• Aucun résultat trouvé

Experts psychiatres et crimes sexuels en Europe : De la scène judiciaire à l’action publique : Etude comparée : Angleterre, Espagne, Roumanie, Suède et France

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Experts psychiatres et crimes sexuels en Europe : De la scène judiciaire à l’action publique : Etude comparée : Angleterre, Espagne, Roumanie, Suède et France"

Copied!
557
0
0

Texte intégral

(1)

HAL Id: tel-01298340

https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01298340

Submitted on 5 Apr 2016

HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.

Experts psychiatres et crimes sexuels en Europe : De la scène judiciaire à l’action publique : Etude comparée :

Angleterre, Espagne, Roumanie, Suède et France

Jennifer Boirot

To cite this version:

Jennifer Boirot. Experts psychiatres et crimes sexuels en Europe : De la scène judiciaire à l’action publique : Etude comparée : Angleterre, Espagne, Roumanie, Suède et France. Science politique.

Université Paris Saclay (COmUE), 2015. Français. �NNT : 2015SACLV021�. �tel-01298340�

(2)

NNT : 2015SACLV021

THÈSE DE DOCTORAT DE L’UNIVERSITÉ PARIS-SACLAY,

préparée à l’Université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines

Centre de Recherches Sociologiques sur le Droit et les Institutions Pénales-CESDIP (UMR 8183) ÉCOLE DOCTORALE N° 578

Sciences de l’homme et de la société (SHS) Spécialité de doctorat : Sciences politiques

Thèse présentée et soutenue à Guyancourt, le 11 décembre 2015 en vue de l’obtention du grade de docteur den science politique

Par

Melle BOIROT Jennifer

EXPERTS PSYCHIATRES ET CRIMES SEXUELS EN EUROPE : De la scène judiciaire à l’action publique.

Etude comparée : Angleterre, Espagne, Roumanie, Suède et France

sous la direction de Xavier Crettiez, Professeur de Science politique Composition du Jury :

- JACQUES DE MAILLARD, Professeur de Science politique, Université de Versailles Saint-Quentin, Centre de Recherches Sociologiques sur le Droit et les Institutions Pénales-CESDIP, (Président du jury)

- LAURIE BOUSSAGUET, Professeur de Science politique, Université de Rouen, Centre d’études européennes Sciences Po, (Rapporteur)

- MARTINE KALUSZYNSKI, Directrice de recherches CNRS, Politiques publiques ACtion politique Territoires- PACTE, IEP Grenoble, (Rapporteur)

- LAURENCE DUMOULIN, Chargée de recherches CNRS, Politiques publiques ACtion politique Territoires- PACTE, IEP Grenoble, (Examinateur)

- RAFAEL ORELLANA DE CASTRO, Expert de justice et avocat, Barcelone, (Examinateur)

- XAVIER CRETTIEZ, Professeur de Science politique, Université de Versailles Saint-Quentin, Centre de Recherches Sociologiques sur le Droit et les Institutions Pénales-CESDIP, (Directeur de thèse)

(3)

2 Cette recherche a été financée par une bourse doctorale décernée

par l’Institut Européen de l’Expertise et de l’Expert (EEEI)

(4)

3

REMERCIEMENTS

Ces cinq années de recherches ont été riches de découvertes et de rencontres, professionnelles et amicales.

Ce travail n’aurait pas été ce qu’il est aujourd’hui sans la disponibilité et la pédagogie des acteurs rencontrés, experts comme magistrats. Je les en remercie vivement.

Je souhaite exprimer toute ma reconnaissance à Xavier Crettiez, dont la direction de thèse a su trouver un juste équilibre, entre exigence et bienveillance.

Je ne saurais oublier l’équipe du CESDIP dont les membres, chercheurs ou doctorants, ont donné à cette aventure une saveur particulière et offert un espace propice à l’épanouissement intellectuel et personnel. Sans oublier Claude, ni Bessie, pour son travail de relecture bien sûr, mais surtout pour son inépuisable dynamisme communicatif.

Mes sincères remerciements vont à l’Institut Européen de l’Expertise et de l’Expert et l’ensemble de ses membres qui ont porté ce projet. Une pensée particulière pour M. Lemaire, son Président, qui m’a honorée de sa confiance et dont l’indéfectible enthousiasme pour les projets d’ouverture n’a eu de cesse de renforcer notre persévérance à bien des égards. Qu’ils soient assurés de toute ma gratitude.

Je n’oublie pas mes proches et amis pour leur patience éprouvée et leurs encouragements.

Merci à Thibaud pour sa présence, tout simplement...

(5)

4

(6)

5

SOMMAIRE

INTRODUCTION ... 7

PREMIÈRE PARTIE

DE LA SCÈNE MÉDICALE À LA SCÈNE JUDICIAIRE : L’EXPERT PSYCHIATRE, UN ACTEUR STRATEGIQUE DU PROCESSUS JUDICIAIRE

Préambule ... 84 CHAPITRE I. UN ACTEUR EN QUÊTE D’IDENTITÉ ... 85 CHAPITRE II. L’HYBRIDATION DES RELATIONS : UN SECOND RÔLE REDÉFINI PAR LA PRATIQUE

JUDICIAIRE ... 163 CHAPITRE III. DE LA RÉDACTION À L’ÉNONCIATION : LE TEMPS DU PROCÈS

OU « L’ART DE LA MISE EN DISCOURS » ... 246

Conclusion ... 282

DEUXIÈME PARTIE

DE L’ACTION JUDICIAIRE À L’ACTION PUBLIQUE : L’EXPERT PSYCHIATRE FACE AUX TRANSFORMATIONS DE SON RÔLE

Préambule ... 287 CHAPITRE IV. LES TRANSFORMATIONS DU RÔLE DE L’EXPERT PSYCHIATRE SOUS L’IMPULSION

DES MUTATIONS COGNITIVES DE L’ACTION PUBLIQUE ... 292 CHAPITRE V. L’EXPERT PSYCHIATRE DANS LA DÉTERMINATION JUDICIAIRE DE LA DANGEROSITÉ:

UNE RESSOURCE AU SERVICE DES POLITIQUES PÉNALES ... 393 Conclusion ... 471 CONCLUSION GÉNÉRALE ... 473

(7)

6

(8)

7

INTRODUCTION

Cette étude comparée, à la fois transdisciplinaire et transnationale, permet de dresser un portrait de « l’expert psychiatre » européen, mais aussi de mieux comprendre son rôle et les enjeux de sa mission, à chaque stade de la procédure judiciaire (de la phase d’instruction jusqu’au procès, de la réception de la mission à la rédaction du rapport).

Trois interrogations centrales ont guidé notre recherche : en quoi l’expert psychiatre est-il devenu un acteur essentiel du processus pénal et judiciaire en Europe dans les affaires de crimes sexuels ? Quelles incidences l’évolution des politiques pénales en matière de lutte contre les violences sexuelles et de prévention de la récidive ont-elles eu sur la mission des experts psychiatres ? Comment la profession1 s’organise-t-elle pour faire face aux nouvelles missions et responsabilités qui lui incombent ?

Les quatre séjours de recherches menés à l’étranger (en Angleterre, Espagne, Roumanie et Suède) ont révélé de grandes disparités concernant le statut de l’expert et l’organisation « institutionnelle » de l’expertise psychiatrique. Pour autant, leur mission semble commune à leurs homologues français, et, plus généralement, la mission des experts psychiatres demeure commune à celle de tout expert judiciaire : celle de servir la Justice en qualité de collaborateur/auxiliaire de Justice, celle d’apporter le concours de l’homme de l’art dans la compréhension des faits : reconstituer, expliquer pour comprendre.

Le statut hybride de l’expert psychiatre au niveau européen, entre « simple » collaborateur occasionnel exerçant l’expertise comme une activité complémentaire (Angleterre, Espagne, France), ou fonctionnaire d’État exerçant cette activité à temps plein (Suède, Roumanie, Espagne), influent sur la façon dont l’examen sera réalisé. D’une expertise « publique », collégiale et pluridisciplinaire (Roumanie, Suède, Espagne), à une expertise « privée » et individuelle (Angleterre, Espagne, France), les moyens d’actions et outils utilisés dans la construction du rapport diffèrent entre ces deux groupes. Pourtant, le contenu du rapport, quant à lui, présente de grandes similitudes : les questions de l’évaluation de la responsabilité du sujet, de sa dangerosité et du risque de récidive, forment le

« squelette type » de l’expertise psychiatrique pénale.

1 La question de l’existence d’une « profession » d’expert judiciaire divise les professionnels : toutefois,

(9)

8 L’immersion dans l’univers de travail de l’expert psychiatre (observation d’examen, de rapports, entretiens), dans le quotidien de la Justice (entretiens, observations d’audiences, de dossiers judiciaires), offre une analyse dynamique permettant de saisir au plus près les enjeux liés au rôle de l’expert psychiatre dans le processus pénal et judicaire autour des affaires de crimes sexuels.

Pour cerner les enjeux soulevés par l’étude comparée de l’expertise psychiatrique pénale en matière de crimes sexuels, nous reviendrons, dans un premier temps, sur la genèse de cette recherche (I). Deux éléments seront abordés : le choix du sujet (pourquoi s’intéresser au rôle de l’expertise psychiatrique dans le processus pénal et judiciaire ? Pourquoi circonscrire l’objet d’étude aux crimes sexuels ?), puis sur l’opportunité de la comparaison (apports d’un regard européen et choix des pays).

Il nous faudra ensuite définir les contours du sujet (II). Dans le contexte d’une analyse comparée, il s’agira de dépasser le cadre conceptuel national pour proposer une redéfinition transnationale des deux notions-clés : celle d’expertise psychiatrique d’une part, celle de crimes sexuels d’autre part.

Le troisième point de l’introduction permettra de mettre en exergue le double intérêt de cette recherche : son caractère à la fois transnational et transdisciplinaire (III).

À la lumière de ces éléments d’introduction, nous exposerons plus précisément la problématique du sujet à partir et autour de laquelle notre raisonnement s’est construit (IV).

Nous poursuivrons la présentation par un bilan de la littérature existante. Ce paragraphe soulignera les apports des travaux déjà réalisés pour replacer notre étude dans son contexte académique, montrant ainsi en quoi elle s’inscrit à la fois dans la continuité de ces derniers mais aussi la façon dont elle propose d’en renouveler l’approche (V).

L’originalité des sources utilisées, la diversité des terrains effectués, confèrent à ce travail empirique une approche novatrice. C’est pourquoi, dans un sixième et dernier point, seront précisées la méthodologie utilisée et les modalités de sa mise en œuvre : consultations sur pièces (rapports d’expertise), observations in situ (immersion dans l’univers de travail de l’expert et du juge, de la réalisation d’examen d’expertise psychiatrique aux audiences pénales), entretiens semi-directifs et compréhensifs, séjours de recherche dans chacun des cinq pays étudiés (VI).

(10)

9 I. GENÈSE DE LA RECHERCHE : continuité et dépassement

Deux éléments méritent d’être abordés pour expliquer la genèse de ce travail et comprendre le choix du sujet d’étude : l’expérience tirée du Master 2 d’une part, et l’obtention d’une bourse doctorale de l’Institut Européen de l’Expertise et de l’Expert (EEEI) d’autre part. Plus précisément, le choix de l’ « expertise psychiatrique dans les crimes sexuels » s’inscrit dans la continuité du Master 2 ; celui de la comparaison européenne est en grande partie le fruit du partenariat noué avec l’EEEI.

Crimes sexuels, expertise psychiatrique : expérience Master 2, continuité et ouverture Dans le cadre de notre mémoire de Master 2, nous avons participé à une recherche portant sur les affaires de viols jugées en Cour d’Assises2. Notre contribution à ce projet prenait la forme d’un stage de six mois au sein du Centre de Recherches Sociologiques sur le Droit et les Institutions Pénales (CESDIP) et de la Cour d’Assises de Versailles, pendant lequel nous avons procédé en binôme au dépouillement de cent cinquante dossiers judicaires concernant des affaires de viols jugées entre 2001 et 2007 au sein de cette institution judiciaire.

Au-delà de nos préoccupations du moment (directement liées à cette activité stagiaire et au sujet initial du mémoire3), notre attention s’est très vite portée sur certaines pièces du dossier en particulier.

En effet, à mesure que nous nous familiarisions avec les écrits judiciaires et collections les données relatives au profil de l’auteur, de la victime, du déroulement des faits incriminés et de la procédure pénale, nous prenions conscience que la réalité judiciaire des crimes sexuels revêtait un caractère bien différent de celui qu’il nous est généralement donné à voir.

La première de ces observations « intrigantes », concernait les faits eux-mêmes.

Une large majorité des affaires traitées dans ce corpus (56%)4 correspondait à des « violences sexuelles intrafamiliales » et conjugales, c’est-à-dire commises par un ascendant ou descendant de la victime, un « collatéral » (oncle, cousin, frère), ou le conjoint ou concubin. En outre, dans près de

2 Recherche réalisée sous la direction de Laurent Mucchielli, par une équipe de chercheurs du Centre de Recherches Sociologiques sur le Droit et des Institutions Pénales (CESDIP), à la demande de la Direction des Affaires Criminelles et des Grâces-DACG (ministère de la Justice) et avec le soutien de la Mission de Recherche

« Droit et Justice ». Voir : MUCCHIELLI, L., LE GOAZIOU, V. Les viols jugés en Cours d’Assises : typologie et variations géographiques. Questions Pénales, XXIII, 4, septembre 2010.

3 Titre du mémoire de Master 2 : « Le traitement pénal et judiciaire des affaires de viols jugées en Cour d’Assises » (octobre 2009).

4 L’ensemble des données statistiques citées sont issues de l’article qui fait suite à la recherche de terrain mentionnée ci-dessus. Voir : MUCCHIELLI, L., LE GOAZIOU, V. Les viols jugés en Cours d’Assises : typologie et variations géographiques, op. cit. ; LE GOAZIOU, V., MUCCHIELLI, L., Les déterminants de la criminalité sexuelle (étude du viol), Guyancourt-Paris, CESDIP-Mission de Recherche « Droit et Justice », 2010.

(11)

10 20% des cas, l’auteur et la victime se trouvaient dans une « forte interconnaissance » (cercle amical ou professionnel)5.

Tandis que les lieux communs autour du viol reposent, bien souvent, sur l’idée du « violeur se précipitant avec violence, de nuit, sur une proie inconnue, dans un lieu isolé6 », nos observations démontraient que le « huis-clos familial » et l’entourage proche se trouvaient dans les faits, les plus criminogènes (76% des affaires).

Cette réalité sociologique présentait une rupture avec les prénotions traditionnellement admises dans l’imaginaire collectif. Déconstruisant les « mythes autour du viol7 », cette première constatation surprenante nourrissait déjà notre intérêt d’approfondir l’étude des violences sexuelles, ou, plus exactement, la façon dont la Justice procède à leurs traitements.

La seconde observation qui retînt notre attention concernait l’établissement de la preuve des violences sexuelles.

Nous constations en effet, qu’entre la date de commission de l’infraction et celle du dépôt de plainte, il pouvait s’écouler plusieurs jours, plusieurs semaines à plusieurs mois ; ce qui complique le recueil de constatations matérielles tangibles. Plusieurs facteurs peuvent être invoqués pour expliquer ce délai comme la difficulté pour la victime à révéler les actes subis, la crainte de la réaction de

5 Données confirmées par les chiffres de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) : entre 2010 et 2012, 83 000 femmes déclarent avoir été victimes de viols ou tentatives de viols par an (0,5% des femmes). 83% d’entre elles connaissent leur agresseur : 31% des auteurs sont connus mais ne font pas partie du ménage de la victime ; 31% des auteurs sont les conjoints vivant avec la victime au moment des faits ; 21% des auteurs font partie du ménage mais ne sont pas le conjoint ; 17% des auteurs sont inconnus de la victime. Voir : Insee-ONDRP, enquête « Cadre de vie et sécurité » de 2010 à 2012. Retraitements par la MIPROF (2013) in Chiffres Clés 2014 Vers l’égalité réelle entre les femmes et les hommes et La lettre de l’Observatoire des violences faites aux femmes n° 1 nov. 2013.

Sur la nature des liens de proximité entre auteurs et victimes, voir également le rapport suivant qui propose une mise en perspective dans l’analyse des statistiques sur les violences sexuelles en Angleterre et au Pays de Galles : Ministry of Justice, Home Office and the Office for National Statistics, « An overview of Sexual Offending in England and Wales » [en ligne], Statistics Bulletin, 10 janvier 2013, p. 7. Disponible sur [https://www.gov.uk/government/statistics/an-overview-of-sexual-offending-in-england-and-wales].

6 Miranda A. H. Horvath explique très bien la problématique liées à la persistance de ces « mythes du viol » :

« Rape myths are particulary problematic because they support stereotypical notions of rape, which Estrich (1987) labelled « real rape ». Real rape is defined as committed by strangers, occurring in outdoor locations and involving weapons and injury (Kelly 2002) ». HORVATH, M.A.H. Sexual assault, in BROWN, J., CAMPBELL, E.A.

(eds) The Cambridge Handbook of Forensic Psychology, Cambridge, New York: Cambridge University Press, 2010 p. 545.

7 La littérature anglo-saxonne est riche sur ce sujet. Aussi, ne citerons nous que quelques articles à titre informatif (d’autant que nous aurons l’occasion de revenir sur ce sujet plus en détail au cours de notre thèse) : GRAY, J.M. CLARK, N.K. Rape myth beliefs and prejudiced decision guidance: their effects on decisions of guilt in a rape case, Division of Forensic Psychology of the BPS, conference 4th - 6th April 2001. DFP Junior Award Winning paper ; BOHNER, G., EYSSEL, F., PINA, A. et. al., Rape myth acceptance: cognitive, affective and behavioural effects of beliefs that blame the victim and exonerate the perpetrator, in HORVATH, M., BROWN, J.

Rape: challenging contemporary thinking, Cullompton, Willan Publishing, 2009, p. 17-45 ; EYSSEL, F., BOHNER, G. Schema effects of rape myth acceptance on judgments of guilt and blame in rape cases: The role of perceived entitlement to judge, Journal of Interpersonal Violence, 2011, vol. 26, n° 8, p. 1579-1605.

(12)

11 l’entourage, la peur d’être confrontée à l’agresseur lors de la procédure et du procès, la culpabilisation de la victime…

Ces révélations « tardives » complexifient un peu plus la délicate recherche de preuves dans des affaires pour lesquelles la possibilité d’effectuer des constatations matérielles reste très incertaine.

Majoritairement commises sans témoin, sans élément ADN (acide désoxyribonucléique) constatable, seul l’examen médico-légal de la victime serait susceptible d’apporter des éléments probants. Là encore, le fait que les actes incriminés soient révélés plusieurs jours à plusieurs mois plus tard complique cette analyse médico-légale : les traces de violence ou traces de sécrétions, liquide séminal et empreinte génétique ayant disparu avec le temps8.

Huis-clos familial, absence de témoin au moment des faits, absence de constatations matérielles… Dans ce contexte, reconstituer la réalité des faits n’est pas chose aisée. Dès lors, la question de la preuve des violences sexuelles se trouve clairement posée.

En effet, faute d’indices matériels, la Justice se trouve confrontée à une situation dans laquelle s’opposeront allégations de la victime supposée et défense de l’auteur présumé ; en somme,

« parole contre parole ». Dès lors, comment établir la réalité d’un crime, sans preuve matérielle ? Cette difficulté de la preuve n’est certes pas exclusive aux infractions sexuelles. Cependant, pour l’ensemble des raisons évoquées ci-dessus (violences intrafamiliales, révélations tardives) reconstituer la matérialité des faits s’avère ici peut-être encore plus complexe.

Bien entendu, faute de preuve, le magistrat pourra procéder au classement sans suite. Cependant, afin d’assurer l’effectivité de la Justice, la loi prévoit l’obligation, pour le magistrat, de mettre tout en œuvre pour instruire le dossier. Ainsi l’article 41 du Code de procédure pénale français stipule-t-il que « Le procureur de la République procède ou fait procéder à tous les actes nécessaires à la recherche et à la poursuite des infractions à la loi pénale ».

Pour ce faire, le magistrat a la possibilité de recourir au concours de l’homme de l’art pour l’éclairer sur une question technique ou scientifique. L’article 232 du Code de procédure civile indique que « le juge peut commettre toute personne de son choix pour l’éclairer par des constatations, par une consultation ou par une expertise sur une question de fait qui requiert les lumières d’un technicien ». De même, en matière pénale, le Code de procédure pénale, section IX intitulée « De l’expertise », en son article 156, prévoit que « toute juridiction d’instruction ou de

8 Les traces d’acide désoxyribonucléique (ADN) perdurent avec le temps et la science est aujourd’hui capable d’en repérer d’infimes traces sur le cadavre d’une victime par exemple. Toutefois, dans la majorité des affaires de viols et agressions sexuelles (non suivies de meurtre ou assassinat), il est fréquent que le support sur lequel un prélèvement était possible ait disparu (la victime s’étant débarrassée des vêtements qu’elle portait par exemple ou bien plusieurs mois après les faits la présence sur la victime de sécrétion a été éliminée).

(13)

12 jugement, dans le cas où se pose une question d’ordre technique, peut, soit à la demande du ministère public, soit d’office, ou à la demande des parties, ordonner une expertise »9.

Dans le cadre de l’Angleterre, le système judiciaire pénal repose non plus sur un système dit

« inquisitoire », dans lequel la Justice (un juge d’instruction) instruit à charge et à décharge, mais sur un système dit « accusatoire », dans lequel les parties au procès pénal supportent la charge de la preuve. Dans une situation où la matérialité des faits peut faire défaut (situation décrite ci-dessus), les parties décideront de l’opportunité de recourir à une expertise10.

Ajoutons à ces éléments textuels une évolution dans la philosophie juridique sur la façon d’appréhender le traitement judiciaire des affaires pénales autour de la personnalisation de la peine, et nous comprenons mieux la présence parfois pléthorique de documents relatifs à la personnalité de l’auteur au sein des dossiers judiciaires étudiés.

En effet, le sens et la portée du procès criminel ont connu une évolution idéologique notable : pour la Justice contemporaine, établir la vérité d’un crime ne revient plus seulement à déterminer son auteur et lui appliquer une sanction légale, mais également, à comprendre sa personnalité et les circonstances du passage à l’acte pour mieux prendre en charge le déviant.

Pour ce faire, le magistrat, puis le tribunal, ont besoin de mieux cerner la personnalité de l’accusé.

L’importance des données « biographiques » transparaît clairement – pour les cinq pays étudiés – dans la composition du dossier judiciaire pour les affaires de violences sexuelles en particulier, puisque nombre de documents ont trait à cette question : « enquête de personnalité » (sorte d’enquête sociale, de rapport sur le milieu social et familial dans lequel évolue l’accusé), « rapport d’expertise psychologique ou médico-psychologique » (laissant une large part aux données

« biographiques » et aux processus psychosociaux de construction de la personnalité), rapport d’ « expertise psychiatrique médico-légale », parfois également dossier scolaire ou militaire…

Parce qu’elles renseignent sur la biographie du sujet (parcours de vie, antécédents médicaux), sur la personnalité et le discernement au moment des faits, l’avènement de la psychiatrie et de la psychologie a permis aux experts de la discipline d’apporter des éléments-clés dans l’explication des faits et leur traitement judiciaire ; éléments qui, jusqu’ici, faisaient défaut.

9 Des dispositions similaires existent en Espagne, Suède et Roumanie où il appartient à l’organe de poursuites pénales de faire procéder à une expertise si le cas d’espèce le justifie.

10 Nous développerons ces aspects de procédure du recours à l’expert, opportunité et choix de l’expert, et leurs enjeux, dans le Chapitre II, Partie I. Nous ne faisons ici qu’un rappel général.

(14)

13 Ainsi, était-ce à partir et autour de ces premières observations que naissait la volonté de concentrer notre futur travail de thèse sur la question plus précise du rôle et de l’influence des experts psychiatres dans les affaires de crimes sexuels.

Dès lors, nombre d’interrogations se posaient à nous : qui sont ces experts psychiatres ? Que peuvent-ils réellement apporter à la Justice ? Quelles sont les attentes des magistrats vis-à-vis de cette expertise ? Quelle est la nature du rapport d’expertise psychiatrique médico-légale ? A priori simples, mais ô combien essentiels pour quiconque entend analyser le sujet, ces questionnements demeurent rarement posés en tant que tels. Comment procéder à l’analyse de notre objet d’étude, sans préalablement nous interroger sur la « figure de l’expert psychiatre » et la nature de son activité ?

Dépasser les apparences véhiculées par le sens commun, voici donc l’un des objectifs que notre travail de terrain devra s’attacher à entreprendre. Comme l’écrivait Norbert Elias, le sociologue n’est- il pas un « chasseur de mythes11 » ?

Le choix de l’objet précisé, reste à revenir sur celui de la comparaison, et, plus précisément, sur les raisons qui nous ont conduits à retenir en particulier l’Angleterre, l’Espagne, la Roumanie, la Suède.

Étude européenne : le choix de la comparaison

Comme le soulignait Patrick Hassenteufel, « la question de la pertinence de la démarche comparative ne semble plus vraiment se poser. Elle est quasiment devenue, pour les politiques publiques, en particulier, un passage obligé pour faire l’objet d’une forte reconnaissance scientifique12 ». C’est donc moins la question de la pertinence de la comparaison en tant que telle qui sera traitée ici, que celle du choix des pays qui la constitue. S’engager dans un travail comparatif demande à être réfléchi au regard des investissements supplémentaires qu’il suppose (organisation des déplacements à l’étranger, recherches de financements, de contacts sur place, différences culturelles et linguistiques…). Dès lors, l’opportunité d’une étude comparée concernant un sujet aussi précis et parfois complexe que celui du rôle des experts psychiatres dans les affaires de crimes sexuels s’est naturellement posée.

11 ELIAS, N. Qu’est-ce que la sociologie ?,La Tour-d’Aigues, Éd. de l’Aube, 1991 (« Le sociologue comme chasseur de mythes »), p. 55- 81.

12 HASSENTEUFEL, P. De la comparaison internationale à la comparaison transnationale. Les déplacements de la construction d’objets comparatifs en matière de politiques publiques, Revue française de science politique, 2005, vol. 55, n° 1, p. 113.

(15)

14 Très vite, un premier constat renforçait notre intuition : la réalité des crimes sexuels dépasse largement le cadre des frontières nationales. Appréhender ce sujet au travers du seul prisme national nous semblait trop restrictif. Allégée du joug des cadres cognitifs nationaux, notre étude permettrait sans doute d’offrir un nouveau regard sur le sujet.

La criminalité sexuelle est bien un phénomène transnational. Pour preuve, s’il en fallait une, les nombreuses affaires de violences sexuelles, touchant des « anonymes », ou celles mêlant violences sexuelles et scandales sexuels de l’homme politique ou « célébrité », relayées par la presse ces dernières années : « l’affaire Dutroux » en Belgique en 1996, le « gang des violeurs de Rochdale » en 2008, « le chasseur de nuit » arrêté en Angleterre en novembre 2009 (accusé d’avoir violé plus d’une centaine de personnes âgées), l’affaire Sarah Payne en 2000 l’affaire « Émile Louis » (condamné notamment en 2004 pour de multiples viols et actes de torture et de barbarie), « l’affaire d’Outreau » en France en 2004-2005 et plus récemment, « l’affaire DSK » en 2011 ; ou encore le scandale du Vatican dans la gestion de la pédophilie ces dernières années.

Au-delà de l’émoi suscité dans l’opinion publique par ces affaires judiciaires, ce sont leurs traitements médiatique et politique qui se révélaient intrigants.

Quel que soit le pays concerné, la lecture des coupures de presse et le visionnage des chaînes d’informations « en continu » offraient une présentation similaire des faits ; les mêmes interrogations revenaient, principalement autour des questions liées à la personnalité de l’auteur, la prise en charge des violences sexuelles par la chaîne pénale, la prévention de la récidive. Le cadrage médiatique proposé participe assez largement au phénomène de mise sur l’agenda de ces « affaires privées » devenues « affaires publiques ». Au-delà des frontières nationales, il existerait donc une forme de « convergence dans l’émergence13 » des violences sexuelles comme « problème public ».

De plus, la richesse de la littérature anglo-saxonne et européenne sur le sujet des violences sexuelles, qu’il s’agisse de recherches criminologique, médico-légale, sociologique, apportent un éclairage essentiel sur le sujet. Cette variété des travaux menés confirme le caractère diffus de notre objet d’étude et renforçait notre souhait d’appréhender l’analyse de ce fait social transnational sous un angle « européen », dépassant le cadre des frontières locales.

Au regard de tous ces indicateurs d’extranéité (existence d’ « affaires » dans les différents pays européens, mise sur agenda et cadrage médiatique similaires, « convergence dans l’émergence » de problèmes publics, diffusion des savoirs, modèles judiciaires distincts), le regard

13 Sur cette question, voir : BOUSSAGUET, L. La pédophilie, problème public : France, Belgique, Angleterre, Paris, Dalloz, 2008, Nouvelle bibliothèque de thèses.

(16)

15 comparé apporterait certainement une valeur ajoutée à notre recherche. Restait à déterminer son périmètre géographique.

Pour des raisons matérielles et pratiques (proximité géographique, accès aux terrains, coût de la recherche) et linguistiques (solides connaissances en anglais et espagnol), le choix des pays étudiés se portait dans un premier temps sur l’Angleterre, l’Espagne et la France.

Dès lors, pourquoi ajouter une difficulté supplémentaire, en portant à cinq le nombre de pays étudiés ? Pourquoi se tourner également vers la Suède et la Roumanie ?

La rencontre avec l’Institut Européen de l’Expert et de l’Expertise (EEEI) a joué un rôle décisif dans ce choix. En effet, l’EEEI se proposait d’allouer un financement d’une durée de trois ans pour accompagner notre projet, sous forme d’une « bourse doctorale ». L’objectif poursuivi par cet institut regroupant experts, magistrats, avocats, universitaires, réside principalement dans la volonté de créer un espace de réflexion autour de la place de l’expertise en Europe, de mutualisation des connaissances sur la pratique de l’expertise et d’échanges sur les enjeux liés à une harmonisation européenne des procédures d’expertise en matière civile et pénale14.

Guidés par un souci constant d’ouverture sur l’Europe, les échanges avec son Président et le Comité scientifique de l’Institut nous ont conduit à envisager une étude plus vaste que la seule comparaison à trois pays (Angleterre-Espagne-France), souvent étudiés par ailleurs.

Élargir la recherche en incluant un pays d’Europe du Nord (la Suède) et un pays d’Europe de l’Est (la Roumanie) apportait une certaine nouveauté d’un point de vue académique et proposait un cadre enrichissant pour deux raisons. D’une part, la Suède reste souvent perçue comme un pays « avant- gardiste » dans bien des domaines. Pourrons-nous confirmer ou infirmer l’existence d’un « modèle suédois » en matière d’expertise psychiatrique pénale ? D’autre part, les liens culturels et intellectuels historiquement forts entre la France et la Roumanie et son adhésion récente à l’Union européenne, ont-ils eu une incidence sur les règles de droit régissant l’expertise psychiatrique pénale et sa pratique ?

L’éclairage européen offert par cette comparaison élargie et transrégionale constitue l’un des intérêts de notre étude.

L’exposé de la genèse du sujet (objet d’étude et choix de la comparaison) a permis de situer le contexte général dans lequel s’est inscrite cette recherche. Pour mieux cerner le cadre théorique

14 Le projet EUREXPERTISE et l’organisation du Colloque européen « Le futur de l’expertise judiciaire civile dans l’Union Européenne », (Bruxelles 16-17 mars 2012), et débouchant sur un « Livre blanc » remis à la Direction Générale Justice de la Commission Européenne, illustrent le dynamisme de ce jeune Institut sur la scène européenne. (Documents accessibles en ligne sur le site de l’Institut [http://www.experts-institute.eu/-Mars- 2012-le-futur-de-l-expertise-.html]).

(17)

16 et le contenu des développements ultérieurs, nous poursuivrons notre introduction par un examen détaillé des termes du sujet.

II. DÉFINITIONS DU SUJET : acceptions nationales, essai d’une redéfinition transnationale

« Le sens ultime de tout texte est libéré par le lecteur15 »

Définir le sujet d’étude constitue un préalable nécessaire à toute démarche scientifique. Cela s’avère d’autant plus vrai lorsqu’il s’agit de mener une comparaison. En effet, le langage n’est pas neutre. Derrière un mot se cache un concept, lui-même expression d’un cadre culturel particulier : le sens d’un terme peut différer d’une langue à une autre. Prendre ces aspects conceptuels et culturels en considération s’avère indispensable pour éviter contresens et approximations qui viendraient biaiser l’analyse. À travers ce travail de définition et redéfinition des concepts, le chercheur réalise ce que Bachelard appelait une « rupture épistémologique16 ». Cette démarche intellectuelle vise à rompre avec le sens commun et les prénotions. Afin de nous assurer de « comparer des éléments comparables », définir avec précision notre objet d’étude apparaît bien comme un impératif pragmatique. C’est pourquoi nous souhaitons revenir sur ce travail de définitions et de redéfinitions, délicat, parfois, mais essentiel : c’est bien la construction de l’objet qui se joue ici… posant « le redoutable problème de la comparabilité. […] rarement donnée, elle est, au contraire, à construire17».

Qu’entendons-nous par « crimes sexuels » ?

Le sujet de thèse se propose d’analyser le rôle et l’influence de l’expertise psychiatrique dans le processus pénal et judiciaire, sous le prisme de la criminalité sexuelle. Pour cela, il fallait cibler les crimes et délits de nature sexuelle et pour lesquels la Justice fait appel à l’analyse expertale en matière psychiatrique. Cela supposait de restreindre le champ des violences sexuelles aux seuls viols et agressions sexuelles aggravées, passibles de peines criminelles.

En effet, nous verrons au cours de l’analyse que s’il existe en France des processus de systématisation du recours à l’expertise psychiatrique en matière d’infractions sexuelles, tel n’est pas

15 Citation tirée de la réflexion que mène Roland Barthes dans La mort de l’auteur autour de la portée du langage. BARTHES, R. Le bruissement de la langue, Paris, Seuil, 1984, « La mort de l’Auteur », p. 61-67.

16 BACHELARD, G. La formation de l’esprit scientifique : contribution à une psychanalyse de la connaissance, Paris, J. Vrin, 2004.

17 HASSENTEUFEL, P. De la comparaison internationale à la comparaison transnationale. Les déplacements de la construction d’objets comparatifs en matière de politiques publiques, op. cit., p. 118.

(18)

17 le cas pour l’ensemble des pays étudiés. En Roumanie, Espagne ou Suède par exemple, il n’existe pas d’obligation spécifique en matière de violences sexuelles : l’expert psychiatre est sollicité en coprésence de facteurs aggravants tenants aux caractéristiques de la victime (officier dépositaire de l’autorité publique, femme enceinte ou particulièrement vulnérable, suicide à la suite de l’infraction) ou en raison du profil du mis en cause (tels que l’existence d’un doute sur sa santé mentale, un état de récidive, ascendant ou descendant de la victime). En somme, sauf présence de ces circonstances particulières de gravité, l’expert psychiatre n’est pas nécessairement amené à réaliser d’expertise médico-légale pour les infractions sexuelles en phase pré-sentencielle dans ces pays.

D’autre part, nous avons souhaité inscrire notre thèse dans la continuité du mémoire de Master 2, qui portait sur le traitement pénal et judiciaire des affaires de viols jugées en Cour d’Assises. Forts des informations recueillies au cours de notre stage de six mois et des contacts noués au sein de la Cour d’Assises, nos premières recherches de terrain menées en France en début de thèse nous avaient donc assez naturellement conduits vers ce type de « crimes sexuels », à savoir

« les viols et agressions sexuelles aggravées, passibles de peines criminelles », jugées en Cour d’Assises. Aussi, pour pouvoir nous appuyer sur ces premières recherches de terrain initiées en France, la comparaison européenne devait logiquement reposer sur des faits similaires afin d’observer des audiences et dossiers portant sur des actes équivalents.

C’est pourquoi nous avons cherché à redéfinir l’objet d’étude autour de ce que nous appelons les affaires de « crimes sexuels ».

Dans une acception purement juridique, l’utilisation de l’expression « crimes sexuels » pour qualifier notre sujet d’étude pourrait, a priori, sembler inadéquat en ce qu’il ne revêt pas de réelle signification. Le viol est un crime dans le droit pénal français et se distingue « des autres agressions sexuelles » tandis qu'en Angleterre, certains faits échappent à la qualification de viol (sens français) et constituent des « agressions sexuelles avec pénétration ». En Roumanie, jusqu’à la réforme récente du nouveau code pénal (2015), « tout acte de nature sexuelle […] » (sans consentement et sous contrainte) était constitutif d’un viol18. De plus, nos voisins européens demeurent assez éloignés de cette considération sémantique (utilisation impropre ou non de « crimes sexuels »), puisqu’en réalité, la France est le seul pays parmi les cinq à connaître ce triptyque « crimes, délits, contraventions »19.

18 Les définitions nationales en vigueur sont détaillées ci-après, accompagnées des références juridiques plus précises.

19 La summa divisio est donnée par l’article 111-1 du Code pénal français : « Les infractions pénales sont classées, suivant leur gravité, en crimes, délits et contraventions ».

(19)

18 Il s’agissait donc de trouver un terme transposable à l’ensemble des pays étudiés et

« substituable » pour l’analyse, à la terminologie juridique très variée selon les définitions nationales en présence. En effet, un travail comparé ne saurait être mené à partir d’une transposition de sa

« lunette nationale » à des réalités diverses. Ce ne sont pas aux notions disparates d’entrer tant bien que mal dans une catégorie nationale, mais bien au chercheur à élargir sa catégorisation pour proposer une définition transnationale. L’enjeu est essentiel : celui de la construction de l’objet. Il s’agit d’éviter l’écueil d’une « comparaison « factice », c’est-à-dire les travaux qui ont l’apparence de la comparaison, mais qui, en définitive, quand on les regarde de plus près, n’en sont pas ou si peu…

[…] dans la mesure où la présentation des différents cas nationaux n’est pas faite à partir d’une grille d’analyse partagée et homogène20 ».

Nous nous sommes alors interrogés sur l’opportunité de retenir le terme de « violences sexuelles » plutôt que celui de crimes sexuels. Correspondrait-il mieux à la réalité de notre objet d’étude dans les différents pays ?

Plus générique et très souvent employé dans les écrits anglo-saxons pour évoquer à la fois le viol et les autres agressions sexuelles, la transposition « mot à mot » du terme « sexual violences » ou

« sexual offences » ne nous semblait pas nécessairement plus opportune. En effet, la réalité que recouvre cette notion anglo-saxonne s’avère extrêmement vaste et englobe des infractions tout à fait disparates (du harcèlement sexuel aux mutilations génitales, en passant par le viol et autres agressions sexuelles). Revêtant des significations souvent éloignées de notre intention première, la possibilité de substituer la notion générique de violences sexuelles à celle de crimes sexuels perdait alors en pertinence.

L’expression crimes sexuels possède ses atouts et limites. Ceci étant dit, elle a le mérite de circonscrire le contenu de l’objet à partir des éléments factuels qui la composent : la notion de

« crime » renvoie à des actes d’une particulière gravité ce qui exclut les délits ou infractions sexuelles pour lesquels l’expert psychiatre ne serait pas concerné dans les cinq pays (absence de circonstances aggravantes) ou pour lesquels les tribunaux concernés ne correspondraient pas au degré d’une Cour d’Assises21. Si, pour toutes les raisons évoquées ci-dessus, l’utilisation du terme « crimes sexuels »

20 HASSENTEUFEL, P. De la comparaison internationale à la comparaison transnationale. Les déplacements de la construction d’objets comparatifs en matière de politiques publiques, op. cit., p. 117.

21 Notons par exemple qu’en France, certains faits de nature sexuelle échappent à la qualification de crimes et son requalifiés en délits. En raison de leur moindre gravité au regard de la loi (atteintes sexuelles, harcèlement sexuel, exhibitionnisme) ou en raison du phénomène de « correctionnalisation » du viol (c’est-à-dire la déclassification du « crime » de viol en agression sexuelle constitutive d’un « délit »), ces affaires seront dès lors jugées par le tribunal correctionnel et non la Cour d’Assises. (Cette correctionnalisation du viol représenterait près de 80% des affaires jugées).

Voir par exemple

(20)

19 peut porter à confusion dans l’hexagone, nous avons choisi de le conserver. Il est entendu ici plus largement que la notion juridique française de « crime » stricto sensu.

Ces précisions sémantiques apportées, nous devons revenir sur les définitions légales retenues par chacun des cinq pays comparés, afin de saisir avec plus de justesse la nature de l’objet d’étude (de quels crimes sexuels parlons-nous ?).

En France, le nouveau code pénal réformant le code criminel de 1810 est entré en vigueur le 1er mars 1994 et redéfinit les infractions sexuelles. Depuis lors, « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol ». Se dessine ici une volonté du législateur d’élargir le champ d’application de la qualification de viol en privilégiant une définition relativement vaste (« tout acte » de pénétration ; « de quelque nature que ce soit »). Une pénétration digitale, par le pénis ou tout autre objet est susceptible d’entrer dans cette qualification. L’expression « par contrainte, menace ou surprise » implique que les circonstances ayant permis la réalisation de l’acte ne relèvent pas nécessairement d’une violence

« physique » mais peuvent inclure une contrainte morale ou la menace d’une arme par exemple.

[http://www.village-justice.com/articles/IMG/pdf_LA_CORRECTIONNALISATION_DU_VIOL.pdf]. Voir aussi cet article de presse paru le 20 août 2015 [http://madame.lefigaro.fr/societe/la-correctionnalisation-du-viol-un- fleau-judiciaire-200815-97830] ou encore l’article suivant du 11 août 2015 [http://www.lefigaro.fr/actualite- france/2015/08/10/01016-20150810ARTFIG00262-en-france-un-viol-est-declare-toutes-les-40-minutes.php] ; REBUT, D. Correctionnalisation : Quelle place pour les Cours d’Assises ?, La Semaine juridique, 6 septembre 2010, n° 36, p. 1654 et suiv.

(21)

20 FRANCE

Viol :

Article 222-23 du Code pénal :

« Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol.

Le viol est puni de quinze ans de réclusion criminelle ».

Circonstances aggravantes : Article 222-24 du Code pénal :

Le viol est puni de vingt ans de réclusion criminelle :

1° Lorsqu'il a entraîné une mutilation ou une infirmité permanente ; 2° Lorsqu'il est commis sur un mineur de quinze ans ;

3° Lorsqu'il est commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de l'auteur ;

4° Lorsqu'il est commis par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ;

5° Lorsqu'il est commis par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ; 6° Lorsqu'il est commis par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ; 7° Lorsqu'il est commis avec usage ou menace d'une arme ;

8° Lorsque la victime a été mise en contact avec l'auteur des faits grâce à l'utilisation, pour la diffusion de messages à destination d'un public non déterminé, d'un réseau de communication électronique ;

9° Lorsqu'il a été commis à raison de l'orientation ou identité sexuelle de la victime ;

10° Lorsqu'il est commis en concours avec un ou plusieurs autres viols commis sur d'autres victimes ;

11° Lorsqu'il est commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ;

12° Lorsqu'il est commis par une personne agissant en état d'ivresse manifeste ou sous l'emprise manifeste de produits stupéfiants.

En Angleterre, le viol a été redéfini par le « Sexual Offences Act » de 2003. Pour être qualifié de viol (« rape »), plusieurs éléments constitutifs de l’infraction doivent être réunis : avoir intentionnellement pénétré le vagin, l’anus ou la bouche d’une autre personne ; avec son pénis ; la victime ne doit pas avoir consenti à la pénétration ; l’auteur ne doit pas avoir pu raisonnablement penser que la victime était consentante.

(22)

21 Si le Sexual Offences Act de 2003 entendait requalifier juridiquement les violences sexuelles pour plus de clarté, force est de constater que la définition actuelle laisse place à beaucoup de « jeu dans les mots », sources de difficultés d’interprétation dans la pratique judiciaire. La pénétration dans le vagin, l’anus ou la bouche doit être « intentionnelle »… Aussi y aurait-il des pénétrations

« involontaires »... Cela suppose pour la défense de démontrer que la pénétration n’était

« qu’accidentelle », et plus encore une telle acception implique pour la partie civile d’apporter la preuve de l’intentionnalité de l’agresseur (ce qui peut être particulièrement complexe). D’autre part, l’introduction de la notion de consentement se voulait dans l’esprit de la loi plus respectueuse pour les victimes par une prise en considération de la volonté de cette dernière, ou plus exactement, de la violation de sa liberté de choix. Là encore, la jurisprudence montre que cette notion reste aléatoire et conduit à des décisions qui contreviennent au ratio legis22.

ANGLETERRE Sexual Offences Act (2003)23

Rape (Viol)

(1) A person (A) commits an offence if –

He intentionally penetrates the vagina, anus or mouth of another person (B) with his penis,

(B) does not consent to the penetration, and

(A) does not reasonably believe that (B) consents.

(2) Whether a belief is reasonable is to be determined having regard to all circumstances, including any steps (A) has taken to ascertain whether (B) consents.

A person guilty of an offence under this section is liable, on conviction on indictment, to imprisonment for life.

22 « La raison d’être de la loi. Plus précisément, locution latine qui désigne la volonté déclarée ou présumée du législateur qui édicte ou modifie une norme. Cette connaissance de la pensée du législateur permet d’interpréter les textes lorsqu’ils sont obscurs ou incomplets ». (« Ratio legis », Locutions latines juridiques, Dalloz, p. 77).

Sur la notion de « consentement » : la rédaction du texte anglais porte à confusion quant à la notion de « consentement » alors même qu’il venait (dans l’esprit du législateur) corriger des décisions pour le moins incongrues rendues par le passé. Par exemple, un arrêt « tristement célèbre » au Royaume-Uni, l’arrêt Morgan (House of Lords, 1975) avait rejeté la qualification de viol et acquitté les prévenus au motif qu’ils avaient pu

« raisonnablement croire au consentement de la victime ». L’affaire était la suivante : un homme, militaire de profession, convie deux amis à le rejoindre pour la soirée à son domicile et leur avait présenté sa femme comme une « personne libertine ». Au cours de la soirée, les amis entraînent la femme dans la chambre et la contraignent à des rapports sexuels. La Cour a déclaré un non-lieu, expliquant que du fait de la présentation qui avait été faite par le mari sur le caractère libertin de son épouse, les deux amis avaient pu avoir « a reasonnable believe » dans le consentement de cette dernière. Le « Sexual Offences Act » de 2003 est venu préciser la façon dont devait être appréciées ces notions mais demeure assez flou («Whether a belief is reasonable is to be determined having regard to all circumstances, including any steps (A) has taken to ascertain whether (B) consents » (tableau ci-dessous).

23 Informations disponibles sur [http://www.legislation.gov.uk/ukpga/2003/42/contents].

(23)

22 Arrêtons-nous un instant sur la qualification juridique du viol dans ces deux pays.

En France, un viol est défini comme « une pénétration de toute nature » tandis qu’en Angleterre, c’est une « pénétration par le pénis ». La définition du viol apparaît donc plus large dans la conception juridique française. En effet, en Angleterre, une pénétration sexuelle non consentie, par un objet ou un autre membre de l’anatomie que le sexe de l’agresseur, sera considérée non pas comme un viol mais comme un « assault by penetration24 » (une agression sexuelle avec pénétration) tandis qu’en France, un tel acte serait constitutif d’un viol.

Ceci souligne bien l’importance de considérer notre objet d’étude par un terme générique (« crimes sexuels ») plutôt que celui de « viol » qui aurait exclu différentes situations en raison des considérations juridiques nationales.

ANGLETERRE Sexual Offences Act (2003)25

Assault by penetration (« Agression sexuelle avec pénétration »)

(1) A person (A) commits an offence if –

He intentionally penetrates the vagina or anus of another person (B) with a part of his body or anything else,

The penetration is sexual,

(B) does not consent to the penetration, and

(A) does not reasonably believe that (B) consents.

(2) Whether a belief is reasonable is to be determined having regard to all circumstances, including any steps (A) has taken to ascertain whether (B) consents.

A person guilty of an offence under this section is liable, on conviction on indictment, to imprisonment for life.

En Espagne, le Code pénal définit le viol comme « une agression sexuelle » qui consiste en une « pénétration sexuelle par le vagin, l’anus ou la bouche », « ou par l’introduction de membres corporels ou d’objets » ; introduction qui doit se faire « par l’une des deux premières voies » (encadré ci-dessous).

24 Autrement dit, pour plus de clarté : un viol (rape) correspond à une pénétration intentionnelle du vagin, de l’anus ou de la bouche par le pénis ; l’agression sexuelle avec pénétration (assault by penetration) est une pénétration intentionnelle du vagin ou de l’anus avec une partie du corps ou tout autre chose et la pénétration doit être « sexuelle ». (Il s’agit ici d’exclure de cette qualification un acte médical qui nécessite une pénétration vaginale ou anale à des fins purement diagnostiques par exemple).

25 Informations disponibles sur [http://www.legislation.gov.uk/ukpga/2003/42/contents].

(24)

23 ESPAGNE

De las agresiones sexuales Art. 178 (Código Penal) :

« El que atentare contra la libertad sexual de otra persona, utilizando violencia o intimidación, será castigado como responsable de agresión sexual con la pena de prisión de uno a cinco años ».

Art. 179 (Código Penal) :

« Cuando la agresión sexual consista en acceso carnal por vía vaginal, anal o bucal, o introducción de miembros corporales u objetos por alguna de las dos primeras vías, el responsable será castigado como reo de violación con la pena de prisión de seis a 12 años ».

Circonstances aggravantes Art. 180 (Código Penal) :

« Las anteriores conductas serán castigadas con las penas de prisión de cinco a diez años para las agresiones del artículo 178, y de doce a quince años para las del artículo 179, cuando concurra alguna de las siguientes circunstancias:

1. Cuando la violencia o intimidación ejercidas revistan un carácter particularmente degradante o vejatorio.

2. Cuando los hechos se cometan por la actuación conjunta de dos o más personas.

3. Cuando la víctima sea especialmente vulnerable, por razón de su edad, enfermedad, discapacidad o situación, salvo lo dispuesto en el artículo 183.

4. Cuando, para la ejecución del delito, el responsable se haya prevalido de una relación de superioridad o parentesco, por ser ascendiente, descendiente o hermano, por naturaleza o adopción, o afines, con la víctima.

5. Cuando el autor haga uso de armas u otros medios igualmente peligrosos susceptibles de producir la muerte o alguna de las lesiones previstas en los artículos 149 y 150 de este Código Penal, sin perjuicio de la pena que pudiera corresponder por la muerte o lesiones causadas.

Si concurrieren dos o más de las anteriores circunstancias, las penas previstas en este artículo se impondrán en su mitad superior ».

En Roumanie, le viol se définit comme le « rapport sexuel, l’acte sexuel oral ou anal » avec une personne, commis « par la contrainte » ou « profitant de son incapacité à se défendre ou à exprimer sa volonté ». Le second alinéa vient préciser que les peines indiquées dans le premier alinéa concernent également « tout autre acte de pénétration vaginale ou anale commis dans les conditions énoncées dans le 1er alinéa », autrement dit, par contrainte ou sur une personne dans l’incapacité d’exprimer sa volonté (tableau ci-dessous). En somme, pour qu’il y ait viol, il faut qu’il s’agisse d’un rapport sexuel, un acte sexuel oral, anal ou buccal ou tout acte de pénétration vaginale ou anale commis dans les circonstances précédemment énoncées (« par la contrainte » ou « profitant de son incapacité à se défendre ou à exprimer sa volonté »).

Jusqu’à la réforme du nouveau code pénal de 2009 entrée en vigueur le 1er février 2014, la définition roumaine se rapprochait davantage de la conception juridique du viol en France (« tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit […]) puisque l’article 197 de l’ancien code

(25)

24 pénal stipulait qu’un viol était « un acte sexuel de toute nature ». Toutefois, cette définition pouvait s’avérer extrêmement vaste : l’expression « tout acte sexuel » pouvant aussi bien recouvrir des attouchements sexuels que des agressions sexuelles ou des viols. La conception française se fait effectivement plus restrictive puisqu’il ne s’agit pas de « tout acte sexuel » mais de « tout acte de pénétration sexuelle». Aussi, les actes d’attouchements, atteintes ou agressions sexuelles sans pénétration ne sont pas constitutives de viol en France.

ROUMANIE

Art. 218 (Noul Cod penal) 26: « Violul » (Viol) :

(1) Raportul sexual, actul sexual oral sau anal cu o persoană, săvârşit prin constrângere, punere în imposibilitate de a se apăra ori de a-şi exprima voinţa sau profitând de această stare, se pedepseşte cu închisoarea de la 3 la 10 ani şi interzicerea exercitării unor drepturi.

(2) Cu aceeaşi pedeapsă se sancţionează orice alte acte de penetrare vaginală sau anală comise în condiţiile alin. (1).

Circonstances aggravantes :

(3) Pedeapsa este închisoarea de la 5 la 12 ani şi interzicerea exercitării unor drepturi atunci când:

a) victima se află în îngrijirea, ocrotirea, educarea, paza sau tratamentul făptuitorului;

b) victima este rudă în linie directă, frate sau soră;

c) victima nu a împlinit vârsta de 16 ani;

d) fapta a fost comisă în scopul producerii de materiale pornografice;

e) fapta a avut ca urmare vătămarea corporală;

f) fapta a fost săvârşită de două sau mai multe persoane împreună.

(4) Dacă fapta a avut ca urmare moartea victimei, pedeapsa este închisoarea de la 7 la 18 ani şi interzicerea exercitării unor drepturi.

(5) Acţiunea penală pentru fapta prevăzută în alin. (1) şi alin. (2) se pune în mişcare la plângerea prealabilă a persoanei vătămate.

(6) Tentativa la infracţiunile prevăzute în alin. (1)-(3) se pedepseşte.

En réalité, la réforme du code pénal a souhaité réorganiser les infractions sexuelles et se rapproche de la structure formelle des autres pays. Après avoir défini le viol dans l’article 218, le nouveau code pénal roumain crée le délit d’agression sexuelle (art. 219 du même code). Un « acte de nature sexuelle autre que ceux prévus par l’art. 218 », commis « par la contrainte » ou « profitant de l’incapacité de la victime à se défendre ou à exprimer sa volonté » constitue une agression sexuelle.

Notons une différence notable avec la législation des autres pays : l’alinéa 4 de cet article 219 précise que « si l’agression sexuelle a été suivie ou précédée d’un acte sexuel prévu à l’article 218 al.

26 Nouveau Code pénal roumain : Legea nr. 286/2009 privind noul Cod Penal, publicată în Monitorul Oficial nr.

510 din 24 iulie 2009, în vigoare de la 1 februarie 2014.

(26)

25 1er et al. 2 », alors cet acte d’agression sexuelle « est constitutif de viol »27. En Angleterre, ces faits resteront qualifiés « d’agression sexuelle avec pénétration » et en France l’auteur serait poursuivi pour viol ET agressions sexuelles.

ROUMANIE

« Agresiunea sexuală » (Agression sexuelle) : Art. 219 (Noul cod penal) :

(1) Actul de natură sexuală, altul decât cele prevăzute în art. 218, cu o persoană, săvârşit prin constrângere, punere în imposibilitate de a se apăra sau de a-şi exprima voinţa ori profitând de această stare, se pedepseşte cu închisoarea de la 2 la 7 ani şi interzicerea exercitării unor drepturi.

[…]28

(4) Dacă actele de agresiune sexuală au fost precedate sau urmate de săvârşirea actelor sexuale prevăzute în art. 218 alin. (1) şi alin. (2), fapta constituie viol.

Enfin, notons qu’en France le viol sur mineurs ne fait pas l’objet d’une définition juridique « à part » mais constitue une circonstance aggravante du viol comme des autres agressions sexuelles, de même en Roumanie29. En Angleterre, Espagne et Suède, les situations de viol et agressions sexuelles sur mineurs sont définies dans des articles distincts30. Toutefois, dans la lettre des textes, les définitions juridiques du viol sur mineur ou de l’agression sexuelle sur mineur restent semblables à celles exposées précédemment. Les peines encourues seront équivalentes en Angleterre (qui

27 Une particularité du droit roumain est à noter : elle concernait l’une des circonstances aggravantes du viol, rarement prise en compte en tant que telle par les textes juridiques nationaux rencontrés. En effet, le suicide de la victime post-agression constituait jusqu’à la réforme du nouveau code pénal roumain une circonstance aggravante, entraînant une augmentation de la peine de prison, passant de 3 à 10 ans, à 15 à 25 ans.

28 Les circonstances aggravantes sont identiques à celles énoncées pour le viol sur majeurs (voir encadré ci- dessus article 218 alinéa (2) du nouveau code pénal). Nous ne les reproduisons pas une nouvelle fois pour ne pas surcharger la présentation.

29 Article 222-24 du Code pénal français (circonstances aggravantes) : « 2° Lorsqu'il est commis sur un mineur de quinze ans ». (Encadré ci-dessus, définition juridique du viol en France). L’âge de « minorité » a été relevé à 16 ans par la réforme du nouveau code pénal en Roumanie et constitue une circonstance aggravante du viol comme de l’agression sexuelle (voir encadré du viol ci-dessus, alinéa c) « victima nu a împlinit vârsta de 16 ani » des articles 218 et 219).

30 Voir l’article 183 du code pénal espagnol « De los abusos y agresiones sexuales a menores de dieciséis años » qui indique que le viol ou l’agression sexuelle commis sur mineurs de moins de seize ans sont passibles respectivement de 12 à 15 ans et 5 à 10 ans. Précisons à ce sujet qu’une réforme du code pénal espagnol est intervenue en mars 2015 (Ley Orgánica 1/2015, de 30 de marzo, por la que se modifica la Ley Orgánica 10/1995, de 23 de noviembre, del Código Penal) et est applicable depuis octobre 2015. Celle-ci relève, entre autres modifications, à seize ans l’âge pris en considération en cas d’infractions sexuelles sur mineurs.

Pour l’Angleterre, ces infractions spécifiques sur mineurs sont définies par le Sexual Offences Act de 2003

« Rape and other offences against children under 13 » et le paragraphe « Child Sex Offences » relatif aux attouchements sexuels et attentats à la pudeur.

Pour la Suède, se reporter aux sections 4, 5 et 6 du Chapitre 6 du Code pénal. Les peines s’échelonnent de 2 à 6 ans de prison pour viol sur mineur de moins de 15 ans et de 4 à 10 ans en cas de viol aggravé (particulière brutalité, personne ayant autorité par exemple) ; pour les agressions sexuelles et abus sexuels sur mineurs de moins de 15 ans, la peine est de un an à 6ans de prison selon la gravité des faits et circonstances aggravantes.

Références

Documents relatifs

proposte [proposition] de mobilité comme le modèle que nous proposons, il est étroitement relationné [lié] avec la complexité par exemple. Parce que si tu fais un changement de

Statistical Model Checking (SMC) is a powerful and widely used approach that con- sists in estimating the probability for a system to satisfy a temporal property.. This is done

Dans l’histoire récente de la France et des États-Unis, l’appel au sacrifice a constitué une forme récurrente du discours politique et militaire que nous voudrions ici

Les dates 14 C et certains artefacts (monnaies, etc.) permettent son bon calage chronolo- gique, soit entre le courant du I er et le IV e siècle ap. Généralement, il se compose

Resumo da lâmina total de água aplicada (LT) e os componentes da produção (produtividade média obtida – prod., peso médio do fruto – PMF e o número médio de frutos

Similar to the timing offset case, high level MSE (dark orange color) can be observed in the entire useful band for any CFO value, when there is no interference cancellation at

Therefore complex methodologies are necessary to solve a problem including a PIRT analysis, a scaling analysis, the selection of scaled Integral Effect Tests (IET)

هلاـــحوأ ي دا عمد ليس وأ هلاـــحوأ ي دا عمد ليس وأ هلاـــحوأ ي دا عمد ليس وأ هلاـــحوأ ي دا عمد ليس وأ ِِِِ زززز ٍٍٍٍ 12 12 12 12