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Les précédents chapitres ont porté sur l’origine du Maḥzor Vitry, la description et la transmission des manuscrits existants de son corpus, ainsi que la mise en évidence première de la fonction liturgique de cette œuvre, par l’exposition de sa structure et son contenu liturgique. Le présent chapitre va maintenant être consacré à démontrer que le Maḥzor Vitry est aussi un livre d’étude. Une première étape identifiera le type d’organisation livresque auquel s’apparente le corpus des manuscrits du Maḥzor Vitry. Pour cela, elle s’appuiera sur l’analyse des genres développés à la même époque entre les XIIe et XIVe siècles, dans le milieu chrétien environnant en Europe septentrionale. Elle comparera ensuite un corpus de six manuscrits issus de la même aire géographique d’Ashkenaz (régions franco- et germano-ashkénazes), afin d’attester que le modèle d’organisation livresque attribué aux mansucrits du Maḥzor Vitry n’est pas propre uniquement à ce corpus de manuscrits. La seconde étape comparera les additions à l’intérieur des mansucrits du Maḥzor Vitry et des six manuscrits comparatifs, où ces derniers seront classés dans deux tableaux comparatifs, dont l’objet sera d’illustrer l’évolution du nombre d’additions dans ces seize manuscrits allant du XIIe au XVe siècle. La troisième et dernière étape analysera la culture littéraire en Ashkenaz, au regard du choix et la quantité d’additions qui figurent dans les mansucrits du Maḥzor Vitry et des six manuscrits comparatifs.

1. Le modèle d’organisation livresque des mansucrits du Maḥzor Vitry

Comme indiqué précédemment, les manuscrits existants du Maḥzor Vitry se situent entre le début du XIIe et le milieu du XIVe siècle et témoignent que l’exemplar de cette œuvre de la fin du XIe siècle n’a pas été confiné à la France du Nord, son lieu de création, mais a été diffusé dans toute la région géographique d’Ashkenaz, comprenant l’aire germano-ashkénaze.

Trois manuscrits du corpus en particulier témoignent de la diffusion de cette œuvre dans cette aire1. Ces manuscrits peuvent être considérés comme représentants du recueil liturgico-légal – un ensemble de textes comprenant à la fois un noyau liturgique (prières et poésies liturgiques annuelles) et légal; la partie légale étant relative à la liturgie et aux pratiques religieuses et quotidiennes du juif. La particularité des manuscrits du Maḥzor Vitry est la provenance de

1 Voir les manuscrits O1, O2, et O3.

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leurs sources, issues majoritairement du Siddur Rashi, du Seder ͑Amram Gaon et des Halakhot Gedolot2.

Ci-dessous, nous allons démontrer que les recueils de ce type constituent un modèle organisation livresque bien définie associée à une période déterminée dans le temps et d’une production livresque environnante, à la fois juive et chrétienne dans la région géographique de la France du Nord et de l’Allemagne et limitée à celle-ci. En effet, l’époque de la production des manuscrits de notre corpus s’étend du XIIe au XIVe siècle; le XIIIe siècle étant marqué par l’apogée de l’efflorescence des genres littéraires. En effet, dans le monde chrétien, « le XIIIe siècle voit une diffusion sans précédent des instruments de culture, un grand accroissement du nombre des hommes cultivés et une utilisation sans cesse croissante des capacités intellectuelles dans toutes les fonctions sociales»3. Ce changement d’état d’esprit lié à une « Renaissance » du XIIe siècle4, se caractérise dans le domaine littéraire par une volonté de réorganisation de la page écrite dans les milieux religieux et universitaires chrétiens, elle-même mise en pratique par le développement d’instruments de travail qui facilitent l’accès au texte, afin de l’étudier.5 Tributaires de cette nouvelle approche vers la mise en page et la mise en texte, un bourgeonnement de genres littéraires didactiques apparaît6 comme les recueils7, les florilèges8 et les encyclopédies9 parmi d’autres, et qui deviennent à partir du XIIIe siècle

2 Voir supra chapitre II.2. sur les sources du Maḥzor Vitry.

3 Voir Paul, J., L’histoire intellectuelle de l’Occident médiéval, Paris, 1973, p. 273.

4 Voir Haskins, C., H., The Renaissance of the Twelfth Century, Cambridge (Mass.), 1927, Paré, G., Brunet, A., Tremblay, P., La Renaissance du XIIe siècle. Les écoles et l’enseignement, Paris, J. Vrin, 1933, p.138-212 et Knowles, D., The Evolution of Medieval Thought, London, Longmans, 1962.

5 Voir infra chapitre VII, 2., et voir Martin, H., J. et Vezin, J., Mise en page et mise en texte du livre manuscrit, Paris, Editions du Cercle de la Librairie (Promodis), 1990 et Rouse, R., H., « L’évolution des attitudes envers l’autorité écrite : le développement des instruments de travail au XIIIe siècle », in Culture et travail intellectuel dans l’Occident médiéval, Paris, Editions du CNRS, 1981.

6 La plupart des genres litéraires sont en effet connus depuis l’Antiquité et par conséquent il s’agit plus d’un réemploi de genres littéraires que de l’apparition de nouveaux genres au Moyen Age.

7 Le sens du terme « recueil », c’est-à-dire la réunion de textes différents en collection, ne remonte qu’à l’époque humaniste au XVIe siècle ; voir Azzam, W., Collet, O., Foehr-Jassens, Y., « Les manuscrits littéraires français:

Pour une sémiotique du recueil médiéval », in Revue belge de Philologie et d’Histoire, Bruxelles, 2005, p. 641-642, voir aussi Collet, O., « Les collections vernaculaires entre diversité et unité. A propos d’une nouvelle recherche sur la mise en recueil des œuvres littéraires au Moyen Age », in L’Ecrit et le manuscrit à la fin du Moyen Age, Turnhout, Brepols, 2006, p. 57-66, voir aussi les collections d’articles dans les deux ouvrages collectifs suivants : Le recueil au Moyen Age. Le Moyen Age central, Y. Foehr-Janssens et O. Collet (éds.), Turnhout, Brepols, 2010 et Le recueil au Moyen Age. La fin du Moyen Age, T. Van Hemelryck et S. Marzano (éds.), Turnhout, Berpols, 2010. A titre indicatif voir Hasenohr, G., « Les recueils littéraires français du XIIIe siècle : public et finalité », in Codices Miscellanearum, Colloque Van Hulthem, Bruxelles, R. Jansen-Sieben et H., Van Dijk (éds.), Bruxelles, 1999, p. 37-50.

8 Les florilèges sont des recueils d’extraits ou de citations sélectionnés en fonction d’un critère quelqueconque ; voir Muzerelle, D., Vocabulaire codicologique, répertoire méthodique des termes français relatifs aux manuscrits, Paris, Editions CEMI, 1985, p.130. Le mot latin florilegium est un amalgame de deux termes legere et flores, paru au XVIIe siècle ; voir Rouse, R., H. et Rouse, M., A., « Florilegia of Patristic Texts », in Les genres littéraires dans les sources théologiques et philosophiques médiévales. Actes du Colloque international

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des véhicules privilégiés de la transmission du savoir.Toutefois, il est nécessaire de préciser que ces termes définissant genres littéraires n’étaient pas en usage au Moyen Age et ne remontent pour la plupart qu’au XVIIe siècle10. Le type de mansucrit que sont les Maḥzor Vitry s’intègre alors bien dans cette même mouvence de création intellectuelle. Elles constituent donc des parallèles esthétiques avec la production livresque qui se développe dans la littérature latine et vernaculaire en langue française dans le courant du XIIIe siècle11, non seulement du point de vue de sa mise en page et de sa mise en texte, comme nous allons le constater plus loin, mais aussi dans la variété de ses textes réunis en un volume. C’est pour cela que le terme « recueil » –un volume contenant différents textes12 – emprunté à un genre littéraire issu du monde chrétien, en plein essor dans le courant du XIIIe siècle, a été choisi pour définir et cerner le genre de maḥzor qu’est le Maḥzor Vitry. Le noyau de cette œuvre n’est pas seulement liturgique, mais entouré de textes divers à caractère légal. Ces caractéristiques justifient alors le qualificatif de « recueil de type litrugico-légal » pour les rmanuscrits du Maḥzor Vitry13. En outre, certains siddurim sont aussi qualifiés de recueils de type liturgico-légal car ils contiennent les mêmes éléments cités que les manuscrits du Maḥzor Vitry, mais omettent des poésies liturgiques.

La présente recherche a donc pour objectif de mettre en évidence la composante évolutive que possèdent les manuscrits du Maḥzor Vitry, datés entre le XIIe et le XIVe siècle.

de Louvain-la-Neuve, 25-27 mai 1981, p.165 voir Munk Olsen, B., « Les florilèges d’auteurs classiques » in Les genres littéraires dans les sources théologiques et philosophiques médiévales. Actes du Colloque international de Louvain-la-Neuve, 25-27 mai 1981, p.151-164, Hamesse, J., « Les Florilèges philosophiques du XIIIe au XVe siècle », in Les genres littéraires dans les sources théologiques et philosophiques médiévales. Actes du Colloque international de Louvain-la-Neuve, 25-27 mai 1981, p.181-191, du même auteur « Du manuscrit à l’imprimé : l’évolution d’un florilège philosophique du XIIIe au XVIIe siècle », in « Ad Ingenii Acuitionem » Studies in Honour of Alfonso Maierù, S., Carotim R., Imbach, Z., Kaluza, et. al, (éds.), Turnhout, Brepols, 2007, p.127-145.

9 L’origine grecque du terme « encyclopédie » (enkuklios paideia) remonte au Ve siècle avant l’ère commune et concernait le cycle éducatif et le débat porté sur les rapports de celui-ci avec la philosophie. D’un point du vue plus général, l’encyclopédie illustre la volonté d’un rassemblement de connaissances ; voir Ribémont, B., « Les encyclopédies médiévales, une première approche du genre », in Comprendre le XIIIe siècle, P., Guichard et D., Alexandre-Bidon (éds.), Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1995, p. 238-245, voir aussi Le Goff, J.,

« Pourquoi le XIIIe siècle a-t-il été un siècle d’encyclopédisme ? », in L’enciclopedismo medievale, M., Picone (éd.), Ravenne, 1992, p. 24-40 et Roux, B., « L’encyclopédiste à l’œuvre : Images de la compilation », in Le recueil au Moyen Age. Le Moyen Age central, sous la direction de Y. Foehr-Janssens et O. Collet, Turnhout, Brepols, 2010, p. 157-181.

10 Voir Azzam, W., Collet, O., Foehr-Jassens, Y., ibid., p. 639.

11 Voir Collet, O., op. cit., note 7, p. 60 : « La seconde moitié du XIIIe siècle apparaît ainsi comme l’époque par excellence des collections vernaculaires, ce qui ne fait que confirmer le geste unificateur et cette quête encyclopédique qui caractérisent le domaine savant, parmi d’autres champs de la pensée dominés par l’idée de somme ».

12 Voir Muzerelle, D., op.cit., note 8, p. 120.

13 Cette spécificité l’éloigne alors aussi des maḥzorim de type « traditionnel » qui sont des rituels contenant uniquement les prières annuelles et des poésies liturgiques, sans les lois accompagnatrices relatives à la liturgie ou aux pratiques religieuses et quotidiennes du juif; voir supra, chapitre II, note 1.

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Cette composante résulte du contenu varié de textes ajoutés incorporés dans ces manuscrits, appelé au chapitre III additions. Celles-ci sont greffées au noyau liturgico-légal et sont peu nombreuses jusque dans la première moitié du XIIIe siècle. A partir de ce moment-là, on observe un accroissement net de ces additions (voir les tableaux comparatifs p. 180). Cette évolution dans la production livresque du recueil de type liturgico-légal s’est produite dans la région germano- et franco-ashkénaze, comme le témoignent les manuscrits O114

et C du corpus, considérés comme les premières attestations conservées à notre connaissance. Les autres manuscrits du Maḥzor Vitry de ce type dans le corpus sont B, O2, et O3. Ces deux derniers manuscrits en particulier, témoignent par ailleurs, de la propagation du recueil liturgico-légal en région germano-ashkénaze dans le courant des XIIIe et XIVe siècles.

En ce qui concerne les additions elles-mêmes, elles sont un élément essentiel pour définir les manuscrits du Maḥzor Vitry comme manuel d’étude15 et seront appelées dorénavant textes d’étude. Par là même, une désignation également empruntée aux genres littéraires développés en relation au mode de pensée et à la méthode de présentation de la page écrite influencée par la culture scolastique16 environnante, sera employée pour qualifier cette augementation de textes d’étude. En effet, l’étiquette encyclopédique, bien qu’anachronique17, a été choisie non seulement parce que ce terme caractérise de manière appropriée la richesse du contenu de ces recueils, mais aussi parce que le XIIIe siècle est une époque marquée par l’encyclopédisme18 par excellence, ce qui correspond bien à la période

14 Il est important ici de préciser que le manuscrit O1 (Opp. 59, Oxford, Bodleian Library) est bien de rite germano-ashkénaze et contient des textes halakhiques sur la liturgie et ceux relatifs aux pratiques religieuses et quotidiennes, à partir d’un exemplaire du Maḥzor Vitry ancien (comme pour les manuscrits O2 et O3), mais la particularité réside dans le type d’écriture utilisé (f.6v-45v, 100r-121v, 124r-161v, 214r-267v) pour ces sections halakhiques et d’autres textes d’étude. En effet, cette écriture, pourrait être d’origine franco-ashkénaze et pré-date en tout cas l’influence gothique des lettres brisées à longues hampes et hastes, si caractéristique de ce style.

En outre, elle est la seule écriture à avoir été réglée à la pointe sèche dans le manuscrit. Elle pré-date probablement les écritures du reste du mansucrit. De ce fait, les parties du manuscrit O1, écrites par cette main franco-ashkénaze « pré-gothique » (qualifiée comme « Main I » dans la description paléographique de ce manuscrit, figure 7d), pourraient potentiellement être datées de la fin du XIIe siècle, mais plus probablement du tout début du XIIIe siècle, puisqu’il y a la présence dans cette partie du Seder Tannaïm ve-ʾAmoraïm par Judah ben Meir ben Qalonymos, qui serait mort entre 1196 et 1199 et aurait compilé son œuvre entre le milieu et la fin du XIIe siècle. Par conséquent, sa diffusion aurait eu lieu à partir du tout début du XIIIe siècle.

15 Un autre élément justifiant le qualificatif de manuel d’étude est la présence de nombreuses notes de mains postérieures qui parcourent les textes à caractère liturgique et non liturgique des manuscrits du corpus des Maḥzor Vitry. Celles-ci attestent de cette fonction première d’étude.

16 Pour une hypothèse sur la méthode scolastique et ses origines, voir Makdisi, G., « The Scolastic Method in Medieval Education: An Inquiry into its origins in Law and Theology », in Speculum, t. 49, n° 4, (oct. 1974), p.

640-661.

17 Voir Le Goff, J., op. cit., note 9, p. 25-26.

18 Voir Le Goff, J., ibid., p. 38. Le XIIIe siècle en Europe occidentale est considéré comme « siècle d’encyclopédisme », témoignées par les œuvres d’un Vincent de Bauvais ou d’un Barthélemi l’Anglais et peut être attribué à trois causes essentielles : a) le grand essor autour des milieux urbains et universitaires, b) les

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d’évolution du recueil de type liturgico-légal (noyau liturgico-légal avec peu de textes d’étude) en recueil encyclopédique de type liturgico-légal (noyau liturgico-légal avec de nombreux textes d’étude) dans le corpus des manuscrits du Maḥzor Vitry. En d’autres termes, ce genre de recueil encyclopédique peut être considéré comme une véritable bibliothèque portable. L’évolution de ce genre littéraire se décline alors en deux temps et se visualise en deux groupes de manuscrits. Le premier groupe, qui contient peu de textes d’études (S, P, G, J, A)19 est appelé « recueil de type liturgico-légal » et le second groupe est nommé « recueil encyclopédique de type liturgico-légal » (C, O1, B, O2, O3)20.

Pourquoi avons-nous choisi la dénomination textes d’étude pour qualifier les additions dans ces mansucrits? La raison en est que ces textes ont été invariablement compilés dans ces recueils de type liturgico-légal afin d’être accessibles et étudiés. Les sujets que renferment les textes d’étude dans ces manuscrits témoignent du vaste horizon culturel que connaissaient les milieux érudits en Ashkenaz (régions franco- et germano- ashkénazes) déjà aux XIe et XIIe siècles21. La majorité de cette littérature a été rédigée, compilée et réeditée par les Sages d’Ashkenaz eux-mêmes depuis la deuxième moitié du XIe siècle22, à partir de sources littéraires très riches à leur portée et issues de la tradition à la fois babylonienne et palestinienne23. Cependant, le dynamisme intellectuel s’est traduit par l’adaptation à ce double héritage culturel sous forme d’édition très interventioniste de la littérature transmise jusqu’à eux24 ; cette attitude de flexibilité textuelle étant telle qu’elle a pris le statut de coutume auteurs des encyclopédies sont des hommes formés dans l’esprit des Ecoles du XIIe siècle et c) la découverte des textes arabes et des traductions d’Aristote encourage l’élan encyclopédiste de rassembler toutes ces connaissances et de les mettre à disposition d’un public cultivé ; voir Ribémont, B., op.cit., note 9, p. 244-245.

19 Manuscrits courts du Maḥzor Vitry ou recueils de type liturgico-légal; voir supra chapitre III, p. 62-63. En ce qui concerne le manuscrit A, qui a été considéré comme un manuscrit de type court car il ne comporte qu’une addition, il sera traité ici comme tel, bien qu’il soit plus tardif, daté autour du dernier tiers du XIIIe siècle (voir supra chapitre III, p. 62-63).

20Manuscrits longs du Maḥzor Vitry ou recueils encyclopédiques de type liturgico-légal ; voir supra chapitre III, p. 63. En ce qui concerne le manuscrit O1, il est utile de rappeler que les textes non liturgiques contenus dans ce manuscrit, dont les additions (voir supra chapitre III, p. 63), justifient sa situation dans la catégorie des recueils encyclopédiques de type liturgico-légal, comme pour O2 et O3. Ces trois manuscrits renferment uniquement des textes halakhiques sur la liturgie et ceux relatifs aux pratiques religieuses et quotidiennes, à partir de manuscrits d’un exemplaire du Maḥzor Vitry ancien.

21 Voir Ta-Shma, I., «Sifriatam šel ḥakhmei Ashkenaz bnei meʾah ha-11-ha-12 » (« La bibliothèque des Sages d’Ashkenaz du XIe au XIIe siècle »), in Qiriat Sefer, vol.60, n°1-2, octobre 1984-avril 1985, p. 298-309 et du même auteur « The Library of the French Sages », in Creativity and Tradition: Studies in Medieval Rabbinic Scholarship, Literature and Thought, Cambridge (MA) et Londres, Harvard University Press, 2006, p. 80-86.

22 Voir Ta-Shma, I., «Sifriatam šel ḥakhmei Ashkenaz bnei meʾah ha-11-ha-12 » (« La bibliothèque des Sages d’Ashkenaz du XIe au XIIe siècle »), ibid., p. 303.

23 Ceci est le même cas pour le domaine de la liturgie de type franco- et germano-ashkénaze ; voir supra chapitre IV.1.

24 Ceci est particulièrement clair pour le cas de la transmission du Talmud de Babylone, qui pour les séfarades existait en une version immuable. En revanche, les Sages ashkénazes ne considéraient pas qu’une transmission

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unique en Ashkenaz25. La culture textuelle des Sages ashkénazes portait prioritairement sur la Loi Ecrite (Bible) et la Loi Orale (Talmud) ainsi que leurs ramifications, comme l’étude et la rédaction des commentaires du Midrash, des codifications halakhiques et éthiques. En outre, nous trouvons une volonté de préserver et de rassembler les coutumes (minhagim) ashkénazes, considérées parfois comme ayant la préséance sur les diktats d’origine talmudique26 en Ashkenaz. A cela s’est ajouté un domaine d’étude sous-jacent, mais toutefois inhérent à la culture ashkénaze; à savoir l’étude des textes mystiques issus de la littérature de la Merkavah et des Heikhalot, témoins d’un héritage italien et dont le contexte historique et culturel sera développé au chapitre VI. En dernier lieu, bien que moins bien représentées en Ashkenaz, sont les œuvres à caractère scientifique sur l’astronomie par exemple ou encore sur la cosmologie, représenté notamment par le Sefer Yeṣirah, où nous trouvons des passages dans une majorité de manuscrits du Maḥzor Vitry27. En conclusion, on retrouve dans les manuscrits conservés du Maḥzor Vitry cet héritage littéraire représentatif de la culture d’Ashkenaz depuis le XIe siècle. De la sorte, la nature des textes d’étude dans ces manuscrits est halakhique, éthique, midrashique, mystique, scientifique et coutumière. En outre, mais en minorité se trouvent aussi des textes d’étude de type prémonitoires28 et calendaires.

Une étude de synthèse de tous les maḥzorim et siddurim qualifiés de recueils encyclopédiques de type liturgico-légal avec des maḥzorim de type traditionnel reste encore à faire. De même, notre état de connaissance et l’état de catalogage des manuscrits hébreux ne nous permet pas de proposer des statistiques détaillées sur le nombre existants de maḥzorim et siddurim qualifiés de recueils encyclopédiques de type liturgico-légal. Dans le cadre de cette

unique de ces textes était obligatoire et ont donc réédité des passages sélectionnés, dans le but de fixer une version (nusaḥ) qui leur était propre. Ceci est aussi le cas pour le Talmud de Jérusalem que les ashkénazes ont

unique de ces textes était obligatoire et ont donc réédité des passages sélectionnés, dans le but de fixer une version (nusaḥ) qui leur était propre. Ceci est aussi le cas pour le Talmud de Jérusalem que les ashkénazes ont