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De la "responsabilité de protéger", ou d'une nouvelle parure pour une notion déjà bien établie

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De la "responsabilité de protéger", ou d'une nouvelle parure pour une notion déjà bien établie

BOISSON DE CHAZOURNES, Laurence, CONDORELLI, Luigi

BOISSON DE CHAZOURNES, Laurence, CONDORELLI, Luigi. De la "responsabilité de protéger", ou d'une nouvelle parure pour une notion déjà bien établie. Revue générale de droit international public , 2006, no. 1, p. 11-18

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:6162

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OU D'UNE NOUVELLE PARURE POUR UNE NOTION DEJA BIEN ETABLIE

par

Laurence BOISSON DE CHAZOURNES

Professeure à l'Université de Genève

et

Luigi CONDORELLI Professeur à l'Université de Florence, Professeur honoraire il l'UnÎversilé de Genève

« C'est à chaque État qu'il incombe de protéger les populations du géno- cide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l' hu- manité. Ce devoir comporte la prévention de ces crimes, y compris l'incita- tion à les commettre, par les moyens nécessaires et appropriés. Nous accep- tons cette responsabilité et agirons de manière à nous y conformer. La com- munauté internationale devrait, si nécessaire, encourager et aider les États à s'acquitter de cette responsabilité et aider l'Organisation des Nations Unies à mettre en place un dispositif d'alerte rapide.

Il incombe également à la communauté internationale, dans le cadre de l'Organisation des Nations Unies, de mettre en œuvre les moyens diploma- tiques, humanitaires et autres moyens pacifiques appropriés, conformément aux Chapitres VI et Vlll de la Charte des Nations Unies, afin d'aider à pro- téger les populations du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage eth- nique et des crimes contre l'humanité. Dans ce contexte, nous'sommes prêts à mener en temps voulu une action collective résolue, par l'entremise du Conseil de sécurité, conformément à la Charte, notamment son Chapitre Vll, au cas par cas et en coopération, le cas échéant, avec les organisations régionales compétentes, lorsque ces moyens pacifiques se révèlent inadé- quats et que les autorités nationales n'assurent manifestement pas la pro-

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tection de leurs populations contre le génocide, les crimes de guerre, le net- toyage ethnique et les crimes contre l'humanité. Nous soulignons que l'Assemblée générale doit poursuivre l'examen du devoir de protéger les populations du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l'humanité et des conséquences qu'il implique, en ayant à l'esprit les principes de la Charte des Nations Unies et du droit internatio- nal. Nous entendons aussi nous engager. selon qu'il conviendra, à aider les États à se doter des moyens de protéger leurs populations du génocide, des crimes de guerre, du nenoyage ethnique et des crimes contre l'humanité et à apporter une assistance aux pays dans lesquels existent des tensions avant qu'une crise ou qu'un conflit n'éclatel, ».

Aux yeux de nombreux observateurs ces phrases figurant dans le Document final du Sommet mondial de septembre 2005, consacrent une innovation éclatante et celle-ci est d'ailleurs l'objet d'un vaste débat. La

«responsabilité de protéger» serait à considérer comme une «nouvelle norme prescrivant une obligation collective internationale de protection »2.

Ainsi s'exprime 'le rapport désormais célèbre, fruit d'une importante consul- tation au niveau planétaire, qui a proposé la formule en question, et l'arbo- re en tant que titre, à savoir le rapport de la Commission internationale de l'intervention et de la souveraineté des Etats (CnSE)), créée à l'initiative du Canada pour essayer d'envisager des réponses aux préoccupations expri- mées avec force par le Secrétaire général dans son rapport du Millénaire", quant à la capacité de la communauté internationale d'empêcher que ne soient commises de nouvelles violations graves et massives des droits de l'homme comme celles du Rwanda ou de Srebrenica.

La formule «responsabilité de protéger» est indéniablement une brillan- te invention diplomatique, dont le succès auprès des cercles internationaux et la fulgurante carrière doivent sans doute beaucoup au fait qu'elle apparaît moins difficile à 'gober' que l'ancienne formule très médiatisée du «droit (ou devoir) d'ingérence». Nombre d'Etats de toutes les régions du monde, en effet, n'appréciaient guère cette expression, la ressentant comme haute- ment dangereuse en soi (tout au moins au vu de ses possibles dérives), du fait qu'elle apparaissait comme contredisant de front le dogme de la souve-

1 -Document final du Sommet mondial de 2005, UN. Doc. N&J!L l, 20 septembre 2005. paragraphes IJSel 139.

2 -Qualifée ainsi par le Rapport de la Commissjon wernationale de ['intervention et de la souveraine- ré des Erats (CUSE), ~ La responsabilité de protéger », D&embre 2001. Disponible sur Intp:llwww.iciss.calpdf/Rapport-de-La·Commissioo.pdf.VoiraussileRapp<JrfdugroupedepusOfIJIO.lilés de haut niveau sur les meflOCt!S, les défis elle changement

«(

Un monde plus sOr: une responsabilité partagée 11>,

Doc. A/591565, 2 décembre 2004, paragrapbe 203. Le rapport est disponible sur le süe http://www.orglfren·

ch/secureworkIJindex.html) qui fait sien ce postulat.

3 -Ibid.

4 -Rapport du Secrétaire géniral sur les lravaux de l'Organjsation, Doc. A/54/1, 1999, p. 48.

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raineté et l'un de ses principaux corollaires, le principe de non-intervention.

Pourtant, la notion visée par les formules de « responsabilité de protéger>' ou de «droit (ou devoir) d'ingérence» est loin d'être nouvelle: ses compo- santes juridiques se sont largement consolidées à partir de 1945. Il n'y a, en somme, pas d'innovation véritable, sauf pour ce qui est de la terminologie.

il y a en revanche une confirmation solennelle, fort bienvenue d'ailleurs, de ce qu'on pourrait qualifier la 'collectivisation' de la responsabilité de proté- ger tous les êtres humains contre les violations les plus graves des droits de l'homme.

Plus aucun Etat - on le savait depuis longtemps - ne peut s'abriter der- rière le bouclier de sa souveraineté pour commettre, voire laisser perpétrer de graves violations des droits des personnes placées sous sa juridiction: il est acquis que les principes de droit international relatifs aux droits de l'homme et au jus in hello l'interdisent. Il est également acquis que de tels comportements violent des obligations erga omnes et que de ce fait tous les Etats, ainsi que toutes les organisations internationales compétentes, sont habilités à agir pour protéger les victimes de ces exactions. Quant aux moyens d'action utilisables dans ce but, personne ne saurait douter désor- mais qu'ils incluent - outre ceux pacifiques à caractère diplomatique, huma- nitaire etc. -le recours à des mesures coercitives adoptées en application du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies: une pratique onusienne consé- quente en ce sens le certifie. En effet, les violations massives et à large échelle des droits de l'homme et du droit humanitaire sont constitutives de menaces contre la paix et la sécurité internationales au sens du Chapitre vn de la Charte. Il s'ensuit logiquement qu'elles déclenchent ce que l'article 24 appelle la «responsabilité principale» (ou «primordiale», d'après son texte espagnol) du Conseil de sécurité, qui doit alors s'acquitter de ses « devoirs»

(toujours d'après le langage de l'article en question) pour maintenir et réta- blir la paix, en faisant donc cesser ce qui la met en péril.

En somme, le Document final du Sommet mondial ne fait rien de plus, pour ce qui est de la «responsabilité de protéger», qu'assembler une série d'acquis juridiques dans un cadre unitaire, au moyen duquel, d'une part, on rappelle à chaque Etat, par rapport à sa propre sphère de juridiction, les obli- gations pesant sur lui en matière de prévention, de protection et de répres- sion contre des crimes de génocide, des crimes de guerre, des pratiques de nettoyage ethnique et des crimes contre l'humanité; et, d'autre part, on sou- ligne que tous les autres Etats, le Conseil de sécurité voire les diverses orga- nisations internationales compétentes sont appelés à agir conf';rrnément à la Charte des Nations Unies et au droit international pour faire cesser ces vio- lations, en faisant usage de toute la panoplie de moyens disponibles. La dénomination change, mais les principes évoqués par les mots « responsa- bilité de protéger» restent en substance ceux auxquels on se référait aupa- ravant en utilisant les termes «devoir d'ingérence» ou «obligation de res-

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pecter et faire respecter»: l'évolution au niveau du vocabulaire témoigne surtout du besoin qu'il y avait de trouver un étiquetage aux contours plus arrondis, apparaissant moins intrusifs pour certaines susceptibilités poli- tiques.

La «responsabilité de protéger» constitue donc un intéressant aboutis- sement, qui relève pour l'essentiel - on l'a dit - de la politique linguistique.

Quant au point de départ véritable de la notion signifiée par cette formule, il se place indiscutablement du côté d'un pan du droit international bien éta- bli, à savoir le droit international humanitaire, véritable «atelier d'expéri- mentation juridique »5 au sein duquel ont été élaborés de nombreux concepts novateurs du droit international contemporain qui sont ensuite pas- sés dans d'autres chapitres de celui-ci, notamment le droit international des droits de l'homme et tout dernièrement le droit international pénal.

Nul ne saurait disconvenir, en effet, de l'importance exceptionnelle et de la valeur anticipatrice du principe consacré à l'Article 1" commun aux quatre Conventions de Genève de 1949, proclamant l'obligation pour les Parties contractantes d'en «respecter et faire respecter» les prescriptions.

Beaucoup a été écrit à son sujet ainsi que sur le rôle croissant qu'il a acquis et continue de déployer dans le débat international de ces dernières décen- nies6 . TI n'est point besoin, cependant, de rouvrir tout ce débat pour saisir pleinement la signification désormais acquise par le principe «respecter et faire respecter»: il suffit de souligner comment la Cour internationale de Justice (C.I.J), dans son Avis consultatif du 9 juillet 2004 sur les Conséquences juridiques de l'édification du mur dans les territoires pales- tiniens7, l'a pris en considération et mis en exergue, en en a avalisant l'in- terprétation la plus large et la plus progressiste parmi celles qui avaient été proposées jusque-là.

La c.I.J. ad' abord rappelé que l'Article 1 e< commun aux quatre Conventions s'adresse à tous les Etats, qu'ils soient ou non parties à un conflit déterminé et qu'ils soient ou non liés formellement par les conven- tions en question, et leur impose de <<faire respecter» les prescriptions des instrnments concernés (ce qui présuppose évidemment qu'il y ait eu viola-

5 -L. Condorelli, «Le droit intemationaJ humanitaire en tant qu'atelier d'expérimentation juridique », in W. Haller & al.(eds.), lm Dienst an der Oememscooft, Feslschriftfür Dietrich Schindler, zum 65. Geburtslag, Bâle, Helbing & Lichtenhahn, 1989, pp. 193-200.

6 -Qu'il nous soit pennis de faire renvoi à ce sujet, y compris pour les références bibliographiques et documentaires pertinentes, à nos deux études précédentes sur ce thème, à savoir « Quelques remarques à pr0- pos de l'obligation de «respecter et faire respecter» le droit international humanitaire «en lOutes circons- tances» ~, in Ch. Swinarski,(ed.), Etudes et essais sur l~ droit international humanitaire et sur l~s principes de la Croix-Rouge en l'honneurde Jean Piclet, Genève, La Haye, CICR, Nijhoff, 1984, p. 1755.;« Common Article 1 of the Geneva Conventions Revisited : Protecting Collective Interests », in Revue intemational~ de la Croix-Rouge, 2000, n° 847, pp. 67-88.

7 - CU, Conséquences juridiques de l'édification du mur dans les territoires palestiniens, Avis consulta- tif du 9 juillet 2004, Recueil 2004, paragraphe 159, p. 200.

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tion de l'obligation de «respecter» de la part d'un ou des Etats directement concernés). Or, cette obligation générale se spécifie pour la Cour en une série d'obligations plus précises de caractère tant négatif que positif. Au plan négatif, les Etats avant tout « ... sont dans l'obligation de ne pas recon- naître la situation illicite ... " qui a été créée en violant le droit international humanitaire; de plus, « ... (i)ls sont également dans l'obligation de ne pas prêter aide ou assistance au maintien de la situation créée ... » par une telle violation. Puis viennent, dans le discours de la Cour, les obligations de nature positive qu'elle indique (en référence aux prescriptions pertinentes au cas d'espèce) en précisant ce qui suit: «Il appartient... à tous les Etats de veiller, dans le respect de la Charte des Nations Unies et du droit inter- national, à ce qu'il soit mis fin aux entraves, résultant de la construction du mur, à l'exercice par le peuple palestinien de son droit à l'autodétermina- tion. En outre, tous les Etats parties à la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre ont l'obligation, dans le respect de la Charte des Nations Unies et du droit international, de faire respecter par Israël le droit international humanitaire incorporé dans cette convention ,,8. Il Y a là - on le constate - la ferme volonté de la Cour de mettre en pleine lumière toutes les implications de l'obligation solidaire pesant, en matière de droit international humanitaire, sur l'ensemble de la communauté internationale et sur tous les Etats: il ne s'agit pas seulement de ne pas reconnaître les situations illégales, mais il faut aussi que chacun agisse positivement pour les faire cesser, en utilisant dans ce but tous les moyens disponibles et juridiquement admissibles. Cependant, ce n'est pas tout: la Cour tire encore plus du principe <<faire respecter». En effet, elle traduit l'obligation pesant sur «tous les Etats" en obligation de l'Organisation des Nations Unies, et spécialement de l'Assemblée généra- le et du Conseil de sécurité: ceux-ci « ... doivent, en tenant dûment comp- te de cet avis consultatif, examiner quelles nouvelles mesures doivent être prises afin de mettre un terme à la situation illicite ... ,,9. C'est là une maniè- re éclatante de consacrer la valeur générale du principe (complémentaire par rapport à celui de l'article 1" commun) proclamé à l'article 89 du Premier Protocole de 1977 additionnel aux Conventions de Genève de 1949, d'après lequel «Dans les cas de violations graves des Conventions et du présent Protocole, les Hautes Parties contractantes s'engagent à agir, tant conjointement que séparément, en coopération avec l'Organisation des Nations Unies et conformément à la Charte des Nations Unies". Par l'Avis consultatif de 2004, la Cour avalise le bien-fondé de l'opinion doctrinale d'après laquelle l'ONU est appelée par le droit international hûmanitaire en vigueur à coopérer à la mise en œuvre de ces prescriptions, les violations graves de celles-ci déclenchant non seulement l'obligation de tous les Etats

8 -Ibid.

9 -Ibid., paragraphe 160.

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de <<faire respecter», mais aussi celle qui repose sur l'Organisation en tant que telle. L'ONU n'est certes pas liée formellement par les Conventions de Genève ou par les instruments proscrivant le génocide et les autres crimes de droit international, dont elle n'est pas partie, mais est assurément liée par les «principes intransgressibles du droit international coutumier»lO, au nombre desquels il faut ranger, tant celui prescrivant l'obligation de «faire respecter» le droit international humanitaire, que l'ensemble des nOffiles de celui-ci Il,

On le voit, tous les éléments juridiques caractérisant la «responsabilité de protéger», tels qu'ils figurent dans le Document final du Sommet de 2005, étaient déjà bien présents dans le principe «respecter et faire respec- ter»; à ceci près, bien entendu, que la première notion a des contours plus larges que le principe évoqué, étant donné qu'elle ne présuppose pas l'exis- tence d'un conflit international ou interne. Il est néanmoins à mettre en évi- dence que la plupart du temps ces exactions auront lieu dans un contexte qui relève (aussi) du droit international humanitaire, comme il est clair - on l'a souligné - que l'obligation de «respecter et faire respecter» trouve éga- lement application face à toute violation grave et massive des droits de l'homme.

En somme, le système international n'a pas réellement progressé du fait de la proclamation solennelle de la «responsabilité de protéger». Et c'est, il faut le dire, bien dommage: de tels progrès sont absolument indispen- sables pour éviter la répétition d'effroyables tragédies, comme celles aux- quelles on avait songé lorsque l'exercice diplomatique dont nous discutons a été lancé. Ce qui fait cruellement défaut, en effet, ce ne sont pas les prin- cipes, mais les instruments et les outils de mise en œuvre devant peffilettre de parer au fait que - les uns après les autres - les titulaires de la «respon- sabilité de protéger», y compris en fin de compte le Conseil de sécurité, ne

10 -Expression que la Cour reprend, au paragraphe 157 de l'Avis de 2004, du paragraphe 79 de son Avis consultatif de 1996 sur la Lîcéîté de lu merwce ou de l'emploi d'armes nucléaires (<< C'est sans doute parce qu'un grand nombre de règles du droit humanitaire applicable dans les conflits annés sont si fondamentales pour le respect de la personne humaine et pour des «considérations élémentaires d'humanité», selon l' expres- sion utilisée par la Cour dans son arrêt du 9 avril 1949 rendu en l'affaire du Dltroit de Coifou (Recueil 1949, p. 22), que la convention IV de La Haye et les conventions de Genève ont bénéficié d'une large adhésion des Etats. Ces règles fondamentales s'imposent d'ailleurs à tous les Etats, qu'ils aient ou non ratifié les instruments conventionnels qui les expriment, parce qu'eUes constituent des principes intransgressibles du droit interna- tional coutumier »), Avis consultatif du 8 juillet 1996, Recueil 1996, p_ 257_

Il - On n'oubliera pas de noter que l'obligation de respecter et faire respecter a été l'objet de réitérations récentes, ce qui en souligne toute l'actualité. Ainsi dans le cadre conventionnel, le Protocole additionnel ID du 8 décembre 2005 aux Conventions de Genève du 12 août 1949, relatif à l'adoption d'un signe distinctif addi- tionnel, rappelle ce principe en son article 1. La CU, dans son tout récent arrêt du 19 décembre 2005 relatif aux Activités menées sur le territoire du Congo (République du Congo c. Ouganda), a rappelé à l'Ouganda en tant que puissance occupante, son obligation de respecter et faire respecter les droits de l'homme et le droit international humanitaire (paragraphe 345). Voir également l'opinion séparée du Juge Siroma jointe à cette décision qui rappelle dans des tennes très précis les contours juridiques de l'obligation ]Xlur un Etat de faire respecter le droit international humanitaire par un autre Etat (paragraphes 33-34). Le texte de l'arrêt et de l'opinion du Juge Simma sont dis]Xlnibles sur: http://www.icj-cij.orgfcijwww/cdocketlccolccoframe.httn

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s'acquittent pas de leurs devoirs quelle qu'en soit la raison. Il y a des ques- tions lancinantes auxquelles des réponses ne sont toujours pas apportées:

face à un désastre humanitaire que l'Etat territorial n'arrive pas à empêcher, voire est en train de causer lui-même, et que l'action individuelle et col- lective à caractère pacifique n'est pas capable d'endiguer, comment éviter le blocage du Conseil de sécurité dû au fait que la majorité requise ne serait pas atteinte pour adopter une décision nécessaire afin d'arrêter la tragédie en cours? Et quid si, malgré tout, le Conseil n'arrive pas à décider, voire s'avère incapable de prendre des mesures efficaces? Devra-t-on rester spectateurs impuissants des tueries, ou bien quelqu'un d'autre (l'Assemblée générale, les organisations régionales, voire des Etats «dis- ponibles») pourra alors remplacer le Conseil et - au nom de sa propre «res- ponsabilité de protéger» - lancer des opérations aptes, le cas échéant au moyen d'un emploi de la force, à arrêter les souffrances dues à la perpétra- tion des crimes qui continuent?

Il est intéressant à cet égard de noter que les différents documents ayant précédé l'adoption du Document final du Sommet mondial de 2005 avaient bien évoqué ces questions. Ainsi, par exemple, le Rapport du groupe de per- sonnalités de haut niveaul2, et dans une moindre mesure celui du Secrétaire général13, envisageaient de donner à la responsabilité de protéger un carac- tère opératoire, en particulier en esquissant les contours d'une acception armée de ladite responsabilité. La possibilité de recourir à la force pour des raisons humanitaires, qui était dans tous les esprits, a été âprement discutée lors de l'élaboration du rapport du groupe de hautes personnalités. Celui-ci s'était finalement limité à appeler le Conseil de sécurité à envisager et auto- riser une action armée, au cas où cela serait nécessaire pour mettre fin à une crise humanitaire. Il proposait des critères juridiques d'action et allait jus- qu'à suggérer, afin de faire obstacle au risque de paralysie du Conseil, de mettre au défi les membres permanents assumant leur responsabilité de pro- téger, de s'abstenir d'user de leur droit de veto. Le document final du Sommet garde, quant à lui, un silence impénétrable sur ces questions essen- tielles et prolonge donc l'incertitude existante, puisqu'il n'accueille ni ne repousse aucune des thèses qui s'affrontent actuellement dans la commu-

nauté internationale. •

Aucun consensus significatif n'ayant pu être dégagé, on a dû se conten- ter d'une réforme de caractère linguistique qui ne saurait comporter pour l'heure le moindre avancement réel. On repousse à plus tard, est-il dit, la

12 - Rapport du groupe de personnalités de haut niveau sur les menaces, les défis et le changement, op.

cil., paragraphes 199 à 209. Voir L. Boisson de Chazoumes, « Rien ne change, tout bouge, ou le dilemme des Nations Unies. Propos sur le Rapport du groupe de personnalités de haut niveau sur les menaces, les défis et le changement », Revue générale de droit intemaliorwl public, 2005, vol. 109, n01, pp. 147-161.

13 -Rapport du Secrétaire général, « Dans une liberté plus grande: développement, sécurité et respect des droits de l'homme pour tous", Doc. AJ5912oo5, 24 mars 2005, paragraphe 126 et paragraphes 134 à 135.

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réflexion en la matière. La porte est laissée ouverte à d'éventuels progrès à venir, dont l'étude est confiée à l'Assemblée générale. Pourtant, après tant de débats peu concluants au tournant du millénaire, on peut se demander si ce qu'on appelle, dans le langage des diplomates, le «momentut/l», n'est pas désonnais révolu ... ?

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