———————————————–
Des extensions galoisiennes à groupes de Galois d’ordres plus grands que leurs degrés
———————————————–
Etant donnée une extension finieL/Kde corps commutatifs, il ebien connu que l’on a tou- jours|AutK(L)| ≤[L:K] et qu’il y a égalité si et seulement si l’extensionL/Kegaloisienne. Dans le cas non commutatif ce résultat n’eplus vrai en général. Nous allons donné ici des exemples de situations où |Gal(L/K)| >[L :K]. Pour le leeur non familisarisé avec la théorie des corps gauches, nous rappellerons enitaliqueles éléments importants de la théorie nécessaires à la bonne compréhension du texte.
(La notion d’extension galoisienne en toutes généralités eà considérer du point de vue artinien : une extension L/Ksera dite galoisienne si le corps des invariants deLpar le groupeAutK(L)eégal au corpsK. Dans le cas non commutatif, la notion de groupe de Galois ereliée à celle de N-groupe : siLeun corps de centreC, on dit d’un groupe d’automorphismeGdeLque c’eun N-groupe si l’ensembleA={a∈L∗/ I(a)∈G} ∪ {0}eun corps (ici I(a)désigne l’automorphisme intérieur deLassocié à l’élémenta). Le groupe de Galois d’une extension galoisienne L/K eun N-groupe, le corpsAassocié étant jue le centralisateur du corpsK dansL. On a réciproquement la proposition suivante, qui conitue un analogue du théorème d’Artin : soitGun N-groupe d’automorphismes deL, G0={I(a)/ a∈A}le sous-groupe deGcomposé des automorphismes intérieurs etKle corps des invariants deLpar G. On a
[L:K]g= [L:K]d= [G:G0][A:C]
(les degrés désignent les dimensions deLen tant queK-e.v gauche et droite) et lorsque ces dimensions sont finies, on aGal(L/K) =G. La quantité[G:G0][A:C]eappelée "l’ordre réduit" deG. On dit d’une extension galoisienne qu’elle eintérieure (resp. extérieure), siG=G0(resp.G0= 1).)
Théorème.—SoitL/Kune extension galoisienne de groupe de GaloisGfini. On a[L:K]≤ |G|et [L:K] =|G| ⇐⇒L/Kextérieure
Si[L:K]<|G|alors le centreCdeLenécessairement un corps fini, disonsC=Fq, et il exie un entiern≥2tel que
n.|G|= qn−1 q−1
! .[L:K] En particulier :
a) SiCeinfini, alorsL/Keextérieure et[L:K] =|G|.
b) Le sous-groupe deGconitué des automorphismes intérieurs eabélien.
Preuve : Soit G0 le sous-groupe deGcomposé des automorphismes intérieurs. PosonsA={a∈ L/ I(a)∈G0} ∪ {0}, il s’agit d’un sous-corps deL et l’on voit queG0'A∗/C∗. PuisqueGe fini, A∗/C∗l’eaussi et donc, il exie une famille finiea1,· · ·, an∈Ltelle que
A∗=a1C∗t · · · tanC∗
On en déduit que, en tant queC-espace veoriel, le corpsAela réunion dendroites veo- rielles diines deux à deux. SiCeinfini, ceci n’epossible que sin= 1 et l’on a doncG0= 1, ce qui assure queL/Keextérieure et que [L:K] =|G|.
SiC=FqalorsAeaussi un corps fini et il exie donc un entiern≥1 tel queA=Fqn. On a alors
[L:K] = (G:G0).[A:C] = (|G|/|G0|).[Fpn:Fp] =|G| q−1
qn−1.n≤ |G|
On voit alors que, dans cette situation, l’égalité [L:K] =|G|équivaut àn= 1, c’e-à-direA=C ou encore G0 = 1 (i.e. L/K e extérieure). L’égalitén.|G| =qn−1
q−1
.[L : K] découle de l’égalité précédente. Le a) eévident et le b) vient du fait que siG0,1, alorsG0s’identifie àF∗
qn/F∗
q pour un certain entiern≥2.
——–
Il convient de remarquer que pour toutq=ph≥2, puissance d’un nombre premier, et tout entiern≥1, il exie une extension galoisienne intérieureL/Kde groupe de Galois finiGtelle que
n.|G|= qn−1 q−1
! .[L:K]
Considéronsα=fhl’itéréeh-ième du frobénius dansFqet le corps de fraions torduesK = Fq(T , α).
(Etant donné un corpsk et un automorphismeα dek, l’anneau de polynômes tordusk[T , α] edéfini comme l’ensemble des polynômesTnan+· · ·+a0muni du produit qui vérifieaT =T α(a). Cet anneau possède un corps de fraions :k(T , α). Tout élément de ce corps peut s’écrire sous la formeP Q−1oùP etQsont deux polynômes.)
Le centreC deK eégal àFq: considéronsR=P Q−1 un élément non nul deC avecP etQ des polynômes. Par centralité, on a QR=RQ, ce qui implique queP Q =QP et, par suite, que P Q−1 =Q−1P. On a donc, pour tout x∈Fq, xP Q−1 =P Q−1x=Q−1P x et doncP xQ =QxP. Si P(T) =Tnan+· · ·+a0etQ(T) =Tmbm+· · ·+b0, on voit alors en regardant le terme de degrén+m des produits queαm(an)αm(x)bm=αn(bm)αn(x)an. On en déduit que, pour toutt∈Fq, on a
αm−n(t) =
αm(a−n1)αn(bm) t
anbm−1
Ainsi,αm−neun automorphisme intérieur etαm(a−n1)αn(bm) =bma−n1. Puisqueαed’ordre infini et queFqecommutatif, aucune des puissances non nulles deα n’eintérieure. On en déduit donc quen=met qu’il exieλ∈F∗
qm tel quebm=λam.
Pour 0≤d≤m−1, le terme de degrém+ddeP xQ−QxP vaut X
i+j=m+d
αj(x)h
αj(ai)bj−αj(bi)aji
=
m
X
j=d
αj(x)h
αj(am+d−j)bj−αj(bm+d−j)aji
Le lemme de Dedekind assure alors que chaque terme de cette somme enul et donc, en prenant j=m, on en déduit queαm(ad)bm=αm(bd)am. Ceci prouve quebd=λadet finalement queP Q−1= λ∈Fqm. On vient donc de montrer queC⊂Fq, mais les seuls éléments deFqqui commutent avec T sont les éléments deFq, ceci montre finalement queC=Fq.
Considérons maintenant un entiern≥1 et posons G0={I(a)/ a∈Fqn}
Ce groupe eunN-groupe d’automorphismes deK. En effet, siR0∈A∗={R∈K/ I(R)∈G0}alors il exiea∈Fqn tel queI(R0) =I(a) et donc il exieλ∈C=Fqtel queR0=λa∈Fqn. Ceci montre aussi que le corpsAassocié auN-groupeG0vautA=A∗∪ {0}=Fqn.
Si l’on note D0 le corps des invariants deK par G0, d’après la généralisation du théorème d’Artin, l’extensionK/D0egaloisienne (intérieure) de groupe de GaloisG0et l’on a
[K:D0] = (G0:G0)[A:C] = [Fqn:Fq] =n
Le groupe de Galois G0 étant isomorphe àA∗/C∗, il e cyclique et compte (qn−1)/(q−1)> n éléments, ce qui donne donc un exemple d’extension galoisienne à groupe fini d’ordreriement plus grand que le degré de l’extension.
En peut voir qu’en fait
D0=Fq(Tn, αn)
Il edéjà clair queTnétant invariant sous l’aion deG0, on a On aFq(Tn, αn)⊂D0. Pour voir l’inclusion réciproque, établissons préalablement un lemme :
Lemme.—Pour tout polynômeP ∈Fq[T , α]de degrém, il exie un polynômeP0∈Fq[T , α]non nul de degréh≤(n−1)mtel queP(T)P0(T)∈Fq[Tn, αn].
Preuve :Posons formellement
P(T) =Tmam+· · ·+a0
P0(T) =Thbh+· · ·+b0
on a alors
P(T)P0(T) = Xnm
d=0
Td
Xd
i=0
αi(ad−j)bj
Pour toutd= 0,· · ·, nm, considérons l’équation
(Ed) Xd
i=0
αi(ad−j)xj= 0
Le polynômeP0(T) vérifie le lemme si et seulement si le (h+ 1)-uplet (b0,· · ·, bh) esolution du syème d’équations {(Ed)}
0≤d≤nm, n-d. Ce syème e un syème linéaire de nm+ 1−(m+ 1) = (n−1)m=héquations àh+ 1 indéterminéesb0,· · ·, bh, il possède donc une solution non triviale, ce qui achève la preuve.
——–
Considérons maintenant une fraionR(T) =P(T)Q(T)−1∈Fq(T , α) et, grâce au lemme, prenons Q0∈Fq[T , α] tel queQ(T)Q0(T) =H(Tn) pour un certainH∈Fq[T , α]. On a alors
P(T)Q(T)−1=P(T)Q0(T)Q0(T)−1Q(T)−1=P(T)Q0(T)(Q(T)Q0(T))−1=A(T)H(Tn)−1 avecA(T) =P(T)Q0(T)∈Fq[T , α]. On a alorsR(T)∈ D0 ⇐⇒A(T)∈ D0, mais il e très facile de voir que A(T)∈ D0 si et seulement siA(T)∈ Fq[Tn, α], ce qui prouve finalement queD0 ⊂ Fq(Tn, αn).
Analogue commutatif.— On considère maintenant l’automorphisme trivialα =Id, si bien que Fq(T , α) s’identifie au corps classiqueFq(T) des fraions rationnelles à coefficients dansFq. On suppose ici que (n, q) = 1, l’extensionFq(T)/Fq(Tn) ealors galoisienne de groupeµn(Fq)⊂F
qϕ(n). On voit alors que dans les deux situationsα=Id, fh, les élémentsσ du groupe de Galois de l’extension de degrén,Fq(T , α)/Fq(Tn, αn), sont donnés par les formules
σ(T) =T a
σ(x) =xpour toutx∈Fq
avec
•siα=Id,a∈µn(Fq),
•siα=fh,a∈F∗
qn/Fq∗.
Ainsi, "tordre" l’extension usuelleFq(T)/Fq(Tn) par le frobenius ne change pas son degré mais fait grossir son groupe de Galois.
Dans la formule du théorème l’entierqn−1 q−1
représente l’ordre du sous-groupe des automor- phismes intérieurs. Dans notre exemple l’extension étant intérieure, on a
|G| = qn−1 q−1
!
[L:K] = n
On peut faire "grossir"G(et donc [L:K]) en "rajoutant" des automorphismes extérieurs. Ceci peut être fait de manière arbitraire en utilisant un analogue non commutatif de la méthode de Noether : considérons un groupeΓ d’ordrem, regardé comme étant plongé dansSm. On définit alors les corps
K1=Fq(X1, α) K2=K1(X2, I(X1)) K3=K2(X3, I(X2−1))
· · ·
Fq(X1,· · ·, Xm, α) =Km−1(Xm, I(Xm(−−1)1m))
Les éléments deL=Fq(X1,· · ·, Xm, α) sont des rapports de polynômes XXmkm· · ·X1k1λkm,···,k1
XXmkm· · ·X1k1µkm,···,k1
−1
DansL, on aXiXj=XjXi pour tout (i, j) et, pour touta∈k, on a aXmkm· · ·X1k1=Xmkm· · ·X1k1αkm+···+k1(a)
Le groupe symétrique Sm agît sur Fq(X1,· · ·, Xm, α) par permutation des variables. En effet, si σ∈Sm, alors on a
σ(Xmkm· · ·X1k1a.Xmlm· · ·X1l1b) = σ(Xmkm+lm· · ·X1k1+l1αl1+···+lm(a)b)
= Xσ(m)km+lm· · ·Xσ(1)k1+l1αl1+···+lm(a)b
= Xmkσ−1(m)+lσ−1(m)· · ·X1kσ−1(1)+lσ−1(1)αlσ−1(1)+···+lσ−1(m)(a)b
= Xkσ
−1(m)
m · · ·Xkσ
−1(1)
1 aXlσ
−1(m)
m · · ·Xlσ
−1(1)
1 b
= σ(Xmkm· · ·X1k1a).σ(Xmlm· · ·X1l1b)
Puisqueσ agît trivialement surFq, on voit queσcommute avecI(a) pour touta∈F∗
qn, si bien que le groupe d’automorphismes engendré parΓ etG0={I(a)/ a∈F∗
qn}s’identifie àG=Γ×G0.
Maintenant, aucun élément non trivial deΓ n’e intérieur. En effet, considéronsσ e une permutation non triviale, disons par exemple σ(X1) = X2. S’il exiait R∈ L telle queσ(X1) = I(R)(X1) on auraitX1R=RX2. On peut considérerRcomme une fraion rationnelle de la variable X1et à coefficients dansFq(X2,· · ·, Xm, α), et donc, on aurait
dX◦1(R) + 1 =dX◦1(X1R) =dX◦1(RX2) =dX◦1R
ce qui eabsurde.
Comme dans l’exemple précédent, on voit queG e un N-groupe fini et, si l’on noteK le corps des invariants deLpar l’aion deG, alorsL/K egaloisienne de groupeG. Le centre de L eégal à Fq (puisque le centre deK1 edéjà égal Fq). En reprenant le même argument que précédemment, on en déduit que
|G| = qn−1 q−1
! .m [L:K] = n.m