3 Equations de Laplace et de Poisson
3.1 Formule d’int´ egration par parties
Soit Ω⊂ Rd un domaine born´e `a bord r´egulier ∂Ω de classe C1. On note ν = ν(x) le vecteur normal ext´erieur au point x∈ ∂Ω. Pour toutes fonctions u, v∈C1(Ω) on a
Z
Ω
u∂v
∂xj
dx= Z
∂Ω
u v νjdσ− Z
Ω
∂u
∂xj
v dx, (3.1)
o`uνj d´esigne laj-i`eme composante du vecteurν. Dans le casd= 2, la d´emons- tration de (3.1) est donn´ee au paragraphe 6.2.
Soit ∆ l’op´erateur de Laplace :
∆ =
d
X
j=1
∂2
∂x2j.
En utilisant (3.1) on obtient facilement lesformules de Green pour toutes fonc- tionsu, v∈C2(Ω) :
Z
Ω
∆u v dx=−
d
X
j=1
Z
Ω
∂u
∂xj
∂v
∂xj
dx+ Z
∂Ω
∂u
∂ν v dσ, (3.2) Z
Ω
∆u v−u∆v dx=
Z
∂Ω
∂u
∂νv−∂v
∂νu
dσ, (3.3)
o`u ∂u∂ν =P
j
∂u
∂xjνj d´esigne la d´eriv´ee normale deu.
Exercice 3.1. D´emontrer les relations (3.2) et (3.3).
3.2 Relations pour les valeurs moyennes
Th´eor`eme 3.2. Soit Ω ⊂Rd un ouvert et u ∈ C2(Ω) une fonction v´erifiant l’´equation∆u= 0 dansΩ. Alors pour toute boule BR=BR(y)⊂Ωon a
u(y) = 1 dωdRd−1
Z
∂BR
u dσ= 1 ωdRd
Z
BR
u dx, (3.4)
o`uωd d´esigne le volume de la boule unit´e dans Rd.
D´emonstration. Soitρ∈]0, R[. On applique la formule de Green (3.2) avecv≡1 et Ω =BR:
0 = Z
Bρ
∆u dx= Z
∂Bρ
∂u
∂νdσ. (3.5)
Pour simplifier, on suppose quey= 0. En passant aux coordonn´ees polaires, on obtient (voir (6.2))
Z
∂Bρ
∂u
∂ν dσ= Z
∂B1
∂u
∂ν(ρω)ρd−1dω=ρd−1 ∂
∂ρ Z
∂B1
u(ρω)dω
=ρd−1 ∂
∂ρ
ρ1−d Z
∂Bρ
u dσ
.
On reporte cette ´egalit´e dans (3.5) et on int`egre enρ∈]ε, R[ : R1−d
Z
∂BR
u dσ =ε1−d Z
∂Bε
u dσ=ε1−d Z
∂Bε
u(0)+O(ε)
dσ=dωdu(0)+O(ε), d’o`u la premi`ere ´egalit´e de (3.4). Pour obtenir la deuxi`eme ´egalit´e, il suffit d’´ecrire
dωdρd−1u(y) = Z
∂Bρ
u dσ, 0< ρ < R, et d’int´egrer cette relation par rapport `aρ∈]0, R[.
Exercice 3.3. Montrer que siu∈C2(Ω) et ∆u≥0, alors u(y)≤ 1
dωdRd−1 Z
∂B
u dσ= 1 ωdRd
Z
B
u dx.
De mˆeme, si ∆u≤0, on a l’in´egalit´e inverse.
3.3 Principe du maximum et unicit´ e pour le probl` eme de Dirichlet
Soit Ω⊂Rd un ouvert connexe et u∈ C2(Ω). On dit uest harmonique si
∆u(x) = 0 pour toutx∈Ω.
Th´eor`eme 3.4. Soit u ∈ C2(Ω) une fonction harmonique. Supposons qu’il existe y∈Ωtel que
u(y) = sup
x∈Ω
u(x).
Alorsu≡const.
Corollaire 3.5. Soit Ω ⊂ Rd un domaine born´e et u ∈ C2(Ω)∩C(Ω) une fonction harmonique. Alors
inf∂Ωu≤u(x)≤sup
∂Ω
u pour toutx∈Ω. (3.6)
Corollaire 3.6. Soientu, v∈C2(Ω)∩C(Ω)deux fonctions telles que∆u= ∆v dansΩet u=v sur ∂Ω. Alorsu≡v.
D´emonstration du th´eor`eme. Soit M = supΩuet ΩM ={x∈ Ω, u(x) = M}.
Alors ΩM est ferm´e dans Ω et non vide. Montrons que ΩM est ouvert. Soit z ∈ ΩM et B = BR(z) ⊂ Ω une boule. On applique la relation (3.4) `a la fonction harmonique u−M :
0 =u(z)−M = 1 ωdRd
Z
B
(u−M)dx≤0,
d’o`u on conclut queu=M dansBR(z), et doncBR(z)⊂ΩM. Comme ΩM 6=∅ est connexe et `a la fois ouvert et ferm´e, on voit que ΩM = Ω etu≡M dans Ω.
3.4 In´ egalit´ e de Harnack
Th´eor`eme 3.7. Soitu∈C2(Ω) une fonction harmonique non n´egative. Alors pour tout domaine connexe born´eΩ′⊂Ωtel queΩ′ ⊂Ωil existe une constante C=C(d,Ω′,Ω)>0 telle que
sup
Ω′
u≤Cinf
Ω′ u. (3.7)
D´emonstration. Soity∈Ω etB4R(y)⊂Ω. Alors pourx1, x2∈BR(y) on a u(x1) = 1
ωdRd Z
BR(x1)
u dx≤ 1 ωdRd
Z
B2R(y)
u dx,
u(x2) = 1 ωd(3R)d
Z
B3R(x2)
u dx= 1 ωd(3R)d
Z
B2R(y)
u dx,
d’o`u on conclut que
u(x1)≤3du(x2) pour tousx1, x2∈BR(y).
Cette in´egalit´e entraˆıne que sup
BR(y)
u≤3d inf
BR(y)u. (3.8)
Un argument de compacit´e permet d’obtenir (3.7) `a l’aide de l’in´egalite (3.8).
3.5 Repr´ esentation de Green
On utilise maintenant les formules de Green pour obtenir une repr´esentation d’une fonctionu∈C2(Ω) `a l’aide de ∆uet des valeurs de uet ∂u∂ν sur∂Ω. Soit
Γ(x) =
1 d(2−d)ωd
|x|2−d pour d≥3, 1
2πln|x| pour d= 2.
Exercice 3.8. Montrer que
∂jΓ(x) = xj
dωd
|x|−d, (3.9)
∂i∂jΓ(x) = 1 dωd
δij−dxixj|x|−2
|x|−d. (3.10)
En d´eduire que la fonction Γ est harmonique pourx6= 0 et v´erifie les in´egalit´es
|∂jΓ(x)| ≤ 1 dωd
|x|1−d, (3.11)
|∂i∂jΓ(x)| ≤ 1 ωd
|x|−d. (3.12)
Th´eor`eme 3.9. Soit u ∈ C2(Ω), o`u Ω ⊂ Rd est un domaine born´e `a bord r´egulier. Alors
u(x) = Z
Ω
Γ(x−y)∆u(y)dy+ Z
∂Ω
u(y)∂Γ
∂ν(x−y)−Γ(x−y)∂u
∂ν(y)
dσ, x∈Ω.
(3.13) Corollaire 3.10. Soitu∈C2(Ω) une fonction harmonique. Alorsu∈C∞(Ω).
D´emonstration. Soitx∈Ω etBε⊂Ω la boule de centrexet de rayonε >0. On applique la formule de Green (3.3) avecv= Γ(x− ·) et Ω remplac´e par Ω\Bε. Comme Γ(x−y) est harmonique enypour y6=x, on obtient
Z
Ω\Bε
Γ(x−y)∆u(y)dy= Z
∂Ω
Γ∂u
∂ν−u∂Γ
∂ν dσ+
Z
∂Bε
Γ∂u
∂ν−u∂Γ
∂ν
dσ. (3.14) Il est facile `a voir que
Z
∂Bε
Γ∂u
∂νdσ =
Γ(ε)
Z
∂Bε
∂u
∂νdσ
≤dωdεd−1sup
∂Bε
|∇u| →0, Z
∂Bε
u∂Γ
∂ν dσ=−ε1−d dωd
Z
∂Bε
u dσ→ −u(x)
quand ε → 0+. En utilisant ces relations pour passer `a la limite dans (3.14) lorsqueε→0+, on obtient (3.13).
Exercice 3.11. Montrer que siu∈C2(Rd) est une fonction `a support compact, alors
u(x) = Z
Rd
Γ(x−y)∆u(y)dy, x∈Rd.
Soit maintenanthx(y),x∈Ω, une famille de fonctions harmonique enytelle que
hx(y) =−Γ(x−y) pourx∈Ω,y∈∂Ω. (3.15)
Alors, d’apr`es la formule (3.3) avecv=hx, on a 0 =
Z
∂Ω
h∆u(y)dy+ Z
∂Ω
∂h
∂νu−∂u
∂νh
dσ, x∈Ω. (3.16) En prenant la somme de (3.13) et (3.16), pour toute fonction u ∈ C2(Ω) on obtient
u(x) = Z
Ω
G(x, y)∆u(y)dy+ Z
∂Ω
u(y)∂G(x, y)
∂νy
dσ, x∈Ω, (3.17) o`u G(x, y) = Γ(x−y) +hx(y), et on a utilis´e la condition (3.15). On appelle G=G(x, y) la fonction de Green pour le probl`eme de Dirichlet.
3.6 Existence de solution
Th´eor`eme 3.12. Soit Ω⊂Rd un domaine born´e `a bord r´egulier. Alors pour toute fonction ϕ ∈C(∂Ω)il existe une unique solution u∈ C2(Ω)∩C(Ω) du probl`eme
∆u= 0 dans Ω, u
∂Ω=ϕ. (3.18)
D´emonstration. L’unicit´e est d´emontr´ee dans le corollaire 3.6. Nous n’allons d´emontrer l’existence que dans le cas Ω =BR={x∈Rd:|x|< R}.
Pourx6= 0, on pose ˆx=|x|R22x. On v´erifie facilement (exercice) que la fonction
hx(y) =
( −Γ |x|R(ˆx−y)
, x6= 0,
−Γ(R), x= 0, est solution du probl`eme
∆yhx= 0 dansBR, hx
∂BR=−Γ(x−y).
Donc, on d´efinit la fonction de Green par G(x, y) =
( Γ(x−y)−Γ |x|R(ˆx−y)
, x6= 0, Γ(x−y)−Γ(R), x= 0, Montrons que la fonction
u(x) = ( R
∂BR
∂G(x,y)
∂νy ϕ(y)dσ, x∈BR, ϕ(x), x∈∂BR,
est solution du probl`eme (3.18) avec Ω =BR. En effet, on a
∆xG(x, y) = ∆x
∂
∂νy
G(x, y) = 0 pourx∈BR,y∈∂BR.
Ceci entraˆıne que ∆u= 0 dansBR. Pour montrer que u∈C(BR), on applique la formule (3.17) `a la fonctionu≡1.
Z
∂BR
∂G(x, y)
∂νy
dσ= 1.
De plus, on v´erifie que
∂G(x, y)
∂νy
= R2− |x|2
dωdR|x−y|d, x∈BR, y∈∂BR.
Soitx0∈∂BR et ε >0. On choisit des constantesδ >0 etM >0 telles que
|ϕ(x)−ϕ(x0)|< ε pour|x−x0|< δ, |ϕ| ≤M sur∂BR. Alors, pour|x−x0|< δ/2, on obtient
|u(x)−ϕ(x0)|<
Z
∂BR
∂G(x, y)
∂νy
(ϕ(y)−ϕ(x0)dσ
= Z
|y−x0|<δ
+ Z
|y−x0|>δ
≤ε+ 2M(R2− |x|2)Rd−2 (δ/2)d . Si |x−x0| ≪1, alors le deuxi`eme terme est major´e parε. Donc,
x→xlim0
u(x) =ϕ(x0) pour toutx∈∂BR.
Corollaire 3.13 (Formule de Poisson). La solution du probl`eme (3.18) avec Ω =BR est donn´ee par
u(x) = R2− |x|2 dωdR
Z
∂BR
ϕ(y)
|x−y|ddσ
Th´eor`eme 3.14. SoitΩ⊂Rdun domaine born´e `a bord r´egulier etf ∈C2(Ω), ϕ∈C(Ω). Alors il existe une unique solution u∈C2(Ω)∩C(Ω)du probl`eme
∆u=f dansΩ, u
∂Ω=ϕ. (3.19)
D´emonstration. Il suffit de montrer l’existence de solution. Soit ˜f ∈C2(Rd) une fonction `a support compact telle que ˜f|∂Ω=f. On d´efinit la fonction
v(x) = Z
Rd
Γ(x−y) ˜f(y)dy. (3.20) Supposons que nous avons montr´e quev∈C2(Rd) et ∆v= ˜f surRd. On cherche une solution de (3.19) sous la formeu=v+w. La fonctionwdoit ˆetre solution du probl`eme
∆w= 0 dans Ω, w
∂Ω=ϕ−v ∂Ω.
D’apr`es le th´eor`eme 3.12, ce probl`eme a une unique solutionw∈C2(Ω)∩C(Ω).
On conclut que la fonction u= v+w appartient `a l’espace C2(Ω)∩C(Ω) et v´erifie (3.19).
On montre maintenant les propri´et´es ´enonc´ees de la fonctionv. On a v(x) =
Z
Rd
Γ(y) ˜f(x−y)dy, d’o`u on voit quev∈C2(Rd) et
∆v(x) = Z
Rd
Γ(y)∆xf˜(x−y)dy= Z
Bε
+ Z
Rd\Bε
=Iε+Jε. (3.21) Comme Γ est int´egrable, on a
Iε→0 quandε→0+. (3.22)
De plus, en utilisant la formule de Green, on obtient Jε=
Z
Rd\Bε
Γ(y)∆xf˜(x−y)dy
= Z
∂Bε
∂f˜(x−y)
∂νy
Γ(y)−∂Γ(y)
∂νy
f˜(x−y)
dσε→0→ f(x). (3.23) En comparant (3.21) – (3.23), on voit que ∆v= ˜f.