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DE L’INDÉPENDANCE JURIDIQUE À L’INTERDÉPENDANCE EN PRATIQUE : LA PLACE DE L’EXPERT PSYCHIATRE DANS LE SYSTÈME JUDICIAIRE

L’HYBRIDATION DES RELATIONS : UN SECOND RÔLE REDÉFINI PAR LA PRATIQUE JUDICIAIRE

SECTION 1. DE L’INDÉPENDANCE JURIDIQUE À L’INTERDÉPENDANCE EN PRATIQUE : LA PLACE DE L’EXPERT PSYCHIATRE DANS LE SYSTÈME JUDICIAIRE

La distribution normative des rôles encadre strictement les attributions de chacun des acteurs. Qu’il s’agisse du droit interne (droit pénal et procédure pénale) ou des textes européens (Convention Européenne des Droits de l’Homme en particulier), la place de l’expert et son rôle dans le processus pénal et judiciaire semblent relativement figés (§1).

Toutefois, si « les rôles sont clairement définis : le juge pose une question d’ordre technique à

l’expert, l’expert examine les faits, apporte une réponse et le juge tranche en toute liberté 336», qu’en

est-il en pratique ? La lettre des textes résiste-t-elle à leurs mises en contexte ? Il semble qu’en réalité l’indépendance juridique des acteurs judiciaires se voit modulée par une interdépendance en pratique, tenant essentiellement au pouvoir de contrainte de l’expertise sur le magistrat ainsi qu’à une forme de coproduction, source elle aussi d’interdépendances (§2).

Nos recherches de terrain337 (entretiens et observations in situ) ont permis, à travers cette

immersion au cœur du processus judiciaire et de l’univers de travail des experts psychiatres, de circonscrire avec plus de précision la place de l’expert. L’analyse pragmatique des interactions juges/experts dans la dynamique de construction de l’expertise psychiatrique conduit à appréhender le système judiciaire comme un espace négocié, où se mêlent hybridation des interactions et

336 PRADEL, J. Les rôles respectifs du juge et du technicien dans l’administration de la preuve en matière pénale, in Xe Colloque des Instituts d’études judiciaires (Poitiers 1975), Paris, PUF, 1976, p. 68.

337

Pour rappel, le travail de terrain a été rythmé par quatre séjours de recherches à l’étranger, de plusieurs mois chacun. La méthodologie retenue (entretiens semi-directifs, observations d’audiences, consultations de dossiers judiciaires et de rapports d’expertise psychiatrique) a été appliquée de la même manière pour chacun des pays étudiés. Nous avons ainsi réalisé 65 entretiens (43 avec des experts psychiatres, 22 avec des magistrats) et mené plus d’une centaine observations « sur pièces » et « sur place » (16 observations d’audiences, 11 observations d’opérations d’expertises, 96 consultations de rapports écrits).

167 « boucles de rétroactions ». Dès lors, se révèle un écosystème complexe au sein duquel la place des acteurs comme les rapports de pouvoirs s’équilibrent par un jeu de « poids et contrepoids » (§3).

§1. La distribution normative des rôles : une autonomie contraignante

Le chapitre premier a été l’occasion de considérer la place de l’expert au sein de la société judiciaire en raison de son statut. L’analyse comparée de ces dispositions juridiques a mis en exergue une indépendance de l’expert vis-à-vis du juge : indépendance statutaire juridiquement consacrée mais contraignante en raison d’un double contrôle du juge sur l’expert et des pairs sur le

praticien-expert338. L’objet de cette section vise à situer la place et le rôle de l’expert psychiatre au sein de la

procédure pénale, c’est-à-dire non plus en raison de sa fonction statutaire mais dans l’exercice de sa mission au cours du processus judiciaire.

L’organisation plurielle de l’expertise en Europe et les divergences conceptuelles qui s’y rapportent (cf. Chap.I section 2) ont une incidence sur la distribution normative des rôles au sein de la procédure judiciaire. En effet, en raison de ces divergences, les dispositions juridiques nationales qui encadrent l’accès à l’expertise et à l’expert varient fortement. Ce premier paragraphe sera l’occasion de montrer comment ces marqueurs normatifs influent sensiblement sur la place accordée à l’expert en phase pré-sentencielle.

Entre obligations légales (nombreuses et croissantes) et « simple » faculté routinisée en pratique, le recours à l’expertise psychiatrique en matière de crimes sexuels devient presque systématique dans la phase pré-sentencielle en dépit des divergences évoquées précédemment. Ce constat laisse à penser que ces cinq pays font figure de « bons élèves » quant au respect des principes directeurs du procès pénal garantis par le droit européen en matière de libre accès pour les parties à l’expertise comme à l’expert. Toutefois, la distribution des rôles assignés à chacun des protagonistes dans la pratique, contraint l’autonomie des acteurs. En « monopole du juge » et faculté d’intervention des parties, l’autonomie contrainte (par la rigueur des normes et les écueils de la pratique) produit des effets qu’il convient d’interroger quant à la garantie effective du libre accès à la Justice (et à travers lui, à l’expertise), au respect des droits de la défense (procès équitable, égalité des armes) consacrés en particulier par l’article 6 de la Convention Européenne des droits de l’Homme (CEDH).

Pour mieux cerner la place de l’expert dans le processus judiciaire et les enjeux qui s’y rapportent, notre analyse s’articulera autour de deux axes : la question du libre accès à l’expertise et à la contre-expertise d’une part (A) ; celle du libre accès à l’expert d’autre part (B).

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Pouvoir de contrôle assorti de sanctions effectives (Cf. Chapitre I section 3 sur les responsabilités déontologique, judiciaire et statutaire en particulier).

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A. L’accès à l’expertise et contre-expertise : procédures et enjeux

L’étude comparée des règles de procédures en matière d’expertise psychiatrique rend compte d’une diversité de modalités de recours, notamment entre le droit anglo-saxon et les procédures inquisitoires (Espagne, France, Suède, Roumanie). Toutefois, s’agissant de ces quatre derniers pays, nous constatons des similitudes dans l’opportunité du recours à l’expert qui appartient en propre au magistrat. Ce « monopole du juge » sur l’accès à l’expertise soulève diverses interrogations au regard du principe de libre accès à la Justice et par suite celui du libre accès à l’expertise : « Pourquoi ce

magistrat, qui n’entend rien aux choses de la médecine, a-t-il le droit de refuser cette expertise ? 339».

À l’inverse, en Angleterre, la présence d’un « expert des parties » semblerait a priori octroyer une

autonomie plus grande aux parties au détriment du juge. En réalité, le système anglo-saxon n’est pas non plus sans poser quelques problématiques relatives à l’effectivité du libre accès à l’expertise. Entre monopole du juge sur l’expertise et faculté d’intervention des parties, la distribution normative des rôles garantit l’indépendance des acteurs autant qu’elle contraint leur autonomie dans le libre accès à l’expertise comme à l’expert.

1) Le recours à l’expertise psychiatrique : entre obligations légales et faculté routinisée en

pratique

Le recours à l’expertise judiciaire constitue une faculté pour les cinq pays étudiés. Toutefois, s’agissant de l’expertise psychiatrique, plusieurs textes restreignent cette autonomie en rendant obligatoire cette mesure dans certaines circonstances, ce qui vient nuancer le pouvoir souverain du juge (ou des parties) dans l’appréciation de l’opportunité d’ordonner une expertise au cours de la procédure pénale.

L’opportunité de l’expertise : un pouvoir souverain d’appréciation

En Angleterre, en raison de la procédure de type accusatoire, l’expert peut être qualifié « d’expert des parties ». Cela signifie que ces dernières sont seules juges de la nécessité de faire appel aux lumières du spécialiste pour étayer leurs stratégies. Le juge ne dispose pas de pouvoir de contrainte pour enjoindre aux parties de mandater un expert. Toutefois, il dispose en quelque sorte d’un « pouvoir de proposition » puisqu’il peut leur suggérer de faire procéder à une expertise.

En Espagne, France, Roumanie et Suède, en raison de la procédure pénale dite « inquisitoire », c’est le magistrat en charge de l’instruction (procureur en Roumanie, juge d’instruction pour les autres pays) qui dispose de l’opportunité d’ordonner une expertise. C’est ce

339

DEVERNOIX, P. Les aliénés et l’expertise médico-légale : du pouvoir discrétionnaire des juges en matière criminelle, et des inconvénients qui en résultent, Toulouse, C. Dirion, 1905, p. 35.

169 que nous confirmaient les magistrats rencontrés en Suède : « It is the Court that orders a forensic

psychiatric examination340» et « It is always the judge who decides, never the prosecutor 341».

En Roumanie par exemple, l’article 65 al. 1er du Code de procédure pénale énonce que la charge de la

preuve appartient aux organes judiciaires et non aux parties : « La charge de l’administration des

preuves dans le procès pénal incombe à l’organe de poursuite pénale et au tribunal342 ». De plus,

l’article 116 du même code rappelle en substance que l’organe de poursuite pénale ou la juridiction de jugement ordonne une expertise s’il estime nécessaire de faire appel aux connaissances d’un

expert pour faire la lumière sur la situation de fait qui lui est soumise343.

En somme, pour chacun des quatre pays, la question de l’opportunité du recours à l’expert comme la décision d’ordonner ou non cette mesure relèvent d’une appréciation souveraine du juge comme le rappelait par exemple la Chambre criminelle de la Cour de Cassation française : « Il appartient aux

juges du fond d’apprécier souverainement l’opportunité d’ordonner une expertise […]344 ».

Toutefois, ce monopole du juge n’est pas exclusif de toutes autres interventions et se trouve à certains égards quelque peu nuancé :

- Les parties (ministère public, avocats des parties) se voient reconnaître une « faculté

d’intervention » puisqu’elles peuvent demander à ce magistrat d’ordonner une mesure

d’expertise psychiatrique médico-légale345.

- En France, le ministère public peut également se faire véritable prescripteur d’une mesure

d’expertise lorsqu’il agit en application de l’article 706-47-1 du Code de procédure pénale pour la poursuite des infractions visées par l’article 706-47 du même code. En vertu de ces dispositions, le procureur de la République peut ordonner une expertise psychiatrique médico-légale, dès le stade de l’enquête, lorsque la personne poursuivie pour l’une des infractions mentionnées à l’article 706-47 (c’est-à-dire les infractions dont la sanction peut

340

Réponse apportée à notre questionnaire préalable à l’entretien obtenu auprès d’un magistrat (juge d’instruction), 12 décembre 2011, Suède.

341 Réponse apportée à notre questionnaire préalable à l’entretien obtenu auprès d’une magistrate (Juge d’instruction), 25 novembre 2011. (Questionnaire reproduit en annexe).

342

Art. 65 al. 1er du Code de procédure pénale roumain : « Sarcina administrării probelor în procesul penal revine organului de urmăre penală și instanței de judecată ».

343

Art. 116 du Code de procédure pénale roumain : « Când pentru lămurirea unor fapte sau împrejurări ale cauzei, în vederea aflării adevărului, sunt necesare cunoştinţele unui expert, organul de urmărire penală ori instanţa de judecată dispune, la cerere sau din oficiu, efectuarea unei expertize ».

344

Crim. 23 janv. 1964 : Bull. crim. n°27. 345

L’article 156 du Code de procédure pénale français dispose que : « Toute juridiction d’instruction ou de jugement, dans le cas où se pose une question d’ordre technique, peut, soit à la demande du ministère public, soit d’office, ou à la demande des parties, ordonner une expertise ».

En Roumanie, si la charge de l’administration de la preuve incombe au magistrat et non aux parties (art.65 al. 1er), elles peuvent proposer des preuves et demander leur administration selon les dispositions prévues à l’art. 67 al. 1er du CPP : «În cursul procesului penal părțile pot propune probe și cere administrarea lor ».

170 être assortie d’une mesure d’injonction de soins, ce qui est le cas pour les infractions

sexuelles)346.

Entre faculté et obligations légales : un pouvoir souverain contraint

En matière pénale, nous l’avons vu, le recours à l’expertise judiciaire relève en principe d’une simple faculté, quelle que soit la nature de la procédure pénale considérée (accusatoire ou inquisitoire). En effet, l’ensemble des textes fait référence à un vocable de possibilité (« peut », « s’il

y a lieu ») et non à celui d’une contrainte légale347. Pour autant, cette faculté (intrinsèquement liée

au respect du principe de liberté des preuves348), connaît quelques aménagements s’agissant du

recours à l’expertise psychiatrique rendue obligatoire dans plusieurs situations.

Une première source d’obligations tient à l’état mental et psychique du mis en cause. S’il

s’agit d’un majeur protégé349, ou d’une façon plus générale pour les cinq pays, si l’organe chargé des

poursuites pénales s’interroge sur l’état de santé mentale du mis en cause, une expertise doit être

ordonnée350. Le pouvoir souverain d’appréciation est donc fortement restreint en pareilles situations.

Une seconde série d’obligations a trait à la nature de l’infraction : en cas de crime aggravé ou de circonstances particulières des faits commis, l’expertise est rendue obligatoire.

En Roumanie par exemple, l’article 117 du Code de procédure pénale351 fait référence à la notion de

« omor deosebit de grav » (crime d’une particulière gravité). Une lecture combinée de cet article à celle de l’article 176 du Code pénal qui liste ces infractions permet de mieux cerner les situations précises imposant le recours à l’expertise psychiatrique dans ce pays, au nombre de sept :

- a) acte d’une particulière cruauté ;

- b) sur deux ou plusieurs victimes ;

- c) par une personne récidiviste ;

346

Voir les développements plus complets sur ces aspects dans le point suivant « Le moment de l’expertise » qui expose les situations où le recours à l’expertise relève d’une obligation légale.

347 Pour rappel : Art.156 al. 1er du Code de procédure pénale français : « Toute juridiction d’instruction ou de jugement, dans le cas où se pose une question d’ordre technique, peut soit à la demande du ministère public, soit d’office, ou à la demande des parties, ordonner une expertise ».

348 En matière pénale, l’administration de la preuve est régie par le principe de liberté de la preuve (« la preuve est libre en matière pénale ») ce qui signifie que le juge apprécie souverainement le(s) élément(s) de preuve qui lui sont soumis au cours de l’instruction. Il lui appartient donc de jauger de l’opportunité du recours à une mesure d’expertise en fonction du cas d’espèce. Il peut donc estimer ne pas avoir besoin des services d’un expert pour étayer sa conviction.

349

Article 706-115 du Code pénal français : « La personne poursuivie doit être soumise avant tout jugement au fond à une expertise médicale afin d’évaluer sa responsabilité pénale au moment des faits ».

350

Voir par exemple l’art. 117 du Code de procédure pénale roumain : « Efectuarea unei expertize psihiatrice

este obligatorie în cazul infracţiunii de omor deosebit de grav, precum şi atunci când organul de urmărire penală sau instanţa de judecată are îndoială asupra stării psihice a învinuitului sau inculpatului ».

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- d) avec violences ;

- e) sur une femme enceinte ;

- f) sur un juge, un officier de police, un gendarme ou un militaire, dans le cadre de l’exercice de

ses fonctions ou en relation avec ses fonctions pour entraver son action ;

- g) par un juge ou un procureur, un policier un gendarme ou un militaire dans l’exercice de ses

fonctions ou en relation avec ses fonctions352.

Pour qu’une expertise psychiatrique soit obligatoire, il faut donc une concordance entre l’un ou plusieurs des critères susmentionnés et lors de la commission des faits. S’agissant des infractions de nature sexuelle, il n’y a donc pas d’obligations en soi en Roumanie : l’expertise devenant obligatoire seulement si l’un (ou plusieurs) de ces critères aggravants sont présents. Autrement dit, un viol « simple » n’entraîne pas ordonnance d’une expertise psychiatrique ; en revanche, un viol « aggravé » par l’une de ces circonstances (sur une femme enceinte, et/ou commis par un agent de police dans l’exercice de ses fonctions, et/ou plusieurs victimes par exemple), impose au juge de faire procéder à une telle mesure.

Notons qu’en Espagne comme en Suède, il n’y a pas non plus d’expertises psychiatriques obligatoires en raison de la nature sexuelle de l’infraction mais il existe un régime d’expertise obligatoire si cette infraction sexuelle s’accompagne de critères supplémentaires, à l’image de ce qui existe en Roumanie.

En outre, en France, l’expertise psychiatrique devient obligatoire en raison de la nature de certaines infractions sexuelles passibles d’une sanction d’injonction de soin conformément aux dispositions des articles 706-47 et suivants. Introduites par la loi du 17 juin 1998 pour renforcer la lutte contre la récidive des violences sexuelles, les dispositions nouvelles du titre dix-neuvième du Code de procédure pénale intitulé « De la procédure applicable aux infractions de nature sexuelle et de la protection des mineurs victimes » imposent que les personnes poursuivies pour les infractions mentionnées à l’article 706-47 du Code de procédure pénale soient soumises, avant tout jugement au fond, à une expertise médicale dans laquelle l’expert se prononcera sur l’opportunité d’une injonction de soins dans le cadre d’un suivi socio-judiciaire (art. 706-47-1 du même Code). Les infractions soumises à une expertise obligatoire sont listées par l’article 706-47 qui énonce que « les dispositions du présent titre sont applicables aux procédures concernant les infractions de meurtre ou

352

Article 176 du Code pénal roumain : « Omorul săvârșit în vreuna din următoarele împrejurări : a) prin cruzimi ; b) asupra a două sau mai multor persoane ; c) de către o persoană care a mai săvârşit un omor ; d) pentru a săvârși sau a ascunde săvârșirea unei tâlhării sau piraterii ; e) asupra unei femei gravide ; f) asupra unui magistrat, polițist, jandarm ori asupra unui militar, în timpul sau în legătură cu îndeplinirea îndatoririlor de serviciu sau publice ale acestora ; g) de către un judecător sau procuror, polițist, jandarm sau militar, în timpul sau în legătură cu îndeplinirea îndatoririlor de serviciu sau publice ale acestora ».

172 d’assassinat d’un mineur précédé ou accompagné d’un viol, de tortures ou d’actes de barbarie ou pour les infractions d’agressions ou d’atteintes sexuelles, ou de proxénétisme à l’égard d’un mineur […]. Ces dispositions sont également applicables aux procédures concernant les crimes de meurtre ou assassinat commis avec tortures ou actes de barbarie, les crimes de tortures ou d’actes de barbarie et les meurtres ou assassinats commis en l’état de récidive légale». Les infractions à caractère sexuel directement concernées sont donc celles de meurtre ou assassinat d’un mineur précédé ou

accompagné d’un viol et les infractions d’agressions ou d’atteintes sexuelles à l’égard d’un mineur353.

Pour le dire autrement, il existe donc en France « par effet de miroir » des obligations spécifiques de recourir à une expertise psychiatrique pour certaines catégories d’infractions sexuelles en raison des peines spécifiques encourues (injonction de soins) ; ce qui constitue, dans cette acception de

l’expertise obligatoire, une particularité française354.

En somme, l’expertise psychiatrique demeure une mesure facultative dans les cinq pays

étudiés, exceptions faites descas spécifiques ayant trait à la santé mentale du mis en cause, la nature

de l’infraction, aux circonstances dans lesquelles elle fût commise ou encore à la nature de la sanction encourue.

Le moment du recours à l’expertise psychiatrique

D’une manière générale, les législations nationales en vigueur n’imposent pas un « moment » précis pour ordonner une mesure d’expertise. Il est toutefois possible de déduire quelques éléments de réponse à partir de plusieurs indicateurs. Dans les pays qui connaissent une procédure inquisitoire, l’opportunité du recours à une expertise relève d’une prérogative du juge d’instruction : cette

353 Pour un contenu plus exhaustif des situations d’expertises obligatoires en France en phase sentencielle et post-sentencielle, voir : DELBANO, F. « Expertise facultative et expertise obligatoire », n° 321, p. 212-221, et « Expertise médicale en matière pénale », n° 512 p. 401-410, in MOUSSA, T., ARBELLOT, F. (dir.), Droit de l’expertise, op. cit.

Il existe d’autres obligations légales de recourir à une expertise psychiatrique en phase post-sentencielle cette fois, telles que la mise en place d’un suivi socio-judiciaire (art. 763-1 et suivant du Code de procédure pénale français), d’un placement sous surveillance électronique mobile à titre de mesure de sûreté ou « bracelet électronique » (art. 763-10) ou encore les dispositions relatives à la rétention de sûreté (art. 706-5-13 et svt) qui supposent l’évaluation préalable de la dangerosité et/ou du risque de récidive. Toutefois, nous les évoquons simplement ici puisque ces mesures n’entrent pas dans le cadre de ce paragraphe et chapitre II consacré à la place de l’expert psychiatre dans la phase pré-sentencielle mais seront évoquées plus largement dans la Partie II chapitre I « L’expert, un acteur indirect des politiques publiques ».

354 De même qu’indiqué ci-dessus, les controverses qui entourent la systématisation de l’injonction de soins, et par suite, la place de l’expertise psychiatrique dans la détermination de la prise en charge des auteurs de violences sexuelles seront abordées plus largement dans la Partie II. Citons dès à présent un document du ministère de la Santé et du ministère de la Justice, utile pour un aperçu synthétique (mais complet) du fonctionnement de l’injonction de soins [http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/guide_injonction_de_soins.pdf].

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mesure est donc ordonnée en cours d’instruction par ce dernier355, soit d’office, soit à la demande

des parties.

En Suède, si le suspect a reconnu être l’auteur des actes qui lui sont reprochés, l’expertise