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SENTIMENT D INCERTITUDE AU TRAVAIL ET PERSONNALITE

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Academic year: 2022

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SENTIMENT D’INCERTITUDE AU TRAVAIL ET PERSONNALITE

Barbara Lapthorn1 & Catherine Hellemans2

1Doctorante ; 2Professeur-assistante

Laboratoire de Psychologie du Travail et Psychologie Economique, Av. Fr. D. Roosevelt, 50 (CP 122) – 1050 Bruxelles, Belgique

barbara.lapthorn@ulb.ac.be

Résumé

L’étude s’intéresse à l’incertitude au travail et à la manière dont un individu gère cette incertitude. On analyse également l’influence des traits de conscience, névrosisme et extraversion sur les perceptions et la gestion de l’incertitude. Deux questionnaires ont été soumis à des travailleurs belges du service public : l’un construit afin d’approcher le sentiment d’incertitude au travail, l’autre étant issu du NEO-PI-R (Costa & McCrae, 1992). Les analyses mettent en avant cinq manières de considérer l’incertitude chez les répondants : une vision constructive de l’incertitude, une difficulté à la vivre, une tendance à vouloir la contrôler, une tendance à se réassurer auprès d’autrui, et une tendance à l’éviter. Les résultats indiquent par ailleurs que la manière dont l’incertitude est perçue et la manière dont elle est gérée est en lien avec les niveaux de conscience et de stabilité émotionnelle des répondants.

Mots-clés: incertitude, travail, raison, émotion

Introduction

Nous baignons actuellement dans un contexte de surcharge informationnelle qui se répercute, particulièrement au sein du travail, en une surcharge cognitive. N’apportant pas les repères nécessaires à une prise de décision, cette masse d’informations devient déstabilisante (Proulx, 2009). De plus, les discours justifiés par le contexte concurrentiel et économique qui valorise le changement, la flexibilité, l’innovation ou bien encore la créativité, n’aide pas : certains travailleurs peuvent appréhender des répercussions non désirées sur leur propre travail et redouter des difficultés d’adaptation personnelle. Ainsi, ils s’installent à plus ou moins long terme dans un sentiment d’incertitude. Face à ces situations d’incertitude par lesquelles passent tous les individus, nous questionnons notamment l’influence de la personnalité : permet-elle, pour une part, d’expliquer le fait que des individus confrontés à des perturbations semblables ont une vision différente de la situation ainsi que des manières diverses d’y réagir ou de la gérer ? La notion d’incertitude a été analysée au sein de divers courants de recherche, parmi lesquels les travaux concernant l’intolérance à l’incertitude (Dugas, Freeston & Ladouceur, 1997 ; Langlois, Freeston, Ladouceur, 2000 ; Buhr & Dugas, 2009), l’orientation vers la certitude/l’incertitude (Sorrentino, Nezlek, Yasunaga & al, 2008), ainsi que les travaux de Greco et Roger (2001) pour lesquels l’incertitude est un puissant stresseur et va donc, au moins en partie, déterminer les stratégies de faire face développées par les travailleurs. Ces auteurs ont par ailleurs démontré les liens entre l’incertitude émotionnelle et le névrosisme ; entre le désir de changement et l’extraversion.

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Névrosisme et Extraversion. La Conscience renvoie au contrôle de soi : sens du devoir, autodiscipline, ordre, compétence, recherche de réussite et délibération. Le Névrosisme concerne une inadaptation ou une instabilité émotionnelle : anxiété, hostilité, dépression, vulnérabilité, impulsivité, timidité sociale. L’Extraversion est caractérisée par la chaleur, la grégarité, l’assertivité, l’activité et la recherche de sensations et émotions positives. Les individus peu consciencieux ont généralement un névrosisme élevé : le névrosisme reflète en effet une difficulté à maîtriser ses pulsions et à gérer le stress. Il s’agit donc d’une tendance générale à éprouver des affects négatifs. A l’inverse, les personnes présentant un Névrosisme faible sont calmes, d’humeur égale et font face aux situations stressantes sans trop d’inquiétude. Dans le même ordre d’idée, le fait de ressentir des émotions positives est l’une des facettes de l’Extraversion. Les personnes extraverties sont sociables, mais également sûres d’elles, actives et d’un naturel joyeux.

L’objectif de cette contribution est d’une part d’analyser les différentes perceptions d’incertitude au travail, et d’autre part d’analyser dans quelle mesure les perceptions et la gestion des situations d’incertitude au travail sont influencées par les dimensions de conscience, de névrosisme et d’extraversion.

Méthode

Participants

Les participants sont issus d’une plus large enquête menée auprès des travailleurs d’une grande organisation du secteur public (population-cible : 25600 travailleurs ; taux de participation : 22,6%).

Parmi ce large échantillon, nous avons retenu les travailleurs qui perçoivent actuellement, en général et face à l’avenir (3 questions) le plus d’incertitude. Ce sous-échantillon se compose de 80 répondants. Il se répartit de la manière suivante: 62% d’hommes et 38% de femmes; 9% ont moins de 30 ans, 18% entre 31 et 40 ans, 18% entre 41 et 50 ans, et 55% ont plus de 51 ans ; 49% ont un niveau d’études secondaire, 35% un niveau supérieur et 16% un niveau universitaire ; 73% sont membres d’une équipe, 20% chefs d’équipe et 7% chefs de chefs. La moyenne de l’ancienneté est de 22 ans (SD=13).

Outils

Incertitude au travail

Nous avons construit un questionnaire de type Likert couvrant les différentes façons de penser et d’agir face à un environnement de travail incertain, à partir des travaux de différents auteurs (Greco

& Roger, 2001; Gosselin, Ladouceur, Evers, Laverdière, Routhier et al., 2008; Sorrentino, Nezlek, Yasunaga, Kouhara, Otsubo et al., 2008). Un pré-test (n=337) a permis une purification de l’instrument de mesure en 36 items. Exemples d’items : « J’aime considérer une nouvelle expérience comme un défi à relever », « Ne pas savoir ce que l’avenir me réserve m’amène à m’inquiéter », « Je m’applique à garder mes activités sous contrôle », « Je ne recours pas aux autres pour me rassurer lorsque je suis incertain(e) », « J’évite les situations qui sont susceptibles de présenter des imprévus ».

Personnalité

La personnalité est analysée à l’aide du NEO-PI-R (Costa & McCrae, 1992) : 8 items par dimension étudiée (Conscience, Névrosisme, Extraversion), soit 24 items, ont été sélectionnés sur base de leur adéquation à une enquête dans le milieu professionnel. Des exemples d’items utilisés sont : « J’ai beaucoup d’autodiscipline » (Conscience) ; « Je me sens souvent tendu et nerveux » (Névrosisme) ;

« J’aime bien être là où il y a de l’action » (Extraversion).

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Résultats

Une analyse exploratoire (analyse en axes principaux, solution ouverte, rotation varimax) du questionnaire sur l’incertitude a permis d’extraire cinq facteurs ; une analyse confirmatoire a permis de confirmer la structure (Chi Sq.=1326, p <.00, CFI=.90, GFI=.93, RMSEA <.06). Ces dimensions sont d’une part, deux perceptions générales face à l’incertitude : l’une que l’on peut qualifier d’optimiste ou constructive, et l’autre de plutôt épuisante : une difficulté à la vivre ou une

“incertitude usante”. L'incertitude constructive est vue comme l'occasion d'apprendre, de s'adapter, de relever un défi, de se stimuler, de varier les situations ; l’incertitude perçue comme usante est nourrie d’appréhensions face à l'avenir, de difficultés à supporter l'attente dans les situations incertaines, d’un malaise ou d’une anxiété face au changement et au sein de ce qui n'est pas clair.

D’autre part, trois façons d'agir ou de réagir face à cette incertitude perçue : le besoin de garder les choses sous contrôle (planifier précisément, chercher à savoir à l'avance ce que l'on aura à faire, analyser soigneusement l'information disponible, penser les choses à fond), la recherche de réassurance (recourir aux autres pour être rassuré ou conseillé, se remettre en question), et enfin l'évitement (ne pas s'engager dans des activités ou responsabilités comportant une part d'incertitude ou susceptibles de présenter des imprévus, se désengager d'un projet devenant trop incertain). Ces dimensions obtenues permettent d’analyser assez finement l’attitude des travailleurs face aux expériences d’incertitude.

Chez les personnes qui perçoivent beaucoup d’incertitude au niveau professionnel, le fait d’avoir un trait de caractère fort consciencieux favorise une vision de l’incertitude significativement plus constructive que chez les personnes peu consciencieuses : F (2, 64) = 4,38 ; p <.012 ; les personnes fort consciencieuses ont également une volonté de contrôler le cours des événements incertains significativement plus importante par rapport à des personnes faiblement ou moyennement consciencieuses : F (2, 66) = 5,33 ; p <.028 (voir fig. 1).

Figure 1. Moyennes aux scores « Incertitude constructive » et « Contrôler l’incertitude » en fonction du niveau de conscience (trois niveaux).

Les personnes qui sont émotionnellement les plus stables sont aussi celles qui voient le plus l’incertitude comme étant constructive : F (2, 67) = 8,60 ; p <.001 ; les personnes d’un névrosisme élevé ont, quant à elles, beaucoup plus de mal à vivre les expériences d’incertitude que celles avec un névrosisme faible ou moyen : F (2, 67) = 8,64 ; p <.004 (voir fig. 2).

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Figure 2. Moyennes aux scores « Incertitude constructive » et « Incertitude usante » en fonction du niveau de névrosisme (trois niveaux).

Alors que les personnes au caractère fortement consciencieux ont révélé avoir plus de volonté à contrôler les événements incertains, celles qui ont un trait de Névrosisme élevé montrent au contraire une tendance prononcée à éviter ces expériences incertaines : F (2, 69) = 9,39 ; p <.002 (voir fig. 5) et à aller vers les autres en période d’incertitude afin de chercher une réassurance : F (2, 68) = 4,06 ; p <.023 (voir fig. 3).

Figure 3. Moyennes aux scores « Eviter l’incertitude » et « Se réassurer en incertitude » en fonction du niveau de névrosisme (trois niveaux).

Enfin, les personnes dotées d’une extraversion moyenne ou forte perçoivent plus l’incertitude comme étant constructive par rapport aux personnes faiblement extraverties : F (2, 66) = 7,59 ; p

<.003 (voir fig. 4) mais elles ne tentent pas particulièrement de contrôler les événements incertains, comme c’est le cas chez les individus fort consciencieux.

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Figure 4. Moyennes au score « Incertitude constructuve » en fonction du niveau d’extraversion (trois niveaux).

Conclusions

Les analyses mettent en lumière deux perceptions générales face à l’incertitude : l’une que l’on peut qualifier d’optimiste, et l’autre de plus usante. Trois façons d'agir ou de réagir face à l’incertitude perçue ont été mise en évidence : le besoin de garder les choses sous contrôle, la recherche de réassurance et enfin l'évitement.

Notre étude permet aussi de préciser que la pénibilité pour l’individu qui vit des expériences d’incertitude au travail (inquiétude, épuisement, anxiété) est en lien avec une forte instabilité émotionnelle (trait de névrosisme élevé), et que les personnes présentant ces caractéristiques cherchent alors à éviter ces expériences d’incertitude ou à se réassurer auprès des autres ; l’extraversion conduirait quant à elle à considérer une nouvelle expérience comme un défi à relever ainsi qu’à apprécier la variété, le changement, l’incertitude de l’avenir.

Bibliographie

Buhr, K., & Dugas, M. J. (2009). The role of fear of anxiety and intolerance of uncertainty in worry: An experimental manipulation. Behaviour Research and Therapy, 47, 215-223.

Costa, P.T., & McCrae, R.R. (1998). NEO PI-R Inventaire de personnalité révisé (Rolland, J.P. adaptation française), Paris: Centre de Psychologie Appliqué.

Dugas, M. J., Freeston, M. H., & Ladouceur, R. (1997). Intolerance of uncertainty and problem orientation in worry.

Cognitive Therapy and Research, 21, 593-606

Dugas, M.J., Gosselin, P., & Ladouceur, R. (2001). Intolerance of uncertainty and worry : Investigating specificity in a nonclinical sample. Cognitive Therapy and Research, 25 (5), 551-558.

Gosselin, P., Ladouceur, R., Evers, A., Laverdière, A., Routhier, S., & Tremblay-Picard, M. (2008). Evaluation of intolerance of uncertainty: Development and validation of a new self-report measure. Journal of Anxiety Disorders, 22, 1427-1439.

Greco, V., & Roger, D. (2001). Coping with uncertainty: The construction and validation of a new measure. Personality and Individual Differences, 31, 519-534.

Langlois, F., Freeston, M. H. & Ladouceur, R. (2000). Differences and similarities between obsessive intrusive thoughts and worry in a non-clinical population: study 1, Behaviour Research and Therapy, 38, 157–173.

Proulx, S. (2009). La confiance: ce qui fait lien au temps de l’incertitude informationnelle. In C. Lobet-Maris, R. Lucas,

Références

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