CONVENTION NATIONALE.
Eléputé du Département de
laCharente-inteneure
,Sur la manicre d^instruirc Capet
,IMPRIMEE PAR ORDRE DE LA CONVENTION.
Ci TO Y E N S
Nous sommes
saisis d’une grande question: les peuplesin-»quiets attendent en silence une décision qui doit infl le sort des'couronnes et la liberté des empires.
Ce
n’est point par des abstractions mé-taphysiques, ce pointparle jeu derimagination, parle ressert de l’éloquence, que vous devez jeter la lumière Sur cette importante discus- sion : vous devez l’éclairer par la fore* du raisonnement eth
vérité des principes.Législation, N®. 68,
A
froide et sans passions, la postérité nousjugera,
non
d’a- près ce que nous aurons dit, mais d’après ce <^uc nous au- rons fait.je puisjuger Louis Capet. Qjre le prestige de l’cloqucnce disparoisses
ma
probité cherchema
raison;ma
raison ap- pellema
conviction: c’est dans les routes politiquesdu
pacte social queje dois la trouver. Suivez-moi, Citoyens: je serai clair : soyez attcntlls.Un
roi peut-il être juge ?Il est étrange qu’après avoir aboli la royauté, on vienne mettre en doute la conséquence d’un principe consacré.
Une
^elle question est
donc
la censure d’une vérité politique; mais puisqu’il faut la décider, il en est d’autres qui, queiqu’aussi faciles à résoudre, doivent dès-lors la précéder.Qu’est-ce qu’un roi Par qui, pour qui a-t-il été ins- titué ?
Une
fois fixé sur ces trois propositions , la solution de la quatrième se présentera sans efforts.Un
roi estun
être moral, un agent public, qui, sous sa seule direction,donne
lemouvement
etia|vie à tous les les- sorts poliiiqucs organisés par la volonté générale , d’après les bases par elle établies.Par qui a-t-il été institué? Si
un
roi n’csb qu*un agent,nn
être moral chargé de diriger la force publique, il tient son être d’une cause préexistante , etnon
de lui; l’être créé nécessiteua
être créateur , et nous le connoîtrons hientôt.La
nature existoit avantl’homme
;l’homme
de la nature«xistoit avant la société. Errant et
abandonné
, il sentitle be- soin de s’unir par le danger de s’isoler; il vit autour de lui des êtres plus forts que lui , et une résistance olFcnsive,nai^
sant de cette force; au dedans de lui il sentit des passlons\
s besoins, des affections, des idées; la crainte lui indiqua foiblessc; et sa pensée , que le fort naissoit de sa foibless®
réunie.
L’homme
se rapprochadonc
del’homme
; mais ce rap-prochement
n’étoit pas encore la société : il falloit qu’un«Convention
la précédât , et liât la volonté individuelle à lavolonté générale.
Ce
fut du]jour de cet accord que lacom- munauté
prit naissance; alors vint le pacte quidonne
la viecorps politique.
Les
hommes
ainsi associés sentirent lo besoin des lois^ iW€tt firent : mais ils virent aussi qu’ils n’auroieat rien lait Ç s’il n’existüit pas
un moteur
individuel,
qui dirigeât l’action de la force générale. C’est cette direction motrice vers la vo- lonté de tous, qui fait le gouvernement; et l’individu à qui
il est confié est appelé Roi ^ c’est-à-dire, être qui régit et incline les forces du corps politique vers la fin de leur ins- titution , celle du
bonheur
des associés.Le
roi est donc/créé par le peuple, car^le peuple avant lui ; il appartient donc à celui qui l’a créé; son tence politique n’a donc rien de surnaturel et de divin.Pourquoi a-t-il été institué?
Nous sommes
si près de cetteépoque
superstitieuse et ignorante , où nous croyions qae les rois tenoient leur scep-tre de la Divinité-, que la souveraineté dansleurs mains étojt
un
droit; et dans nous l’ebéissance servileun
devoir ; il est autour de nous tant de peuples qui , dominés par ce prestige, croient encore aujourd’hui ce que nous croyionsil
y
apeu
de jours ,. qu’il fautpour
eux fixerun
instant laotre attention sur cette vérité connue.' Il est dans la nature des êtres créés da tout faire pour,
«t rien contre leur création. Celui qui fait, institue et agit,, s^oit que son instinct le pousse, ou que son intelligence le dirige, fait , agitet institue toujours
pour
lui etjamais contre lui. Ainsi, soit que nous nous placions dans l’état social, soit que la volonté soit individuelle ou collective, sa ten- dance naturelle se dirige toujours vers l’utilité de chacunou
Tutilité de tous.
Le
peuple cherchedonc
sonbonheur
dans se» lois, et l’application de cebonheur
dans son gouverne-ment
: leroi , le magistrat,iegèrentqu’ilaétablipour
diriger et fairemouvoir,l’adonc étépourl’avantagedel’instituant,etnon
de rinstitué, qui s’engage envers le corps social, sans que jamais le corps social s’engage envers lui; ce qui repousse
toute idée de royauté héréditaire.
Un
roi est donc soumis à la volonté qui l’a institué; et cette volonté a sur lui l’empire qu’a touthomme,
surlachose qui lui appartient ,lorsqn’elle lui nuit ou qu’elle lui est con-traire.
Or
,comme
la volonté générale n’est autre choseque
la loi, la loi peut
donc
jugerun
roi; car supposer le con-traire, seroit le placerau-dessus d’elle, et le faire
non
le rival, mais le souverainmême
du souverain ; ce qui seroit le bou- leversement de tous les principes et la dissolutiondu
corps, politique..As
Les rois peuvent donc être jugés ;
«on
parce que le droit d’une nation consiste dans la force ,comme
le dit Ker- saint (l), ce qui estune hérésie politique , car la force ne faitque maintenir le droit, la volonté le constitue ; mais parce que la souveraineté du peuple étend sa puissance surles in- dividus qui la
composent
,comme
sur les agens qui en émanent.En
effet, soit qu’on considèreun
roi sous son rapport avec la société,comme
être moral; ou sous son rapport avec elle,comme membre ou
sujetdu
souverain; dans le.second cas, il est dans la société, et soumis au pacte qui le lie;dans le premier cas, il appartient à. la société sans en être
dehors,
et i'e.sponsahle des faits de son acceptation.Or,
sipar cet acte il est tenu de régir et de gouverner, dès qu’il
ne
gouverne plus, il détruit ou ilopprime
; et,comme
op- presseur, la loi a le droit de le punir; car, §i elle ne le pouvoit, le lien social seroltrompu
, et l’insurrection seule pourroit le rçnouer.Lorsque l’œil du préjugé laisse fixer les objets par l’œil de la raison , la raison voit que par état
un
roi doit unirpour
resserrer, agir pour protéger , diriger pour maintenir;çt^lorsque la direction de sa marche désunit et relâche, exécute et
prononce,
agit etcomprime,
l’équilibre politique estrompu
; et la loi qui trouve cet agent perfide sous samain
, a le droit de l'atteindre , et de briser ce balancier dont la vitesse rétrograde désorganise tous les ressorts du corps social.Ces principes avoués, il
me
semble entendre dire encore: ils ne sont pas applicables à Louis.La
constitution l’a posé dansune
classe particulièie; et c’est de cette position qtt’il faut partir pour se conduire àson égard: elle a établi une loi protectrice en sa faveur et cçttc loi le déclare iuviolablc et sacré, sans pouvoir êtreaccusé pour les actes antérieurs à soîi libdication.Sans doute c’estle seul raisonnement dont I.ouispeutsepré-f valoir
pour
setirer du principe généra! et -se dispenser d’entrer en jugement; maisce raisonneinen.t, vude près, soutiendra-t-il l’analyse? .D’abord, d’où lui vient cette inviolabilité dans, laquelle il
«ntend envelopper les forfaits dont l’indignation publique l’ac-
fi) V©yc;çSOSapperçu. ssr laeonstitwlicn.
Il n’v
euse?
Est^c
de sonsacre? Il n y a que laDivinité qtu soit sacrée. Est-ce du peuple?Jamais le peuple n’a voulu mettreun
individu au-dessus delui.Est-ce de làconsutution. Mais,silest vrai que leprincipe de toute souverainetérésidé essentiellement dans la nation, ilfalloltque cette constitutionlui fût présentée, et quelle la ratifiât; jusques-làellen’apuêtreengagée._
Et qu’on ne vienne pas nous dire quecette ratification a cte faite par lanomination des députés à la législature, cartout le
monde
sait quelle aprécédé l’acceptationroyale; toutlemonde
saitqu’il n’éioit permis aupeuple des’assemblerque
pour
élire;toutle
monde
sait que , tout souverain qu’il étoit, ila étémas-«acréau Charap-de-Marspar l’intâmcLalayefc.
U
na doncpu
exprimer librementsa volonté : or , s’il est vrai que la loi soit l’expression de cette volonté générale, il eu laiu conclure que par-tout oùellen’est pointmanifestement prononcée,il nexiste point deloi; dès-lorsnous n’avons point de constitution;«tune
inviolabilité qui n’a prisnaissance quepar elle,s’évanouit néces-
sairement avecelle. ^
.
Mais, laissons cette arme défensive dans les mains de Louis.
Admettons
laconstituiion de 1791comme
loi; abordons de près l’inviolabilité,monstrepolitique qu’aconçu l’ignorance, etquel’adulation a personnifié. ^ ^
Lorsque la Nation, par l’organe de ses rnandataires, adé- claré l’inviolabilité en faveur du roi , elle n’avu, elle na
pu
voir parcetteprérogative , que cequi étoit bien en soi, parce que la volonté générale a une telle rectitude, quelle tend tou-
joursvers Tutilité
commune. ... , ,
En
effet , en adoptant deux pouvoirs distincts et^séparés, elle a dû vouloir, pour l’harmouie de la société, quils fussent indépendans , mais indépendans sous leursrapportsrespectifs ,et
non
sous leuis rapports aveclecorps politique , qui,comme
souverain, les
domine
tous par essence.Si
donc
, en se fixant sur ces idées , on a entendu , parlemot
invlolahilité, la simple indépendance des pouvoirs en-tre eux,de manière que la marclie de l’un ne put etre entravee par la marche de l'autre, cette inviolabilité est raisonnable, et je déclare que
, pour
ma
pai"t, je n en ai pas voulu d autiemoi-même
; mais si par-làona entenduaccorder au roi le droit detout enfreindre , sans pouvoir jamais etre recheiclié^ si cestpour
rendre ce droit plus absolu, qu011y ajoint le pouvoir despotique du veto . alors je dis que cette invioUbdlté aem-
brassé l’aliénationde la souvcralueté du peuple , quelle a eon-1 sacréla servitude en principe; que c’est une tiaîiison pour
U-
Opinion de Garnier sur loyis XVI.
A
3quelle tous les
membres
de rassemblée constituante peuvent€tre recherchés,et devroient l’êtie, siune tellealiénabilité pou- yoit exister.
Mais elleest cssentlcllemenrnulle ,parce que lasouveraineté est inaliénable
comme
indivisible ; etquand
le peuple auroit formellement sanctionné la constitution, et renoncé à sa puis- sance, iln’anroitjamais pu faire qu’il nefût pas ce qu’il étoit,
pour
faire unindividu ce qu’ilne pouvoitjamais être.L’inviolabilité , en la supposant
même
entre les mainsdu
peuple, ne sauroits’aliéneren faveur d’unseul , niun
seull’ac- quérir au détriment de tous.En
effet, faire un roiinviolable ,c’est le laire souverain, puisqu’on ne peutrien contre lui, lors- qu’il peuttout contre tous.
Des
absurdités de cette nature peuvent-elles s’unir avec lesentiment de la liberté? Et nos
neveux
se persuaderont-ils q«c cesmêmes hommes
qui firent le serment du jeu depaume
,ont consacré de telsprincipes?
ün
peuple indépendanta-t-iljamaispu
dire ;u Nous som-
55
me^
libres-,maisnous avonsun homme
au-dessusde nous, qui 55a le droit de tout oser ei de toutfaire,sans que nous ayons55celui denous
y
opposer?55Comment
se former l’idée de la liberté par l’image de l’es-clavage-, et dela volonté qui
commande,
par lapuissance quiobéit? • ‘
L’inviolabilité, sous l’acception indéfinie qu’onlui adonnée, ne sauroit exister ni
pour
ttnhomme
ni pour une collectiond’hommes.
Elle ne peut appartenir qu’à celui qui ne sauroit être atteint: or laDivinité est cet être seul: ce n’estdonc
quepour
elleque l’inviolabilité est quelque chose.En
effet, conçoit-onmieux
l’idée d’unhomme
inviolable que d’unhomme
immortel? cependant,pour être l’nn , il faut être l’autre-, car,tant que,par l’effet dema
volontémise en action,je pourraidonner la mort à un
homme
inviolable, l’inviolabi- litén’estqu’un être fantastique etromanesque quiridiculisel’au- torité quicroit donner un tel droit , et atteste la perfidiedu
personnage qui s’en pare.Lorsque l’assemblée nationale fit Louis inviolable, il ne lui' en eût pas plus coûté de le faire invulnérable ; et
, pour être
conséquente avec elle-même, je dis qu’elle le dçvoit, car elle
ne pouvoit le faire jouir de la première prérogative qu’en lui
donnant la seconde. C’est de la justesse de ce raisonnement qu’on doittirer la valeur de l’inviolabilité.
Sinn individune peut être inviolable, la masse tollectivc
des Individus peut-elle l’êtredavantage?
Non
,sansdoute: tout lemonde
sefait uneidée claire de la souveraineté,parce que tout lemonde
sait qu’elle n’est autre chose qi^e la volonté de tous , quisecousiituc de la volonté de chacun.Tout
lemonde
se fait uua idée de l’inviolabilitédu pouvoir souverain, parce que tout le
monde
conçoit qu’un pouvoir qui se par âge , se neutralise, et qu’il cesse d’être enpeidantsonunité.Mais
comment
concevoirl’inviolabilité absolue ducorps so- cial ? Pour laréunir eu masse ,comme
la force Ou la volonté , il faut cjuc l’individu la possède par portion.Or
, si nulhomtne
n’a de fraction de ce droit, jamais,en s’associant, iln’a pireii
composer
un droit collectif, ca*r.unXout ne s’assem- ble que de ses parties ; et où lesunes ne se trouvent point,l’autre ne peut être réuni.
La
société n’a doncpu
donnerà Louis ce qu’elle n’avoit pas elle-même.En
effet, tous lesjoursunhomme
est attaqué parun
autrehomme
, les nations par d’autres nations: tous les Joursun liomme
estblessé , et,un peuple asservi : les uns et les autres ne sont donc iiivlolabits ni en tout, ni en partie; et pour se faire une idée juste de l’inviolabilité, il faut la définir avec justesse, et lafixerdans un cercleplusrestreint, et quiseul luiconvienne. '
,
L’inviolabilité, qui n’a
pu
résider que dans le corps social,n’cst autre chose que lapuissance collective quine sauroit être oppriméepar la puissance individuelle, parce que la foiblesse estnulledevantla force, etque si lesindividus s’élevoient tous contrecette puissance moiale, alorsil n’yauroitplusde corps*
politique, et cene seroltplus luiqui scroic violé, parce qu’il cesseroit d’êtreparladissolutiondu lien quile formoit.
Ce
n’est donc que souscette seuleacception qu’ondoitcon- cevoirl’inviolabilité;et dès lorselle ne peut être cessible; etquand
elle le seroit, le peuple nesauroit levouloir, parce que cette cessibilitéemporteroit avec elle l’aliénation de la souve- raineté; droit qui n’a jareaispu
setransmettre, etqui a cons-tamment
été nul entre lesmains des tyrans , soit que la forcel’aitusurpé, ou que le consentementl’ait ratifié.
Mais c’étoitune prérogative plus étendue que le corps cons- tituantavoit cédéeau roi;
U
l’avoitfait inviolableet sacré : la Divinité n’cstpas autrechose:comme
elle, ilétaithors de l’at- teinte des lois;comme
elle, il pouvoit tout, et tout par sa volonté. Ainsi, parune puissancesansbornes, çet être divinisé avoitreçu de laconstitution le droit d’êtreun tyran, et ilpa- roît qu’il en ajoui dans toute sa plénitude.Ouel
est lerépublicain quise fera l’apologiste d’un principe aussimonstrueux?
Abandonnons donc
ces abstractions deriiitelligence,etcette enlaiiLc du raisonnement. Il n’y a au-dessus des lois que la société qui les fait ; il n’y aqu’elle à qui ce droit appartient.Un
roi tientson existence d’elle; er.,si laliberté secompose
de l’obéissance de chacun à la volonté de tous, il doit le pre- mier exécuter leslois etles suivre : chaque fois qu’il les viole, il atténue la liberté , et meuitrlt le corps politique, qui a le
droit de se plaindre et de ie frapper.
Louisn’étoit qu’un agent etun fonctionnaire : il doit
compte
de ses fonctions à celui qui les lui a commises. La nation est laseule qui ne soit pas comptable , parce qu’un souverain n’a personne à qui il puisse rendre compte, puisqu’il n’aboutit à personne , etejuctousaboutissent à lui.Le
peuple estdanssou association ce qu’est le Créateur dumonde
dans la nature. Ses lois sont sa volonté; tout doit fléchir devant elle, parce que cette volonté est juste , et doit vouloir, parun principe de justice, que quiconque la viole soit puni sans,distinction de grade oudej qualité; car, devant la loi, un fonctionnaire n'est qu’un citoyen ,et nediffère queparce qu’ilestplus responsable.Un
roiestdonc jugeable parcelamême
qu’il est roi;car,s’ilne pouvoit pas l’être, il seroit plus que roi, et la constitu- tion[n’a conféré àLouisque la royauté.
Puisqu’il est jugeable, doit-il êtrejugé?
Si un
homme*
qui est instituépour
régir et protéger, op- prime la liberté, s’il entretient arec les puissances étrangères des intelligeri<es secrètes pour asservir sdn pays; si, parjure envers sessermens, ilne les a faits que pour tromper le peu- ple avec plus de succès et de perfidie; si, parune ingratitude perverse, il aemployé
contre elle lesrichesses d’une nation bienfaisante; s’il a été le chef et l’instigateur de conspirations tantau dedans qu’au dehors; s’illesaentretenues par des véio sanguinaires; si, de concert avec les traîtres qu’ildirigeoitdans lesplaces fortesde l’empire, il les a livrées àl’ennemi; si,ne pouvant lasser la patience d’un peuple énergique dont le cou- rage renaissoit plus actif du sein de sesmalheurs et des trahi- sons, il a tourné les armes contre son souverain; non-seule-ment un
telhomme
doitêtre jugé, mais il doit être puni de mort. Etquandcettepeineseroit proscritechez tous lespeuples, elle devroit existerpour
les rois; car jamais la liberténe sera plus réelle, que lorsque ceux à quiun
plus grand pouvoir eS’Sconfié, seront moini libres.
A
côté dusceptredel’autorité, doit être placé le sceptre dela loi; etle fonctionnaire ne doit jamais toucher l’uny sans appercevoir l’autre.
Un
individu, dans ses délits, ne blesseque partiellementle corps social;un
roi leblesse tout entier. C’est par lui que la liberté seperd; c’estparlui quele despotismes’établit, etque l’oppression accablelesnations. C’estuncrimed’étre roi; c’estune vertu de le frapper; et quiconque hésite entre Césaret la
République,n’estni monarchiste,nirépuhiicain;il estesclave', etiln’attendqu’un
Cromwell
pourêtreasservi.Est-il de l’intérêt de laRépublique que Louis soitjugé, et»
s’il est convaincu, qu’ilsoit punidemort?
Pour
atteindre cette question à sa hauteur, c’est seulement sous sesrapports politiquesque nous devonsl’envisager.C’est moins
l’homme
, etce qu’ilaété, quidoitnoustrapper; c’est moins l’humanité, et lesentiment qu’elle inspire, qui doit BOUS dominer, quelesconséquencesde notre détermination.Le
salut public estHé aux mesures que nous allonsprendredans ce‘
moment
; et,pendant que nous délibérons,lapatrieet lesgéné- rationssontlàquinousattendent,et seréservent de nous.juger.'Lorsque jeporte
mes
regards sur notre position actuelle, je
trouve que, réunispour former une nouvelle association, souj avonsjuréd’asseoirnotre constitution surleshasesde laliberté et de l’égalité; et ces basesseroient déjà ébranlées , si Louis devoitn’étre pas jugé.
Un
peuple qui conserveun
sentimentde vénérationpour uneidole abattue, est encore idolâtre dans lecœur
-, le gouvernement des vertus n’est pas fait pour lui; cac l’amourdelaliberté se calcule surlahaine de la tyrannie.Ilimporte
donc
, plus que nous ne pensons, au succès de notreRépublique
naissante , que Louis soitjugé, et potir connoître de quelle distance noussommes
plus ou moins éloi- gnés delaservitude, etpour
éteindrecenoyau
de conspirations autour duqueltournentsans cesse les espérances des royalistes , des intrigans , des fripons et des anarchistes -, car , quelleis.que soient les craintes de la pusillanimité, ne vous y trom- pezpas, Citoyens , c’est de la chute, seule du tyran quedoit s’élever la prospérité publique. Rappelez-vous d’ailleurs le premierdesBrutus, etsongez que
quand U
fermeté devientune vertu , lafoîbîesse estune trahison.Le
|our CUC Louisdescendra dans latombe
, les déuances» leshaines et les complots y descendrontaveclui*, et ce n’est que de sacendre que doitna.ître laliberté.Ce
n’est pas pour vous, sans doute, que vous ferez juget10
Loia^s Capet.
Vous
connoîsscz la hauteur de vos principes, e'telle estindépendantedecette détermination; mais pouryélever la République entière ,
pour
y préparer les peuples qui nous environnent, cettemesure dejustice estnécessaire ; jedisplus:vous ladevez àvos devoirs, à vos commettans, auxnationsqui gémissent encore dansles fers „ et aux générations qui,
comme
elles, pourront y gémir unjour.
Et qu’on ne vienne pas nous dire, par
un
principe demo-
•dérantisme qui n’estpas
même
celni de l’humanité, qu’il est de lagénérosité delanationfrançaise de pardonnerà Louis, et dele déporter avec safamille ?
Sans doute les
Romains
en usèrent ainsi vis-à-vis des Tar- quins; mais avez-vous oublié àquels dangers les exposa cette clémence impolltlque, quelles guerres ils eurent à soutenir pendantdix ans avectouslespeuplesd’Italiesoulevéscontreeux?
Et queiût devenue la liberté, si
Rome
n’eûtpasvusortirde sesmurs,
pour la défendre,un
Brutus,un Codés
etun
Scévoia?Sans doute nousles trouverons parmi nous; et les Dassas, les Desille, lesBeaurepaire ont déjàfait oublierlespremiers; mais, lorsque les Capets sont des Tarquins, avons -nous encore,
comme
ilajournée du lo août, des héros de lapatrie à sacrifier à leur haine féroce?Non
, sansdoute : ilesttemps quelestrônes s’écroulent, et que l’univers soit libre. 11 faut que les peuples, saclientque lesroisneviventquedeforfaits, et que la loi adroit delesatteindre dans touslestemps.Préparons donc aux nations
un
grandexemple
: le règne des lumières peut disparoître; et, au milieu des convulsions de la liberté qui veut naître,ce sera déjàpour
nosneveux
un grandcoup
portéà laservitude, quede trouver danslespages del’his-- loirecomment
leurs ancêtres’romplreat leurs fers, etcom- ment,
à la veille de les reprendre, ils abattirent l’idole qui les forgeoit.Louis peut être jugé : ily a plus, ildoit l’être-, ettelle estla- volonté du peuple, puisque, pouvantletuer lorsqu’ill’asaisien
ennemi
, il apréféré de lerenfermer pourlelivrer à lavengeance des lois : ces lois doivent donc le'jugernon comme
roi, caril*nel’estplus, mais,
comme
assassin etconspirateur.Cependant
noushésitons encore : Louis respire, et tous les.jiOurs nous avons sous les
yeux
le spectacle déchirant de ces :femmeset de cesmèresdésolées,qui, cherchant vainement leurs- Ûls etleursépoux
, nous apprennent nossuccès eupromenant
leurs malheurs. Etoùseroitpour nouslaliberté,si ces généreux llécius
du
10 août n’avoient pas su mourir?et lorsque leurs.V
jaâ*esplaintifsnous
demandent
vengeance,nousdoutonssi leia*assassin peut être jugé!Liberté, Liberté tutélaire,viens nous dégagerdu crime de l’ingratitude !
Par quiet
comment
Louis doit-il êtrejugé"?La
diversité des opinions sur cettequestion ne vientque des erreurs et des préjugés qui enveloppent encore nosprincipes.Constamment
intimidés par l’éclat du trône lorsquenous
n’en voyonsplus que les débris,ilsemble que nous n’ayons ni la force denous dégagerde ces idées serviles quidevroient être déjàloin derrièrenous, nide nouséleverd’un vol rapideversle génie delaliberté.Louis,ceconspirateurdelajournée du loaoût,etdetous les forfaitsquil’ontprécédée, doit être jugé par le
même
tribunalquia déjàprononcé sur le sort des complices; ou vous violez leprincipede l’égalité etcette
maxime
sainte,quelaloi doit êtr«la
même pour
tous, soit qu’elle protège ou qu’ellepunisse.Sivous décidez que la Convention doitlejuger,vous con- fondezles pouvoirs,vous intervertisseztouteslesrègles, etcela, sans
aucun
objetd’utilitépublique.Vous
vous érigezen accusa- teurset eujuges; la liberté vous voit avec effroi ; etl’homme
juste doit fuir
un
pays oùun
Sénat, accumulant tous lespou- voirs sur sa tête, dénonce et poursuit, accuse et emprisonne, juge et fait des lois, sans autre puissance que celle desa vo-lonté: que vousfaut-ilde plus pourêtre des despotes?
Craignez donc le cri de l’opinion publique ; craignez
même
pour laliberté le danger d’un pareil exemple.
Un
criminelne diffère d’un autre criminel que par la différence de son crime;et cettediversité dans les délits , en opérant une variété dans l’application des peines , n'enapporte aucune dans la
compé-
tence. Louis doit-être jugé
comme
tout autre coupable , et par les tribunaux erdinaües ,Amoins
que le peuple ne forme lui-même une commission particulièrequi lejuge en sonnom,
parce que le peuple a le droit en tout tempsfdereprendre ses pouvoirs ou deles confier àqui et
comment
il lui plaît. Alors j’accorderaila priorité au projet de décret de Gertroux ; mais en aucun cas je n’adopterai que la Convention, cessant d’être elle-même , s’érige en tribunal criminel, parce qu’il n’est au- cun coupable qui puisse ne pas léclamer avec succès d’être Jugé suivant les formes établies et scion les lois deson pays,
et qui n’ait le droit de dire qu’un exception particulièrement faite pour lui , à
moins
que le souverain lui-même nelafasse«St un« violation du contrat social, contr» laquelle , Sg^
Vv
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qualité de Hiembi'e de l’associaton , il a droit de s’opposer autant qu’ilest en lui.
Vous
parlerai-je d’Antoinette,cettefemme
lahonte de son sexe , et que le Ciela donnt-e à la France dans sa colère?Elle n’aliéguera pas sans doute,comme
sonépoux
,qu’elleest invio- lable. Déjà la loi auroit dû l’atteindre; et je propose des cet instant le decret d’accusation contre elle.Louis-Charles inspire un autre intérêt: innocent des crimes de‘sa famille , l’humanité nous ditqu’il n’en doit pas partager les peines ; mais il est le rejeton de ce roi quin’estplus ,mais
ilaapporté en naissant le germe oppressifde la domination ;
mais, dansson cœur,l’amour de la liberténepeuts’unir avec le sentiment delavengeance ; et, si balaçant sa destinée avecl’in- térêt de la République , la sensibilité
me
dit que Charlesestinnocent, le
bonheur
dema
patrie m’assure que lefils de LouisXVI
estcoupable.Mais,si vous attendez de
moi
queje vous dise quelle est lapeine quejepense qu’on doive lui infliger,jene vous répon- drai pas
comme
Tarquin qui , lorsqu’on luidemanda
ce qu’il vouîoitfaire desprincipaux Sénateurs deRome
arrêtés par scs ordres, se contentad’abattre la tête des plus hauts pavots de sonjardin.
Et
mol
aussi, dirigé ,non
par laAœngeance ou
lacruauté, sentimenssinaturels aux rois,mais par l’impulsion dela liberté;et
moi
aussi, dis-je,j’auiois le courage d’abattrc^leplus hautpa- vot,sil’intérêtdela Républiquecommandolt
lachute de Louis- Charles ; mais puisqu’ilme
semble que la sûreté générale peut SCconcilier avec les mesuresd’hurnanité qui caratéiàsentun
peu- ple généreux, jeme
borneà proposercentre lui la peinede la détention , et vousdevez l’ordonner,parce quenotre position actuelle la réclame: mais lorsque notre geuvernement* aftermi assurera la félicité du peuple , lorsque la puissance de la loi abattra à sespieds touslespartis ettous leurs partisans , lorsque nulconspirateurne pourra ledéroberà sa vigilance , et échap- per à sa vengeance , lorsqu’entourés de peuples iudépendanscomme
nous ,et unisavec nous , nous ne verrons plus d’autre trôneque celui dela liberté, alors le fils de LouisXVI
né’tant plusque Louis-Charles à nosyeux
, rentrera dans lacitépour
jouir,comme
nous,desdroits de citoyen,etpartager,s’illesmé-
rite , les honneurs que décerne la confiance publique.
DJi
L’IMPRIME RIE NATIONALE.
TKE NEWBERHI!