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Audience publique du 28 janvier 2021

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Texte intégral

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1 GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG

COUR ADMINISTRATIVE

Numéro 45207C du rôle Inscrit le 11 novembre 2020

Audience publique du 28 janvier 2021

Appel formé par Monsieur ..., …,

contre

un jugement du tribunal administratif du 8 octobre 2020 (n° 44177a du rôle) en matière de protection internationale

Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 45207C du rôle, déposée au greffe de la Cour administrative le 11 novembre 2020 par Maître Zohra BELESGAA, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ..., né le … à … (Maroc), de nationalité marocaine, demeurant à L-… ..., …..., dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 8 octobre 2020 (n° 44177a du rôle), par lequel ledit tribunal l’a débouté de son recours tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 3 février 2020 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de la décision ministérielle du même jour portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 11 décembre 2020 ;

Vu la missive de Maître Zohra BELESGAA du 18 janvier 2021 et celle du délégué de gouvernement du même jour par lesquelles ils marquent leur accord respectif avec la prise en délibéré de l’affaire sur base des écrits produits en cause ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré à l’audience publique du 21 janvier 2021.

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2 Le 28 novembre 2019, Monsieur ... introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après « la loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Monsieur ... sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, dans un rapport du même jour.

Le ... 2019, il fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 3 février 2020, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé envoyé le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après « le ministre », l’informa qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 27, paragraphe (1), point a), de la loi du 18 décembre 2015 et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours, après avoir résumé ses déclarations comme suit :

« (…) En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du…. 2019, le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes du … 2019 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, ainsi que les documents versés à l'appui de votre demande.

Monsieur, il ressort de vos dires que vous êtes ressortissant marocain, né le … à…, d'ethnie berbère, et que vous auriez vécu à ... avec vos parents et vos … frères. Vous affirmez avoir quitté le Maroc, en date du …2018, où vous seriez resté pendant presqu'un an. Vous auriez d'abord habité chez un ami pour ensuite louer vous-même un appartement. Vous n'auriez pas travaillé, mais votre famille aurait tout payé.

Vous prétendez ne pas avoir voulu demander une protection internationale en Espagne alors que « Les gens » vous auraient expliqué que « c'est automatiquement refusé pour les Maghrébins ». Vous auriez voulu venir au Luxembourg car ce serait un pays où on respecterait les droits de l'Homme et « où les réfugiés profitent de tout leur droit ».

Vous auriez quitté le Maroc en … 2018, lorsque vous auriez entendu qu'une nouvelle loi entrerait en vigueur et que le service militaire deviendrait obligatoire. Vous refuseriez néanmoins de faire le service militaire parce que vous seriez berbère et contre le régime marocain. Vous affirmez ne pas vous livrer à ce régime pour l'aider. « Je suis contre ». On vous prendrait tous vos droits, votre liberté. Vous seriez réprimé et discriminé et « j'appartiens aux opposants. Je suis un rebelle ». Vous seriez opposé à l'Etat. Vous ne vous permettrez pas d'appartenir à ce régime. « C'est mon point de vue ». Vous ne pourriez par ailleurs pas demander de dispense pour le service militaire. Vous invoquez avoir été convoqué pour effectuer le service militaire, mais vous seriez contre ce régime. Votre père a fait traduire la convocation en langue allemande parce que vous auriez beaucoup lu sur le Luxembourg et que vous auriez su qu'on y parlerait l'allemand. Vous ne

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3 voudriez pas aller en prison parce que « je ne suis pas d'accord avec tout cela ». Si vous ne vous présenteriez pas au service militaire, vous seriez emprisonné pendant une année et vous seriez considéré comme traître.

A part le fait de ne pas vouloir faire le service militaire, vous relatez également avoir quitté le Maroc à cause de la « répression » parce vous seriez « contre le régime ». Vous prétendez avoir subi « que de la répression » depuis votre plus jeune âge. Vous n'auriez pas de droits dans votre pays d'origine. Vous ne pourriez demander aucun droit : droit de liberté, droit d'expression, droit de l'humanité.

Vous affirmez encore que presque tous les Berbères du Maroc migreraient vers l'Europe parce qu'ils seraient considérés comme des étrangers. Sur information afférente de l'agent de la Direction de l'Immigration que 15 à 20 millions de Berbères, voire plus, habiteraient au Maroc, vous maintenez que la plupart des Berbères auraient migré vers l'Europe. Votre famille serait une famille rebelle de père en fils. La situation de vos frères serait la même que la vôtre et votre père souffrirait beaucoup. On vous traiterait partout comme étranger. Il y aurait beaucoup d'injustice.

Vos frères réfléchiraient également tous de quitter le Maroc, mais ils n'auraient pas encore eu l'occasion.

Votre père aussi aurait été arrêté à plusieurs reprises parce qu'il serait membre dans l'association des droits de l'Homme au Maroc et il serait aussi membre du parti de gauche au Maroc. Vous répétez que votre père aurait également été arrêté à plusieurs reprises parce qu'« il n'arrête pas de protester contre le régime ».

Ensuite, vous affirmez encore avoir participé à des manifestations. Vous auriez pu vous enfuir et vous n'auriez pas été arrêté. Vous auriez été frappé par la police avec des bâtons dans une manifestation à Tétouane et à Hoceima à partir d'octobre 2016, voire en décembre 2016. « Le mouvement » aurait commencé quand « quelqu'un » aurait été jeté dans un camion de poubelles qui serait décédé suite à cela. « On manifestait pour toute cette injustice ». Vous auriez été frappé en tout deux fois. Par après, en 2017 et en 2018, vous auriez été giflé plusieurs fois par la police.

Vous auriez participé à une quinzaine de manifestations, la dernière en janvier 2018.

Un cousin éloigné, un dénommé ... ..., aurait été arrêté « parce qu'il protestait contre l'Etat

» et aurait été condamné à 20 ans de prison juste pour avoir demandé ses droits. Vous ne vous seriez pas installé dans une autre région de votre pays alors qu'il n'y aurait pas de région en sécurité. Vous estimez qu'en cas de retour dans votre pays, vous seriez emprisonné et torturé. Vous ne retourneriez pas « car mon avenir n'est pas clair ».

A l'appui de votre demande, vous avez remis les documents suivants :

- Passeport n° …valable du … 2018 au …. 2023,

- La copie d'une carte d'identité valable jusqu'au … 2024,

- Une lettre du Ministère de l'intérieur du Royaume du Maroc du … 2019 concernant le service militaire, avec traduction en allemand,

- 6 tickets de train,

- Certificat de scolarité établi en date du …2019 de l'Ecole pour Adultes de ... (ES) pour

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4 l'année 2018-2019,

- Contrat de bail espagnol du(…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 18 février 2020, Monsieur ... fit introduire un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle précitée du 3 février 2020 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de la décision portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et l’ordre de quitter le territoire.

Par jugement du 18 mars 2020 (n° 44177 du rôle), le juge siégeant en remplacement du président de la deuxième chambre du tribunal administratif décida que ce recours n’était pas manifestement infondé et renvoya l’affaire en chambre collégiale du tribunal administratif pour y voir statuer plus en avant.

Par jugement du 8 octobre 2020, le tribunal administratif, vidant le jugement du 18 mars 2020, déclara le recours de Monsieur ... non justifié et en débouta le demandeur, tout en le condamnant aux frais de l’instance.

A titre liminaire, le tribunal releva qu’il n’était plus appelé à trancher ce qui avait été jugé définitivement par le jugement du 18 mars 2020 pour limiter son analyse au fond du litige, à savoir le rejet de la demande de protection internationale dans son double volet, ainsi que l’ordre de quitter le territoire.

Ensuite, les premiers juges estimèrent que les doutes exprimés par le ministre, en relation avec la durée de la peine d’emprisonnement encourue par l’oncle de Monsieur ..., ne permettaient pas d’ébranler la crédibilité générale du récit du demandeur.

Concernant tout d’abord les problèmes rencontrés au Maroc par différents membres de la famille de Monsieur ..., et, plus précisément, les pressions de la part des autorités marocaines subies par son père et son oncle, le tribunal releva que des faits non personnels mais vécus par d’autres individus n’étaient susceptibles de fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après « la Convention de Genève », que si le demandeur établit dans son chef un risque réel d’être victime d’actes similaires en raison de circonstances particulières. Sur ce, il constata que le demandeur restait en défaut non seulement de donner des explications sur les circonstances concrètes des prétendues arrestations subies par son père pour avoir été membre de la Ligue marocaine de défense des droits de l’Homme et de leurs suites, mais encore de démontrer qu’il risquerait de subir le même sort, Monsieur ... n’ayant avancé à cet égard aucun élément concret, hormis le fait qu’il s’était affilié à ladite ligue le 1er janvier 2018.

Le tribunal nota encore que, excepté le fait que le demandeur avait peu de connaissances de l’histoire de son oncle qui serait pourtant l’une des figures de proue de la contestation « rifaine », celui-ci n’avançait aucune explication sur les raisons pour lesquelles il serait susceptible d’être dans la même situation que ce dernier, relevant dans ce contexte que Monsieur ... n’avait jamais été inquiété par les autorités marocaines depuis le 29 octobre 2016, date de sa première participation à une manifestation, jusqu’au ... 2018, date de son départ du Maroc, et ce, malgré le

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5 fait qu’il ait participé à près d’une vingtaine de manifestations et que deux membres de sa famille soient directement liés à la contestation rifaine.

Concernant ensuite la situation générale des « Rifains » au Maroc, le tribunal constata que le demandeur se limitait à reprocher de manière vague et générale à l’Etat marocain d’avoir des comportements discriminatoires envers les membres de son ethnie mais qu’il ne démontrait pas que la situation des « Rifains » serait telle que tout membre de cette ethnie pourrait se prévaloir d’une crainte fondée d’être persécuté du seul fait de sa présence sur le territoire marocain. Partant, les premiers juges retinrent sur ce point que Monsieur ... n’avait pas invoqué d’éléments personnels permettant d’établir que sa situation individuelle était telle qu’elle laissait supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève du seul fait de sa présence sur le territoire marocain, le simple fait d’être « Rifain » étant insuffisant à cet égard.

Quant à l’obligation pour Monsieur ... d’effectuer son service militaire, le tribunal releva que d’après la législation actuellement en vigueur au Maroc, tout citoyen âgé entre 19 et 25 ans devait accomplir le service militaire, qu’en cas de non-présentation devant l’autorité compétente suite à sa convocation pour le recensement ou la présélection, un emprisonnement d’un à trois mois et une amende de 2.000 à 5.000 dirhams étaient encourus, et qu’en cas de refus de se soumettre à l’obligation d’effectuer son service militaire, un emprisonnement d’un mois à un an et une amende de 2.000 à 10.000 dirhams étaient encourus. Il nota ensuite que les justifications du demandeur à la base de son refus du service militaire ne constituaient pas à elles seules des motifs suffisants pour lui accorder le statut de réfugié, dans la mesure où celui-ci, mis à part des affirmations générales et vagues, n’avait avancé aucun élément permettant de retenir que les membres de sa famille ou de son ethnie seraient persécutés par les autorités marocaines et qu’il ne soutenait pas non plus être un objecteur de conscience, à savoir que son aversion du service militaire serait motivée par un conflit personnel grave et insurmontable entre l’obligation de servir dans l’armée et sa conscience ou ses convictions sincères et profondes, de nature religieuse ou autre.

Le tribunal arriva partant à la conclusion que les craintes mises en avant par Monsieur ... n’étaient susceptibles de fonder l’octroi ni du statut de réfugié ni de celui de la protection subsidiaire.

Par requête déposée à la Cour administrative le 11 novembre 2020, Monsieur ... a régulièrement relevé appel du jugement du 8 octobre 2020.

A l’appui de son appel, il renvoie à l’exposé des faits se dégageant du rapport d’entretien relatant son audition s’étant déroulée en date du ... 2019. Il expose plus particulièrement être issu d’une famille berbère originaire du Rif marocain, région montagneuse située au Nord du Maroc qui connaîtrait de vives tensions depuis octobre 2016. L’appelant précise qu’il ferait partie du mouvement ... et qu’il aurait participé à de nombreuses manifestations dudit mouvement au courant des années 2016 à 2018. Il serait encore membre depuis le 1er janvier 2018 de la Ligue marocaine de défense des droits de l’Homme et qu’il aurait décidé de quitter le Maroc après avoir reçu l’appel d’effectuer le service militaire. En raison de son refus d’effectuer le service militaire, il risquerait à l’heure actuelle d’être condamné à une peine d’emprisonnement et à une amende.

Monsieur ... signale encore que tant son père que son oncle seraient activement impliqués dans la vie politique marocaine et militeraient en faveur de la population du Rif, majoritairement berbère.

En se fondant sur un rapport d’Amnesty International de novembre 2017, l’appelant précise que

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6 de nombreux manifestants du mouvement ... auraient été arrêtés, torturés et emprisonnés. Ainsi, plus précisément son oncle aurait été condamné à cinq années d’emprisonnement par la Cour d’Appel de .... En raison de son appartenance à l’ethnie berbère, son affiliation à la Ligue marocaine de défense des droits de l’Homme, sa participation aux manifestations organisées par le mouvement ..., son appartenance à une famille de contestataires politiques et son refus d’effectuer le service militaire, l’appelant estime remplir les conditions pour pouvoir bénéficier d’une mesure de protection internationale.

L’Etat conclut en substance à la confirmation du jugement dont appel, tout en relevant que Monsieur ... n’apporterait en instance d’appel aucun élément supplémentaire susceptible de venir infirmer la position ministérielle. Le délégué du gouvernement signale encore que les différentes pièces versées par l’appelant, si elles ont trait à la situation d’autres membres de sa famille, ne permettraient toujours pas d’établir un lien entre la situation particulière de celui-ci et celles respectivement de son oncle et de son père.

Il se dégage de la combinaison des articles 2 sub h), 2 sub f), 39, 40 et 42, paragraphe 1er, de la loi du 18 décembre 2015, que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe 1er, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

L’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire. La loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l’article 48 ».

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

En l’espèce, la Cour, à l’instar du tribunal, retient que des faits non personnels mais vécus par d’autres individus ne sont susceptibles de fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève que si le demandeur établit dans son chef un risque réel d’être victime d’actes similaires en raison de circonstances particulières. Or, malgré les liens familiaux patents avec son père et son oncle et ses fréquentes participations à des manifestations du mouvement ...,

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7 ainsi que son affiliation à la Ligue marocaine de défense des droits de l’Homme depuis le 1er janvier 2018, il se dégage du dossier que, depuis la fin de l’année 2016 jusqu’à son départ du Maroc le ... 2018, Monsieur ... n’a jamais été personnellement inquiété par les autorités marocaines.

Au-delà, il ne ressort pas non plus des éléments du dossier, par rapport à la situation générale des

« Rifains » au Maroc, que tout membre de cette ethnie puisse se prévaloir d’une crainte fondée de persécution en raison de sa présence sur le territoire marocain, Monsieur ... n’ayant relaté dans ce contexte que des reproches vagues et généraux sans exposer des éléments personnels suffisamment précis permettant de conclure dans son chef à une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.

S’il est certes exact, d’après le récit de l’appelant, que des manifestations organisées par le mouvement ... ont été réprimées par des policiers et qu’il y aurait subi des coups de bâtons et des gifles, la Cour, à l’instar du tribunal, se doit de constater que Monsieur ... n’était pas personnellement et individuellement visé par ces actes des forces de l’ordre commis dans le contexte spécifique du maintien de l’ordre concernant des manifestations politiques non autorisées.

Dès lors, il convient de retenir que les craintes actuellement invoquées par l’appelant dans le contexte de son engagement politique sont plutôt hypothétiques et constituent en substance la simple expression d’un sentiment général de peur par rapport à la situation sécuritaire dans son pays d’origine, sentiment qui ne saurait toutefois fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève.

Concernant finalement la crainte de persécution mise en avant par l’appelant liée à son refus de faire son service militaire pour des raisons de conscience, les premiers juges ont rappelé à bon droit qu’une personne ne saurait être considérée comme réfugié si la seule raison pour laquelle elle a déserté ou n’a pas rejoint son corps comme elle en avait reçu l’ordre est son aversion du service militaire ou sa peur du combat (v. Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut des réfugiés, UNHCR, décembre 2011, §§ 167 et ss).

Il convient encore de rappeler que la crainte de poursuites et d’un châtiment pour désertion ou insoumission ne peut servir de base à l’octroi du statut de réfugié que s’il est démontré que le demandeur se verrait infliger, pour l’infraction militaire commise, une peine d’une sévérité disproportionnée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques. (v. Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut des réfugiés, précité, §§ 167 et ss).

En outre, des personnes peuvent invoquer des raisons de conscience pour justifier leur opposition au service militaire d’une force telle que la peine prévue pour l’insoumission ou la désertion puisse être assimilée à une persécution du fait de ces raisons de conscience.

Or, la Cour est amenée à constater que Monsieur ... n’a pas démontré à suffisance que son aversion au service militaire serait motivée par un conflit personnel grave et insurmontable entre l’obligation de servir dans l’armée et sa conscience ou ses convictions sincères et profondes, de nature religieuse ou autre, ni expliqué en quoi ce conflit serait insurmontable et en quoi ses

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8 convictions profondes consisteraient exactement. En effet, l’appelant a uniquement déclaré que l’Etat marocain a réinstauré en janvier 2019 le service militaire obligatoire pour « vouloir encadrer et canaliser une jeunesse qui lui échappe », sans décrire concrètement que son opposition au service militaire résulterait de son aversion du service militaire ou sa peur du combat.

S’il est certes exact que selon la législation actuellement en vigueur au Maroc, tout citoyen de sexe masculin âgé entre 19 et 25 ans doit effectuer son service militaire et qu’en cas de refus de s’acquitter de cette obligation, il risque d’être condamné à des peines d’emprisonnement et d’amende, il convient néanmoins de retenir qu’il n’est pas établi en cause que l’appelant se verrait infliger pour l’insoumission commise une peine d’une sévérité disproportionnée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, en raison notamment de son appartenance à l’ethnie des berbères originaires du Rif, étant rappelé dans ce contexte, d’une part, qu’un Etat peut organiser sa défense et, par conséquent, exiger que ses nationaux accomplissent le service militaire et, d’autre part, que les procédures visant à obtenir une protection internationale n’ont pas pour finalité de permettre aux demandeurs de se soustraire à la justice de leur pays d’origine.

Partant, la Cour, à l’instar du tribunal, arrive à la conclusion que la crainte de Monsieur ... liée à son insoumission ne saurait être assimilée à une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.

C’est partant à bon escient que le ministre d’abord et les premiers juges par la suite ont conclu que Monsieur ... n’a pas fait état et n’a pas établi des raisons de nature à justifier dans son chef dans son pays de provenance une crainte justifiée de persécution pour les motifs énumérés à l’article 2 sub f) de la loi du 18 décembre 2015, respectivement qu’il existerait de sérieuses raisons de croire qu’il encourrait, en cas de retour dans son pays d’origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 et les conditions permettant de reconnaître à l’appelant une protection internationale, considérée sous ces deux volets, ne sont pas vérifiées.

L’appelant sollicite encore la réformation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la décision de refus de la protection internationale, comme conséquence de l’octroi d’une protection internationale.

Dans la mesure où le jugement entrepris est à confirmer en ce qu’il a refusé à l’appelant le statut de protection internationale – statut de réfugié et protection subsidiaire – et que le refus d’octroi de pareil statut est automatiquement assorti d’un ordre de quitter le territoire par le ministre, la demande de réformation de l’ordre de quitter le territoire est à rejeter à son tour et le jugement est à confirmer en ce qu’il a refusé de réformer ledit ordre.

L’appel n’étant dès lors pas fondé, il y a lieu d’en débouter l’appelant et de confirmer le jugement entrepris.

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9 Par ces motifs,

la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ; reçoit l’appel du 11 novembre 2020 en la forme ;

au fond, déclare l’appel non justifié et en déboute l’appelant ; partant, confirme le jugement entrepris du 8 octobre 2020 ;

condamne Monsieur ... aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par :

Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller,

et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour ....

s.... s.CAMPILL

Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 29 janvier 2021

Le greffier de la Cour administrative

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