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4. UNE SYNTHESE DES GRANDS CHANGEMENTS EN COURS

4.2 L’évolution des besoins de protection

33. Les tendances et questions actuelles peuvent être résumées comme suit :

• Entourée par la biologie, la chimie et l’informatique, la médecine continue de progresser ; des améliorations sont attendues notamment en gérontologie, face aux cancers et au sida, en transplantations ;

• Cela pose la question de l’accès à ces progrès : si chacun doit pouvoir en bénéficier, il faudra élargir les prestations des régimes publics (services nationaux de santé ou assurance-maladie), d’où un accroissement des dépenses. En effet, si les législateurs

18 Pierre-Yves GREBER : Droit international et européen de la sécurité sociale, pp. 10-11.

19 Idem, pp. 65 sv.

se limitent à une protection de base, seule une partie de la population bénéficiera effectivement des avancées, soit par des assurances complémentaires privées soit par un paiement direct ;

• Sur le plan mondial, la situation est très critique : dans les pays émergents et en développement beaucoup de personnes ne bénéficient pas des soins et de la prévention nécessaires. Corriger cette situation inadmissible revêt une importance prioritaire20.

4.2.2 La dépendance ou perte d’autonomie

34. Certains pensionnés n’auront pas seulement besoin de soins et de prestations en espèces, mais également de services pour faire face à ce risque. Celui-ci n’est pas nouveau : de tout temps, des grands âgés sont devenus dépendants de l’aide d’un tiers pour accomplir les actes élémentaires de la vie.

35. Il y a ici une évolution à deux titres :

• L’accroissement du nombre des personnes âgées de 85 ans et plus, exposées à la dépendance ;

• Plus de difficultés pour les familles d’apporter leur contribution, singulièrement si elles sont obligées de changer de domicile et de région pour des raisons professionnelles21.

4.2.3 L’importance des pensions de vieillesse / retraite

36. L’évolution peut-être exposée en deux temps : le positif, puis les problèmes. Il convient tout d’abord de rappeler que la vie humaine s’allonge dans beaucoup de pays22, grâce aux progrès de la médecine, à l’amélioration des conditions de vie et de travail. Les pays en guerre, ravagés par la misère et le sida en fournissent la preuve contraire : le vieillissement n’est pas leur souci majeur, mais c’est la survie. Le deuxième aspect positif à relever est celui de la protection garantie par les régimes de retraite dans les pays économiquement développés. Alors qu’historiquement la vieillesse était synonyme de pauvreté, la situation a changé radicalement, relève le Bureau international du Travail23, au cours du XXe siècle : le statut des pensionnés est comparable à celui des actifs, il s’est <normalisé>.

37. A côté de ces deux évolutions remarquables, qu’il faut garder à l’esprit dans les débats actuels, il y a présence d’une série de problèmes :

20 Sécurité sociale pour la majorité exclue. Etudes de cas dans les pays en développement. Wouter van GINNEKEN (éd.). BIT. Genève 2000.

21 Patrick HENNESSY : Le risque croissant de dépendance des personnes âgées : rôle des familles et de la sécurité sociale. Revue internationale de sécurité sociale, 1/1997, pp. 25 sv.

22 Voir ci-dessous le N° 67.

23 BUREAU INTERNATIONAL DU TRAVAIL : Régimes de retraite de la sécurité sociale.

Evolution et réforme. BIT. Genève 2000, pp. 3-4.

• Dans les pays émergents et en développement, seule une minorité de la population peut bénéficier d’une pension de retraite. La question est prioritaire notamment en Chine et en Inde ;

• Dans les pays économiquement développés, le nombre des retraités s’accroît de manière importante et donc logiquement il en va de même des dépenses ;

• Le domaine de l’emploi ne répond pas aux tendances démographiques : les travailleurs seniors24 ont de la peine à garder leur travail ou à en retrouver un après un licenciement. De cela découle une non-concordance fréquente entre l’âge effectif de la cessation du dernier emploi et l’âge légal d’ouverture à une pension de retraite.

Que deviennent alors ces personnes ? DUPEYROUX / BORGETTO / LAFORE répondent : « (Elles) se partagent, inégalement, entre trois catégories : chômeurs, invalides ou malades, (…) inactifs, sans statut particulier, comme c’est le cas par exemple pour les personnes ayant épuisé leurs droits au regard de l’assurance-chômage. »25

• Les législateurs, dans les réformes récentes et actuelles (France, Italie, Pologne, Suède, p. ex.). lient davantage le montant des pensions aux cotisations versées. Cela péjore la situation des travailleurs précaires ou atypiques.

;

4.2.4 La transformation des structures familiales

38. Les familles évoluent dans le sens de la diversification, pour certaines de la fragilisation :

• Le modèle traditionnel – deux parents unis par le mariage, le mari exerçant seul ou de manière prépondérante une activité rémunérée alors que l’épouse s’occupe exclusivement ou principalement de l’éducation des enfants, des parents âgés, du foyer – recule fortement ;

• Le nombre de familles monoparentales, dirigées le plus souvent par la mère, s’accroît ;

• Les mariages diminuent, les divorces augmentant (et pour un divorce, combien de ruptures de concubinat ?) ;

• Les femmes sont de plus en plus autonomes sur le plan financier, même si les carrières professionnelles féminines et masculines ne sont pas encore pleinement parallèles26.

4.2.5 Une situation plus difficile pour les jeunes

39. Depuis plusieurs années, la situation des jeunes ou de certains d’entre eux se péjore :

24 55 à 65 ans environ.

25 Jean-Jacques DUPEYROUX / Michel BORGETTO / Robert LAFORE : Droit de la sécurité sociale, p. 154.

26 Famille et sécurité sociale : numéro double spécial. Revue internationale de sécurité sociale, 3-4/1994.

• L’entrée dans la vie professionnelle est beaucoup plus difficile ;

• Elle commence souvent par des stages non ou peu rémunérés, qui sont difficiles à obtenir ;

• La suite comprend généralement une série de travaux précaires, singulièrement à durée (courte) déterminée ;

• Certains législateurs (cas p. ex. en Suisse) restreignent leur accès aux prestations d’assurance-chômage (conditions d’octroi plus sévères, durée de l’indemnisation raccourcie) ;

• Au lieu de pouvoir acquérir leur indépendance, fonder leur propre foyer, des jeunes doivent rester longtemps (jusqu’à 25-30 ans) chez leurs parents vu leur situation précaire ;

• Les inégalités se creusent entre ceux qui peuvent être soutenus par leur famille et ceux qui sont privés d’une telle aide.

4.2.6 L’accroissement des travaux atypiques

40. Ces vingt dernières années ont vu l’accroissement des travaux atypiques ou précaires. Une personne est à la recherche d’une activité salariée27 à plein temps et de durée indéterminée (c’est-à-dire à long terme). Or, elle ne parvient pas à accéder à un tel poste. Elle ne trouve que des emplois à temps partiel, à courte durée, intérimaires, sur appel. La situation est subie par l’intéressé28. Le phénomène est surtout présent en début et en fin de carrière (après un licenciement).

41. Vue du côté des employeurs, l’évolution est favorable, car marquée par une grande flexibilité. Mais pour les travailleurs, il s’agit d’un cadre imposé, auquel ils essaient de s’adapter. Pour eux les projets à long terme sont difficiles, les risques d’accidents et de chômage accrus ; une carrière irrégulière influencera négativement les droits futurs à une retraite29.

4.2.7 L’impact négatif du chômage sur les systèmes de sécurité sociale

42. Un chômage important a un effet très négatif sur les systèmes de protection. Sur le plan des recettes, il y a contraction, le chômeur payant moins de cotisations et moins d’impôts vu la baisse de ses revenus. Sur le plan des prestations, il y a service des indemnités de chômage, peut-être à l’issue, d’une aide au chômeur ; des prestations d’insertion ou de réinsertion sont nécessaires. En cas de chômage de longue durée, l’on peut s’attendre à une détérioration de la santé (p. ex. une dépression) voire plus (suicide).

27 Pour simplifier, les travaux indépendants ne sont pas abordés ici.

28 La situation est évidemment complètement différente si une personne choisit ces formes de travail. Si elle opte pour cette voie, c’est qu’elle en a les moyens financiers. Il n’y a alors pas de précarité.

29 ASSOCIATION INTERNATIONALE DE LA SECURITE SOCIALE : Sécurité sociale et mutations du monde du travail. Série européenne, N° 28. AISS. Genève 2002.

43. DUPEYROUX/BORGETTO/LAFORE soulignent le problème : si l’on réduit les dépenses sociales, notamment les indemnités de chômage, on frappe en premier ceux qui ont les ressources les plus faibles30.

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