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Introduction. L'analyse des interactions pour la formation professionnelle: sous quelles conditions ?
VINATIER, Isabelle, LAFOREST, Marty, FILLIETTAZ, Laurent
VINATIER, Isabelle, LAFOREST, Marty, FILLIETTAZ, Laurent. Introduction. L'analyse des interactions pour la formation professionnelle: sous quelles conditions ? In: I. Vinatier, L.
Filliettaz & M. Laforest. L'analyse des interactions dans le travail. Outil de formation professionnelle et de recherche . Dijon : Editions Raison et Passions, 2018. p. 9-21
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Isabelle Vinatier, Laurent Filliettaz, Marty laforest (clir:)
Il analyse d es interactions
dans le travail
0util de formation professionnelle et de recherche
Erlitions Raison et Passiolts
Isabelle Vinatier, Laurent Filli ettaz, Marty Laforest (dit.)
L' artalyse de s interactions dans le travail
Outil de formation professionnelle et de recherche
Ediiions Roison et Possions 33 rue Philippe Genreou
21000 Dljon www. roison e f possio ns. fr
roison. possions @ free. fr 3u trimestre 20,l8
Sommoire
Introduction
Loanalyse des interactions pour la formation
professionnelle : sous quelles conditions ?
Isabelle Vinatier, Mary Laforest
&
LaurentFilliettaz
9L'intégration
de résultats de recherche àun
programmede formation : problématisation d'un processus
detransposition Marty Laforest...
Quand
I'outil
des chercheurs devient celui des praticiens :Un Groupe d'Analyse
desInteractions en formation
de formateursIsabelle Durand, Dominique Trébert.
23
51
127
Croiser les
regards: Les enjeux d'une
démarchecollaborative lors de la préparation d'un
atelierinterdisciplinaire
dans le champ de la petite enfanceMariarme Zogmal
&
MyriamPerret.
77Enseigner I'interaction en formation
continueuniversitaire : travailler
avec des élèves ayantun trouble
du spectre del'autisme
Delphine
Odier-Guedj
103Enseignement
du français aux publics
professionnels etanalyse des interactions au travail: un
rendez-vous manqué ?Florence Mourlhon-Dallies
La part
des usagersdans la formation aux métiers
de services : les apports de la perspective interactionnelleLaurent
Fllhettaz.
150Le
rôle des objets-frontières dans raformation
de novicesen situation de travail : de
Panaryse desinteractions
àI'ingénierie de la
formation
céline Alcade-Lebrun, Marine pelé peycelon,_Laurent
veillard.
rg3L'irruption
des émotionsentre
conseillers pédagogiques et enseignants débutants:
quelle conception O"f*-uiioo
pour les mettre à distance ?
Isabelle Vinatier
etIzaMarftsi...
Z0gConclusion :
Lointeraction comme
objet
de recherches et comme outir deformation
LaurentFillietraz,Isabellevinatier
&Martylaforest.
z3sOnt conlribué à cel ouvrqge
Céline Alcade-Lebrun Université Lyon 2 F.
Isabelle
Durand
Université de Genève CH.Laurent Filliettaz
Université de Genève CH.Marty
Laforest Université du Québec à Trois-Rivières Cnd.Iza
Marfisi
Université du Mans F.Florence
Mourlhon-Dallies
Université Descartes - Sorbonne F.Delphine
Odier-Guedj
Université du Québec à Montréal Cnd'Myriam Perret EVE
Secteur Université CH.Marine
Pelé Peycelon Université Lyon 2 F.Dominique
Trébert
Ecole de Travail Social et de la Santé-Vaud CH.Laurent Veillard,
Université Lyon 2 F.Isabelle
Vinatier
Université de Nantes F.Marianne
ZogmalUniversité de Genève CH.lnlroduction
L'onolyse des inlerqctions pour lq formoiion professionnelle
:sous quelles condilions
?lsqbelle Vinotier, Mory Loforesl
&Lourenl
FilliettozL'ergonomie constitue le premier domaine de recherches qui a
mis en
évidencela distinction
entretravail
prescrit(ce
que la hiérarchie prescrit dans une institution ou dans une enffeprise, par exemple à travers des fiches de poste) et travail réel (ce que font effectivementles
professionnelsau
quotidien).Les travaux
de Montmollin (1984) en témoignent alors même que Falzon et Teiger(2011)
précisent, au-delàde leur
préoccupation centralesur
la préservation de la santé et de la sécurité au travail, que I'ergonomie garde un lienprivilégié
avec le travail par l'attention portée à sesformes
d'organisation,à ses
contraintes,à ses
moyens, auxconditions
d'intervention en milieu
professionnelet
notamment aux outils d'analyse du travail, bref, àtout
cequi
contribueà
saréalisation. Dernièrement, leurs travaux portant sur la définition des
situations de travail considérées comme favorables
audéveloppement
et à la
transmission des compétencesen
milieu professionnel (Pavageau, Nascimento et Falzon, 2007) rejoignentainsi les travaux qui, dans le champ de
la didactique professionnelle (Weill-Fassinaet
Pastré, 2004), mettent l'accent sur la dimension formative que peuvent avoir les activités de travailet sur la nécessité de les analyser pour identifier
lesconceptualisations
des
opérateurs,la plupart du
temps restéesimplicites non
seulementpour
eux-mêmes mais aussi dans leur champ professionnel. Ces conceptions s'opposent à l'idée courante9
selon laquelle la pratique se réduirait à l'application d'une théorie,
ou d'une
technique, commele
pensent souventles
novices en formation.À
cejour,
la collaboration entre le monde de la recherche et les univers professionnels est de plus en plus attendue sous la forme de recherche-action,de recherche collaborative ou encore
derecherche-intervention
(Vinatier, 2009 ; Vinatier et
Rinaudo,2015).
Particulièrement développéesau canada, ces
modalités d'intervention visentà
contribuerà
l'émergence de compétences collectives et au développement d'environnements favorables aux apprentissages. cela étant dit, I'intervention directe des chercheurs dans les situations de travail etlou dans les dispositifs de formation professionnelle doit obéir à certaines conditions, notamment quandil
s'agit de parvenir à une fécondation réciproque entre recherche et formation.Cet ouvrage aborde spécifiquement la question des champs de recherches relevant
de
l'analyse des interactionsen
situation de travailqui
se veulent au service dela
formation.ces
recherches sont enplein
développement, que cesoit
dansle
domaine de la linguistique interactionnelle,de la
didactique professionnelle ou encoreà travers
l'émergencedu courant du
Français LangueProfessionnelle. L'examen des fondements théoriques
desinteractions entre humains éclaire
les
rapports entre analyse de l'activité professionnelle et interactions en situations de travail.En effet, les
interactionsont pour
première caractéristique d'être considérées comme des actions à part entière pour agir avecet
sur les personnes auxquellesun
discours est adressé (Kerbrat-orecchioni,
1990). Elles ont pour deuxième caractéristique de nepas pouvoir être comprises en dehors de leur
contexted'émergence, c'est-à-dire du lieu où elles s'exercent
et particulièrementles lieux
professionnels.Dit
autrement, elles acquièrent une signification seulement dans les conditions à la fois matérielles, pratiqueset
socialesde leur
accomplissement, d'oùI'importance
d'analyserles
situationsqui les portent pour
en révéler les enjeux. Les interactions ont pour autre caractéristique de relever d'une co-construction entre les interlocuteurs en préience.c'est
peut-être cette caractéristique qui est la plus aisée à àdmethe,mais aussi la plus ardue à mobiliser dans les démarches d'analyse.
Le
caractère conjointement construit et co-élaboré du contenu des interactions dialectiquement articulé avecla
manière même de le transmettre constituela
dynamique même des échanges, laquelle est constitutive de toute interaction. Les travaux dans le champ del'analyse
conversationnellemontrent que les
partenaires del'interaction négocient en perrnanence à la fois ce dont ils parlent et la manière dont
ils
le parlent et même dontils
se parlent. Enfin, undernier fondement théorique (Traverso, 2016) reconnaît
le caractèrecertes langagier et mais surtout plus
généralement multimodal des processus par lesquels se co-construit et se négocie la signification des interactions.Adopter
le point de vue de l'interaction sur les
activités detravail et de formation, c'est
considérerque les
<< discours en interaction>
(Kerbrat-Orecchioni,2005)
constituent,pour
les chercheurs coûrmepour les
opérateursau travail, à la fois
desobjets, des
méthodes et
desoutils
d'analyseau
servicede
la compréhensionde l'activité
professionnelle(Vinatier,
2013), du fonctionnement des collectifs, des manières de former en situation(Filliettaz & Bronckart,2005; Filliettaz,
2014).Si
l'analyse desinteractions a pour visée la transformation des situations de travail
et de formation elle peut aussi être mise au service
del'émancipation des opérateurs eux-mêmes.
En
effet,du point
de vue des opérateurs, la maîtrise du discours et des interactions dans les activités professionnelles tient une place essentielle pour qu'ils aient un plus grand contrôle de cequ'ils
font dans leurs échanges avec leurs pairs en situation de collaboration, de tutorat, de conseil, ou encore avec des patients, des usagers, des clients, des formés,des élèves. D'un autre point de vue, une
qualification professionnellepeut
nécessiterla maîtrise du
langageet
desinteractions.
En effet,
les nouvelles organisationsdu travail
fontappel à plus d'exigence
chezles
formateurspour outiller
les professionnelsde
ressourcesleur
permettantde
décrypter les problèmes auxquelsils sont
confrontésdans les
interactions professionnelles, car c'estpar la
mise en scène de ces échangeslangagiers que se coordonnent les interactants et
ques'accomplissent les activités.
10 1l
Par ailleurs, l'expertise dans I'analyse des interactions, outre son développement dans
le
cadre de recherches fondamentales, aaussi
besoin de s'enrichir de l,observation, de l,analyse
des problématiques de terrain et des obstacles auxquels se confrontentles
professionnelspour saisir l'opportunité de concevoir
de nouvelles ressources ou de nouveaux dispositifs de formation basés sur l'analyse de ces interactions.-
Ainsi, les chapitres rassemblés dans cet ouvrage témoignent dufait
qu'unetelle
analyseet
son appropriation peuventcùstituer,
sous certaines conditions d'interventionde
chercheuren
milieu professionnel, ou de didactisation de certaines caractéristiques des interactions, ou encore de modalités d'observation et d'anâlyse desituations
de formation etlou de
sifuationsréelles de
travail (Laforest, 2016), une ressource au service de l'élargissement des possibilités d'action des professionnels et des chercheurs.Dans la continuité de nos
quatre publications précédentes(Balslev, Fillietlaz, Ciavaldini-Cartaut &. Vinatier,
2015;Morrissette,
vinatier & Fllliettaz, 2016; vinatier, Filliettaz &
Kahn, 2012 et Khan,
Hersanet Orange, 2010 à partir
d,un symposium organisé parvinatier
dans le cadre du REF en 2009 àNantes), cet ouvrage fournit une occasion
d,échangespluridisciplinaires constituant ainsi une opportunité
dequestionnement
pour les formateurs en quête de
nouvelles perspectives, démarches, et outils. L'ouvrage s'adresse égalementaux
chercheursqui s'interrogent sur l'intérêt des
recherches construitesen
collaboration avecles
professionnelsautour
des inte-ractions etlou qui développent leurs travaux dans la conception de formations basées sur I'analyse des interactions en situation detravail etlou au service du travail. Fondamentalement, dans chacun des chapitres se trouvent questionnées
les
circonstancesqui
ontdéterminé la
nécessitémême de procéder à I'analyù
des interactions tout en mobilisant des points de vue differenis sur la question.Le premier chapitre, écrit par Marty Laforest de I'université de
Trois Rivière au Québec et intitulé : < L'intégration de résultats de recherche
à un
programme deformation:
problématisation d,un processus de transposition >, aborde d'un point dewe
générique laquestion de
l'apport
de la recherche aux démarches de formation professionnelle mobilisant l'analyse des interactions verbales. Son propos << vise à rendre compte de la complexité de ce processus).
Complexité
liée
aufait
que les disciplines de l'intervention telleque l'ergonomie, ou encore la didactique
professionnelle,conçoivent et expérimentent des théories fondées sur
lacollaboration entre praticiens
et
chercheurspour
augmenter leur pertinence.A
contrario, les analyses interactionnelles de la paroleau travail sont
souvent menéesdans des
cadres disciplinaires associés à la recherche fondamentale-
sociologie, linguistique, par exemple-, dans
lesquelsprévalent les
modèlesde
recherchetraditionnels, qui accordent peu de valeur aux visées < pratiques >.
Prenant
appui sur le
compte rendud'un
parcoursde
recherche portant sur des appels médicaux d'urgence au Québec, l'auteure tente de répondre aux questions suivantes : Doit-on en conclure queles
résultatsdes
analyses interactionnelles conduites dans unelogique de
recherchene peuvent être mises à profit
dans laformation
professionnelle? Si tel n'est pas le cas,
peut-on modéliser la démarche du chercheur impliqué ponctuellement dansun
processusde
transposition?
Comment cette démarche mêmepeut-elle être
entrepriseet quelles en sont les
conditions desuccès ?
Marty Laforest, parce qu'elle est linguiste et qu'elle s'est posée la question de
l'utilité
sociale de ses travaux, propose ainsi via son texte une opporfunité de saisir un certain nombre de points nodaux incontournablesqui signent la
conceptiond'un dispositif
de formation basé sur l'analyse d'interactions dont l'intérêt tient à cequ'elles révèlent spécifiquement des dysfonctionnements dans le travail. Comme elle
l'indique,
ce n'est possible, entre autres, 9u'àla
condition de pouvoir analyser les besoins des individus, et de saisir par I'analyse de leur activité, la manière dont eux-mêmes la conceptualisent implicitement quandils
opèrentà leur
poste de travail.Le
chapitre d'Isabelle Durandet de
Dominique Trébert, deI'université de
Genève, intitulé:
< QuandI'outil
des chercheurs devient celui des praticiens : un groupe d'analyse des interactionsen formation de
formateurs >>,rend compte d'une
autrel2 l3
problématique, celle des conditions à mettre en æuvre pour que les professionnels s'approprient
le
processusmême d'ànalyse
desinteractions proposé
par
des chercheurs.Ainsi, leur teite
rend comptedu
processusde
conceptionet de mise en æuwe
d'un"Groupe d'Analyse des Interactions" auquel les auteurs participent et
qu'ils
considèrent comme un <outil di
formation coritinue > de formateurs visant I'analyse des interactions tutorales. Le recours à cet outil s'inspire des dispositifs d'analyse en groupes de travail dessituations d'interaction, mis en æuvre dans les
recherches s'intéressant à la compréhension des activités collectives effectives.rl a
été proposé, eneffet,
àun collectif
de formateurs de terrain æuwant dansle
champ de l'éducation de I'enfance. prenant I'outil en main, les praticiens ont travaillé des éléments de méthode tels que I'usage de la transcription ou la pluralité des postures d'analyse.Par ailleurs, I'analyse
en
groupea
permisla mise
aujour
d'unphénomène
paradoxalementresté inaperçu : la
dimension formative de la situation, telle qu'elle se construit dans I'interactionau
cceurde I'activité
professionnelle.Le
Groupe d'Analyse des Interactions est désormais mis en æuvre dans d'autres contéxtes de formation continue.Toujours dans une perspective
de
recherche collaborative etdans le même champ
professionnel,le chapitre de
Marianne Zogmalet Myriam
Perret,de l'Université de
Genève,intitulé:
<< croiser les regards : les enjeux d'une démarche collaborative lors
de la préparation d'un atelier interdisciplinaire dans le champ de la
petite
enfance),
étudie les processusà l'æuvre
dansce qui
est appeléune
démarche collaborative dansun
contexte spécifique.Les auteures s'intéressent notamment
à la
réalisationdhn
atelier de < regards croisés >, impliquant des chercheurs del'université
de Genève et des praticiens travaillant dansle
champ de l'éducation de l'enfance.ce
texte montrele
processus de co-construction de compréhensions partagées.La
thématique des savoirset de
leurlégitimité est
complétéepar l'analyse des
transformations despositionnements
des
participantesà l,atelier. L,apport
d,une analyse interactionnelleest ici
double.Elle
constituèun outil
théorique et méthodologique pour la mise en place d'une démarche collaborative.Par
ailleurs,la
perspective interactionnellevise
àmieux << comprendre ce qu'un professionnel apprend de l'analyse de son activité > (Vinatier, 2010), mais également à rendre visible comment
la
participation actived'un
chercheur dans une analyseconjointe lui permet de
transformersa
compréhensionet
sespratiques.
Le chapitre de Delphine Odier-Guedj, de I'université
du Québec à Montréal, intitulé : < Enseigner I'interaction en formation continue universitaire : travailler avec des élèves ayant un troubledu
spectrede
l'autisme>, défend la
nécessitéde former
lesenseignants
à
l'analyse des interactions verbalesen
raison desenjeux que cela
représentepour leurs élèves. En
effet,l'enseignement auprès d'élèves ayant des troubles de l'interaction etlou
du
langagea
ceci de particulier que I'enseignant se trouve souvent déstabilisé vis-à-visde
sonoutil
premierde
travail:
le langage oral.Il
ne peut pas comme à l'accoutumée co-construire l'apprentissage avec ses élèves sans autre support que savoix.
Un risquelatent est
alorscelui de la
minimisationde
l'interaction (Filliettaz&
Schubauer-Leoni, 2008; Specogna, 2007) alors qu'elle demeurepour tout
élèveun
axe essentiel destrois
missions de l'école: qualifier, instruire et
socialiser.Dans le cadre
d'undiplôme d'études supérieures
spécialiséesà I'UQAM,
lesenseignantes
et
enseignants déjà en fonction, peuvent suivre une formation spécifiquequi vise à mieux
comprendrece
que sont I'interaction (Gumperz, 1982)et
les pédagogies interactionnellesqui
soutiennentle
développement académiquedes
élèves. Les enseignants et enseignantes s'observent dans leurs enseignements pour identifier leurs habitudes d'interaction afin d'établir un plan de changement qu'ils/elles mettront en æuvre ensuite tout au longdu DESS. Delphine
Odier-Guedj présente,dans ce texte,
ledispositif de formation
basésur
ses recherchessur le
terrain, réalisées à partir d'une posture ethnographique et des analyses de pratique avec des enseignants et enseignantes L'auteure discute les enjeux du lien recherche-dispositif de formation et ceux liés au faitd'<< enseigner >> donc d'< évaluer > à l'université l'observation des interactions
en
contextede
classequi, par
nature, sont toujours mouvantes et adaptatives.t4
15Toujours d'un point de vue
didactique,la contribution
de Florence Mourlhon-Dallies,de l'université de paris
Descartes, intitulée : << Enseignement du français aux publics professionnels et analyse des interactionsau travail: un
rendez-vous manqué ? >>,interroge
la
place qu'occupe l'analyse des interactions dans les démarches d'enseignementdu
français, lorsque cette langue est enseignéeà
desfins
professionnelles.pour ce faire, elle
prendappui sur l'étude des principaux manuels spécialisés édités depuis quinze ans en France ainsi que sur l'examen de quelques dispositifs multimédias conçus récemment
à la
demande d,organismes deformation.
Le travail
del'oral
proposé en didactiquedu
français professionnelest ici mis en regard avec les lignes de
force théoriques de l'analyse del'activité
verbale en situation de travail.Le tour d'horizon effectué sur la base du matériel didactique retenu pour ses investigations met en lumière un paradoxe : alors que les recherches sur les interactions professionnelles se sont multipliées ces
trente
dernières années,leurs
résultats semblent ignorés (à quelques exceptions près)du
matériel éditéet
labellisépour
le françaislangue
étrangèreet
secondeà
destinationde
publics professionnels.Mais
comment expliquer cette situation? À
sesyeux c'est surtout
le
poids des représentations dominantes sur ce qu'enseigner et travailler veulent direqui
est à invoquer, comme exposé en deuxième partie.ceci
explicité,il
devient alors possible, dansun
troisième moment, d'esquisserce
quepourrait
être une séquence interactionnelletype pour
l'enseignementdu
français professionnel.À
cette o"curiôn, èlle invite à se questionner sur les conditions permettant aux matériels didactiques édités d'échapper à leur seule obsession transmissive.Les
trois
derniers chapitres decet
ouvrage s'appuientsur
la présencede
chercheurs auprès des professionnelsde terrain
et démontrent,par
les observations des chercheurs impliqués,qu'il s'agit là d'une condition
nécessaireà la conception
d,uneformation en
mesurede fournir
des ressourcesau
service des professionnels concernés.Laurent Filliettaz, de l'université de Genève, dans son chapitre intitulé
:
<< La part des "usagers" dans la formation aux métiers de services : les apports de la perspective interactionnelle >>, évoque lefait
que la littérature récente portant sur les rapports entre langage, travail et formation n'a que peu thématisé la question de la part des<( usagers >> dans la formation aux métiers de services. Ce texte vise
à
dépasser ce paradoxeet à
décrirede
manière méthodique leseffets
que peuvent produiresur les
pratiquesde formation
les situations detravail qui
ne portent pas seulement sur des objets techniqueset
matériels, mais aussi sur des acteurs humains, deso,lrugôr,
>>, dansle
cadre de relations dites de services.À
partird'une documentation vidéo-ethnographique d' interactions tutorales prenant
place
dansdeux
contextesvariés, en
I'occurrence des institutions de la petite enfance et un centre de radiologie en milieu hospitalier,les
analyses produites montrentque les
usagers-
respectivement les patients et les enfants
-
contribuent activementà faire
évoluerles
situationsd'interaction et qu'ils
agissent demanière significative sur les conditions de participation
des stagiaireset
des tuteurs.Le
chapitre montre également que cesinterventions
ne
sont pas sans effetssur le plan
des enjeux de formation: elles
transformentles
conditionsd'utilisation et
la signification des objets matériels qui peuplent les environnementsde
travail; elles
mettenten visibilité
des contenusde
savoirsjusqu'ici traités
comme non-manifestespar les
participants;
etenfrn, elles créent des opportunités
de
guidagede l'activité
desstagiaires par les tuteurs. Ces observations conduisent à repenser la place des usagers dans
la
formation professionnelle des métiers caractérisés par la prégnance des relations de service. Elles invitentaussi à formuler des propositions
concrètesen matière
de conceptions de formation,à
même de considérer les(
usagers)
non plus
seulement comme des objetsou
des destinataires du travail mais comme des ressources de la formation.Céline Alcade-Lebrun, Marine Pelé Peycelon et
Laurent Veillard, de l'université deLyon2,
proposent un chapitreintitulé:
<
Le rôle
des objets frontières dansla
formation de novices en situation de travail:
de l'analyse des interactions à I'ingénierie de la formation >>. Les auteures se questionnent sur la nature des outilsà
concevoirqui
peuvent être mobilisésen
formationà
des finsdidactiques. Ancrée dans le champ de la
linguistiqueinteractionnelle (Fllliettaz, de
Saint-Georges,& Duc,
2008)I6 t7
appliqué à des
questionnementsde formation
professionnelle relevant des sciences de l'éducation, leur contribution prend appuisur deux
recherches collaboratives.Menées dans des
cursus supérieurs, elles portent respectivement sur la formation au service en restauration etla
formation des tuteurs entreprise novices. cesdeux études postulent une construction et une
mobilisation collective des compétences ainsi qu'un rôle déterminant du langage dansl'activité
de travail etlou de formation, dans les processus de transmissionet
d'apprentissage.ce
postulata
conduit, dans les deux cas, à réaliser des observations au long cours et à mener des analyses des interactions langagières en situation formative etlou productiver. Les résultats de ôeJ analyses ont ensuite servi de baseà la création d'outils didactiques visant l'amélioration
desformations
existantes.Les deux études ont été
réalisées en collaboration avec des praticiens, dansle
cadrede liens
étroits entre des chercheurset
des institutions partenaires désireuses de perfectionner leurs pratiques didactiques. Dans cette perspective, les auteurs détaillent: l)
comment l'étude des interactions situées entre différents acteurs,lieux et
activités lesont
conduits, d'une part,à
repérer des objets-frontièresjouant un rôle clé
dans les situations analysées;2)
comment, d'autre part,ils
ont potentialiséet enrichi cette circulation pour améliorer ra qualité
des apprentissages.Enfin, le
dernier chapitred'Isabelle vinatier et rza Marfisi intitulé
<L'imrption
des émotions entre conseillers pédagogiques et enseignants débutants : quelle conception de formation pour les meffre à distance ? >> est basé surla
collaboration entre reihercheen
sciencesde l'éducation et
informatique,pour
concevoir un afteraû numérique piloté par un formateur. La recherche s'appuiesur
I'analysede l'activité
des conseillers pédagogiques(CÊj
en France, lesquels suivent les professeurs des écoles débutants en venant plusieurs fois par an les observer en classe et mener ensuiteavec eux des
entretiensde conseil relatifs à leurs
pratiques pédagogiques.ce
faisant,ils
se heurtentà
des diffrcultès parmi lesquelles se découvre, par voie d'analyse des interactions, le rôlejoué
par les émotions. Comment en rendre compted'un point
de vue de didactique professionnelle (analyse des situations de travailen \.ue de la
formation)? Or, de
nombreuses études dans ledomaine du virtuel (De Servin et al., 2009)
proposent de<< s'entraîner > à << gérer >> les émotions
via I'utilisation d'un
outilde simulation réaliste appelé GRETA.
À
l'occasion du face à face desCP
avecl'agent virtuel
se révèle,à
traversles
immédiatesréactions des CP, la présence jusqu'alors inaperçue
de manifestationsde nature émotionnelle et cela, avarfi
mêmel'entame de toute interlocution.
La
question se pose de savoir enquoi et
commentla
rencontre interdisciplinaire entre didactique professionnelle et numérique permet de construile une ressource auservice de la maîtrise d'émotions qui peuvent entraver
les interactions entre CP et enseignants débutants à visée formative.On
le voit,
l'ensemble des contributions rassemblées dans cet ouvrage couvre un large spectre. Parce qu'elles interrogent, à partird'un
même anarage dans l'analyse interactionnelle, les différents positionnementsdu
chercheur s'intéressantaux
interactions enmilieu de travail et les
différentes formesde
collaboration qui peuvents'établir
entre chercheurs et praticiens, elles offrent unenouvelle illustration de la
pertinencethéorique des
concepts mobiliséset
montrent concrètementleur
apportà la
formation professionnelle et à notre compréhension des activités de travail'Bibliogrophie
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