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4. Le caribou nordique et son écologie : hier et aujourd’hui

4.5 Le troupeau de la Rivière-aux-Feuilles

À l’époque de la découverte du troupeau de la Rivière-aux-Feuilles, en 1975, les femelles mettaient bas sur les rives de cette rivière, d’où le nom donné au troupeau. Bien que le terrain de mise bas ne soit plus situé à cet endroit, le nom a été conservé.

4.5.1 Population, mortalité, recrutement et taux de croissance démographique

Suivant une période d’abondance vers la fin du XIXe siècle, on a rarement rapporté la présence d’un troupeau à l’ouest de la baie d’Ungava au cours de la première moitié du XXe siècle. Pour la première fois en 1975, le troupeau de caribous de la

Rivière-aux-Feuilles était identifié après la découverte d’un terrain de mise bas le long de cette rivière (Le Hénaff 1976). À cette époque, on estimait que 21 000 caribous femelles avaient mis bas dans la région au sud du lac Payne. Un inventaire tenu en 1983 (Le Hénaff 1983) a révélé que 32 812 ± 6 541 femelles adultes se trouvaient sur le terrain de mise bas, ce qui représentait une augmentation d’environ 60 % par rapport à l’inventaire précédent. En 1986, on dénombrait 45 981 ± 4 450 femelles sur les terrains de mise bas, ce qui permettait d’estimer à 106 015 ± 11 451 la population totale du troupeau de la Rivière-aux-Feuilles en automne (Crête et al. 1987). Cependant, Crête et al. (1991, p. 148) mentionnaient que l’estimation de la population totale de l’automne 1986 était faussée en raison de l’absence de bêtes munies de colliers émetteurs. Ce troupeau semble avoir connu une croissance entre 1975 et 1986 étant donné l’augmentation du nombre de femelles sur le terrain de mise bas. Entre 1975 et 1983, cette augmentation était d’environ 7 % annuellement tandis qu’elle se situait autour de 13 % entre 1983 et 1986.

En juin 1991, un inventaire photographique démontrait que le troupeau comptait 276 000 ± 27,5 % caribous, incluant les faons (Couturier et al. 2004). L’inventaire le plus récent, effectué en juillet 2001 selon la technique post mise bas, a démontré une nouvelle augmentation. Le troupeau atteindrait maintenant les 628 000 (population d’automne, y compris les faons), ce qui en fait le plus grand troupeau du Québec (Couturier et al. 2004).

4.5.2 Santé et condition physique

Nous avons peu de renseignements sur la condition physique du troupeau de la Rivière-aux-Feuilles. Les résultats préliminaires d’une étude en cours nous permettent de comparer la condition physique de ce troupeau avec sa condition de 1988. Vers la fin de juillet 1988, la masse des carcasses éviscérées de femelles adultes allaitant était de 57,9 kg (Crête et Huot 1993). Les résultats préliminaires de l’étude en cours indiquent une diminution à 48,7 kg (S. Couturier, comm. pers.1). La masse des faons vivants à la fin juillet avait baissé de manière similaire, passant de 24,7 kg en 1988 (Crête et Huot 1993) à 21,8 kg en 2001 (S. Couturier, comm. pers.). Il reste à déterminer si ces résultats sont indicateurs d’une seule mauvaise année ou si ils sont précurseurs d’une tendance à la baisse dans la condition physique de ce troupeau. Si cette dernière s’avérait vraie, cela

1 Ministère des Ressource naturelles et de la Faune – Secteur Faune Québec

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pourrait indiquer que le troupeau atteindrait prochainement sa taille maximale avant d’entrer dans une phase de déclin.

4.5.3 Migration et utilisation de l’habitat

Depuis la description de Low en 1896, il semble que l’occupation du territoire par les caribous de la péninsule Québec-Labrador ait changé. Pendant plusieurs années, nous avons remarqué que les caribous du TRAF se sont rendus de plus en plus loin au sud lors de leur migration hivernale (figure 5). Nous sommes témoins d’une expansion de leur territoire en conséquence de la croissance de la population. Le TRAF partage une partie de son territoire d’hiver, à l’ouest du réservoir Caniapiscau, avec le troupeau de la Rivière-George. En mars ou en avril, le TRAF commence sa migration vers le nord en direction du terrain de mise bas situé dans la partie nord de la péninsule d’Ungava.

Le TRAF occupe maintenant la portion ouest de la péninsule Québec-Labrador, migrant des secteurs nordiques du territoire qu’il occupe en été jusqu’à la région de la Baie-James pour l’hiver (figure 4).

4.5.4 Terrains de mise bas

À chaque règle son exception, dit-on. Le troupeau de la Rivière-aux-Feuilles en est un bon exemple car il ne respecte pas la règle de la nomenclature reliée au terrain de mise bas.

La raison est simple mais à la fois intéressante du point de vue de l'écologie de ce troupeau. Lorsque le TRAF fut découvert, les femelles donnaient naissance près de la rivière aux Feuilles, d’où le nom qui lui fut donné à l’époque (Le Hénaff 1976). Sans le savoir, Le Hénaff assistait à la naissance d’un nouveau troupeau.

Figure 5. Évolution de l'aire de répartition annuelle du troupeau de la Rivière-aux-Feuilles

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De 1975 au milieu des années 1990, mais peut-être aussi un peu avant, le terrain de mise bas se déplaça vers le Nord d'environ 400 km². Aujourd'hui, on trouve le terrain de mise bas du TRAF, un terrain d'environ 20 000 km2, dans la région du cratère du Nouveau-Québec, au nord de la péninsule d'Ungava. La figure 6 présente la marche lente mais inexorable des femelles du TRAF dans leur recherche d’un habitat plus favorable pour la mise bas. La raison et les facteurs écologiques en cause sont complexes mais passent probablement par la recherche d’un habitat présentant moins de risques pour la prédation des nouveau-nés. Les secteurs utilisés par le TRAF depuis le milieu des années 1990 sont montagneux et plus éloignés encore de la limite des arbres où les probabilités de rencontrer les loups sont plus élevées. Comme dans l’exemple du TRG où les femelles se réunissent traditionnellement sur un habitat détérioré mais qui protège les faons, les femelles du TRAF sont aussi capables de bien des sacrifices pour assurer une meilleure chance de survie à leur progéniture.

Il faudrait actualiser la protection qui est accordée à l’aire de mise bas car la protection actuelle est basée sur la localisation de 1991, date du dernier inventaire.

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