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Les soins sous contrainte dans la prise en charge de l anorexie mentale sévère chez l adulte

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Academic year: 2022

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(1)

HAL Id: dumas-03683483

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Submitted on 31 May 2022

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Les soins sous contrainte dans la prise en charge de l’anorexie mentale sévère chez l’adulte

Laura Gay

To cite this version:

Laura Gay. Les soins sous contrainte dans la prise en charge de l’anorexie mentale sévère chez l’adulte.

Médecine humaine et pathologie. 2017. �dumas-03683483�

(2)

AVERTISSEMENT

Cette thèse d’exercice est le fruit d’un travail approuvé par le jury de soutenance et réalisé dans le but d’obtenir le diplôme d’Etat de docteur en médecine. Ce document est mis à disposition de l’ensemble de la communauté universitaire élargie.

Il est soumis à la propriété intellectuelle de l’auteur. Ceci implique une obligation de citation et de référencement lors de l’utilisation de ce document.

D’autre part, toute contrefaçon, plagiat, reproduction illicite encourt toute poursuite pénale.

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Code de la Propriété Intellectuelle. Articles L 335.2-L 335.10

(3)

UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Faculté de Médecine PARIS DESCARTES

Année 2017 N° 185

THÈSE

POUR LE DIPLÔME D’ÉTAT DE

DOCTEUR EN MÉDECINE

Les soins sous contrainte dans la prise en charge de l’anorexie mentale sévère chez l’adulte

Présentée et soutenue publiquement le 05 octobre 2017

Par

Laura GAY

Née le 19 avril 1988 à Paris

Dirigée par Le Docteur Aurore Guy-Rubin

Jury :

M. Le Professeur Philip Gorwood, PU-PH………. Président M. Le Professeur Yann Le Strat, PU-PH

M. Le Professeur Jean-Claude Melchior, PU-PH Mme Le Docteur Aurore Guy-Rubin, CCA

(4)

« Avant d'en revenir à la culture je considère que le monde a faim, et qu'il ne se soucie pas de la culture; et que c'est artificiellement que l'on veut ramener vers la culture des pensées qui ne sont tournées que vers la faim. » Le théâtre et son double, Antonin Artaud

« Je ne veux pas comprendre. C'est bon pour vous. Moi je suis là pour autre chose que pour comprendre. Je suis là pour vous dire non et pour mourir. » Antigone, Anouilh

(5)

REMERCIEMENTS

Au jury

A Monsieur le Professeur Philip Gorwood, qui me fait l’extrême honneur de bien vouloir présider le jury de ma thèse. J’ai eu le grand privilège de travailler au sein de votre service et l’enseignement reçu pendant ce semestre a fait grandir mon intérêt pour les troubles du comportement alimentaire. Veuillez recevoir l’expression de mon profond respect.

A Monsieur le Professeur Yann Lestrat, qui me fait l’honneur de son jugement sur mon travail. Je vous en remercie sincèrement.

A Monsieur le Professeur Jean-Claude Melchior, qui me fait également l’honneur de consentir à juger la valeur de mon travail. Je vous en remercie avec gratitude.

A Madame le Docteur Aurore Guy-Rubin, qui a accepté de diriger mon travail de thèse. Je t’en remercie infiniment. J’ai beaucoup appris à tes côtés. Ma formation clinique et

psychopathologique te doit beaucoup.

A mes maitres tout au long de mon internat

Les professeurs Gorwood, Gaillard, Krebs, les docteurs Richard, Attala, Bosse, Thiriez, Ringuenet, Gaha, Jacob, Garnier, Alt, Limodin, Allio, Munch, Gauthier, Conversy, Dugravier et Larnaudie qui m’ont fait bénéficier de leur expérience clinique, thérapeutique et

institutionnelle. Je vous remercie vivement pour votre soutien, votre disponibilité et vos conseils durant ces quatre années d’internat.

Merci également à tous les médecins qui m’ont transmis leur savoir lors des cours, séminaires, et congrès.

Aux équipes des services hospitaliers qui m’ont accueilli au cours de mon internat. Vous m’avez beaucoup appris sur les patients et la vie institutionnelle. Merci pour votre accueil et votre confiance. Une pensée particulière pour Yannick, Anne-Solène, Laurence, Isabelle, Adeline, Yasmine, Florence, Pauline, Françoise, Lucie, Nadine, Audrey, Agathe, Josiane, Chloé, Cécile, Manu, Paul, Emilie, Delphine, Jehanne et Sylvie.

A ma famille

A mes parents, je les remercie pour leur soutien sans faille et de m’avoir donné goût à la psychiatrie

A ma sœur Adèle.

A Jean, qui nous a quitté trop tôt.

A Yvelise, Léa et Raphael.

A Olivier, Célia et Malo.

A Jeannine et André, à Nanou et Roger et à Babeth et Jean-Michel.

(6)

A mes amis De longue date

A Camille, présente depuis toujours, merci de ton amitié solide qui a traversé les épreuves du temps.

A Cécile ma CAP pour toujours.

A François, Charlie, Cassandra, Antoine, Edward et Laure.

A Julien, merci infiniment pour toute l’aide que tu m’as apportée pour ce travail. Merci aussi d’avoir été à mes côtés et de m’avoir soutenue pendant ces dernières années.

A Louise.

A Sophie.

A Anne.

Ceux rencontrés pendant mes études et mon internat

A Justine mon âme sœur, merci d’être là, merci pour ton soutien sans faille.

A Julie et Hélène, mes sous colleuses, mes amies, merci pour tous ces moments partagés pendant l’externat et la D4.

A Marie-Astrid mon piou-piou depuis la P2 !

A Laure, merci d’avoir été ma co-externe de choc et merci pour ton aide précieuse, ta patience et ton acharnement sur les logiciels Excel et Word.

A Raphael, le meilleur des co-internes !

A Damien, merci pour ton soutien et pour ton analyse très fine de ma/la vie.

A Xavier, merci d’être mon référent administratif ! A Samuel le poète…

A Laetitia, une belle amitié est née de notre semestre passé à la CMME.

A Aurore (encore), ma chef, mon modèle, mon amie.

A Elke.

A mes co-internes et collègues

Julie, Alexandra, Karim, Claire, Gratiane, Sophie, Claire et Rita. Merci pour tous ces moments partagés ensemble.

(7)

1

Liste des abréviations

AFDAS-TCA : Association Française pour le Développement des Approches Spécialisées des Troubles du Comportement Alimentaire

AFFEP : Association Française Fédérative des Etudiants en Psychiatrie ALAT : Alanine Aminotransférase

APA : American Psychological Association

APHP : Assistance Publique des Hôpitaux de Paris AS : Assistant Spécialiste

ASPDT : Admission en Soins Psychiatrique à la Demande d’un Tiers CCA : Chef de Clinique Assistant

CMME : Clinique des Maladies Mentales et de l’Encéphale CMP : Centre Médico-Psychologique

EHPAD : Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes FFI : Faisant Fonction d’Interne

HAS : Haute Autorité de Santé HDJ : Hôpital De Jour

IMC : Indice de Masse Corporelle

NICE : National Institute for Clinical Excellence OR : Odd Ratio

PEPS : Paris En Psychiatrie (association d’internes) QI : Quotient Intellectuel

RSA : Revenu de Solidarité Active SAU : Service d’Accueil des Urgences TCA : Troubles du comportement alimentaire

(8)

2

TABLE DES MATIERES

Liste des abréviations ... 1

TABLE DES MATIERES ... 2

INTRODUCTION ... 6

PREMIERE PARTIE ... 7

Chapitre 1 : Épidémiologie de l’anorexie mentale ... 7

1.1 Incidence ... 7

1.2 Prévalence ... 7

1.3 Evolution et mortalité ... 7

Chapitre 2 : Critères diagnostiques de l’anorexie mentale ... 8

2.1 Selon le DSM V (5) ... 8

2.2 Les différents types ... 8

a) Type restrictif ... 8

b) Type avec accès hyperphagiques/purgatifs ... 8

2.3 Une pathologie difficile à classer ... 9

Chapitre 3 : Historique et aspects légaux du soin sous contrainte. Application à l’anorexie mentale ... 9

3.1 Rappels historiques ... 9

a) 1838, l’internement comme une mesure médicale et administrative ... 9

b) L’encombrement asilaire ... 10

c) La réforme de 1990 ... 11

d) La loi du 5 juillet 2011 ... 11

3.2 Repères philosophiques ... 12

3.3 Qu’est-ce que le consentement ? Et la contrainte ? ... 12

3.4 Aspects déontologiques et juridiques actuels ... 13

a) Le code de déontologie médicale ... 13

b) Le cas des maladies mentales ... 14

3.5 Adapter la loi au cas particulier de l’anorexie mentale ... 16

3.6 Le cas de la grève de la faim ... 17

a) Le jeûne de protestation ... 17

b) L’anorexie, une grève de la faim non-déclarée ? ... 18

3.7 La dysmorphophobie peut-elle être considérée comme un trouble délirant ? ... 18

Chapitre 4 : Recommandations actuelles de prise en charge de l’anorexie mentale. Et qu’en est-il en Europe ? ... 19

4.1 Recommandations en France concernant la prise en charge hospitalière ... 19

4.2 Recommandations de l’American Psychiatric Association (APA) et du National Institute of Health and Clinical Excellence (NICE) ... 20

(9)

3

4.3 Des exemples à l’étranger ... 20

DEUXIEME PARTIE ... 22

Chapitre 1 : Introduction de l’enquête ... 22

Chapitre 2 : Méthodes ... 22

2.1 Population de l’enquête ... 22

2.2 Le questionnaire ... 23

a) Cas clinique n°1 ... 23

b) Cas clinique n°2 ... 23

c) Les questions posées à la suite des cas cliniques ... 24

d) Le QCM ... 25

2.3 Sous-groupes ... 25

2.4 Analyse statistique : ... 25

Chapitre 3 : Résultats principaux et secondaires ... 26

3.1 Caractéristiques des soignants ayant répondu au questionnaire ... 26

3.2 Résultats principaux ... 27

a) Décision de prise en charge schizophrénie vs anorexie mentale ... 27

b) Décision de prise en charge schizophrénie vs anorexie mentale, analyse en sous- groupes. ... 30

c) Ce qui rend nécessaire une hospitalisation temps plein ... 32

d) Ce qui rend nécessaire des soins sous contrainte ... 34

3.3 Résultats secondaires ... 35

a) Dans quelle mesure le soin sous contrainte peut-il être défavorable ? ... 35

b) Quel est le meilleur endroit adapté pour une prise en charge à long terme ? ... 36

3.4 Résultats du QCM ... 37

Chapitre 4 : Discussion des résultats ... 38

4.1 Résultats principaux ... 38

a) Décision de prise en charge schizophrénie vs anorexie mentale ... 38

b) Décision de prise en charge schizophrénie vs anorexie mentale, analyse en sous- groupes. ... 39

c) Ce qui rend nécessaire une hospitalisation temps plein ... 39

d) Ce qui rend nécessaire les soins sous contrainte ... 40

4.2 Résultats secondaires ... 40

a) Dans quelle mesure le soin sous contrainte peut-il être défavorable ? ... 40

b) Quel est le meilleur endroit adapté pour une prise en charge à long terme ? ... 41

4.3 L’anorexie mentale en tant que conduite addictive ... 41

a) Définition d’une addiction, en quoi l’anorexie mentale en serait une ? ... 41

b) Addictions et soins sans consentement ... 42

(10)

4

4.4 Résultats du QCM ... 43

4.5 Limites et biais de cette enquête ... 43

a) Les biais ... 43

b) Les limites ... 43

Chapitre 5 : La question du consentement aux soins dans l’anorexie mentale. ... 44

5.1 Altérations des capacités cognitives ... 44

a) Altération de la conscience des troubles ... 45

b) Performances cognitives et intelligence supérieur dans l’anorexie : mythe ou réalité ? ... 45

c) Le défaut de cohérence centrale ... 45

d) Biais attentionnel ... 46

e) Une flexibilité cognitive défaillante ... 46

f) Un impact incertain sur la prise de décision et la planification d’actions ... 46

g) Des processus métacognitifs aggravants ... 47

h) Biais anthropométrique ... 47

i) Biais de jugement ... 47

j) Apports des techniques d’imagerie ... 48

5.2 Competence, capacity and autonomy ... 48

5.3 Neurotoxicité de la dénutrition ... 49

5.4 Un consentement libre et éclairé ... 49

Chapitre 6 : Conclusion de l’étude ... 50

PERSPECTIVE ... 51

Chapitre 1 : Vécu des soins sans consentement par les patients ... 51

1.1 Mme B. ... 51

1.2 Mme D. ... 53

1.3 Mme A. ... 56

1.4 Littérature scientifique ... 58

Chapitre 2 : Prise en charge hospitalière des troubles du comportement alimentaire ... 60

2.1 Le secteur psychiatrique dans la prise en charge de l’anorexie mentale ... 60

2.2 Les unités spécialisées ... 60

a) Le contrat de poids : une contrainte nécessaire ? ... 60

b) La contrainte : un soin ? ... 61

2.3 Le programme de soins, une modalité de prise en charge adaptée pour prévenir la rechute ? ... 61

Chapitre 3 : Quels outils pour aider le médecin dans sa prise de décision ? ... 62

3.1 Proposition de grille de critères nécessaires pour des soins contraints par Cescutti (99) ………...62

(11)

5 3.2 Le questionnaire « Schedule for the assessment of insight – Eating Disorder –

SAI-ED » ... 62

3.3 Principe de proportionnalité ... 63

Chapitre 4 : Proposition de la création d’une équipe mobile spécialisée dans les troubles du comportement alimentaire. ... 63

4.1 Le constat ... 63

4.2 Le projet : une alternative de prise en charge spécialisée, un travail main dans la main psychiatres généraux et psychiatres spécialistes ... 64

Chapitre 5 : Conclusion ... 66

CONCLUSION ... 68

BIBLIOGRAPHIE ... 69

ANNEXE 1 : Questionnaire ... 74

ANNEXE 2 : Recommandations HAS ... 80

(12)

6

INTRODUCTION

L’anorexie mentale est une maladie chronique grave et fréquente correspondant à une restriction alimentaire volontaire, un amaigrissement, un déni des troubles et de leurs conséquences ainsi qu’une perturbation de l’image du corps.

Elle présente à l’heure actuelle le taux de mortalité le plus élevé parmi les troubles psychiatriques.

Alors même que dans cette pathologie les capacités cognitives semblent préservées, le déni des troubles est le plus souvent responsable d’un refus de soins ; même lorsque le pronostic vital est en jeu. L’entourage mais aussi les soignants se trouvent alors face à un dilemme à la fois éthique et moral : hospitaliser le patient sous contrainte pour l’obliger à s’alimenter ou à être nourri par une sonde nasogastrique, ou bien respecter sa liberté individuelle de refuser les soins au risque d’en mourir ?

Dans un premier temps nous ferons un état des lieux de la prise en charge actuelle de l’anorexie mentale et de la place des soins sous contrainte pour cette pathologie.

Dans un deuxième temps nous présenterons une enquête réalisée auprès de 456 soignants étudiant leur vision des soins sous contrainte dans la prise en charge psychiatrique de l’anorexie mentale en comparaison à celle de la schizophrénie.

Enfin il s’agira de proposer des pistes d’amélioration à l’offre de soins actuelle.

Ce travail porte ici exclusivement sur l’anorexie mentale de l’adulte.

(13)

7

PREMIERE PARTIE

PRESENTATION DE LA PATHOLOGIE ANOREXIQUE, ASPECTS HISTORIQUES ET LEGAUX DE LA LOI DU 5 JUILLET 2011 ET RECOMMANDATIONS

FRANÇAISES ET EUROPEENNES.

Chapitre 1 : Épidémiologie de l’anorexie mentale 1.1 Incidence

Dans la revue de la littérature de Smink et al (1) publiée en 2012, l'incidence moyenne dans la population générale est évaluée à 8/100 000 sujets/an avec un sexe ratio d'1 homme pour 10 femmes. A noter qu’ils constatent des incidences variables selon le type de population, la période étudiée et les méthodes d'évaluation. De plus, ils soulignent que, chez les femmes entre 15 et 19 ans, l'anorexie mentale représente la 3ème cause de maladie chronique.

Ainsi, une autre revue de la littérature réalisée par Roux et al en 2013 (2), montre une incidence plus élevée chez les femmes en population générale, de 109 à 270 nouveaux cas par an pour 100 000 femmes, que chez les femmes consultant en médecine de ville (générale ou spécialisée) : 4,2 à 8,3/100 000 femmes /an.

Concernant la population masculine les incidences sont estimées à moins de 1/100 000/an en médecine générale dans l'étude néerlandaise de Van Son en 2006 (3) et dans l'étude britannique de Currin et al en 2006 (4).

Si l'on s’intéresse à l'évolution de l'incidence de l'anorexie mentale au cours du XXème siècle, on constate que l'idée répandue de son augmentation au fil du temps est à nuancer. En effet selon la revue de Smink et al (1) elle aurait augmentée dans la tranche féminine des 15-24 ans jusque dans les années 70 et serait stable depuis. Cette augmentation pourrait être corrélée au développement d'un diagnostic plus large par médiatisation du trouble, permettant d’identifier ainsi plus de cas d'anorexie mentale.

1.2 Prévalence

Comme pour l'incidence, les taux de prévalence les plus élevés concernent la tranche d'âge des adolescents et jeunes adultes caucasiens. Ainsi, la revue de Smink et al (1) rapportait des taux de 0,28 à 0,9% chez les 11-35 ans, le taux le plus haut à 0,9% concernant les 15-18 ans.

Le sexe ratio varie de 1 homme pour 8 femmes à 1 homme pour 10 femmes selon les études.

Concernant l'évolution de la prévalence des troubles du comportement alimentaire lorsque l’on applique les critères diagnostiques du DSM V (5), une autre étude Smink et al, parue en 2013 (6) rapporte que la prévalence vie entière de l'anorexie mentale pourrait s'élever à 4%.

1.3 Evolution et mortalité

D’après la revue de la littérature de Roux et al (2) , la mortalité est estimée à 1 % par an.

L’évolution se fait pour la moitié environ (47 %) vers la rémission complète, 34 % vers la rémission partielle, 21% vers un passage à la chronicité. Le taux de décès est de 5%. De plus,

(14)

8 on note que les taux de mortalité sont abaissés chez les patients pris en charge avant l’âge de 20 ans.

Dans une méta-analyse datant de 1998, Harris et al (7) considèrent que le taux de décès d'anorexie mentale est le taux le plus élevé de l'ensemble des troubles mentaux. Arcelus et al (8) précisent qu'1 décès sur 5 à lieu par suicide.

La mortalité est estimée à 5-10 % après dix ans d’évolution, elle peut aller jusqu’à 20 % pour les pathologies les plus chroniques. Le décès est le plus souvent dû à un arrêt cardiaque par troubles de la conduction, un déséquilibre métabolique, des complications infectieuses, pulmonaires ou septicémiques, ou un suicide (9).

Chapitre 2 : Critères diagnostiques de l’anorexie mentale 2.1 Selon le DSM V (5)

A. Restriction des apports énergétiques par rapport aux besoins conduisant à un poids significativement bas compte tenu de l’âge, du sexe, du stade de développement et de la santé physique. Est considéré comme un poids bas, un poids inférieur à la norme minimale.

B. Peur intense de prendre du poids ou de devenir gros, ou comportement persistant interférant avec la prise de poids, alors que le poids est significativement bas.

C. Altération de la perception du poids ou de la forme de son propre corps, influence excessive du poids ou de la forme corporelle sur l’estime de soi, ou manque de reconnaissance persistant de la gravité de la maigreur actuelle.

A noter que les critères du DSM V parlent d’un manque de reconnaissance (déni) concernant la gravité de la maigreur seulement. Ils n’évoquent pas le déni présent sur d’autres aspects de la pathologie dans l’anorexie mentale (déni de la maladie, déni des restrictions alimentaires, déni de l’hyperactivité physique, déni des mises en danger par des troubles hydro électrolytiques etc).

2.2 Les différents types a) Type restrictif

Pendant les trois derniers mois, la personne n’a pas présenté d’accès récurrents d’hyperphagie ni recouru à des vomissements provoqués ou à des comportements purgatifs (laxatifs, diurétiques, lavements) (5).

Ce sous-type décrit des situations où la perte de poids est essentiellement obtenue via des restrictions caloriques sévères éventuellement accompagnées d’exercice physique intensif (10).

b) Type avec accès hyperphagiques/purgatifs

Pendant les trois derniers mois, la personne a présenté des accès récurrents d’hyperphagie et/ou recouru à des vomissements provoqués ou à des comportements purgatifs (laxatifs, diurétiques, lavement) (5).

Il s’agit d’une association entre des comportements anorexiques et boulimiques.

(15)

9 On note dans ce type d’anorexie une association plus grande à des comportements pathologiques tels que la consommation de substances psychoactives ainsi qu’une plus grande variabilité de l’humeur (10).

2.3 Une pathologie difficile à classer

Comme le souligne Camille Caudal dans sa thèse (11), l’anorexie mentale est une pathologie multidimensionnelle qui offre plusieurs axes de compréhension et est ainsi difficile à catégoriser.

Si tout le monde s’accorde à dire aujourd’hui qu’il s’agit d’un trouble mental, répertorié comme tel dans le DSM-V (5), cette pathologie présente un certain nombre de particularités qui la situent à l’intersection du « psychiatrique » et du « somatique », de la pédiatrie et de la médecine adulte (pathologie de l’adolescence), du familial et du sociétal (difficultés à se séparer de sa famille autant qu’à accepter de s’intégrer dans une société perçue comme astreignante), de la dépendance et de l’autonomie (revendication d’autonomie alors même que celle-ci est rendue impossible par la maladie) (11).

Les services prenant en charge ces patients peuvent donc être aussi bien des services de nutrition ou d’endocrinologie, que des services psychiatriques plus ou moins spécialisés, ou encore des services d’addictologie.

Chapitre 3 : Historique et aspects légaux du soin sous contrainte. Application à l’anorexie mentale

3.1 Rappels historiques

Selon Claude Quetel dans Histoire de la folie (12), la folie apparaît, au XIXe siècle, comme une véritable maladie et cela pose un certain nombre de questions, telles que l’image du fou dans la société et la place qu’il y occupe. Une fois les institutions et la législation mises en place, les médecins commencent à développer leurs recherches et leurs expérimentations sur les malades. L’asile va être le lieu fondateur de ces recherches et il va avoir un rôle régulateur et normatif de la vie de l’aliéné qui va interagir dans un lieu sain. Néanmoins, l’asile est aussi un lieu d’expérimentation où le traitement tend à s’éloigner du soin : des méthodes telles que l’hydrothérapie voient le jour et « il n’est pas certain que les aliénés distinguent toujours très bien quand la douche les punit et quand elle les soigne.» (12).

a) 1838, l’internement comme une mesure médicale et administrative

P.Rhenter dans son article La réforme des hospitalisations psychiatriques sans consentement : un éclairage historique (13) revient sur la législation de 1838. Avant la loi de 1838, c’est l’article 64 du Code pénal de 1810 – d’après lequel « Il n’y a ni crime ni délit lorsque le prévenu était en état de démence au temps de l’action… » – ainsi que son environnement procédural qui ont « fondé la psychiatrie » : c’est la première distinction légale entre la démence comme comportement délinquant impactant la responsabilité pénale et la démence comme pathologie suspendant la responsabilité pénale.

En pratique, jusqu’en 1838, les « insensés », qui dépendent à la fois des municipalités et de la justice, sont entassés dans des prisons; peu d’établissements publiques sont construits et ce sont plusieurs asiles ou maisons religieuses pour « aliénés » qui se développent.

(16)

10 La législation de 1838 (14) est un véritable moteur dans la curabilité de la folie, elle institue que « chaque département est tenu d’avoir un établissement public spécialement destiné à recevoir et soigner les aliénés ou de traiter, à cet effet, avec un établissement public ou privé » (article 1). Elle prévoit deux sortes de placements : les placements dits « volontaires », c’est- à-dire opérés par la famille ou par un tiers, et les placements ordonnés par l’autorité publique, appelés « placements d’office », dans les hospices, hôpitaux et communes astreints aux réceptions provisoires. La législation de la folie se développe alors en Europe et permet une multiplication des recherches médicales sur cette « maladie » qui devient une pathologie à part entière.

Dans le même article, P.Rhenter (13) nous éclaire sur le contexte de cette législation. En effet, Philippe Pinel forge la notion de traitement moral, « qu’il faut entendre au sens de traitement appliqué au versant conscient de l’expérience humaine (appelé plus tard le domaine psychologique), distincte de celles de morale ou de bonnes mœurs. » C’est cette affirmation du caractère pathologique de l’aliénation qui permet : d’une part que l’aliénation appartienne au domaine de la médecine et qu’elle relève ainsi d’une spécialité autonome et d’autre part d’avancer l’idée d’un traitement possible.

L’autorité administrative est ainsi déclarée responsable au motif que l’isolement des aliénés est « le premier et le plus énergique des moyens de traitement, il est en même temps le plus urgent : un retard de quelques jours peut aggraver le mal au point d’en rendre la guérison quelquefois impossible » (13). Un contrôle judiciaire a posteriori est déjà prévu dans cette législation pour la levée de la mesure d’internement.

Ainsi, la loi de 1838 légitime donc le caractère médical de l’aliénation mentale et le caractère administratif de l’internement.

b) L’encombrement asilaire

Dans sa thèse P.Rhenter De l'institutionnel au contractuel : psychiatrie publique et politiques de santé mentale en France (15) revient sur les institutions asilaires avant la loi de 1990.

Après 1838, les procédures d’internement fonctionnent avec une prédominance du placement d’office sur le placement volontaire. À partir de 1860, certains médecins aliénistes critiquent l’organisation asilaire, soulignant que les malades ne sont pas traités et que leur survie n’est assurée que par le travail qu’ils fournissent à l’intérieur de l’asile. Ces institutions sont alors taxées de « fabrications d’aliénation chronique » et de « bastilles dont le certificat médical est la lettre de cachet » (13). La dégradation de la politique d’assistance se confirme avec le caractère non obligatoire des dépenses du département consacrées aux aliénés en 1874.

L’encombrement s’accentue et à la fin du XIXe siècle une critique globale se développe devant le peu de résultats de la thérapeutique institutionnelle.

Dans l’entre-deux-guerres, l’ouverture de services libres, pour la première fois en 1922 à l’hôpital Sainte Anne à Paris, la possibilité de transformer un placement d’office en placement volontaire et la création des sorties d’essai modifient la pratique de la loi de 1838 (13) (15).

La plupart des psychiatres, jusque dans les années 1980, vont s’opposer à la judiciarisation des mesures de soins contraints et proposer en contrepartie le renforcement du contrôle a posteriori de ces mesures. L’opposition à la judiciarisation des soins contraints est justifiée par la défense d’une compétence médicale. Selon les médecins des hôpitaux psychiatriques, leur compétence doit être requise pour apprécier la nécessité des soins (15).

(17)

11 C’est cette capacité médicale et la validité du jugement du patient qui est valorisée. A charge pour le préfet d’apprécier la dangerosité de la personne et au juge de contrôler la régularité de la mise en œuvre de leurs pouvoirs respectifs. Cet équilibre des pouvoirs est jugé favorablement par les médecins des hôpitaux psychiatriques consultés lors des projets de réforme élaborés des années 1960 aux années 1990 proposant une judiciarisation partielle ou totale des mesures d’hospitalisation sans consentement (15).

c) La réforme de 1990

La promulgation de la loi n° 90-527 du 27 juin 1990 (16), relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux, introduit un certain nombre de conditions devant garantir les droits de la personne malade. Elle consacre en outre la possibilité pour le maire de prononcer l’hospitalisation provisoire d’une personne en cas de danger imminent.

En abrogeant l’ancien texte de 1838 cette loi maintient le caractère administratif de la décision d’hospitalisation sans consentement. La justification médicale du soin contraint est ainsi conforme à la tradition psychiatrique française qui tend à rejeter la judiciarisation des hospitalisations sans consentement. En effet, le législateur de 1990 cherche à faire dépendre systématiquement l’hospitalisation contrainte d’une nécessité thérapeutique. Mais dans le même temps, comme le souligne P. Rhenter, les textes nationaux reproduisent l’ambiguïté des recommandations et jurisprudences européennes. Ils font de la nécessité du traitement psychiatrique un critère second par rapport au critère de dangerosité pour motiver une hospitalisation contrainte. En faisant du danger « actuel » le critère décisif de l’hospitalisation d’office, la loi de 1990 fait ainsi de la nécessité de soins psychiatriques un critère second (13).

Avec la loi du 4 mars 2002 (17), qui modifie celle de 1990, l’accès au dossier médical est conçu comme le préalable nécessaire à un consentement « libre et éclairé aux soins ». Cette loi généralise l’accès direct aux patients, quel que soit leur régime d’hospitalisation et quelle que soit la pathologie. A l’inverse de la loi de 1990, celle du 4 mars 2002 précise deux garanties légales : principalement le critère thérapeutique de l’hospitalisation d’office et la nécessité d’un « trouble grave à l’ordre public » (13).

d) La loi du 5 juillet 2011

La loi du 5 juillet 2011 (18) apporte deux modifications majeures au régime des hospitalisations sans consentement. La première introduit un contrôle systématique par le juge des libertés et de la détention de toute hospitalisation sans consentement prolongée au-delà de quinze jours. La seconde substitue à la notion d’hospitalisation celle de soins psychiatriques sans consentement et crée de ce fait une « obligation de soins », qui ne se réalise pas nécessairement à l’hôpital mais peut se décliner en ambulatoire grâce au programme de soins.

Ces deux points soulèvent plusieurs aspects d’une même question : quel type de justification est légitime pour contraindre une personne à se soigner ? (13)

Sur la première modification, il faut rappeler que, contrairement à la plupart des autres membres de l’Union européenne, c’est depuis 1838 l’administration, en la personne du directeur d’hôpital et du préfet, et non le juge et l’instance judiciaire, qui a actuellement le pouvoir de priver une personne de sa liberté pour la placer en hôpital psychiatrique. Sur ce point, la réforme de 2011 ne modifie pas le caractère administratif de la contrainte à

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12 l’hospitalisation, mais fait intervenir le juge a posteriori : la nouveauté réside dans le caractère systématique du contrôle judiciaire (13).

3.2 Repères philosophiques

Dans leur article Sémiologie du consentement, Jonas et al (19) explique que la nécessité absolue du consentement suppose un patient capable de recevoir une information, de la comprendre et ensuite de prendre une décision valide. Soulignant ainsi que la réflexion se déplace alors vers la notion d’autonomie et la qualité du consentement du patient.

Le terme autonomie a des racines grecques (auto : soi-même et nomos : règles). En France nous devons ce concept à J-J. Rousseau et E.Kant (20). L’autonomie est la faculté de se donner à soi-même la loi de son action sans la recevoir d’un autre. Le sujet autonome se pense comme rationnel et veut que sa position soit universalisable. Ainis, un refus de soins pour des raisons futiles n’est pas universalisable et ne reflète donc pas une position autonome. Pour d’autres, comme Engelhardt, la décision du malade doit toujours être respectée, quelle que soit sa demande (21).

L’évaluation du consentement est d’abord clinique. Mais comment déterminer si le patient est dans la capacité de consentir aux soins ? Quelles circonstances nous autorisent à agir sans son accord et contre sa volonté ? Ces questions prennent une valeur d’autant plus importante que désormais l’intervention judiciaire dans les soins sans consentement entraîne un examen systématique de nos décisions (en tant que psychiatre) avec un risque de mainlevées de mesure.

3.3 Qu’est-ce que le consentement ? Et la contrainte ?

Selon le Littré (22), consentir c’est : « adhérer, accepter une chose comme possible, réalisable, autoriser, permettre, se conformer à ». C’est aussi « céder, condescendre à, daigner.

Se rendre à un sentiment, à une volonté, à une obligation ».

Nous voyons ainsi que plusieurs sens peuvent émerger du mot consentir, allant de l’acquiescement à la contrainte.

En latin, consentire, de cum, ensemble et sentire, sentir, penser.

Dans son livre Consentement et contrainte dans les soins en psychiatrie, J-C Pascal (23) explique que « le consentement est l’expression de deux volontés où la première suggère, propose, énonce et l’autre adhère, accepte ou refuse. Consentir implique un accord, un engagement mutuel après que les droits et les devoirs ont été énoncés comme dans le mariage ou le divorce. L’acte de consentir suppose une double compétence : celle de comprendre et celle de pouvoir se déterminer librement et de faire des choix ; cela implique en même temps la possibilité de refus, de la rupture, de la dénonciation du contrat à tout moment. »

Dans Le dictionnaire culturel en langue française (24), A.Rey se penche sur le mot

« contrainte ». Le verbe « contraindre », issu, dès le XIe siècle, du latin constringere a longtemps eu le sens physique de « peser sur, serrer » mais a pris celui « d’obliger quelqu’un à agir contre sa volonté ». Le terme « contrainte » s’est ensuite spécialisé au sens juridique, mais si la loi permet, dans certaines circonstances qu’elle définit précisément, d’hospitaliser un malade mental « sous contrainte », c’est son corps, sa liberté physique de se mouvoir dans l’espace qui est ainsi contenue, mais pas sa liberté psychique même si celle-ci est en partie

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13 aliénée. La contrainte est aussi « l’état d’une personne à qui l’on fait violence ». En droit pénal : c’est la « force physique de nature irrésistible et imprévisible, assez pressante pour asservir la volonté et enlever la liberté d’esprit. La contrainte permet au juge d’admettre le défaut d’intention de l’auteur d’une infraction » (24).

3.4 Aspects déontologiques et juridiques actuels a) Le code de déontologie médicale

Le Code de déontologie des médecins a régulièrement évolué depuis la création de l’Ordre en 1941. Dans leur article Sémiologie du consentement, Jonas et al (19) soulignent qu’avant 1995 la question du consentement faisait l’objet d’un court article 7 : « La volonté du malade doit toujours être respectée, dans toute la mesure du possible. » Cette phrase contradictoire révèle en effet toute l’ambivalence du corps médical sur cette question.

La loi Kouchner du 4 mars 2002 a marqué le passage d’une relation médecin-malade de type paternaliste à une relation basée sur le principe d’autonomie. Cette vision de la relation soignante postule qu’un patient doit pouvoir agir de manière volontaire et indépendante, sans contrainte extérieure et en fonction des projets qui lui sont propres. Les articles actuels sont clairs et précis et n’entrent aucunement en contradiction avec la loi et l’évolution de la jurisprudence (25). Il en est ainsi de l’article R 4127-35 du code de la santé publique (26) :

« Le médecin doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne ou qu’il conseille une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension. Toutefois, lorsqu’une personne demande à être tenue dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic, sa volonté doit être respectée, sauf si des tiers sont exposés à un risque de contamination. Un pronostic fatal ne doit être révélé qu’avec circonspection, mais les proches doivent en être prévenus, sauf exception ou si le malade a préalablement interdit cette révélation ou désigné les tiers auxquels elle doit être faite. » L’article R 4127-36 du code de la santé publique (27) précise : « Le consentement de la personne examinée ou soignée doit être recherché dans tous les cas. Lorsque le malade, en état d’exprimer sa volonté, refuse les investigations ou le traitement proposés, le médecin doit respecter ce refus après avoir informé le malade de ses conséquences. Si le malade est hors d’état d’exprimer sa volonté, le médecin ne peut intervenir sans que ses proches aient été prévenus et informés, sauf urgence ou impossibilité. » Ces deux articles confirment les obligations du médecin et ont l’avantage d’envisager aussi les situations plus complexes de la pratique. D’ailleurs la situation des personnes les plus vulnérables est également envisagée de façon pragmatique. L’article R4127- 42 (28) précise : « Sous réserve des dispositions de l’article L 1111-5, un médecin appelé à donner des soins à un mineur ou à un majeur protégé doit s’efforcer de prévenir ses parents ou son représentant légal et d’obtenir leur consentement. En cas d’urgence, même si ceux-ci ne peuvent être joints, le médecin doit donner les soins nécessaires. Si l’avis de l’intéressé peut être recueilli, le médecin doit en tenir compte dans toute la mesure du possible. »

Ce principe d’autonomie implique d’une part la capacité d’être libre, d’autre part une capacité de réflexion et de décision, ce qui correspond à la notion de discernement.

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14 b) Le cas des maladies mentales

Les exceptions à ce principe d’autonomie sont rares, mais la maladie mentale peut en être une. Face à un trouble mental, le médecin est ainsi soumis à deux obligations opposées : respect des libertés individuelles mais aussi devoir d’assistance à un sujet qui ne serait plus en état de décider par lui-même.

Ainsi la loi du 5 juillet 2011 (18), revue en 2013 puis en 2015, prévoit une possibilité de passer outre le refus du patient si le consentement aux soins est rendu impossible en raison d’une altération de son jugement due aux troubles mentaux qu’il présente, et s’il existe un risque d’atteinte à son intégrité et/ou à celle de son entourage. La loi prévoit deux grandes catégories de procédures : les Soins Psychiatriques à la demande d’un tiers (SPDT), ou sur Décision du Représentant de l’Etat (SDRE).

Dans le cas de l’anorexie mentale, ce sont le plus souvent des soins à la demande d’un tiers qui sont décidés. Plusieurs modalités d’hospitalisation sont alors envisageables en fonction des circonstances.

L’article L3212-1 II 1° (29) encadre la procédure de soins à la demande d’un tiers, nécessitant deux certificats médicaux datant de moins de 15 jours, accompagnés d’une demande manuscrite d’un membre de l’entourage du patient.

L’article L3212-3 permet, lorsqu’il existe un risque grave d’atteinte à l’intégrité du patient, une admission en urgence au vu d’un seul certificat médical ; le médecin rédacteur peut le cas échéant être un médecin du service (30).

Enfin, l’article L3212-1 II 2° (29) ou procédure « sans tiers » permet, en cas d’impossibilité de contacter un tiers et en cas de péril imminent pour la santé du patient, une admission au vu d’un seul certificat médical, ne pouvant émaner d’un médecin exerçant dans l’établissement.

Toute hospitalisation complète ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention n’ait été saisi et n’ait statué sur la décision d’hospitalisation. A l’audience, qui doit se tenir désormais au sein de l’établissement d’accueil, le patient est entendu et peut se faire assister d’un avocat de son choix. Le juge des libertés et de la détention peut par ailleurs être saisi à la demande à tout moment par le patient, un membre de l’entourage ou le directeur de l’hôpital (29).

Mais la loi du 5 juillet 2011 modifie aussi profondément les modalités de prise en charge sous contrainte des patients en psychiatrie. Ainsi, la prise en charge sans consentement peut s’envisager sous une autre forme incluant le cas échéant des soins à domicile et/ou des séjours en établissements de santé. Ce n’est alors plus l’hospitalisation complète qui est imposée, mais un programme de soins. Il doit être établi par le psychiatre de l’établissement d’accueil.

Il ne peut être modifié que par un psychiatre qui participe à la prise en charge du patient. Ce dernier peut le modifier à tout moment pour l’adapter à l’état de santé du malade.

L’avis du patient doit être recueilli au cours d’un entretien préalablement à la mise en place du programme de soins et avant toute modification de celui-ci.

Néanmoins, ces modalités de soins sans consentement supposent que soit respectée au préalable une phase initiale d’observation et de soins de 72h en hospitalisation complète. Le programme de soins définit les types de soins, les lieux de leur réalisation et leur périodicité.

Il précise notamment si la prise en charge du patient inclut une ou plusieurs des modalités suivantes : hospitalisation à temps partiel, soins ambulatoires, soins à domicile, traitement médicamenteux. En revanche, le programme de soins ne doit pas comporter d’indications sur

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15 la nature et les manifestations des troubles mentaux dont souffre le patient, ni aucune observation clinique, ni la mention ou les résultats d’examens complémentaires. Lorsqu’il inclut l’existence d’un traitement médicamenteux, le programme ne doit en préciser aucun élément.

Le psychiatre doit transmettre le programme de soins, ainsi que les programmes apportant des modifications substantielles, au directeur de l’établissement de santé au sein duquel est admis le malade. À tout moment si le psychiatre constate que la prise en charge établie par le programme de soin ne permet plus de dispenser les soins nécessaires au patient, il transmet immédiatement, au directeur de l’établissement, un certificat médical circonstancié proposant une hospitalisation complète.

Un autre texte important est constitué par la recommandation Rec (2004)10 du Conseil de l’Europe (31), riche de 38 articles, dont on retrouve les principes et les directives dans plusieurs articles de notre loi actuelle. Dans leur article Sémiologie du consentement, Jonas et al (19) reprennent l’article 17 qui expose les critères indispensables pour le placement involontaire :

• la personne est atteinte d’un trouble mental ;

• l’état de la personne présente un risque réel de dommages pour sa santé ou pour autrui ;

• le placement a notamment un but thérapeutique ;

• aucun autre moyen moins restrictif de fournir des soins appropriés n’est disponible ;

• l’avis de la personne concernée a été pris en considération ;

Le Conseil constitutionnel impose que les soins réalisés sans consentement soient « adaptés, nécessaires et proportionnés ». Ainsi, dans l’application de cette loi, la question des critères cliniques permettant de déterminer la validité du consentement prend toute son ampleur. Il est désormais nécessaire que les certificats à l’origine des soins sans consentement (ainsi que tous ceux qui jalonnent la prise en charge) doivent expliquer de manière circonstanciée les motifs rendant impossible le consentement du patient. De plus, à chaque étape, quel que soit son état, le patient doit recevoir une information adaptée.

On constate que les textes législatifs français ne spécifient pas exactement ce qu’est l’incapacité à consentir aux soins du fait de troubles mentaux et il revient donc au médecin de l’apprécier (32). La mise en place de soins sans consentement en psychiatrie est ainsi basée sur une appréciation subjective de l’état psychique du patient.

Afin de pouvoir prendre une décision clinique appropriée à l’état du patient atteint de trouble mental refusant les soins, le médecin doit être en mesure d’évaluer cliniquement la capacité du sujet à consentir, comme schématisé sur la figure 1 provenant de la revue de la littérature de Pignon et al (33).

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16 Figure 1 : Arbre décisionnel de la mise en place des soins sans consentement provenant

de la revue de la littérature de Pignon et al (33) 3.5 Adapter la loi au cas particulier de l’anorexie mentale

L’anorexie mentale semble être à un carrefour entre trouble mental, addiction, et trouble somatique, en raison des complications que peut entrainer la dénutrition.

Comme le souligne C.Caudal dans sa thèse(11), les secteurs psychiatriques, pensés pour la prise en charge des pathologies mentales les plus fréquentes, se trouvent souvent éloignés d’un service de réanimation, et ne bénéficient pas toujours du passage régulier d’un médecin généraliste, encore moins d’un médecin nutritionniste. Les équipes infirmières appréhendent souvent la nécessité de réaliser des soins qui leurs sont inhabituels, comme par exemple la pose d’une sonde naso-gastrique. Alors qu’il s’agit de mener une renutrition prudente, progressive et contrôlée, et de surveiller attentivement la survenue des complications somatiques, c’est parfois le matériel médical même qui manque.

A l’inverse, une renutrition en service de médecine interne, qui pourrait s’imaginer sous la forme d’une délégation de soins sous contrainte, pose le problème de la disponibilité des équipes et de leur capacité à gérer une symptomatologie qui peut être clivante et attaquante.

En premier lieu, il convient de rappeler que le principe de respect de l’intégrité du corps humain est inscrit à la fois dans la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, dans la Commission Européenne des Droits de l’Homme, dans la Charte des droits fondamentaux, ainsi que dans les articles 16.1 et 16.3 du Code civil (34).

Il n’existe pas de recommandation ni de loi spécifique encadrant la mise en place de mesures de renutrition. La pose d’une sonde naso-gastrique, comme tout soin médical, nécessite d’avoir au préalable recueilli le consentement du patient (27).

Il est par ailleurs spécifié dans le Code de santé publique que la mise en place des soins et les restrictions à l’exercice des libertés individuelles doivent être « adaptées, nécessaires et

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17 proportionnées » à l’état mental du patient, et ne peuvent être mis en œuvre que « dans le strict respect des règles déontologiques et éthiques en vigueur » (35).

L’Association Médicale Mondiale, dans la « déclaration de Malte », actualisée en 2006, précise (concernant les grévistes de la faim) : « l’alimentation forcée venant à l’encontre d’un refus alimentaire éclairé n’est pas justifiable. (...) L’alimentation forcée n’est jamais acceptable. Même dans un but charitable, l’alimentation accompagnée de menaces, de coercition et avec recours à la force ou à l’immobilisation physique est une forme de traitement inhumain et dégradant. » (36).

Et néanmoins, la non-assistance à personne en danger est condamnée par le code pénal (37).

Pour le médecin comment ne pas enfreindre la loi dans une telle situation ? 3.6 Le cas de la grève de la faim

a) Le jeûne de protestation

Comme l’explique C.Caudal dans sa thèse (11), le jeûne de protestation est un moyen mis en œuvre par certains pour faire pression sur un tiers en utilisant l’atteinte à sa propre santé. La relation médecin-malade laisse place alors à une triangulation avec la cible du jeûneur. Le médecin se trouve dans une position complexe de « médiateur ». L’Association Médicale Mondiale s’est penchée sur cette question, et propose un certain nombre de recommandations que l’on retrouve dans la « déclaration de Malte » (36), la dernière version remontant à 2006.

Il y est spécifié que l’autonomie du patient doit être respectée, à certaines conditions. La première de ces conditions est l’absence de pathologie mentale sous-jacente ; il faut deuxièmement que le médecin puisse s’assurer que le refus de soins ou de nourriture soit bien un choix du patient, et qu’il n’ait pas subi de pressions extérieures. Enfin la question de la capacité de jugement est évoquée comme cruciale, il incombe ainsi au médecin de l’évaluer et de s’assurer que les grévistes ont bien compris les risques qu’ils encourent. Des directives anticipées sont préconisées concernant la conduite à tenir en cas d’aggravation clinique.

Si toutes ces conditions sont réunies, le respect de la décision du gréviste implique de respecter son éventuel décès (36). A ce sujet, la Cour Européenne des Droits de l’Homme a jugé que « le décès d’un détenu suite à une grève de la faim ne constituait pas une transgression des droits humains dans la mesure où il avait eu accès en prison aux mêmes soins qu’à l’extérieur » (38). Il est précisé que la réalimentation du patient contre son gré est éthiquement injustifiable : en cas de coma, le médecin intervient « selon sa conscience et son devoir professionnel ». Dans le cas où un patient a laissé des directives anticipées écrites, elles doivent être respectées. La Cour Européenne des Droits de l’Homme aurait estimé dans plusieurs circonstances que la renutrition sous contrainte était assimilable à de la torture (38).

En France, l’article D364 du Code de procédure pénale (39) laisse le choix de la renutrition à l’appréciation du médecin : « si un détenu se livre à une grève de la faim prolongée, il ne peut être traité sans son consentement, sauf lorsque son état de santé s’altère gravement et seulement sur décision et sous surveillance médicales. »

Ainsi, comme souligné dans l’Avis du Conseil d’Ethique sur le refus de nourriture de Genève, on peut déduire de ces réflexions que dès lors que sa capacité de discernement et sa volonté sont l’une et l’autre claires, un patient ne peut être nourri sans son consentement, quel que soit le stade de son jeûne de protestation (38).

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18 b) L’anorexie, une grève de la faim non-déclarée ?

Mara Selvini Palazzoli, psychiatre italienne fondatrice du mouvement de thérapie familiale systémique appelé « Approche de Milan », parle de l’anorexie en ces termes : « l’anorexie, c’est une grève de la faim qui n’est pas déclarée » (40). « Pour faire une grève de la faim, il faut être pleine de fureur et accuser ses parents de façon très déguisée ; (...) l’anorexique dit : ce n’est pas moi qui ne mange pas, c’est une maladie qui m’empêche de manger ! Parce qu’elle est peureuse. Elle n’a pas le courage de dire à sa famille : je veux que vous, les parents, vous changiez votre relation avec moi, car je veux être une adolescente et pas une enfant toujours protégée par vous » (40).

En effet, si l’on peut considérer qu’il existe une part consciente de revendication et de protestation à l’égard des parents, le mécanisme fondamental du refus alimentaire semble être un mécanisme adaptatif (autrement dit un moyen de défense) en grande partie inconscient.

L’anorexie peut difficilement se concevoir comme un choix de vie (41).

Bien souvent, en entretien, les patients nous font part de « ces deux voix » en eux, l’une « la maladie » leur dicterait un comportement restrictif, l’autre « leur personnalité » serait consciente de ces troubles du comportement et adhèrerait aux soins proposés.

Dans les circonstances de refus de soins, on comprend que les patients se situent à un stade où la maladie a « pris le dessus », et les a envahis suffisamment pour que leur propre voix reste silencieuse. Prendre en considération uniquement ce refus de soins serait donc indirectement une façon de légitimer la maladie ; entendre la dysmorphophobie et la peur de grossir tout en déniant la souffrance d’une personne réduite au silence, et qui ne s’exprime plus que par le corps.

3.7 La dysmorphophobie peut-elle être considérée comme un trouble délirant ?

Les croyances irrationnelles à propos du poids et de la forme du corps constituent un des critères diagnostiques de l’anorexie mentale selon le DSM V (5). En effet, il est très fréquent que les patients aient l’impression d’avoir un corps « trop gros » en dépit de la perte pondérale causée par les restrictions alimentaires. Quelle est la nature de ces croyances irrationnelles ? Sont-elles de l’ordre de l’obsession avec un insight préservé, ou plutôt de l’ordre du délire, et l’insight serait alors déficitaire ?

Si l’on considère ces croyances irrationnelles comme des idées délirantes, les soins sous contrainte seraient peut-être alors plus évidents pour les praticiens.

Des études ont montré la présence d’éléments délirants, concernant l’apparence corporelle, dans l’anorexie mentale. En effet, Konstantakopoulos et al (42) ont retrouvé une proportion de 28,8 % de sujets présentant des croyances délirantes dans une population de patients souffrant de troubles du comportement alimentaire. Ils suggèrent alors l’existence d’un sous type délirant d’anorexie mentale dans le cas où l’insight est très faible.

Dans une autre étude, Jones et Watson (43) ont utilisé une approche multidimensionnelle pour comparer les croyances dans l’anorexie mentale et les idées délirantes paranoïdes dans la schizophrénie. Les deux groupes différaient seulement sur le degré de conviction, mais pas sur le degré de préoccupation, de souffrance, ou l’influence sur le comportement. Ces résultats montrent que les croyances dans l’anorexie mentale n’étaient pas d’intensité délirante, et correspondraient plutôt à des idées surévaluées. C’est-à-dire des idées se situant entre les croyances irrationnelles du trouble obsessionnel compulsif et les idées délirantes.

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19 Et qu’en est-il de la comparaison avec le trouble dysmorphique appelé aussi obsession d’une dysmorphie corporelle ?

Selon le DSM V (5) ce trouble se caractérise par :

A. Préoccupation concernant une ou plusieurs imperfections ou défauts perçus dans son apparence physique qui ne sont pas apparents ou qui semblent mineurs pour autrui.

B. À un moment de l’évolution du trouble, l’individu a eu des comportements répétitifs ou des actes mentaux en réponses à des préoccupations concernant son apparence physique.

C. La préoccupation entraîne une détresse cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines importants.

D. La préoccupation concernant l’apparence n’est pas mieux expliquée par une insatisfaction concernant le poids ou le tissu adipeux chez un individu dont les symptômes répondent aux critères diagnostiques d’un trouble alimentaire.

Le DSM V précise 3 niveaux d’insight : a) avec un insight bon ou acceptable b) avec peu d’insight

c) sans insight ou avec croyances délirantes.

Les croyances présentes dans l’anorexie mentale et celles retrouvées dans le trouble dysmorphique seraient en fait de même nature, avec une intensité de croyance différente, et un niveau d’insight différent.

Au total, la nature des croyances irrationnelles dans l’anorexie mentale demeure discutée mais il semblerait qu’elles puissent être classées dans la catégorie des idées surévaluées.

Chapitre 4 : Recommandations actuelles de prise en charge de l’anorexie mentale. Et qu’en est-il en Europe ?

4.1 Recommandations en France concernant la prise en charge hospitalière

En France, l’hospitalisation pour troubles du comportement alimentaire concerne essentiellement les patients souffrant d’anorexie mentale en raison du risque vital. Leur hospitalisation souvent programmée est affaire de spécialiste.

La Haute Autorité de Santé (HAS) a publié en 2010 des recommandations sur la prise en charge de l’anorexie mentale (44) (cf Annexe 2). Les critères d’hospitalisation retenus sont fondés sur des critères environnementaux, somatiques et psychiatriques. L’accent est mis avant tout sur le risque vital immédiat et il est notable que l’hospitalisation à temps complet soit pensée plus comme un échec du traitement ambulatoire que comme un projet de soins fondé sur l’analyse motivationnelle et son intérêt à long terme (45). On le voit à la lecture des critères environnementaux d’hospitalisation où l’on retrouve l’épuisement familial, les conflits familiaux, l’absence de structure et l’échec des soins ambulatoires (44).

Les critères somatiques sont directement en lien avec l’aggravation des symptômes liés à la dénutrition. Et les critères psychiatriques sont quant à eux centrés sur le risque suicidaire, la présence de troubles psychiatriques comorbides, l’aggravation des symptômes psychiques de

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20 l’anorexie mentale et enfin sur l’absence de motivation qui nous laisse entendre qu’elle pourrait conduire jusqu’à l’hospitalisation sans consentement. Il est alors spécifié que (44)

« la contrainte ne doit être utilisée que lorsque le risque vital est engagé et que des soins consentis sont impossibles ». La mesure de contrainte « est possible pour les majeurs sous forme d’hospitalisation à la demande d’un tiers, dans un service de psychiatrie de secteur, qui peut en cas d’urgence somatique déléguer les soins à un service compétent. Lors d’une hospitalisation sous contrainte, les modalités de soins restent les mêmes, et l'objectif n'est pas seulement l’obtention d’un poids particulier, mais la poursuite du traitement de façon consentie. »

Cependant ces recommandations sont critiquables. Si l’on prend en compte l’apport considérable de l’analyse motivationnelle dans le traitement des comportements addictifs, on aurait pu souligner au contraire que la motivation au changement aurait pu faire partie des critères de l’hospitalisation complète. Puisque l’on sait que plus tôt et plus longtemps ces troubles sont pris en charge en hospitalisation, meilleur est le pronostic (46). De plus, envisager l’hospitalisation comme un échec et une mesure de sauvegarde pourrait compromettre l’alliance thérapeutique dans ces situations.

4.2 Recommandations de l’American Psychiatric Association (APA) et du National Institute of Health and Clinical Excellence (NICE)

Les recommandations américaines insistent sur la nécessité d’établir une alliance thérapeutique et de travailler avec le patient la motivation au changement. Concernant les modalités de soins, l’APA (47), tout comme l’HAS propose une gradation des types de soins en fonction de différents critères cliniques et environnementaux. L’hospitalisation temps plein constitue une nouvelle fois le dernier niveau de soin.

Dans ses recommandations, le NICE (48) place l’hospitalisation temps plein en deuxième ligne lorsque les soins ambulatoires (qui sont à privilégier) sont insuffisants et que le risque somatique devient modéré à sévère. En cas d’opposition aux soins nécessaires le NICE stipule que le recours aux soins sans consentement est possible en vertu du Mental Health Act.

Il est à noter que l’HAS, l’APA et le NICE soulignent que le lieu de l’hospitalisation programmée ne doit pas être trop loin du domicile du patient afin de ne pas créer de rupture familiale ou sociale et de pouvoir assurer une continuité des soins en ambulatoire. Afin de respecter cette recommandation, il faudrait que les patients souffrant d’anorexie mentale soient hospitalisés sur leur secteur psychiatrique en raison du peu de structures spécialisées existantes sur le territoire français.

4.3 Des exemples à l’étranger

On constate qu’il existe d’importantes variabilités internationales dans l’acceptation de l’anorexie mentale comme une maladie mentale, et dans le système juridique qui l’encadre.

En Europe, le European Council of Eating Disorders s’est penché sur cette question dès 1989 (49). A l’époque, il arrivait à la conclusion que le traitement sous contrainte des patients souffrant d’anorexie mentale était « plus bénéfique pour le soignant que pour le patient ». En 1995, il concluait à nouveau que le traitement sous contrainte n’était « pas indispensable », bien que le vote des participants ait été en faveur des soins sans consentement (50).

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21 Au Royaume Uni, c’est en 1997 que le statut de l’anorexie mentale a été clarifié. En effet, le Mental Health Act a reconnu cette pathologie comme un trouble mental, et l’a rendue éligible à des soins sans consentement, y compris avec des mesures de renutrition forcée. C’est la mise en évidence d’éléments en faveur d’un trouble du jugement qui aurait conduit à légitimer l’hospitalisation sous contrainte dans les cas d’anorexie mentale sévère. Il faut souligner que ce groupe de travail a été instauré suite au décès d’un patient après qu’un médecin ait respecté son refus de soins (11).

En Australie, il en a été autrement. En effet, dans l’Etat de New South Wales le Mental Health Act a spécifié en 1990 que la maladie mentale se définissait par la présence de symptômes psychotiques. Et il en est de même en Israël.

Dans ces pays, les médecins ont recours à des mises sous tutelle et c’est un membre de l’entourage, le plus souvent un des parents, qui prend la décision d’hospitalisation. Dans cette configuration, c’est alors le tuteur qui se trouve face au dilemme d’aider l’un de ses proches, tout en s’opposant à sa volonté. En France, c’est le médecin qui endosse ce rôle habituellement (11).

Dans un article paru en 2003, Melamed et al (51) mettent en parallèle les troubles alimentaires et les troubles psychotiques, et plaident en faveur d’une sous-catégorie de

« troubles alimentaires avec symptômes psychotiques », qui permettrait d’utiliser le Mental Health Act dans les cas d’anorexie mentale les plus graves. Dans cet article ils posent une question pertinente : « pourquoi laisserait-on mourir de faim des patients anorexiques alors que des patients souffrant de schizophrénie sont protégés par la loi de leur auto-agressivité potentielle ? » (51).

On voit ici que, d’une part, à l’étranger aussi il a été difficile de considérer l’anorexie mentale comme une pathologie mentale à part entière qui relèverait du même cadre juridique que les autres maladies psychiatriques. Et que, d’autre part, le soin sans consentement ne serait envisageable à l’étranger que si le patient présente des symptômes psychotiques. Ces deux questions : la capacité à consentir dans cette pathologie et la comparaison avec la schizophrénie seront abordées un peu plus loin.

Il est à noter que la loi ne prévoit pas d’hospitalisation sans consentement dans les établissements non dédiés aux soins psychiatriques en dehors des sujets mineurs par le biais de l’ordonnance de placement provisoire.

En conclusion de cette première partie, on constate que la prise en charge de l’anorexie mentale n’est pas encadrée de manière spécifique que ce soit en France ou à l’étranger.

S’agissant d’une pathologie située au carrefour du somatique, du psychiatrique et des conduites addictives, il est d’autant plus difficile de trouver d’un point de vu législatif une réponse claire à la problématique du refus de soins. Sur quels autres repères pourrait-on s’appuyer ? Que font les médecins en pratique face à un patient souffrant d’anorexie mentale et refusant de se soigner ? Quelle vision ont les soignants du soin sans consentement dans la prise en charge de l’anorexie mentale ?

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DEUXIEME PARTIE

ETUDE COMPARANT LA VISION DES MEDECINS ET DES SOIGNANTS QUANT AU RECOURS A DES SOINS SOUS CONTRAINTE SOIT DANS L’ANOREXIE

MENTALE SOIT DANS LA SCHIZOPHRENIE Chapitre 1 : Introduction de l’enquête

Sous une apparente pleine possession de ses capacités cognitives, la personne souffrant d’une anorexie mentale sévère refuse le plus souvent les soins, d’autant plus lorsqu’ils sont proposés dans le cadre de l’urgence (psychiatrique ou somatique). Alors que la nécessité de soins est évidente pour le soignant, celui-ci est face à un dilemme : contraindre aux soins ou respecter la liberté de ne pas vouloir se soigner.

Face à une personne schizophrène souffrant d’un décompensation anxio-délirante, la nécessité de soins étant elle aussi évidente, le dilemme est alors moins présent et le soin sans consentement moins discuté.

L’objectif de cette enquête est de chercher à mettre en évidence l’existence d’une différence de conception de la prise en charge en urgence et à long terme pour 2 pathologies psychiatriques sévères : l’anorexie mentale et la schizophrénie.

Plus précisément, il s’agit d’étudier les représentations des soignants concernant la place des soins sans consentement dans la prise en charge de l’anorexie mentale en comparaison à celle de la schizophrénie. Permettant ainsi d’identifier quels sont les arguments qui peuvent nous conduire à demander la mise en place de soins sous contrainte chez un patient anorexique et ceux qui au contraire nous font penser que ce type de soin n’est pas adapté.

Chapitre 2 : Méthodes 2.1 Population de l’enquête

L’enquête visait tous les soignants susceptibles d’avoir à prendre en charge un patient souffrant de troubles alimentaires et plus précisément d’une anorexie mentale sévère.

Le questionnaire a été diffusé par mail grâce aux mailing list de l’AFFEP (Association Française Fédérative de Etudiants en Psychiatrie), de la PEPS (association des internes en psychiatrie de Paris), de l’AFDAS-TCA (Association Française pour le Développement des Approches Spécialisées des Troubles du Comportement Alimentaire), des externes de la faculté Paris Descartes et grâce au réseau social Twitter.

L’AFFEP et la PEPS nous ont permis de diffuser auprès des internes en psychiatrie de Paris et de l’ensemble de la France.

Par la « mailing list » de l’AFDAS-TCA nous avons pu diffuser auprès du réseau TCA qui est national et toucher ainsi les professionnels de santé travaillant plus spécifiquement auprès des patients souffrant de troubles du comportement alimentaire.

Dans le mail diffusé il était clairement explicité que le questionnaire visait les internes (ou faisant fonction d’internes) en psychiatrie, les psychiatres (hospitaliers et libéraux), les

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