aide au chômeur ; des prestations d’insertion ou de réinsertion sont nécessaires. En cas de chômage de longue durée, l’on peut s’attendre à une détérioration de la santé (p. ex. une dépression) voire plus (suicide).

27 Pour simplifier, les travaux indépendants ne sont pas abordés ici.

28 La situation est évidemment complètement différente si une personne choisit ces formes de travail. Si elle opte pour cette voie, c’est qu’elle en a les moyens financiers. Il n’y a alors pas de précarité.

29 ASSOCIATION INTERNATIONALE DE LA SECURITE SOCIALE : Sécurité sociale et mutations du monde du travail. Série européenne, N° 28. AISS. Genève 2002.

(18)

43. DUPEYROUX/BORGETTO/LAFORE soulignent le problème : si l’on réduit les dépenses sociales, notamment les indemnités de chômage, on frappe en premier ceux qui ont les ressources les plus faibles30.

4.3 L’évolution relative aux valeurs31

44. Comment un législateur va-t-il répondre aux besoins de protection, à leur évolution ? Cela va dépend d’un accord sur des valeurs soutenant la sécurité sociale : la sécurité d’existence, la solidarité et l’égalité. La première apparaît stable : il est fort probable que des populations habituées à bénéficier d’une protection et prenant de l’âge vont la préserver. Il s’agit ainsi de se pencher sur les deux autres.

4.3.1 Plus ou moins de solidarité ?

45. L’on peut rappeler que la solidarité fonde la sécurité sociale : celle-ci est la volonté institutionnalisée, formalisée, de répondre ensemble aux risques de la vie (maladie, accident, chômage, invalidité, etc.) et de fournir une protection lors de certains événements positifs (maternité, charges d’enfants, retraite). Plutôt que de laisser les individus seuls dans ces situations, les systèmes organisent, solidairement, des protections sous forme de soins de santé, de prestations en argent, de services32.

46. La dimension verticale (ou entre revenus) de la solidarité fait appel à la capacité contributive des personnes : plus celles-ci ont des moyens financiers, plus elles doivent contribuer au financement du système. Cela s’effectue par des cotisations non plafonnées33 ou par des impôts prélevés sur les revenus. Cette dimension est indispensable, car les situations économiques peuvent varier beaucoup d’un individu à l’autre. Ainsi, certains ne pourront pas contribuer au financement des prestations (p. ex.

en cas d’invalidité importante dès la naissance ; personnes vivant dans la pauvreté), d’autres ne pourront contribuer que partiellement (revenus modestes), d’autres au contraire pourront acquitter des apports de solidarité (revenus élevés voire très élevés).

47. Si l’on considère la situation sociale actuelle, caractérisée par la montée de la précarité et par l’accroissement des disparités de revenus et de fortune, la solidarité verticale devrait être augmentée. Cela étant, il faut veiller à ce que toutes les parties d’une population soutiennent la sécurité sociale. Cela implique de doser cette solidarité et la garantie pour chacun d’une protection ; dit autrement, l’aspect assurance ne doit pas être négligé. Ainsi, certains régimes doivent se fonder sur une redistribution, accrue, alors que d’autres fonctionneront en équivalence34

30 Jean-Jacques DUPEYROUX / Michel BORGETTO / Robert LAFORE : Droit de la sécurité sociale, p. 99 de la 14e éd.

. A juste titre, Yves CHASSARD

31 Pierre-Yves GREBER : Droit international et européen de la sécurité sociale, pp. 74 sv.

32 Alain EUZEBY : Sécurité sociale : une solidarité indispensable, pp. 3 sv.

33 Ou avec un plafond pour les cotisations qui est plus élevé que celui applicable aux prestations.

34 Equivalence théorique entre contributions et prestations.

(19)

insiste sur le soutien d’une population : celle-ci doit considérer la sécurité sociale comme nécessaire et l’accepter35.

48. A l’avenir, cela va impliquer certainement un effort pédagogique : d’une part, comme le souligne Pierre ROSANVALLON36, l’on perçoit mieux les différences entre individus et entre groupes, certains sont davantage exposés aux risques de la vie (p. ex.

maladie, chômage) ; d’autre part, la mondialisation néolibérale en cours37 n’est guère orientée vers la solidarité, mais vers le <chacun pour soi>. Il y a plus de vingt-cinq ans déjà, Guy PERRIN indiquait qu’il y avait là une question cruciale : « (...) l’avenir de la sécurité sociale dépend (…) directement des mesures qui seront prises pour étendre l’exigence de solidarité à la mesure des enjeux, pour favoriser la transmission du message social qu’elle comporte grâce au développement de l’éducation et pour lui restituer ses qualités de valeur consciente et vivante »38.

4.3.2 Quid de l’égalité ?

49. L’égalité entre femmes et hommes interpelle depuis de nombreuses années les acteurs œuvrant dans le domaine de la sécurité sociale. Le principe est généralement admis ; il est soutenu par le droit international et européen. C’est la concrétisation qui peut poser des problèmes : où réaliser l’égalité, sur la protection la meilleure, la plus basse, entre les deux ? Les implications financières peuvent être considérables – cas notamment de la fixation de l’âge d’ouverture à la pension de retraite39 – ou en tout cas non négligeables (p. ex. prestations de survivants). Si la protection recule, des dispositions transitoires devraient permettre aux personnes intéressées de s’adapter. Il faut aussi tenir compte de la situation concrète : les parcours féminins et masculins ne sont pas encore identiques.

50. L’égalité entre nationaux et étrangers doit aussi être évoquée. Si l’on considère les besoins, il n’y a aucune raison de traiter moins bien l’étranger que le national. D’ailleurs le droit international et européen indique l’égalité, proscrit les discriminations. Pourtant, des inégalités demeurent dans les systèmes nationaux. Les législateurs qui procèdent de la sorte cherchent à limiter les dépenses, à se garder des cartes en vue de négociations, voire à dissuader des migrations qu’ils ne désirent pas.

Pour les Etats qui pratiquent la coordination selon les règles de l’Union Européenne40, la situation est claire, c’est celle de l’égalité, mais au-delà, l’évolution est plus floue.

35 Yves CHASSARD : La convergence des objectifs et politiques de protection sociale, p. 17.

36 Pierre ROSANVALLON : La nouvelle question sociale, pp. 27-28.

37 Voir ci-dessous les Nos 69 sv.

38 Guy PERRIN : L’avenir de la protection sociale dans les pays industriels, p. 49.

39 Voir la contribution de Sylvie PETREMAND-BESANCENET dans le présent Cahier.

40 Bettina KAHIL-WOLFF / Pierre-Yves GREBER : Sécurité sociale : aspects de droit national, international et européen, pp. 297 sv. – Pierre RODIERE : Traité de droit social de l’Union européenne, pp. 597 sv. – Jean-Michel SERVAIS : Droit social de l’Union européenne, pp. 276 sv.

(20)

4.4 L’évolution économique41

51. Au titre des besoins de protection, les difficultés rencontrées par les jeunes, l’accroissement des travaux précaires et les problèmes posés par le chômage ont été rappelés42. Il convient d’évoquer ici la situation générale, les changements dans les entreprises, la compétitivité de l’économie, une série de crises.

4.4.1 L’évolution générale

52. Sur la base d’une analyse du Bureau international du Travail43

• Avancée de l’économie privée et recul de l’Etat, accompagnés d’une remise en question de l’Etat-providence ;

, les tendances suivantes peuvent être relevées :

• Avancée très importante de la mondialisation de l’économie : commerce mondial des biens et services, flux internationaux de capitaux, investissements à l’étranger, interconnexion des marchés financiers, montée des entreprises multinationales ;

• Perte pour les Etats de leurs instruments classiques de politique nationale, déréglementation financière, dépendance des Etats à l’égard des marchés financiers mondiaux ;

• Accroissement des inégalités entre les Etats et à l’intérieur de ceux-ci, apparition de nouvelles formes de pauvreté dans les pays industrialisés, exclusions sociales ;

• Existence de dizaines de millions de personnes déplacées, dont certaines clandestines ;

• Facilité pour les entreprises de changer de pays si cela correspond à leurs intérêts ;

• Difficulté pour les Etats d’avoir une politique sociale et économique autonome.

53. Ce diagnostic a été posé par le BIT en 1994 ; il reste tout à fait valable. Un élément est à ajouter : la montée rapide des pays émergents, avec le groupe souvent nommé <BRICS>, pour Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud. En 2010, la Chine est devenue la 2e puissance économique mondiale et l’Inde la 4e.

54. Hedva SARFATI et Guiliano BONOLI relèvent une limitation de la marge de manœuvre des Etats, compte tenu des tendances relevées, lors de la réforme de leurs systèmes de sécurité sociale44. Ces auteurs concluent que les responsables politiques auront comme défi majeur l’adaptation des systèmes de protection au contexte socio- économique et que la situation de l’emploi aura une importance primordiale45

41 Pierre-Yves GREBER : Droit international et européen de la sécurité sociale, pp. 83 sv.

.

42 Voir ci-dessus les Nos 39-43.

43 OIT – CONFERENCE INTERNATIONALE DU TRAVAIL (81e session – 1994) : Des valeurs à défendre, des changements à entreprendre. La justice sociale dans une économie qui se mondialise. Bureau international du Travail. Genève 1994.

44 Hedva SARFATI / Giuliano BONOLI : Introduction. In : Mutations du travail et protection sociale dans une perspective internationale, p. 5.

45 Hedva SARFATI / Giuliano BONOLI : Conclusions. In : Mutations du travail et protection sociale dans une perspective internationale, p. 617.

(21)

4.4.2 Les changements dans les entreprises

55. Le premier mot-clé est ici celui de la flexibilité46. Les activités qui ne correspondent pas directement au but d’une entreprise sont externalisées (p. ex.

entretien des bâtiments, restaurant). Le recours à des sous-traitants est accru. Une partie des salariés est engagée à court terme (contrats de durée déterminée), pour une mission ; celle-ci accomplie, il leur appartient de donner une autre suite à leur carrière. Seuls les travailleurs qui ont une grande valeur ajoutée pour l’entreprise vont conserver un bon statut sur le plan de la sécurité de l’emploi et de la rémunération. Ceci du moins jusqu’à une éventuelle fusion ou un rachat, synonymes de licenciements (à tous les niveaux hiérarchiques). La flexibilité s’exerce aussi sur le lieu de travail, sa durée, les salaires dont l’écart a fortement augmenté ces dernières années.

56. Le second mot-clé est celui du rendement. Certes, de tout temps les entreprises ont dû être performantes, c’est pour elles une question de survie. Mais la pression des actionnaires est plus grande, celle des directions sur les collaborateurs également. Les performances sont mesurées à intervalles rapides et les écarts vite sanctionnés. Toute réduction des coûts, notamment du travail, est constamment recherchée.

57. Cette évolution, dictée par une concurrence internationale forte, peut exercer une influence négative sur la sécurité sociale. Directement sur les régimes professionnels, qui peuvent pâtir de la recherche systématique de réduction des coûts ; les employeurs pourraient être tentés de limiter la protection, avec d’autant moins de risques pour eux si la situation de l’emploi est défavorable pour les travailleurs. Cela dépend d’un choix stratégique : vision à court terme et profits maximaux ou vision à long terme, l’entreprise et son personnel gardant de la valeur. Indirectement sur les régimes publics, les associations patronales appelant à leur réduction pour des motifs financiers.

4.4.3 Sécurité sociale et compétitivité de l’économie

58. La sécurité sociale nécessite des prélèvements importants sur la richesse créée dans un pays : en Europe, plus d’un quart du produit national des Etats est redistribué par son intermédiaire. Il va de soi que ces prélèvements restent dans le circuit économique, permettant notamment à leurs bénéficiaires de se loger, de se nourrir, de se déplacer, etc. Les institutions sociales paient à leurs collaborateurs des salaires, soumis aux impôts, elles consomment elles-mêmes.

46 Lucia GERMANI : Travail flexible et protection du travailleur. Analyse en droit du travail et conséquences pour le droit de la sécurité sociale. Cahiers genevois et romands de sécurité sociale, N° 24-2000, pp. 61 sv. – Robert WALKER / Denise GOODWIN / Emma CORNWELL : Work Patterns in Europe and Related Social Security Issues : Coping with the Myth of Flexibility. In : Changing Work Patterns and Social Security. EISS Yearbook 1999.

Kluwer Law International. London / Den Haag /Boston 2000, pp. 6 sv.

(22)

59. Winfried SCHMÄHL souligne aussi la contribution importante des caisses de sécurité sociale à la paix sociale ; celle-ci réduit la fréquence des grèves, améliore la disponibilité des travailleurs, favorise la stabilité politique et la paix intérieure, éléments favorables aux investissements47.

60. Le Bureau international du Travail fait une série de rappels importants, qu’il conviendrait de garder à l’esprit dans les débats actuels :

• L’assurance-maternité et les allocations pour enfants protègent la santé et le cadre de vie des intéressés, or c’est la relève qui se prépare ;

• Les systèmes de soins permettent de maintenir les travailleurs en bonne santé et de soigner ceux qui sont malades. Les pays en développement en fournissent malheureusement la preuve contraire : une santé médiocre de la population entraîne un faible niveau de productivité ;

• Les indemnités de maladie contribuent au rétablissement des travailleurs malades : au lieu de devoir poursuivre leur travail malgré leur état et de propager leur maladie, ils peuvent se soigner ;

• Les régimes d’assurance-accidents jouent un rôle important de prévention en plus de leurs prestations de soins et de garantie de revenus ;

• Les prestations de chômage soutiennent le revenu et les régimes compétents agissent dans les domaines de la formation et de l’emploi (réinsertion) ;

• Les régimes de pensions permettent la transition de la vie active vers celle de retraités.

61. Le BIT conclut que : « L’existence d’un bon régime d’assurance-chômage crée un sentiment de sécurité parmi la main-d’œuvre qui peut faciliter dans une large mesure des changements structurels et des innovations technologiques que les travailleurs pourraient sans cela considérer comme une grande menace pour leur subsistance (…) La sécurité sociale contribue à créer un état d’esprit plus favorable non seulement aux changements structurels et technologiques mais aussi aux défis de la mondialisation et à ses avantages potentiels du point de vue de l’efficience et de la productivité. »48

4.4.4 Une série de crises

62. Les années 2000 sont marquées par une série de crises financières : faillites ou sauvetages par les contribuables d’établissements bancaires, augmentation importante des déficits et des dettes publics, spéculations contre les monnaies, crise de l’euro.

63. Serge HALIMI résume la situation comme suit : « La crise de la dette qui balaie certains pays européens prend une tournure inédite : née du choix des Etats d’emprunter pour sauver les banques, elle place des pouvoirs publics exsangues sous la tutelle

47 Winfried SCHMÄHL : Protection sociale et compétitivité de l’économie, In : AISS : La sécurité sociale demain, permanence et changements, pp. 23 sv. (27-28).

48 BUREAU INTERNATIONAL DU TRAVAIL : Sécurité sociale : un nouveau consensus, pp. 51- 52.

(23)

d’institutions soustraites au suffrage universel. Le destin des peuples de la Grèce, du Portugal et de l’Irlande49 ne se forge plus dans les Parlements, mais dans les bureaux de la Banque centrale50, de la Commission européenne et du Fonds monétaire international. »51

64. Ainsi, beaucoup s’interrogent. Est-ce une mauvaise série noire, qui devrait laisser place au retour de la croissance et de la stabilité ? Est-ce la fin du néolibéralisme, lancé dès le début des années 1980 aux Etats-Unis et au Royaume-Uni (gouvernements Reagan et Thatcher), repris et développé par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et l’Union Européenne ? Rappelons que ce courant était censé débarrasser les Etats de régulations déclarées inutiles et d’entraves au bon fonctionnement des marchés ; il devait apporter une croissance économique, bénéficiant aux politiques sociales et de l’environnement.

65. En fait, les crises financières qui se succèdent dans les années 2000 ont un effet très négatif sur les systèmes de sécurité sociale et les politiques publiques en général : réduction des prestations de santé, de chômage, d’invalidité et de retraites, baisse de l’emploi dans le secteur public, remise en cause de règles protectrices du droit du travail, privatisations de services publics52. Simultanément le chômage augmente, les jeunes ont plus de peine à décrocher un emploi qui sera souvent précaire.

4.5 L’évolution démographique53

66. Trois éléments sont à considérer ici : la natalité, l’allongement de l’espérance de vie, les migrations. En ce qui concerne la première, les pays européens connaissent un recul de la natalité, avec des taux inférieurs à celui nécessaire pour le renouvellement des générations (à l’exception de la Turquie). Des politiques de soutien dynamique aux familles ont pu inverser la tendance (France, Suède).

67. Dans une grande partie du Monde, l’espérance de vie s’allonge. Le phénomène est d’abord positif : les années de vie s’accroissent grâce aux progrès de la médecine, à l’amélioration des conditions de vie et de travail. Il est ensuite un défi : dans les populations, la part des pensionnés, plus encore des grands âgés augmente, or cela signifie davantage de soins de santé (allant jusqu’aux soins palliatifs) et de pensions de retraite à garantir. Mais certains pays n’ont pas cette évolution positive et ce défi, car ils sont ravagés par la misère, la guerre, le SIDA.

49 Soit les Etats les plus marqués par la crise en 2011, mais celle-ci est beaucoup plus générale.

50 Européenne.

51 Serge HALIMI : Sursaut des peuples d’Europe. Ne rougissez pas de vouloir la lune. Le Monde diplomatique, juillet 2011.

52 Idem.

53 Pierre-Yves GREBER : Droit international et européen de la sécurité sociale, pp. 67-70 et 91-97, avec les références indiquées.

(24)

68. Les migrations présentent une grande diversité. Certaines sont encouragées et protégées : l’exemple-type est celui de la libre circulation des personnes dans l’Union Européenne, accompagnée d’une coordination efficace des systèmes. D’autres au contraire sont non voulues et précaires, des demandeurs d’asile aux clandestins ou sans papiers. Que faire de personnes qui ne sont pas affiliées à un système de sécurité sociale mais qui ont besoin d’une protection ? Les Nations Unies ont traité la question, en demandant de proscrire les discriminations et d’assurer l’accès aux soins nécessaires d’urgence ou pour éviter un dommage irréparable à leur santé54.

4.6 Une évolution politique favorable ou opposée à la sécurité sociale ? 4.6.1 Deux modèles opposés

69. Dans un ouvrage remarquable55

• L’effondrement du monde communiste laisse le libéralisme seul, sans concurrent véritable. Mais une approche plus attentive montre l’existence de deux modèles :

« L’un, 'néo-américain', est fondé sur la réussite individuelle et le profit financier à court terme. L’autre 'rhénan' est centré sur l’Allemagne et comporte beaucoup de ressemblance avec celui du Japon. Comme lui, il valorise la réussite collective, le consensus, le souci du long terme. »

, écrit deux ans après la chute du Mur de Berlin et la fin de la coupure de l’Europe en deux, Michel ALBERT met en évidence les points suivants :

56

• La lutte entre les deux sera violente et implacable pronostiquait cet auteur. En prenant une terminologie plus récente, nommant le premier modèle néolibéral et le second économie sociale de marché, l’on perçoit effectivement l’énorme antagonisme qui les sépare. Dick MARTY vient de l’exprimer de la façon suivante :

« Les authentiques libéraux pensaient que l’Etat avait une importante fonction de régulateur, de vigile, pour garantir les règles de la libre concurrence et une certaine redistribution des richesses. A partir du duo infernal Thatcher-Reagan, les libéraux

;

57

ont présenté l’Etat comme quelque chose de mauvais. »58 Or, c’est l’Etat qui pilote essentiellement la protection sociale.

70. Michel ALBERT synthétise, au regard de cette dernière, l’opposition de principe ou fondamentale entre les deux courants politiques :

• Ainsi, pour les néolibéraux, la sécurité sociale est défavorable au développement économique, créant un esprit d’assistés et favorisant l’irresponsabilité. Au contraire, elle lui est favorable, selon le second modèle, et elle est considérée comme une conséquence juste du progrès59

54 Idem, p. 290.

;

55 Michel ALBERT : Capitalisme contre capitalisme. Seuil. Paris 1991.

56 Idem, p. 25.

57 Lire : néolibéraux.

58 Interview. Le sénateur Dick Marty quitte le Conseil des Etats. Le Courrier du 8 décembre 2011, p. 7.

59 Michel ALBERT : Capitalisme contre capitalisme (note 55), p. 14.

(25)

• Pour le premier modèle, l’accès aux soins de santé relève de la responsabilité de l’individu, lequel peut conclure une police d’assurance privée, alors que dans le second, l’Etat vise une protection universelle, par l’assurance-maladie sociale ou par le service national de santé60

• Pour le premier modèle, la lutte contre la pauvreté incombe essentiellement aux associations privées charitables, l’intervention publique étant limitée ; le second comprend une action publique organisée contre la pauvreté et l’exclusion

;

61

• Selon les partisans du premier courant, les prélèvements obligatoires sont trop lourds, ils pénalisent l’économie, les entreprises et les efforts individuels

;

62 ; selon les seconds, ils représentent l’instrument nécessaire d’une société solidaire.

4.6.2 Vers l’insécurité sociale ?

71. Comment estimer l’évolution des années 1991-2011 ?63 Chacun peut faire l’exercice d’après ses convictions et observations. Pour ma part, le cadre de références posé par Michel ALBERT reste pertinent, le modèle néolibéral a continué d’avancer et logiquement celui d’économie sociale de marché de reculer. Si cette appréciation se révèle correcte, cela est très préoccupant pour l’avenir des systèmes de sécurité sociale, car cela signifie qu’ils se heurtent à l’évolution politique. En effet, pour reprendre quelques critères évoqués ci-dessus, la sécurité sociale est fondée sur la solidarité et une idée de réussite collective, une vision à long terme ; l’accès aux soins de santé, universel, en est une composante importante ; bien sûr, des dispositifs publics doivent lutter contre la pauvreté et l’exclusion ; des prélèvements obligatoires substantiels (cotisations et/ou impôts) sont indispensables pour assumer les différentes fonctions de l’institution (soins, prévention et réinsertion, garantie du standard de vie, garantie de ressources de base, dans des situations définies). Allons-nous vers la perte de grandes avancées de la seconde moitié du XXe siècle en Europe : accès de (presque) tous à la protection sociale (soins de santé inclus), <normalisation> de la situation socio- économique des retraités et de ceux vivant avec un handicap, soutien à l’autonomie et à la pleine participation à la société ? Au lieu de combler les lacunes existantes (cf. les exclus, les précaires), allons-nous vers une déconstruction, vers l’insécurité sociale ? Selon le modèle politique choisi, la sécurité sociale doit soit être réduite au minimum, à

« un filet de protection », soit être considérée comme un élément central de nos sociétés.

4.7 Deuxième conclusion

72. Les changements relatifs aux besoins de protection concernent principalement les soins de santé, la dépendance ou perte d’autonomie, l’importance croissante des pensions de retraite liée à l’allongement de la vie, la transformation des structures familiales, les difficultés des jeunes en matière d’emploi, l’augmentation des travaux

60 Idem, pp. 170 sv.

61 Idem, pp. 177 sv.

62 Idem, pp. 183 sv.

63 1991 étant la date de publication de l’ouvrage de Michel ALBERT.

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« pureté » décisionnelle à l’égard des droits de l’homme ainsi qu’une.. certaine incohérence qui fait que les organes de l’Union possèdent des compétences

Et c’est pour ça, quand on parle de la RDC aujourd’hui, il y a quand même un espace pour l’opposition, pour la société civile, pour les femmes… Et vous voyez que dans