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: Proposition de la création d’une équipe mobile spécialisée dans les troubles

4.1 Le constat

Au cours de mon internat, plusieurs éléments concernant la prise en charge des troubles du comportement alimentaire m’ont interpelée.

D’une part j’ai constaté que les équipes soignantes (aides-soignants, infirmiers et médecins) des différents secteurs étaient en demande d’aide pour les prises en charge des patient(e)s souffrant de TCA et qu’ils rapportaient se sentir démunis, avec la conviction d’être dans l’incapacité de soigner ce type de pathologies. Les raisons invoquées étaient le manque de formation aux soins de ce type de troubles (le mot « incompréhension » revenant souvent), la méconnaissance de ce qu’était le contrat de poids, l’inexpérience de la pose de sonde nasogastrique (geste non réalisé couramment par les infirmiers de secteur), la méconnaissance de la gestion des vomissements provoqués par les patients dans l’unité (troubles ioniques notamment) et de la gestion des complications de la dénutrition.Cela s’applique fréquemment pour les patients placés sous contrainte sur le secteur et qui ne peuvent pas être hospitalisés dans une unité spécialisée, du fait du manque de place ou du fait que l’unité en question ne peut recevoir de patients sous contrainte. Il m’est arrivé de croiser ce type de patient pour qui le transfert en unité spécialisée était attendu avec impatience et pendant ce temps-là

64 l’hospitalisation en secteur n’était pas utilisée pour débuter un travail motivationnel ou améliorer l’état nutritionnel. Le patient était alors lui-même dans une attente de transfert, l’hospitalisation était vécue comme inutile, autant par le patient que par l’équipe soignante.

Ceci n’était satisfaisant pour personne.

J’ai également constaté que les patients, les familles et les médecins étaient généralement en demande d’une meilleure information concernant les soins proposés au patient souffrant de TCA. Notamment concernant les différentes modalités (consultations, HDJ, unité temps plein, réanimation nutritionnelle) et offres de soins sur le territoire.

Enfin j’ai relevé que la prévention primaire, secondaire et tertiaire de cette pathologie devait être plus investie par les professionnels de santé.

Il s’agit là d’un enjeu de santé publique. En effet, une étude menée par McCrone et al (101) portant sur le coût de la santé mentale en Angleterre estime à 20 millions d’euros par an le coût direct des TCA dont 95% sont attribués spécifiquement à l’anorexie mentale. Les troubles du comportement alimentaire étant encore largement sous-diagnostiqués (un cas sur 10 est diagnostiqué comme tel selon Johnson et al. (102)) et sous traités (seul un sujet sur deux a accès aux soins selon Hudson et al (103)).

4.2 Le projet : une alternative de prise en charge spécialisée, un travail main dans la main psychiatres généraux et psychiatres spécialistes

Le projet imaginé ici est celui d’une équipe mobile (ou de liaison) spécialisée dans les TCA (à savoir l’anorexie mentale, la boulimie et l’hyperphagie/binge eating). Elle pourrait être composée d’un médecin accompagné d’un(e) infirmier(e), tous deux spécialisés dans les TCA.

Cette équipe serait rattachée à une unité spécialisée en TCA et aurait différentes missions :

• Donner un avis spécialisé et une évaluation complète (via un centre expert par exemple sur lequel pourrait s’appuyer l’équipe de liaison), à la demande des secteurs psychiatriques, des unités universitaires et des urgences psychiatriques (si l’hôpital en dispose). L’objectif serait d’améliorer la prise en charge immédiate du patient mais aussi de sensibiliser voire même de former les équipes à la prise en charge des TCA.

Cet avis se veut complet et touche tous les professionnels de santé du parcours de soins :

o les médecins pour la prescription du protocole de renutrition, la mise en place du contrat de poids et la gestion des complications notamment,

o les infirmiers pour les soins quotidiens et la pose de sonde nasogastrique, o les aides-soignants pour la prévention anti-escarres par exemple,

o les assistantes sociales pour flécher et adapter au mieux le parcours social (soins études par exemple) mais aussi les secrétaires médicales pour la diffusion des coordonnées des centres de soins adaptés aux TCA (annuaire des centres TCA).

Ceci leur permettrait de s’autonomiser un peu plus vis-à-vis de ce type de pathologie et d’en améliorer ainsi la prise en charge sectorielle, universitaire ou aux urgences.

Ceci pourrait apporter aussi pour certains patients un premier contact avec le service

65 spécialisé en TCA et l’inclusion de ceux-ci dans le circuit de prise en charge spécialisée (groupes thérapeutiques, consultation médicale spécialisée etc.). Le patient pourrait alors être pris en charge spécifiquement plus rapidement qu’attendu.

Actuellement le délai d’attente avant une première consultation dans une structure spécialisée est de 2 à 3 mois.

Rappelons que les troubles du comportement alimentaire en psychiatrie sont sous-diagnostiqués tant en secteur qu’aux urgences psychiatriques. En effet, ils sont peu souvent côtés en diagnostics associés soit par défaut de dépistage soit par défaut d’offre de soins concernant ce diagnostic. Par exemple, si une patiente boulimique consulte aux urgences psychiatriques à l’occasion d’un fléchissement thymique avec idées suicidaires, le diagnostic côté sera dépression et non TCA.

Il est probable qu’en rendant les soins possibles par la création de cette offre, les symptômes alimentaires seraient d’avantage repérés et donc plus facilement côtés en tant que diagnostics associés. Cela nous permettrait alors d’obtenir une prévalence plus fiable des troubles du comportement alimentaire au sein des hôpitaux.

• Améliorer l’accès à l’information avec orientation des patients/familles/praticiens pour qui le circuit de prise en charge peut paraître flou. Il s’agirait ainsi de mieux flécher les systèmes de soins adaptés en fonction de la situation clinique. Pour cela des outils informatiques pourraient être développés : améliorer les pages Internet de présentation des soins des TCA offerts par l’hôpital. Il pourrait être proposé, par exemple, une première page permettant de « flécher » les informations (« vous êtes : une personne souffrant de TCA/ un proche d’une personne souffrant de TCA/ un médecin ayant un patient souffrant de TCA »). Des moyens interactifs pourraient être développés : par exemple une application pour Smartphone avec proposition de suivi personnalisé pour les patients sortis récemment d’hospitalisation ou ceux en attente d’une place dans une unité temps plein. Elle pourrait proposer un agenda journalier alimentaire dans lequel serait noté le nombre de vomissements, les émotions ressenties, etc. Avec la possibilité d’envoyer une « alerte » à l’équipe mobile. (A noter qu’une telle application est en cours de développement par l’unité spécialisée de la CMME à l’hôpital Sainte Anne). L’équipe mobile pourrait être chargée de cette application avec gestions des données, surveillance de l’évolution des patients et évaluation de la nécessité de rapprocher ou non les consultations/la date d’hospitalisation dans l’unité spécialisée. Cette équipe pourrait être contactée par des médecins généralistes, des psychiatres libéraux nécessitant un avis spécialisé et/ou une réorientation de leur patient. Enfin des consultations téléphoniques pourraient être mises en place par l’équipe, ceci permettant de développer la télémédecine et d’augmenter le nombre de consultations des patients en attente d’être pris en charge (HDJ, unité temps plein, consultations etc.)

• Assurer une mission de prévention :

a) Primaire : Il s’agirait d’améliorer l’accès à l’information grâce à la réalisation de plaquettes d’informations (papiers et informatiques) qui pourraient être présentées et distribuées dans les collèges/lycées/facultés/grandes écoles, aux infirmières

66 scolaires mais aussi dans les centre médico-psychologiques, les maisons de santé etc. Cela permettrait alors d’améliorer le dépistage des situations à risque de développer un trouble du comportement alimentaire.

b) Secondaire et tertiaire : En améliorant la prise en charge des troubles alimentaires au sein des unités psychiatriques non spécialisées mais aussi lorsque les patients ne sont pas hospitalisés (grâce à l’application mobile et aux consultations téléphoniques notamment). Permettant ainsi de prévenir l’apparition des complications, les rechutes et la chronicisation des troubles.

• Participer aux différents projets recherches scientifiques et cliniques de l’hôpital en incluant les données récoltées lors de ces missions.

En remplissant ces missions, cette équipe pourrait faciliter l’accès aux soins et le rendre plus rapide pour les patients souffrant de troubles des conduites alimentaires.

On pourrait alors attendre de cette équipe mobile un désengorgement des listes d’attente pour des hospitalisations temps plein dans les unités spécialisées. Un certain nombre d’hospitalisations pourraient être évitées ou les durées de celles-ci diminuées si en amont la prise en charge était plus efficace et plus précoce.

Elle permettrait également une sensibilisation aux troubles du comportement alimentaire, des professionnels de santé d’une part et de la population générale et à risque d’autre part, permettant ainsi un dépistage et une orientation plus précoce vers des soins adaptés.

L’accès à l’information serait amélioré concernant les soins offerts par l’hôpital en matière de TCA.

On noterait une amélioration de la connaissance de la prévalence de la symptomatologie alimentaire chez les patients souffrant de troubles psychiques.

Et elle permettrait également de mieux identifier les besoins et les attentes des équipes de soins concernant la prise en charge des TCA et ainsi développer des formations adaptées pour les professionnels de santé.

Enfin, elle pourrait permettre une diminution du risque de rechutes dans la maladie avec l’amélioration du suivi individualisé grâce à la télémédecine et à l’application mobile.

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