Daniel Ferrand (Novembre 2005)
La correction de copies m’a fait penser qu’un r´esum´e, en forme de guide de lecture, serait peut-ˆetre utile aux agr´egatifs sur ce sujet. Il est suivi par deux exemples qui mettent en oeuvre la plupart des notions signal´ees.
Sigles pour les r´ef´erences A IV= Bourbaki,Alg`ebre,ch IV AF= Arnaudi`es - Fraysse, Alg`ebre, G= Gourdon,Alg`ebre,
J= Jacobson,Basic Algebra I
LFA= Lelong-Ferrand et Arnaudies,Alg`ebre
1. - D´efinitions
1.1. Il y a deux points de vue pour aborder les polynˆomes : on peut commencer par d´efinir ce qu’estun polynˆome, puis introduire les op´erations qui font de leur ensemble une alg`ebre. De ce point de vue, rappelons que tout ´el´ement de A[X1, . . . , Xn] s’´ecrit de fa¸con unique comme combinaison lin´eaire,
`
a coefficients dans A, des monˆomes Xm = X1m(1)· · ·Xnm(n), o`u m parcourt l’ensemble des suites de n entiers≥ 0. Le produit des polynˆomes est d´efini en prolongeant par lin´earit´e le produit des monˆomes, lequel est associ´e `a la somme desn-uples :
XmXm0 =X1m(1)· · ·Xnm(n)X1m0(1)· · ·Xnm0(n)=X1m(1)+m0(1)· · ·Xnm(n)+m0(n)=Xm+m0.
Certains manuels, dans le souci louable d’ˆetre imm´ediatement compr´ehensibles, introduisent d’abord l’an- neauA[X] des polynˆomes `a une ind´etermin´ee, et d´efinissent ensuite l’anneauA[X1, . . . , Xn] de proche en proche par la r`egleA[X1, . . . , Xn] = (A[X1, . . . , Xn−1])[Xn].
Le second point de vue consiste `a d´efinir d’abord l’alg`ebre des polynˆomes par ses relations avec les autres alg`ebres, et, si n´ecessaire, pr´eciser ensuite la forme de ses ´el´ements. Cela s’exprime par une propri´et´e universelle, trop souvent n´eglig´ee.
SoitA un anneau (commutatif et unitaire). Pour une ind´etermin´ee, la propri´et´e universelle de A[X] s’´enonce ainsi : le couple (A → A[X], X) est universel parmi les couples (ϕ : A → B, b) form´es d’une A-alg`ebre commutative et d’un ´el´ementb∈B; cela signifie que pour tout tel couple il existe un unique morphisme deA-alg`ebres ϕX→b:A[X]→B, tel queϕX→b(X) =b.
Pour n ind´etermin´ees, la propri´et´e est analogue : pour toute A-alg`ebre commutativeϕ :A → B, et toute suiteb.= (b1, . . . , bn) den´el´ements de B, il existe un unique morphisme deA-alg`ebres
ϕX.→b. :A[X1, . . . , Xn] −→ B, qui envoieXi surbi, pour 1≤i≤n.
R´ef :AF p.406 ; J p.120
1.2. Cette propri´et´e universelle facilite certaines v´erifications.
Consid´erons, par exemple, un groupeGagissant sur un espace vectorielV sur un corps K; une telle action est la donn´ee, pour tout g ∈ G, d’un isomorphisme K-lin´eaire gV : V → V, de telle sorte que 1V = IdV, et que pourg ethdansG, on ait (gh)V =gV ◦hV.
Si V est de dimension n, le choix d’une base permet d’identifier V avec le sous-espace de S = K[X1, . . . , Xn] form´e des polynˆomes homog`enes de degr´e 1, et on consid`ere dor´enavent les Xi comme
1
formant une base deV. On ´etend l’action deGsurV en une action deGsur laK-alg`ebreS, de la fa¸con suivante :
Pour g ∈ G, gS : S = K[X1, ..., Xn] −→ S est l’unique morphisme de K-alg`ebres tel que gS(Xi) = gV(Xi) ; la restriction de ce morphisme au sous-espace des polynˆomes de degr´e 1 est pr´ecis´ement l’auto- morphisme donn´egV. Pour get hdansG, on a (gh)S=gS◦hSpuisque ces deux morphismes ont mˆeme restriction `aV =KX1⊕· · ·⊕KXn, et que l’extension `aSest unique. Comme chaque ´el´ement deGadmet un inverse, chacun des morphismes gS admet un morphisme r´eciproque, et est donc unautomorphisme de laK-alg`ebreS; de plus, l’applicationG→AutK−alg(S), g7→gSest un morphisme de groupes.
R´ef : LFA p.156 2. Degr´es
2.1. Il est souvent tr`es utile de d´ecomposerS=K[X1, ..., Xn] en une somme directe de sous-modules (libres) de type fini. Pour cela, on introduit divers degr´es : une suite d’entiers ≥ 0, d1, . . . , dn ´etant choisie, on attribue `a Xi le degr´e (ou poids) di. Attribuer le degr´e 0 `a une ind´etermin´ee revient `a la consid´erer comme un scalaire, c’est-`a-dire `a l’adjoindre `a l’anneau de base.
Le degr´e d’un monˆome est alors d´efini par la formule
deg(Xm) = d1m(1) +d2m(2) +· · ·+dnm(n).
Une combinaison lin´eaire de monˆomes de mˆeme degr´edsera nomm´ee un polynˆome homog`ene de degr´ed.
Tout polynˆomeF s’´ecrit alors de fa¸con unique comme une somme finie F =F0+F1+· · ·+Fs,
o`uFd est homog`ene de degr´ed: c’est la somme des monˆomes de degr´edqui figurent dansF. Autrement dit, l’attribution de degr´e aux ind´etermin´ees conduit `a une d´ecomposition deSen la somme directe
S = S0⊕S1⊕ · · · ⊕Sd⊕ · · ·
o`u Sd d´esigne le module des polynˆomes homog`enes de degr´ed. La r`egle de multiplication des monˆomes montre que le produit dans S induit des applications Sd×Se −→ Sd+e; en particulier, S0 est un sous- anneau de S.
Il faut bien comprendre qu’attribuer des degr´es auxXi ne change pas l’anneau des polynˆomes ; c’est seulement organiser un fa¸con de le voir (de mˆeme que choisir une base d’une espace vectoriel ne le modifie pas). Rappelons un exemple familier : les polynˆomess1=X+Y ets2=XY sont, dans l’anneauK[X, Y], de degr´e 1 et 2 respectivement ; on sait (voir 6.1) qu’ils sont alg´ebriquement ind´ependants et que, par suite, le sous-anneau K[s1, s2] ⊂K[X, Y] est isomorphe `a l’anneau des polynˆomes en 2 ind´etermin´ees ; de ce point de vue on attribue, souvent le degr´e 1 `a s1et `as2.
2.2. Crit`ere :Pour qu’un polynˆome F soit homog`ene de degr´ed, il faut et il suffit que, dans l’anneau S[Z], l’on ait F(Zd1X1, . . . , ZdnXn) =ZdF(X1, . . . , Xn)
Lorsque on munit les ind´etermin´ees du degr´e 1, on retrouve ce qui sert de d´efinition de l’homog´en´eit´e en analyse.
Application `a l’irr´eductibilit´e :
2.3. Soit K un anneau factoriel, par exemple un corps, etFd, Fd+1 ∈K[X1, ..., Xn] deux polynˆomes homog`enes de degr´e respectivementdetd+ 1. Si ces polynˆomes sont premiers entre eux, alorsFd+Fd+1 est irr´eductible (donc premier).
Consid´erons en effet une factorisation
Fd+Fd+1 =G.H = (Gr+· · ·+Gs)(Ht+· · ·+Hu)
o`u lesGisont de degr´eiet lesHjde degr´ej; on suppose aussi que les composantes extrˆemesGr, Gs, Ht
etHusont non nulles. On a doncFd=GrHt, d’o`ud=r+t, ainsi queFd+1=GsHu, d’o`ud+ 1 =s+u;
on tire de ces ´egalit´es la relation
(s−r) + (u−t) = 1.
Comme les deux entiers ´ecrits entre parenth`eses sont ≥ 0, on a s = r ou u = t, disons s = r; alors G=Gr, et ce polynˆome diviseFd etFd+1, doncGest une constante inversible.
Cet ´enonc´e admet des variantes :
2.4. SoitKun corps, soitF, G∈K[X3, . . . , Xn]deux polynˆomes premiers entre eux (pas n´ecessairement homog`enes), etretsdeux entiers premiers entre eux. AlorsX1rF+X2sGest irr´eductible dansK[X1, ..., Xn].
En particulier,X1F+G, etX1r+X2s sont irr´eductibles.
L’anneauA=K[X3, . . . , Xn] est factoriel etK[X1, ..., Xn] =A[X1, X2]. Soienttetudeux entiers≥0 tels quesu−rt= 1 ; affectons le degr´et `aX1, et le degr´eu`a X2, de sorte queX1rF est de degr´ert, et X2sGest de degr´esu=rt+ 1. Le r´esultat pr´ecedent permet alors de conclure.
3. - ´Ecritures
Un ´el´ement deA[X1, ..., Xn] peut ˆetre ´ecrit de plusieurs fa¸cons, et il faut toujours choisir la plus simple, i.e. la moins explicite :
– une seule lettre,uouF; il est le plus souvent inutile de s’encombrer de pr´ecisions qui ne serviront qu’`a perdre le temps de les ´ecrire, et `a distraire l’esprit ;
– u0+...+uslorsqu’on fait intervenir la d´ecomposition deuen somme de polynˆomes homog`enesud; – u(X1, ..., Xn) lorsqu’on pense devoir utiliser la propri´et´e universelle, en particulier lorsqu’on consid`ere
la fonction polynˆome associ´ee ;
– X
amXm, lorsqu’on doit consid´erer explicitement les coefficients, par exemple pour certaines ques- tions de divisibilit´e ;
– X
am1,...,mnX1m1X2m2...Xnmn; cette p´enible ´ecriture est presque toujours ´evitable.
4.- Binˆomes
Dans la suite, le passageA[T] ⊂ A[[T]] de l’anneau des polynˆomes `a celui des s´eries formelles permet de consid´erer l’inverse d’un polynˆomeF(T) tel queF(0) = 1, comme une s´erie formelle, sur le mod`ele de la relation de base
(1−T)−1 = 1 +T+T2+· · · Plus g´en´eralement, pour tout entiern(mˆeme n´egatif !), on a
4.1 (1 +T)n = X
d≥0
n d
Td, o`u nd
d´esigne la valeur enndu«polynˆome binomial» X
d
= X(X−1)· · ·(X−d+ 1) d!
Ainsi, pour un entiern≥0, on a −nd
= (−1)d n+d−1d .
V´erifions la formule (4.1) pour les entiers n´egatifs, par r´ecurrence descendante sur n, `a partir du cas n=−1 suppos´e connu (ou admis !). En d´erivant les deux membres de la formule 4.1, on trouve
n(1 +T)n−1 = X
d≥1
n d
dTd−1.
Or, nd
.nd = n−1d−1 .
R´ef : AF p.353 ; LFA p.229
5. - Dimensions
Proposition 5.1 SoientK un corps etS=K[X1, ..., Xn]l’anneau des polynˆomes `anind´etermin´ees.
Attribuons le degr´e di `a Xi, et soit Sd le sous-espace des polynˆomes homog`enes de degr´e d. Alors, dans Q[[T]], on a la relation
X
d≥0
dim(Sd)Td = 1
(1−Td1)· · ·(1−Tdn). En particulier, si chaqueXi est dot´e du degr´e1, on a
dim(Sd) =
n+d−1 d
Posons S0 = K[X1, . . . , Xn−1] ; le noyau du morphisme surjectif S → S0, d´efini par Xn 7→ 0, est engendr´e par les monˆomes multiples deXn; en degr´ed, ce noyau est donc XnS∩Sd =XnSd−dn. Cela implique la relation
dim(Sd) = dim(Sd−dn) + dim(S0d).
Passant `a la s´erie formelle, on obtient X
d≥0
dim(Sd)Td = Tdn.X
d≥0
dim(Sd)Td + X
d≥0
dim(S0d)Td, soit
(1−Tdn)(X
d≥0
dim(Sd)Td) =X
d≥0
dim(S0d)Td. On termine la d´emonstration par r´ecurrence sur le nombre d’ind´etermin´ees.
La derni`ere assertion provient de 4.1, qui s’´ecrit ici 1
(1−T)n = X
d≥0
n+d−1 d
Td.
R´ef : G, p.82
6. -Polynˆomes sym´etriques ´el´ementaires
Etant donn´´ ees n+ 1 ind´etermin´ees T, X1, . . . , Xn, on d´efinit le polynˆome sym´etrique ´el´ementaire de degr´ei, not´e (ce sont les notations de Bourbaki) si(X1, . . . , Xn), par la relation
n
Y
i=1
(1 +T Xi) = 1 +s1T +s2T2+· · ·+snTn. On a donc
si(X1, . . . , Xn) = X
H
Y
j∈H
Xj,
o`uH parcourt l’ensemble des parties `ai´el´ements de{1,2, . . . , n}. Le th´eor`eme suivant est fondamental.
Th´eor`eme 6.1. SoitK un anneau (commutatif et unitaire). PosonsS=K[X1, ..., Xn], et d´esignons par SSn le sous-anneau des polynˆomes sym´etriques.
a) La K-alg`ebre des polynˆomes sym´etriques est engendr´ee par s1, . . . , sn : SSn=K[s1, . . . , sn].
b) Les ´el´ements s1, . . . , sn sont alg´ebriquement ind´ependants surK.
c) La famille des monˆomes Xm =X1m(1). . . Xnm(n) tels que 0 ≤m(i)< i pour 1 ≤i ≤n, est une base deScomme module sur le sous-anneau SSn. En particulier, S est unSSn-module libre de rang n!.
R´ef :
A IV p.58particuli`erement clair.
AF p.424, mais avec l’hypoth`ese stupide queK=C.
G p.78sans d´emonstration, mais avec un proc´ed´e de calcul compr´ehensible.
J p.133court, efficace ; l’anneau de base est quelconque.
LFA p.160, tr`es d´etaill´e, maisKest suppos´e ˆetre un corps alg´ebriquement clos de caract´eristique z´ero
7. - Comment v´erifier que des ´el´ements sont alg´ebriquement ind´ependants ?
Il n’y a pas de proc´ed´e g´en´eral, aussi un exemple simple suffira pour indiquer des m´ethodes possibles.
Deux ´el´ements a et b d’une C-alg`ebre A sont alg´ebriquement ind´ependants (sur C) s’il n’y a pas de polynˆome non nul F ∈ C[X, Y] tel que F(a, b) = 0, autrement dit si le morphisme de C-alg`ebres C[S, T]−→A, d´efini parS7→aet T 7→best injectif. Dans ce paragraphe, je note : a
b le morphisme C[S, T]−→A, S7→a, T 7→b.
La d´emarche propos´ee consiste `a factoriser ce morphisme en un compos´e de morphismes suffisamment simples pour ˆetre visiblement injectifs.
Voici un exemple explicite qui sera utilis´e plus bas (§11).
7.1. Les polynˆomesX4+Y4 etX2Y2 deC[X, Y]sont alg´ebriquement ind´ependants.
Commen¸cons par une remarque.
7.2. Si petq sont des entiers≥1, le morphisme C[X, Y]→C[X, Y] d´efini parX 7→Xp, Y 7→Yq, c’est-`a-direXp
Yq , est injectif.
Car l’image de la base (XiYj)(i,j) est la partie libre (XpiYqj)(i,j).
Pour v´erifier 7.1, il suffit donc de v´erifier que X2+Y2 et XY sont alg´ebriquement ind´ependants, puisque le morphismeX4+Y4
X2Y2 se factorise en C[S, T]{X2 +YXY 2}
−→ C[X, Y]{XY22}
−→ C[X, Y].
Or, le morphismeX2+Y2
XY se d´ecompose en C[S, T]{U−2VV }
−→ C[U, V]{UV2}
−→ C[U, V]{X+YXY }
−→ C[X, Y] Le premier morphisme U−2V
V est un isomorphisme, le second est injectif d’apr`es 7.2, et X+Y XY est injectif puisque ses composantes sont les polynˆomes sym´etriques ´el´ementaires enX et Y (voir 6.1).
8. - Relations de Newton et de Waring
Les sommes de puissances, parce que ce sont des polynˆomes sym´etriques, s’expriment en fonction des si; on a pour elles des formules explicites dues `a Newton et Waring. Pla¸cons nous dans l’anneau Z[T, X1, . . . , Xn]. Posons (notations de Bourbaki)
pd = X1d+. . .+Xnd. Consid´erons le polynˆomeF(T) =Qn
i=1(1−T Xi) = 1−s1T+s2T2−. . .+ (−1)nsnTn.On a
−T F0(T)
F(T) = T X1
1−T X1
+· · ·+ T Xn
1−T Xn
.
En utilisant de nouveau le developpement en s´erie formelle (1−Z)−1=P
m≥0Zm, avecZ =T Xi, on trouve
−T F0(T)
F(T) = X
m≥1
Tmpm,
soit, apr`es simplification parT, larelation de Newton (c’est une ´egalit´e dans l’anneauZ[X1, . . . , Xn][[T]])
8.1 F(T).(X
m≥1
Tm−1pm) +F0(T) = 0.
En consid´erant le coefficient deTk, on trouve la forme usuelle (A IV, p.65 ; AF, p.428 ; G, p.81 ; LFA p.166) On peut aller plus loin, suivant Waring, en «int´egrant» cette relation, mais cela oblige `a introduire des d´enominateurs entiers, et donc `a se placer dans l’anneauQ[X1, . . . , Xn][[T]]. Posons
P(T) = X
m≥1
pm m Tm. La relation de Newton s’´ecrit
F0(T)
F(T) = −P0(T).
On en d´eduit par«int´egration»
8.2 F(T) = exp(−P(T)) = 1−P(T) +1
2P(T)2− 1
3!P(T)3. . .
Il faut remarquer que le second membre a bien un sens puisqueP(T) commence parT, doncP(T)k par Tk; ainsi, le coeficient deTk du second membre ne fait intervenir que lesP(T)j pourj≤k.
Comme F(T) = 1−s1T +s2T2−. . .+ (−1)nsnTn, en consid´erant le coefficient de Tk du second membre, on voit que, pour 1≤k≤n, il existe un polynˆomeGk∈Q[X1, . . . , Xn], tel que l’on ait
sk(X1, . . . , Xn) = Gk(p1, . . . , pn).
Si on y tient, et si on a une bonne machine, la formule 8.2 permet de calculer effectivement ces polynˆomes.
Si on cherche, `a l’inverse, `a exprimer les sommes de puissances en fonction dessi, on utilise le logarithme et 8.2 devient
8.3 P(T) = −log(F(T)).
Un petit commentaire s’impose : on peut ´ecrireF(T) = 1−T G(T), avecG(T) =s1−s2T+s3T2· · ·; le logarithme deF est donc bien d´efini ; on trouve la s´erie formelle
8.4 P(T) = T G+T2G2
2 +T3G3 3 +· · · Cette formule est explicit´ee par exemple dansAF p.431.
9. Le th´eor`eme de Molien1
La compr´ehension du r´esultat qui suit n’est pas indispensable pour un agr´egatif. Cependant, outre son int´erˆet culturel ´evident, il a ´et´e, et restera, une source d’inspiration pour les concepteurs des ´epreuves
´
ecrites du concours car il met en oeuvre des notions et des proc´ed´es qui sont, eux, explicitement dans le programme.
1Theodor Molien, ou Molin, (1861-1941), math´ematicien russe qui a commenc´e ses travaux dans l’entourage de Klein et de Frobenius et qui, n’ayant pu trouver de position acad´emique en Allemagne s’est ´etabli vers 1900 `a Tomsk (Sib´erie), dans un isolement math´ematique peu propice `a la recherche. Le r´esultat cit´e date de 1897.
On consid`ere ici l’anneauS=C[X1, . . . , Xn] muni de sa graduation usuelle. On suppose qu’un groupe fini G op`ere sur l’espace V = S1 des polynˆomes homog`enes de degr´e 1, et on ´etend cette action `a S, comme il est expliqu´e dans 1.2. En utilisant 2.2 on voit que chaqueg ∈Ginduit un automorphisme de Sd; on note SGd le sous-espace invariant.
Th´eor`eme de Molien Sous les hypoth`eses pr´ec´edentes, on a X
d≥0
dim(SGd)Td = 1
|G|
X
g∈G
1 det(1−T gV).
Notation et d´efinition : SoitA⊂S=C[X1, . . . , Xn] une sous-C-alg`ebre qui se d´ecompose en la somme directe⊕d≥0Ad, o`uAd=A∩Sd est l’espace des polynˆomes homog`enes de degr´edqui sont dansA. On appelles´erie de Poincar´edeA la s´erie formelle
PA(T) = X
d≥0
dimC(Ad)Td.
Le th´eor`eme de Molien porte donc sur la s´erie de Poincar´e de l’anneau des invariantsA=SG.
Pour simplifier, notonsg(d)l’automorphismegSdinduit pargV surSd; d’apr`es la formule de la trace2, on a
dim(SGd) = 1
|G|
X
g∈G
Tr(g(d)).
Calculons Tr(g(d)). CommegV est d’ordre fini, il est diagonalisable ; choisissons donc une base deV, que l’on persiste `a noter {X1, . . . , Xn}, telle que gXi =ζiXi, o`u les ζi sont les valeurs propres de gV ; en particulier, on a
det(1−T gV) =Y
i
(1−ζiT).
L’espaceSdadmet pour base les monˆomesXm, o`u, comme d´ej`a vu plus haut,mparcourt l’ensemble des suitesm= (m(1), . . . , m(n)) d’entiers≥0 de poids|m|=P
im(i) =d. On a donc g(d)(Xm) = (gX1)m(1)· · ·(gXn)m(n)=ζmXm. (Bien entendu,ζmd´esigne le produit ζ1m(1)· · ·ζnm(n)). On en d´eduit
Tr(g(d)) = X
|m|=d
ζm.
Par suite, en r´eorganisant les sommes, on trouve X
d≥0
Tr(g(d))Td=X
d
X
|m|=d
ζmTd=X
m
ζ1m(1)Tm(1)· · ·ζnm(n)Tm(n)
= (X
d
ζ1dTd)(X
d
ζ2dTd)· · ·(X
d
ζndTd) = (1−ζ1T)−1· · ·(1−ζnT)−1= 1
det(1−T gV).
2SoitGun groupe fini op´erant sur unC-vectorielV. L’endomorphismep=|G|1 P
g∈Ggv´erifie la relationhp=ppour tout h ∈ G. Cela montre d’abord que c’est un proecteur : p2 = p. Cela montre aussi que Im(p) est form´e d’´el´ements invariants sousG; r´eciproquement sixest invariant, il est clair quep(x) =x. Bref,VG= Im(p). Par ailleurs,p´etant un projecteur, l’espaceV est d´ecompos´e en somme directeV = Im(p)⊕Ker(p). Commepest l’identit´e sur le premier facteur et est nul sur le second, on a dim(Im(p)) = Tr(p). Cela entraˆıne laformule de la trace
dim(VG) = 1
|G|
X
g∈G
Tr(g).
10. - Application `a certaines fractions rationnelles On va montrer l’´egalit´e suivante :
10.1 X
ωn=1
1
(1−ωT)(1−ω−1T) = n. 1 +Tn (1−T2)(1−Tn).
Cela n’apporte rien d’´ecrire les d´enominateurs des termes de gauche sous la formeT2−2 cos(2kπn )T+ 1.
Je ne le ferai donc pas. L’id´ee du calcul est d’interpr´eter ces polynˆomes comme des d´eterminants pour pouvoir utiliser le th´eor`eme de Molien.
Consid´erons le groupe (isomorphe au groupeµn des racinesn-`emes de l’unit´e dansC) G ⊂ SL(2,C)
form´e des matrices ω0ω0−1
, o`u ω est une racine n-`eme de l’unit´e. En notant gω l’automorphisme de C[X, Y] d´efini pargω(X) =ωX, etgω(Y) =ω−1Y,on a
det(1−gωT) = (1−ωT)(1−ω−1T).
Il faut donc d´eterminer l’anneau des invariantsA=C[X, Y]G.
Comme les gω sont diagonaux au sens o`u ils envoient un monˆome sur un monˆome du mˆeme bidegr´e, il suffit de caract´eriser les monˆomes invariants. Par ailleurs, le groupeGest cyclique engendr´e par gω si ω est une racine primitive. Fixons donc une telle racine primitive n-`eme de l’unit´e. Comme
gω(XiYj) = ωi−jXiYj,
on voit que ce monˆome est invariant si et seulement si i ≡ j modn . La condition se pr´ecise en : il existe trois entiers≥0,a, betc tels que
0≤c≤n−1, i=c+an, j=c+bn.
Par suite les monˆomes invariantsXiYj sont exactement ceux de la forme (XY)c(Xn)a(Yn)b.
Posons B = C[Xn, Yn] ; on a donc les inclusionsB ⊂ A ⊂C[X, Y]. La remarque qui pr´ec`ede signifie qu’on a une d´ecomposition en une somme directe
A = B⊕XY B⊕(XY)2B⊕ · · · ⊕(XY)n−1B.
En degr´ed, on trouve :
10.2 Ad = Bd⊕XY Bd−2⊕ · · · ⊕(XY)n−1Bd−2n−2.
D’apr`es 7.2,Xn etYn sont alg´ebriquement ind´ependants, et le th´eor`eme 5.1 montre que PB(T) = X
d≥0
dimC(Bd)Td = 1 (1−Tn)2. Par suite, tenant compte de 10.2, on a
PA(T) = PB(T) +T2PB(T) +· · ·T2n−2PB(T) = 1 +T2+· · ·+T2n−2 (1−Tn)2 . En multipliant num´erateur et d´enominateur par 1−T2, et en divisant par 1−Tn, on trouve
PA(T) = 1 +Tn (1−T2)(1−Tn). Le th´eor`eme de Molien conduit alors `a la formule 10.1 .
11. - Invariants sous le groupe quaternionien
Dans ce paragraphe le th´eor`eme de Molien sert `a d´eterminer la structure alg´ebrique (g´en´erateurs et relations) de l’anneau des invariants sous le groupe quaternionienA=C[X, Y]Q8. Pour parvenir vite `a ce qui est en cause ici, on d´efinit le groupe quaternionien de la fa¸con suivante.
Q8=SU(2,Z[i]) ⊂ GL(2,C).
C’est donc le groupe des matricesM de format (2,2), `a coefficients dans l’anneau des entiers de Gauss, de d´eterminant 1, et qui sont unitaires :MtM¯ = 1. En explicitant ces conditions, on trouve les 8 ´el´ements suivants :
11.1 ±
1 0 0 1
, ±
i 0
0
−i
, ± 0
1
−1 0
, ±
0 i i 0
.
Le d´eterminant de ces ´el´ements est ´egal `a 1, et leur trace est nulle sauf pour les deux premiers o`u elle vaut 2 et−2. La relation de Molien s’´ecrit donc
PA(T) = 1 8( 1
(1 +T)2+ 1
(1−T)2 + 6
1 +T2) = 1 +T6 (1−T4)2.
Par ailleurs, on peut v´erifier (mais ´evidemment aucun lecteur ne le fera !) que les polynˆomes u=X4+Y4, v=X2Y2, w=XY(X4−Y4)
sont invariants. On va montrer que C[u, v, w] = A, et que la seule relation entre ces g´en´erateur est la relation ´evidente
w2−u2v+ 4v3 = 0.
D’apr`es 7.1, les polynˆomes u et v sont alg´ebriquement ind´ependants. Montrons que la somme (de sous-espaces vectoriels)B+wB ⊂Aest directe : sinon, en effet, il existepetq dans B tels quep=wq, d’o`up2=q2w2; mais la relation ci-dessus montre quew2 est un polynˆome de degr´e 3 enuet v, ce qui rend impossible la relation p2 = q2w2 dans l’anneau de polynˆomes B = C[u, v]. On peut maintenant montrer queB⊕wB est ´egal `aA en v´erifiant que pour toutdles espaces des polynˆomes de degr´ed(en X et Y) (B⊕wB)d etAd ont la mˆeme dimension.
Comme u et v sont alg´ebriquement ind´ependants, et de degr´e 4 en X, Y, la s´erie de Poincar´e de B=C[u, v] est donn´ee par 5.1.
PB(T) = 1 (1−T4)2. Commew est de degr´e 6 la s´erie de Poincar´e deB⊕wB est
1 +T6 (1−T4)2.
C’est la s´erie de Poincar´e deA, comme on l’a vu plus haut. D’o`u le r´esultat.
On en d´eduit imm´ediatement queSQ8 est isomorphe `aC[U, V, W]/(W2−U2V + 4V3).