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Post Tenebras Lex ? : Fondements historiques et futures perspectives de l'intervention humanitaire et de la Responsabilité de protéger

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Post Tenebras Lex ? : Fondements historiques et futures

perspectives de l'intervention humanitaire et de la Responsabilité de protéger

VOLLMER, Lukas

Abstract

Ce mémoire se consacre à l'intervention humanitaire telle qu'elle est définie par la doctrine dominante contemporaine, ainsi qu'à la Responsabilité de protéger en tant que concept présenté par la Commission Internationale sur l'Intervention et la Souveraineté Étatique en 2001. Dans la première partie, l'auteur présente le problèmes posées par l'intervention humanitaire et explique comment la Responsabilité a essayé de les résoudre. Après cette introduction à la logique des deux concepts, la deuxième partie aborde l'interprétation de quatre cas historiques, afin de trouver un exemple historique d'un de ces deux concepts. Il s'agit de la déclaration d'indépendance des États-Unis et des documents pertinents de la révolution française, du traité de Kutchuk-Kaïnardji de 1774, du traité de Paris de 1856 et du traité de Berlin de 1878. Ces documents vont être interpreté non seulement selon leur énoncé mais aussi par leur application, comme notamment l'intervention de la France au nom des populations chrétiennes en Syrie en 1860, fameux exemple présumé d'une intervention humanitaire. La [...]

VOLLMER, Lukas. Post Tenebras Lex ? : Fondements historiques et futures perspectives de l'intervention humanitaire et de la Responsabilité de protéger. Master : Univ. Genève, 2010

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:14880

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Post Tenebras Lex ?

Fondements historiques et futures perspectives de l’intervention humanitaire et de la

Responsabilité de protéger

Mémoire rédigé dans le cadre du séminare

« Droit international, droit de conquête et théorie politique de Grotius à John Marshall »

du Professeur A. KELLER à la Faculté de Droit de l’Université de Genève, semestre de Printemps 2010.

Lukas VOLLMER

Numéro d’immatriculation 09-335-571

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Ce mémoire se consacre à l’intervention humanitaire telle qu’elle est définie par la doctrine dominante contemporaine, ainsi qu’à la Responsabilité de protéger en tant que concept présenté par la Commission Internationale sur l’Intervention et la Souveraineté Étatique en 2001. Dans la première partie, l’auteur présente le problèmes posées par l’intervention humanitaire et explique comment la Responsabilité a essayé de les résoudre. Après cette introduction à la logique des deux concepts, la deuxième partie aborde l’interprétation de quatre cas historiques, afin de trouver un exemple historique d’un de ces deux concepts. La troisième partie conclut le présent mémoire.

Cette partie comporte une évaluation des résultats et un essai de l’auteur de répondre à la question du rôle en particulier de la Responsabilité de protéger dans les enjeux du droit international public historique et contemporain.

Table des matières

I. Intervention humanitaire et Responsabilité de protéger : quid novi ? 1

A) L'intervention humanitaire 1

B) La Responsabilité de protéger 5

II. Fondements juridiques et pratique des États 8

A) La déclaration d’indépendance des États-Unis et des documents pertinents de la révolution française 9

B) Le Traité de Kutchuk-Kaïnardji 13

1.) L’énoncé du Traité de Kutchuk-Kaïnardji de 1774 13

2.) Le comportement de la Russie envers la Turquie concernant les Grecs chrétiens 16

C) Le Traité de Paris et les documents relatifs à celui-ci 17

1.) L’énoncé du traité de Paris de 1856 19

2.) L’intervention de la France au nom des populations chrétiennes en Syrie en 1860 24

3.) La guerre russo-turque de 1877 à 1878 28

4.) D’autres éléments de la Responsabilité de protéger dans le traité de Paris de 1856 35

D) Le traité de Berlin de 1878 36

III. Conclusion : tempora mutantur ? 41

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Annexes

I. Sommaire du Rapport « La Responsabilité de protéger » I

II. Extrait du Document final du Sommet mondial de 2005 II

Bibliographie

I. Sources primaires V

II. Livres V

III. Articles VI

IV. Documents relatifs à l’ONU VII

V. Autres documents VIII

Abréviations

al. alinéa

chap. chapitre

CIISE Commission internationale de l'intervention et de la souveraineté des États CIJ Cour internationale de justice

CNU Charte des Nations unies

no. numéro

ONU Organisation des Nations unies p(p). page(s)

para(s). paragraphe(s) part. partie

s(s). suivant/ suivante (s)

UE Union européenne

v. voir

vol. volume

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I. Intervention humanitaire et Responsabilité de protéger : quid novi ?

« There seems to be no little need that the whole doctrine of non-interference with foreign nations should be reconsidered, if it can be said to have as yet been considered as a really moral question at all. » écrivit John Stuart MILL en 18591.

« I think the truth of the matter is that there is no competing model, no alternative conceptualisation, no alternative refined policy discourse, which gets us closer to resolving these issues than the concept of the responsibility to protect. » affirma Gareth EVANS, membre de la Commission internationale de l'intervention et de la souveraineté des États (CIISE), en 20052.

Quoiqu'il y ait déjà 150 ans entre ces deux commentaires, la question du droit (ou de l'obligation) à l'intervention d'un État à un autre est traçable depuis l'Antiquité3 – donc depuis le début de témoignages des conflits. Conséquemment, il convient de commencer par une appréciation de la notion de l'intervention en général qui sera suivie d’une analyse de l'intervention dite « humanitaire

» (A). Après cela, une considération de la Responsabilité de protéger aura lieu ainsi qu'un bilan des différences et des points communs (B).

A) L'intervention humanitaire

Christian WOLFF, appelé le premier défendeur du principe de la non-intervention4 constata en 1749 qu'aucun peuple ne jouit de la compétence de gérer pour un autre peuple les actes qui appartiennent à la souveraineté (« exercitium imperii ») de l'autre peuple5. Cette énonciation ressemble de façon stupéfiante à la définition de la Cour Internationale de Justice (CIJ) de l'«

intervention prohibée » en 1984 : une action par des « moyens de contrainte »6 visant à exercer une pression sur un autre État « dans des domaines où chaque Etat jouit d'une liberté entière de décision

1 Mill, J. S. ‘A Few Words on Non-Intervention’, in Fraser’s Magazine (1859), London, pp. 153 – 177, p. 166.

2 Evans, G. ‘The Responsibility to Protect: Moving Towards a Shared Consensus’, in S. Asfaw/ G. Kerber/ P. Weiderud [eds] (2005), The Responsibility to Protect: Ethical and Theological Reflections, pp. 3 – 9, p. 9.

3 Abiew, F. (1999), The Evolution of the Doctrine and Practice of Humanitarian Intervention, Cambridge (MA), p. 11;

Murphy, S. (1996), Humanitarian Intervention, Philadelphia, p. 35 avec des preuves pour les differentes cultures de l'antiquité.

4 Grewe, W. (2e édition 1988), Epochen der Völkerrechtsgeschichte, Baden-Baden, p. 389.

5 Wolff, C. ‘Ius gentium methodo scientifica pertractatum’, in The classics of international law (no. 13, 1934), Oxford, chap. II para. 259.

6 CIJ, ‘Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci’ in CIJ Recueil 1986, La Haye, p. 107 – 108 para. 205.

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en vertu du principe de souveraineté »7. En ce qui concerne la codification du droit international public contemporain, l'intervention a trouvé sa place la plus éminente dans l'article 2 al. 7 de la Charte des Nations unies (CNU), encore par le principe de non-intervention. S'adressant explicitement aux organes de l'ONU, cette norme codifie l'obligation du respect de la « compétence nationale »8 de chaque État. Ce principe constitue indirectement, via la constitution des organes de l'ONU par les États membres (v. en particulier les chapitres IV et V CNU), une obligation des États eux-mêmes. Le terme a été précisé dans le contexte de cette norme par l'Assemblée générale, qui a affirmé en 1970 qu' « aucun État ni groupe d'États » n'a le droit à « l'intervention armée, mais aussi toute autre forme d'ingérence ou toute menace, dirigées contre la personnalité d'un État ou contre ses éléments politiques, économiques et culturels » est prohibée9. Il se pose donc la question suivante : quels sont cette personnalité et les éléments d’un État ? On revient ici à la décision déjà citée de la CIJ, celle de l'arrêt Nicaragua. La CIJ s'ensuit largement à cette définition10, en ajoutant les éléments sociaux de l'État et la formulation de ses relations extérieures. Pourtant, elle contourne la question posée. Elle affirme d'abord que chaque État jouit, dans lesdits domaines, d'un choix de son propre système. Ce choix, selon la Cour, doit rester libre. Cet impératif n'est pas seulement fondé par ladite norme, mais enfin par les éléments découlant de la souveraineté décrits ci-dessus.

Ce renvoi tautologique11 référe à l'approche à la définition de l'intervention par son exclusion dans le droit contemporain. L'imprécision restante de ce terme a amené les États de l'ONU à s'occuper de la « compétence nationale » pour établir un accord sur les implications de cette norme12.

On trouve la notion de l'intervention dans les commentaires sur la CNU à l'article 2 al. 4.

L'intervention apparaît ici comme un sous-ensemble des actions militaires qui violent le principe de non-violence qui est encore un autre principe fondateur13. Aussi, l'intervention a été vue comme une violation du principe de l'autodétermination des peuples (article 1 al. 2 CNU)14. Un tel cas pourrait se présenter lorsqu'un État intervient dans un État étranger après l'appel à l'aide d'une entité de gouvernement local qui se trouve dans une lutte de libération contre le gouvernement central. Dans ce cas d'espèce, les deux États sont forcés de quitter le terrain du peuple visant son

7 Supra, p. 124 para. 241.

8 Le texte anglais parle de la « domestic jurisdiction » qui soulève plus précisement l'obligation du respect des éléments juridiques du concepte de la souveraineté, v. aussi Simma, B. [ed] (2e édition 2002), Charter of the United Nations : a commentary, Oxford, Article 2 (7) paras. 3 ss.

9 Assemblée générale, A/RES/2625 (XXV) intitulée « Déclaration sur les relations amicales », Annexe, premier para.

opératif, troisième principe.

10 CIJ (1986), supra, p. 107 – 108 para. 205.

11 Voir aussi la tautologie de la définition de la notion de la « compétence nationale » , Brownlie, I. (7e édition 2008), Principles of Public International Law, Oxford, pp. 292 – 294.

12 Simma (2002), supra, Article 2 (7) paras. 20 ss.

13 Cot, J./ Pellet, A./ Forteau, M. [eds] (3e édition 2005), La Charte des Nations Unies: Commentaire article par article, Paris, p. 462; Simma, supra, Article 2 (4) paras. 30 – 33, 51, 53 – 56.

14 Conforti, B. (5e édition 1999), Diritto Internazionale, Naples, p. 225 parle de l'« ingerenza » (ingérence). L'ouvrage renvoie dans son index de « intervento » audit terme. Une signification égale est donc présumée.

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autodétermination avec leurs forces15. En résumé, l'interprétation de la Charte établit l'intervention comme une violation du droit. Des tentatives afin d'établir une notion encore plus large qui comprendrait aussi des mesures licites sous le droit international16 ne paraissent jusqu'aux années 1990, quand la non-intervention comme la concrétisation juridique du concept politique de la souveraineté17 subira des critiques sévères. Ces propositions – qui seront appréciées dans la conclusion – ne représentent donc rien d'autre que la conséquence directe des problèmes qu'on avait eus avec la définition décrite. On peut alors conclure que l'intervention est consacrée par le droit international public seulement par son illicéité. Cela implique deux corollaires : premièrement, la notion semble tellement imprécise qu'elle se définit toujours ex negativo et deuxièmement, elle est a priori en violation du droit.

L'intervention peut être divisée en différentes catégories. Cela a été fait par la doctrine selon la pratique étatique et ses raisons présumées. Après des périodes d'interventions appelées « religieuses

» ou « politiques »18, l'intervention dite « humanitaire » ne verra pas le jour jusqu'au XIXème siècle19. Dès lors, la doctrine dominante la définit toujours par le moyen de force (armée) ou sa menace par un État et l'intention de protéger un individu ou une groupe en territoire étranger20. Bien entendu, il existe toute une gamme d'opinions différentes concernant les circonstances dans lesquelles les personnes à protéger doivent se trouver. Ces circonstances varient entre la perte de vies humaines21, l'existence ou la menace d'une catastrophe humanitaire par des « pertes en vies humaines et de déplacement considérable de la population civile »22 ou la violation des droits de l'Homme par un État envers ses propres ressortissants23. La dernière définition a reçu beaucoup de soutien vers la fin du millénaire, quand la discussion sur la souhaitabilité ou non d'un droit à l'intervention humanitaire a reconqui les forum, compte tenu de plusieurs conflits et crimes

15 Supra, p. 24.

16 Tesón, F. (3e édition 2005), Humanitarian intervention : an inquiry into law and morality, Ardsley, p. 173; Secrétaire général, SG/SM/7136 « [...] il importe de définir l'intervention aussi largement que possible [...] allant des [moyens les]

plus pacifiques aux plus contraignantes ».

17 Simma (2002), supra, Article 2 (1) paras. 1 – 3.

18 Grewe (1988), supra, pp. 388 ss.

19 Abiew, supra, p. 33; Koskenniemi, M. (2002), The Gentle Civilizer of Nations, Cambridge, p. 55 chap. 1 part. 10.

20Bleckmann, A. (2001), Völkerrecht, Baden-Baden, para. 1149; Brownlie (2008), supra, p. 742 – 743; Carter, B./

Trimble, P./ Weiner, A. (5e édition 2007), International Law, New York, p. 1244; Daillier, P./ Forteau, M./ Pellet, A. (8e édition 2009), Droit international public, Paris, p. 950 para. 570; Hobe, S./ Kimminich, O. (2004), Einführung in das Völkerrecht, Tübingen/ Basel, p. 303; Holzgrefe, J.L./ Keohane, R. (2003), Humanitarian Intervention – Ethical, Political and Legal Dilemmas, Cambridge, p. 18; Ipsen, K. (4e édition 2004), Völkerrecht, Munich, p. 942 chap. 15 part.

59 para. 26; Kindred, H. [et al.] (2e édition 1993), International law : chiefly as interpreted and applied in Canada, Toronto, p. 39; McLean, I./ McMillan, A. (3e édition 2009), The Concise Oxford Dictionary of Politics, Oxford, p. 250;

Murphy (1996), supra, pp.10 – 11; Institut Danois des Affaires Internationales, cité par Corell, H. ‘To intervene or not:

The dilemma that will not go away’, keynote address to the Conference on the Future of Humanitarian Intervention (2001), p. 2, à http://untreaty.un.org/ola/legal_counsel5.aspx (vérifié le 19 août 2010),

21 Conforti (1999), supra, p. 186.

22 Greenstock, Sir J., ‘Déclaration du Représentant permanent du Royaume Uni auprès les NU en défence de l'intervention au Kosovo’ in Brownlie (2008), supra, p. 743.

23 Bleckmann (2001), supra, para. 1149; Simma (2002), supra, 2 (4) para. 53.

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suivants, comme les génocides à Srebrenica et au Rwanda24. Comme mentionné, c'était dans cette période-là que la doctrine et des personnages au sein de l'ONU ont essayé de trouver une solution aux problèmes décrits. Une solution proposée était d'inclure des mesures coercitives, mais licites (donc en particulier des résolutions du Conseil de sécurité) à la notion de l'intervention humanitaire.

Une autre solution, préférée par la doctrine, était de concevoir une norme positive du droit international public en dehors du cadre contemporain des normes sur la non-intervention et la non- violence qui pourrait justifier une intervention par force militaire25. Les fondements d'un tel droit se trouve par exemple dans une application analogue de l’article 51 CNU pour des conflits internes, suivant le fait que le Conseil de sécurité a déjà appliqué le chapitre VII pour des conflits internes avec des implications internationales 26. D’autres propositions concernant les fondements sont la violation de l'obligation de respecter le ius cogens par un État27, ou bien déjà par le non- accomplissement de l’obligation de protéger les droits de l'Homme par un État28. La base légale est alors constituée ex negativo, par l'introduction par la porte de derrière d'un élément de réciprocité qui légitime l'intervention. Cela relève encore une des facettes du problème cœur de l'intervention déjà exposé, l'illicéité. L'idée même des droits de l'Homme et du droit humanitaire est d'ailleurs basée sur l'obligation « objective et absolue »29 de leur respect et de leur protection, loin d'un respect fondé sur la mutualité de plusieurs parties à un traité international. Comme la violation du principe de non-violence ne permet pas une contre-violence par un État quelconque, la violation des droits de l'Homme, selon une interprétation stricte, ne déclenche aucune violation d'une obligation du droit international public.

En résumé, déjà la recherche d'une définition précise soulève trois problèmes inhérents à l'intervention humanitaire : premièrement il n'y a pas de définition incontestée et donc il ne semble pas tout à fait clair sous quelles conditions une intervention humanitaire serait possible. Cela nous amène au deuxième problème : l'intervention humanitaire et en même temps illicite. Si on est prêt à définir l'intervention elle-même par son illicéité (v. supra p. 3), comment peut-on arriver à la mise en œuvre d'un concept afin de « réagir face à des situations comme celles dont nous avons été

24Riemer, N., ‘Scholars against Genocide’ in Keren, M./ Sylvan, D. [eds] (2002), International Intervention, London/Portland, pp. 169 – 182, p. 169 (Srebrenica); Bettati, M. (1996), Le droit d'ingérence : mutation de l'ordre international, Paris, p. 194 (le Rwanda); Abiew (1999), supra, p. 194 : « one of the most unbearable tragedies in recent history » (le Rwanda); Concernant la « classification » comme génocide, v. Tribunal International Pénal pour l'ex- Yougoslavie : Communiqué de Presse OF/S.I.P./609f (Srebrenica) et Assemblé générale, A/RES/60/225 (le Rwanda).

25 Combacau, J./ Sur, S. (8e édition 2008), Droit international public, Paris, p. 636.

26 Paulus, A. (2001), Die internationale Gemeinschaft im Völkerrecht, Munich, p. 323.

27 Ragazzi, M. (1997), The Concept of International Obligations Erga Omnes, Oxford, p. 94.

28 Peut être Cassese, A., ‘Ex iniuria ius oritur: Are we moving towards International Legitimation of Forcible

Humanitarian Countermeasures in the World Community?’ in European Journal of International Law (vol. 10, 1999), Oxford, p. 25.

29 Fialaire, J./ Mondielli, E. (2005), Droits fondamentaux et libertés publiques, Paris, p. 125 pour les droits de l’Homme; Sassòli, M./ Bouvier, A. (2003), Un droit dans la guerre ?, Genève, p. 89 pour le droit international humanitaire.

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témoins au Rwanda ou à Srebrenica »30 ? Troisièmement, les fondements, eux-aussi, ne semblent pas être précisés. Autant que l'approche de l'intervention humanitaire apporterait une solution à l'échec de la non-intervention, les trois problèmes vont rester les entraves majeures de tout débat, comme le constate le rapport de la CIISE31. Ce rapport, appelé « La Responsabilité de protéger », essaie de trouver une solution à ces problèmes32.

B) La Responsabilité de protéger

Premièrement, en ce qui concerne les circonstances, la Commission ne se limite pas seulement à l'action militaire. Loin de là, elle attire l'attention sur toute une série d'actions possibles, morcelée en trois catégories : la Responsabilité de prévenir, la Responsabilité de réagir et la Responsabilité de reconstruire33. Après, le rapport souligne la priorité de la prévention, afin d'éliminer les « causes profondes et les causes directes des conflits internes et des autres crises produites par l’homme qui mettent en danger les populations »34. Quant aux mesures, s’agissant non seulement la prévention, mais aussi la réaction, la CIISE ne cesse pas de dire qu'il faut commencer par les mesures « les moins intrusives et les moins contraignantes » avant de les intensifier. Suivant cette logique, l'action militaire est vue comme le dernier recours qui présuppose certaines conditions : « autorité appropriée, juste cause, bonne intention, proportionnalité des moyens et perspectives raisonnables

». La juste cause est donnée ou bien par « des pertes considérables en vies humaines, effectives ou présumées, qu’il y ait ou non intention génocidaire, attribuables soit à l’action délibérée de l’État, soit à la négligence de l’État ou à son incapacité à agir, soit encore à la défaillance de l’État », ou bien par « un « nettoyage ethnique » à grande échelle, effectif ou présumé, qu’il soit accompli par l’assassinat, l’expulsion forcée, la terreur ou le viol »35. En ce qui concerne l'autorité appropriée, le rapport l'attribue principalement au Conseil de sécurité en vue de son mandat du maintien de la paix et de la sécurité internationales (article 24 al. 1 CNU) et ses pouvoirs établis dans les chapitres VI et en particulier VII de la CNU36. Lorsque le Conseil de sécurité ne réagit pas, il propose une réunion de l'Assemblée générale dans le cadre de la procédure appelée « l'Union pour le maintien de la paix

» (A/RES/377 (V))37. Au prochain et dernier degré, le rapport affirme la possibilité d’une action lancée par une organisation régionale ou sous-régionale38. Il concède même dans des mots prudents qu'une approbation ex post facto d'une telle action par le Conseil de sécurité ouvrait « une certaine

30 Secrétaire général, A/54/2000 « Nous les peuples », p. 36.

31 CIISE (2001), Rapport “La Responsabilité de Protéger”, Ottawa, p. 13 para. 2.12; p. 35 paras. 4.10 s.

32 Son Sommaire se trouve dans la partie I de l'annexe.

33 Supra, p. XI Sommaire.

34 Ibid.

35 Tout à supra, p. XII Sommaire.

36 Supra, p. 51 para. 6.3.

37 Supra, p. 57 para. 6.29.

38 Supra, p. 57 para. 6.31.

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marge de manœuvre à cet égard pour les actions futures »39.

Deuxièmement, la CIISE analyse les fondements de la non-intervention et ses conditions. En identifiant la souveraineté comme la racine de ce principe, c'est exactement celle-ci dont la Commission se préoccupe pour changer les règles du jeu. Pas à pas, le rapport transforme son interprétation. Il commence par l’« integrité territoriale » et l'« indépendance politique », codifiées dans l'article 2 al. 4 CNU, comme des émanations de la compétence exclusive intérieure de chaque État, appelées la « souveraineté de contrôle ». Cette souveraineté s'est transformée, dit le rapport, en une « souveraineté de responsabilité » des autorités qui jouissent du contrôle de la souveraineté.

Cette Responsabilité de protéger la vie, la sécurité et le bien-être en général de leur propre population n'existe pas seulement envers le peuple, mais aussi envers la communauté étatique « par l'intermédiaire de l'ONU ». Cette dernière assertion est fondée premièrement sur les principes fondateurs de l'ONU : le maintien de la paix et de la sécurité internationales (article 1 al. 1 CNU) et la « promotion des intérêts et du bien-être des populations » (Préambule : « Nous, Peuples des Nations Unies »). Ces principes deviennent des obligations lorsque les États s'y assujettissent, par leur adhésion. De la même façon, les droits de l'Homme, autant qu'ils sont consacrés dans la Déclaration universelle des droits de l'Homme et dans les deux Pactes de 1966 relatifs aux droits civils et politiques et aux droits économiques, sociaux et culturels, font partie d'un ensemble de « normes de comportement », au moins par l'admonition au respect des droits de l'Homme dans l'article 1 al. 3 de la CNU. Les obligations multiples découlant des traités concernant le droit humanitaire constituent, selon le rapport, un autre signal de ce développement de normes de comportement. La dernière preuve apportée par la CIISE pour l'établissement d'une obligation internationale de protection est la pratique des États. Les interventions au Libéria, en Sierra Leone et au Kosovo démontrent, selon la Commission, une pratique générale, élément matériel du droit coutumier. Un autre exemple se présente, selon le rapport, par la résolution du Conseil de sécurité 1844 (2008) qui refère à la situation interne en Somalie comme une menace à la paix et la sécurité internationales, ce qui engage des mesures selon le chapitre VII de la CNU. Une opinio juris, élément psychologique de la coutume, se présente du point de vue de la Commission encore par les obligations relatives aux droits de l'Homme énoncées dans la Charte de l'ONU, la Déclaration universelle des droits de l'Homme, la Convention contre le génocide, les Conventions de Genève et ses Protocoles additionnels, puis dans le statut de la Cour pénale internationale40. Le changement dans la conception de la responsabilité se présente où la CIISE déclare, après ce préliminaire, que la violation de ces obligations déclenche une responsabilité « subsidiaire » de la Communauté internationale. Cette responsabilité ne s'activera que dans le cas où un État « est manifestement soit

39 Supra, p. 59 para. 6.35.

40 Tout à supra, p. 12 para. 2.8.

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incapable soit peu désireux d’accomplir sa responsabilité de protéger »41. L'obligation des autres États d'agir qui incorpore bien entendu le recours à la force, ne constitue donc pas une violation du principe de non-intervention, car elle est dérivée du principe de la souveraineté, dont le principe de non-intervention découle.

C’est grâce à cette brèche que la Responsabilité de protéger a été appelée « le plus signifiant ajustement à la souveraineté nationale en 360 ans »42. Mise à part la doctrine et la couverture médiatique, quel changement y a-t-il eu dans la pratique des États ? À noter qu’en particulier les paragraphes 138 et 139 du Document final du Sommet mondial de 200543 qui ont précédé à la nomination d'un Conseiller spécial pour la mise en œuvre de la Responsabilité de protéger en 200844 (M. Edward Luck) par et sous la direction du Secrétaire général. Ce document jouit d'une signification immense, car il représente la première énonciation et en même temps celle la plus vaste des obligations étatiques en rapport avec la Responsabilité de protéger. Il est néanmoins à marquer qu'il y a des nuances d'appréciation dans le rapport et le document du Sommet mondial ; ce qui a provoqué certains auteurs de parler même de deux « versions » de la Responsabilité de protéger45. Nous examinerons les éléments et leurs différences dans le prochain chapitre.

En résumé, il est clair que la CIISE est arrivée à formuler un idée tout à fait nouvelle que les termes et les arguments du point de départ, l'intervention humanitaire, auraient pu les faire attendre. Cette différence se présente en deux manières : premièrement par l'objectif des deux concepts et deuxièmement par leur contenu matériel ou bien normatif. Le rapport de la CIISE a été conçu comme une réponse à la demande citée du Secrétaire général, mais il va plus loin en étant pertinant pour tout acteur au plan du droit et de la politique internationaux, comme une solution proposée pour le futur de la non-intervention en vue de son échec dans les années 1990 (v. supra p. 3-4).

Loin de vouloir rester une note de bas de page de la discussion académique, la Commission propose très clairement des recommandations aux organes de l'ONU afin de préparer la voie à une affirmation et la mise en œuvre de la Responsabilité de protéger par la communauté étatique46. Par contre, comme on avait dit, l'intervention humanitaire a, en général, toujours été aperçue comme un concept normatif qui visait à justifier un certain comportement étatique. Cette différence dans l'approche a été si non ignoré au moins été sous-estimée dans des critiques qui estiment une

41 Supra, p.18 para. 2.31.

42 Pattison, J. (2010), Humanitarian intervention and the responsibility to protect: the problem of who should intervene, Oxford, p. 4 : « […] most significant adjustment to national sovereignty in 360 years ».

43 Assemblée générale, A/RES/60/1; les paragraphes 138 à 140 sont inclus dans l'annexe à la partie II.

44 Secrétaire général, SG/A/1120 BIO/3963.

45 Pattison (2010), supra, p. 14; Weiss, T. (2007), Humanitarian intervention: ideas in action, Cambridge, p. 117.

46 CIISE (2001), supra, pp. 81 – 82 paras. 8.28 ss.

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évolution non pas suffisante47 ou bien qui, d'un seul coup, assimilent les deux termes48.

Par rapport à la deuxième différence, le contenu normatif, la Responsabilité de protéger constate des moyens différents d'action sous les trois piliers de la responsabilité de prévenir, celle d'agir et celle de reconstruire. En donnant des exemples précis des moyens et la définition des circonstances nécessaires, en particulier dans l'option militaire, le rapport fait un très grand effort à servir comme un guide aussi juridique. Dans ce contexte, la Responsabilité de protéger a été décrite comme plus « étroite » que l'intervention humanitaire49, étant limitée par certaines circonstances et par la primauté de l’exercice de son pouvoir par le Conseil de sécurité. Il faut avouer que l'intervention humanitaire

« ne requiert pas l'autorisation par le Conseil de securité »50 et est donc applicable à toute une série d'actions soit par un seul État, soit par une communauté d'États. Mais en même temps, en incluant les actions déjà justifiées par le droit contemporain dans la marge des moyens, la Commission élargit plutôt le champ d'application.

Il se pose finalement la question des avantages de ce concept. Bien qu’elle soit une nouvelle approche, la Responsabilité de protéger ou bien une argumentation qui relève du rapport pourrait être instrumentalisée dans des cas où un État est bien capable de gérer ses affaires, mais il est néansmoins restreint dans l’exerce de sa souveraineté. Les cas les plus extrèmes sont représentés évidemment par des interventions qui en même temps constituent des abus de l’intervention humanitare compris aussi comme concept purement juridique.

II. Fondements juridiques et pratique des États

Dans ce chapitre, on va tenter de trouver, dans la pratique des États, les éléments constitutifs de l'intervention humanitaire ainsi que la Responsabilité de protéger avant la fondation de l'ONU, donc les conditions qui déclenchent des différentes réponses, les manières dans lesquelles celles-ci se peuvent présenter et leurs fondements. Ayant posé avant la question des avantages, notre recherche essayera non seulement de vérifier l’existence d’un exemple des deux concepts, mais en fin de compte si ces cas historiques supportent la critique de la possibilité d’un abus ou bien si on ne trouve rien d’autre qu’une argumentation strictement juridique et une application correspondante.

Pour ce but, on va apprécier quatre séries de documents historiques ainsi que leur application. Il

47 Marclay, E. (2005), La Responsabilité de protéger. Un nouveau paradigme ou une boîte à outils, à http://www.operationspaix.net/Responsabilite-de-proteger (vérifié le 19 août 2010), p. 25.

48 Boisson de Chazournes, L./ Condorelli, L., ‘De la « Responsabilité de protéger », ou d’une nouvelle parure pour une notion déjà bien établie’ in Revue générale de droit international public (no. 1, 2006), Paris, pp. 11 – 18, p. 13.

49 Pattison (2010), supra, p. 13.

50 Ibid.

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s’agit de la déclaration d’indépendance des États-Unis et des documents pertinents de la révolution française, du traité de Kutchuk-Kaïnardji de 1774, du traité de Paris de 1856 et du traité de Berlin de 1878. Le premier document a été choisi grâce au fait qu’il y a un auteur qui prétend que ce document représent le premier exemple d’une espèce de Responsabilité de protéger. Il convient de commencer avec cette interprétation aussi à cause la chronologie qu’à cause de la logique de la Responsabilité de protéger. Les droits de l’Homme, concept de cette période, sont le premier morceau dans l’argumentation du rapport. Les deux traités qui suivent sont pertinents parce qu’ils comportent des clauses qui ont servis comme justification d’interventions. Le dernier traité en est le contraire : selon notre interprétation il aurait pu servi comme justification dont on ne fera jamais usage. En plus, le traité de Kutchuk-Kaïnardji marque le début d’une relation particulière entre l’Europe et l’empire ottoman et ses successeurs, le traité de Paris la cime de cette relation et le traité de Berlin la fin. On parle ici notamment d’une part de l’acceptation de la Turquie comme État sous le droit westphalien qui reste en vigueur jusqu’à nos jours, mais d’autre part il est clair qu’il ne s’agit jamais d’un traitement sur un pied d’égalité.

A) La déclaration d’indépendance des États-Unis et des documents pertinents de la révolution française

Le professeur Alex BELLAMY prétend que la déclaration d’indépendance des États-Unis du 4 juillet 1776 et la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de l’Assemblée nationale, entièrement promulguée le 3 novembre 1789, constituent des parfaits exemples du principe de la souveraineté comme responsabilité et ainsi, en tant que Responsabilité de protéger51. Il convient de suivre son argumentation avant de se positionner.

« Sovereignty as responsibility rests on two foundations. First, it rests on the proposition that individuals have inalienable human rights that may never be rescinded. […] Second, governments have the primary responsibility for protecting their citizen’s rights, but where they abuse those rights international society acquires rights and duties to take measures to protect the rights in question. This is often touted as a new or radical conception of sovereignty. But it is neither new, […] nor radical. The doctrine of sovereignty as responsibility was written down by Thomas Jefferson and proclaimed in America’s Declaration of Independence […].

We hold these truths to be self-evident, that all men are created equal, that they are endowed by their Creator with certain inalienable Rights, that among these are Life, Liberty and Happiness.

51 Bellamy, A. (2009), Responsibility to Protect: The Global Effort to End Mass Atrocities, Cambridge, pp. 19 – 20.

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[T]o secure these rights, Governments are instituted among Men, deriving their just powers from the consent of the governed – That whenever any Form of Government becomes destructive of these ends, it is the Right of the People to alter or abolish it, and to institute new Government…

[…]

In short, governments which fail to protect the fundamental rights of their citizens or wantonly abuse those rights fail in their sovereign responsibilities. This gives the people, as individual sovereigns, the right and duty to overthrow the government and to replace it with one more conductive to the satisfaction of their rights. These ideas were repeated […] by […] the ‘Rights of man and of citizen’, insisting that ‘the principle of all sovereignty rests essentially in the nation. No body and no individual may exercise authority which does not emanate expressly from the nation.’ »

Partant de la répartition du professeur BELLAMY, nous allons déterminer si vraiment ces deux textes comportent le deux éléments de la souveraineté qu’il propose. Le premier, l’existence des droits de l’Homme et leur application universelle et individuelle se trouve dans les deux documents, étant énoncé en premier dans la première phrase et au seconde tout au long des articles. Par contre, le passage au deuxième élément semble brusque : en ce qui concerne l’exemple historique de la déclaration d’indépendance, il ne s’agit pas d’un gouvernement étranger qui intervient dans les affaires d’un autre peuple afin de le protéger contre son propre gouvernement, mais d’un exemple classique de l’autodétermination. Rattachant cette argumentation au titre de ce chapitre, « la pratique » des États, il se présenterait toujours un exemple de la Responsabilité de protéger, suivant le Professeur BELLAMY, lorsqu’un peuple s’émancipe et en même temps exprime son désir d’avoir un gouvernement qui accepte que sa légitimité se fonde sur la responsabilité.

On peut obtenir une meilleure compréhension du rapport entre ces termes par une division tripartite des actions possibles d’un peuple afin de se libérer d’un gouvernement.

1.) Le premier est de simplement choisir un nouveau gouvernement qui représente les intérêts du peuple. Quand ce remplacement se passe pacifiquement, on parle d’une élection démocratique, sinon, d’un coup d’État. La prémice de ce premier morceau est aussi la prémice de la Responsabilité de protéger : la supposition qu’il incombe au gouvernement de maintenir un standard minimal de responsabilité envers son peuple qui, en revanche, a le droit de le remplacer dans le cas où cette responsabilité n’est pas remplie. En d’autres termes, le peuple est le souverain.

Cela déjà peut être appelé la « souveraineté comme responsabilité » dans les cas d’actes du

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souverain qui ignorent la responsabilité et qui, par conséquent, ne sont pas d’actes fondés sur la souveraineté. On parle ainsi d’une responsabilité intérieure. Il se pose la question de savoir si ce principe s’avère être aussi vers l’extérieur. On va continuer avec le deuxième moyen d’action dans notre répartition.

2.) Lorsqu’il s’agit d’un gouvernement étranger, il faut que l’autodétermination soit imposée avant que le remplacement puisse avoir lieu. Le droit international public contemporain sépare totalement le droit à l’autodétermination de la question de la responsabilité : ni la démocratie, ni les droits de l’Homme ne sont de prémisses pour l’autodétermination. Ces deux concepts constituent les émanations principales de la responsabilité envers un peuple : le premier représente la forme active de la responsabilité par un contrôle direct et le pouvoir du peuple d’entrer en action lui-même. Le deuxième, quant à lui, est la forme passive par la protection de chaque individu, élément constituant du peuple, contre toute action vulnérante des autorités. Il n’est par exigé que le gouvernement dont on s’émancipe soit autoritaire. Parallélement, il n’est pas nécessaire pour le nouveau gouvernement d’être de caractère démocratique52. En ce qui concerne les droits de l’Homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels énoncent tous les deux le droit à l’autodétermination dans leurs premiers articles. Un droit de l’Homme ne peut pas être la prémisse à un autre droit de l’Homme, cela nierait le caractère fondamental et égal des droits de l’Homme.

Ceci a été vu par le professeur BELLAMY qui exige qu’un gouvernement, lorsqu’il agit comme souverain, doit respecter les droit fondamentaux du peuple. Il s’agit donc, en résumant, là aussi d’une « souveraineté comme responsabilité », mais encore intérieure, car dans un acte unilatéral de détachement d’un État, aucun État ou peuple n’a une responsabilité envers un autre.

3.) La troisième constellation est celle d’un peuple qui prête son assistance à un autre peuple afin que le dernier puisse se libérer de son gouvernement qui n’agit pas selon les exigences de la responsabilité. Cette libération peut bien coïncider avec l’imposition de l’indépendance, mais non nécessairement. Pourtant, on ne trouve pas un tel exemple dans lesdits textes. La thèse principale de la Responsabilité de protéger d’une responsabilité non seulement intérieure (envers le propre peuple), mais aussi extérieure (envers la communauté internationale) est donc plus ample que la

« responsabilité comme souveraineté » qui en est le fondement. Un exemple plus précis d’un texte légal historique dans ce contexte nous est donné par ROBESPIERRE dans son projet d’articles*

52 Simma (2002), supra, Self-Determination paras. 50 – 53.

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pour la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 13 avril 1793 mentionnée ci-dessus, mais qui ne furent jamais inclus dans ladite déclaration53 :

Article 35* : « Les hommes de tous les pays sont frères et les différents peuples doivent s’entraider selon leur pouvoir comme les citoyens du même État. »

Article 36* : « Celui qui opprime une nation se déclare l’ennemi de toutes. »

Article 37* : « Ceux qui font la guerre à un peuple pour arrêter les progrès de la liberté et anéantir les droits de l’homme doivent être poursuivis par tous, non comme des ennemis ordinaires, mais comme des assassins et des brigands rebelles. »

Article 38* : « Les rois, les aristocrates, les tyrans, quels qu’ils soient sont des esclaves révoltés contre le souverain de la terre, qui est le genre humain, et contre le législateur de l’univers qui est la nature. »

Mis à part l’esprit moraliste du texte, on y trouve donc cet élément crucial de la responsabilité extérieure : d’abord à l’article 37 par les droits de l’Homme et la « liberté », qui évoque aussi bien l’autodétermination que la démocratie qui tous les deux sont compris comme des obligations de caractère universel. Deuxièmement, le devoir de chaque peuple d’agir quand quelque part de cette responsabilité est méconnue, est exprimé aux articles 35 et 36. Une autre ressemblance frappante au rapport appellé la « Responsabilité de protéger » est celle de la persécution proclamée à l’article 37.

Encore, il y a une dimension très moraliste dans cet énoncé, mais cette figure rhétorique des individus évoque un passage d’un ius ad bellum à un droit de criminaliser les traîtres de leur responsabilité. Bien que dans la conception jacobine une telle déclaration puisse viser à persécuter et exécuter quelqu’un qui était susceptible de faire partie du groupe des proscrits de l’article 38, la possibilité de persécution et d’une responsabilité criminelle et personnelle rendent ce projet à proximité du droit international pénal contemporain. Ce qui manque comme « vraie » Responsabilité de protéger, c’est le caractère préventif de la persécution pénale et en particulier toute la gamme d’autres moyens et la gradation de son application, fruit de l’absolutisme jacobin.

On revient à la question principale de ce chapitre, celle de la pratique étatique. À ce sujet, il faut ajouter que ces articles ne furent jamais en vigueur et ainsi ne se pose pas la question de leur application. Au contraire, le même mois, mais quelques semaines avant, la convention nationale française « déclare […] qu’elle ne s’immiscera en aucune manière dans le gouvernement d’autres

53 Grewe, W. (1995), Fontes Historiae Iuris Gentium (vol. II), Berlin/ New York, p. 659.

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puissances »54. En conclusion, il n’y a aucun exemple de cette période pour une Responsabilité de protéger ou d’une intervention humanitaire, soit dans la lettre imprimée, soit dans l’action des États.

B) Le traité de Kutchuk-Kaïnardji

Ce traité bilatéral de paix entre l’empire ottoman et l’empire russe, conclu le 10 janvier 1774, comporte un règlement très détaillé qui s’occupe non seulement des participants de la guerre et de leur statut – ils jouissaient traditionnellement d’une amnésie mutuelle et du libre retour dans leur pays – mais aussi d’autres personnes d’intérêt pour un des deux pays, soit par leur religion, soit par leur affiliation. C’est pourquoi le traité se réfère aux statuts des Tartares (article 3), des employés de la mission russe (article 6) et des pélerins chrétiens (article 8). M. GANJI conclut dans son appréciation de ce traité et son application que l’article 7 pourrait être vu comme donnant le droit à la Russie d’agir comme le protecteur de la foi chrétienne en Turquie55 sans répondre en détail à la question jusqu’à quel point cette stipulation justifie des restrictions. L’article 7 énonce que56 :

« La Sublime Porte promet de protéger constamment la religion Chrétienne et ses églises ; et aussi elle permet aux Ministres de la cour Impériale de Russie de faire dans toutes les occasions des représentations, tant en faveur de la nouvelle église à Constantinople dont il sera mention à l’article 14, que pour ceux qui la desservent, promettant de les prendre en considération, comme faites par une personne de conscience d’une Puissance voisine et sincèrement amie. »

Afin de pouvoir asseoir un opinion sur cette interprétation il faut qu’on apprécie l’énoncé du texte (1.) et deuxièmement son invocation à plusieurs occasions au cours du XIXème siècle (2.).

1.) L’énoncé du traité de Kutchuk-Kaïnardji de 1774

En commençant par une apprécation littérale, l’article introduit tout d’abord une obligation des autorités ottomanes (« promet »), donc une responsabilité internationale, de « protéger ». Par rapport aux concepts de la Responsabilité de protéger et de l’intervention humanitaire, il s’agit de savoir dans un premier pas que et qui sera protégé, deuxièmement quelle sorte de réaction pourra se produire à cause d’une violation de ce devoir de protection et troisièmement quels sont les conditions pour cette réaction. Par la référence aux églises, il semble logique d’attribuer ladite protection exprimé par le mot « religion » aussi au culte, ainsi que son appartenance. Bien que les chrétiens ne se trouvent donc pas forcés à changer leur foi, il reste à discuter si cette protection

54 Supra, p. 658.

55 Ganji, M. (1962), International Protection of Human Rights, Genève, p. 24.

56 De Martens, G., Recueil général de Traités (Tome II, 2e édition, 1817), Goettinge, p. 297.

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s’étend à tout acte desdites autorités envers la minorité qui ne relève pas de la religion. Ici, une interprétation systématique offre une solution : les articles 16, 17 et 23 contiennent des stipulations similaires en ce qui concerne la « Bessarabie », les « isles de l’Archipel » et les paysages de la « Géorgie » et de la « Mingrélie » respectivement. L’article 16 constate, conséquemment au numéro 2, que l’empire ottoman est obligé « De n’empêcher aucunement l’exercice libre de la religion Chrétienne et de ne mettre aucun obstacle à la construction de nouvelles églises et à la réparation des anciennes ». Cet énoncé est presque répété à l’article 17 qui proclame au numéro 2 que « la religion Chrétienne ne sera point exposée à la moindre oppression ; non plus que les églises, et qu’il ne sera mis aucun empêchement à leur construction ou réparation ; pareillement que ceux qui les desservent ne seront ni opprimés ni outragés ». L’article 23 interdit de « gêner en aucune manière la Religion, les Monastères et les Eglises », ainsi que « de […] empêcher de réparer celles qui sont ruinées, […] d’en construire de neuves […] ». On constate alors une connexion notoire entre les bâtiments et la foi. Mais le traité ne se limite pas à une protection dans le contexte des édifices bénits. L’article 8 traite le statut des pélerins russes : ceux-ci sont munis de « passeports et firmans [actes du Sultan] » afin de garantir « la protection la plus rigide des loix »57. Les deux parties contractantes ont donc bien connu les degrés possibles de protection. La formulation vaste du dernier article et de la protection introduite par celui-ci mène à comprendre la protection de la religion comme étant assez étroite et limitée à ses éléments principaux. L’article 3 est encore plus ample, en traitant le statut des Tartares, il prohibe aux deux empires de « se mêler sous quelque prétexte que ce soit, […] de leurs [des Tartares] affaires domestiques, politiques, civiles et intérieures »58. Cette affirmation solennelle de la souveraineté de la « nation Tartare » montre clairement par son listage le degré minimal de la protection accordée par l’article 7.

On passe aux mesures possibles pour une réaction de la Russie. Il étonne qu’aucune stipulation n’est faite en relation avec ladite obligation générale de protection, tandis qu’elle est bien définie pour les cas individuels cités ci-dessus. L’article 14, qui est cité par ladite norme, établit comme lex specialis une protection autonome de l’église de Constantinople, exercée par « les ministres » de la Russie, « à l’abri de toute gêne et de toute avanie ». Ce dernier article précise donc l’obligation de l’empire ottoman envers la Russie. En ce qui concerne cette église, le traité accorde à la cour russe le droit aux « représentations ». Cependant, l’article 16 protège les affaires religieuses des deux principautés de « Wallachie » et « Moldavie », qui plus tard deviendront la Roumanie, par des chargés d’affaires qui jouissent « du droit des gens, c’est-à-dire à l’abri de toute violence ». Ledit article stipule au numéro 10 que « les Ministres de la Cour Impériale de Russie résidans auprès d’Elle [la Porte, c’est-à-dire l’empire ottoman] puissent parler en leur faveur [des principautés] ; et

57 Ibid.

58 Supra pp. 292 ss.

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promet de les écouter avec les égards qui conviennent à des puissances amies et respectés ». Tandis que l’article 17 ne mentionne aucune réaction à la non-assurance de la protection, pour la Géorgie et la Migrélie, l’article 23 constate à la dernière phrase que « comme les susdits peuples se trouvent sujets de la Sublime Porte, la Russie ne devra à l’avenir se mêler en aucune façon de leurs affaires, ni les molester ». Il reste difficile de faire ressortir les intentions de la Russie et de déterminer si elle se voit dans quelque cas forcée d’intervenir ou non – mise à part en ce moment la question des moyens. Le règlement qu’on vient de déceler est un mécanisme de leges speciales qui une fois restent muets, une autre fois proclament très clairement la non-intervention et une troisième fois accordent le droit de faire des « représentations ». Il est à noter à ce point que la plupart des juristes présumaient au moins pour le XIXème siècle un libre ius ad bellum59. Pourtant, il n’est point parlé d’un droit particulier d’intervention – tout au contraire : l’article 23 introduit son attachement à la non-intervention par le fait que les peuples dont il parle sont des ressortissants turcs. Ce principe ne peut-il s’appliquer à tous les ressortissants ? Cela mène ainsi à comprendre cette stipulation comme étant plus qu’une partie dudit système de leges speciales. Afin de trouver une solution aux termes nébuleux de ce traité, il convient d’adjoindre à l’appréciation l’aspect des circonstances historiques qui pourraient nous éclairer sur la téléologie des articles spécifiques. L’église à Constantinople fut un cas très individuel où le gouvernement russe ordonna sa construction par force du traité lui- même. L’objectif poursuivi par la Russie fut très probablement de démontrer sa présence et son pouvoir pour se placer sur un pied d’égalité avec les autres puissances (l’article 14 qui permet la construction commence : « A l’exemple des autres Puissances […] »). Ceci explique pourquoi on fut assez avide d’assurer la mise-en-œuvre de cet article. Pour les deux principautés, la formule plus faible de « parler en faveur » pourrait s’expliquer d’abord par le simple fait que ces terres furent peu peuplées par des chrétiens et deuxièmement, elles se trouvaient à une place privilégiée et stratégiquement importante pour la Russie. La conclusion nécessaire que la non-intervention s’applique en général et que la Russie ne s’attribua aucune responsabilité générale pour tous les chrétiens est encouragée par l’article 2 du traité. Celui-ci règle l’extradition des criminels. Il consacre l’obligation mutuelle d’extradition pour tous suspects de crime capital, « à l’exception cependant de ceux qui dans l’Empire de Russie auront embrassé la Religion Chrétienne et dans l’empire Ottoman la Religion Mahométane ». Ainsi, on ne présumait pas encore à cette période d’être responsable pour un peuple différent comme État ou souverain (ces deux terment étant coïncidents à cette période de l’absolutisme), mais puisque le peuple se constitua largement par une communauté de religion, le souverain ne fut responsable que pour ses coreligionnaires. Par conséquent, cet article montre l’exceptionnalité des clauses sur les droits de « protestation»

diplomatique. On ne peut pas affirmer que la Russie fut munie d’un droit d’intervention et d’autant

59 Grewe (1988), supra, pp. 623 – 628 ; Ziegler, K. (1994), Völkerrechtsgeschichte, Munich, p. 230.

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moins qu’elle s’assujettit à une responsabilité.

En ce qui concerne les conditions d’une réaction, l’article 7 permet des représentations « dans toutes les occasions » et l’article 16 subordonne les réactions diplomatiques de la Russie aux

« circonstances de ces deux » principautés de la Vallachie et de la Moldavie. Il s’agit ainsi d’un mécanisme politique qui sera lancé selon des critères purement politiques totalement au gré de la cour russe. Bien entendu, ce traité n’incline pas à le comprendre comme exemple d’un système normatif de responsabilité ou de droit d’intervention son énoncé, on va passer à la pratique à laquelle les États ont recouru.

2.) Le comportement de la Russie envers la Turquie concernant les Grecs chrétiens

C’est face à la représsion constante de mouvements en faveur d’une plus grande liberté religieuse et politique dès 1814, ainsi que à cause d’une prospérité croissante qui favorisera une grande partie de la population grecque60, qu’une révolte générale démarra en avril 1821 au Péloponnèse. Après des massacres des musulmans, les autorités ottomanes ne tarderont pas avec leur réponse militaire.

Cette réponse fut particulièrement ciblée à la religion des insurgés. Le dimanche de Pâques 1821, le patriarche Grégoire fut capturé après la célébration de la messe et avec d’autres archevêques il fut pendu encore habillé dans son costume de cérémonie61. En juillet 1821, l’ambassadeur russe à Constantinople présenta les réclamations suivantes62 :

« (i) that the Greek Churches, destroyed or plundered, should be immediately restored and rendered fit for the celebration of Divine worship ; (ii) that the Christian religion should be restored to its prerogatives by granting it the same protection it formerly enjoyed, and by guaranteeing its inviolability for the future, to console Europe in some degree for the murder of the Patriarch ; (iii) that an equitable distinction should be made between the innocent and the guilty, and a prospect of peace held out to those Greeks who should hereafter submit within a given time […] »

Ces réclamations posent des problèmes juridiques en particulier en ce qui concerne leur fondement.

Même si l’article 7 avait instauré une obligation de l’empire ottoman envers la Russie concernant les chrétiens et leurs églises qui précisément furent attaqués, le règlement de la protection des Grecs eut été omis. Forcément, c’est la formule générale dudit article qui s’applique. Pourtant, il se pose la question de la réaction légitime, ou plus exctement encore : est-ce que la Russie eut le droit d’exiger

60 Shaw, S./ Shaw, E. (1995), History of the Ottoman Empire and modern Turkey (vol. II), Cambridge/ New York, p.

17. 61 Marriott, J. (2e édition 1940), The Eastern Question, Oxford, p. 205.

62 Supra p. 206.

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ces activités par la Haute Porte ? Bien qu’il existe, comme mentionné, un libre droit à la guerre, on ne peut pas arriver à trouver non plus dans le droit coutumier de cette période un droit d’intervention – situation paradoxe. Ce paradoxe est bien illustré par un manifeste du gouvernement turc de 1827 qui relève l’interprétation légale contemporaine concernant les ingérences diplomatiques qui continueront jusqu’à cette année et au-delà : « l’affaire grecque est une affaire interne de la Sublime Porte, et que c’est à elle seule à s’en occuper »63. Tenant en compte les réactions stipulées dans le traité de Kutchuk-Kaïnardji, il s’offre là comme solution d’accepter un droit russe de protestation diplomatique ; par contre il n’existe aucune base légale à des demandes contraignantes concernant la religion chrétienne. Quand les actions diplomatiques et politiques de la Russie et après des autres puissances occidentales se furent culminés dans une intervention militaire en 1828 qui amèna la Grèce à son indépendance en 1830, la possibilité d’une justification de cette réaction par ce traité reste impossible.

En résumant, le traité de Kutchuk-Kaïnardji et les évènements qui le suivirent montrent qu’une obligation internationale en faveur d’une minorité premièrement n’apporte pas automatiquement un droit aux autres États de sauvegarder son exécution par des moyens quelconques et deuxièmement, d’autant moins que cette obligation ne constitue un devoir d’autres États de s’en occuper. Après avoir vu que presque aucune action de la Russie afin de protéger ses coréligionnaires n’a pas pu être justifiée par des stipulations ambiguës, non prévisionnelles à toute situation imaginable et non généralement applicables, il se pose conséquemment la question de savoir si un exemple historique de la Responsabilité de protéger ou de l’intervention humanitaire exigerait un droit ou devoir d’intervention précis et concise. Il s’ensuit la question de savoir si un tel droit représente vraiment la Responsabilité des États souverains et égaux dont le rapport parle.

C) Le traité de Paris et les documents relatifs à celui-ci

Le traité de Paris du 30 mars 1856 est un traité de paix après la guerre de Crimée entre l'empire russe sur l’un des côtés et l'empire ottoman, l'empire français, la Grande-Bretagne et le royaume de Sardaigne sur l'autre64. Il est un vaste traité qui englobe en détail les conséquences de la guerre, le droit de navigation dans les détroits entre la mer de la Méditerranée et la mer noire, mais institue aussi des changements sur le plan étatique, notamment par une nouvelle répartition des pays des Balkans et par l’adhésion de l’empire ottoman au « concert européen ». Son article 9 al. 2 a été lu comme s’enrégimentant auxdits avantages par la prohibition de l’intervention dans les affaires

63 Ganji (1962), supra, p. 23.

64 Grewe (1995), supra (vol. III/1), pp. 19 ss.

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internes de l’empire ottoman65, ou tout au contraire comme l’affirmation d’un droit d’intervention66. A ce point, il convient de rappeler au libre ius ad bellum de cette période. Il convient de citer le texte de l’article entier :

Alinéa Premier : « S. M. I. le Sultan, dans sa constante sollicitude pour le bien-être de ses sujets, ayant octroyé un firman qui, en améliorant leur sort, sans distinction de religion ni de race, consacre ses généreuses intentions envers les populations chrétiennes de son Empire, et voulant donner un nouveau témoignage de ses sentiments à cet égard, a résolu de communiquer aux Puissances contractantes ledit firman, spontanément émané de sa volonté souveraine. »

Al. 2 : « Les Puissances contractantes constatent la haute valeur de cette communication. Il est bien entendu qu’elle ne saurait, en aucun cas, donner le droit auxdites Puissances de s’immiscer soit collectivement, soit séparément, dans les rapports de S. M. le Sultan avec ses sujets, ni dans l’administration intérieur de son Empire. »

Le « firman », dont l’alinéa premier parle, était un décret du Sultan du 18 février 1856 qui garantissait le libre exercice de toute confession et qui instaurait des sauvegardes judiciaires et surtout exécutives. La police était obligée de protéger la sécurité et la propriété des minorités chrétiennes67.

Ils existent deux exemples historiques d’interventions qui ont été présumés d’être fondés par cet article 9. Par conséquent, on regardera pour son interprétation, comme déjà bien établi, le texte lui- même (1.), ainsi qu’une intervention en Syrie en 1860 (2.) et enfin l’intervention en Bulgarie de 1877 à 1878 (3.). On se réservera de tenir compte d’autres documents de cette période pour mieux comprendre de l’ancien langage juridique. Dernièrement, après avoir examiné s’il se trouve, dans lesdits documents, une trace ancienne d’un droit d’intervention ou bien du pilier de la réaction de la Responsabilité de protéger, le traité de Paris sera encore analysé afin de trouver autres éléments de la Responsabilité de protéger (4.).

1.) L’énoncé du traité de Paris de 1856

Le professeur THORNBERRY suppose que la première phrase du deuxième alinéa de l’article 9 du traité de Paris qui constate la « haute valeur » du firman se lit comme un exemple de la

65 Thornberry, P. (1991), International Law and the Rights of Minorities, Oxford, pp. 33 – 34; Rougier, A. ‘La Théorie de l’intervention d’humanité’ in Revue générale de Droit international public (1910), Paris, pp. 468 – 526, p. 474.

66 Ganji (1962), supra, pp. 30 – 31; Dupuis, C. (1921), Le Droit des Gens et les Rapports des Grandes Puissances avec les autres États avant le Pacte de la Société des Nations, Paris, p. 118; De Sédouy, J., ‘Les chrétiens d’orient et le congrès de Paris’ in G. Ameil, G./ Nathan, I./ Soutou, G. [eds] (2009), Le Congrès de Paris (1856) pp. 77 – 82, p. 82.

67 Shaw/ Shaw (1995), supra (vol. II), pp. 124 –125.

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