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Rangifer tarandus ) de la région Nord-du-Québec 2004-2010 Plan de gestion du caribou (

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P L A N D E G E S T I O N

Plan de gestion du caribou (Rangifer tarandus) de la région Nord-du-Québec

2004-2010

D I R E C T I O N D E L ’ A M É N A G E M E N T D E L A F A U N E D U N O R D - D U - Q U É B E C ( R 1 0 ) e t D I R E C T I O N D E L ’ A M É N A G E M E N T D E L A F A U N E ( V P D A F )

Préparé en collaboration avec

Le Comité conjoint de chasse, de pêche et de piégeage

Édité par Donald Jean et Gilles Lamontagne

MINISTÈRE DES RESSOURCES NATURELLES ET DE LA FAUNE SECTEUR FAUNE QUÉBEC

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Référence à citer :

JEAN, D. et G. LAMONTAGNE. Décembre 2004. Plan de gestion du caribou (Rangifer tarandus) dans la région Nord-du-Québec 2004-2010. Ministère des Ressources naturelles et de la Faune – Secteur Faune Québec, Direction de l’aménagement de la faune du Nord-du-Québec. 86 p.

Dépôt légal – Bibliothèque nationale du Québec, 2004 ISBN : 2-550-42643-6

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AVANT-PROPOS

Le mandat premier du ministère des Ressources naturelles et de la Faune, Secteur Faune Québec, est de protéger et de mettre en valeur la faune. Dans cette optique, nous avons développé un plan de gestion qui vise à harmoniser l’atteinte de notre mandat et les attentes des citoyens. Nous devons tenir compte des différents groupes d’utilisateurs tout en favorisant le développement économique et ce, dans le souci de la conservation de l’habitat du caribou et des particularités de chaque troupeau ou harde de caribous.

Le gouvernement du Québec a préparé le Plan de gestion du caribou dans la région Nord-du-Québec, en étroite collaboration avec le Comité conjoint de chasse, de pêche et de piégeage selon le mandat confié dans le cadre des Conventions (Convention de la Baie-James et du Nord québécois; Convention du Nord-Est québécois). Le gouvernement du Québec a le désir et l’obligation de discuter des questions relatives à la gestion du caribou avec les autres groupes d’intérêt car cette ressource faunique est importante non seulement pour les bénéficiaires des Conventions, mais également pour les Innus et les communautés non-autochtones.

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LISTE DES ACRONYMES ET ABRÉVIATIONS

ATC = Association des trappeurs cris

CBJNQ = Convention de la Baie-James et du Nord québécois

CCCPP = Comité conjoint = Comité conjoint de chasse, de pêche et de piégeage CNEQ= Convention du Nord-Est québécois

MRNF = Ministère des Ressources naturelles et de la Faune – Secteur Faune Québec

TMT = Troupeau des Monts-Torngat

TRAF = Troupeau de la Rivière-aux-Feuilles TRG = Troupeau de la Rivière-George

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TABLE DES MATIÈRES

AVANT-PROPOS ...iii

LISTE DES ACRONYMES ET ABRÉVIATIONS ... iv

TABLE DES MATIÈRES... v

LISTE DES TABLEAUX...viii

LISTE DES FIGURES ... ix

1. Introduction ... 1

2. Cadre juridique spécifique ... 5

2.1 Les deux Conventions ... 5

2.2 Niveaux d'exploitation garantis pour les communautés autochtones ... 6

2.3 Le Comité conjoint de chasse, de pêche et de piégeage ... 6

2.4 Réglementation de la chasse sportive et de la récolte commerciale ... 7

2.5 Protection de l'habitat... 12

3. Durée du plan de gestion et responsabilités des partenaires ... 13

4. Le caribou nordique et son écologie : hier et aujourd’hui ... 15

4.1 Évolution ... 15

4.2 Première observation scientifique de caribous ... 16

4.3 Identification des écotypes, troupeaux et hardes de caribous du Québec... 20

4.4 Le troupeau de la Rivière-George... 23

4.4.1 Population, mortalité, recrutement et taux de croissance démographique... 23

4.4.2 Santé et condition physique ... 27

4.4.3 Migration et utilisation de l’habitat ... 28

4.4.4 Terrains de mise bas ... 32

4.5 Le troupeau de la Rivière-aux-Feuilles ... 32

4.5.1 Population, mortalité, recrutement et taux de croissance démographique... 32

4.5.2 Santé et condition physique ... 33

4.5.3 Migration et utilisation de l’habitat ... 34

4.5.4 Terrains de mise bas ... 34

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vi

4.6 Le troupeau des Monts-Torngat... 36

4.7 Groupes isolés de caribous forestiers... 38

5. Utilisateurs du caribou nordique ... 39

5.1 La récolte de caribous... 39

5.1.1 Chasse de subsistance ... 39

5.1.2 Chasse sportive... 42

5.1.3 Récolte commerciale du caribou ... 46

5.1.4 Récolte de caribous au Labrador dans les troupeaux transfrontaliers... 46

5.2 Importance et valeur du caribou... 47

5.3 Connaissances écologiques traditionnelles sur le caribou... 48

5.4 Le caribou et le développement du territoire... 50

5.4.1 Développement hydroélectrique... 51

5.4.2 Zone d’entraînement militaire à basse altitude... 52

5.4.3 Exploitation minière et activités d’exploration... 53

5.4.4 Feux de forêt ... 54

5.4.5 Harcèlement ... 54

6. Partager des buts et des défis ... 57

6.1 Gérer le caribou selon l’écotype et le troupeau : une approche plus conforme à la ressource ... 59

6.2 Adapter les objectifs pour chaque écotype, chaque troupeau ... 59

6.3 Ajuster la récolte au potentiel et aux cycles des troupeaux migrateurs- toundriques ... 60

6.4 Prioriser les utilisations ... 64

6.5 Ajuster le zonage pour tenir compte des aires annuelles et des migrations ... 64

6.6 Préciser les modalités de chasse sportive du caribou par zone de chasse... 68

6.7 Minimiser les impacts d'origine anthropique ... 69

6.8 Mettre à jour la protection des habitats ... 72

6.9 Assurer la concertation ... 72

6.9.1 Consultation et coordination avec les partenaires en gestion du caribou... 73

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7. Conclusion ... 75 REMERCIEMENTS ... 77 LISTE DES RÉFÉRENCES... 79 ANNEXE I : Historique des décisions importantes du Comité conjoint de chasse, de pêche et de piégeage ... 84

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LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1. Réglementation pour la chasse au caribou (2002) ... 9

Tableau 2. Statistiques sur le commerce de fourrures dans les missions Moraves, principalement à Hebron et Okak... 18

Tableau 3. Données sur la démographie du troupeau de la Rivière-George... 26

Tableau 4. Récolte de caribous déclarés par les Cris de 1986 à 2000... 41

Tableau 5. Estimation de la récolte de caribous par les Naskapis entre 1989 et 1993 ... 42

Tableau 6. Vente de permis de chasse sportive dans le Nord du Québec depuis 1972-1973 ... 44

Tableau 7. Récolte sportive au Nord du Québec depuis 1972-1973 ... 45

Tableau 8. Récolte commerciale de caribous au Québec de 1994 à 1999-2000 ... 47

Tableau 9. Priorité d'exploitation pour le troupeau de la Rivière-George... 63

Tableau 10. Priorité d'exploitation pour le troupeau de la Rivière-aux-Feuilles ... 63

Tableau 11. Nouveau zonage pour le Plan de gestion du caribou au Nord du Québec... 67

Tableau 12. Ensemble des modalités possibles pour l’ajustement de la récolte sportive en fonction de l’abondance des caribous ... 70

Tableau 13. Modalités de gestion en fonction des niveaux de population du troupeau de la Rivière-George et du troupeau de la Rivière-aux- Feuilles... 71

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LISTE DES FIGURES

Figure 1. Carte des zones de chasse dans le Nord-du-Québec en 2001 ... 8 Figure 2. Distribution annuelle des caribous dans le nord du Québec... 22 Figure 3. Évolution de l'aire de répartition annuelle du troupeau de la Rivière-

George ... 29 Figure 4. Principaux patrons de migration pour le troupeau de la Rivière-George

et le troupeau de la Rivière-aux-Feuilles (basé sur le suivi des bêtes par collier satellite entre 1991 et 2002) ... 31 Figure 5. Évolution de l'aire de répartition annuelle du troupeau de la Rivière-

aux-Feuilles... 35 Figure 6. Terrains de mise bas pour les troupeaux de la Rivière-George et de la

Rivière-aux-Feuilles ... 37 Figure 7. Modèle simplifié illustrant la priorité d'exploitation selon l'abondance

des caribous... 65 Figure 8. Nouveau zonage pour le plan de gestion du caribou du Nord-du-

Québec... 66

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1. Introduction

Le Nord du Québec héberge 38 395 personnes, dont 8 715 Inuits, 12 629 Cris, 540 Naskapis et 16 314 non-autochtones (Source : Statistique Canada, 2001). Neuf communautés cries se trouvent sur le territoire de la Baie-James et 15 communautés inuites (en tenant compte des Inuits de Chisasibi) sont dispersées le long de la côte de la péninsule d’Ungava. La seule communauté naskapie se trouve à Kawawachikamach. Les 472 Innus de Matimekosh - Lac-John font partie de la région de la Côte-Nord mais ce sont aussi des utilisateurs du caribou du Nord et, à ce titre, ils sont concernés par le présent plan de gestion.

Le portrait géographique et climatique de la région change beaucoup selon la latitude; il faut dire que la région s'étend sur plus de 1 300 km de latitude. Ainsi, nous passons du climat sub-polaire froid modérément humide de la Baie-James au climat polaire semi-aride des monts Torngat. Alors que les forêts résineuses dominent dans le sud, la toundra domine dans le nord.

Il existe un lien vital entre le caribou et les habitants de cette vaste région, qui couvre les deux tiers de l’ensemble du territoire du Québec. La viande de caribou demeure une composante importante du régime alimentaire des peuples inuit, cri, naskapi et innu, tant en raison de sa valeur nutritive et énergétique que pour son importance culturelle. De plus, il existe un potentiel économique pour les entrepreneurs autochtones et non-autochtones via la chasse sportive qui est offerte à une clientèle non-autochtone et, plus récemment, grâce à la récolte commerciale du caribou.

Les aînés des communautés autochtones se souviennent encore des fluctuations considérables, au début du XXe siècle, où les troupeaux avaient presque disparus. En fait, les caribous sont demeurés extrêmement rares jusqu’au milieu des années 1970, où leur nombre a augmenté de façon fulgurante. Dans le cadre d’un atelier portant sur l’avenir du troupeau de la Rivière-George (TRG) tenu en 1994 à Labrador City, auquel participaient des experts du Québec, de Terre-Neuve et d’ailleurs en Amérique du Nord, la situation du caribou a fait l’objet d’un débat passionné où tous les participants ont exprimé leur inquiétude face à l’avenir de cet animal (Brice-Bennet et al. 1995).

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En 1989, dans le but de rationaliser et d’optimiser ses activités de gestion de la faune, le gouvernement du Québec a révisé le système de suivi s’appliquant aux caribous (Crête et Nault 1989) et à d’autres grands gibiers. Dans la foulée du Sommet québécois sur la faune, l’exercice a mené à la publication du Plan tactique sur le caribou pour l’ensemble du Québec (Crête et al. 1990). Ce document définissait un certain nombre d’objectifs de gestion du caribou qui, jusqu’ici, n’ont été atteints que partiellement. À la lumière des problèmes identifiés récemment, en particulier l’incertitude entourant l’avenir des troupeaux, nous croyons qu’il est temps de réévaluer la gestion du caribou au Québec en publiant le présent Plan de gestion du caribou dans la région Nord-du-Québec. La description des activités de suivi ne fait pas partie du plan de gestion et fera l’objet d’un document à part. Ce plan de suivi traitera des activités annuelles de suivi ainsi que des inventaires aériens.

En raison des différences fondamentales entre les contextes juridiques, sociaux, culturels, économiques et écologiques gouvernant le caribou dans le Nord du Québec et plus au sud, il a été convenu que ce plan s’appliquerait uniquement aux caribous nordiques (TRG, TRAF, TMT). Les hardes de caribous, plus petites et isolées, évoluant au sud du 52e parallèle et hors de la région Nord-du-Québec, ne comptent que quelques centaines d’individus et seront traitées séparément (p. ex. la harde de la Gaspésie, la harde de Val d’Or, la harde des Grands Jardins, etc.). Le territoire auquel s’applique le Plan de gestion du caribou dans la région Nord-du-Québec est très similaire à celui régit par les deux Conventions, soit la Convention de la Baie-James et du Nord québécois (CBJNQ), signée en 1975 par les Inuits et les Cris, et la Convention du Nord-Est québécois (CNEQ), signée en 1978 par les Naskapis.

Le présent document décrit d’abord les principaux éléments de l’écologie des troupeaux nordiques afin que les décisions de gestion puissent être fondées sur les connaissances disponibles. Il présente ensuite les divers utilisateurs du caribou de la toundra et leurs niveaux de récolte. De même, le document met en lumière l’importance et la valeur du caribou et de la connaissance écologique traditionnelle de cet animal pour des milliers d’autochtones au Québec.

Le plan de gestion servira de point de départ aux discussions avec la province de Terre- Neuve afin d’élaborer un plan conjoint de gestion des troupeaux de la Rivière-George et des Monts-Torngat.

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Le Plan de gestion du caribou dans la région Nord-du-Québec est d’abord et avant tout un outil pour assister le gouvernement du Québec et le CCCPP dans leur processus décisionnel; il doit cependant demeurer assez souple pour être en mesure d’intégrer, tout au long de sa mise en œuvre, les nouvelles données et les différentes priorités découlant de la situation du caribou ou de la situation socio-économique des communautés du Nord québécois.

Puisque la pourvoirie canalise la majeure partie de l'exploitation des troupeaux de caribous, le plan de gestion sera appuyé par le Cadre d'intervention en matière de pourvoirie dans la région du Nord-du-Québec. Ce document consultatif, qui est présentement en élaboration, énoncera les orientations du ministère des Ressources naturelles et de la Faune afin de favoriser le développement harmonieux de la pourvoirie.

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2. Cadre juridique spécifique

Deux lois décrétées par l'Assemblée nationale du Québec régissent la gestion et l’exploitation du caribou dans le Nord du Québec. Ce plan de gestion est d’abord soumis à la Loi sur les droits de chasse et de pêche dans les territoires de la Baie-James et du Nouveau-Québec (L.R.Q., c. D-13.1, décrétée le 22 décembre 1978), puis à la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune (L.R.Q., c. C-61.1). La Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune permet au Ministre responsable de la faune d'établir le cadre dans lequel se réalisera la chasse sportive au caribou. Pour contrôler la récolte, le Ministre a apporté de nombreux changements à la réglementation sur la durée de la saison de la chasse, les quotas, les saisons de chasse, les types de camps et ainsi de suite.

Lorsque l’application des deux lois est contradictoire, la Loi sur les droits de chasse et de pêche dans les territoires de la Baie-James et du Nouveau-Québec a préséance.

2.1 Les deux Conventions

Suite à l’annonce du développement hydroélectrique dans la région de la Baie-James, des négociations ont eu lieu entre les Autochtones et les gouvernements du Québec et du Canada. Ces négociations ont conduit, en 1975, à la signature de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois (CBJNQ) avec les communautés cries et inuites, et en 1978 à la signature de la Convention du Nord-Est québécois (CNEQ) avec les Naskapis.

La Loi sur les droits de chasse et de pêche dans les territoires de la Baie-James et du Nouveau-Québec émane de ces deux Conventions. Elle autorise les bénéficiaires respectifs des Conventions à chasser pour assurer leur subsistance, sans tenir compte de la saison ni des quotas selon le « principe de conservation » (voir p. 57).

La récolte commerciale constitue un des droits dont disposent les peuples autochtones en vertu des modifications apportées en 1993 à la CBJNQ et à la CNEQ par le biais des Conventions complémentaires nos 12 et 1, dans l’ordre. Ce droit, qui comprend la chasse à des fins commerciales, la mise en captivité et l’élevage de certaines espèces, y compris le caribou, est exclusivement accordé aux Autochtones, et ce, jusqu’au 10 novembre 2024.

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2.2 Niveaux d'exploitation garantis pour les communautés autochtones

Tel que défini dans les Conventions, les niveaux d'exploitation garantis sont des seuils de récolte minimaux pour les diverses espèces animales, en dessous desquels la récolte est réservée en priorité aux communautés autochtones et au-dessus desquels l'activité de récolte peut être partagée entre les communautés autochtones et non-autochtones.

La notion de niveaux d'exploitation garantis pour les communautés autochtones régie par les Conventions n'a aucun équivalent ailleurs au Québec. En bref, les communautés autochtones ont reçu l’assurance que le nombre d'animaux qu'ils récoltaient au moment où les Conventions ont été signées serait toujours garanti, selon la disponibilité des ressources. Des niveaux garantis ont été établis pour toutes espèces normalement chassées, piégées ou abattues, y compris les orignaux, les ours noirs, les ours polaires et les caribous. Les niveaux d'exploitation garantis peuvent être dépassés à des fins de subsistance. Même s’ils sont incapables d’assurer leur niveau garanti de récolte, les Autochtones « peuvent eux-mêmes en attribuer une partie aux non-autochtones par l'intermédiaire de pourvoyeurs reconnus » (CBJNQ, art. 24.6.3d). La récolte excédant le niveau d'exploitation garanti est partagée entre les communautés autochtones et les chasseurs sportifs. Dans l’éventualité où la population faunique ne peut soutenir le niveau d'exploitation garanti, l'allocation entière sera donnée aux communautés autochtones.

Les niveaux d'exploitation garantis ont été établis respectivement à 4 547 caribous pour les Inuits (Entente no. 85A-3F, du 5 février 1985) et 830 pour les Cris (Entente no.

89-90A:01, du 24 octobre 1989). Le niveau provisoire pour les Naskapis est présentement établi à 600 caribous.

2.3 Le Comité conjoint de chasse, de pêche et de piégeage

En 1975, l’article 24.4.1 (C.C.1) de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois (et les Conventions subséquentes) a créé une structure officielle qui joue un rôle majeur dans la gestion de la faune du Nord québécois :

24.4.1 (C.C. 1) Un Comité conjoint - Chasse, pêche et trappage, (le « Comité conjoint ») organisme expert constitué de représentants autochtones et de représentants gouvernementaux est créé pour étudier, administrer et dans certains cas surveiller et réglementer le régime de chasse, de pêche et de

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trappage institué par les dispositions du présent chapitre et en conformité avec elles.

24.4.23 (C.C. 1) Le Comité conjoint est un organisme consultatif auprès des gouvernements responsables, sauf dans les cas expressément stipulés à l'alinéa 24.4.30; à ce titre, il est l'assemblée privilégiée et exclusive à laquelle, les autochtones et les gouvernements conjointement formulent les règlements et surveillent l'administration et la gestion de régime de chasse, de pêche et de trappage.

Des représentants des communautés cries, inuites et naskapies siègent au Comité conjoint auprès des délégués des gouvernements du Canada et du Québec. Le Comité conjoint a l’autorité dans certains domaines reliés à la chasse, à la pêche et au piégeage, sur tout le territoire desservi par les Conventions. Bien qu’il puisse être impliqué dans de nombreux aspects de la gestion des troupeaux de caribous, l’une de ses responsabilités principales est décrite à l’article 24.4.30 de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois.

24.4-30 Le Comité conjoint peut fixer la limite maximale pour les prises d'orignal et de caribou par les autochtones et les non-autochtones […] les décisions du Comité conjoint en vertu du présent alinéa lient le Ministre ou le gouvernement responsable qui est tenu de formuler tout règlement pour leur donner effet et lient également les Administrations locales et régionales.

La chronologie des principales décisions du CCCPP est présentée à l’Annexe I.

2.4 Réglementation de la chasse sportive et de la récolte commerciale

Pour les fins de la chasse sportive, le territoire conventionné englobe actuellement les zones 16, 17, 22, 23 et 24 (figure 1). Cependant, dans le Nord du Québec, la chasse sportive au caribou est actuellement permise dans trois zones de chasse, avec des conditions et des réglementations différentes s’appliquant à cette activité (tableau 1).

Pendant la croissance de la chasse sportive dans le Nord du Québec, la réglementation a été modifiée à plusieurs reprises au fur et à mesure que se développait l'industrie et que

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Figure 1. Carte des zones de chasse dans le Nord-du-Québec en 2001

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s'amélioraient les connaissances sur l'état des troupeaux. Ces amendements visaient, d'une part, à être plus permissifs pour la récolte et, d'autre part, à garantir le contrôle des chasseurs et de leurs prises afin de rencontrer les exigences fixées par les Conventions tout en assurant la sécurité des chasseurs et des résidents locaux.

Tableau 1. Réglementation pour la chasse au caribou (2002) Zone ou

Sous-zone

Saison Pourvoyeur obligatoire

Clientèle

Automne Hiver Résident Non-résident

22A X - Xa -

22B X X X X

23 Nord X X Xb X X

23 Sud - X Xb X -

24 X - - X -

a Le nombre de permis est contingenté;

b Sauf pour les résidents de Schefferville, sous certaines conditions.

Afin d'augmenter la récolte en réponse à l'accroissement rapide du nombre de caribous, la limite de prises fut portée à deux caribous par chasseur en 1983. Ce quota s’appliquait à toutes les saisons de chasse dans le Nord du Québec. Un chasseur peut récolter plus de deux caribous en une année en combinant ses récoltes dans plusieurs zones.

Actuellement, il n’existe aucune restriction sur le sexe ou l'âge de l’animal abattu. La loi oblige les chasseurs sportifs à enregistrer les caribous qu'ils abattent.

La zone 24 couvre une surface relativement limitée de 9 000 km2. Elle se situe à 100 km au nord de Schefferville sur la route migratoire du TRG. Elle a été créée en 1974.

Présentement, la chasse est permise du 1er août au 30 septembre et le nombre de permis n’est pas limité. Cela permet aux résidents du Québec, et à eux seulement, de chasser le caribou sans passer par l'entremise d'un pourvoyeur. En effet, les pourvoyeurs ne sont pas autorisés à offrir leurs services dans la zone 24. Une seule pourvoirie se trouve dans la zone 24 parce qu’elle était déjà en place lorsque la Convention a été signée en 1975.

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La zone 23 est un large territoire couvrant tout le secteur au nord du 55° 30' N, et à l'est elle se prolonge un peu plus au sud. Entre 1978 et 1983, les frontières étaient différentes, car cette zone couvrait seulement le territoire à l'est du 71° 00' O.

Le nombre de permis de chasse n’est pas limité dans la zone 23 et tous les résidents et non-résidents doivent utiliser les services d’un pourvoyeur. La majeure partie de la chasse automnale est ressentie de Schefferville jusqu'à Kuujjuaq, entre les rivières George et Caniapiscau. En 2000, 72 pourvoyeurs avaient des camps permanents ou mobiles dans cette zone. Depuis 1983, le gouvernement du Québec a autorisé les fournisseurs qui ont au moins un camp permanent et qui font la demande appropriée à offrir la chasse à partir de camps mobiles. Cette méthode de récolte, plus flexible que la chasse à partir d’un camp principal, a permis aux chasseurs de s'adapter aux changements observés ces dernières années dans les patrons de migration du caribou. Après un début assez lent, les camps mobiles se sont rapidement multipliés, leur nombre atteignant respectivement 6, 42, 77, 84 et 117 en 1983, 1984, 1985, 1986 et 1987. En 2001, il y avait 198 camps mobiles dans la zone 23, à l'est du 73° O.

Deux saisons de chasse au caribou ont lieu dans la partie nord de la zone 23. La saison traditionnelle de chasse à l’automne s’étire du 1er août au 31 octobre, tandis que la saison de chasse hivernale est du 15 février au 15 avril. Cette saison hivernale dans la zone 23 Nord a été introduite en 1983, bien qu’au début elle ne suscitait pas beaucoup d’intérêt.

Dans la partie sud de la zone, seule la chasse hivernale est permise (du 15 novembre au 31 mars), uniquement pour les résidents du Québec utilisant les services d'un pourvoyeur.

Il n'y a pas de limite sur le nombre de permis. Un petit secteur de cette zone et de la zone 19 composent la région de Fermont (zones 19-23), où la chasse hivernale a été limitée à 1 600 résidents choisis par tirage au sort. Cette région est fermée à la chasse depuis 2002.

La zone 22 et les sous-zones 22A et 22B sont situées dans la région de la Baie-James. La chasse hivernale est de plus en plus populaire dans cette zone depuis sa création en 1989-1990, à tel point que cette activité a récemment atteint des sommets sans précédent. Dans la sous-zone 22A, le nombre de permis est limité à 2 000 et seuls les résidents peuvent participer au tirage pour leur attribution. Dans la sous-zone 22B, les services d'un pourvoyeur sont exigés pour les résidents autant que pour les non-résidents,

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mais le nombre de permis n'est pas limité. La saison de chasse est la même pour les sous-zones 22A et 22B: elle s'étend du 15 novembre au 15 février.

Les permis de chasse sportive au caribou sont émis par zone de chasse. Entre 1975 et 1979, le nombre de permis autorisés a été limité par le gouvernement du Québec dans le but de contrôler le nombre de chasseurs sportifs dans le Nord du Québec. Nous avions peu de connaissances sur la taille des troupeaux et la popularité de ce type de chasse. À l'époque, la publicité sur le quota des permis et la nécessité de faire une demande écrite pour obtenir un permis de chasse suffisaient amplement pour limiter le nombre de chasseurs. Le coût du permis a augmenté depuis le début de la chasse sportive au caribou. En 2001, un permis pour un résident du Québec était vendu à 46,95 $, et un permis pour non-résident était vendu à 257,12 $ avant taxes.

Le Comité conjoint peut se servir des dispositions de la section 78 de la Loi concernant les droits de chasse et de pêche sur les territoires de la Baie-James et du Nouveau-Québec (L.R.Q., c. D-13.1) pour établir une limite maximale de prises. Quand le Comité conjoint établit une limite maximale de prises, le gouvernement du Québec doit adopter des réglementations pour mettre ce niveau en application, à moins que le gouvernement ne croie que la conservation de l'espèce est compromise. Le niveau maximal de prises a d'abord été établi à 3 300 caribous en 1980 et a atteint 9 000 en 1986. Par la suite, le Comité conjoint a décidé de ne plus fixer de limite maximale de prises pour le caribou, étant donné la taille considérable des troupeaux.

Dans le Nord du Québec, la Convention complémentaire no 12 de la CBJNQ et la Convention complémentaire no 1 de la CNEQ autorisaient les communautés autochtones à pratiquer la récolte commerciale du caribou depuis 1993. Pour obtenir un permis, les promoteurs doivent envoyer une demande au ministère des Ressources naturelles et de la Faune, qui en retour consultera le Comité conjoint. Le Ministre responsable de ces questions passe alors en revue leurs commentaires et décide si un permis doit être émis ou non. Les permis commerciaux doivent être renouvelés annuellement.

La mise en application de la réglementation est assurée par les agents de la Direction de la protection de la faune. Le Nord du Québec constitue toutefois un milieu très particulier pour les besoins de protection. La grandeur du territoire et son isolement relatif sont des barrières qui assurent une certaine forme de protection aux ressources du territoire.

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L’activité de chasse au caribou y est aussi concentrée ou canalisée par le réseau des pourvoiries, ce qui assure un encadrement pour la plupart des utilisateurs. Le travail des agents doit reposer sur une collaboration avec les mêmes principaux acteurs qui s’occupent de la mise en marché de la chasse ou qui en dépendent, les pourvoyeurs et les Autochtones.

2.5 Protection de l'habitat

La Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune reconnaît les aires de mise bas au Nord du 52° N comme des habitats essentiels qui font l’objet d’un certain niveau de protection face aux interventions humaines. Certains développements comme l’exploitation minière sont interdits dans ces habitats essentiels à moins d'une autorisation du Ministre. Le chapitre II de la Loi sur la qualité de l’environnement (Q-2) permet également une protection de ces aires fauniques, dans le cadre d’une évaluation environnementale. Les chapitres 22 et 23 de la CBJNQ aident également à assurer la protection de l'habitat par la création de comités environnementaux. L'équivalent dans la CNEQ se trouve au chapitre 14.

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3. Durée du plan de gestion et responsabilités des partenaires

Le plan de gestion sera en application pendant les six prochaines années. Cependant, il pourrait être mis à jour au cours de cette période en fonction de la dynamique des populations et des nouvelles données recueillies. La mise en œuvre du plan constitue une responsabilité que le gouvernement du Québec doit assumer de concert avec le Comité conjoint de chasse, de pêche et de piégeage (CCCPP), dans le respect des Conventions et avec la participation des groupes d’utilisateurs (pourvoyeurs, chasseurs, fédérations et Nations autochtones). Au terme de ce plan de gestion, soit en 2010, il sera revu et mis à jour ou prolongé, selon le besoin.

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4. Le caribou nordique et son écologie : hier et aujourd’hui

4.1 Évolution

Les longs métapodes du caribou et la présence de bois chez les deux sexes portent à croire qu’il s’agit d’un cervidé primitif. De récentes découvertes prêteraient en effet des origines fascinantes au caribou. On croit que l’espèce a évolué à partir d’un cervidé ancien nommé Navahoceros, un cerf de montagne trapu de taille moyenne muni d’un panache à trois pointes (Harrington 1999). Cette espèce, quant à elle, serait issue d’un genre sud- américain appelé Hyppocamelus qui a existé il y a 10 à 14 millions d'années. Les changements climatiques, il y a plus de 2 millions d'années, ont poussé le Navahoceros à se déplacer vers le nord jusqu’à la région de la Béringie, qui correspond aujourd’hui à la Russie orientale et aux Territoires-du-Nord-Ouest, et qui comportait alors un isthme reliant le nord-est de l’Asie et l'Amérique du Nord. Selon les scientifiques, c’est dans cette région que le Rangifer tarandus serait apparu. Les plus anciens vestiges de caribous datent de 1,6 million d’années et proviennent de Fort Selkirk, au Yukon. Les premiers déplacements de caribous ont alors commencé, vers l’ouest en direction du nord de l’Asie et de l’Europe, et vers l’est à travers l’Amérique du Nord jusqu’à l’océan Atlantique. Aujourd’hui, les déplacements de caribous couvrent la totalité de la région circumpolaire.

Au Québec, le plus vieux fossile de caribou connu est un panache vieux de 40 600 ans trouvé près de Saint-Antonin. La présence de fossiles et de vestiges de caribous sur d’anciens sites autochtones témoigne d’une répartition des caribous s’étendant bien au- delà de la frontière méridionale entre le Québec et les États-Unis.

Les caribous femelles sont les seuls membres femelles de la famille des cervidés qui ont des bois comme les mâles. Cependant, pour des raisons encore inconnues, certaines femelles ne développent pas de bois. Ce fut le cas d’environ 2 % des femelles du troupeau de la Rivière-George pour lesquelles on n’a relevé aucune formation de bois lorsque la recherche scientifique a débuté en 1973. Depuis, ce nombre a augmenté de façon constante et, en octobre 1998, environ 13 % des femelles n’avaient pas de bois.

Cette augmentation pourrait être liée à la détérioration de la condition physique des caribous.

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16 4.2 Première observation scientifique de caribous

John Cabot était probablement à l’origine de la première observation écrite d’un caribou du Nouveau Monde en 1497, lorsqu’il a visité l’île de Terre-Neuve. Martin Frobisher, dans sa quête du passage du Nord-Ouest entre 1576 et 1578, a été le premier Européen à décrire le caribou de la toundra. Samuel de Champlain et d’autres explorateurs français ont également mentionné le caribou dans les récits de leurs voyages au début du XVIIe siècle. C’est environ à cette époque que le nom de « caribou » a été donné à l’espèce, bien que l’orthographe puisse varier : cariboo, caribous, cariboux, caribo, carriboo, carraboe, etc. Le mot caribou vient du langage des amérindiens de la tribu Micmac du Nouveau-Brunswick. Ils l’appelaient « xalibu », ce qui signifie « celui qui creuse », faisant référence à sa façon de creuser la neige avec ses pattes pour se nourrir. Il semble que ce soit les Français d'Acadie qui auraient emprunté et modifié le mot de leurs voisins micmacs. Plus tard, la littérature anglaise adopta également le mot caribou.

Avec l'expansion de certains troupeaux et l'acquisition de nouvelles connaissances grâce aux outils modernes de l'écologie, la vision actuelle de la répartition des troupeaux de caribous du Nord du Québec est légèrement différente de celle qu’avait l’explorateur A. P.

Low (1897). À partir de ses échanges avec les Naskapis et d’autres peuples autochtones, ainsi que de ses propres observations en 1893 et en 1894, Low (1897) avait identifié trois troupeaux qui parcouraient le Nord du Québec de long en large :

« Dans la partie nordique de la péninsule, il semble y avoir trois troupeaux distincts. L’un sur la côte Atlantique, qui passe l’été sur les hautes terres entre Nachvak et Nain, un deuxième, qui traverse la partie inférieure de la rivière Koksoak et passe l’été sur la rive ouest de la baie d’Ungava et du détroit d’Hudson, et un troisième, qui se déplace vers le nord à partir de la région du golfe de Richmond et du lac à l'Eau Claire, et passe l’été le long des hautes terres de la côte nord-est de la baie d’Hudson. »

(Low 1897)

Il est intéressant de remarquer que la description de Low correspond d’assez près à la situation des trois troupeaux principaux de la péninsule Québec-Labrador un siècle plus tard. Le troupeau de l’Atlantique (aussi appelé troupeau de l’Est) décrit par Low (1897) était probablement le troupeau des Monts-Torngat. Le troupeau Koksoak (troupeau

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Central) était le troupeau de la Rivière-George. Enfin, le troupeau de la Baie d’Hudson (troupeau de l’Ouest) était celui qui fut baptisé en 1975 le troupeau de la Rivière-aux- Feuilles. Une différence importante réside peut-être dans le fait que la description que donne Low du troupeau Koksoak (Central) inclut probablement des caribous forestiers installés près du lac Caniapiscau en plus des caribous migrateurs-toundriques du troupeau de la Rivière-George.

La terminologie de Low fut reprise plus tard par Elton (1942) pour étudier les changements démographiques du caribou dans le Nord du Québec. Il a résumé le déclin des populations de caribou de la fin du XIXe siècle jusqu’au début du XXe siècle :

« Le troupeau de l'Ouest avait enregistré un déclin rapide dans les années 1880 et 1890, celui du Centre à partir de la fin des années 1890, et celui de l’Est à partir de 1904. Dans ces trois régions, les caribous ont modifié leurs habitudes, demeurant respectivement dans le nord de la péninsule, sur le plateau central et dans les régions supérieures du bassin de l’Ungava, ainsi que dans les montagnes et le plateau du nord-est. »

(Elton 1942, p. 383-384)

Selon ces rapports, le troupeau de l’Ouest fut le premier à décliner, semble-t-il, et dès le début des années 1880, la situation était difficile pour certains groupes autochtones. Il est possible qu’en fait ce soit la rétractation vers l’Est de l’aire du TRG qui soit responsable de la diminution des nombres de caribous observés dans l’Ouest.

Ces Indiens de l’Ouest, possiblement des Cris, auraient donc été les premiers à souffrir durement du déclin des caribous à partir de 1880. Ils se sont mis en route vers le nord-est à la recherche des caribous. En ce début de déclin des troupeaux, les nombres de caribous étaient plus faibles, mais aussi parfois les migrations éloignaient les caribous.

Low (1897) et Elton (1942) rappellent l’horreur de l’hiver 1892-1893 à Kuujjuaq, où dans une population de 350 personnes, entre 150 et 200 moururent de faim durant l’hiver faute d’avoir trouvé les caribous.

Elton (1942) a compilé les données de commerce de fourrures dans les missions Moraves entre 1834 et 1923 pour le caribou, le loup et le carcajou. Le tableau 2 présente ces statistiques fort intéressantes recueillies surtout à Hebron et Okak sur la côte du Labrador

(28)

18

et qui démontrent que les caribous sont quasi disparus à partir de 1914. Ce déclin a été accompagné par celui de deux espèces qui en dépendaient directement, le loup et le carcajou. En fait, ces statistiques, y compris celles du carcajou qui n’est pas un prédateur actif du caribou, mais plutôt un charognard, suggèrent que le caribou était abondant dans les années 1830 jusqu’à 1850. Par la suite, il semble y avoir eu une baisse importante puis une nouvelle hausse à partir de 1870 jusqu’à 1900. Ailleurs dans sa compilation des observations recueillies aux postes de traite, Elton (1942) confirme que le caribou était extrêmement abondant vers les années 1830. Il ajoute que l’année 1838 avait été particulièrement excellente pour la chasse chez les Inuits vivant le long de la rivière aux Feuilles près de la baie d’Ungava (De McLean rapporté par Elton, 1942, p. 353).

Tableau 2. Statistiques sur le commerce de fourrures dans les missions Moraves, principalement à Hebron et Okak

Année Caribou Loup Carcajou

1834-1843 70 20

1844-1853 56 84

1854-1863 135 101

1864-1873 40 12

1874-1883 5 518 95 51

1884-1893 9 575 100 42

1894-1903 13 567 76 55

1904-1913 2 650 43 80

1914-1923 0 8 10

Source : Elton (1942, p. 375)

Il est fascinant de constater que la situation du caribou au milieu du XIXe siècle semblait très similaire à celle que Kuujjuaq vivait vers le milieu des années 1980. En 1838, lors d’une période d’abondance du caribou similaire à celle des années 1880, John McLean écrivait concernant le poste de Fort Chimo (Kuujjuaq) :

« Les rennes. Ces animaux poursuivent chaque année un parcours invariable qui les ramène généralement par ici au mois de mars. Ils se dirigent alors vers l'est [sur les plateaux toundriques de la rivière George, selon ce que nous

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savons maintenant] où ils donneront naissance à leurs jeunes pour ensuite se déplacer vers l'intérieur des terres, à l'ouest, où ils demeureront dans la toundra pendant la première partie de l'hiver. Très peu se détachent du troupeau, mis à part quelques vieux mâles que les jeunes compétiteurs ont forcé à se retirer. »

(Elton 1942, p.378)

Il y aurait donc eu un autre sommet de population vers les années 1830 quoiqu’il soit moins bien documenté que celui des années 1880.

Pendant la première moitié du XXe siècle, la rareté du caribou fut remarquée partout dans la région nordique (au nord du 52° N) de la péninsule Québec-Labrador, confirmant que les populations avaient bel et bien décliné et que ce n’était pas les caribous qui s’étaient déplacés sur le territoire (également suggéré par Audet, 1979). Des naturalistes exprimaient même leurs craintes quant à l’extinction possible de l’espèce à l’échelle locale (Rousseau 1950 et 1951). À cette époque, les Autochtones ont énormément souffert de l’absence de leur principale ressource. Plus tard, dans les années 1960, les caribous nordiques sont devenus moins timides. Au fil du temps, d’autres études ont révélé l’étendue des hardes de caribous et les territoires qu’ils occupaient. Banfield et Tener (1958) ont parcouru plus de 17 000 km au-dessus de la presque totalité du Nord du Québec et du Labrador et ont découvert huit concentrations (non pas des troupeaux) de caribous, dont certaines aux environs des rivières à la Baleine, Wheeler, Caniapiscau et aux Mélèzes. Ce premier inventaire aérien marque le début de ce qui deviendra par la suite une recherche utilisant des techniques modernes pour étudier l’écologie du caribou.

Bergerud (1967) a poursuivi en 1958 en effectuant un inventaire complet de la portion nord-est de la péninsule Québec-Labrador, de Kuujjuaq jusqu’au sud du Labrador. Il s’est rendu aussi loin à l'intérieur des terres que la rivière Caniapiscau et Schefferville, parcourant une plus grande distance que quiconque auparavant (20 920 km), tout en utilisant une grille plus étroite et en se concentrant sur le nord-est. Bergerud a estimé à 11 900 le nombre de caribous se trouvant sur le secteur couvert. D’autres études, en 1963 et en 1964, ont recensé d’importantes concentrations dans la région des rivières Caniapiscau et Wheeler. Plus à l’ouest, d’autres concentrations importantes furent découvertes près du lac Bienville, du lac à l'Eau Claire, du lac Payne, ainsi que sur la rive nord du fleuve Saint-Laurent. Un inventaire du secteur méridional effectué en 1972

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20

(surtout entre les 49° et 52° N) a ajouté de nouveaux noms à la liste de troupeaux ou de hardes de caribous du Nord du Québec (Brassard 1972). En plus de la harde du Lac- Bienville, les hardes du Lac-Mistassini (de Temiscamie à Opinaca) et de la Rivière-Rupert ont été recensées et représentaient des populations d’environ 4 000 individus.

En 1973, un inventaire aérien couvrant la plus grande partie de la péninsule Québec- Labrador au nord du 53° N a confirmé l’existence de certaines hardes (Pichette et Beauchemin 1973). Celui-ci faisait état de la présence de caribous dans les secteurs Bienville, Mistassini et Rupert au sud, mais également de leur abondance relative dans trois régions au nord : près du lac à l'Eau Claire/lac Tassialuk, de la rivière Koksoak- Caniapiscau et du lac Caniapiscau-rivière Delorme. On a estimé que 86 410 caribous se trouvaient sur le territoire recensé de 624 000 km2, occupé aujourd’hui par les troupeaux de la Rivière-George et de la Rivière-aux-Feuilles.

Dans le cadre d’une révision approfondie des données disponibles, Audet (1979) a suggéré que les concentrations de caribous identifiées dans les années 1960 et 1970 au nord de la rivière aux Feuilles et les autres hardes près du lac Bienville appartenaient au troupeau de l’Ouest ou de la baie d’Hudson décrit par Low (1897). Il suggérait également que le troupeau Koksoak ou Central était principalement constitué de caribous associés aux troupeaux de la Rivière-Caniapiscau et de la Rivière-George. Ils avaient ainsi été nommés « troupeau de la Rivière-George » au début des années 1970.

Pour conclure sur le sujet de l’occupation des territoires par les caribous dans les années passées, il semble que la description initiale de Low et les révisions ultérieures d’Elton et Audet étaient des estimations justes qui recoupaient probablement quelque peu l’étendue utilisée aujourd’hui par les trois troupeaux principaux, comme l’a récemment démontré le suivi par satellite.

4.3 Identification des écotypes, troupeaux et hardes de caribous du Québec

Le terme « troupeau » était auparavant utilisé pour décrire un groupe de caribous qui utilisaient les mêmes zones d’hivernage. De nos jours, il décrit plutôt les populations de caribous qui utilisent le même terrain de mise bas. Les populations forestières sont appelées « hardes ». Lorsqu’on parle d’écotype, on désigne l’ensemble des populations de caribous qui utilisent le même écosystème. On reconnaît trois écotypes de caribous

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dans le Nord-du-Québec : migrateur-toundrique, montagnard et forestier. L’écotype migrateur-toundrique comporte deux troupeaux, soit le troupeau de la Rivière-George et le troupeau de la Rivière-aux-Feuilles alors que l’écotype montagnard n’est représenté que par le troupeau des Monts-Torngat. L’écotype forestier serait composé de plusieurs hardes. La figure 2 illustre la distribution géographique des troupeaux et des hardes.

Malgré l’évolution de nos connaissances sur les populations nordiques, la classification des sous-espèces demeure problématique. Banfield (1961) avait établi le statut des diverses sous-espèces de caribous et de rennes du monde entier. À partir d’un nombre limité d'échantillons, il a porté un jugement sur la population de caribous de la péninsule Québec-Labrador et a émis l'hypothèse selon laquelle tous les caribous du Québec appartenaient à la sous-espèce du caribou forestier (Rangifer tarandus caribou).

Malheureusement, cette conclusion ne semble plus refléter la réalité actuelle du Nord du Québec, qui abrite maintenant des centaines de milliers de caribous migrateurs- toundriques n’ayant rien en commun d’un point de vue comportemental avec leurs cousins forestiers qu’on trouve au sud du Québec et ailleurs en Amérique du Nord. Les caribous du Québec ont évolué en isolation depuis assez longtemps pour exhiber un caractère différent des autres caribous d’Amérique du Nord. Le statut de sous-espèce des caribous du Québec doit maintenant être remanié complètement et les nouvelles techniques, par exemple l’identification par l’ADN, pourraient clarifier le statut génétique des sous- populations du Québec.

Geist (1998) était en désaccord avec la classification de Banfield fondée sur les crânes de caribous, car ils sont malléables en fonction de leur environnement. Il propose plutôt une nouvelle classification taxonomique fondée sur le pelage des grands mâles en automne.

Geist (1998) était particulièrement convaincu que le caribou du type « toundra » qui se trouve dans le nord de la péninsule Québec-Labrador ne devrait pas être confondu avec le caribou forestier. Il réutilisait la nomenclature proposée par son prédécesseur (Allen 1914) pour donner un statut unique et distinct de sous-espèce aux caribous de la toundra du Québec et du Labrador : Rangifer tarandus caboti. Allen (1914), Bergerud et Luttich (1999) ont suggéré que pendant le dispersement post-glacial, les animaux pouvaient avoir atteint l’Ungava non seulement par le sud mais également par le nord, via les îles de Southhampton, Coats et Mansel qui étaient libérées des glaces il y a 7 000 ans.

(32)

22

Figure 2. Distribution annuelle des caribous dans le nord du Québec

(33)

Les travaux de Courtois et al (2001b) ont permis de clarifier quelque peu la classification des caribous du Nord-du-Québec. Leurs travaux ont révélé des différences génétiques entre les hardes forestières et le troupeau de la Rivière-George. Ces travaux ne comportaient malheureusement pas d’échantillon du troupeau de la Rivière-aux-Feuilles, du troupeau des Monts-Torngat, ni des hardes forestières du Labrador. En intégrant des échantillons de ces populations, en plus des connaissances comportementales que nous possédons, il y a fort à parier que nous pourrions revoir la classification proposée par Banfield et Geist.

Quoiqu’il en soit, les connaissances actuelles suggèrent que les caribous forestiers, les deux troupeaux migrateurs-toundriques (TRG et TRAF), ainsi que le troupeau montagnard des Monts-Torngat sont bel et bien des entités démographiques distinctes. Ce plan de gestion tiendra donc compte des trois écotypes de caribous : le caribou de la toundra, le caribou montagnard et le caribou forestier.

Les sections suivantes présenteront la base des connaissances actuelles sur chaque troupeau ou harde de caribous.

4.4 Le troupeau de la Rivière-George

Il tient son nom du terrain de mise bas qui couvre la région de la rivière George au Québec, au nord du 57° N.

4.4.1 Population, mortalité, recrutement et taux de croissance démographique

Tel que démontré précédemment, les récits des voyages des explorateurs du passé indiquaient clairement que les populations de caribous de la péninsule Québec-Labrador avaient considérablement décliné au tournant du XIXe siècle. Pour illustrer l’ampleur de cette diminution, le naturaliste Elton (1942) faisait observer que 13 567 peaux de caribous avaient été échangées dans les missions moraves du Labrador à Hebron et Okak entre 1894 et 1903, et aucune entre 1914 et 1923 (tableau 2). En analysant les journaux de la Compagnie de la Baie d’Hudson, Luttich (1983) a démontré qu’aucun journal de poste de traite des régions du Haut-Ungava et du Labrador ne faisait référence à une population importante de caribous occupant le secteur entre 1925 et 1942. Dans cette analyse historique, l’auteur indiquait également que, pendant cette même période, très peu de loups, sinon aucun, avaient été repérés ou récoltés et que pratiquement aucun carcajou

(34)

24

n’avait été repéré ou récolté, suggérant là encore que les populations de caribous étaient en faible densité. Néanmoins, Luttich (1983) a remarqué que des augmentations mineures des populations de caribous vers la fin des années 1920 et 1930 avaient été accompagnées d’une augmentation de la chasse et de la prédation.

Les naturalistes, notamment Elton (1942) et Rousseau (1950 et 1951), ont sonné l’alarme à propos des populations de caribous dans les années 1940 et 1950. Rousseau (1950 et 1951) a révélé l’un des nombres les plus pessimistes, estimant à 3 500 la population totale de caribous de la toundra, et a déclaré que l’espèce pourrait disparaître complètement de cette région. Certaines hypothèses ont été émises afin d’expliquer cette baisse. L’arrivée des armes à feu modernes, les températures plus élevées (Crête et Payette 1990), une augmentation des incendies dans la toundra, la surutilisation de l’habitat, les maladies ou les parasites sont autant de facteurs possibles. En fait, il est probable qu’une combinaison de facteurs, y compris la surutilisation de l’habitat saisonnier, soit l’explication la plus plausible.

Les inventaires aériens hivernaux ont commencé au milieu des années 1950 et se sont poursuivis pendant les années 1960 et 1970. Toutefois, les connaissances insuffisantes sur la migration et l’occupation du territoire à cette époque ainsi que le chevauchement des territoires respectifs des troupeaux en hiver ont empêché la formulation d’énoncés précis sur les tendances démographiques des troupeaux. Jusqu’aux années 1970, les tendances étaient plutôt observées à l’échelle de la péninsule entière. Ce n’est qu’en 1976 qu’un inventaire a dénombré uniquement le troupeau de la Rivière-George (révisé par Juniper en 1982). Les résultats de cet inventaire et certaines données démographiques recueillies depuis 1976 sont présentés dans le tableau 3. D’autres inventaires ont été effectués en 1980 (Juniper 1980) et 1982 (Goudreault 1982) à partir d’un décompte visuel sur le terrain de mise bas à la mi-juin. Ces inventaires ont confirmé la croissance du troupeau. En 1984, les méthodes d’inventaire ont changé et l’inventaire photographique aérien a fait son entrée, toujours sur le terrain de mise bas à la mi-juin. Après cinq inventaires consécutifs à deux ans d’intervalle de 1980 à 1988, il y a eu une pause de cinq ans avant le suivant. Faisant suite à une période d’incertitude quant à la taille du troupeau, un projet d’envergure majeure a été lancé en 1993. Ce projet a donné lieu à une concertation des efforts de nombreux partenaires dans le domaine de la conservation du caribou, en particulier le ministère de la Défense nationale, mais aussi le gouvernement de Terre-Neuve et Hydro-Québec, afin d’effectuer deux inventaires indépendants au cours de

(35)

l’été 1993. L’un de ces inventaires, celui de 1993 (Couturier et al. 1996), était fondé sur la méthode de photographie des terrains de mise bas utilisée depuis 1984; la méthode avait cependant été améliorée sur le plan technique (utilisation du GPS, ordinateurs à bord des appareils, altimètre radar, etc.). Un deuxième inventaire indépendant a été effectué en juillet 1993 (Russel et al. 1996) et portait sur les grands rassemblements post mise bas suivant la période de harcèlement par les insectes en juillet. Les résultats de l’inventaire de juillet 1993 (Rivest et al. 1998; Russell et al. 1996) étaient très similaires à ceux de juin 1993. Par conséquent, les deux estimations ont été combinées. L’estimation finale de la taille du TRG pour 1993 s’élève à 775 891 caribous, avec un intervalle de confiance de 13,4 % (Couturier et al. 1996). Un autre inventaire a été effectué en juillet 2001, employant la technique post mise bas. Les résultats nous laissent supposer que la population du troupeau a diminué de quelque 50 % et s’élève maintenant à 385 000, avec un intervalle de confiance de 28 % (Couturier et al. 2004).

Les résultats des inventaires sont corroborés par des travaux indépendants et par les données de récolte sportive. Des analyses dendrochronologiques des marques sur les racines de conifères effectuées à l’Université Laval confirment la rareté du TRG entre le début du XXe siècle et les années 1960, l’augmentation rapide de leur nombre au cours des années 1970 et 80, et leur déclin prononcé par la suite (Boudreau et al. 2002;

Morneau et Payette 1998, 2000). En regardant de plus près les rapports de récolte sportive (tableau 7), on peut constater que les récoltes de caribous sont plus élevées lorsque les populations de caribous sont plus élevées.

Les années 1970 marquent le début de la collecte de renseignements permettant d’évaluer le recrutement. En théorie, le recrutement représente le nombre de jeunes caribous qui entrent dans le segment exploité. Le meilleur indice de recrutement annuel est le pourcentage de faons au printemps (9-10 mois). Le pourcentage de faons à l’automne est aussi utilisé puisque la mortalité hivernale est peu élevée. Le rapport de

« faons par 100 femelles » pendant la période de rut en octobre est la base la plus communément utilisée au Québec.

(36)

26

Tableau 3. Données sur la démographie du troupeau de la Rivière-George Année Taille estimée

du troupeau

Méthode Int, de Conf, % (p=0,10)

Auteur de l'inventaire

Aire de répartition

(km2)

Densité (caribous/

km2)

Faons/

100 femelles (à l'automne)

73-74 5,7

74-75 46,5

75-76 50,8

76-77 176 596 (Juin, excl. les

faons)

Visuel Révisé par

Juniper (1982)

160 000 1,10 49,3

77-78 55,9

78-79 47,9

79-80 47,4

80-81 294 506 (Juin, excl. les

faons)

Visuel 21,8 Juniper (1980) 195 000 1,51 54,7

81-82 57,2

82-83 271 060 (Juin, excl. les

faons)

Visuel 21,8 Goudreault (1982)

54,1

83-84 51,4

84-85 643 600 (Oct., incl. les

faons)

Photo (mise bas)

25,0 Goudreault (1984), révisé par Crête et al.

(1991)

442 000 1,46 38,0

85-86 38,8

86-87 283 300 (Oct., incl. les

faons)

Photo (mise bas)

39,0 Crête (1986), révisé par Crête

et al. (1991)

40,5

87-88 39,7

88-89 682 100 (Oct., incl. les

faons)

Photo (mise bas)

36,0 Crête et al.

(1991)

31,5

89-90 35,1

90-91 26,4

91-92 31,2

92-93 24,5

93-94 775 891 (Oct., incl. les

faons)

Photo (mise bas et

post m.b.)

13,4 Couturier et al.

(1996)

700 000 1,11 42,4

94-95 35,4

95-96 25,5

96-97 34,5

97-98 30,9

98-99 42,0

99-00

00-01 17,0

01-02 385 000 Photo (post m.b.)

Couturier et al.

(2004)

422 000 0,91 44,7

(37)

Les changements dans la taille du TRG ont incité les biologistes à faire une priorité de l’étude du recrutement au sein du troupeau de la Rivière-George. De 1973 à 1983 inclusivement, le rapport de « faons par 100 femelles » à l’automne était en moyenne de 51,9 (tableau 3), ce qui faisait du troupeau de la Rivière-George l’un des plus productifs en Amérique et expliquait sa croissance rapide. Depuis l’automne 1984, ce rapport a été légèrement supérieur à 39 pendant cinq années seulement (1986, 1987, 1993, 1998 et 2001); il s’agit là du niveau auquel le TRG est considéré comme stable suivant l’analyse démographique de Crête et al (1996).

La mortalité naturelle atteint près de 10 % annuellement. Les principales causes sont la prédation, les maladies, les accidents, les noyades, etc. Le loup est le principal prédateur du caribou mais on ne connaît que peu de choses sur leur relation prédateur-proie dans le Nord du Québec. La mortalité des adultes ne peut expliquer à elle seule les variations interannuelles notées dans l'évolution démographique des troupeaux. La baisse notée du TRG est donc en grande partie reliée à la baisse de la productivité des femelles ou à la mortalité plus élevée des faons.

De 1973 à 1993, le taux d’accroissement annuel du troupeau de la Rivière-George a voisiné les 15 %. Certains spécialistes estiment que les taux d’accroissement réel se sont situés plutôt entre 10 et 14 %. Ces valeurs sont supérieures à celles estimées pour d’autres troupeaux nord-américains qui cohabitent avec le loup. Le taux d’accroissement élevé observé avant 1984, quoique spectaculaire, n’est pas un fait unique en Amérique du Nord. En effet, d’autres troupeaux ont également connu des phases d’accroissement relativement rapide. Par contre, ce qui semble exceptionnel, c’est le niveau maximum de population atteint par le troupeau. La dynamique d’un troupeau de caribous se caractérise très souvent par une évolution en dents de scie montrant des variations très importantes dans le nombre de bêtes.

4.4.2 Santé et condition physique

À la suite des observations de Couturier et al (1984, 1988a, 1988b, 1989 et 1990), Huot (1989), Vandal et Huot (1989) et Huot et Goudreault (1985), biologistes et utilisateurs s’accordaient pour reconnaître que la condition physique des caribous de la Rivière- George était inadéquate dans les années 1980. Certaines observations indiquaient même des problèmes pendant la saison estivale. La condition physique des caribous s’était

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détériorée tant sur le plan de la taille du squelette qu'au niveau des réserves de protéines et de graisses. La longueur de la mâchoire inférieure chez la femelle adulte a diminué de 1,2 cm de 1963 (Bergerud 1967) à 1985-86 (Couturier et al. 1988a). La masse des femelles gravides à la fin de l’hiver a également diminué, de 101,8 kg en 1976 (Drolet et Dauphiné 1976), à 93,4 kg en 1980 (Parker 1981) et à 85,6 kg en 1984-86 (Huot et Goudreault 1985; Couturier et al. 1988a). Tandis que la masse des carcasses éviscérées de femelles adultes allaitantes était de 48,5 kg en 1988 (Crête and Huot 1993) et de 51,7 kg en 1993 (Manseau 1996), elle a ensuite augmenté à 57,1 kg en 2001 (S.

Couturier, comm. pers.1). De même, le poids vif des faons à la fin juillet est passé de 18,8 kg en 1988 (Crête et Huot 1993) à 18,1 kg en 1993 (Manseau 1996), pour finalement atteindre 29,3 kg en 2001 (S. Couturier, comm. pers.). Encore reste-t-il à savoir si la bonne condition physique observée en 2001 est un indicateur des années à venir.

4.4.3 Migration et utilisation de l’habitat

Depuis 1954, des tentatives ont été effectuées pour déterminer la distribution des caribous du troupeau de la Rivière-George. Les premiers travaux ont permis de conclure que les déplacements des caribous de ce troupeau étaient plutôt limités et ne s’étendaient pas à l'ouest de la rivière à la Baleine. Les premières études radio-télémétriques ont commencé au début des années 1970 (Dauphiné et al. 1975). Les déplacements des bêtes munies de colliers-émetteurs ont révélé que le territoire couvert annuellement par le troupeau de la Rivière-George a plus que triplé entre 1970 et 1985. De 160 000 km2 en 1971-1975, sa superficie a augmenté à 195 000 km2 entre 1976 et 1980, puis a atteint près de 550 000 km2 en 1984, ce qui équivaut à la superficie de la France. Le territoire couvert annuellement par les caribous a finalement cessé d’augmenter après avoir atteint les 800 000 km2 aux environs de 1991 à 1993 (figure 3). Ceci a permis à de nouveaux utilisateurs d’avoir accès à cette ressource. Par exemple, les Cris de la Baie-James et les Inuits de la péninsule d’Ungava ont observé de grandes hardes de caribous qui passaient une partie de l’hiver près de la côte est de la baie d’Hudson et de la Baie-James, et même aux abords de la banquise près de la rive. Cependant, les données-satellite provenant des colliers-émetteurs ont démontré que le territoire couvert annuellement a rétréci depuis

1 Ministère des Ressources naturelles et de la Faune - secteur Faune Québec

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1994 et ne fait plus que 400 000 km2 environ en 2001. Cette réduction est compatible avec l’hypothèse (Bergerud 1993) selon laquelle le TRG retournerait à ses habitats originaux sur le plateau toundrique de part et d’autre de la rivière George lorsque sa population est en déclin. Le TRG occupe présentement la portion est de la péninsule Québec-Labrador, de la rivière aux Feuilles à la côte du Labrador, et au sud jusqu’au réservoir Caniapiscau.

Figure 3. Évolution de l'aire de répartition annuelle du troupeau de la Rivière-George

À partir des données antérieures sur la répartition du troupeau (compilées par Messier et Huot 1985), il a été possible d’estimer l'aire annuelle occupée par le TRG ainsi que sa densité globale (tableau 3). Ainsi, il est à noter que la densité de la population de caribous

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est demeurée relativement stable, à environ 1,1-1,5 caribou/km2 au cours de la période entre 1976 et 2001.

Les migrations entre la toundra et la taïga sont des traditions apprises au fil des ans par un troupeau comme celui de la Rivière-George. Des changements annuels dans le déclenchement, l’amplitude ou la direction des migrations peuvent refléter, d’une part, des variations dans les conditions de neige ou de glace, qui modifient la disponibilité de la nourriture et, d’autre part, l’expansion démographique du troupeau. Le troupeau de la Rivière-George affiche actuellement les symptômes d’une migration hésitante et irrégulière, les départs des sites traditionnels semblent se faire de plus en plus tôt, ce qui ajoute à la difficulté de comprendre et de prévoir les migrations.

Ailleurs en Amérique du Nord, les troupeaux de caribous migrent généralement dans un axe nord-sud passant, selon les saisons, de la toundra à la taïga, tout en traversant régulièrement la limite des arbres qui s’étend habituellement sur un axe est-ouest. Le troupeau de la Rivière-George migre également entre la toundra et la taïga mais dans un axe est-ouest à cause de l’orientation particulière de la limite des arbres (figure 4). Les femelles se déplacent vers l’est pour atteindre les plateaux toundriques à l’est de la rivière George lors de la mise bas, puis reviennent vers l’ouest pour compléter leur cycle annuel.

Mise à part la fidélité annuelle pour les terrains de mise bas, nul ne peut prédire de façon certaine les déplacements des grands troupeaux de caribous. Pour deux hivers consécutifs, la distance moyenne entre deux localisations télémétriques d'une femelle adulte se situe entre 400 et 450 km (Schaefer et al. 2000). En soit, ceci aide à comprendre que les variations dans l'abondance interannuelle qu'on peut observer localement sur le terrain ne sont pas uniquement liées à la taille du troupeau mais aussi à des variations dans le patron de migration.

Des études effectuées sur l’habitat d’été démontrent que le broutement intense, associé au haut niveau de population du troupeau de la Rivière-George depuis la fin des années 1980, a entraîné une importante détérioration du milieu. Les lichens (Crête et al. 1989) et les bouleaux nains (Crête et al. 1998) sont très fortement broutés, contrairement aux mousses et graminées qui constituent une nourriture de moindre qualité (Manseau 1996).

Globalement, on estime que la productivité de ces milieux est réduite de plus de 50 % (Manseau et al. 1996) comparativement à des secteurs peu utilisés. Nous estimons que la

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Figure 4. Principaux patrons de migration pour le troupeau de la Rivière-George et le troupeau de la Rivière-aux-Feuilles (basé sur le suivi des bêtes par collier satellite entre 1991 et 2002)

LÉGENDE Troupeau de la Rivière-aux-Feuilles Troupeau de la Rivière-George

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mauvaise qualité de l’habitat d’été aurait entraîné une baisse de productivité des femelles dans les années 1980 et aurait contribué à réduire le troupeau de la Rivière-George.

4.4.4 Terrains de mise bas

Le terrain de mise bas se situe à l’est de la rivière George, sur les hauts plateaux toundriques. La localisation de ce site est relativement stable depuis plusieurs années (figure 6). Bien qu’aucune étude spécifique n’ait encore été réalisée sur le sujet, les observations préliminaires portent à croire que les sources de nourriture y sont rares et de piètre qualité. Les caribous doivent s’alimenter intensément dans les quelques îlots de graminées et de cypéracées de l’année précédente qui pointent encore à travers la neige.

Un printemps tardif et un important couvert nival, qui atteint parfois plus de 70 %, comme en juin 1986, aggravent encore plus les problèmes de recherche de nourriture.

Sans compter les faons naissants, la densité sur l’aire de mise bas a augmenté de 4,1 à 23 caribous par km2 entre 1974 et 1984, ce qui expliquerait la surutilisation de la strate alimentaire.

La croissance significative de la population de caribous et la surutilisation de l’habitat ont entraîné une expansion rapide du terrain de mise bas, dont la superficie a triplé : de 8 990 km2 en 1984, il a atteint 15 318 km2 en 1986, puis 20 250 km2 en 1987. Lors du dernier relevé du terrain de mise bas en 1993, sa superficie était de 21 048 km2 (strates supérieure et médiane; Couturier et al. 1996). L’expansion s’est produite surtout à l’ouest, en direction de la rivière George.

4.5 Le troupeau de la Rivière-aux-Feuilles

À l’époque de la découverte du troupeau de la Rivière-aux-Feuilles, en 1975, les femelles mettaient bas sur les rives de cette rivière, d’où le nom donné au troupeau. Bien que le terrain de mise bas ne soit plus situé à cet endroit, le nom a été conservé.

4.5.1 Population, mortalité, recrutement et taux de croissance démographique

Suivant une période d’abondance vers la fin du XIXe siècle, on a rarement rapporté la présence d’un troupeau à l’ouest de la baie d’Ungava au cours de la première moitié du XXe siècle. Pour la première fois en 1975, le troupeau de caribous de la Rivière-aux-

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