FACULTÉ DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
ANNÉE 1902-1903 N» 153
DES
DE LA
CAVITÉ ABDOMINALE
THESE POUR LE DOCTORAT EN MEDECINE
Présentée etsoutenue publiquement le 29 Juillet 1903
PAR
François-Joseph-Henry FONTAINE
Né à Libourne (Gironde) le 4décembre 1878.
MM. BOURSIER, professeur... Président.
LANELONGUE, professeur.,
DENUCÉ,agrégé Juges.
BÉGOUIN,agrégé )
Le Candidat répondra aux questions qui lui seront faites sur les diverses parties
de l'Enseignement médical.
Examinateurs de la Thèse:
BORDEAUX
G. GOUNOUIUIOU, IMPRIMEUR DE LA FACULTÉ DE MÉDECINE
II, RUE GUIRAUDE, II
I QOo
FACULTÉ DE MÉDECINE ET
DEPHARMACIE
DEBORDEAUX
M. de NABI AS Doyen. | M. PITRES... Doyenhonoraire, PROFESSEURS:
MM. MIGE . . .
DUPUY.. .
MOUSSOUS
Professeurs honoraires.
Clinique interne . . .
Cliniqueexterne. . . Pathologieetthérapeu¬
tique générales. . .
Thérapeutique. . . .
Médecineopératoire .
Clinique d'accouchements.
Anatomiepathologique. .
Anatomie
Anatomie générale et histologie
Physiologie...
Hygiène
Médecinelégale . . .
MM.
PICOT.
PITRES.
DEMONS.
LANELONGUE YERGELY.
ARNOZAN.
MASSE.
LEFOUR.
COYNE.
CANNIEU.
VIAULT.
JOLYET.
LAYET.
MORACHE.
MM.
Physique biologiqueet
électricité médicale.
Chimie
Histoire naturelle . .
Pharmacie
Matière médicale. . . Médecine expérimentale . Clinique ophtalmologique.
Clinique des maladies chi¬
rurgicales des enfants .
Clinique gynécologique BOURSIER.
Clinique médicale des maladies des enfants Chimie biologique . .
Physiquepharmaceutique Pathologie exotique .
BERGONIÉ, BLAREZ.
GUILLAUD.
FIGUIER.
deNABIAS.
FERRÉ.
BADAL.
PIÉCHAUD.
A. MOUSSOUS DENIGÈS.
SIGALAS.
LE DANTEC.
AGRÉGÉS EN EXERCICE:
section de médecine(PathologieinterneetMédecinelégale.) MM.GASSAËT. I MM.MONGOUR.
SABRAZÈS. | CABANNES.
IIOBBS.
section de chirurgie et accouchements
Pathologieexterne.
MM.DENUCE.
| BRAQUEHAYE
I CHAYANNAZ.
BÉGOUIN.
. , , IMM.FIEUX.
Accouchements,
j aNDÉRODIAS.
Anatomie
Chimie
section des sciencesanatomiques et physiologiques
IMM.GENTES I Physiologie . . . MM.PAGHON.
'I CAVALIÉ. Histoire naturelle. BEILLE.
section des sciences physiques
M. BENEGH. — Pharmacie . . M.DUPOUY.
COURS COMPLÉMENTAIRES:
Cliniquedes maladies cutanéesetsyphilitiques MM.DUBREUILH.
Cliniquedes maladies des voies urinaires POUSSON.
Maladies du larynx, des oreillesetdunez MOURE.
Maladies mentales RÉGIS.
Pathologie interne nrè
Pathologie externe v^/ytitas
Accouchements ANDÉROD
Physiologie PACfflON.
Embryologie
PRIj^S
Ophtalmologie RAGRAN
Hydrologieetminéralogie CARLEb.
Le Secrétaire de la Faculté: LEMAIRE.
Pardélibération du 5 août 1879, la Faculté a arrêté que les opinions émises
Thèsesqui luisont présentées doivent êtreconsidérées commepropresàleursau qu'ellen'entend leur donner niapprobation ni improbation.
A MON ET A MA
PÈRE MÈRE
A MON
FRÈRE
A MES ONCLES ET TANTES
A MES COUSINS
A TOUS CEUX QUI M'ONT
TÉMOIGNÉ
QUELQUE AFFECTION
A MONPRÉSIDENT DETHÈSE
MONSIEUR LE DOCTEUR A. ROURSIER
Professeur decliniquegynécologique à la Faculté demédecine
de Bordeaux, Chirurgien des hôpitaux,
Membrecorrespondant de la Société dechirurgie, Officier de VInstruction publique.
»
Avant d'aborder
l'étude de
notresujet, nous accompli¬
rons un devoir, d'ailleurs fort
agréable, et nous adresse¬
rons nos sincères remerciements aux
Maîtres de la
Faculté et desHôpitaux
qui
nousont souvent montré une
particulière bienveillance.
M. leprofesseur
Boursier
pourqui, il n'y a pas long¬
temps encore, nous
étions presque un inconnu, a bien
voulu,surla foide
recommandations précieuses, accepter
notreaide dans une œuvre à
laquelle
nous noussommes,
depuis, vivementattaché. Qu'il soit assuré de notre gra¬
titudepourles marques
de sympathie qu'il n'a cessé de
nousprodiguer.
Il daigne être, aujourd'hui, notre Pré¬
sident de thèse: ses doctes conseils nousfont
regretter
davantage de nepouvoir lui offrir
untravail qui soit plus
digne du grand honneur
qu'il
nousfait.
Nous
gardons bon souvenir de notre passage dans les
services de MM. les Drs Baudrimont et
Lande. Leur
enseignement nous initia à
la fois
auxdifficultés et à l'at¬
trait de la carrière dans
laquelle
nousdébutions.
Notrepremière année
d'externat s'écoula à la Clinique
ophtalmologique. La haute autorité qui s'attache au nom
de M. leprofesseur
Badal
nousdispense d'insister sur la
valeur de
l'enseignement dont
nous avonspu profiter.
Nous n'avonsjamais fait en
vain appel à la grande ama¬
bilité de notre Maître qui, nous
l'espérons, voudra bien
nous en croire éternellement reconnaissant.
— 8 —
L'année que nouspassâmesà
l'hôpital
desEnfants
nousfutparticulièrement agréable. M. le Dr
Rousseau-Saint- Philippe
ne nous a pasménagé
ses conseils éclairés, et nous avons trouvé chez lui, ainsique chez M. leDr Emile Bitot, Vassurance d'une sympathie que nous aurons tou¬jours à cœur de mériter.
M. le Dr Davezac, dans le service de qui nous avons
rempli lesfonctions d'externe, nous a montré les qualités
et les délicatesses que doit avoir le praticien soucieux
avant tout du bien de ses malades. Nous lui saurons tou¬
jours gré, non seulement de ses savantes leçons, mais ausside ses conseilsfamiliers sur les difficultés avec les¬
quelles nous nous trouverons un jour aux prises.
Nous avons trouvé, durant nos années
d'étudiant,
des amitiés qui nous ont été bien chères. Avec André Chai- gneau, nous partageâmes joies et tristesses, toujours;pour son exemple, pour ses conseils, il a droit à toute notre gratitude; mais il a voulu plus encore, et nous avons aujourd'hui, envers lui, une dette de reconnais¬
sance dont nous ne sauronsjamais nous acquitter. Jean
Doche nous a montré ce que pouvait une volontéferme
tendant vers un idéal généreux : ses confidences nous ont été précieuses, et nous le remercions vivement des mar¬
ques de confiance dont lui et les siens nous ont si vive¬
menthonoré. A ces deux excellents amis va tout d'abord Cassurance de notrefraternelle affection.
Une vie
longtemps
commune nous unit vivement à nosbons amis Penaud, Hartenstein et
Gajac.
Nous conserve¬rons toujours le souvenir des
longues
heures passées en causeries amicalesou en discussionspassionnées, et aussi des bonnesjoartiesauxquelles
manquait rarement l'unde
— 9 —
nous. Maleville, Gèraud et Petitjean,
déjà
séparésde
nous, ont vécu trop avant
dans
notreintimité
pourn'être
pas assurés
de
notreattachement.
Enfin, nous saisissons
Voccasion qui
nous estofferte de
témoigner notrevive gratitude
auxaimables Jamilles qui
nous ont ouvert leurfoyer. Partout où nous ont
appelé
les hasards de la viey nous avons rencontré de réconfor¬
tantes sympathies et un
accueil des plus bienveillants,
dont nous resterons éternellement reconnaissant et fier.
DES
DE LA
CAVITÉ ABDOMINALE
INTRODUCTION
Les tumeurs derrnoïdesnesontpointdes
productions patho¬
logiques fréquentes. Mais, si elles occupent une
place
peu importante, même dans la statistique des kystesde diverses
natures, elles n'en ontpas moins
suscité
ungrand intérêt, du
surtout àl'obscurité qui a toujours plané sur
leur pathogénie.
Pour l'éclaircir, on a eu recours à de
nombreuses théories
ayant subides fortunes diverses et dont les unes, basées sur desdonnéestrop hypothétiques, n'ont pas
résisté à
unecriti¬
que sérieuse, tandis qu'on pouvait
reprocher
auxautres,
paraissant inattaquables pour certains cas,
de laisser dans
l'ombrel'origine d'un nombre decas aussi
considérable. Dans
l'impossibilité où l'on s'est vu d'attribuer un pointde départcommun à tous les kystes derrnoïdes
observés,
on enest
arrivé àunedoctrineplus éclectique, admettantpour eux une genèse différente suivant leur état de complexité et surtout relativementà leur siège.
Les kystesderrnoïdes de beaucoup les plus
fréquents
sontceux del'ovaire; puis viennentceux
de la
queuedu sourcil et
— 12 —
ceux clu testicule. Mais on peut dire qu'il n'est guère de
partie du corps où l'on n'en ait rencontré. Le 7 novembre
1902, notre maître, M. le Professeur Boursier, eut l'occasion d'extirper de lacavité abdominaled'une femme de son service
une tumeur adhérente aux divers organes circonvoisins, mais
sans connexions vasculaires bien nettes avec ceux-ci et non
pédiculée. A l'examen, elle fut reconnue pour un kysteder-
moïde. Notre camarade Roche, interne du service, publiant
ce casle 10 novembre suivant à la Société d'Anatomie et de
Physiologie de Bordeaux, faisait suivre sa communication des réflexions suivantes: « Ces kystes abdominaux sont assez fré¬
quents, d'après Lannelongue, surtout ceux qui se développent
dans le voisinage de l'utérus, ce qui est le cas de la présente
tumeur.
» Leur voisinage avec les organes génitaux d'une part, et, d'autre part, avec le point de réunion des lames ventrales de
l'embryon a donné lieu à nombre de théories pathogéniques:
inclusion ectodermique, inclusion fœtale, grossesse ectopique, parthénogenèse, etc. Ni la localisation, ni les particularitésde
cette tumeur ne permettent de seprononcerenfaveurde l'une
ou l'autre de ces hypothèses. »
Et il ajoutait : «Une erreur de diagnostic a été commise,
cela est vrai; mais pouvait-elle être évitée? Je ne le crois pas.
Outre que ces tumeurs dermoïdesne se manifestent paraucun symptôme particulier, l'adhérence de celle ci à l'utérus, sa coexistence avec une lésion hémorragique étaient bien faites
pour égarer le diagnostic. C'est surtout en cela que le fait
m'a
paru digne d'être signalé. »
En ces quelques lignes tient tout entier le plan du
travail
que nous avons abordé sur les conseils de M. le professeur
Boursier. Après un court historique de la question, nous analyserons les caractères anatomiques et histologiques
des
quelques cas que nous avons pu recueillir, puis nous
exposerons les différentes théories susceptibles d'éclairer
leur
pathogénie.
Nous essaierons d'en dégager les symptômes communs et
verrons s'ils sont suffisants pour permettre un diagnostic précis. Ceci
constituera le but pratique de notre travail qui,
pourêtre
complet, devra aussi comprendre le pronostic lié à
cesaffections etle traitement à leur opposer.
CHAPITRE PREMIER
Historique.
Malgré qu'il soit assez difficile d'établir,entre leskystes der-
moïdes et les productions connues sous le nom de tumeurs tératoïdes, une ligne de démarcation bien nette, nous avons l'intentionde ne nous occuper quedes premiers. Nous voulons
dire parlàque nous laisserons de côté les cas que nous avons purencontreroù le kyste renfermait des parties fœtales assez biendifférenciées pour permettre de reconnaître un rudiment d'embryon. Non que la même pathogénie ne soit peut-être applicable à ces formations tératologiques et aux kystes qui
feront l'objet de notre étude, mais nous avons voulu nous bornerà la relation des cas les plus simples rencontrés dans
lachirurgie abdominale etprésentant, en même temps, laplus grande analogie avec celui qui nous a donné l'idée de notre
travail. Nous avons aussi laissé de côté quelques cas, — peu
nombreux,ilest vrai,— quinousontparusimplement la répé¬
tition de ceux que nous rapportions, notamment parmi les kystes du mésentère. Mais, tout compte fait, nous pouvons dès àprésentaffirmer que les kystes dermoïdes de l'abdomen
sans pédicule et sans connexions viscérales proprement dites
sontdes tumeursrarement rapportées dans la littérature spé¬
ciale, soitqueleur évolution latente les ait fait souvent mécon¬
naître, soitqu'elles n'existenten réalitéque peu fréquemment,
soitenfin que les auteurs qui ont eu la bonne fortune d'en
ïencontrerne les aient pas jugées dignes d'être citées, ce qui
paraît peu probable.
- 16 —
Lapremière relation de tumeur dermoïde du péritoine que
nous ayons trouvée est due à Ruysch, d'Amsterdam. Cet ana-
tomiste signale la présence de cheveux dans une tumeur qu'il
observa en 1683, son siège dans l'ëpiploon épaissi, mais ne mentionne pas de façon précise l'état des organes pelviens, ajoutant seulement: « Dans les autres viscères, rien de notable à signaler.» Il n'est point question de l'origine présumable
d'une semblable production.
En1819,Meckelnous semble avoirpubliélepremier ouvrage
critique surla pathogénie des kystes dermoïdes, discutant les théories de Cheston-Browne, Cleghorn, Tumiati, Coley; mais
il n'établit aucune différence entre les tumeurs trouvées dans les différentes parties ducorps.
En 1823, Bricheteau, rapportant un cas de kyste du péri¬
toine, cite, immédiatement après, quelques cas de kystes der¬
moïdes de l'ovaire et établit l'analogie entre les kystesdits poilus et les kystes dermoïdes. Andral (1829) ne s'étend pas
beaucoup plus surl'origine de ces tumeurs, mais notecepen¬
dant leurprésence chez l'homme.
Nous devons arriver jusqu'au fameux mémoire de Lebert, publié en 1852, pour trouver un travail d'ensemble sur cette question si intéressante. Il divise les productions dermoïdes
en deux catégories : les kystes de l'ovaire et les kystes non- ovariens et, sur une statistique de 188 cas, il en cite 129
qui
ont leur siège dans l'ovaire. Le reste comprend des tumeurs
situées dans toutes les parties du corps, parmi lesquelles
quel¬
ques cas de kystes abdominaux. Dans l'impossibilité où
il
setrouve d'expliquer par une théorie embryogénique
unique
la formation de ces productions à sièges si divers, il inventesa
fameuse théorie deïhétérotopie plastique qui convenait
à
tousles cas, —sauf pourtant aux kystes contenant des
parties
fœtales différenciées, qu'il laissait de côté,—mais, malheureu¬
sement, n'expliquait rien.
En 1875, Glodomiro Bonfigli, de Bologne, ayant eu
l'occa¬
sion d'observer un cas dekyste du péritoine, en publie
l'obser¬
vation et se range à l'hypothèse de Lebert.
— 17 —
Un kyste
dermoïde du bassin,
nonsoupçonné, fut trouvé
chezl'homme en 1879 par les Drs Sewell et Ord, de Londres;
discutant plusieurs théories,
ils
avouentn'être satisfaits
paraucune et n'admettent qu'en désespoir de cause une origine génitaleanalogue
à celle qui pourrait exister chez les femmes
pourles kystes de
l'ovaire.
Ce n'estqu'en 1883 que nous trouvons,
émise spécialement
à propos deskystes du péritoine, la théorie
de Y Enclavement
proposée dès 1852par Yerneuil pour l'explicationdes kystes
superficiels. Et encore Fraenkel n'ose-t-il se prononcercaté¬
goriquement entre cette hypothèse etcelle d'une sorte
d'infec¬
tionépithéliale du péritoine, due à des dermoïdes ovariens.
En
1885, Alban Doran publie un cas personnel et assigneà
cessortesde tumeurs une origine primitivement ovarienne.
Ces deux courts mémoires mis à part, nous ne trouvons
aucun travail d'ensemble sur la question qui fait le sujet de
notre étude. Cependant, dans un cadre plusgénéral, nouscite¬
ronsles travaux si originaux publiés ces dernièresannées, tra¬
vauxqui éclairent d'unjour nouveau la pathogénie des kystes dermoïdes, notammentceux de Mathias Duval et de son élève Repin sur la Parthénogenèse, et ceux de Wilms, de
Leipzig,
dont lesidées, résumées dans l'intéressante thèse de Debuchy,
apportent àla science la notion de YEmbryome ovarien. Nous
ne laisserons pas de côté la théorie de la Cellule nodale for¬
mulée parBard, de Lyon, et son élève Nevoux, malgré son caractère bien hypothétique.
Enfin, nous citerons le savanttravail publié l'an dernier par Brouha dans la Revue de gynécologie, travail résumant
les
théories de Bandler, Marchand et Prenant, ces dernières
si
séduisantesdans leur originalité et qui font jouer
le principal
vole dans la pathogénie des tumeurs dermoïdes, l'un à une fécondation anormale des globules polairesde l'ovule et
l'autre
^un
développement
inharmonique des blastomèresrésultant
des premiers stades de la segmentation.
fontaine
CHAPITRE
Ariatomie
pathologique.
Il estimpossible, à moins de faire l'anatomie pathologique
deskystes dermoïdes en général, de réunir en quelques lignes
les caractères communs des formationspathologiques qui nous occupent. Parmi les observations que nous avons recueillies,
il n'enest, pour ainsi dire, pas deux quisoientsuperposables,
etnous auronsà faire plutôt l'histoire des différencesque nous y avonsrencontrées.
Le caractère fondamental de tous les kystes dermoïdes est
d'avoiruneparoi possédant lastructureplusoumoinsmodifiée
dutégument externe. Ce caractère mis à part, ils présentent
une telle diversité de siège, de volume, de contenu, que la plupartdesauteursquiontinvoqué des théories unicistes pour
expliquer leur origine, leur formation et leur évolution, ont
dûmettrede côté tels ou tels faits qui s'adaptaient mal à leur théorie,à moins d'admettre, comme le fit Lebert, une hypo¬
thèse qui était moinsune explication que la constatation d'un
fait.
Parmiles casque nous avons rassemblés, nous avonstrouvé
deskystes occupant tousles points de la cavité abdominale.
Les uns, rapprochés des organes génitaux, étaient fixés au péritoine pelvien, remplissant les culs-de-sac péri-utérins,
commedans l'observation suivante, citée par Lebert.
— 20 —
Observation I
(Winship,Mem. of tlie médicalSocietyofLondon, 1789.)
Kyste hydatique dans le péritoine; kystes dermoïdes entre l'utèm
et la vessie et entrel'utérus et le rectum.
Unedame,âgée de trente-quatreans, atteinte d'ascite,ayantplusieurs
fois subi l'opération de la paracentèse, succomba dans lemarasme,età l'autopsie on trouva: 1° un sac hydatifère énorme dans lepéritoine,
renfermant des échinocoques; 2° un kyste situé entre l'utérus et la vessie, du volume d'une tête d'enfant, rempli de pus, de graisseetde poils; cesderniersavaientjusqu'à 18 pouces de longueur; 3° unautre kyste, situé entrel'utérus et lerectum, ayantlamoitié du volume,àpeu près, du kysteprécédent, etrenfermant de lamatièregrasse,des poilset
unelamelleosseuseintimement adhérente à la face interne dukyste. Les poils de ceskystesétaient blonds alorsque ceux du pubis dela malade
étaient noirs.
Nous pouvons rapprocher de cette observation le cas de Charcot (obs. XIV), où la tumeur était située entre l'utérus et lerectum, le cas de Bricheteau (obs. XIII), oùelle occupaitle
cul-de-sacdeDouglas, lescas deFr8enkel(obs. VII et VIII),où
certains kystesadhéraient au péritoine enveloppant l'utéruset
aux feuillets du ligament large. Enfin, la tumeurdécouverte parM. leprofesseurBoursier (obs. XVII) ne futdétachée deses adhérences avec le fond de l'utérus que par les tractionsque l'on opéra pour pratiquer l'hystérectomie vaginale.
L'observation suivante, dueàLawson-Tait,estunbel
exemple
de kyste dermoïde du parovaire.
Observation II
(Lvwson-Tait, Traitécliniquedes maladiesdesfemmes,1891.) Kyste dermoïde intraligamentaire.
Parmi les cas de kystes parovariens que j'ai eu l'occasion devoir, j'en airencontré un qui présentait des caractères tout particuliers, car
il contenait des éléments dermoïdes qu'auparavant je n'avais jamais
trouvés qu'associés à des tumeursd'origineovarienne; mais,danscecas,
ce kyste était intraligamentaire. Je le décortiquai de son
revêlement
— 21 —
péritonéal et je
laissai l'ovaire intact. Cette opération fut pratiquée
le15décembrede l'annéedernière sur unemalade âgée de soixanteans
qui m'avait été envoyée par le
docteur Thompson, de Nottingham;
l'extirpation de la tumeur fut extrêmement difficile. La malade
guérit
parfaitement etrentrachez elle le 12
janvier. La description suivante de
la tumeuraétéfaite parmon assistant, M. Teichelmann :
Le kyste avait été énucléé. Il contenait environ 6 litres deliquide
coagulé, et une masse de cheveux du volume de deux petits poings,
réunisensemblepar unesubstance sébacée, graisseuse, ayantla consis¬
tance du beurre. Les cheveux étaient légèrement rougeâtres et d'une longueurvariant de3 à 9 centimètres. La paroi du kyste était destruc¬
turefibreuse et variaitcommeépaisseurde 2à15 millimètres. Les parois
internesétaient légèrement rugueuseset veloutées dans la plus grande partiede leur étendue,età l'examen microscopique elles présentaient
unecouche mince de tissudégénéré, degranulations graisseusesreposant
surunecouche fibreuse. Par-ci par-là, onvoyait quelques taches jaunes
brunâtresclaires,légèrement plus élevéesetdures autoucher.
Ces plaques qui, au premier abord, semblaient être formées parla
couche cornée de l'épiderme, setrouvèrent, àl'examen microscopique,
êtreconstituées par un tissu'caséeux sans structure propre et imprégné
de sels calcaires. A la partie la plus épaisse de la paroi se trouvaient
deuxpetites proéminences, chacunedu volume d'une grosse noix; elles
faisaient sailliedansl'intérieur du kyste,etausommetde chacuned'elles
setrouvaientquelques touffes de poils. Sur leur surface, elles présen¬
taient absolument l'aspect du cuirchevelu et, à la coupe, on trouva qu'elles étaient remplies d'une substance graisseuse,molle, recouverte
paruntissucutanésemblableàcelui du crâne.
Al'examenau microscope, on trouvaque la structure était analogue
à ce dernier, sauf les différences suivantes : l'épiderme était plus mince, lacouchecornéeétait très peureprésentée, les glandes sébacées
étaientvolumineuses, multilobulaires et plusfortement développées. Le
tissusous-épidermiqueétait moins fibreux, les papilles plus rareset pas bien marquées. L'épaisseur de la couche graisseuse était d'environ
1centimètredanssapartie la plus épaisse et ellecontenait peude tissu
fibreux. La distribution de la graisse était homogène et non sous la
forme de lobules comme c'est habituellement le cas pour le cuir che¬
velu. La couche fibreuse du kyste était passablement pourvue de vais¬
seaux sanguins.
Il est intéressant de noter le caractère"spécial de cette tu¬
meurqui, accoléeà l'ovaire, enest cependant
indépendante,
etdont 1évolution ne semble pas avoir influé sur ce
dernier
organe. Nous ferons, en passant, remarquer la vascularisation
de sa paroi.
D'autres kystes, plus éloignés des organes pelviens sont accolés aupéritoine entoutes ses parties : d'abordà l'épiploon, qu'ils soient disposés à sa surface ou compris nettement dans
son épaisseur, comme celui découvert fortuitementpar M.le
Dr Dubourg (obs. XYI). Parmi les kystes fixés à l'épiploon,je
citerai encore ceux rapportés par Laflize (obs. XI), Spencer
Wells (obs. VI), Ruysc.h, dont les œuvres,publiées en 1737,
contiennent l'observation suivante, la plus ancienne que nous ayons recueillie.
Observation III
(Ruysch,Opéraomnia anatomico-medico-chirurgica, Amsterdam, 1737.)
Enl'an 1683, nouseûmes l'occasion d'ouvrir le cadavred'une femme
hydropique depuis quinze ans et dont le ventre, fortement distendu,se gangrenaau-dessus de l'ombilic. Parcette ouverturesortitavecforceun
liquide d'une remarquable mauvaise odeur. Le maître Abel Vander Horst arrêta l'écoulement par l'emploi de compresses et d'emplâtres agglutinants. Le quatrième ou cinquième jour après l'ouverture, lamal¬
heureuse patiente mourut, et les parents nous donnèrentla permission d'autopsierle cadavre. Dans l'épiploon, de la grosseurdu doigt etsem¬
blable à de la chair, adhérantfixementau péritoine,nous trouvâmesune tumeur de la grosseur du poing; l'ayant ouverte suivant sa longueur,
nousen vîmes sortir un peu de matière pultacée blanche sansaucune mauvaise odeur. Ceci sorti, nous ne trouvâmes qu'un pelotondurformé
de cheveux enchevêtrés et bouclés. Ces cheveux étaient de différentes
longueurs, quelques-uns de la longueur du doigt, d'autres dépassant
une palme,et cescheveux,vus aumicroscope,étaient entoutsemblables
à des cheveuxordinaires, excepté qu'ils n'avaient pas de racines. Dans
les autres viscères, rien de notable à signaler.
En outre, dans l'observation citée par Bonfigli, de
Bologne)
la tumeuroccupait la cavité des épiploons. Leskystes contenus
dans le mésentère paraissent un peu plus fréquents queceux
contenus dans l'épiploon. Schutzer, Cruveilhier,
Andral,
en rapportent des cas. Fraenkel a vu le mésentère couvert deTumeur pileuse trouvée dans Vépiploon.
- 23 —
petits kystes comme
d'ailleurs toute la surface péritonéale
(obs. VIII).
Nous
nousbornerons à reproduire ici, comme
exempled'une tumeurde
ce genre,la relation due à Roux, du
Var.
Observation IV (Roux, Gazettemédicale,1836).
Kystes dermoïdes de la cavité abdominale.
Mme D..., de Saint-Maximin (Var), avait vingt-cinq ans lorsqu'elle
devint pour la première fois enceinte et, après une grossesse qui ne fut
troublée par aucun accident, elle accoucha à terme d'un enfant mâle
bienconstitué.
Vers le deuxième mois d'une deuxième grossesse qui eut lieu huit
ansaprès lapremière, unetumeur se fit sentir à la région ombilicale,
tumeurqui fut prise pour unehernie et pour laquelle on conseilla le
port d'un bandageapproprié, que le malade conserva toujours. Cette
grossesse ne fut troublée d'ailleurs par aucun autre accident, et, au bout dequelquesmois, Mme D... mitau monde une fille bien faite qui
vitencore aujourd'hui.
Quatre ans après, troisième grossesse, aussi fort régulière. Enfin,
après quatre autres années, nouvelle grossesse également suivie d'un
heureux accouchement. Les deux derniers enfants furent comme le premier du sexe masculin. Celui-ci mourut dans sa troisième année,
les deuxautres vivent.
Des douleurs decoliques sefaisaientquelquefois sentir dans la région
occupée par la tumeur dont il a été parlé. Cette tumeur, qui depuis longtempsavait acquis une forme globuleuse, devenait beaucoup plus
saillante quand l'estomac était plein d'aliments. Vers la fin de mars 1836,Mme D...,dont la santé avait été altérée mais qui semblait alors
envoiede guérison, fut prise tout à coup d'une rétention d'urine, et
cetteaffection résistaà tousles moyens que le Df Rouxemploya pourla
combattre. Dès les premiers jours, il survint de l'œdème aux membres
etàlaface; maisce ne fut que le seizième jour après que l'odeur uri*
neuse etledérangementdupouls annoncèrent un redoublementd'acci¬
dents. Dessymptômes de congestion cérébrale semontrèrent et allèrent
ens'aggravant rapidement. La malademourut le 22avril.
L'autopsie cadavérique fut faite vingt-quatre heures après par le
DrVincenty, de Saint-Maximin. C'est de ce médecin et d'un médecin- vétérinaire,beau-frère de Mme D..., qui était également présent à l'ou¬
verture du corps, queM. Roux, alorsabsent de Saint-Maximin, a reçu desrenseignementssur l'état des parties contenues dansl'abdomen.
_ 24 —
Le tissu graisseux desparois abdominales était très épaissietlégère¬
ment lubrifié par un liquide d'odeur ammoniacale. Le péritoine était sain dans la plus grande partie de son étendue; quelques adhérences seulement existaient vers le grand lobe du foie. La tumeur, dont on avaitreconnu l'existence avant d'inciser les téguments, ayant été mise à découvert, on vitqu'elle était occasionnée par un kyste occupant l'es¬
pace compris entre la grande courbure de l'estomac et la vessie. Elle était séparée dece dernier organe par un autre kyste beaucoup plus petit.
Le grand kyste était aplatid'arrièreen avant, irrégulièrementarrondi et présentait diverses bosselures plus ou moins volumineuses. Deux
larges replis péritonéaux le fixaient de chaque côté de l'intestin grêle qu'il écartait desa position normale et dontil se trouvaitentouré.Celte
masse dont les dimensionsn'ont pu être prises avecexactitudeet dont le
poids futévalué à 10 ou 12livres, s'appuyait sur la colonne vertébrale, comprimait l'aorte, la veine cave inférieure et les uretères; elle ne
jouissait qued'une mobilité assez bornée.
Lepetitkysteétait presquelibre, seulement un mince repli du péri¬
toine le fixait à la vessie; il avait le volume et la forme d'une grosse
poire.
L'autre personne présente à l'autopsie, M. Ollivier, médecin-vétéri¬
naire, s'exprimeen ces termes sur le même sujet:
« Une tumeurdu volume d'unetêtehumaine, inégalementbosselée,a
ététrouvée en avant du pubis; elle adhéraitau mésentère par un pédi¬
cule large et mince. Au-dessus de la vessie et dans les lames du mésen¬
tère existait une deuxièmetumeurovoïde, du volume d'une poire ordi¬
naire, et ramollie par la pointe.
» Le petit kyste, qui futouvertlepremier, contenait, dit M.Vincenty,
une matière stéatomateuse ayant la consistance et la couleur de lapulpe
d'une pomme cuite; sa membrane externe était de nature séreuseet paraissait forméeaux dépens du péritoine, l'interne ressemblait à une muqueuseramollie.
»Le grand kysteavait trois membranes, une extérieure séreuse, une moyenne fibreuse, et uneinternemuqueuse. On voyait à sa surface un
réseau artériel et veineux proportionné à son volume. Les bosselures
étaient autantde cavités distinctes séparées de la cavité principale par
une cloison membraneuse: elles furent toutes successivement ouvertes.
Dans l'une, on trouva un énorme peloton de cheveux longs, fins, de
couleur blonde, d'aspect un peu terne, unis entre eux par une matière
grasse assez tenace. La seconde cavité contenait de la matière stéato¬
mateuse, semblable à celle du petit kyste. La troisièmeet la quatrième
encontenaient aussi et, de plus, une substance semblable à de l'huile
figée.
»Lacavitéprincipale ayant été ouverte,
il
ensortit
unegrande
quan¬titédematière inodoreetd'aspectcrémeux ou
purulent. Il s'en échappa
enmêmetemps unpelotonde cheveux,
longs
commeles premiers mais
moins nombreux, ainsi que les fragments de cinq dents.
A la paroi
interne du kyste adhérait intimementun os offrant
deux parties bien
distinctes, l'une aplatie, mince, demi-transparente;
l'autre irrégulière¬
ment pyramidale, percéeprès de son
extrémité d'une ouverture. Un
premier examen avait fait supposer que
c'était
un ostemporal
;à la
partiequireprésentait la portion
écailleuse adhérait
unedent. La partie
comparéeaurocheren portait trois, dont deux assez
solidement fixées;
latroisième se détacha pendantqu'on décollait l'os du point
où il était
fixé,ellelaissaunecavité alvéolaireassez profonde.
»Deux autres portions d'os de forme irrégulière
adhéraient à
uneautrepartiede l'enveloppe du kyste et étaient engagées au
milieu d'une
substancefibreuse,jaune etdense.
»L'examen des deux kystesterminé, on passa à celui des organes génito-urinaires. Les capsules surrénalesne présentaient
qu'un
peude
laxilé; lesartèresémulgentesétaient trèsdéveloppéesetlesveines
rénales
gorgéesde sang. Les reins, plus volumineux qu'à l'état
normal
ayantété ouverts jusqu'à l'infundibulum, présentèrent leur surface
corticale
fortement enflammée; les uretères étaient phlogosés et d'un diamètre
doubleau moins du diamètre ordinaire, jusqu'à lacolonne vertébrale
oùils étaient comprimés par la tumeur. Us reprenaient leur
calibre
normaldans l'excavation pelvienne. Leur membrane interne
était très
enflamméeet contenaitun peu de sang. Lavessie entièrement
aplatie
necontenait pas d'urine; sa muqueuse était phlogosée.
t>L'utérus avait le volumeet la formeordinaire. Lamembrane interne
était notablement injectée; le col, à l'état squirrheuxdans une épais¬
seurdecinqàsix lignes ne présentait point d'ulcérations. Les
ovaires
hypertrophiés offraient une dégénérescence qui paraissait de naturecancéreuse. Lestrompes étaient oblitérées. »
Ensefondantsurdes considérations qu'il développe, M. Pœux pense quel'hypothèse d'une grossesse extra-utérine ne saurait être admise,
etqu'ondoitau contraireconsidérer ce cas comme uncasde monstruo¬
sité par inclusion et le rangerdans laclasse des enadelphes. Suivant lui, la place qu'occupaitle kyste, lorsque sa présence est devenuepour lapremièrefois sensible parla tumeur extérieure qu'il causait, montre
que1uniondes deux fœtusa eulieu à travers l'ombilic.
Enfin, ilest deskystes qu'il nous a été impossible
de
ranger dans l'une de ces catégories, soit qu'ils aient ététrouvés dissé¬
mines sur toute la surface péritonéale, soit que le