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O2: Oxford, Bodleian Library, Ms Opp. Add. Fol. 14 (cat. Neubauer 1101), 1332 O3: Oxford, Bodleian Library, Ms Opp. 649 (cat. Neubauer 1102), ca.1352-1408

La seconde partie de ce chapitre tentera de reconstituer la transmission textuelle des manuscrits du Maḥzor Vitry, ainsi que d’en éclaircir, dans la mesure du possible, le problème de l’Urtext (forme originelle). Après la description de chaque manuscrit du corpus accomplie, cette étude de transmission textuelle des manuscrits en question sera d’une part faite par l’édition critique d’un échantillon de texte présent dans sept manuscrits du corpus et un texte imprimé comparatif, et d’autre part, par la classification des textes halakhiques du Maḥzor Vitry en tableaux comparatifs. Cela nous mènera dans un troisième temps, à dessiner un stemma, suivant la méthode généalogique et servira pour proposer deux solutions hypothétiques de la transmission textuelle du Maḥzor Vitry, en prenant compte des dix manuscrits conservés.

1. Description et datation des manuscrits du corpus des Maḥzor Vitry

S : Paris, collection particulière, Ms ex-Sassoon 535, début du XIIe siècle3

Ce manuscrit est le plus ancien manuscrit conservé des Maḥzor Vitry. Nous ne savons malheureusement pas beaucoup sur sa provenance. Il a sûrement été écrit au Nord de la

3 Malheureusement, il n’a pas été possible de consulter le manuscrit original qui se trouve dans la collection privée de la famille Klagsbald à Paris. Lors d’une entrevue avec M. Kalgsbald, ce dernier a souhaité que ce manuscrit soit appelé « ex-Sassoon 535 » dans ce travail car avant de se trouver en sa possession, il faisait partie de la collection de David Salomon Sassoon à Letchworth, sous la cote « Sassoon 535 ». Cette étude se base donc sur le microfilm de ce manuscrit, conservé à la British Library à Londres (Or. Mic. 2792, Collection Collindale).

Toutefois, un article écrit par Victor Klagsbald sur ce manuscrit, a permis d’en révéler quelques brèves données codicologiques et paléographiques, indispensables à cette recherche. Voir Klagsbald, V., « Le lion et le chien; à propos d’un dessin retrouvé dans un manuscrit du Maḥzor Vitry », in Jewish Art, vol. 15, 1989, p. 6-13. Pour une description brève de ce manuscrit voir aussi Sirat, C., « Le livre hébreu : rencontre de la tradition juive et l’esthétique française », in Rachi et la culture juive dans la France du Nord au Moyen Age, Paris et Louvain, Peeters, 1994, p. 244.

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France4 et a changé de propriétaire de nombreuses fois au cours des siècles, car il contient vingt notes de possesseurs différentes. Ces dernières datent des XVIe, XVIIe et XIXe siècles5 et leurs généalogies respectives se situent sur plusieurs folios du manuscrit. Ce manuscrit contient un calendrier allant de 1155 à 1177 de l’ère commune (4915-4937 selon le calendrier hébraïque, qui est de type prospectif et porte sur une période à venir), mais une nouvelle date antérieure a été découverte correspondant à 1104 de l’ère commune (figure 6)!6 Ceci permet de suggérer une date de copie antérieure approximativement de cinquante ans aux dates proposées jusqu’à présent et de supposer que ce manuscrit est pratiquement contemporain du Maḥzor Vitry original de la fin du XIe siècle (voir la description codicologique et paléographique de ce manuscrit en annexe de ce travail dans le volume II, p. 293-298).

Un élément qui mérite d’être relevé dans la description du Ms ex-Sassoon 535 (S), le manuscrit le plus ancien du corpus, est l’emploi de deux mots arabes inscrits en caractères hébreux placés dans un contexte de lois relatives aux bénédictions récitées après la consommation de différentes sortes de nourriture. Ce mot לסעב זוי (« joz be ͑asal »)7 (p.29/

f.19v, ligne 12, figure 7a) la traduction arabe pour des « noix trempées dans du miel » ( םיזוגא שבדב). Il est intéressant de rajouter que ce mot arabe se trouve encore dans quatre autres manuscrits du corpus, à savoir : les manuscrits Guenzburg 481 (G: f. 26r, col. droite ligne 14-15, figure 7b), 8092 (J: f. 11v, ligne 7 depuis le bas, figure 7c), Opp.59 (O1: f.25v, lignes 15-16, figure 7d) et Opp. Add. Fol.14 (O2 : f. 35r, col. gauche, lignes 14-15, figure 7e). Le manuscrit Add. 27200 (B), quant à lui, ne contient pas les mots arabes, mais une variante incompréhensible (ירטשב בא), qui doit être en réalité une corruption de לסעב זוי (noix trempées dans du miel) de la part du scribe. En effet, il ajoute également le mot ‘frit’ (ןינגוטמ) donnant

4 Reconnaissable surtout grâce au rite liturgique pratiqué en France du Nord et à l’utilisation de nombreux mots en judéo-français, parcourant le manuscrit.

5 On ne trouve que deux localisations à savoir la mention de la Bohême en 1542 (p. 199/ f. 103v) et celle de Tutchin en 1832 (p. 203/f. 105v). Pour les descriptions du contenu du manuscrit, voir le catalogue d’exposition de Sotheby’s Catalogue of Thirty Eight Highly important Hebrew and Samaritan Manuscripts from the Collection formed by the Late David Salomon Sassoon, (date de vente: mercredi 5 novembre 1975 à Zurich), Zurich, Sotheby’s & CO. A.G., 1975, p. 80-83 (lot n° 24) et le catalogue de manuscrits Sassoon, D., S., Ohel David : Descriptive Catalogue of Hebrew and Samaritan Manuscripts in the Sassoon Library, vol. 2, Londres, Oxford University Press, 1932, p. 311-312.

6 Nous remercions Sacha Stern (University College London) de nous avoir rendu attentive à cette date. Il s’agit du 256e cycle de 19 années qui s’est terminée en l’an 4864 de la création du monde (selon le calendrier juif), correspondant à 1104 de l’ère commune (voir p.461/f.231v). Pour une étude détaillée du calendrier hébraïque, voir Stern, S., Calendar and Community: A History of the Jewish Calendar, Oxford, Oxford University Press, 2001.

7 Nous remercions vivement Prof. Paul Fenton de nous avoir donné une autre suggestion. A titre de possibilité supplémentaire, Paul Fenton propose qu’il s’agit peut-être de לסעב זול que (« lawz bi-asal ») équivalant à des

« amandes dans du miel » et que les mots לסעב זוי (« joz be ͑asal ») serait plutôt une corruption de « lawz bi-asal ».

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ירטשב בא ול ןירוקו שבדב ןינגוטמ םיזוגא (« des noix frites trempées dans du miel et que l’on appelle av beštarei »), ce qui est unique dans tous les manuscrits du corpus (Ms 27200, f. 19v, section גע, lignes 15-16/ édition imprimée, vol.1, p. 40, lignes 17-18, figure 7f et 7g)8.

Comment expliquer la présence de ces mots arabes dans les manuscrits du Maḥzor Vitry ? La raison, développée dans le chapitre précédent, réside principalement dans la réceptivité envers un éventail varié de sources utilisées par les Sages de la France du Nord et en particulier Rashi et ses disciples. Cette « ouverture » a donc permis l’éclosion d’une grande créativité intellectuelle. Les mots arabes étaient parfois cités dans les commentaires bibliques des premiers exégètes de la France du Nord, dont Rashi (1040-1105)9 et certains de ses contemporains : Menaḥem bar Ḥelbo (XIe siècle) et son neveu Joseph ben Simon Qara (né ca.1060-1070), Šemayah (XIe siècle), secrétaire principal de Rashi et Samuel Ben Meir (Rašbam, ca.1080-1174), gendre de Rashi10. Néanmoins, l’utilisation de mots arabes ne repose pas sur les connaissances personnelles de cette langue par ces maîtres, mais probablement sur des emprunts faits aux œuvres des grammairiens et philologues séfarades du Xe siècle, tel que le dictionnaire intitulé Maḥberet de Menahem ben Saruq (Xe siècle)11. Toutefois, la présence des deux mots écrits en judéo-arabe, לסעב זוי (« joz be ͑asal »), trouvés dans quatre manuscrits du Maḥzor Vitry n’est pas attestée dans le Maḥberet. Le fait que cette référence se trouve au sein d’une section portant sur les lois des bénédictions après la consommation de nourriture (Hilkhot berakhot), pourrait suggérer qu’elle provienne d’une

8 Il est intéressant d’observer que le mot « noix » est écrit à la manière qu’un juif français puisse comprendre. En effet, on s’attendrait à la lettre gimel (ג) pour créer le son du « j », mais les juifs de la France du Nord transcrivent le son [ j ] par un yod (י) donnant זוי (« jwz »). Pour le son [ j ] transcrit par un yod (י), voir Bohak, G., et Olszowy-Schlanger, J « A Hebrew-Old French Biblical Glossary from the Cairo Genizah : Manuscript and Text » (à paraître). En outre, il faut mentionner que le manuscrit Opp. Add.Fol.14 (O2) comporte seul la moitié du mot, sans זוי (noix) et de plus O2 a une variante différente, où il est écrit לסעכ avec un כ au lieu d’un ב; cette variante étant probablement due à une faute de copie. En outre, dans le manuscrit 8092 JTS (J), on trouve la variante לסעהו רקיע זוי (noix essentiel et le miel). Dans le Siddur Raschi, édité par Salomon Buber et Jacob Freiman (Berlin, 1911, p. 59-60, fin et début de page suivante) on trouve une déformation incompréhensible de ce mot judéo-arabe לסעבזויen סעברוי; voir aussi Sassoon, D., S., op. cit., note 5, p. 307, où David Sassoon fait la comparaison du Ms ex-Sassoon 535 avec le texte de l’édition imprimée du Maḥzor Vitry Add. 27200-01 de la British Library par Samuel Hurwitz (éd.), Maḥzor Vitry le-Rabenu Simḥah, Nuremberg, Bulka, (1e édition, Nuremberg, Bulka, 1893), (2nd édition), 1923; voir aussi Goldschmidt, A., Maḥzor Vitry de Rabenu Simḥah de Vitry, disciple de Rachi (hébreu), Jérusalem, Oṣar ha-Posqim, 2003, vol. 1, p. 91.

9 Voir Fenton, P., « L’arabe dans Rachi et Rachi en arabe », in Héritages de Rachi, R., S., Sirat (éd.), Paris, Editions de l’éclat, 2006, p. 261-275.

10 A titre informatif, le premier érudit qui montre une connaissance de l’arabe en Europe occidentale et qui utilise cette langue dans ses commentaires bibliques est R. Mošeh ha-Daršan (XIe siècle) de Narbonne en Provence.

Voir Eppenstein, S., « Recherches sur les comparaisons de l’hébreu avec l’arabe chez les exégètes au Nord de la France», in Revue des Etudes Juives, t. 47, 1903, p. 47, 49-50.

11 Voir Saruq, Menaḥem ben, Maḥberet, Edición crítica e introducción de A., Sàenz-Badillos (éd.), Grenade, Université de Grenade, 1986. Il est important de préciser qu’après vérification, ces deux mots écrits en judéo-arabe ne se trouvent pas dans cet ouvrage.

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source halakhique séfarade ou orientale et connue des Sages d’Ashkenaz du début du XIIe siècle ; date du plus ancien Maḥzor Vitry conservé (Ms ex-Sassoon 535). Cette information nous indique, en tout cas, un premier élément concret: si cette citation, même corrompue de mots arabes avec variantes de lettres selon les manuscrits se trouve dans des textes issus de l’Ecole de Rashi (Maḥzor Vitry et Siddur Rashi), cela veut dire qu’il y a sûrement une source commune. Cette source reste encore à découvrir car les recherches menées à ce propos restent pour le moment sans résultat. En outre, il est important de souligner que ces mots arabes ne se trouvent que dans quatre manuscrits du corpus. Il semble que la présence de cette citation relève de la transmission de cette partie du texte à partir de manuscrits différents. Ce dernier point sur la transmission des textes des manuscrits du Maḥzor Vitry fera l’objet d’une étude détaillée dans ce même chapitre.

P : Parme, Biblioteca Palatina, Ms Parm. 2574 (De Rossi 159), fin XIIe siècle-début XIIIe siècle

Ce manuscrit reste muet quant à sa provenance, car les quelques additions postérieures anonymes le parcourant ne dévoilent rien sur ses pérégrinations. Seul un ex-libris collé sur le contreplat inférieur du volume indique qu’il faisait anciennement partie de la collection de l’érudit italien Giovanni Bernardo De Rossi (1742-1831) avant son acquisition par la Biblioteca Palatina à Parme en 1816 sur la volonté de la Duchesse Marie-Louise de Parme12. La datation de ce manuscrit n’est pas explicite et il n’y a pas de calendrier. Benjamin Richler13 propose de dater ce manuscrit de la fin du XIIe siècle. Les éléments codicologiques (comme l’emploi de la réglure à la pointe sèche diplôme par diplôme) et paléographiques (utilisation d’une écriture de type carré et semi-cursive de style ashkénaze, mais pas encore d’influence gothique) pourraient confirmer cette datation. La mention de l’œuvre halakhique, le Sefer ha-ʾEškol par Abraham ben Isaac de Narbonne14 (Rabi ʾAbad, ca.1110-1179) aux folios 43v (ligne 23) et 44r (ligne 13), pourrait permettre de dater ce manuscrit à partir de la fin du XIIe siècle, si l’on considère que cette œuvre a été accessible en Europe du Nord, peu

12 Voir Encyclopedia Judaica, vol. 5, p. 1557.

13 Pour la description de ce manuscrit, voir Richler, B. (éd.), Hebrew Manuscripts in the Biblioteca Palatina in Parma, Jérusalem, 2001, p.264-265. La datation des manuscrits de ce catalogue ont été faites par Malachi Beit-Arié selon des indices codicologiques et paléographiques. Pour la datation du ms. Parm.2574, voir p. 265.

14 A titre d’information, Israel Ta-Shma, dans son ouvrage intitulé Rabi Zeraḥiah ha-Levi ba ͑al ha-ma ͑or u-venei ḥugo le-toledot ha-siferut ha-rabanit be-Provans, (סנאבורפב תינברה תודלותל וגוח ינבו רואמה לעב יולה היחרז יבר), (hébreu), Jérusalem, Mosad ha-rav Kook, 1992, propose la date de 1159 pour la mort de Abraham ben Isaac de Narbonne et pas 1179, p. 7 (note 11a).

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de temps après sa rédaction en Provence (voir la description codicologique et paléographique de ce manuscrit en annexe de ce travail dans le volume II, p. 299-305).

La localisation du manuscrit Parm. 2574 n’est pas clairement définie par un colophon ou des notes de possesseurs. Cependant, ce manuscrit peut être classé comme suivant le rite de la France du Nord, tout en présentant une anomalie dans ce rite: le début de la prière introduisant la prière de la ͑amidah du vendredi soir est de rite romain (f. 57v-58r)15 et copiée par la main I ou scribe principal de ce manuscrit (voir la description paléographique dans le volume II en annexe, p. 300). Cette insertion inattendue dans la partie liturgique du manuscrit reste pour l’instant un mystère. Une autre découverte intéressante dans ce manuscrit et toujours rédigée par la main I ou scribe principal, est la présence d’un mot en judéo-provençal parmi quelques mots écrits en judéo-français (f.42v), situés au sein de lois comportant la citation d’autorités talmudiques provençales (f. 42r-51v)16, en plus de celle de Rashi (mention de Rabenu Šlomoh f. 95v et 175v, Šlomoh bar Isaac) et deux de ses disciples comme R.

15 Voir Richler, B. (éd.), ibid., p. 264.

16 Les folios 42r/v renferment un épitre de Abraham bar Isaac de Narbonne (Rabi ʾAbad, ca. 1110-1179), chef spirituel de Provence, à Natan de Lunel (XIIe siècle), écrit par son fils Abraham bar Natan de Lunel (ha-Manhig, ca.1155-1215), voir Kupfer, E., « Igeret rabenu Avraham bar Iṣḥaq Av Beit Din mi-Narbona » (« Epitre de notre rabbin Abraham ben Isaac Président du tribunal de Narbonne »), in Tarbiz, XXXIX, 1969-1970, p.356-358. On trouve en outre des responsa de grandes autorités talmudiques provençales telles que Mešulam ben Jacob de Lunel (XIIe siècle) et Abraham ben David de Posquières (Rabad, ca.1125-1198) à Samuel ha-Cohen (f.41v-42r);

voir Blumenkranz, B., Auteurs Juifs en France médiévale, leur œuvre imprimée, Paris, Edouard Privat Editeur, 1975, p. 209, 182, 183. En outre, on trouve au folio 44r une mention des lois sur les tefilin par le grand Sage d’origine algérienne, vivant à Fez (Maroc), Isaac ben Jacob Alfasi, surnommé RIF (ca. 1013-1103), extraites du Sefer ha-ʾEškol d’Abraham ben Isaac de Narbonne (« ל''ז םהרבא 'ר ברה םרבח רשכ ל''ז יסיפלא ברה לא ןיליפת תוכלה לוכשאה רפסב »), ce qui indique davantage une provenance provençale de ce manuscrit, puisque l’œuvre halakhique fondamentale de R. Isaac ben Jacob Alfasi, le Sefer ha-Halakhot, a été immédiatement acceptée en Sefarad et en Provence, contrairement aux Sages de la France du Nord et la région germanique d’Ashkenaz, où ils étaient plus réticents vis–à-vis de cette œuvre. Le premier Sage germano-ashkénaze qui a employé l’œuvre du RIF comme une de ses sources principales était R. Eliezer ben Joel ha-Levi de Bonn (1140-1225), à partir de la première moitié du XIIIe siècle; voir Ta-Shma I., « Qelitatam šel sifrei ha-Rif, ha-Rah va-Halakhot Gedolot be Ṣarefat u-ve- Ashkenaz ba-meʾot ha 11/12 », (La Réception des livres du RIF (Rav Isaac Alfasi), Rav Hananel et les Halakhot Gedolot en France et en Ashkenaz au XIe et XIIe siècle) (hébreu), in Qiriat Sefer, n° 55, 1980, p.195. Egalement, le bas du folio 42v comporte 4 mots en judéo-français vocalisés: 1. 1igne 10 depuis le bas : le mot judéo-français שור (ros) se traduit par םודא (rouge) en hébreu dans le texte, voir Catane, M., Les gloses françaises dans les commentaires talmudiques de Rachi d’après l’ouvrage d’Arsène Darmesteter et D.S.

Blondheim (1929), Jérusalem, 1988, p. 104, n° 1312 ; voir également Darmesteter, A. et Blondheim, D., S., Les gloses Judéo-françaises dans les commentaires talmudiques de Rachi, Paris, H. Champion, 1929, p. 126, n° 914.

2. S’il s’agit d’un mot provençal, voir Lévy, E., Petit dictionnaire provençal-français, Raphèle-les-Arles, C.P.M.

Marcel Petit, 1991, p. 330, où ros se traduirait par ‘roux’, ‘rouge’ ou ‘jaune d’œuf’. A la ligne 9 depuis le bas : le mot judéo-français אלוירטיו (vitrioleʾ) traduit par םותנקנק (qanqantum) en hébreu dans le texte, voir Catane, M., ibid., p. 99, n° 1232, et voir Darmesteter, A et Blondheim, D, S, ibid., p. 145, n° 1048. 3. A la ligne 8 depuis le bas, le mot Judéo-français אמיל (lime) traduit par הריצפ (lime) en hébreu dans le texte, voir Catane, M., ibid., p.

29 n° 202 et voir Darmesteter, A et Blondheim, D, S, p 88, n° 644. 4. pour le provençal voir Lévy, E., ibid., p.

227. Le 3e mot, clairement en Provençal, ligne 4 depuis le bas :טנימרא (ʾarmeint) est de ‘l’airain’, un alliage de cuivre et d’étain, provenant du mot latin aeramen (voir Walther von Wartburg, Französisches Etymologisches Wörterbuch. Eine Darstellung des galloromanischen Sprachschatzes, Leipzig, R. G. Zbinden, 1922 - , vol. 1, 45b; 24, 227b), devenu arame, puis par assimilation régressive, araim, puis airain. Nous remercions vivement Judith Kogel pour son aide dans la traduction du mot ʾarmeint.

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Simḥah ben Samuel de Vitry (mention de R. Simḥah, f. 57v), Jacob ben Meir (mentionné au folio 245r sous le nom de Rabenu Jacob , ca.1100-1171).

Cela dit, il serait tentant de proposer que le scribe (קחצי ןב לנתנ) ‘Netanel ben Isaac’, mis en évidence plusieurs fois dans le manuscrit17, ait été, selon la proposition de Colette Sirat, un scribe itinérant. Il aurait recueilli des traditions liturgiques à la fois de la France du Nord et de l’Italie (comme suggéré plus haut par l’insertion d’une portion du rite romain dans la prière pour le vendredi soir) et possèderait la connaissance du judéo-provençal. Cela se dénote à un mot en judéo-provençal introduit au milieu d’autres mots en judéo-français, dans des commentaires de lois émises par des autorités provençales du XIIe siècle.

G : Moscou, Russian State Library, Collection Guenzburg, Ms 481, après 1171

L’histoire de ce manuscrit de rite français est inconnue, mis à part le fait, qu’il fut un temps dans la collection du philanthrope et philologue Baron David de Guenzburg (né en Ukraine en 1857 et mort à Paris en 1910)18. Il est conservé aujourd’hui dans la Russian State Library de Moscou. Une très brève description de ce manuscrit se trouve dans les microfiches du catalogue de la Collection Guenzburg (Russian State Library de Moscou)19. Une indication de date nous est connue grâce à un calendrier aux folios 101v-102r (figure 8). En effet, ce calendrier présente treize cycles de dix-neuf années égalant 247 années en tout. Ce cycle calendaire de 247 ans a été créé par R. Naḥšon ben Ṣadoq Gaon qui était à la tête de l’académie talmudique de Sura en Babylonie entre 874 et 882 de l’ère commune. R. Naḥšon part du principe que l’ordre exact des jours de la semaine sur lequel tombe les fêtes juives se répète après un cycle complet de 247 années et peut être arrangé généralement dans un tableau de treize cycles, comportant chacun 19 années, correspondant au cycle lunaire (13 cycles x 19 années = 247 années). Ce calendrier débute avec la date de (4)88420 équivalant à

17 folios 1r, 5r 37r, 69r, 143r, 199v, 203v, 213r, 229r.

18 Voir Encyclopedia Judaica, vol. 7, p. 962-963, s.v. « Guenzburg ».

19 Voir Sachs, S., Rešimah sefarim kitvei yad..., 1866. Ce catalogue écrit à la main en hébreu existe sous forme de microfiches à l’Institut de Recherche et d’Histoire des Textes (IRHT), Paris et à Institut des Manuscrits Microfilmés (IMM), Jérusalem, où il est écrit (microfiches 87-98): ...ירטיו החמש וניברל ירטיו רוזחמ ףלק א''פת ץבוק

20 L’année 4884 est la première année du premier cycle de 19 ans. Dans la marge de la première ligne du calendrier, nous trouvons la date de (4)901 (אקתת) qui est la 18e année de ce cycle.

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1124 de l’ère commune et se termine en (5)130, soit 1370 de l’ère commune21. Par conséquent ce calendrier s’étend de 1124 à 1370/71, soit un cycle de 247 années.

Ce calendrier couvrant 247 années fait partie d’un cahier (f.101r-110v) qui a été inséré au sein de ce manuscrit. Cependant, à la suite de ce calendrier, nous trouvons une description de la date des fêtes juives selon les années simples (pešutah) et intercalées (me ͑uberet) allant des folios 102v-109r par la même main que le calendrier que nous avons appelé la main V (selon la description de ce manuscrit an annexe dans le volume II de ce travail, p. 315). Il est intéressant de mentionner qu’un petit paragraphe a été ajouté au bas du folio 103v par cette même main, indiquant la commémoration du martyre des juifs de la ville de Blois le 20 Sivan de la 31e année (4931 = 1171), équivalant au 26 mai 1171 de l’ère commune. R. Jacob ben Meir (Rabenu Tam, ca. 1100-1171) institua un jeûne pour les communautés juives de France, de la vallée du Rhin et d’Angleterre pour commémorer ce jour22. Par conséquent, il est possible d’établir que le manuscrit a sûrement été écrit après la date de 1171, puisque cette date s’insère bien dans le calendrier couvrant 247 ans, de 1124 à 1370.

En ce qui concerne la manière dont ce manuscrit a été copié, deux scribes principaux (main II et III) ont rédigé ce manuscrit en tandem. A deux reprises nous trouvons un changement de main au sein du même cahier, où la suite du texte est respectée23. Il est possible également de comprendre comment le cahier en quaternion (f.101r-110v), comprenant une amélioration des rêves (main V, f.101r) le calendrier (main V, f.101v-102r),

En ce qui concerne la manière dont ce manuscrit a été copié, deux scribes principaux (main II et III) ont rédigé ce manuscrit en tandem. A deux reprises nous trouvons un changement de main au sein du même cahier, où la suite du texte est respectée23. Il est possible également de comprendre comment le cahier en quaternion (f.101r-110v), comprenant une amélioration des rêves (main V, f.101r) le calendrier (main V, f.101v-102r),