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Mahzor Vitry : étude d'un corpus de manuscrits hébreux ashkénazes de type liturgico-légal du XIIe au XIVe siècle

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Thesis

Reference

Mahzor Vitry : étude d'un corpus de manuscrits hébreux ashkénazes de type liturgico-légal du XIIe au XIVe siècle

ISSERLES, Justine

Abstract

Rédigé à la fin du XIe siècle, le Mahzor Vitry est considéré comme la source majeure de la liturgie juive de la France du Nord. Dix manuscrits du Mahzor Vitry identifiés à ce jour ont fait l'objet d'une analyse de leur structure et de leur transmission textuelle, ainsi que la mise en évidence de leur double nature; en tant que livres de prière et comme manuels d'étude. Une évolution du contenu dans ces manuscrits est visible à partir de la première moitié du XIIIe siècle, où des textes de genre variés ont été intégrés comme addenda littéraires au noyau liturgico-légal de ces manuscrits. En outre, une comparaison avec six autres manuscrits ashkénazes du même type, démontre que l'organisation livresque de ces livres n'est pas limitée aux manuscrits du Mahzor Vitry.

ISSERLES, Justine. Mahzor Vitry : étude d'un corpus de manuscrits hébreux ashkénazes de type liturgico-légal du XIIe au XIVe siècle. Thèse de doctorat : Univ.

Genève, 2012, no. L. 740

URN : urn:nbn:ch:unige-230033

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:23003

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:23003

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ECOLE PRATIQUE DES HAUTES ETUDES

SCIENCES HISTORIQUES ET PHILOLOGIQUES (IVe section)

Mention « Histoire, textes et documents » Discipline « Langues, littérature et civilisations juive »

en cotutelle avec

L’UNIVERSITE DE GENEVE

FACULTE DES LETTRES

Département des langues et littératures françaises et latines médiévales

Maḥzor Vitry :

étude d’un corpus de manuscrits hébreux ashkénazes de type liturgico-légal du XIIe au XIVe siècle

VOL.I

Thèse de doctorat présentée par Mme Justine ISSERLES

Sous la codirection de

Madame Judith OLSZOWY-SCHLANGER Directeur d’études à l’EPHE (IVe section)

et

Monsieur Jean-Yves TILLIETTE Professeur à l’Université de Genève Date de soutenance : 18 janvier 2012 Rapporteurs:

M. Ephraïm KANARFOGEL (Yeshiva University, New York) M. Sacha STERN (University College London, Londres) Président du jury:

M. Jean WIRTH (Université de Genève, Genève) Membres du jury :

Mme Colette SIRAT (Ecole Pratique des Hautes Etudes, Paris) M. Ephraïm KANARFOGEL (Yeshiva University, New York)

Mme Esther STAROBINSKI-SAFRAN (Université de Genève, Genève) M. Sacha STERN (University College London, Londres)

(3)

TABLE DES MATIERES

Remerciements ... i

Système de translittération hébreu-français ... iii

Sigles des manuscrits du Maḥzor Vitry ... iv

Carte des régions géoculturelles de la production des manuscrits hébreux ... v

Carte de l’aire géographique d’Ashkenaz ... v

I. Introduction ... 1

II. LeMaḥzor Vitry et son origine ... 6

1. Genèse de l’œuvre ... 6

2. Sources du Maḥzor Vitry ... 14

3. Auteur et datation de l’œuvre ... 21

4. Etat de la recherche ... 28

III. Le Maḥzor Vitry: description, dates et transmission manuscrite ... 33

1. Description et datation des manuscrits du corpus des Maḥzor Vitry ... 34

2. La transmission textuelle du Maḥzor Vitry ... 59

IV. Le Maḥzor Vitry: un rituel de prière ... 78

1. Les rites germano- et franco-ashkénazes ... 78

2. Contenu et structure liturgique des manuscrits du corpus ... 90

a) les prières obligatoires annuelles publiques et privées ... 93

b) les poèmes liturgiques ... 100

c) les prières au statut particulier et de dévotion personnelle ... 108

d) les cérémonies relatives à la vie juive ... 114

V. Le Maḥzor Vitry: un livre d’étude ... 119

1. Le modèle d’organisation livresque des manuscrits du Maḥzor Vitry ... 119

2. Description de six manuscrits de type liturgico-légal du XIIIe au XVe siècle ... 125

3. Les textes d’étude dans les manuscrits du Maḥzor Vitry et les manuscrits comparatifs ... 139

a) description des textes d’étude ... 141

b) classement des manuscrits ... 175

c) Ashkenaz et sa culture littéraire vus à travers les manuscrits étudiés ... 181

VI. Le Maḥzor Vitry et la mystique juive ... 188

1. Le contexte historique du Torat ha-Sod en Ashkenaz ... 188

2. La mezuzah-amulette ... 193

3. L’influence du courant des Ḥasidei Ashkenaz dans les manuscrits du Maḥzor Vitry ... 210

VII. Les manuscrits du Maḥzor Vitry et les manuscrits latins et vernaculaires de l’époque scolastique ... 217

1. Les contacts judéo-chrétiens en Ashkenaz ... 218

2. Les parallèles esthétiques entre les manuscrits hébreux et les manuscrits latins et vernaculaires de l’époque scolastique ... 224

a) la mise en page ... 231

b) la mise en texte ... 233

(4)

c) deux éléments propres à la mise en page et la mise en texte des manuscrits

hébreux ... 237

VIII. Conclusion ... 242

IX. Bibliographie ... 248

X. Annexes (volume II) ... 293

1. Notices codicologiques et paléographiques des dix manuscrits du Maḥzor Vitry ... 293

a) Paris, collection particulière, Ms ex-Sassoon 535 ... 293

b) Parme, Biblioteca Palatina, Ms 2574 (De Rossi 159) ... 299

c) Moscou, Russian State Library, Collection Guenzburg, Ms 481 ... 306

d) Oxford, Bodleian Library, Ms Opp. 59 ... 313

e) New York, Jewish Theological Seminary, Ms 8092 ... 320

f) Cambridge, Cambridge University Library, Ms Add. 667.1 ... 328

g) Londres, British Library, Mss Add. 27200 et 27201 ... 334

h) Paris, Alliance Israélite Universelle, Ms 133H ... 345

i) Oxford, Bodleian Library, Ms Opp. Add. 14 ... 351

j) Oxford, Bodleian Library, Ms Opp. 649 ... 356

2. Tableau de synthèse des caractéristiques codicologiques et paléographiques des manuscrits du Maḥzor Vitry ... 364

3. Edition critique d’une partie de texte tirée des Hilkhot ʾevel (lois sur le deuil) dans sept manuscrits du Maḥzor Vitry et l’édition imprimée du Siddur Rashi ... 365

4. Tableau comparatif du contenu liturgique des dix manuscrits du corpus du Maḥzor Vitry ... 369

5. Notices codicologiques et paléographiques des six manuscrits de type liturgico- légal du XIIIe au XVe siècle ... 370

a) Oxford, Bodleian Library, Ms Mich. 569 ... 370

b) Paris, BnF, Ms Hébr. 643 ... 374

c) New York, Jewish Theological Seminary, Ms 8259 ... 376

d) Paris, BnF, Ms Hébr. 646 ... 379

e) Cambridge, Cambridge University Library, Ms Add. 3127 ... 383

f) Parme, Biblioteca Palatina, Ms Parm. 1902 (De Rossi 403) ... 386

6. Une recette de Ḥarosset du XVe siècle en judéo-français pour le repas de Pessaḥ dans le manuscrit Parm. 1902 de la Biblioteca Palatina à Parme ... 393

7. Illustrations ... 398

(5)

i

Remerciements

Cette thèse de doctorat n’aurait jamais vu le jour sans mes deux directeurs de thèse Madame Judith Olszowy-Schlanger, Professeur de paléographie hébraïque en section Historique et Philologique (IVe section) de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes à Paris et Monsieur Jean-Yves Tilliette, Professeur de langues et littératures françaises et latines médiévales à l’Université de Genève, envers qui je suis infiniment reconnaissante d’avoir cru en ce projet et de m’avoir soutenu jusqu’au bout de cette thèse de doctorat.

Un nombre d’éminents spécialistes m’ont également aidé dans l’élaboration de cette thèse et ont répondu à mes questions parfois nombreuses. Je tiens de ce fait, à les remercier sincèrement pour leur aide précieuse dans le cadre de mon travail. Ce sont Mesdames les Professeurs Colette Sirat (EPHE/ IRHT, Paris), Esther Starobinski-Safran (Université de Genève, Genève) et Evelyn Cohen (Jewish Theological Seminary, New York) et Messieurs les Professeurs David Berger (Yeshiva University, New York), Ephraïm Kanarfogel (Yeshiva University, New York), Gad Freudenthal (EPHE, Paris), Jean Wirth (Université de Genève, Genève), Mauro Perani (Institut des Biens Culturels, Bologne), Menahem Schmelzer (Jewish Theological Seminary, New York), Paul Fenton (Sorbonne, Paris), Sacha Stern (University College London, Londres), ainsi que Monsieur Philippe Bobichon, (IRHT, Paris).

Je tiens également à remercier les fondations suivantes, sans lesquelles cette recherche doctorale n’aurait pas pu être entreprise, ni menée à terme: Fondation Ernst et Lucy Schmidheiny, Genève (2010-2011), Conférence des Recteurs Universitaires Suisse, Berne (2008-2011), Fonds Mobilité, EPHE, Paris, (2007-2011), Rothschild Foundation Europe, Londres (2006-2007, 2009-2010), Memorial Foundation for Jewish Culture, New York (2007-2008, 2009-2010), Fonds de Solidarité et de Développement des Initiatives Etudiantes, EPHE, Paris (2006-2007).

Les manuscrits médiévaux étudiés dans cette thèse n’auraient pas pu être consultés sans l’approbation des conservateurs suivants que je remercie vivement: Mesdames Alina Lisitsina (Russian State Library, Moscou), Giustina Scarola (Biblioteca Palatina, Parme), Ilana Tahan (British Library, Londres), Rahel Fronda (Bodleian Library, Oxford) et Messieurs Ben Outwaite (Cambridge University Library, Cambridge), David Sclar (Jewish Theological

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ii

Seminary, New York), Jean-Claude Kuperminc et Jean-François Malthête (Alliance Israélite Universelle, Paris), Jerry Schwarzbard (Jewish Theological Seminary, New York), Laurent Héricher (Bibliothèque nationale, Paris) et Piet van Boxel (Bodleian Library, Oxford). Je tiens aussi à inclure trois personnes de l’Institut des manuscrits microfilmés de l’Université hébraïque de Jérusalem (JNUL, Jérusalem), qui ont été d’une aide précieuse quant à l’acquisition de microfilms, à savoir : Mesdames Yael Okun et Zmira Reuveni, ainsi que Monsieur Abraham David.

Deux bibliothécaires m’ont également beaucoup assisté dans mes recherches et je souhaite les remercier d’avoir pu trouver des articles et ouvrages souvent très difficile d’accès : Madame Anne-Christine Tallent de la Bibliothèque d’Art et Archéologie (Genève) et Monsieur Zvi Erenyi de la Mendel Gottesman Library à Yeshiva University (New York).

En dernier lieu, je tiens à sincèrement remercier Hanna Pevzner, Lori Luce, Matylda Hagmajer-Levet, Sasha Kestin, ainsi que Véronique Germanier pour leur soutien et amitié.

Ma reconnaissance va particulièrement à mon époux, Marc et notre fils, Yohanan Meir pour leur compréhension et patience.

(7)

iii

Système de translittération hébreu-français

א: xʾ+ la voyelle de x מ: m

: b בּ ם: m

ב: v נ: n

ג : g ן : n

ד: d ס: s/ss

ה: h ע: x ͑+la voyelle de x

ו: u/o פּ: p

ז: z פ: f

ח : ḥ ף : f

ט: ṭ צ: ṣ

י: i/y ק: q

כּ: k ר: r

כ : kh שׂ : š

ך: kh שׁ: s

ל: l ת: t

N.B. Certains mots translittérés dans ce travail ne respecteront pas le système mis en place ci- dessus et seront écrits selon l’orthographe la plus usitée. Ces derniers sont: Ashkenaz, Guemara, Gueniza, halakha, Midrash/midrashique, Mishna, piyyut/piyyutim, Rashi, Shabbat, siddur.

(8)

iv

Sigles des manuscrits du corpus des Ma zor Vitry

S = Ms Ex-Sassoon 535 (Sassoon) C = Ms Add. 667.1 (Cambridge)

P = Ms Parm. 2574 (Palatina) B = Ms Add 27200-01 (British Library) G = Ms Guenzburg 481 (Guenzburg) A = Ms 133H (AIU)

J = Ms 8092 (JTS) O

2

= Ms Opp. Add. fol. 14 (Oxford)

O

1

= Ms Opp. 59 (Oxford) O

3

= Ms Opp. 649 (Oxford)

(9)

Carte des régions géoculturelles de la production des manuscrits hébreux

Carte de l’aire géographique d’Ashkenaz

v

(10)

1 I.

Introduction

Le choix de l’étude des livres de prières hébreux du Moyen Age semble évident pour tous ceux intéressés par l’histoire religieuse juive. Les manuscrits liturgiques devaient être copiés en grand nombre, puisque ce sont eux qui sont les plus conservés de nos jours.

Cependant, la production et la transmission textuelle de ces manuscrits n’ont attiré que peu de chercheurs.

L’aire géographique d’Ashkenaz, englobe plusieurs régions (voir la carte) : la France du Nord, l’Angleterre1, et les pays d’Europe centrale et de l’est. Les manuscrits liturgiques produits dans ces régions ont eux aussi des caractéristiques codicologiques, paléographiques et rituelles propres. Les manuscrits que nous allons étudier appartiennent à la famille ashkénaze. Notre travail se concentrera sur deux régions spécifiques d’Ashkenaz, à savoir la France du Nord et la vallée du Rhin. Nous allons nommer les manuscrits issus de ces deux régions respectivement manuscrits franco-ashkénazes et germano-ashkénazes. Cependant, du point de vue de leurs aspects textuels et matériels, la majorité des manuscrits hébreux étudiés dans le cadre de cette recherche doctorale ont été écrits selon les spécificités de la région franco-ashkénaze. L’influence esthétique et textuelle des juifs de la région franco-ashkénaze a été en effet conservée au sein de leur rite et traditions pendant plusieurs siècles avant de passer dans l’oubli, les expulsions successives donnant profit aux traditions de leurs pays d’adoption.

Le rite français était l’expression d’une vie religieuse et intellectuelle intense entre les XIe et XIVe siècles. Il était pratiqué dans les régions du Nord de la France jusqu’en 1394, date de l’expulsion définitive des juifs du Royaume de France. Ce rite est aujourd’hui conservé dans une centaine de manuscrits liturgiques survivants, contenant des prières quotidiennes et de fêtes selon le calendrier hébraïque. Le plus ancien livre de prière de l’aire géographique d’Ashkenaz conservé contient une œuvre liturgique du début du XIIe siècle qui suit le rite de la France du Nord2. Cette œuvre, nommée le Maḥzor Vitry, fera l’objet de notre travail. Le manuscrit en question contient donc la plus ancienne version attestée de cette

1L’Angleterre fait aussi partie de l’aire géographique ashkénaze. La communauté juive anglo-normande était florissante jusqu’en 1290, au moment de leur expulsion définitive. Néanmoins, nous n’incluons pas cette région dans notre travail car le corpus des Maḥzor Vitry est composé de manuscrits issus des régions franco-et germano- ashkénazes.

2 Ce manuscrit est conservé au sein d’une collection particulière à Paris (Ms ex-Sassoon 535).

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2

œuvre de la fin du XIe siècle, aujourd’hui perdue. Son titre rappelle par ailleurs son auteur présumé, Simḥah ben Samuel de Vitry (mort avant 1105), un disciple important de R. Isaac ben Salomon de Troyes (1040-1105), plus connu sous l’acronyme Rashi, le plus grand exégète et commentateur talmudique de la France du Nord au XIe siècle.

Dans la tradition juive, le Mahzor Vitry est considéré comme la source majeure du rite français désormais disparu, appelé nusaḥ Ṣarefat. D’un point de vue historiographique, le premier ayant mis à la lumière ce rite est Leopold Zunz, grand érudit allemand du XIXe siècle, qui y consacre trois pages très documentées dans son œuvre de 1859 intitulée Die Ritus des Synagogalen Gottesdienstes geschichtlich entwickelt3. Quelques décennies plus tard, un compatriote allemand, nommé Salomon Hurwitz, publiera une édition du Maḥzor Vitry en 1893, qui paraîtra en hébreu sous le titre de Maḥzor Vitry le-Rabenu Simḥah4. Cependant, cette édition ne repose pas sur la recension la plus ancienne connue du début du XIIe siècle mentionnée ci-dessus, que Salomon Hurwitz ne connaissait pas, mais sur un manuscrit conservé à la British Library à Londres, Ms Add. 27200-27201. Par conséquent, à partir de la parution de cette édition, la plupart des chercheurs citant cette œuvre dans leurs recherches ont considéré le Maḥzor Vitry comme émanant d’un manuscrit unique, édité par Salomon Hurwitz, sans savoir que l’édition se fondait sur une recension de cette œuvre très élargie et plus tardive, datée du milieu du XIIIe siècle. Ce n’est qu’à partir de l’année 2003 qu’une édition critique de sept manuscrits existants - représentant chacun une recension différente - du Maḥzor Vitry est parue en hébreu sous le titre de Mahzor Vitry le-Rabenu Simḥah mi-Vitry, talmid Rashi par Arié Goldschmidt5. Cette nouvelle édition, bien qu’intéressante pour la recherche, ne s’est basée pourtant, elle aussi, que sur des témoins textuels limités du Mahzor Vitry, puisque seulement sept manuscrits ont été édités sur dix répertoriés.

Cette thèse doctorale se veut être une recherche de reconstruction et d’approfondissement aux travaux certes importants, mais incomplets qui l’ont précédée. Son

3 Zunz, L., Die Synagogalen Poesie des Mittelalters, vol.1. et Die Ritus des Synagogalen Gottesdienstes, vol. 2, Hildesheim, Georg Olms Verlagsbuchhandlung, 1967 (édition originale de Leopold Zunz: Die Ritus des Synagogalen Gottesdienstes geschichtlich entwickelt, Berlin, Julius Springer, 1859).

4 Voir Hurwitz, S. (éd.), Maḥzor Vitry le-Rabenu Simḥah, (hébreu), Nuremberg, Bulka, 1923 (1e édition, 1893).

Il est également intéressant d’ajouter que peu de temps après la parution de cette première édition, Dr Gustav Schlessinger a publié un glossaire des mots judéo-français à partir du manuscrit Add. 27200-01 de la British Library de Londres, voir Schlessinger G., Die altfranzösischen Wörter im Machzor Vitry nach der Ausgabe des Vereins « Mekize Nirdamim », Mayence, 1899. Nous remercions vivement Judith Kogel pour cette information.

5 Voir Goldschmidt, A., Mahzor Vitry le-Rabenu Simḥah mi-Vitry, talmid Rashi (Maḥzor Vitry de rabenu Simḥah de Vitry, disciple de Rashi) (hébreu), Jérusalem, Oṣar ha-Posqim, 2003, vols.1-2, 2009, vol. 3.

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3

essence repose, dès lors, sur la mise en contexte des manuscrits existants du Maḥzor Vitry, datables entre le XIIe et le XIVe siècle. Le Maḥzor Vitry est une œuvre centrale pour l’histoire de la littérature liturgique ashkénaze ancienne, car elle représente, comme nous allons le voir, le summum de la convergence des enseignements de Rashi, ainsi que des traditions babyloniennes et palestiniennes compilées dans la nouvelle forme du maḥzor, qui sera florissant vers la fin du XIe siècle.

La présente thèse doctorale est fondée sur les acquis de la recherche précédente et propose une étude complémentaire, non pas des sept, mais des dix manuscrits du Maḥzor Vitry identifiés à ce jour. Cette nouvelle recherche est centrée autour d’une question substantielle, à savoir : qu’est-ce qu’exactement le Maḥzor Vitry vu à travers ses manuscrits différents? La complexité de ce questionnement a exigé de prendre du recul, afin de savoir par quels moyens et méthodes aborder une recherche de cette envergure. Il s’est notamment avéré nécessaire de mettre en œuvre une méthode qui unisse les acquis de l’histoire des textes, de la codicologie et de la paléographie des manuscrits hébreux, de la codicologie et de la paléographie comparative avec les manuscrits latins et vernaculaires, ainsi que de l’histoire et de la transmission de la liturgie juive. Cette approche centrée autour de manuscrits et de recensions du texte nous a menés à une division de ce travail en trois parties. La première partie qui inclut les chapitres II et III, restitue la genèse du Maḥzor Vitry à partir de la fin du XIe siècle. Elle étudie l’identité de son auteur et de son époque, en remontant aux sources conservées. Cette première partie se complète par une mise en évidence de l’état de la recherche sur cette œuvre et une description approfondie des dix manuscrits du corpus, datés entre le XIIe et le XIVe siècle, en identifiant le genre littéraire du recueil liturgico-légal qui leurs est propre. En effet, notons que le noyau de ces manuscrits est avant tout de type liturgique et légal. Le chapitre III contient une description détaillée du contenu textuel des manuscrits existants. Puis, une comparaison entre les manuscrits constituera un essai d’étude de la transmission textuelle de ce corpus de dix manuscrits. L’objectif principal de cet essai est de tenter de déterminer hypothétiquement l’Urtext du Maḥzor Vitry.

La deuxième partie, qui se trouve dans les chapitres IV et V, analyse la substance de l’œuvre, par la description du contenu des dix manuscrits. La matière a été répartie en deux sections, dédiées à l’analyse d’une partie « liturgique » et d’une partie « non liturgique ». La partie « liturgique » approfondit la question des origines des rites franco- et germano- ashkénazes et décrit les différents types de prières, obligatoires ou facultatives, publiques ou

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4

privées, ainsi que des poésies liturgiques et des cérémonies, conservées dans les manuscrits du corpus. La partie « non liturgique », quant à elle, définit en premier lieu le genre littéraire du recueil de type liturgico-légal choisi pour les dix manuscrits du Maḥzor Vitry. A titre comparatif, cette section analyse aussi en second lieu, le genre d’une sélection de six manuscrits également de type liturgico-légal du XIIIe au XVe siècle, différents du Maḥzor Vitry et décrits eux aussi en détail. Ces derniers viennent démontrer que ce genre littéraire n’est pas unique aux manuscrits du Maḥzor Vitry, mais relève d’une tradition plus vaste propre au monde des manuscrits franco- et germano- ashkénaze. Le chapitre V élargie l’étude du noyau textuel par l’analyse des additions ou textes d’étude, greffés au noyau liturgico-légal des manuscrits du Maḥzor Vitry et des manuscrits comparatifs. Les ajouts sont copiés dans leur intégralité, sous forme d’extraits ou comme simples mentions. Ils seront répertoriés et décrits un à un dans ce chapitre. Des tableaux comparatifs viendront alors regrouper les manuscrits caractérisés selon le nombre de textes d’étude qu’ils renferment. Cette comparaison permettra alors d’observer l’évolution soudaine qui se produit à partir de la première moitié du XIIIe siècle, où une quantité importante de textes d’étude s’intègrent au noyau liturgico-légal dans les seize manuscrits – manuscrits du Maḥzor Vitry et manuscrits comparatifs - étudiés. La richesse des textes inclus dans les manuscrits justifie alors leur définition comme recueils liturgico-légal de type « encyclopédique », qualificatif qui sera en outre expliqué. En dernier lieu, une synthèse de la culture littéraire d’Ashkenaz sera entreprise, à travers les textes d’étude des seize manuscrits. Elle mettra en évidence les domaines de créativité littéraire prépondérants dans cette aire géographique.

La troisième partie, représentée par les chapitres VI et VII a pour thème les influences diverses sur les manuscrits et recensions du Maḥzor Vitry. Cette analyse est effectuée en deux temps. La première concerne une tradition ésotérique ancienne (Torat ha-Sod) répandue au sein de la culture juive médiévale ashkénaze. L’influence de cette tradition dans les manuscrits du Maḥzor Vitry est notamment évidente dans les textes portant sur la fabrication de la mezuzah (objet rituel). S’ajoutent à cela, les œuvres et doctrines des successeurs de cette tradition ésotérique, nommés les Piétistes ashkénazes. Leur impact est présent dans certains manuscrits du Maḥzor Vitry mais de manière plus indirecte. Le deuxième thème de cette troisième partie est l’influence de la tradition des manuscrits latins sur les manuscrits du Maḥzor Vitry. Cette influence est manifeste dans les éléments paléographiques tels que la mise en page et la mise en texte. En effet, tout en observant les différences intrinsèques, notre recherche décèle un nombre de parallèles esthétiques qui concernent la production livresque

(14)

5

chrétienne et qui seront complétés par un résumé des rapports judéo-chrétiens sur un plan exégétique, philologique, polémique, juridique et économique. Dès lors, nous tenterons de concevoir quel type de contact aurait pu permettre la présence de ces techniques spécifiques de production livresque, à savoir des mise en page et des mise en texte dans les manuscrits du Maḥzor Vitry si proches de celles des manuscrits chrétiens. Une fois cela développé, nous tenterons d’expliquer l’origine de cette nouvelle mise en page et mise en texte. Ensuite, nous étudierons de manière détaillée, les moyens facilitant le repérage textuel au sein des manuscrits du Maḥzor Vitry en parallèle avec les manuscrits latins et vernaculaires de type littéraire entre les XIIe et XIIIe siècles.

(15)

6

II. Le Maḥzor Vitry et son origine

1. Genèse de l’œuvre

Le maḥzor en hébreu (« cycle » en français) désigne un ouvrage de type liturgique contenant le rituel des prières quotidiennes, sabbatiques et annuelles du calendrier juif, ainsi que de nombreux poèmes liturgiques (piyyutim) liés à ces prières. Il comporte aussi parfois des calendriers1. Cependant, le Maḥzor Vitry se rattache à un genre littéraire différent des livres de prières typiques, car ses manuscrits différents contiennent en outre des lois (halakhot) en relation avec la liturgie quotidienne et les fêtes, des lois relatives aux pratiques religieuses et quotidiennes du juif, comme celles du deuil, de la circoncision, des fiançailles, du mariage, du divorce, de l’abattage rituel. De plus, il répertorie différents formulaires de contrats juridiques avec leurs lois et leurs coutumes locales (minhagim). Par conséquent, ce type de maḥzor s’apparente plus à un recueil de textes de type liturgico-légal qu’à un simple rituel de prières.

Avraham Grossman a déjà avancé l’idée très plausible que le genre littéraire du recueil de type liturgico-légal soit né en Babylonie à l’époque Gaonique au IXe siècle. Ce genre se serait développé par la suite en France du Nord vers la fin du XIe siècle2, époque qui coïncide avec l’éclosion de l’Ecole de Rashi3 à Troyes en Champagne. On pourrait même avancer cette date hypothétique car, comme Avraham Grossman note lui-même, il existait quelques maḥzorim déjà dans la 1ère moitié du XIe siècle4. Ces maḥzorim suivaient le cycle annuel des prières et des fêtes qui étaient accompagnées de lois et commentaires relatifs à celles-ci. De cette époque, nous connaissons l’existence du maḥzor, malheureusement non conservé, du Maître et Sage français Joseph ben Samuel

1 Ces maḥzorim seront appelés ici de type « traditionnel » comme : Mss Opp. 670 (cat. n° 1055); Opp. 669 (cat.

n° 1056) et Opp. Add. folio 68 (cat. n° 2502), Oxford, Bodleian Library, rite français, début XIIIe siècle) par rapport aux maḥzorim de type liturgico-légal comme les dix manuscrits du Maḥzor Vitry, ainsi que les six autres manuscrits qui seront étudiés à titre comparatif dans ce travail au chapitre V. Par ailleurs, certains maḥzorim contiennent uniquement les prières et poèmes liturgiques liés à Roš ha-Šanah et Yom Kipur (Nouvel An et Jour du Pardon), puisque ces dernières étaient particulièrement longs et compliqués à retenir, contrairement à ceux du reste de l’année souvent connu des fidèles par cœur.

2 Grossman, A., The Early Sages of France, Their Lives, Leadership and Works (Hakhmei Ṣarefat ha- rišonim)(hébreu), Jérusalem, The Magnes Press, 1995, p. 171 (note 177) et p. 403.

3 Acrostiche de Rabbi Salomon ben Isaac (1040-1105). Il est régulièrement mentionné sous le nom de Rabenu Šlomoh (notre rabbin Salomon). L’acrostiche Rashi est populairement interprété comme Raban šel Israel (le Maître d’Israël). Voir Aptowitzer, A., Mavoʾ le-Sefer Raviah (Introductio ad Sefer Raviah) (hébreu), Jérusalem, 1938, p. 395.

4 Voir Grossman, A., ibid, p. 402.

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7

Tov Elem ‘Bonfils’ surnommé Yom Tov Elem (Rita) qui vécut entre 980 et 10505. Cependant, il semble que c’est seulement avec l’époque de Rashi que l’on trouve des maḥzorim aussi nombreux et exhaustifs dans leur contenu et du genre littéraire que le Maḥzor Vitry en France du Nord6. Il semble effectivement que l’Ecole de Rashi a révolutionné ce type d’ouvrage liturgique. Parmi les élèves de Rashi, au moins quatre sont connus pour avoir écrit des maḥzorim7 dans un style « liturgico-légal »8 : Šemayah (1060- 1130)9 et Simḥah ben Samuel de Vitry (mort ca. 1105), qui furent ses élèves les plus proches, ainsi que deux élèves d’une génération plus jeune que Rashi, Jacob bar Samson (ca.1070-1140)10 et Samuel bar Perigorus (XIIe siècle)11 .

Pour tenter d’expliquer les causes de l’émergence de ce type de maḥzor comme recueil liturgico-légal au début du XIe siècle, trois facteurs peuvent être avancés:

a) Le genre littéraire répond à une demande consécutive à l’expansion de la croissance démographique en France depuis la deuxième moitié du XIe siècle12. Cette croissance qui contribua au développement économique des villes, situées le long des grandes routes de commerce allant de la France du Nord jusqu’en

5 Voir Grossman, A., op. cit., note 2, p. 48, 75 et (note 116 pour les sources manuscrites prouvant l’existence d’un maḥzor écrit par le rabbin et maître Yom Tov Elem).

6 Voir Grossman, A., ibid., p. 403.

7 La source primaire prouvant l’existence de ces maḥzorim provient d’une œuvre halakhique du XIIIe siècle, intitulée ʾOr Zaru ͑a par le tosafiste allemand Isaac ben Moïse de Vienne (c.1180-1250) partie I, au folio 29a :

« … המלשוניבר ידימלתובתכשםירוזחמבבותכשהמל… » (« …Pourquoi est-il écrit dans les maḥzorim des élèves de Rabenu Šlomoh ?… »). Voir Sefer ʾOr Zaru ͑a …R. Iṣḥaq ben R. Mošeh mi-Vienna ašer ben gedolei ha-posqim mi ketav Yad Yašan mi-Amsterdam, Lipa, M., H., et Höschel, (éd.), Zitomir, 1862, parties I et II. Les parties III et IV ont été éditées par Hirschensohn, J., M., Jérusalem, 1887-90. Sur cette citation voir aussi Grossman, A., ibid, p. 396.

8 Voir Grossman, A, ibid., p. 401-402 et Lehnardt, A., “Siddur Rashi und die Halakha-Kompendien aus der Schule Rashis„ in Raschi und sein Erbe, Internationale Tagung des Hochschule für Jüdische Studien mit der Stadt Worms, Heidelberg, 2007, p. 75-76. Voir aussi Arié Goldschmidt, dans son ouvrage intitulé Maḥzor Vitry de Rabenu Simḥah de Vitry, disciple de Rashi (hébreu), (Jérusalem, ʾOṣar ha-Posqim, 2003, vol. 1, p. 20), où il mentionne que Jacob ben Meir (Rabenu Tam) aurait aussi écrit un Maḥzor. Les sources de cette affirmation se trouvent dans les Tosafot sur le Talmud de Babylone, traité Berakhot, p. 37a, traité ͑Eruvin, p. 40a et Hurwitz, S., Maḥzor Vitry le-Rabenu Simḥah, Nuremberg, Bulka, (2nd édition), 1923, vol.2, p.445 (1ere édition, Nuremberg, Bulka, 1889-1893). Voir aussi Gross, H., Gallia Judaica, dictionnaire géographique de la France d’après les sources rabbiniques, Amsterdam, Philo Press, 1969, p. 231.

9 Voir Grossman, A., ibid, p. 352, 395-399, 403-404, et voir Goldschmidt, A., ibid, p. 20; voir aussi ci-dessous le développement sur l’auteur (s) et la datation du Maḥzor Vitry.

10 Voir Grossman, A., ibid, p. 417 et note 224 de la même page et voir Goldschmidt, A., ibid, p. 20; voir aussi Hurwitz, S., op. cit., note 8, vol. 1, p. 73, où l’on lit explicitement : « …ןושמש 'רבבקעיברהרוזחמב … » («…Dans le maḥzor du Rabbin Jacob bar Samson »).

11 De nombreux passages de son maḥzor sont conservés dans le Ms Vaticanus 318 (Rome, Biblioteca Vaticana) ; voir Grossman, A., ibid, p. 402 et voir Goldschmidt, A., ibid., p. 20.

12 Voir Bautier, R.-H., The Economic Development of Medieval Europe, London, Thames & Hudson, 1971, p.

82 et Evans, J., Life in Medieval France, London, Phaidon Press, 1957, p. 37.

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Italie, en passant par le long du Rhin, a aussi touché les communautés juives en stimulant la production des livres de prières.

b) Le Comté de Champagne en particulier attirait bon nombre de juifs commerçants dans ces lieux, en particulier, grâce à ses grandes foires, agrandissant par conséquent les communautés juives.13 Ces émigrés apportaient leurs propres coutumes (minhagim), créant de ce fait, des conflits avec celles déjà instaurées; cette situation pouvant pousser à produire et diffuser un maḥzor plus « canonique » avec les coutumes acceptées par les communautés14.

c) Il est possible que cette nécessité de stabiliser le rituel a poussé les élèves de Rashi à se concerter pour codifier par écrit les enseignements oraux (šemu ͑ot) et réponses (tešuvot) sur divers sujets culturels et cultuels de leur maître15. Il a été suggéré que les élèves de Rashi aient élaboré ces écrits de compilation en brochures (qunṭrassim) pour la plupart, du vivant de Rashi et suivant ses instructions personnelles16. Les « monographies hilkhatiques courtes » (courtes monographies de lois), issues de cette Ecole, comme le définit clairement Avraham Grossman17, portent sur des sujets contemporains, et sur les pratiques religieuses et quotidiennes des juifs. Les sedarim de halakha (ordres des lois) les plus importants qui composent ces monographies hilkhatiques sont: les lois sur les habits à franges (ṣiṣit), les petites boîtes portées sur la tête et le bras lors de la prière, dans lesquels se trouve un rouleau avec des versets bibliques (tefilin), les boîtes fixées au linteau des portes, contenant un rouleau sur lequel sont écrits des versets bibliques (mezuzah), les lois sur l’abattage rituel (šeḥiṭah), les lois sur les animaux non consommables (ṭereifot), les lois sur le vin impropre à l’usage (yeyn nessekh), les lois sur les fiançailles (ʾerusin), les lois et contrats pour le mariage (siṭerei qetubot/ nisuʾin/ kalah), les lois et

13 Voir Grossman, A., op. cit, note 2, p.402 et Le Goff, J., « Le Moyen Age entre le futur et l’avenir », in Le Vingtième Siècle : Revue d’Histoire, Presse Universitaire Sciences Po, Paris, n°1 (janv. 1984), p. 15-22.

14 Voir Grossman, A., ibid., p. 75.

15 Voir aussi Grossman, A., ibid, p. 236.

16 L’on trouve dans plusieurs sources manuscrites les termes המלש וניבר ינפל littéralement « devant Rabenu Šlomoh » (voir Sefer ʾOr Zaru ͑a op. cit., note7, partie I, folio 138b), ou encore וניבר ינפל , « devant Rabenu » (notre maître) (voir Hurwitz, S. (éd.), op. cit., note 8, vol. 1, p. 371, § 3 (ג''ס) et dans une œuvre halakhique par Moise ben Jacob de Coucy (mort en 1240), le Sefer Miṣvot Gadol (SMAG), édité par A., P., Farber, 1891, Jérusalem, vol. 1, chap. 27, ז''כ\ןישע). Pour l’emploi du titre ‘Rabenu’ chez Rashi, ainsi que chez d’autres Sages, voir Goldschmidt, A., op. cit., note 8, vol. 1, p. 29-31 et Lehnardt, A. op. cit., note 8, p. 73.

17 Voir Grossman, A., ibid, p. 236-237. Un autre terme similaire pour ce genre littéraire est le ‘compendium halakhique’. Voir Reif, S., C., « Rashi and Proto-Ashkenazi Liturgy », in Rashi 1040-1990, Hommage à Ephraïm E. Urbach, Congrès Européen des Etudes Juives, G., Sed-Rajna (éd.), Paris, Editions du Cerf, 1993, p.

447 et Lehnardt, A., op. cit., note 8, p. 71.

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formulaires de divorce (šiṭerei gitin), les lois sur la pureté familiale et ablutions rituelles (nidah/miqveh), les lois sur la circoncision (milah), les lois sur l’éducation du jeune enfant (talmud Torah), les lois sur le deuil (ʾevel), les lois sur les lieux privés et publics (͑eruv), les lois sur le non permis et le permis (ʾIssur ve-heiter), les lois sur les scribes (soferim), les lois sur l’écriture d’un rouleau de Torah (sefer Torah) et quelques lois sur les différentes fêtes de l’année. Voici une liste des principales monographies hilkhatiques issues de l’Ecole de Rashi: Sefer ha-ʾOrah18, Sefer ʾIssur ve-heiter19, Sefer ha-Sedarim20, Siddur Rashi21, Maḥzor Vitry22, Sefer ha-Pardes23 et les Tešuvot Rashi24. De tous ces ouvrages, seul le Maḥzor Vitry renferme en plus une partie liturgique25, décrite et développée plus loin dans ce travail.

d) Les communautés juives en France du Nord, qui n’étaient pas aussi centralisées, car plus petites que celles de la région germano-ashkénaze du Rhin26 (avant la croisade de 1096), possédaient de nombreuses coutumes (minhagim) locales (liturgiques et légales), ainsi que des différences de style (nusaḥot) dans l’usage de leur rite selon les communautés. Par conséquent, ces divergences d’opinion

18 Buber S. (éd.), Sefer ha-ʾOrah, Lemberg (Lvov), 1905.

19 Freiman, J. (éd.), Sefer ʾIssur ve-heiter, Berlin, Meqiṣe Nirdamim, 1936. (2e édition: Benei Beraq (IL), Yahadut, 1980.

20 Elfenbein, Y., « Sefer ha-Sedarim », in Jubilee Volume in Honour of S. Federbush, Jérusalem, 1961, p.52-68.

Voir aussi son article dans Horev, 11, 1951, p. 123-156.

21 Buber, S. et Freiman J. (éd.), Siddur Raschi, Berlin, 1911. Voir Goldschmidt, A., op. cit., note 8, p. 28-33, où il consacre un chapitre entier au Siddur Rashi. Voir aussi Grossman, A., op. cit., note 2, p. 66.

22 Voir Hurwitz, S.(éd.), op. cit., note 8.

23 Ehrenreich, H., L. (éd.), Sefer ha-Pardes, an Liturgical and Ritual Work, Attributed to Rashi. Edition with Introduction and Notes, Budapest, 1924. Selon Arié Goldschmidt, le Sefer ha-Pardes ne reflète pas uniquement le style de l’Ecole de Rashi, mais plutôt des compilations (liqutei) de différents écrits provenant entre autres de coutumes et lois de l’Ecole de Mayence, de Spire et des lois et coutumes des Sages de Babylone (Geonei Bavel);

voir Goldschmidt, A, ibid, p. 36-39.

24 Elfenbein, Y., Tešuvot Rashi, New York, 1943.

25 Voir Reif, S., C., Judaism and Hebrew Prayer : New Perspectives on Jewish Liturgical History, Cambridge, Cambridge University Press, 1993, p. 169, où il mentionne également le fait que seul le Maḥzor Vitry comporte une partie liturgique.

26 Voir Kanarfogel, E., Jewish Society and Education in the Middle Ages, Detroit, Wayne State University Press, 1992, p. 63. Si l’on peut en effet avancer que les communautés juives en région germanique d’Ashkenaz étaient plus centralisées qu’en France, de part leur taille et leur autorité, il est important de préciser que la pratique de la coutume était répandue dans toute l’aire culturelle ashkénaze française et germanique et que ces coutumes diverses jouaient un rôle de confinement entre ces communautés, même proches géographiquement, les rendant toutes individualisées à un certain niveau (voir Ta-Shma, I., « Ashkenazi Jewry in the Elenventh Century, Life and Literature », in Creativity and Tradition: Studies in Medieval Rabbinic Scholarship, Literature and Thought, Cambridge (MA) et Londres, Harvard University Press, 2006, p. 15). En revanche, ceci n’était pas du tout le cas en Sefarad (Espagne), où la hiérarchie communautaire était très centralisée et plus comparable dans sa structure à celle en Babylonie ; voir Grossman, A., « Social Structure and Intellectual Creativity in Medieval Jewish Communities (Eighth to Twelfth Centuries) », in Studies in Medieval Jewish History and Literature, vol. 3, I.

Twersky et J. M., Harris (éd.), Cambridge, MA., Harvard University Press, 2000, p. 1-19 ; voir aussi infra chapitre IV, note 37, sur la question de décentralisation des communautés germano-ashkénazes.

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sur la pratique de la liturgie en France du Nord, qui est clairement hétérogène27, ont poussé les auteurs de maḥzorim « de type liturgico-légal » à codifier la liturgie selon les coutumes exercées dans chacune de leur villes. Les Seder Troyes28, Seder Orleans29 et le Maḥzor Vitry30, conservés jusqu’à nos jours, illustrent bien la pluralité du rite français.

Avant de poursuivre sur le maḥzor de type liturgico-légal, illustré par le Maḥzor Vitry, il apparaît nécessaire de définir les termes seder, siddur et maḥzor. Les termes seder et siddur31 sont déjà employés par les Sages de Babylone de l’époque gaonique au IXe siècle pour désigner un « ordre » ou un « arrangement» de prières suivies de lois régissant ces prières. C’est justement le cas du Seder ͑Amram Gaon attribué au Gaon ͑Amram ben Šešnah (mort vers 875), qui écrivit vers 860, le premier rituel connu à ce jour, comportant du matériel liturgique et halakhique, ou encore du Siddur Sa ͑adiah Gaon, écrit cent ans plus tard par Sa ͑adiah ben Joseph Gaon (ca. 882-942), contenant aussi du matériel liturgique et halakhique relatif à la liturgie. Il en est de même pour les Seder Troyes (XIIe siècle) et Seder Orleans (XIIe siècle) cités plus haut, ainsi que du Siddur Rabenu Šlomoh32 par Salomon ben Samson de Worms (XIIe siècle). Aussi, suivant le rite Romain, issu de la tradition palestinienne, le Seder Ḥibur Berakhot33 (« l’ordre des bénédictions »), écrit par Menahem ben Salomon au XIIe siècle, contient lui aussi du matériel liturgique et halakhique relatif à la liturgie. En outre, une variante dans l’emploi du terme Seder existe dans le Seder ha-tefilot (‘l’ordre des prières’), attaché au Mišneh Torah, écrit par Maïmonide (Moïse ben Maïmon, 1138-1204), où

27Cette affirmation est soutenue aussi par Colette Sirat, ainsi qu’Andreas Lehnardt (voir op.cit. note 8, p.76), contrairement à la vision synthétique de Léopold Zunz, le premier ayant mis à la lumière le rite de la France du Nord en consacrant trois pages très documentées dans Die Ritus des Synagogalen Gottesdienstes geschichtlich entwickelt (1859), où il considère que le rite français est un rite unique, pratiqué dans les multiples petites communautés en France du Nord.

28 Weiss, M., Z., Seder Troyes, Francfort, 1905.

29 Gross, H., « Ein Anonymer Handschriftlicher Siddur von Orleans », in Zeitschrift für Hebraïsche Bibliographie, XII, 6, 1908, p. 184-191 et XIII, 1,1909, p. 15-24.

30 Plus précisément, la ville de Vitry-le-brûlé (anciennement Vitry-en-Perthois) en Champagne dans le département de la Marne, qui fut brûlée au XVIe siècle. Voir Encyclopedia Judaica vol. 16, p. 195-196, Gross, H., op. cit., note 8, p. 195-197, Boitel, C., Histoire de l’ancien et du nouveau Vitry, 1841 et Detorcy, C., M., Fragments tirés d’un manuscrit contenant des recherches chronologiques et historiques sur l’ancienne ville de Vitry-en-Perthois, 1839.

31 Aujourd’hui, le terme siddur a pris une toute autre signification pour les communautés séfarades et ashkénazes, qui est celui d’un rituel pour les prières quotidiennes ; voir aussi Encyclopedia Judaica, vol. 13, p.

986 ; voir aussi Idelsohn, A., Z., Jewish Liturgy, New York, Sacred Music Press, 1932, p. XIII-XIV.

32 Voir Hershler, M. (éd.), Siddur Rabenu Šlomoh : Meyuḥas le-Rabenu Šlomoh ben Šimšon mi-Germaiza.

Siddur Ḥasidei Ashkenaz mi-beit midraš šel Rav Yehudah he-Ḥasid ve-Rav ʾEliezer mi-Germaiza, Ba ͑al ha- Roqeaḥ, (hébreu), Jérusalem, 1971.

33 Voir Schechter, A., I., Studies in Jewish Liturgy: Based on a unique manuscript entitled Seder Ḥibur Berakhot, Philadelphia, Dropsie College for Hebrew and Cognate Learning, 1930.

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ont été collationnées différentes prières, avec lesquelles il est possible de compiler soi-même un rituel de prières. Cependant, avec l’Ecole de Rashi les termes seder et siddur prennent un sens nouveau34. En se référant aux monographies hilkhatiques issues de cette Ecole et citées plus haut, il s’agit d’une collection de lois et coutumes sur la liturgie et sur les pratiques religieuses et quotidiennes juives. L’ouvrage qui souligne bien cette différenciation est le Siddur Rashi, qui ne renferme aucune pièce liturgique.

Pour ce qui est du terme maḥzor ou « cycle », comme mentionné plus haut, l’utilisation de ce terme pour le Maḥzor Vitry, prend une signification nouvelle car il est le seul des ouvrages issus de l’Ecole de Rashi à se définir non seulement comme une « monographie hilkhatique », mais comme un « recueil » de textes liturgiques et légaux.

Malheureusement, nous ne savons pas quand le terme maḥzor a été introduit, ni pourquoi ce recueil de type liturgico-légal a été appelé maḥzor au lieu de seder comme le Seder ͑Amram Gaon, mentionné ci-dessus, qui comporte bien une partie liturgique pour toute l’année, ainsi qu’une partie halakhique. La réponse pourrait résider dans le fait que le changement d’appellation de ce genre littéraire, comprenant une partie à la fois liturgique et légale, est dû aux additions de poèmes liturgiques (piyyutim) pour le quotidien et pour les fêtes de l’année juive35. Comme il en a été question plus haut, au moins quatre élèves de Rashi ont écrit des maḥzorim du même type que celui du Maḥzor Vitry, et donc cette appellation était bel et bien en usage à partir de la fin du XIe et du début du XIIe siècle en France du Nord. Un dernier élément à évoquer au sujet du maḥzor est le cas d’un manuscrit liturgique de rite franco- anglais d’une grande importance historique. Il est le seul conservé aujourd’hui qui soit antérieur à l’expulsion des juifs d’Angleterre en 1290. Le manuscrit 133 du Corpus Christi College, Oxford, date probablement du dernier quart du XIIe siècle. Il se présente sous forme d’un volume de format in-octavo (petit format), renfermant, en plus des prières quotidiennes, celles des fêtes parfois sous forme abrégée, mais sans des poésies liturgiques36. C’est donc

34 Voir Aussi Lehnardt, A. op. cit., note 8, p. 71-73 et Goldschmidt, A., op. cit., note 8, p. 29.

35Voir Elbogen, I., Der Jüdische Gottesdienst in seiner geschichtlichen Entwicklung, 3e édition, Frankfurt-am- Main, 1931, p. 7 et Idelsohn, A., Z., op. cit., note 31, XIV, où tous deux expliquent qu’un maḥzor contient les prières fixes pour l’année (quotidiennes et fêtes) ainsi que des poèmes liturgiques. Voir aussi Encyclopedia Judaica, vol.13, p. 985. Les différents types de poèmes liturgiques (piyyutim) contenus dans les manuscrits du Maḥzor Vitry seront décrits dans le chapitre IV.

36 Voir Ta-Shma, I., The Early Ashkenazic Prayer (Ha-tefilah ha-ʾaškenazit ha-qedumah), (hébreu), Jérusalem, The Magnes Press, 2004, p. 144-147 et Ta-Shma, I., « Miqrah ou-meqomah šel tefilat ͑ aleinu le-šabeaḥ be- Siddur ha- tefilah : Seder Ma ͑amadot ou-šeʾelat sium ha-tefilah » (L’origine et la place de la prière ͑Aleinu le- šabeaḥ dans le rituel de prière, l’ordre des Ma ͑amadot et comment se termine les prières) (hébreu), in The Frank Talmage Memorial Volume, vol. 1, B., Walfish (éd.), Haifa, Haifa University Press, 1993, p. 5. Eva Frojmovic suggère que le Ms. 133 de Corpus Christi College est le plus ancien siddur d’Europe chrétienne ; voir Frojmovic

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probablement pour cette dernière raison que ce livre est considéré comme un siddur plutôt qu’un maḥzor. Par ailleurs, le manuscrit Hébr. 643 (Paris, BnF), daté après 1293 et décrit plus loin comme manuscrit comparatif dans le chapitre V, est aussi considéré comme un siddur, du fait qu’il ne renferme pas de poésies liturgiques. Cependant, il est important de se rappeler, comme le précise Andreas Lehnardt 37, que l’emploi de la terminologie de seder, siddur et maḥzor à l’époque de l’Ecole de Rashi et même plus tard n’était pas encore fixé.

Il est intéressant de noter que le type de maḥzor incarné par le Maḥzor Vitry, a été non seulement employé en France du Nord, mais aussi dans la région germano-ashkénaze. Là, il a existé en marge d’un autre type de maḥzor, apparenté dans son contenu au maḥzor de type

« traditionnel », décrit plus haut, mais dont certains ont la particularité d’avoir uniquement été produits dans la vallée du Rhin pendant les XIIIe et XIVe siècles. Il s’agit là de maḥzorim d’énorme format, appelés « atlantes38 ». Ces derniers étaient très richement illustrés39 et commandités par des membres éminents de la communauté en signe de prospérité économique, pour l’usage de l’officiant (šaliaḥ ṣibur ou ḥazan) à la synagogue. Eva Frojmovic affirme «… qu’en dépit de la rareté extrême de maḥzorim du milieu du XIIIe siècle, produits en France du Nord, les témoignages survivants indiqueraient que ces livres n’ont jamais atteint de grands formats comme ceux produits en région germano- ashkénaze… » 40. Ceci peut sembler correct pour les maḥzorim de type « traditionnel »

E., « Early Ashkenazic Prayer Books and their Christian Illuminators », in Crossing Boarders : Hebrew Manuscripts as a Meeting-Place of Cultures, P. Van Boxel et S. Arndt (éd.). Catalogue d’exposition à la Bodleian Library du 8 décembre 2009-3 Mai 2010, Oxford, Bodleian Library, University of Oxford, 2009, p. 46

37 Voir Lehnardt, A., op. cit., note 8, p. 71 ; voir aussi les entrées sur le maḥzor et le siddur dans le Kindlers Literatur Lexikon, Stuttgart, J.,B., Metzler Verlag, 2009, vol. 10, p. 449-450 et vol. 15, p. 117.

38 Voir Sed-Rajna, G., Le Maḥzor enluminé, les voies de formation d’un programme iconographique, Leyde, E., J. Brill, 1983et Frojmovic, E., ibid, p. 45-56. Les maḥzorim allemands, de taille atlante, les plus connus de cette période sont : le Maḥzor Michael (Mss Mich.617, Mich 627, Oxford, Bodleian Library, daté 1258), le Maḥzor Worms (Ms Heb.4781/I-II, Jérusalem, Jewish National and University Library, 1er volume daté 1272), le Maḥzor Laud (Ms Laud Or.321, Oxford, Bodleian Library, date autour 1290), le Maḥzor Leipzig (Ms V.1102, Leizig, University Library, daté autour 1300), le Maḥzor Double (Ms A 46a, Dresde, Saechsische Landesbibliothek, et Ms Cod. Or.1, Breslau/ Worclaw, State and University Library), le Maḥzor Tripartite (Ms A 384, Hungarian Academy of Sciences, Budapest, Add. Ms 22413, British Library, Londres et Ms. Mich. 619, Oxford, Bodleian Library, date autour de 1320) et le Maḥzor Darmstadt (Ms Cod. Or.13, Darmstadt, Hessische Lands-und Hochschulbibliothek, daté de 1340).

39 Ces rituels de prières illustrent un développement du style de l’école germanique du Sud et sont d’ailleurs d’une grande importance pour l’histoire de l’iconographie juive médiévale, puisque de nombreuses enluminures contiennent non seulement des personnages à têtes parfois zoocéphales ; voir Narkiss, B., « On the Zoocephalic Phenomenon in Medieval Ashkenazi Manuscripts », in Norms and Variations in Art : Essays in Honour of Mosche Barasch, Jérusalem, The Magnes Press, 1983 et Mellinkoff, R., Antisemitic Hate Signs in Hebrew Illuminated Manuscripts from Medieval Germany, Jérusalem, Center for Jewish Art - The Hebrew University of Jerusalem, 1999.

40 Voir Frojmovic, E., op. cit., note 36, p. 56 (note 4) pour la version originale complète en anglais de la citation:

« French maḥzorim from the second half of the thirteenth century are extremely rare; the surviving evidence suggests that they never grew to the larger sizes of their German counterparts. The unique maḥzor for Rosh ha-

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comme les manuscrits de rite français datés du début du XIIIe siècle : Mss Opp. 679, Opp.

669 et Opp. Add. fol.68 de la Bodleian Library à Oxford [175 x 115 mm], de petit format, ainsi que pour certains maḥzorim de rite français de type liturgico-légal du corpus des Maḥzor Vitry, de format moyen (>/=180-200x125-150mm)41. Cependant, il existe parmi les manuscrits de ce corpus, un manuscrit de rite français, daté de 1242, qui doit être considéré comme un très grand format (>350-300x250-300mm), plutôt qu’un grand format (>/=250- 300x180-200mm), car il mesure 395 x 310 mm ! Il s’agit du Ms Add. 27200-0142, aujourd’hui divisé en deux volumes, conservés à la British Library de Londres.

L’hypothèse selon laquelle il existait aussi en Allemagne un type de maḥzor plus proche d’un recueil liturgico-légal comme le Maḥzor Vitry, est renforcée par trois manuscrits du corpus des manuscrits du Maḥzor Vitry (Mss Opp. 59, Add. Opp. Fol.14, Opp. 649, Oxford, Bodleian Library), qui suivent le rite germano-ashkénaze plutôt que franco-ashkénaze, comme les sept autres manuscrits du corpus43. Ce type de maḥzor vient s’ajouter aux maḥzorim « traditionnels » et aux maḥzorim richement enluminés de taille atlante de la région germano-ashkénaze. A la liturgie germano-ashkénaze de ces trois manuscrits, se greffe des parties halakhiques (légales) issues du Maḥzor Vitry. Dès lors, l’étendue de la production de ce maḥzor de type liturgico-légal ne s’est pas limitée au Nord de la France, son lieu de développement initial44, mais ne s’est probablement pas non plus développée au-delà de la sphère germano-ashkénaze. De ce fait, il n’existerait pas d’attestation de maḥzorim de type liturgico-légal conservés et datés entre les XIIe et XIVe siècles, qui suivent un rite italien45,

Shana in a French private collection, written shortly before 1306, measures 295x220 mm. G. Sed-Rajna and S.

Fellous, Les manuscrits hébreux enluminés des bibliothèques de France, (Leuven, 1994), 172-174 ». Le maḥzor (collection particulière) en question, a été copié vers 1298, peu de temps avant 1306, la date de l’expulsion la plus importante des juifs de France. Ensuite, il a probablement été emporté et terminé par son possesseur dans la Haute vallée du Rhin, puisque le décor de type filigrané parcourant le manuscrit est stylistiquement apparenté à un courant attesté dans les manuscrits hébreux et latins de cette région.

41 Voir le tableau de synthèse des caractéristiques codicologiques et paléographiques en annexe dans le volume II de ce travail, p. 364.

42 Ce manuscrit a été utilisé pour l’édition imprimée de Salomon Hurwitz sur le Maḥzor Vitry. Voir Hurwitz, S., op. cit., note 8.

43 Voir infra chapitre III, p. 41-45 (O1) et p. 56-59 (O2, O3); voir aussi Ta-Shma, I., op. cit., note 36, p. 27, où il suggère que le Maḥzor Vitry a été introduit en région germano-ashkénaze à partir du milieu du XIIIe siècle. Cette datation coïncide plus ou moins bien avec la datation des manuscrits du Maḥzor Vitry de rite germano-ashkénaze évoqués ci-dessus et conservés à Oxford, à la Bodleian Library : Ms Opp. 59, qui est daté entre la fin du XIIe siècle et le début du XIVe siècle ainsi que les Mss Add. Fol. 14 et Opp. 649, datés, quant à eux, du milieu du XIVe siècle.

44 Voir Lehnardt A., op. cit., note 8, p.75.

45 Le manuscrit Parm. 2574 (Parme, Biblioteca Palatina) contient un passage de rite romain intégré au texte liturgique de rite de la France du Nord (voir infra chapitre III, p. 38). Ceci ne peut pas être considéré comme une exception a l’affirmation évoquée ci-dessus, car le rite principal du maḥzor est celui de la France du Nord. Par conséquent, le scribe du manuscrit de Parme aurait recueilli des traditions ou coutumes diverses qu’il pratiquait

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provençal ou séfarade. Il s’agirait plutôt là d’un phénomène limité à l’aire géoculturelle ashkénaze.

2. Sources du Maḥzor Vitry

Un des petit-fils les plus célèbres de Rashi, Jacob ben Meir, surnommé Rabenu Tam (1100-1171) vient nous éclairer sur les sources du Maḥzor Vitry en écrivant ces paroles dans son œuvre halakhique, le Sefer ha-Yašar46: « 'ריפ ובשיש החמש 'ר בידנה ןקיתש רוזחמב בותכ אצמיו

בור םירבד רדסמ בר םרמע תוכלהו תולודג ונברו המלש ראשו םינואג יוצמו אוה בורב תומוקמ

. ». (« Et cela est

écrit dans le maḥzor que R. Simḥah le généreux a établi et qui renferme des commentaires de la plupart des sujets du Seder Rav ͑Amram [Gaon], et [des] Halakhot Gedolot et [de] Rabenu Šlomoh [Rashi] et d’autres Geonim et il se trouve dans beaucoup de lieux»).

Cette citation apporte plusieurs éléments qui seront développés ci-dessous:

a) L’emploi de sources babyloniennes dans ce maḥzor, tels que du Seder ͑Amram Gaon et des Halakhot Gedolot, ainsi que d’autres Sages de Babylone de l’époque Gaonique (geʾonei Bavel).

b) L’emploi de sources issues de l’Ecole de Rashi.

c) L’information sur l’auteur : un certain R. Simḥah ‘le généreux’ a bien établi ce maḥzor. Ce point sera développé plus bas.

Nous allons tenter de développer ces trois points à présent :

a) Il est intéressant de remarquer l’utilisation des sources babyloniennes du IXe siècle dans un maḥzor écrit en France du Nord à la fin du XIe siècle. En effet, l’influence de

lui-même et les aurait intégrées dans son rituel. Il convient tout de même de préciser qu’il existe en tout cas un maḥzor de type liturgico-légal de rite romain en deux volumes conservé et daté du XVe siècle (Ms ex- Montefiore 215-216, précédemment conservé à Londres, Jews College), qui renferme les prières pour Roš ha- Šanah, Yom Kipur et Sukot (Nouvel An, Jour du Grand Pardon et fête des Cabanes), ainsi qu’un grand nombre d’instructions et de lois relatives aux contrats de mariages et divorce, aux ṣiṣit, aux tefilin, aux mezuzot, ux formules pour documents juridiques, aux lois d’abattage rituel, et aux coutumes de Rome. Voir le catalogue de vente Sotheby’s Important Hebrew Manuscripts from the Montefiore Endowment, (date de vente: 27-28 octobre 2004 à New York), New York, 2004, p. 233-234, lot n° 174.

46 Voir Rosenthal et Margolioth, Z., E., Sefer ha-Yašar le-Rabenu Tam. Ḥeleq Tešuvot, (hébreu), Berlin, 1898, partie des Réponses, signe 35, lettre 5, p. 82 (ה תא ,המ ןמיס ,תובושת קלח). Voir aussi les chercheurs suivants qui citent ce passage : Epstein A., « Schemaja, des Schüler und Secretär Raschi’s », in Monatschrift für Gescichte und Wissenschaft des Judentums, 1897, p. 306, Buber, S. et Freiman J. (éd.), op. cit., note 21, p. LIV, Ta-Shma, I., « ͑Al kamah ͑ inyanei Maḥzor Vitry » ( A propos de quelques questions concernant le Maḥzor Vitry) (hébreu), in ͑Alei Sefer, 11, (avril 1984/85), p. 84, Ta-Shma, I, op. cit., note 36, p. 17, note 29, Grossman, A., op. cit., note 2, p. 172, Goldschmidt, A., op. cit., note 8, p. 21 et Lehnardt, A., op. cit., note 8, p. 74 (note 42). Pour des éléments biographiques sur Jacob ben Meir, voir Gross, A., op. cit., note 8, p. 230. Le surnom de Rabenu Tam pour Jacob ben Meir est basé sur le verset biblique de Gn 25:37 où il est écrit : « …םת שיא בקעי… » («…Jacob est un homme tempéré… »).

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