PROCESSUS
DIGESTIFS
DESRUMINANTS
III. -
ÉTUDE
IN-VITRO DEQUELQUES PHÉNOMÈNES
DE
DIGESTIBILITÉ
ASSOCIATIVEA. C.
FRANÇOIS,
A.M. LEROY,
S. Z. ZELTERLaboratoire de Recherches
Zootechniques,
Institut nationalagronomique,
’
Paris
On sait maintenant que la
production
d’acides gras volatils dansl’appareil digestif
constitue unaspect
fondamental de la nutrition du Ruminant. Diverses mises aupoint
ontété , publiées sur cette question
au cours des dernières années
( 1 ) ( 2 ) ( 3 ).
Le taux de chacun des acides
formés,
notamment,acétique,
pro-pionique, butyrique, dépend
dans unelarge
mesure desglucides
durégime
«V1 ARS HA I , I
,
et PHILLIPSON(q),
F’,LSD!N(!),
McNAUGHT(C)!.
Avec un ré-gime
d’herbe ou defoin,
on observe uneprédominance
de la fermentationacétique
et une absencequasiment
totale d’acidelactique. [GRAY
et coll.( 7
),
FAUCONNEAU et Coll.(8)].
Parailleurs,
PHILLIPSON( 9 ),
a montréque les flocons de maïs
provoquaient
chezl’agneau l’apparition
de quan- titésimportantes
d’acidelactique,
et secondairement d’acidepropio- nique.
Il en est de même pour lesrégimes
à base derutabaga, [P HILLIP -
SON et MCANAI,LY
(IO)!.
Le rôle
physiologique qu’attachent
de nombreux auteurs aux acidesgras
inférieurs,
et enparticulier
à l’acideacétique,
pour lalipogénèse
mammaire, [(FOLLEY
et FRENCH( II ),
ZEl/rER( 12 ))J,
nous a conduit àobserver les effets des modifications de
rapport
entre les constituants durégime
alimentaire duruminant,
et l’intensité de formation de cet acide au niveau du Rumen. Nous avons étudié dans ce dessein divers types d’associations alimentaires utilisés couramment dans lapratique.
TECHNIQUE EXPÉRIMENTALE
La
technique
in-vitro ainsi que lestechniques analytiques
utiliséesont été décrites dans un
précédent
mémoire(8).
Nouspréciserons
seule-ment que
plusieurs
substrats ont étéexpérimentés
soitisolément,
soit( 1
) Adresse actuelle: Service de l3iochimie, C. B. R. Z. Jouy en Josas.
(’) Avec la collaboration technique de QI’ne NAVILLEet QI"e Doninv.
en association et en
proportions variables,
le foin de luzerne servant desubstrat-type.
Ont été étudiés : foin deluzerne,
pomme de terre crue, pomme de terrecuite,
betteravedemi-sucrière,
mélasse de betterave ; desglucides
purs tels que :l’amidon,
leglucose,
lesaccharose,
lelactose,
la cellulose
(coton linters) ;
desfourrages
verts :fléole,
ray-grass,luzerne,
trèfle du
Poitou,
trèfle violet breton.Une
quantité
totale d’environ 25 g de matière sèche de substrat étaitgénéralement
utilisée àl’exception
desglucides
purs introduits à la dose de 10 g. I,es critères decomparaison
étaient d’unepart
le taux dedisparition
desglucides (cellulose
etglucides
réducteursaprès hydro- lyse)
et d’autrepart l’apparition
d’acides gras volatils(acétique,
pro-pionique, butyrique),
d’acidelactique,
et la valeur dupH.
RÉSULTATS
Les résultats sont
consignés
dans les tableauxI-A,
I-B et IIci-après.
INTERPRÉTATION
ET DISCUSSIONA)
Fourrages vertsLa
dégradation
desfourrages
verts au niveau du rumen(tableau I-A)
est caractérisée par l’absence totale d’acide
lactique.
Apoids égal
desubstrat sec, les
quantités
totales d’acides volatils formés semblentplus
élevées pour leslégumineuses
que pour lesgraminées. Toutefois,
les
répartitions
en acidesacétique, propionique
etbutyrique,
ne diffèrentguère
entre les deux familles.L’apparition
dequantités plus
élevéesd’acides volatils
engendrés
par leslégumineuses, malgré
ladisparition
de
quantités plus
faibles deglucides, peut
résulter de la désamination desprotides, [Pà!,
SCHAZLY(z 3 )].
Eneffet,
les teneurs en azote total pour100
parties
de matière sèche de substrat étaient les suivantes : fléole : i.ig, ray-grass : 1.54, luzerne.4 .6 9 ,
trèfle du Poitou : 3.43, trèfle violet breton : 4.09.B)
Glucides pursLe faciès du processus fermentaire est
quelque
peu différent entre les essais A et B ; cecipeut
être attribué à la provenance différente des ino- culums utilisés.Nos résultats confirment que ni
l’amidon,
ni la cellulose ne conduisent à une fermentationlactique (tableau I-B).
Enrevanche,
les sucres solu-bles
(saccharose, lactose, glucose)
sont essentiellementgénérateurs
d’acide
lactique.
Lesquantités
d’acides volatils apparues sont du même ordre degrandeur quel
que soit le substratglucidique,
bien que le taux dedisparition
desglucides
réducteurs soitplus
élevé dans le cas des sucres so-lubles. Les données montrent que les valeurs des
pH
sont nettementplus
basses avec ces derniers substrats
qu’avec
l’amidon ou lacellulose,
et que la fermentationpropionique prédomine
dans le cas de la cellulose.Cette dernière observation est en accord avec celle de E!,sD!N
( 5 )
et deMARSTON
(14).
C)
Associations alimentairesNotons tout d’abord que pour la pomme de terre
l’aspect
de la fer-mentation diffère sensiblement selon son état. Introduite seule à l’état
cuit,
elle conduit à une fermentation àprédominance butyrique,
tandisqu’à
l’état cru, l’acideacétique prédomine. Parallèlement,
il y a dansce dernier cas formation d’acide
lactique qui n’apparaît
pas dans l’autre.I,e
type
de fermentation de la pomme de terre crue est àrapprocher
decelui de l’amidon pur
(tableau I-A).
Dans le cas du foin
seul,
la fermentationprésente
l’allure connuecaractérisée par l’absence totale d’acide
lactique
et laprédominance
d’acides
acétique.
En introduisant dans le milieu desproportions
croissantes de pomme de terrecuite,
auxdépens
du foin deluzerne,
on constateune
régression
continue de la fermentationacétique
et un accroissementparallèle
de l’acidebutyrique,
tandis que lepropionique
ne varie quetrès faiblement. Ces déviations ne s’observent pas pour les pommes de terre à l’état cru. Pour faire dévier la fermentation du
type
« foin » vers cellequi
caractérise la pomme de terre, un certainrapport
semble devoirêtre réalisé entre les
quantités
de matière sèche associées de ces deux ali- ments.Du
point
de vue de laphysiologie
de la rutrition duruminant,
on
peut
se demander si la cuisson de la pomme de terre,qui
aboutit àune
dépression
de la fermentationacétique,
est souhaitable.Toutefois,
l’effet associatif du foin de luzerne
peut
atténuer cet inconvénient dans la mesure où lerapport
M. S. pomme deterre/M.
S. foin reste endeça
de
1/1 .
Notons que la
digestibilité
in-vitro desglucides
de la pomme de terre est améliorée par lacuisson,
et que si lerapport
M. S. pomme deterre/M.
S. foindépasse 1/1 ,
l’effet associatif dupremier
de ces alimentsse manifeste par une
dépression
de ladigestibilité
in-vitro de la cellu-lose. Ceci est à
rapprocher
des observations in-vivosignalées
par les anciens auteurs(K UHN )
et confirmées par SWIFT et coll.( 15 )
et par BURROU G HS
et coll.
( I C).
Le
comportement
de la betterave demi-sucrière seule ou de la mélassede betterave
(tableau
IIb,
IIc)
ressemble à celui du saccharose oudes autres sucres solubles
(tableau
IIB).
La fermentationlactique
estde loin
prédominante.
L’association enproportions
croissantes de matière sèche de foin de luzerne à la mélasse ou à labetterave,
inverse le coursdes fermentations dans le sens de l’acidité volatile. Là encore, la dévia-
tion a pp araît brus q
uement lorsque
lera pp ort M.
S. mélasse ou betteravet
ion
apparaît brusquement lorsque
lerapport M. S. fo i n
.—————. < . om
atteint le seuil
1/1 .
Cette déviations’accompagne
d’une chute des tauxde
disparition
de la cellulose. Ceci confirmeégalement
les observations faites in-vivo par LEHMANN et par K!r,!rr!R. L’ensemble de nos obser- vations montre que la valeur dupH
du milieu du rumen estréglée
par l’intensité de la fermentationlactique, qui
elle-mêmedépend
de la com-position
de la ration.Hi.
SDEN a montré que l’acide
lactique peut
lui-même fermenter auniveau du rumen et être transformé en acides gras volatils.
Toutefois,
à la lumière de nosdonnées,
ilapparaît
que si un telphénomène peut
seproduire
en milieudilué,
ce n’est pas le caslorsqu’il
se forme une quan- tité massive d’acidelactique.
R
OBINSONet coll.
( 17 )
ont, de leurcôté,
récemment montré l’influence de la concentration et dupH
sur la métabolisation de l’acidelactique.
A
pH
5.o et àpH 8,
l’acidelactique
s’accumule. Or, les consommationsexagérées
d’alimentsglucidiques (betteraves notamment), peuvent
con- duire à un tel processus :production rapide
d’acidelactique, provoquant
un abaissement du
pH qui
à son tour favorise l’accumulation de l’acidelactique.
Ilpeut
en résulter des accidentsdigestifs
et unedépression
dela
lipogénèse
mammaire due à une formation insuffisante d’acides gras volatils.RÉSUMÉ
ET CONCLUSIONS1
° Au moyen d’une
technique
dedigestion in-vitro,
la formation d’acides gras volatils et d’acidelactique
àpartir
de divers substratsa été étudiée : l’influence de l’association d’aliments
glucidiques
à dufoin de luzerne a été notamment suivie.
2
° Les
betteraves,
lamélasse,
leglucose,
lesaccharose,
le lactose sontgénérateurs
d’acidelactique.
Enrevanche,
lesfourrages
verts,l’amidon,
la pomme de terre n’enproduisent
pas ou enproduisent
detrès faibles
quantités.
3
° L’association du foin de luzerne aux betteraves ou à la mélasse favorise la formation d’acides volatils au détriment de l’acide
lactique.
Le faciès normal de la fermentation est modifié
lorsque
lerapport
de lamatière sèche de l’aliment
glucidique
à celle du foin estsupérieur
à r.RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES (
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