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La dette écologique dans l'analyse économique. Le cas du projet Yasuni-ITT en Équateur

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Academic year: 2021

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HAL Id: tel-02467120

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Submitted on 4 Feb 2020

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du projet Yasuni-ITT en Équateur

Jose Luis Vallejo

To cite this version:

Jose Luis Vallejo. La dette écologique dans l’analyse économique. Le cas du projet Yasuni-ITT en Équateur. Economies et finances. Université Paris-Saclay, 2019. Français. �NNT : 2019SACLV038�.

�tel-02467120�

(2)

La dette écologique dans l’analyse économique. Le cas du projet Yasuni-ITT en

Équateur

Thèse de doctorat de l'Université Paris-Saclay préparée à l’Université de Versailles St Quentin en Yvelines

École doctorale N° 578 Sciences de l’homme et de la société (SHS)

Spécialité de doctorat : Sciences Économiques

Thèse présentée et soutenue à Guyancourt, le 28 juin, par

M. José Vallejo

Composition du Jury : M. Vladimir Aguilar

Professeur, Universidad de los Andes, Venezuela Rapporteur Mme Begüm Ozkaynak

Professeur,Bogazici University , Istanbul, Turkey Rapporteur M. Giuseppe Munda

Senior Scientist, EC JRC, Modelling, Indicators & Impact Evaluation Président M. Gaël Plumecocq

Chargé de Recherche, AGIR, INRA, & U Toulouse I Examinateur M. Jean-Marc Douguet

Maître de Conférences, HDR, UVSQ/Université Paris-Saclay Examinateur M. Samir Allal

Maître de Conférences, UVSQ/Université Paris-Saclay Examinateur M. Martin O’Connor

Professeur, UVSQ / Université Paris-Saclay Directeur de thèse

N N T : 2 0 19 S A C LV 0 38

(3)

Université Paris-Saclay Espace Technologique / Immeuble Discovery

Route de l’Orme aux Merisiers RD 128 / 91190 Saint-Aubin, France

Titre : La dette écologique dans l’analyse économique. Le cas du projet Yasuni-ITT en Équateur Mots clés : inégalités écologiques, justice environnementale, écologisme des pauvres, analyse multicritère

Résumé :

En l’absence d’un consensus sur une définition standard du concept de dette écologique, cette recherche a pour objectif d’en délimiter la signification et l’évaluation. A cet égard, la proposition d’Erik Paredis permet de modeler sa portée en fonction de chaque cas étudié, qu’il s’agisse d’un pays, d’une firme, d’un individu ou même d’un Etat, à une échelle spatiale ou temporelle. Elle est appliquée en l’occurrence à la problématique du projet équatorien Yasuni quant à l’extraction du pétrole, en articulant les travaux menés par le projet EJOLT dans le cadre du système monde, essentiellement sous l’angle de la justice environnementale.

Concernant l’évaluation, cette étude s’appuie sur la méthode d’analyse multicritères, notamment celle proposée par REEDS et la plateforme Eplanete : la dette est représentée à l’aide d’un ensemble de théories, puis évaluée avec l’outil matrice de délibération grâce à une liste d’indicateurs associés à chaque théorie et prenant en compte les critères et la typologie des inégalités et des principes de la justice environnementale.

L’évaluation ainsi obtenue, après comparaison avec la proposition du présent travail, conclut que, dans le cas du projet Yasuni, des injustices environnementales sont générées, qui ne sont ni récompensées, ni restituées avec le temps, ce qui accroît la dette écologique qui en résulte.

Title : The ecological debt in the economic analysis. The case of the Yasuni-ITT project in Ecuador Keywords : ecological inequality, environmental justice, environmentalism of the poor,

multicriteria analysis

Abstract :

As there is no consensus on a standard definition of the concept of ecological debt, the purpose of this research is to delineate its meaning and evaluation. In this respect, the proposal of Erik Paredis makes it possible to model its scope according to each case studied, be it a country, a firm, an individual or even a State, with a spatial or temporal scale. It is applied in this case to the problem of the Ecuadorian Yasuni project in terms of oil extraction, articulating the work carried out by the EJOLT project within the framework of the world system, essentially from the perspective of environmental justice.

Concerning the evaluation, this study is based on the multicriteria analysis method, notably that proposed by REEDS and the Eplanete platform : the debt is represented using a set of theories, then evaluated with the matrix tool deliberation through a list of indicators associated with each theory and taking into account the criteria and typology of inequalities and principles of environmental justice.

The resulting assessment, after comparison

with the proposal in this paper, concludes

that, in the case of the Yasuni project,

environmental injustices are generated that

are neither rewarded nor restored over time,

thereby increasing the ecological debt that

results.

(4)
(5)

1 INTRODUCTION ET PROBLÉMATIQUE 1

1.1 Approche du problème . . . . 2

1.2 Formulation du problème . . . . 5

1.3 Justification . . . . 5

1.4 Objectifs . . . . 6

1.4.1 Objectif général . . . . 6

1.4.2 Objectifs spécifiques . . . . 6

1.5 Organisation de la thèse . . . . 6

2 YASUNI-ITT :CONTEXTE 8

2.1 Analyse situationnelle de l’Équateur . . . . 9

2.1.1 Facteur politique . . . . 9

2.1.2 Facteur économique . . . . 9

2.1.3 Domaine social . . . 11

2.1.4 Analyse technologique . . . 13

2.1.5 Facteur environnemental . . . 14

2.1.6 Facteur juridique . . . 15

IV

(6)

2.1.7 La perspective de l’économique écologique . . . 16

2.1.8 L’incommensurabilité du Yasuní et les futures généra- tions . . . 16

2.1.9 Qui fait dommage doit payer . . . 17

2.1.10 L’arbitrage entre les revenus ou perte du patrimoine naturel . . . 18

2.2 Présentation du Project Yasuni-ITT en Équateur . . . 19

2.2.1 L’Initiative . . . 20

2.2.2 Les bénéfices . . . 20

2.3 La décision d’exploiter le pétrole : Un débat sur les approches du développement entre le gouvernement et les EJO’s équatoriennes 21

3 CONCEPT DE DETTE ÉCOLOGIQUE 24

3.1 Dette écologique : révue de la literature . . . 24

3.2 Orientation retenue pour sa construction . . . 38

3.2.1 Portée du concept de dette écologique . . . 38

3.2.2 L’activité économique, effets sur l’environnement et acumulation de la dette écologique . . . 43

3.2.3 La notion de durabilité et le lien avec celle de la dette écologique . . . 44

3.2.4 L’empreinte écologique et le concept de la dette écologique 45 3.2.5 La dette écologique dans l’analyse du discours . . . 47

3.2.6 Les déséquilibres économiques, sociaux et écologiques à la source de la dette écologique . . . 52

3.2.7 Injustice écologique et inégalités écologiques . . . 55

3.2.8 Le principe de responsabilité : la légitimité de la resti-

tution de la dette écologique . . . 59

(7)

3.2.9 Droits et obligations de la Société, l’approche temporelle d’éthique environnementale . . . 64 3.2.10 De la détérioration des termes d’échange extractiviste

: les changements dans l’accumulation de la dette éco- logique . . . 70 3.3 La dette écologique : un problème global . . . 76 3.3.1 L’influence d’un modèle économique global . . . 76 3.3.2 Les collectivités locales : l’impact de l’application du

système économique classique . . . 82 3.3.3 L’importance de la mobilisation sociale . . . 86 3.4 Dette écologique, justice et responsabilité . . . 89

4 EJO’S ET DETTE ÉCOLOGIQUE 97

4.1 La position du projet EJOLT sur la dette écologique . . . 97 4.2 Synopsis historique du concept de dette écologique . . . 99 4.2.1 «Croissance organique» : la dynamique d’un mouvement 103 4.2.2 De la «croissance organique» à la «stratégie collaborative»106 4.2.3 L’argument de la dette écologique activiste . . . 107 4.2.4 Conceptualisations académiques de la dette écologique 108 4.3 Les fondements théoriques de la dette écologique . . . 111 4.4 La dette écologique comme principe de répartition . . . 111

5 EMC ET JUSTICE ENVIRONNEMENTALE 114

5.1 Quelle méthodologie d’évaluation de la justice environnementale114

5.2 L’évaluation multicritère . . . 115

5.2.1 Le modèle de Décision Multicritère Discrète . . . 116

(8)

5.2.2 Le processus de la Décision Multicritère Discrète . . . 116

5.3 Les organisations de justice environnementale et l’évaluation multicritère : trois approches . . . 118

5.3.1 L’évaluation multicritère sociale (EMCS) . . . 119

5.3.2 Le Mapping Multicritère (MMC) . . . 120

5.3.3 Le Cadre Integraal . . . 121

6 DEUX APPROCHES D’ÉVALUATION 125

6.1 L’arbitrage entre nature et marché : Pétrole ou conservation en Yasuní . . . 125

6.1.1 Pétrole et conservation en Yasuní . . . 126

6.2 La décision d’exploiter le pétrole dans la zone du parc Yasuní 129 6.3 Quelques reflexions autour de l’analyse classique . . . 129

6.4 Le projet Yasuní depuis la perspective multicritère (AMC) . . 134

6.4.1 L’approche multicritère pour lw projet Yasuni-ITT . . 134

6.4.2 Présentation et interprétation . . . 135

6.4.3 Les scénarios . . . 135

6.4.4 Les acteurs . . . 137

6.4.5 Les étapes . . . 137

6.4.6 La méthodologie . . . 138

6.5 Résultats de l’évaluation multicritère . . . 141

(9)

7 EPLANETE ET YASUNÍ 145

7.1 ePLANETe et dette écologique . . . 147

7.2 Application à Yasuní de la méthode INTEGRAAL . . . 153

7.2.1 Les acteurs . . . 154

7.2.2 Les enjeux . . . 155

7.2.3 Quelques théories et concepts pour représenter la dette écologique . . . 164

8 RESULTATS ET DISCUSSION 182

8.1 Résultats . . . 182

8.1.1 Scénario « zéro pétrole » . . . 184

8.1.2 Scénario « prélèvement de pétrole » . . . 184

8.2 Discussion . . . 185

CONCLUSION 190 A ANNEXES 192

A.1 Liste des indicateurs ePLANETe . . . 193

A.2 Grille de représentation de la dette écologique . . . 210

A.3 Matrice de délibération de la dette écologique par acteurs et critères de justice . . . 225

A.4 Matrice de délibération exemple d’évaluation par scénario et critère . . . 233

BIBLIOGRAPHIE 235

(10)

2.1 Croissance du PIB de l’Équateur . . . 10

2.2 PIB pétrolier et non pétrolier 2007 = 100, Taux de variation trimestrielle t/t-1 . . . 11

2.3 inflation annuelle pour les mois de janvier . . . 12

2.4 Taux de chômage en Équateur en mars 2017 . . . 13

2.5 zone Yasuni ITT . . . 19

2.6 Production de pétrole en Équateur Source : British Petroleum . . . 22

2.7 Source : Revue Lideres 16-04-2007 . . . 23

5.1 processus évaluation multicritère . . . 117

5.2 Processus d’une EMCS . . . 119

5.3 Processus d’une MMC . . . 121

5.4 La démarche Intégraal (O’Connor et al. 2010) . . . 122

6.1 Matrice . . . 135

7.1 Grille d’indicateurs Kerbabel . . . 150

7.2 Gallerie « Theories, Tools, Terrains » . . . 151

7.3 Evaluation Yasuní . . . 156

IX

(11)

7.4 Répresentation Yasuní . . . 163 7.5 Échelle par couleurs . . . 177 7.6 ensemble de cellules d’evaluation dans la matrice de délibération177 7.7 Evaluation des indicateurs selon couleurs et poids . . . 178 7.8 Organisation des données dans la matrice de délibération . . . 178 8.1 Résultat de la matrice de délibération pour le scénario zéro

pétrole . . . 183 8.2 Résultat de la matrice de délibération pour le scénario prélève-

ment de pétrole . . . 185

(12)

INTRODUCTION ET PROBLÉMATIQUE

1

(13)

§1.1 Approche du problème

Le système économique dominant entraîne les pays dans une dynamique dont la permanence est soutenue par la croissance économique, cette dernière devenant dans plusieurs cas l’objectif principal des politiques économiques.

Ainsi, un taux de croissance plus élevé se traduirait par une augmentation du revenu et de la consommation, ce qui augmenterait le bien-être des personnes.

Par ailleurs, bien que la notion de pénurie soit présente dans l’analyse éco- nomique, il s’agit principalement des ressources susceptibles d’avoir un prix de marché. La pénurie comprise comme une limitation des ressources dans un sens plus large est absente de l’analyse traditionnelle. En fait, si nous considérons les services écosystémiques (fonctions de la biosphère, soutien de la vie) comme une forme de ressources, nous constatons qu’ils ne font généralement pas partie des analyses conventionnelles. Ce fait amène à penser l’économie comme un modèle fermé, sans lien avec la réalité biophysique qui la soutient. La capacité de renouvellement des ressources et de collecte des déchets est implicitement comprise comme infinie. Par conséquent, l’augmen- tation constante de la production de biens et services pour faire face aux problèmes économiques et sociaux des pays est considérée comme souhaitable.

Cependant, croître infiniment dans un contexte de restrictions de ressources est impossible, car le maintien de la trajectoire de ce modèle économique génère inévitablement un déséquilibre entre ce qui peut être considéré comme l’économie réelle et l’économie réelle-réelle

?

. En d’autres termes, l’écart entre la production de biens et les services par rapport à l’utilisation des flux de matières et d’énergie s’élargit. Cela signifie que le temps économique est différent du temps écologique. Paradoxalement, les sociétés s’engagent à continuer dans cette voie de croissance en accordant la priorité aux mesures qui contribuent à approfondir ce déséquilibre.

Selon Daly, pour assurer une véritable durabilité, le monde devrait passer à une économie « stable » fondée sur des principes écologiques dérivés de la réalité biophysique Daly (2005, p. 23) , à savoir :

1. toute activité humaine y compris celles du système économique se déroule au sein de l’écosphère ;

2. le fonctionnement de l’économie et l’infrastructure nécessaire se font avec de la matière et de l’énergie provenant des écosystèmes ;

3. tous les flux de matière et d’énergie associés aux processus économiques

sont gouvernés par des lois physiques et chimiques ;

(14)

4. l’économie réelle, la société et les écosystèmes sont des systèmes com- plexes caractérisés par la non linéarité, des seuils et des décalages ; 5. les flux de matière et de l’énergie associés à l’acquisition de ressources

et au rejet de déchets sont les vecteurs d’interaction entre les personnes et la nature ;

6. l’écosphère est une entité avec des capacités de rénovation et d’absorption limitées

Compte tenu de ce qui précède, les décisions politiques et économiques des pays deviennent essentielles pour maintenir des conditions de développement adéquates à long terme. Cependant, différentes études attestent de ce que l’humanité a dépassé certaines limites.

Ainsi, le Centre de résilience de l’Université de Stockholm

1

. , dans le contexte du projet Planetary Boundaries, manifeste dans la revue Science (16 janvier 2015) que, selon une équipe internationale de 18 chercheurs, quatre des neuf limites planétaires ont été dépassées du fait de l’activité humaine. Les quatre limites sont : le changement climatique, la perte de l’intégrité de la biosphère, le changement du système terrestre, les cycles biogéochimiques altérés (phosphore et azote).

La situation pourrait avoir des origines diverses, mais toutes encadrées par ce que Falconi dénonce comme la crise de civilisation. En effet, la crise du capitalisme occidental a comme point de départ le concept de développement et de progrès, avec l’idée sous-jacente qu’il existe une tendance historique vers de meilleures conditions de vie, selon le développement d’une civilisation dans le temps (Falconí, 2014). Maintenant, le capitalisme dans son état de développement le plus élevé a entraîné des manifestations d’une sauvagerie moderne. Le capital financier est largement soutenu par l’exploitation des ressources naturelles, suite à la spéculation sur les produits de base, générant des revenus toxiques Falconí (2017, p.55). Il faut donc comprendre l’interaction de l’environnement naturel avec l’économie, construire une nouvelle pensée qui intègre différentes méthodologies et acteurs sociaux.

Les problèmes contemporains sont marqués par une augmentation de l’incerti- tude des effets que l’activité humaine peut causer, dans la mesure où certains scénarios se produisent. Par conséquent, les décisions collectives doivent être

1. Le Centre de résilience de Stockholm est internationalement reconnu pour sa recherche transdisciplinaire. Il favorise la compréhension des systèmes socio-écologiques complexes et génère de nouvelles idées et de nouveaux développements afin d’améliorer les pratiques de gestion des écosystèmes et la durabilité à long terme

http ://www.stockholmresilience.org/research/planetary-boundaries.html

(15)

prises en fonction de la délibération et de la participation du plus grand nombre possible d’acteurs. Étant donné que les décisions doivent être prises directement avec la répartition des impacts et des ressources, et qu’une telle distribution doit aborder les critères de justice et d’équité, il est essentiel d’inclure la composante éthique à la fois dans l’analyse théorique et dans la pratique sociale de tous les jours. En ce sens, les demandes sociales per- mettront d’obtenir des réponses satisfaisantes, dans la mesure où les acteurs académiques sont constitués dans un élément d’articulation avec les politiques générées par les gouvernements.

La situation mondiale, caractérisée par des changements profonds dans diffé- rentes commandes, en particulier dans la sphère écologique, doit d’urgence ouvrir le débat à de nouveaux paradigmes de pensée basés sur la solidarité et le respect de la nature. En fait, la réalisation d’une voie durable dans l’économie signifie que les pays doivent intégrer d’autres langues d’évaluation qui incluent des critères de justice et de solidarité pour l’être humain et la nature.

Dans ce contexte, la notion de dette écologique apparaît comme une forme de revendication des conditions asymétriques des relations entre le Nord global et le Sud global, dans un système dominé par l’économie de marché. Au début, les mobilisations sociales ont été organisées pour contester la légitimité de la dette extérieure des pays pauvres, arguant que cette dette freine le développement des villes et que son paiement se fait au détriment de la dégradation de l’environnement et de la destruction des Nature. Il y avait aussi des arguments historiques quant à la responsabilité des pays riches pour le pillage permanent des ressources naturelles des pays pauvres. Une autre approche met l’accent sur l’impact du mode actuel de production et de consommation sur les écosystèmes en générant des responsabilités environnementales, en particulier en ce qui concerne le phénomène du changement climatique.

Le présent travail vise à reconsidérer la construction du concept de dette écologique à partir d’une approximation du discours, en prenant comme cas particulier le projet équatorien Yasuní-ITT. De même, il cherche à établir certains critères de justice qui permettent d’évaluer la pertinence de ce projet au-delà de l’approche traditionnellement utilisée, à savoir le rapport coût- bénéfice.

En revanche, deux précisions sont nécessaires. Tout d’abord, ce qui est destiné

à mettre en valeur dans cette recherche est la pertinence de formes alter-

natives d’évaluation qui ne sont pas seulement quantitatives monétaires ou

biophysiques, mais comprennent des dimensions qualitatives d’un problème

(16)

complexe particulier. Deuxièmement, à des fins pratiques, seul le profil « expert » est utilisé comme acteur participant, sachant que, dans le contexte réel, la participation de tous les acteurs concernés est requise.

§1.2 Formulation du problème

L’extraction du pétrole dans l’Amazonie équatorienne, dans la région de Yasuní, générera une dette écologique injuste. Par conséquent, sur la base d’autres points de vue d’évaluation, en particulier d’une approche multicritères, il pourrait s’agir d’un projet socialement indésirable.

§1.3 Justification

La question de la dette écologique est relativement nouvelle en tant que sujet de discussions académiques, il faut donc l’aborder pour la valider en tant que concept, afin de rechercher des options d’évaluation qui servent d’outil de prise de décision. Du point de vue de l’économie écologique, le défi est de trouver un équilibre entre les systèmes économiques et écologiques, en élargissant les critères d’évaluation de l’activité humaine au-delà des prix et du marché.

Les changements globaux ont besoin de réponses convenues par tous les acteurs, la communication transdisciplinaire contribue dans ce sens à intégrer dans les débats différents axes ou perspectives d’une réalité. Ainsi, une activité économique peut être évaluée par rapport à la dette écologique qu’elle génère.

Pour cette raison, il est pertinent d’explorer des méthodologies comme celles présentées par le présent travail, qui facilitent la délibération et permettent de prendre des décisions au regard de l’analyse multicritère.

La validation du concept de dette écologique implique la nécessité de re-

chercher un mécanisme de compensation ou de rétribution par les débiteurs

écologiques envers les créanciers écologiques. Dans le cas du projet Yasuní en

Équateur, l’objectif n’est pas tant d’obtenir de l’aide économique internatio-

nale, mais plutôt l‘acceptation de la responsabilité des pays développés pour la

détérioration sociale et environnementale des pays en développement à la suite

de l’application d’une stratégie basée sur la croissance. Etant donné que dans

le cas du projet Yasuní en Équateur, le pétrole est la composante économique,

(17)

l’analyse de la recherche tentera de démontrer comment et pourquoi une stratégie de non-extraction ou d’extraction nulle d’une ressource naturelle comme le pétrole est souhaitable pour la société.

§1.4 Objectifs

1.4.1 Objectif général

Évaluer la dette écologique grâce au processus de la matrice de délibération pour le cas du projet équatorien Yasuní-ITT.

1.4.2 Objectifs spécifiques

• Baser sur la base bibliographique le concept de dette écologique à partir de l’approche du discours ;

• Valider le processus d’évaluation de la dette écologique selon la méthode INTEGRAAL .

• Identifier les critères d’évaluation de la dette écologique sous la perspec- tive de la justice .

• Déterminer la pertinence de l’outil de délibération matricielle pour résoudre des problèmes socio-environnementaux complexes.

§1.5 Organisation de la thèse

La thèse est organisée en deux étapes. La première étape, qui contient les chapitres 1, 2, et 3 traite du problème général concernant le projet Yasuní en Équateur, ainsi que d’un cadre théorique pour l’analyse discursive de celle-ci. La deuxième étape, avec les chapitres 5, 6 et 7, tente de représenter et d’évaluer la dette écologique sous l’approche de la justice environnementale, dans le cadre du projet Yasuní.

Après une description initiale du contexte dans lequel se situe le projet

équatorien Yasuní (chapitre 2), dans le chapitre 3 une analyse est faite sur

l’évolution et l’état du concept de dette écologique. Le chapitre 4 vise à établir

(18)

un cadre théorique pour construire, dans la perspective des mouvements pour la justice environnementale, notamment le projet EJOLT, le concept de dette écologique.

Dans le chapitre 5, suit une description des trois approches d’évaluation multicritère adressées aux organisations de justice environnementale. Dans le chapitre 6 on effectue un description de deux approches qui ont été réalisées en Équateur par rapport au projet Yasuní. L’approche monocritère officielle, et l’approche multicritère proposé par des académiciens.

Par la suite, nous procédons à l’application pratique de la méthode et de

l’outil énoncés pour l’affaire équatorienne du projet Yasuní-ITT : l’élaboration

de la représentation, puis la délibération (chapitre 7) pour finalement analyser

les résultats de l’évaluation multicritères. Une dernière partie (chapitre 7) est

consacrée à la discussion, où on aborde la vision andine comme une stratégie

possible pour atténuer la dette écologique, pour arriver enfin à la conclusion.

(19)

PROJET YASUNI-ITT : CONTEXTE ET ENJEUX

8

(20)

§2.1 Analyse situationnelle de l’Équateur

2.1.1 Facteur politique

En Équateur, la politique guidée par le Plan de Développement et basée sur l’objectif du « Buen vivir » (bien vivre) a été maintenue au cours des dernières années, afin de parvenir à une plus grande équité, à l’égalité des chances, au développement d’une vie décente et en harmonie avec la nature. Cependant, du point de vue politique, cela a créé une polarisation de la société équatorienne, entre ceux qui croient en leurs postulats et ceux (pensée de droite) qui croient en un modèle d’économie classique orienté vers le marché libre. Cette polarisation a été évidente lors des dernières élections présidentielles au début de l’année 2017, où le candidat gagnant, Lenin Moreno, du mouvement Alianza País (de gauche), auquel appartient également le président sortant Rafael Correa, a battu de justesse le principal candidat de l’opposition (à droite), Guillermo Lasso.

Le 24 mai 2017 a instauré la présidence de la République, Lenin Moreno, néanmoins, à partir de ce jour, sa politique et son style de direction ont été marqués par des différences évidentes par rapport aux postulats de son parti et à ceux de son successeur. L’environnement politique actuel est incertain, car la pensée politique du dirigeant élu n’est pas claire et la polarisation de la population s’est maintenue dans le statu quo, car une bonne partie de l’opposition provient des partisans du mouvement Alianza País, grâce auxquels lequel Lenin Moreno a gagné l’élection et bénéficié d’un soutien de la droite.

2.1.2 Facteur économique

La crise financière qui affecte l’Union européenne a été perçue au niveau mon-

dial, tandis que l’expansion économique de l’Extrême-Orient et en particulier

de la Chine est une évidence. En termes économiques, les relations entre l’Asie

et les pays de la région ont augmenté ces dernières années, motivées par la

recherche de meilleures opportunités de développement. Il faut noter la pré-

sence de la Chine dans l’économie équatorienne, qui apparaît au travers de sa

participation multiple dans les projets et les travaux civils, les investissements

financiers à la fois privés et publics, y compris l’exploitation pétrolière, pour

citer les plus importants.

(21)

2016 a été la seule année de la dernière décennie où l’économie équatorienne n’a pas connu de croissance. Selon les données de la Banque centrale, le dernier chiffre positif a été enregistré en 2015 avec une croissance de 0,2% alors qu’en 2016, l’économie a diminué de 1,5%, comme le montre la figure 2.1

Figure 2.1 – Croissance du PIB de l’Équateur

Grâce à un bulletin statistique sur son site Web, la Banque centrale explique que les raisons de cette diminution sont les suivantes :

• La baisse des prix du pétrole

• La hausse du dollar

• Le séisme du 16 avril 2016

• Le paiement à Chevron et Oxy après que l’Équateur ait perdu un procès international avec ces compagnies pétrolières.

La croissance de la valeur ajoutée brute du pétrole a été de 2,0% par rapport au quatrième trimestre de 2015, alors que la valeur ajoutée brute non pétrole a diminué de 2,2% (Fig. 2.2).

L’inflation au cours des 10 dernières années a subi un processus à la baisse, comme on peut le voir dans le tableau suivant, préparé l’INEC

1

en janvier 2017 (Fig.2.3).

1. Institut national de statistique et de recensement

(22)

Figure 2.2 – PIB pétrolier et non pétrolier 2007 = 100, Taux de variation trimestrielle t/t-1

La réalité économique de l’Équateur se manifeste de façon évidente dans le système de travail, avec des résultats positifs et cohérents. Le chômage au niveau national montre une baisse nette, la plus importante des cinq dernières années, en hausse de 4,4% en mars 2017 contre 5,7% en mars 2016, ce qui représente une baisse de 1,3 points de pourcentage. Cela signifie qu’environ 94 000 personnes ne sont plus chômeurs, selon la dernière enquête nationale sur l’emploi, le chômage et le sous-emploi (ENEMDU) publiée par l’INEC.

L’Equateur est l’un des pays où le taux de chômage est le plus bas de la région (Fig.2.4).

2.1.3 Domaine social

L’Equateur est un pays multiculturel, multiethnique et géographiquement diversifié avec environ 17 millions d’habitants en 2017

2

. Dans le recensement de 2010, 71,9% de la population se sont identifiée comme Métis ; 7,4% comme Montubios (ethnie côte équatorienne) ; 7,2% Afro-équatorien ; 7,0% comme Indigènes ; 6,1% Blancs et 0,4% comme autres. La grande majorité des Équa- toriens parlent le castillan, et des 13 langues maternelles, Quichua et Shuar sont les plus parlées. (INEC, 2015).

2. Projections de l’INEC (17’023.408 habitants)

http ://www.ecuadorencifras.gob.ec/proyecciones-poblacionales/

(23)

Figure 2.3 – inflation annuelle pour les mois de janvier

La Constitution de 2008 tout comme le PNBV (Plan national pour la bonne vie) expriment leur volonté d’inclure tous les individus (groupes ethniques, femmes, handicapés, jeunesse, etc.), mais des exemples de discrimination par groupe ethnique, handicap et par âge existent encore.

Entre 2006 et 2014, la pauvreté moyenne des revenus (en utilisant le seuil national de pauvreté) est passée de 37,6% à 22,5%, tandis que la pauvreté extrême est passée de 16 à 7,7%. Soixante-dix pour cent des pauvres vivent dans la zone rurale (ce qui représente 35% de la population équatorienne), et les Indigènes et les Afro-descendants restent les plus marginalisés et les plus pauvres.

En 2015, la Banque mondiale a indiqué que « la croissance en Équateur a été

inclusive avec un effet direct sur les niveaux de pauvreté et les inégalités et sur

la croissance de la classe moyenne ». Les chiffres officiels montrent que l’écart

entre les plus riches et ceux ayant les revenus les plus bas a considérablement

diminué.

(24)

Figure 2.4 – Taux de chômage en Équateur en mars 2017

Le coefficient de GINI, qui mesure le taux d’inégalité sur une échelle de 100 (inégalité totale) à 0 (égalité totale), est passé de 56,6 en 2000 à 45,5 en 2013,

alors qu’il restait stagnant

3

(INEC, 2015, Banque mondiale, 2015).

Le gouvernement des 10 dernières années a cherché à lutter contre la pauvreté et les inégalités, de sorte qu’en Équateur la politique publique essaye de construire une société de solidarité et de justice, afin de résoudre les problèmes les plus graves de la population.

Avec cette orientation, la politique sociale de l’Équateur fait partie du réta- blissement du rôle de l’État dans le domaine social, visant les secteurs les plus vulnérables de la communauté, établissant de nouvelles valeurs, mécanismes et exigences d’inscription et la prise en compte des bénéficiaires

4

.

2.1.4 Analyse technologique

Dans le monde d’aujourd’hui, il est encore évident que les pays développés possesseurs de moyens technologiques et les pays en voie développement tentent de combler le fossé avec les puissances et d’être des fournisseurs de

3. https ://data.worldbank.org/indicator/SI.POV.GINI 4. Voir la Constitution équatorienne 2008

(25)

produits primaires tout en étant des exportateurs de produits transformés.

L’Equateur s’est caractérisé par le maintien de son économie avec l’expor- tation de produits non transformés, mais au cours des dernières années, le gouvernement a augmenté ses budgets en faveur de la croissance scientifique et technologique. D’après les informations fournies par le ministère de l’Enseigne- ment supérieur, de la Science, de la Technologie et de l’Innovation (Senescyt), l’Équateur investit 1,88% du produit intérieur brut (PIB) dans le domaine de la technologie et de l’innovation, ce qui représente environ 1,9 milliard de dollars. En conséquence, ces dernières années, le nombre de chercheurs scientifiques a augmenté de 300% par rapport à l’ensemble de la région

5

. A l’heure actuelle, les universités triplent leurs investissements en science et technologie et dépassent le pourcentage minimum prévu dans la loi orga- nique de l’enseignement supérieur (LOES,) qui est de 6%. Environ 19 500 Équatoriens ont été dotés de bourses par l’État pour étudier à l’étranger, dont 4 500 sont retournés dans le pays. 35% des Équatoriens qui sont rentrés étaient situés dans des universités, 25% dans le domaine de la santé, 20%

dans le secteur privé et le reste dans les instituts publics d’éducation ou les entreprises publiques

6

.

2.1.5 Facteur environnemental

L’Equateur est l’un des pays les plus riches en biodiversité au monde, avec une multitude d’écosystèmes dans une superficie relativement faible. La superficie du territoire continental en conservation a atteint 7.757.522 hectares en 2012, ayant augmenté de près de 1 million d’hectares depuis 2008. Plusieurs initiatives de l’État pour renforcer le Système national d’aires protégées (SNAP), augmenter la superficie et les écosystèmes marins et côtiers sous différentes stratégies de conservation, comme les programmes socio-forestiers du gouvernement créés en 2008 pour conserver ou restaurer les forêts, les mangroves et les landes. Malgré le pourcentage significatif et croissant de terres sous conservation, 43% des zones continentales d’une immense valeur en termes de biodiversité et de services écosystémiques ne sont pas encore classés dans une catégorie de protection.

5. Senescyt, publication du journal el telégrafo le 25 Novembre 2016

http ://www.eltelegrafo.com.ec/noticias/sociedad/4/ecuador-invierte-el-1-88-del-pib-en- tecnologia-e innovacion

6. http ://www.eltelegrafo.com.ec/noticias/sociedad/4/ecuador-invierte-el-1-88-del-pib- en-technologia-e-innovacion

(26)

Il est important de noter qu’au cours des dernières années, l’Équateur a accordé une grande importance à la nature, de sorte que, dans la Constitution de la République d’Equateur en 2008, sont reconnus les droits de la nature

7

. Cette nouvelle réalité influe sur deux aspects :

• le premier sur le fait que toutes les activités du pays doivent être harmonisées par rapport à la nature et à sa restauration, le cas échéant ;

• il en découle le deuxième aspect, à savoir que l’Équateur est devenu une référence, étant le premier pays de ayant reconnu les droits de la nature dans le cadre de sa Constitution.

De la Constitution de la République, est dérivé un document qui est connu sous le nom de plan du « buen vivir » - qui équivaut à un plan national de développement – dans lequel les objectifs, les politiques et les objectifs à atteindre sont établis. Le «buen vivir» est défini comme le mode de vie qui permet le bonheur et la permanence de la diversité culturelle et environ- nementale ; il est l’harmonie, l’égalité, l’équité et la solidarité. il ne cherche pas l’opulence ou la croissance économique indéfinie. Dans son article 7, il établit comme objectif de "Garantir les droits de la nature et promouvoir la durabilité environnementale sur le plan territorial et mondial ".

Le pays dispose d’un grand nombre de ressources naturelles et a subi d’im- portants impacts du fait des activités productives de ces ressources, en raison des besoins urgents de sa population.

2.1.6 Facteur juridique

L’Equateur a une Constitution progressiste, fondée sur un processus partici- patif qui reconnaît les droits collectifs et les droits de la nature. En général, des progrès sont réalisés dans la reconnaissance et la réalisation de certains droits économiques, sociaux et culturels. Il existe une longue histoire de reven- dication de droits dans le pays, comme en témoigne le cas de Texaco-Chevron 13.

La Constitution politique de l’Équateur est l’instrument juridique le plus important qui régit la conduite des individus et des organisations, dont les lignes directrices montrent l’existence d’une règle de droit.

7. stipulés dans la discussion de ce document

(27)

2.1.7 La perspective de l’économique écologique

Depuis l’optique de l’économie écologique, le prix du pétrole sera toujours sous- évalué, car certains éléments de la nature comportent des valeurs intrinsèques.

Par exemple, quand il est question du prix d’extraction du pétrole, on prend en compte simplement les facteurs qui affectent les prix dans la logique de l’économie de marché, tels que les coûts liés à la technologie, les coûts de transport, les salaires des travailleurs, entre autres. Néanmoins, il existe aussi d’autres éléments de la nature qui apportent de la valeur, tels que le support de vie, la valorisation des générations futures, l’appréciation de l’être humain, entre autres. En conséquence, du point de vue écologique, l’analyse du prix comme critère unique d’exploitation du projet Yasuní est incomplète.

Par ailleurs, Azqueta (2002) énonce que la non prise en compte des coûts environnementaux dans le calcul des prix a comme conséquence l’apparition d’un phénomène : le

dumping écologique. De cette manière, sous-évaluer le

prix du pétrole équatorien reviendrait à accepter des pratiques inéquitables envers la nature et les écosystèmes, dans le but d’avantager son extraction et son exportation.

Dans le contexte du projet Yasuní, l’extraction de pétrole constitue une réponse au besoin du gouvernement équatorien d’obtenir des ressources moné- taires à court terme. Ne serait-ce que pour cette raison, l’analyse de l’activité pétrolière dans cette zone pose question, même dans la perspective de l’écono- mie de marché. En effet, l’Équateur continue dans cette dynamique d’accepter un échange implicite entre les revenus issus de l’extraction de ressources na- turelles et l’accroissement de sa dette écologique.

2.1.8 L’incommensurabilité du Yasuní et les futures gé- nérations

Dans l’économie, la comparabilité est un terme unidimensionnel qui permet la

comparaison des éléments sous l’angle du même critère. Il faut donc utiliser un

seul ordre de grandeur, tel que les unités monétaires. Joan Martínez énonce

que ce type de comparaison est propre à la commensurabilité forte, géné-

ralement employée dans l’analyse coût-bénéfice. Cependant, pour mesurer

les coûts et les bénéfices réels d’un projet, il faut impérativement faire des

analyses multicritères sur la base de décisions rationnelles Martinez (1999).

(28)

L’analyse multicritère ne faisant pas partie des outils de décisions dans les stratégies du gouvernement équatorien, il sera question d’analyser les éventuelles erreurs du rapport de viabilité de l’exploitation du projet Yasuní.

Premièrement, si l’on considère que Yasuní est un lieu endémique, unique sur la terre, il en résulte que le taux d’actualisation de 12% du rapport est élevé. Gary-Bobo and Laudier (2012) recommandent d’utiliser pour les projets écologiques le taux d’actualisation le plus bas possible, car il faut penser aux prochaines générations.

Le rapport de viabilité exprime donc la préférence pour les générations actuelles, aliénant le bien-être des générations futures. Dans ce cas, les Équa- toriens, sur le long terme, perdront la possibilité d’avoir un bon écosystème, car chaque mouvement autour de l’extraction du pétrole à Yasuní aura un impact sur les espèces et êtres vivants qui peuplent ce territoire.

De la même manière, donner de la valeur à chaque espèce devient aussi difficile qu’évaluer toutes les étoiles de l’univers. Le projet Yasuní recèle des milliards d’espèces qui ne sont pas encore connues. Par conséquent, donner de la valeur monétaire au parc national afin de l’exploiter constitue une erreur pour le moins inquiétante.

2.1.9 Qui fait dommage doit payer

Le sens commun nous incite à penser que quand quelqu’un commet des erreurs, il sera tenu pour responsable de ses actes. En faisant l’analogie avec l’analyse économique, le raisonnement peut être identique. Les activités exercées par les agents économiques peuvent affecter le bien-être d’autres agents, en conséquence l’agent responsable cherche à compenser l’agent affecté.

Martinez (1999) cite Pigou pour sa contribution à l’analyse au travers de ce que l’on connaît comme l’impôt pigouvien : il s’agit de taxer les agents économiques dont les activités provoquent des externalités négatives sur d’autres agents (ou sur l’environnement, ou la société, etc.).

Une des externalités négatives les plus importantes est constituée par la pollu-

tion de l’environnement générée par les entreprises. Ce fait met en évidence les

défaillances du mécanisme de marché quant à sa capacité d’autorégulation

et distribution des ressources prônée dans l’économie conventionnelle. Les

gouvernements doivent donc intervenir afin de prévenir ou atténuer.

(29)

C’est la raison pour laquelle les Etats et les gouvernements ont institué des impôts environnementaux. Mais ceux-ci ne sont pas la solution, car ils n’impliquent pas que le pollueur paye pour les affectations générées à partir de ses activités. Généralement, les entreprises pétrolières payent des valeurs très élevées en raison des impôts environnementaux, néanmoins la totalité des dommages de type divers n’est pas compensée.

En effet, comme on l’a déjà évoqué précédemment, la société Chevron-Texaco a contaminé les sols, l’eau, l’air, en général et, de façon générale, elle est responsable de la pollution et de la dégradation engendrées dans l’Amazonie Équatorienne. L’argent destiné à remédier aux dommages subis ne suffit pas, car il n’est pas possible de rendre à l’environnement son état initial.

Par conséquent, l’exploitation pétrolière de Yasuní est une action pour le moins discutable, car cette zone constitue une réserve écologique, considérée aussi comme patrimoine naturel pour l’humanité.

De plus, l’exploitation du projet Yasuní accentuera les inégalités Nord-Sud, car le Sud continuera avec l’exportation de matières primaires, alors que le Nord sera encore garant de la dette écologique. Il y a donc là un cercle vicieux sans fin.

2.1.10 L’arbitrage entre les revenus ou perte du patri- moine naturel

Comme on le voit dans la critique de Joan Martínez au PIB et PIN dans les économies dépendantes des ressources naturelles non renouvelables, une augmentation des revenus provenant de l’extraction de ces ressources signifie qu’on se rapproche de plus en plus de la fin de ce ”boom économique”. Car, comme mentionné par Joan Martínez, les ressources naturelles ne sont pas remboursables par anticipation Martinez (1999).

En ce sens, on peut arguer que le parc Yasuní a une valeur qui n’est pas

amortissable, étant donné qu’il s’agit d’un écosystème créé par la nature

à travers des milliers d’années, comme les arbres millénaires et même le

pétrole. Dans l’approche de l’économie écologique, les recettes provenant de

l’exploitation du Yasuní constituent seulement une partie de l’évaluation du

projet. Il faut aussi prendre en compte qu’il implique une perte irrécupérable

quant au patrimoine naturel du pays.

(30)

Figure

2.5 – zone Yasuni ITT

Chez certains groupes de citoyens, le discours officiel privilégiant l’optique faible du développement a actuellement cours. En effet, l’argumentation gou- vernementale concernant le projet Yasuní vise à justifier son exploitation par le fait que les recettes serviront à étendre l’infrastructure publique et couvrir les besoins de la population. Conceptuellement, on est face à une acceptation implicite de substitution du capital naturel par le capital économique.

§2.2 Présentation du Project Yasuni-ITT en Équa- teur

Le parc national Yasuní avec 982 000 hectares a été créé en 1979. Il est situé dans l’Ouest de l’Amazonie en Équateur (Fig. 2.5), et a été classé pour sa biodiversité comme l’une des réserves naturelles les plus importantes de la planète. Ainsi, l’Unesco lui accorde le statut de Réserve mondiale de la biosphère en 1989. Son emplacement stratégique à proximité de l’équateur et des Andes lui confère des conditions uniques avec une humidité importante et une température élevée et stable.

Ainsi, le Parc National, est un refuge unique de la biodiversité :

Trois dimensions caractérisent cette zone, à savoir :

(31)

• La dimension naturelle. Il y a 2274 espèces d’arbres et d’arbustes

8

, 593 espèces d’oiseaux répertoriés, ainsi que 80 espèces de chauves- souris, 150 espèces d’amphibiens et 121 espèces de reptiles, 100 000 insectes différents sur un hectare avec un pourcentage élevé d’espèces endémiques ;

• La dimension culturelle. Dans le parc Yasuní, il existe deux communautés en isolement volontaire : les Tagaheris et les Taromenanis, qui cohabitent avec les Wahoranis ;

• La dimension économique, avec la présence d’un élément clé pour l’éco- nomie équatorienne : le pétrole. Les réserves estimées atteindraient 846 millions de barils situés dans la zone ITT (Ishpingo - Tambococha - Tiputini) du parc naturel.

2.2.1 L’Initiative

En 2007, l’Équateur soumet à la communauté internationale un schéma pionnier pour faire face aux défis du changement climatique : Il propose de ne pas exploiter les presque 900 millions de barils de pétrole situés dans la zone ITT c’est à dire dans le sous-sol du parc Yasuní, en évitant ainsi l’émission de millions de tonnes de CO2 dans l’atmosphère qui aurait lieux si l’on décidait de consommer ce combustible fossile.

En contrepartie, l’Équateur demande à la communauté internationale d’accep- ter la co-responsabilité, avec un apport qui correspond au moins à la moitié des recettes qu’obtiendrait le pays si celui-ci devait exploiter ses réserves en pétrole.

2.2.2 Les bénéfices

• La non-émission de millions de tonnes de CO dans l’atmosphère et la non exploitation des réserves de pétrole.

• La préservation de l’immense richesse biologique du Parc National Yasuní, considérée par l’Unesco comme unique au monde avec quelques parcs nationaux qui possèdent à eux seuls le niveau de biodiversité le plus important de la planète.

8. Un hectare comprenant plus d’espèces d’arbres et d’arbustes que toute l’Amérique du Nord

(32)

• Le respect des cultures indiennes des peuples en isolement volontaire qui habitent dans le Parc Yasuní.

• Le reboisement d’un million d’hectares.

• La transition de l’Équateur d’une économie extractive basée sur l’ex- ploitation de pétrole vers un modèle de développement durable avec l’utilisation massive des sources renouvelables d’énergie en respectant la biodiversité et l’équité sociale.

§2.3 La décision d’exploiter le pétrole : Un dé- bat sur les approches du développement entre le gouvernement et les EJO’s équa- toriennes

L’ère du pétrole en Équateur, à l’instar d’autres périodes de son histoire

économique, a également entraîné la recherche permanente par les gouverne-

ments d’une croissance économique fortement dépendante de l’exportation de

matières premières. Depuis un peu plus de quatre décennies, la scène politique

équatorienne a subi de profonds changements, de la dictature militaire à la

transition démocratique, puis aux gouvernements successifs aux tendances

politiques différentes. Toutefois, l’extraction et l’exportation de ressources

naturelles, notamment de pétrole, ont constitué une constante en termes

de politique économique. Comme le montre le graphique, la tendance a été

d’accroître la production. Cette ressource est extrêmement importante pour

l’économie équatorienne, qui marque les hauts et les bas de la production

totale du pays.

(33)

0 10 20 30

1970 1980 1990 2000 2010

Année

pétrole

millions de tonnes

British Petroleum

Figure

2.6 – Production de pétrole en Équateur

Source : British Petroleum

Depuis plus de 40 ans, l’équilibre de l’activité pétrolière reste sujet à dé- bat public. D’une part, les flux financiers générés au cours de cette période ont notamment permis d’améliorer l’infrastructure nationale ainsi que le fonctionnement de l’Etat. Cependant, des effets négatifs ont également été générés sur différents groupes de personnes, d’animaux, de plantes et d’éco- systèmes. Le cas le plus emblématique en ce sens est peut-être celui de la firme Chevron-Texaco, établie en Équateur depuis 1964. Seulement après 20 ans d’activité de cette firme en Équateur, les revendications des organisations sociales commencent et le "moratoire sur le pétrole" est proposé.

Cette situation révèle la polarisation des acteurs autour de deux positions :

• D’un côté, ceux qui justifient l’extraction du pétrole (en particulier le gouvernement et le secteur pétrolier) soutiennent l’utilisation du flux de capitaux pour augmenter le capital économique. Par exemple, la construction de routes, d’hôpitaux et d’écoles profite à l’ensemble de la population.

• D’autre part, ceux qui défendent la non-extraction du pétrole, principa-

lement les organisations de justice environnementale, les activistes et les

communautés, montrent que les impacts négatifs sont plus importants

que les avantages monétaires. Bien que l’argent soit important, il ne

suffit pas, car il y a des impacts négatifs irréversibles, tels que la perte

de biodiversité, la mort de personnes à cause de maladies connexes,

(34)

entre autres. La caricature montre les positions opposées entre deux personnages de la scène politique équatorienne concernant l’extraction de pétrole dans la région de Yasuni.

Figure

2.7 – Source : Revue Lideres 16-04-2007

Dans le cas du projet Yasuni, la situation est similaire, il existe un débat entre la focalisation faible et la focalisation forte du développement. Le gouverne- ment défend la vision faible, où il est possible de substituer le capital naturel au capital économique. La croissance économique est privilégiée puisqu’il est présumé qu’une fois un certain niveau de richesse atteint (mesuré en termes monétaires), le pays disposera de ressources suffisantes pour améliorer l’environnement. D’autre part, plusieurs organisations et groupes d’activistes proposent une vision forte du développement. Dans ce cas, le capital écono- mique est complémentaire du capital naturel. La croissance est nécessaire, mais pas une priorité, car on suppose que c’est la nature elle-même qui soutient le système économique et que, par conséquent, certaines limites ne doivent pas être dépassées, un seuil de capital naturel (critique) et ses conséquences.

Une utilisation appropriée doit garantir la durabilité pour les générations

présentes et futures.

(35)

LA CONSTRUCTION DU CONCEPT DE DETTE

ÉCOLOGIQUE : L’ANALYSE DISCURSIVE

§3.1 Dette écologique : révue de la literature

Dans cette partie, on tentera d’analyser le concept de dette écologique en tenant compte de quelques travaux développés par des acteurs divers (aca- démiques, sociaux), et construits sous des diverses perspectives (intra et intergénérationnelles, globales ou locales). De manière générale, la dette écologique émerge lorsqu’un déséquilibre entre les systèmes économique et écologique est généré. Cela affecte les personnes, les plantes et les animaux, ainsi que les écosystèmes et met en péril la durabilité de l’activité humaine et la vie sur notre planète. Par conséquent, il est nécessaire d’articuler, les rapports qui apparaissent entre les processus économiques et les rythmes et processus de la nature. À cela s’ajoute le fait que, outre les flux de biens, de services et monétaire, il existe également des flux d’énergie et de matériaux qui, à leur tour, sont d’origine naturelle. Dans ce contexte, le débat sur un paradigme économique alternatif a émergé progressivement, l’élément essentiel étant l’impératif de concilier le rythme de l’activité humaine avec celui la nature. Il s’agit d’une (Daly and Cobb, 1993), c’est à dire, une approche où l’on intègre dans l’analyse économique les limitations physiques auxquelles elle

24

(36)

doit faire face. En effet, une économie durable doit nécessairement surveiller la relation entre deux variables. D’une part, la dotation en ressources naturelles de la planète, disponibles pour les activités humaines, ainsi que le support de vie que les écosystèmes nous offrent et la capacité de ces derniers à capter les émissions. D’autre part, les intrants pour les processus économiques ainsi que les sous-produits générés.

À titre indicatif, Daly et Cobb proposent l’utilisation de l’indice durable du bien-être (IBED), dont deux des variables sont la dépréciation du capital naturel et le coût de la dégradation de l’environnement. Cet indicateur, outre la possibilité de donner des ordres de grandeur, permet de réfléchir sur le fait que : premièrement, le système économique dépend entièrement des capacités de la nature ; deuxièmement, le modèle de développement basé sur la croissance économique est confronté au problème de la détérioration des services écosystémiques. Enfin, il est nécessaire de démontrer ce fait à travers un processus d’évaluation. Il convient de rappeler ce que les auteurs du célèbre rapport Meadows nous disent sur la croissance économique :

Il s’agit de limites s’appliquant au débit, c’est-à-dire aux flux continus d’énergie et de matière nécessaires pour que les hommes, les voitures, les maisons et les usines puissent continuer à fonc- tionner. Ce sont de limites que s’appliquent au rythme auquel l’humanité peut extraire des ressources (cultures, pâturages, bois, poisson) et produire des déchets (gaz à effet de serre, substances toxiques) sans dépasser les capacités de production d’absorption de la planète (Meadows et al., 2012, p. 40).

La description précédente nous amène à nous interroger sur deux aspects : premièrement, s’il existe actuellement un dépassement des capacités de la planète, comment en sommes-nous arrivés là ? et deuxièmement, qui est responsable de cette situation ? Il est possible que, dans ce contexte, les actions qui violent les droits des personnes (ou même de la nature) soient visibles. Il est donc nécessaire de proposer des formes de compensation ou de restitution de la part (des) agent(s) ou personne (s) responsable (s).

Afin d’identifier une structure de réflexion schématique, il convient d’aborder

la dette écologique à partir de l’approche suivante :

(37)

Système monde

Suivant la ligne de Wallerstein, la société est organisée par la structure

système-monde. Pour perdurer sur le long terme, un équilibre des pouvoirs

est nécessaire. Cela signifie que la stabilité d’une hiérarchie mondiale doit être maintenue, grâce aux interactions entre le

centre

et la

périphérie.

Ces interactions marquent également le contexte des échanges économiques entre les états, on évoque ici la notion d’économie-monde, où le centre qui détient les procès de production et assure une meilleure rentabilité, tente de garder une prédominance hégémonique envers la périphérie, qui se cantonne à des activités économiques primaires. L’existence d’un centre et d’une périphérie se traduit par une dynamique de relations marquée par l’asymétrie des pouvoirs, ce qui engendre l’apparition de tensions de natures diverses dans la société. La notion de conflits écologico-distributifs (CED), proposée par Martinez et O’Connor (1996), reflète cette situation en transférant l’analyse des inégalités au contexte environnemental. Martínez et O’Connor ont crée ce terme (CED) pour décrire les conflits sociaux découlant de l’accès injuste aux ressources naturelles et de la charge injuste de la pollution. (cité dans Ejolt 2016). De façon générale l’asymétrie de pouvoir, c’est-à-dire la distribution disproportionné de la capacité de décision dans les relations entre les parties, génèrent des inégalités, que ce soit des inégalités politiques, économiques , sociales ou écologiques. Ces dernières constituant, en bref, un problème de distribution, elles sont directement associés à la notion de justice (en l’occurrence la justice environnementale). Par conséquent, lorsqu’une action est considérée comme étant injuste sur le plan environnemental, une dette écologique est créée.

Ecologie monde

Jason W. Moore décrit ce qui est apparu historiquement comme deux mou-

vements séparés : les transformations du capital et les transformations de la

terre. Selon lui, elles sont en réalité indissociables : l’accumulation du capital

est liée en fait à la transformation de la nature elle-même. Il souligne que

la plus importante historiquement de ces transformations a été « l’échange

colombien », les maladies de l’Ancien Monde se propageant dans le Nouveau

Monde et les cultures du Nouveau Monde à l’Ancien, de même que les pommes

de terre et le maïs (Crosby,1986). En outre, J. Moore soutient, se référant

à K. Marx, que l’épuisement de la nature humaine et celui des « natures

extra-humaines » sont indissociables, car liés à la même appropriation par le

(38)

système capitaliste. « Ce n’est pas l’effondrement des gens et des bâtiments mais des relations de pouvoir qui ont transformé les humains et le reste de la nature en objets mis au travail gratuitement pour le capitalisme. »

Ceci est démontré par des phénomènes tels que la dépaysanisation, la ré- orientation de l’agriculture paysanne vers le marché mondial, l’extraction de sources énergie abondantes et d’autres ressources naturelles. Ces flux ont augmenté la productivité du travail dans la fabrication des marchandises.

En conséquence, l’appropriation de la terre et du travail a été la condition indispensable des grandes vagues d’accumulation de capital, de l’époque néer- landaise au XVIIème siècle à la montée du néolibéralisme dans les années 1970-1980 du XXème siècle (Moore, 2010b). Considérant donc que l’accu- mulation de capital se caractérise principalement par deux facteurs : 1) la transformation de la Terre et 2) la constitution d’un ensemble organique de production et de circulation, on peut estimer que la structure des marchés et la structure des pouvoirs étatiques contribuent conjointement à conformer l’environnement, au même degré que la production de marchandises.

La maximisation du taux de plus-value (le taux d’exploitation dans le processus de travail) dans le capitalisme historique dépend de l’appropriation de tous les milieux naturels - forêts et champs, mais aussi et surtout, de la famille humaine et de la vie des communautés à travers lesquelles la main-d’œuvre humaine se reproduit.

Une telle interprétation conduit directement à la valorisation comme mode d’organisation de la nature, c’est-à-dire de privilégier l’aspect humain de son exploitation (la productivité du travail) en tant qu’indicateur de la richesse, considérant ainsi le reste de la nature comme une vaste zone d’appropriation.

La définition la plus pertinente quant à l’opposition production/échange réside dans un paradigme (l’écologie monde), qui inclut la production de biens et l’échange de produits en tant que constituant différentes formes d’interaction sur l’environnement, unifiées par l’accumulation de capital. La question essentielle est élémentaire et pourtant, on va rarement au cœur du problème, à savoir fixer des limites à la croissance, dont la nécessité est historiquement quantifiable. L’approche classique consiste à penser à la crise écologique en termes de diminution du flux de substances : insuffisance alimentaire, insuffisance de carburant. Mais cette vision doit être élargie à la création de processus nouveaux visant à mettre en ordre la relation entre les humains et le reste de la nature.

Les transformations du mouvement terrestre correspondant à la période

1450-1750 ont dépassé l’ampleur, la vitesse et la capacité des civilisations

(39)

prémodernes, souvent d’un ordre de grandeur. Ce qui a mis des siècles de civilisation féodale à atteindre des régions particulières - comme l’Europe de l’Est de l’Elbe (Bartlett, 1993) -, l’ordre capitaliste émergent l’a accompli dans un délai beaucoup plus court.

Chaque nouvelle vague de capitalisme qui a suivi a dépendu des grands mouvements de frontières, l’équivalent agraire à « l’ajustement » spatial et productif de l’accumulation de capital dans les métropoles. Ces mouvements d’accumulation et d’appropriation par capitalisation ont constitué, ensemble, une révolution écologique à l’échelle mondiale qui a permis la création de nouvelles opportunités d’appropriation maximale.

Depuis la fin du Moyen Âge, nous avons connu deux formes principales de crises écologique et mondiale : les crises d’époque et les crises développementalistes.

Il s’agissait en fait de crises des manières civilisatrices d’organiser la nature, incluant les humains. Ainsi, ce ne sont pas les sols ou les espèces, les forêts et les combustibles qui produisent les crises écologiques du monde, mais les relations de pouvoir, les systèmes de production et de reproduction qui concernant aussi bien les forêts et les combustibles, les sols, l’atmosphère et les espèces.

Ces crises d’accumulation sont, du point de vue écologique mondial, les moyens par lesquels le capitalisme s’organise et considèrent les « prétendues crises écologiques ». Les marchés financiers d’aujourd’hui, par exemple, ne comprennent le changement climatique que comme une série de limitations potentielles de la croissance économique mondiale, ainsi que de la possibilité d’obtenir les avantages pour eux qui en résultent (Lohmann, 2012).

En guise de conclusion : La montée du capitalisme a initié une nouvelle forme

d’organisation de la nature dans son ensemble, mobilisant pour la première

fois une métrique de la richesse et du pouvoir basée sur la productivité du

travail plutôt que sur la productivité de la terre. L’émergence de la loi de

la valeur, à travers l’extension de vastes frontières liées à l’appropriation

des terres au long du XVIème siècle, a permis le dynamisme civilisationnel

inhabituel du capitalisme : l’appropriation de toute la nature à sa portée pour

développer le taux d’exploitation de la nature humaine, à la fois appropriée

et exploitée.

(40)

Economie monde

L’économie mondiale est comprise comme une zone géographique caractérisée par la division du travail. Par conséquent, il ne s’agit pas seulement d’échanges de biens primaires, mais également de flux de travail et de capitaux. L’économie mondiale n’implique pas de structure politique définie, mais la présence de diverses entités politiques pouvant être liées les unes aux autres à travers les Etats, composées de différents groupes humains et de diverses cultures, alors même qu’est maintenu un certain schéma commun (concept de la géoculture).

Dans ce contexte, ce n’est pas tant la présence d’agents économiques - tra- vailleurs et entreprise - qui caractérise le système mondial capitaliste, que l’existence de l’accumulation illimitée, c’est-à-dire d’un mécanisme pénalisant ceux qui sortent de la logique et récompensant ceux qui suivent la norme, en cas de succès. Ce système regroupe différentes institutions de base, dont l’interrelation permet le fonctionnement, à savoir : le marché, les entreprises concurrentielles, les Etats, les classes sociales et les familles. La division du travail sépare la production du centre de la production de la périphérie, le centre-périphérie étant considéré comme un concept relationnel permettant d’identifier le niveau de rentabilité.

De cette façon, les processus de production centraux sont principalement ceux qui sont contrôlés par une offre quasi monopolistique. En revanche, les processus périphériques sont ceux qui se situent dans un contexte concurrentiel.

Dans les processus d’échange, les processus concurrentiels sont désavantagés par rapport aux processus monopolistiques, d’où un flux permanent de plus- value des produits périphériques vers les producteurs centraux. Cette situation est appelée échange inégal.

Rikard Warlenius fait une analyse complémentaire qui semble pertinente de l’inclure dans la structure de ce travail. Warlenius propose de concevoir la dette écologique comme le résultat accumulé d’échanges écologiques inégaux, de facon analogique á la notion flux-stock, où l’échange écologique inégale constitue le flux, et la dette écologique constitue le stock. Cela pourrait renforcer l’utilité des deux concepts et peut-être aussi aider à rapprocher les contextes dans lesquels ils ont émergé, c’est-à-dire l’activisme pour la justice environnementale et la recherche universitaire Warlenius (2016)

En effet, la notion de dette écologique surgit de ces deux secteurs, et il est

donc pertinent de revenir sur certaines des idées qui ont émergé dans chacun

d’eux. Ejolt (pour « Environmental Justice Organisations, Liabilities and

(41)

Type de conflit Nombre de cas

Nucleaire 0

Minerais et Extractions de Bâtiment 13

Gestion des déchets

2

Biomasse et des conflits fonciers

14

Combustibles fossiles et justice climatique

16

Gestion de l’eau

9

Infrastructure et environnement bâti

2

Loisirs et tourisme

1

Conflits de conservation de la biodiversité

2

Conflits industriels et de services publics

3

Total 63

Table

3.1 – Conflits environnementaux en Equateur Ejatlas

Trade ») est un projet qui porte un interet particulier sur l’étude de la justice environnementale. Ce projet nous interesse à deux titres : d’abord parce qu’il inclut à la fois des organisations militantes, des chercheurs et des institutions académiques, et ensuite parce que l’un des sujets d’analyse est précisément le dette écologique.

Le projet Ejolt , soutenu par la Commission européenne et qui s’est deroulé de 2011 à 2015, encourage le travail d’organisations de justice environnemen- tale, réunissant des scientifiques, des organisations militantes, des décideurs politiques dans les domaines du droit de l’environnement, de la santé environ- nementale, de l’écologie politique, de l’économie écologique, ayant pour but la discussion sur les questions liées à la distribution écologique. Les concepts centraux sont la dette écologique et les échanges écologiques inégaux.

dette écologique et academie

Lors qu’il y a constatation d’une forme quelquonque d’injustce (sociale et

surtout environemmentale) il est necessire d’identifier les responsabilités, mais

quand on plaide en faveur de la reconnsaissence de la dette écologique, il faut

passer aux reclamations de restitutions.

Références

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