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PROCES-VERBAL. Assemblée constituante

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Texte intégral

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PROCES-VERBAL Assemblée constituante

Commission 1

Principes généraux et droits fondamentaux Séance No. 26 – mercredi 16 décembre 2009

7, place de la Taconnerie - 2ème étage 16h00 à 19h00

Présidence : M. GARDIOL Maurice, socialiste pluraliste Présent-e-s : M. AMAUDRUZ Michel, UDC

M. DE DARDEL Nils, SolidaritéS M. DELACHAUX Yves-Patrick, MCG

M. DUFRESNE Alexandre, Les Verts et Associatifs M. EGGLY Jacques-Simon, Libéraux & Indépendants M. GROBET Christian, AVIVO (dès 17h00)

M. HOTTELIER Michel, Libéraux & Indépendants M. LADOR Yves, Associations de Genève

M. MIZRAHI Cyril, socialiste pluraliste (dès 16h30) Mme MÜLLER Corinne, Les Verts et Associatifs M. ROCH Philippe, PDC

M. DE SAUSSURE Christian, G[e]’avance M. WEBER Jacques, Libéraux & Indépendants M. ZIMMERMANN Tristan, socialiste pluraliste M. ZWAHLEN Guy, Radical Ouverture (dès 17h00) Excusé : M. PARDO Soli, UDC

Procès-verbalistes : Mmes Martine Triande / Eliane Monnin

Audition de M. Gabriel Aubert

Professeur ordinaire et directeur du Département de droit du travail et de la sécurité sociale (université de Genève)

et de

M. Jean-Bernard Waeber

Avocat, spécialisé en droit du travail

Le Président accueille MM. Gabriel Aubert et Jean-Bernard Waeber à 17h00 et leur souhaite la bienvenue au nom de la commission 1 et de la commission 5 dont les membres ont été invités à participer à leur audition.

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Audition de MM. Gabriel Aubert et Jean-Bernard Waeber Me Waeber apporte les éléments ci-après :

Art. 3 Cst fed.

L’article 3 de la Constitution fédérale fixe que les cantons sont souverains tant que leur souveraineté n’a pas été limitée par la Constitution fédérale. Les cantons sont des Etats souverains, ils exercent tous les droits qui n’ont pas été délégués à la Confédération. La jurisprudence a fixé que, lorsque la Confédération a légiféré et que la loi qu’elle a adoptée est considérée comme exhaustive, les cantons ne peuvent plus édicter de règles dans ce domaine. Dans les autres domaines, ils doivent de toute façon respecter le droit fédéral. De surcroit, les normes cantonales doivent être conformes aux principes et aux droits garantis par la Constitution. Le principe qui fait l’objet du jour est bien sûr celui de la liberté économique, notamment la faculté laissée aux parties de fixer leurs conditions de travail et de négocier librement ces conditions.

Art. 122 Cst fed.

L’article 122 de la Constitution fédérale donne compétence à la Confédération de légiférer dans le domaine du droit civil, à savoir dans toutes les relations entre particuliers. Les cantons ne peuvent édicter de dispositions de droit civil que dans la mesure où le droit fédéral leur en laisse la compétence. Un bon exemple est le contrat type de travail. Dans le droit civil fédéral, sous le titre X CO, on trouve la réglementation des conditions de travail, des rapports entre l’employeur et le salarié. Ce droit fédéral, qui est considéré comme relativement exhaustif, laisse aux cantons la compétence d’édicter des normes, par exemple de fixation de salaire dans le cadre des contrats types. Il existe des contrats types traditionnels, ainsi il est fait obligation aux cantons d’édicter un contrat type pour la main d’œuvre dans le domaine agricole et également en matière d’économie domestique. La loi fédérale sur les travailleurs détachés et les mesures d’accompagnement aux bilatérales a créé un deuxième contrat type : le contrat type obligatoire. Dans les domaines où il y a de la sous-enchère salariale, les cantons peuvent édicter des contrats types qui fixent des salaires minimaux. Le canton de Genève ne s’est pas fait faute d’utiliser cette disposition : il a d’ailleurs ouvert la voie en édictant notamment un contrat type dans le domaine de l’esthétique.

Lorsque le canton veut éditer des normes de droit public qui vont empiéter dans le domaine du droit privé fédéral, il doit respecter un certain nombre de conditions. La différence entre droit public et droit privé s’établit en fonction de plusieurs critères, notamment le but de la loi, qui contrôle l’application de la loi et en fonction de la sanction qui en résulte. Le titre X CO (Code des obligations) sur les relations entre parties est un exemple de loi de droit privé, le but étant de régler des rapports entre particuliers. Une loi de droit public est la loi sur le travail, celle qui protège les salariés, qui fixe l’interdiction du travail de nuit, les périodes de repos, etc. Ce but de protection est bien un but de droit public : c’est de protéger la santé publique. Au niveau du contrôle de la loi, dans le droit privé, ce sont les particuliers qui en contrôlent l’application par le recours aux tribunaux, l’Etat mettant à disposition les tribunaux.

En revanche, au niveau du droit public, le contrôle est exercé par l’Etat. Par exemple, des agents de police vérifient que la loi sur la circulation routière, qui est évidemment une loi de droit public, est bien respectée. Le troisième critère est la conséquence de la sanction. Dans une loi de droit privé, c’est une indemnité qui est versée au terme d’un procès. Dans une loi de droit public, c’est une amende, voire une peine de prison, et le fruit de l’infraction va dans les caisses de l’Etat.

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La Confédération a la compétence d’édicter le droit privé dans les relations de travail, mais les cantons peuvent édicter des dispositions de droit public cantonal qui restreignent cette compétence. Le très bon exemple, ce sont les lois sur les vacances. Après la deuxième guerre mondiale, des cantons se sont mis à édicter des dispositions sur les vacances, obligeant les employeurs à donner une ou deux semaines de vacances. Les employeurs se sont immédiatement adressés au Tribunal fédéral pour dire qu’il y avait violation du droit privé fédéral. Le Tribunal fédéral, dans plusieurs arrêts, a tranché en disant que dans le fond, le but des vacances, c’est la santé publique, c’est le fait que les travailleurs ont besoin de se reposer. On parlait déjà de stress dans les années 60. Le Tribunal fédéral a donc admis que les cantons pouvaient instituer l’obligation de vacances par des dispositions de droit public. Pour que les cantons puissent édicter des règles de droit public, il faut que le législateur fédéral n’ait pas encore réglementé la matière de manière exhaustive, que les règles cantonales soient justifiées par un intérêt public pertinent et que ces règles n’éludent ni ne contredisent le sens ou l’esprit du droit civil fédéral, ce qui était le cas pour les vacances. On pourrait citer d’autres exemples, celui du parti socialiste jurassien qui proposait que l’aide de l’Etat aux entreprises ne soit limitée qu’à celles qui signent les conventions collectives de travail. Là aussi, le domaine des relations entre associations d’employeurs et associations de travailleurs, c’est du droit privé. Un canton peut-il, par des dispositions de droit public, dire qu’il va aider les entreprises en difficulté uniquement à condition qu’elles signent des conventions collectives de travail ? En l’occurrence, le Tribunal fédéral a estimé que c’était de l’extension déguisée de convention collective de travail, qu’on ne pouvait pas contraindre les entreprises, pour recevoir une aide économique, de signer des conventions collectives de travail.

Art. 110 Cst féd.

L’article 110 de la Constitution fédérale est l’article de base qui octroie la compétence à l’autorité fédérale de fixer des règles en matière de droit du travail, notamment sur la protection des travailleurs, le travail de nuit, le travail du dimanche, etc. Il s’agit là d’un domaine exhaustif parce qu’on a voulu faire une œuvre d’unification de ces règles au niveau fédéral et confier à la Confédération l’ensemble des règles de protection des travailleurs en matière de santé au travail. Dans ce cas, il y a suppression de toutes les compétences cantonales, sauf pour tous les « espaces » que ces législations fédérales laissent aux cantons, notamment les administrations cantonales et communales.

Art. 94 Cst féd.

L’art. 94 Cst fixe les libertés fondamentales, notamment la liberté économique qui garantit la possibilité aux parties de négocier librement leurs relations de travail. Encore une fois, il y a des exceptions. La liberté n’est jamais absolue, les cantons peuvent restreindre les libertés fondamentales à trois conditions. Il faut que ces restrictions reposent sur une base légale, qu’elles soient justifiées par un intérêt public prépondérant et qu’elles respectent le principe de la proportionnalité. Dans l’exemple jurassien déjà cité, le Tribunal fédéral, dans la deuxième partie de son argumentation, a dit que la liberté économique était menacée par cette initiative qui visait à ne permettre l’aide aux entreprises en difficulté que si elles signaient des conventions collectives. S’engager à adhérer à une convention collective, c’est trop demandé parce qu’il y a la liberté contractuelle, la liberté d’adhérer à une association ou pas. En revanche, s’engager à respecter une convention collective pour recevoir une aide économique aurait été possible. Donc, l’initiative du parti socialiste jurassien ne respectait pas le principe de proportionnalité. Elle prônait des mesures trop incisives contre la liberté économique.

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Compétences fédérales exclusives

L’article 342 CO réserve la compétence de la Confédération, des cantons et des communes pour édicter des règles sur les relations de travail dans le droit public cantonal. Il est évident que la loi sur la fonction publique, les règlements communaux, les statuts communaux du personnel sont des règles de droit public. S’agissant de la protection des travailleurs, c’est la loi sur le travail. Dans le droit privé, cette loi étant exhaustive, on ne peut pas édicter de règles protectrices des travailleurs, sauf dans les domaines où la loi sur le travail elle-même prévoit des exceptions.

Dans les domaines qui restent non soumis à la loi sur le travail, il y a les administrations fédérales, cantonales et communales, les entreprises agricoles et l’économie domestique où il existe des contrats types dans chaque canton. Ces derniers sont également libres de faire une réglementation applicable aux ecclésiastiques et à toutes les personnes qui sont au service d’églises. Les fonctions dirigeantes élevées ne tombent pas non plus sous la loi sur le travail car on admet que ces personnes n’ont pas besoin de protection particulière. Les membres de la famille de l’employeur ne sont pas soumis à la loi sur le travail. Ce qui est aussi de la compétence de la Confédération, ce sont tous les relations employeurs- travailleurs, donc les relations entre les associations d’employeurs-associations de travailleurs. La loi fédérale sur les conventions collectives est considérée comme exhaustive.

S’agissant de l’exercice du droit de grève, il parait délicat de le régler différemment dans un canton. Le salaire minimum généralisé est également de la compétence fédérale. Les cantons peuvent-ils édicter un salaire minimum particulier, qui serait bien cadré et proportionnel ? La question est actuellement posée au Tribunal fédéral, puisque dans le canton de Genève, une initiative dans ce sens, l’initiative 142 a été déposée

Compétences cantonales originaires ou concurrentes

L’Etat peut édicter des conditions de travail dans le secteur public, administration, établissements publics cantonaux, communes, régies (SIG, TPG), hôpitaux, Hospice général et même tout le secteur subventionné. Il fixe les salaires minimaux et, en matière de formation professionnelle, les obligations de tous les employeurs publics et parapublics quant à la formation professionnelle continue. S’agissant de la protection de la personnalité, celle des travailleurs est beaucoup plus développée dans les réglementations de droit public que dans celles de droit privé. Quant au congé maternité, Genève a ouvert la voie d’un congé plus étendu et il est le seul canton qui a également un congé d’adoption de 16 semaines. Il existe aussi un congé de paternité (10 jours pendant l’année) que l’on pourrait imaginer plus étendu dans la mesure où il a un but d’utilité publique certain. Il y a le congé parental, soit la possibilité pour l’un des parents de prendre congé tout en gardant sa place de travail ainsi que toutes les mesures en faveur des personnes handicapées.

Il existe aussi une loi fédérale intéressante sur l’élimination des inégalités qui frappent les handicapés. Il est admis qu’un handicapé a un droit subjectif à se plaindre devant un tribunal d’une inégalité qui lui serait causée. L’article 4 de cette loi fédérale n’empêche pas les cantons d’édicter des dispositions plus favorables aux personnes handicapées. On peut se poser la question de savoir s’il serait proportionnel de décider dans une loi cantonale que toutes les entreprises de plus de 100 personnes doivent engager au moins un handicapé.

Organisation judiciaire

Dans la Constitution genevoise, l’article 139 consacre l’existence de la juridiction des Prud’hommes, le tribunal du travail. Le nouveau code de procédure civile fédéral va entrer en vigueur au premier janvier 2011. C’est une compétence que la Confédération avait depuis longtemps, mais qu’elle n’avait pas utilisée, que d’élaborer un code de procédure civile unifié alors qu’on a encore maintenant 26 codes de procédures civiles. Ce code fédéral de

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procédure civile va régler la question des frais judiciaires qui comprennent les frais judiciaires proprement dits et les débours, c'est-à-dire notamment le fait que la partie qui perd son procès doit verser des dépens à celle qui gagne le procès pour indemniser ses frais d’avocat. Il est dit que les cantons peuvent prévoir des dispenses de frais plus larges, jusqu’à 30'000 francs. Au-dessus de cette somme, ce sont les règles de tarification normales de procédure civile qui vont s’appliquer. Or, à Genève actuellement, la juridiction des Prud’hommes est gratuite, quelle que soit la valeur litigieuse. Il serait donc dommage qu’on supprime cette gratuité. Le fait qu’un salarié n’ait pas à se dire que s’il perd son procès, il va devoir payer des dépens à l’avocat de son patron, permet à celui-ci de s’adresser librement à la juridiction des Prud’hommes. S’ils devaient faire le calcul comme dans les procès civils, certainement que les travailleurs défendraient beaucoup moins leurs droits. D’ailleurs, dans le droit civil, les tarifs sont modulés. En matière de droit de la famille, on n’a pas les mêmes tarifs qu’en procédure civile normale, par exemple pour une dispute à propos d’un contrat de vente.

Droits syndicaux

L’article 18 de la loi sur le personnel de l’administration cantonale dit que les syndicats ont le droit, dans la fonction publique genevoise, d’afficher des communications personnelles, de distribuer des tracts. Ils ont le droit de réunir le personnel dans les locaux de l’administration après les heures de travail. On sait l’importance, avec l’évolution du marché du travail et de la concurrence accrue, du partenariat social et des syndicats. Le nombre de conventions collectives étendu, notamment en lien avec les mesures d’accompagnement à la libre- circulation, ont explosé, pour protéger le marché du travail local. D’une certaine manière, on pourrait dire que les employeurs ont plus encore besoin des syndicats pour codifier, pour réglementer les conditions de travail. Malgré cette importance des conventions collectives dans le droit suisse, les droits syndicaux sont vraiment la part congrue. Alors qu’on dit dans le droit de grève que les syndicats doivent contrôler les grèves, qu’une grève sauvage est illégale, on empêche les secrétaires syndicaux d’entrer dans les entreprises. Ne serait-il pas d’intérêt public et proportionnel de dire, par exemple, qu’une fois par année le syndicat de la branche a le droit de venir dans l’entreprise et de tenir une assemblée pour dire ce qu’est un syndicat, pour dire ce qu’est une convention collective et communiquer avec le personnel ? Voilà une mesure en faveur des droits syndicaux où il y a un espace de réglementation, si une loi cantonale mesurée est adoptée.

Le président remercie M. Waeber et passe la parole au professeur Aubert.

M. Aubert observe qu’il est question des frontières entre le droit cantonal et le droit fédéral.

Celles-ci ont toujours été matière à conflits et il n’est pas toujours facile de déterminer exactement quelles sont les compétences de la Confédération ou des cantons. Me Waeber en a expliqué les principes mais force est de reconnaître qu’il y a cinq juges au Tribunal fédéral qui décident à trois contre deux que c’est constitutionnel ou pas. Donc, on ne peut pas donner sur tous les points des réponses garanties à cent pour cent. En revanche, M.

Aubert aimerait faire une autre observation préliminaire. Les questions dont on parle peuvent être de niveau constitutionnel, mais aussi de niveau législatif. Sur ce point, il faut être assez prudent parce que la Constitution pose de grands principes, mais l’application relève du législateur. Par exemple, le problème des panneaux d’affichage dans les entreprises, est-ce une règle de niveau constitutionnel ou législatif ? Il aurait plutôt tendance à penser que c’est une règle de niveau législatif. Il est donc à craindre que si l’on descend trop loin dans le concret, on mette en péril le résultat, parce qu’on sera précis et concret sur des détails de nature législative et les articles que la Constituante adoptera seront sujets à contestation devant le Tribunal fédéral. Si les premières années de vie de la nouvelle Constitution étaient sanctionnées par trois ou quatre arrêts du Tribunal fédéral disant qu’elle dépasse les bornes, le travail de constituant serait peut-être moins apprécié qu’il ne le mériterait en réalité.

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S’agissant des différents points évoqués par Me Waeber, M. Aubert aimerait faire quelques remarques. La première est qu’effectivement, s’agissant de la fonction publique cantonale ou du grand Etat, des établissements publics cantonaux ou du droit des entreprises subventionnées, l’Etat de Genève peut adopter les règles qu’il veut sur le congé d’adoption, le congé paternité, le congé parental. C’est au constituant de décider ce qu’il veut fixer lui- même comme règle principale et ce qu’il veut laisser au législateur le soin de rédiger.

Pour ce qui est du droit privé, M. Aubert est un peu plus réservé que Me Waeber sur certains points. Le congé maternité est un très bon exemple. Avant la loi genevoise sur les allocations en cas de maternité, le droit fédéral prévoyait déjà un congé, une interdiction de travailler pendant 8 semaines et une interdiction de l’employeur d’obliger le salarié à travailler pendant les 8 semaines suivantes. Donc, le congé en tant qu’interdiction de travailler était statué par le droit fédéral. Ce qui était en cause, c’était la perte de gain des salariés. Ce sont deux questions bien différentes, parce que le canton peut instituer toutes les assurances qu’il veut, si ce sont des assurances générales. Cependant, à son avis, le canton ne pouvait pas, dans le cadre de l’assurance maternité, décider que l’employeur devait libérer la femme de l’intégralité des 16 semaines de l’obligation de travailler. Donc il faut distinguer deux choses, les rapports contractuels, dans quelle mesure le législateur peut suspendre l’obligation de travailler, et les indemnités, c'est-à-dire dans quelle mesure le droit cantonal peut décider de boucher les trous. Le congé maternité n’a pas été matière à contestation de ce point de vue, parce que le droit fédéral réglait déjà le problème de la dispense de travailler de la femme.

En revanche, pour ce qui est du congé d’adoption, de paternité ou parental, le droit fédéral ne prévoit rien en la matière. La comparaison qu’a faite Me Waeber avec le droit des vacances est très intéressante. Effectivement, il se produit des évolutions dans l’histoire du droit du travail. À l’époque où le droit fédéral ne prévoyait aucune vacance, tout à coup cette lacune a été comblée progressivement par le droit cantonal, comme cela s’est produit dans d’autres domaines. Les vacances, à l’époque, c’était deux à trois jours, une à deux semaines. La question est donc de savoir dans quelle mesure il serait compatible avec le droit fédéral que le constituant, s’il estime que c’est à lui de le dire, ou le législateur, d’instituer une interdiction d’occuper le salarié pendant la période du congé d’adoption ou de paternité ou parental. Si c’était un ou deux jours, peut-être que cela passerait, mais pendant plusieurs semaines, on peut se demander si cette interdiction est compatible avec le sens et l’esprit du droit fédéral. Or, comme le droit fédéral prévoit déjà un congé maternité, comme il prévoit aussi d’autres types de congé, cela étonnerait M. Aubert que le Tribunal fédéral estime que le droit cantonal peut suspendre l’obligation du salarié de travailler pendant plusieurs semaines. Si le droit cantonal veut fixer une assurance en cas de congé d’adoption ou de paternité ou parental, ce n’est pas un problème. Le problème est que le législateur cantonal ou le constituant cantonal intervienne dans le cadre du contrat de travail. Cela lui parait assez délicat car actuellement, il est de plus en plus admis que le contrat de travail est réglementé par le droit fédéral. A son avis, le constituant, en donnant trop de détails sur la question, s’exposerait à une sanction de la part du Tribunal fédéral.

Quant aux mesures en faveur des personnes handicapées, notamment les quotas d’engagement, là encore, il faut distinguer les deux aspects. Le canton peut adopter des mesures qui concernent la protection des handicapés en général. Il peut favoriser l’intégration des handicapés en subventionnant des institutions. Le législateur cantonal ou le constituant cantonal peut-il obliger un employeur à contracter avec un handicapé alors que le principe fondamental du droit fédéral est la liberté de contracter ? Le droit fédéral prévoit-il l’obligation d’engager des femmes ? Il prévoit une interdiction de discrimination mais il ne prévoit pas l’obligation d’engager. Les quotas fixes ne sont pas très bien vus par le Tribunal fédéral. M. Aubert croit qu’il y a grand risque que l’obligation statuée par le constituant cantonal de contracter à la charge de l’employeur ne soit considérée comme contraire à l’esprit du droit fédéral. Sur ces points, il ne partage pas l’opinion de Me Waeber.

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En prenant l’exemple de l’interdiction de fumer, le Tribunal fédéral a considéré que les initiatives cantonales sur l’interdiction de fumer étaient conformes au droit fédéral parce qu’elles visaient la protection du public en général. Mais une interdiction de fumer dans les entreprises uniquement et dans le cadre des rapports de travail, cela aurait été considéré comme contraire au droit fédéral, parce que ce serait devenu un droit de protection des travailleurs qui relève du droit fédéral. Sur tous ces points, M. Aubert serait d’avis que si le constituant souhaite intervenir, il peut poser les principes et laisser le législateur aménager au mieux, le cas échéant, prendre des risques. Si le constituant dit que l’Etat veille à favoriser les congés d’adoption, paternité et parentaux, personne ne pourra lui reprocher de dire que l’Etat doit favoriser, il peut le favoriser de mille manières. Mais si le constituant dit que l’employeur doit libérer pendant 14 semaines le jeune père ou le père adoptif, il y a danger à faire cela et il vaut mieux laisser le législateur, le cas échéant, prendre des risques.

M. Aubert ne voit aucun problème à ce que l’Etat favorise la formation continue. En revanche qu’il intervienne dans la vie des entreprises sur le plan de la formation continue en obligeant les employeurs à prévoir des programmes, il n’est pas sûr que cela soit conforme au droit fédéral. Pour ce qui est des allocations familiales, il partage l’avis de Me Waeber. S’agissant du droit au travail, c’était un sujet de discussion aigu à la fin du 19ème et au début du 20ème siècle, mais on peut y revenir au début du 21ème siècle. La question est la suivante : L’Etat peut-il être obligé d’occuper tout chômeur ? C’est cela le droit au travail. Il ne voit pas en quoi ce serait contraire au droit fédéral. En revanche, l’Etat cantonal peut-il obliger les entreprises à engager des chômeurs, c’est contraire au droit fédéral. L’expression « droit au travail » est donc trompeuse et il faudra sur ce point être précautionneux.

Pour ce qui est de la procédure civile, la juridiction des prud’hommes est une des rares juridictions spéciales instituées par un article constitutionnel. Il ne saurait suggérer à la Constituante de l’abolir, même si Me Waeber a affiché un optimisme qui n’est peut-être pas dans tous les cas justifié quant au bon fonctionnement de cette juridiction. Défendre des salariés devant les prud’hommes est effectivement un cauchemar. Les employeurs ont les reins plus solides. S’agissant des prud’hommes, les constituants pourraient s’interroger sur le terme « prud’homme » parce que le terme « prud’femmes » n’a pas prospéré ! En période d’égalité, ce serait curieux que la Constitution genevoise consacre un mot qui est peut-être un peu dépassé. La terminologie « juridiction du travail » serait plus appropriée.

En résumé, M. Aubert estime que les observations de Me Waeber sont conformes aux principes posés par le Tribunal fédéral. En revanche, il pense qu’il faut peut-être être plus nuancé s’agissant des risques que pourrait courir une constitution qui interviendrait de façon trop massive dans le domaine des relations contractuelles entre l’employeur et le salarié.

Personnellement, il n’imagine pas du tout le Tribunal fédéral considérant comme conforme au droit fédéral l’interdiction faite à l’employeur d’occuper le salarié pendant 10 semaines après la naissance de l’enfant, mais il peut se tromper.

QUESTIONS/REPONSES Questions

M. ZWAHLEN demande s’il y a aussi des limites en fonction du droit international, par exemple les directives de l’OIT ou autre. Quelles sont-elles ? Il n’est pas spécialiste du droit du travail, mais il a entendu dire qu’un certain nombre de directives ou de conventions de droit international pourraient s’appliquer et limiteraient aussi éventuellement la liberté de pensée au niveau de la Constitution. Dans la mesure où il y a beaucoup d’ambassades et de missions à Genève, M. Zwahlen se demande quelle est la situation des employés par rapport au droit du travail et au droit suisse et quels seraient leurs droits par rapport à la Constitution ?

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M. MOUHANNA remercie Me Waeber et le professeur Aubert qu’il a eu le privilège d’avoir en face de lui lors de négociations extrêmement dures, il y a treize ans, sur le statut de la fonction publique. Il s’en souvient certainement. Il dit avoir été troublé, dans l’intervention du professeur Aubert, d’entendre dire que la Confédération ou le Tribunal fédéral pourrait intervenir au niveau de la Constitution genevoise, lorsqu’il s’agirait de dispositions qui pourraient avoir un caractère plus législatif que constitutionnel. La question qu’il pose est la suivante : à partir du moment où on n’empiète pas sur le droit fédéral, est-ce que le Tribunal fédéral ou la Confédération peut, par exemple, empêcher d’aller plus loin dans le concret en ce qui concerne les dispositions constitutionnelles ? A son sens, lorsque l’on dit que l’Etat veille, cela n’a rien de contraignant. En droit du logement, par exemple, n’est-il pas possible d’aller dans le détail, comme c’est le cas actuellement dans la Constitution ? Au niveau du nucléaire, ne serait-il plus possible de maintenir les dispositions actuelles qui sont extrêmement concrètes et très précises ?

M. DUFRESNE a l’impression que M. Aubert s’est un peu précipité dans son analyse sur le congé paternité. Il s’agit d’une disposition indispensable à la réalisation de l’égalité homme- femme. Sous cet angle, il ne voit pas en quoi le Tribunal fédéral pourrait s’opposer à une telle disposition. Il est aujourd’hui prouvé que le dispositif législatif favorise l’homme dans la sphère professionnelle tandis qu’il favorise la femme dans la sphère privée. Donc il s’agit d’une disposition indispensable pour un but de droit public.

M. DE DARDEL observe qu’il y a des divergences dans le détail, entre les orateurs, plus importantes qu’on ne veut bien le dire. Il partage les propos de M. Mouhanna en ce qui concerne les propos de M. Aubert. La Constitution cantonale, dans un premier temps, est soumise à la garantie du Parlement fédéral. Ce dernier va l’examiner, sur la base d’un message du Conseil fédéral, et il va donner sa garantie ou pas. A son avis, il ne devrait pas y avoir de recours au Tribunal fédéral contre une nouvelle constitution cantonale. Il peut y avoir des décisions d’autorité en exécution d’une disposition constitutionnelle cantonale, mais cela doit intervenir dans un deuxième temps.

Réponses

M. Aubert souligne, en ce qui concerne les rapports entre la Constitution et le droit fédéral, qu’il n’a jamais dit que le droit fédéral pouvait empêcher le constituant d’entrer dans les détails. On peut décider, dans la Constitution, de tous les sentiers que l’on veut faire dans les forêts genevoises, cela ne pose aucun problème. La question est simplement de savoir si, le jour où les constituants fixent des dispositions de détail, ils ne s’exposent pas davantage à la censure que s’ils laissaient faire le législateur. En effet, le législateur pourra toujours refaire son œuvre après un arrêt du Tribunal fédéral qui casse sa décision. Le constituant, si le Tribunal fédéral casse une décision, ne sera plus là pour la refaire. C’est peut-être aussi un point de vue qu’il faudrait prendre en considération. Il dit donc simplement que ce n’est peut-être pas très prudent pour un constituant d’entrer dans trop de détails.

En ce qui concerne le congé paternité, à son sens, ce n’est pas parce qu’il s’agit d’inégalité entre femmes et hommes et ce n’est pas parce qu’il s’agit de droit public que le canton peut faire n’importe quoi. La loi fédérale sur l’égalité pose un certain nombre de principes et en ce qui le concerne, si le canton instituait une assurance paternité, il n’y verrait pas d’inconvénient. Mais si le constituant veut empêcher l’employeur d’occuper le jeune père, il n’est pas sûr que le Tribunal fédéral trouve cette interdiction conforme au Code des obligation actuel. C’est une question ouverte, on peut toujours essayer. Enfin, s’agissant du droit international, les dispositions de droit international qui relèvent, soit de la Convention européenne des droits de l’homme, soit des conventions internationales ne sont pas de nature à entraver le travail du constituant. Les conventions internationales de l’OIT fixent un certain nombre de principes dont certains sont directement applicables. Il est vrai qu’on ne peut pas adopter des règles qui violeraient ces conventions.

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Me Waeber répond à la question sur le personnel des ambassades. Pendant longtemps, cette question était réglée par le DFAE par des directives internes à la Confédération qu’il s’efforçait de faire respecter par les ambassadeurs, par le personnel diplomatique, par les fonctionnaires internationaux. Il y a eu tous les problèmes que vous connaissez, qui ont défrayé la chronique. Le canton de Genève avait alors édicté une réglementation, il avait adapté un contrat type genevois, mais récemment, comme les choses n’étaient pas réglementées de façon satisfaisante, il y a un contrat type fédéral qui a été adopté pour les employés du personnel diplomatique. La question est donc réglée par un contrat type ad hoc.

En ce qui concerne le congé paternité, Me Waeber est en partie d’accord avec le professeur Aubert. Il est vrai qu’un constituant doit surtout poser des principes et laisser au législateur le soin de régler les détails. Mais il faut donner toutes ces compétences au législateur pour qu’il puisse s’en saisir. Opposer des principes, c’est important, et poser des principes nouveaux aussi. On voit que beaucoup de questions d’intérêt public ont avancé par les cantons qui ont adopté des dispositions qui sont devenues par la suite des dispositions fédérales. En matière de protection des handicapés, par exemple, dans la mesure où le droit fédéral laisse une possibilité pour les cantons d’améliorer, il estime que tout le problème réside dans le degré de proportionnalité acceptable de la législation. Effectivement, si on condamnait tout le monde à engager des handicapés, cela ne jouerait pas. Par ailleurs, il pense lui aussi que la comparaison avec l’égalité homme-femme n’est pas adéquate, mais il voit un intérêt public à un congé paternité, que les pères s’investissent plus dans l’éducation de leurs enfants, que dans les premiers jours, il y ait un lien qui se noue. On pourrait instituer quelques jours de congé paternité avec une obligation et il n’y a guère qu’un canton comme Genève, le Jura ou Bâle qui va pouvoir faire avancer les choses de ce point de vue.

Question

Le président rappelle la question de M. de Dardel à savoir si les articles de la Constitution pouvaient être attaqués au Tribunal fédéral en tant que tels.

M. EGGLY se posait la même question. La garantie fédérale, à tort ou à raison étant donnée, comme il n’y a pas de Cour constitutionnelle, faudrait-t-il attendre qu’une loi d’application soit ensuite attaquée au Tribunal fédéral pour que ce soit considéré comme contraire à la Constitution fédérale ? Ce qui reviendrait à vider l’article constitutionnel de sa vraie substance.

Réponse

M. Aubert croit que là encore, le malentendu a été un peu fabriqué. Il n’a pas dit que des recours seraient formés directement contre la Constitution, mais à l’occasion d’applications.

Le constituant est attendu au contour par tous ceux qui ne seraient pas d’accord avec lui et qui n’auraient pas intérêt à ce que la norme soit appliquée. S’il veut faire une constitution qui dure, il ne devrait pas prendre trop de risques au niveau de la précision de la norme. S’il veut faire une constitution de combat, il peut toujours adopter des règles qui resteront des coquilles vides parce que le Tribunal fédéral les aura indirectement invalidées. C’est le risque. Il ne sait pas si la Chancellerie mettra un astérisque à côté des articles en disant qu’ils sont sans objet, ce qui serait quand même nouveau.

S’agissant du congé paternité, il tient à préciser, afin qu’il n’y ait pas de malentendu, qu’il n’a rien, personnellement, contre le congé paternité. Il pense que ce serait une très bonne chose. C’est une question de moyens. Est-ce que c’est le droit fédéral qui doit l’imposer ou est-ce que le droit cantonal peut l’imposer. C’est là la question.

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Question

M. HOTTELIER trouve extrêmement intéressant d’avoir ces regards croisés avec des sensibilités qui sont propres à chacun. C’est aussi un grand bonheur de siéger avec les collègues de la commission 5 et de pouvoir s’exprimer, hors conférence de coordination.

Finalement, les deux commissions parlent de sujets qui sont extrêmement proches, pour la commission 5, au niveau des tâches de l’Etat, pour la commission 1, pour ce qui est des droits fondamentaux. Il a été extrêmement sensible aux propos concernant cette double pertinence : le rapport entre la compétence d’un constituant cantonal par rapport au législateur et le domaine du droit fédéral que Me Waeber a très bien détaillé ; l’autre pertinence est la constitutionnelle. Qu’est-ce qui doit figurer dans la Constitution ? Qu’est ce qui peut, doit ou ne doit pas y figurer ? Les constituants auront l’occasion d’en reparler, aussi bien en commission qu’en plénière. Par rapport à la sanction fédérale sur les normes constitutionnelles qui sortent des sentiers battus, non pas par rapport à la pertinence constitutionnelle cantonale, mais par rapport à la question de la répartition des compétences avec le respect du droit fédéral, il est vrai qu’il n’y a pas de recours possible contre les normes constitutionnelles cantonales qui ont été validées par l’assemblée fédérale. Le professeur Aubert s’est bien expliqué là-dessus. Il a compris qu’une législation cantonale d’exécution prise en application d’une norme constitutionnelle qui, elle-même, pose un problème de compatibilité au regard du droit fédéral, ne vaut rien devant le Tribunal fédéral.

Il y a des précédents.

Pour M. Hottelier, la garantie de l’Assemblée fédérale n’est pas à prendre à la légère. C’est bien d’un contrôle abstrait de constitutionnalité dont il s’agit. A Genève, on le sait bien puisque, ces dernières années, il y a eu deux cas desquels le canton n’est pas sorti grandi.

Le premier est la disposition sur la Cour des comptes calquée sur les conditions d’éligibilité de la Constitution de 1847 en disant que seuls les laïques pouvaient se présenter comme candidats. Il s’excuse d’ores et déjà de parler de manière aussi abrupte – elle ne vaut pas un clou. Il n’y a pas de législation d’application de cette disposition et l’Assemblée fédérale n’a pas manqué de tancer le canton de Genève en disant qu’on ne pouvait pas interdire à des non-laïques de se présenter, non seulement à la Cour des comptes, mais dans toutes les fonctions publiques. Il faut déjà être attentif à cette question dans une révision partielle de la Constitution et il laisse imaginer ce que cela donne s’il s’agit d’une révision totale. L’autre garantie qui vient d’être refusée, c’est le monopole des services industriels en matière d’électricité, la Confédération ayant mis en exergue l’entrée en vigueur de la loi fédérale sur l’électricité.

M. Hottelier souligne que dans commission 1, il a beaucoup été question du champ opératoire des droits fondamentaux. On sait qu’historiquement, ce sont des garanties qui gouvernent le droit public, les rapports individu-Etat. Sa question est la suivante : est-ce qu’on peut, dans une constitution cantonale, prévoir un droit de grève qui s’applique aussi dans les entreprises privées, et non pas uniquement dans la fonction publique, comme c’est le cas dans plusieurs constitutions cantonales actuellement ? Est-ce qu’on peut étendre la portée du droit de grève à des conflits qui ne sont pas des conflits de travail, qui procèdent d’une autre nature et qui ne portent pas uniquement sur les rapports de travail ?

Réponse

M. Aubert est d’avis que l’article 28 de la Constitution règle le problème dans le secteur privé. Le Tribunal fédéral met les conditions de licéité de la grève ; il l’a fait pour tout le secteur privé. Il a donc réglé la matière et il n’a nullement réservé de compétences cantonales dans le domaine du secteur privé. Il ne voit donc pas comment le législateur cantonal pourrait régler les effets de la grève sur le contrat usuel de travail. Cela lui paraît tout à fait exclu, tout autant que les effets de la licéité de la grève (art. 336 alinéa 2). De son point de vue, c’est du droit privé fédéral, pour la fonction publique, c’est autre chose.

(11)

Me Waeber arrive à la même conclusion. L’article constitutionnel sur la liberté syndicale qui règlemente le droit de grève le fait de manière exhaustive et il ne pense pas non plus qu’il y ait une ouverture possible, d’après la marge de réglementation.

M. GENECAND souhaiterait revenir sur la question du salaire minimum généralisé. La commission 5 l’a traitée en la classant dans la catégorie B, c’est-à-dire la catégorie en dehors du champ de compétence de la Constitution. Il a cru comprendre des propos de M.

Nils de Dardel que c’est un thème qui est d’importance et qui est revenu à moultes reprises et sous différentes formes dans les discussions. Il souhaiterait des éclaircissements à ce sujet.

M. DE DARDEL a une question en relation avec les droits syndicaux dans lesquels il voit deux aspects. Il y a l’aspect du syndicat qui intervient depuis l’extérieur, en tant qu’association de travailleurs qui, comme l’a dit Me Waeber, est une force sociale au fond très reconnue aujourd’hui par la législation, y compris par la législation fédérale ; un rôle accentué par les mesures d’accompagnement de la liberté de circulation. Dans ce cas, il lui paraît qu’on ne se trouve pas dans une relation de droit privé, dans une relation entre travailleurs et employeurs directement. En revanche, il y a l’aspect du syndiqué à l’intérieur de l’entreprise qui est actif syndicalement dans son entreprise et dont on sait que sa protection est dérisoire en Suisse par rapport à la quasi totalité des législations, du moins européennes. D’ailleurs, la Suisse ne respecte même pas les conventions internationales à ce sujet. On peut donc se demander s’il n’y aurait pas la place pour une règlementation cantonale.

M. MIZRAHI remercie d’abord Me Waeber et M. Aubert pour leurs présentations très complètes et très fouillées. Ils ont parlé notamment du lien entre une éventuelle aide de l’État et le respect d’un certain nombre de règles par rapport aux conditions de travail et il aimerait que l’on revienne sur cette question. Il revient en particulier sur la question des conventions collectives et souhaiterait des précisions sur le respect du principe de proportionnalité. Il souhaiterait savoir si justement – ce qui lui paraîtrait normal — on peut être un peu plus exigeant en terme de respect des conditions de travail pour les entreprises qui reçoivent d’une manière ou d’une autre une aide de l’État. Me Waeber a parlé du secteur subventionné, ce n’est qu’un des aspects car il y a des entreprises qui ont des exonérations fiscales ; d’autres qui obtiennent des marchés publics. Dans ces cas de figure, peut-on être plus exigeant sans forcément exiger leur signature ? Le deuxième élément qu’il souhaiterait aborder, c’est celui du salaire minimum, la distinction entre salaire minimum généralisé et salaire minimum sur le territoire cantonal. Concernant la lutte contre les discriminations dans le domaine professionnel, et notamment dans le domaine des rapports de droit privé, il se réfère aux conventions internationales et notamment à l’article 7 du Pacte 1 où on prévoit d’y inscrire, sauf erreur de sa part, qu’il n’y ait aucune distinction salariale fondée sur un critère de discrimination. Pourrait-on aussi prévoir une protection contre les discriminations qui va un petit peu plus loin au niveau du droit cantonal, par exemple, essayer d’introduire une règle similaire à ce qu’on connaît dans la loi sur l’égalité avec un allègement du fardeau de la preuve de la discrimination ?

M. ZIMMERMANN observe que les deux intervenants sont d’accord sur un point, à savoir que le droit de grève ne peut pas trouver place dans les relations entre privés. Il n’a pas connaissance de la règle du Tribunal fédéral dont Me Waeber a parlé mais il se demande si, par le biais de l’article 35, alinéa 3 de la Constitution fédérale, du moins en droit constitutionnel dans la doctrine (cf. le Petit commentaire de Jean-François Aubert, Pascal Mahon) on ne reconnaît pas potentiellement un droit de grève dans les relations entre particuliers. Il aurait donc aimé savoir si l’arrêt auquel Me Waeber fait allusion date de 2008 ; sinon, il cite un autre ouvrage datant de 2007 qui reprend de manière exhaustive les positions de la doctrine constitutionnelle sur ce sujet.

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M. DUFRESNE souhaiterait profiter des compétences qui sont autour de la table pour combler certaines lacunes juridiques, n’étant pas juriste lui-même. Il ne comprend pas pourquoi on ne peut pas avoir recours au principe de non-discrimination. Une femme de 30 ans qui recherche un emploi n’est pas dans une situation d’égalité dans les faits avec un homme qui a 30 ans et qui recherche un emploi. Donc, dans les faits, il y a cette discrimination liée aux congés maternité. On établit aussi un lien entre l’existence du congé maternité et la culture qui consacre la femme dans la vie familiale plus que dans la vie professionnelle.

Réponses

Concernant le salaire minimum généralisé, Me Waeber a beaucoup de sympathie a priori.

Par deux fois dans sa carrière, il a eu à se poser la question et à chaque fois il a rendu des avis de droit disant que c’était de compétence fédérale et non pas de compétence cantonale.

Il est vrai que beaucoup de cantons ont essayé. Le Tribunal fédéral ne répond qu’aux questions auxquelles il est absolument obligé de répondre et parfois, il laisse penser qu’il y a des ouvertures, alors qu’il n’y en a pas, parce qu’il ne veut pas donner un avis de droit. Il a justement laissé la porte ouverte en disant qu’on pouvait imaginer que dans certains cas, un salaire minimum destiné à certaines catégories pourrait correspondre à un but d’intérêt public et être proportionnel. Il ne voit pas très bien lui-même comment, mais il attend avec intérêt l’arrêt du Tribunal fédéral sur la base du recours qu’a fait Maître De Dardel.

M. DE DARDEL explique qu’il a défendu au Tribunal fédéral le fait que l’initiative ne prévoyait pas un salaire minimum généralisé, mais au contraire, que c’était une solution différenciée selon les secteurs économiques et que, par conséquent, il n’était pas généralisé.

Me Waeber souligne à l’intention de M. Mizrahi que le Tribunal fédéral a effectivement exprimé qu’il n’était pas admissible de la part du canton de Bâle de lier l’extension des heures d’ouvertures des magasins avec le respect de la convention collective. Genève s’était aussi fait sanctionner, en faisant l’extension d’une convention collective grâce aux textes des usages que devaient signer à l’Office cantonal de l’inspection et des relations du travail les entreprises qui voulaient avoir de la main d’œuvre étrangère.

Me Waeber estime cependant qu’il faut bien distinguer le secteur privé du secteur public. Par exemple, il n’y a pas possibilité d’ouvrir un EMS sans s’engager à respecter la convention collective. Pour concourir aux marchés publics aussi, les entreprises s’engagent à respecter les conventions collectives : cela s’applique pour les marchés publics en droit privé mais c’est parce qu’on estime que d’une part, la mesure est d’intérêt public et, d’autre part, qu’elle est proportionnelle quant à l’atteinte qu’elle cause à la liberté économique. Il fait ensuite le lien avec la question des femmes. Même si on constate une discrimination, même s’il y a une loi qui vise à lutter contre les discriminations, cela ne permet pas d’en déduire que tout employeur devrait engager autant d’hommes que de femmes parce que justement, il y a une liberté constitutionnelle qui est celle de la liberté contractuelle, donc le droit de choisir son co-contractant, et qu’on ne peut limiter cette liberté qu’avec un but d’intérêt public. Me Waeber souligne que réaliser l’égalité entre les hommes et les femmes est un but d’intérêt public, mais avec une mesure qui limite de la manière la moins incisive possible cette liberté.

C’est la proportionnalité. On peut atteindre le but d’intérêt public mais en prenant le moyen le moins dommageable pour la liberté. C’est en tous cas autre chose que d’obliger les employeurs à engager autant d’hommes que de femmes.

M. Aubert répond à la question de M. Zimmermann sur le droit de grève. C’est vrai que le droit de grève en tant que liberté syndicale selon l’article 28 de la Constitution retentit sur le contrat individuel de travail, ce qui est reconnu par le Tribunal fédéral. Le fait de licencier un salarié parce qu’il participe à une grève licite, c’est un congé abusif. Il a de la peine à comprendre la question.

(13)

M. ZIMMERMANN précise qu’il demandait de quand date la jurisprudence du Tribunal fédéral.

Me Waeber répond qu’il y en a plusieurs, avant et après la Constitution fédérale de 1999, puis 2002…

M. ZIMMERMANN fait remarquer que la doctrine constitutionnelle qui est plus récente que 2002 reconnaît un droit de grève entre particuliers, et non pas la doctrine de manière générale. Certains auteurs reconnaissent un droit. S’agissant de l’effet horizontal, il en déduit que M. Aubert se réfère à l’article 336 a du Code des obligations, mais est-ce que par le biais de l’art. 35, al.3 de la Constitution fédérale ne pourrait-on pas contourner cet article et transposer un droit de grève dans des relations entre particuliers ?

Pour M. Aubert, il ne s’agit pas de le contourner, mais de viser une fin, un résultat. Il n’y a pas de désaccord.

M. ZIMMERMANN insiste sur le fait que la loi concrétise la Constitution fédérale mais à partir du moment où on arrive à déduire un droit de grève entre particuliers du droit constitutionnel fédéral, pourquoi serait-on lié par l’article 336 a CO ?

Me Waeber explique que c’est parce que les deux choses vont en parallèle. Il n’y a pas un droit individuel de grève, en particulier, qui serait détaché du droit réglementé par la Constitution fédérale à l’article 28. La doctrine ne dit rien de nouveau par rapport au droit de grève tel qu’il est réglementé par la Constitution et la jurisprudence du Tribunal fédéral. C’est simplement un aspect de ce droit qui est l’aspect individuel.

En ce qui concerne la question sur la protection des personnes engagées dans l’action syndicale, M. Aubert souligne qu’effectivement, le droit collectif du travail, ce n’est pas le droit du contrat individuel de travail. Le droit collectif du travail, est-ce du droit fédéral ou du droit cantonal ? La reconnaissance des syndicats, c’est du droit fédéral. La protection de l’activité syndicale, c’est aussi du droit fédéral. Donc, une grande partie de cette matière relève du droit fédéral. Si on imagine un syndicaliste qui entre dans une entreprise contre la volonté du propriétaire, la question est : est-ce qu’il y a violation de domicile ou pas ? C’est une question de droit fédéral, donc il faut la trancher à la lumière du droit fédéral et le droit cantonal ne peut pas tailler des exceptions dans le Code pénal, le cas échéant. C’est cela le vrai problème. Cela ne veut pas dire que le Tribunal fédéral, le cas échéant, n’interpréterait pas les dispositions de violation de domicile en tenant compte de l’objectif d’intérêt public de la reconnaissance de l’activité des syndicats.

M. DUCOMMUN revient sur le niveau du salaire minimum. La notion existe dans la Constitution jurassienne. Est-ce que cette Constitution a été approuvée au niveau fédéral ou bien est-ce que cet article a été remis en cause ? Ensuite, il y a la mise en œuvre.

M. DE DARDEL indique qu’elle a été approuvée par le Parlement fédéral.

A la connaissance de M. Aubert, il n’y a pas de salaire minimum dans le Jura. Il aimerait ajouter à ce qu’a dit Me Waeber que dans un contrat-type, les impératifs à respecter sont des salaires minimum.

M. MIZRAHI revient sur la question de la lutte contre les discriminations dans le domaine des relations au travail de droit privé. Il donne un exemple dans le canton de Vaud, une personne dont l’employeur a refusé de l’engager en raison de sa couleur de peau. Le fait a été établi.

Dans ce cas-là, est-il possible de faire quelque chose pour renforcer la protection contre les discriminations ? Il a aussi été question de la possibilité d’alléger le fardeau de la preuve.

Est-ce envisageable pour la question des discriminations des personnes handicapées ? Serait-il possible d’aller plus loin dans la disposition de l’article 4 de la loi sur l’égalité ?

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M. Aubert répond que la question de l’allègement du fardeau de la preuve, dans les domaines qu’il connaît, est une question de droit fédéral. A son avis, le droit cantonal n’a rien à voir avec l’allègement du fardeau de la preuve dans ces domaines.

Le Président remercie Me Waeber et M. Aubert.

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