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Bulletin du Comice viticole et agricole du canton de Cadillac - Septembre 1884 · BabordNum

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Texte intégral

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\

SEPTE:\rBRE

18~

BULLETIN

DU I _.

COMICE VITICOLE ET AGRICOLE

DU CA~\'T01V DE CADILLAC [ . /

/

(GIRONDE)

BORDEAGX .

L\IPRI~IERIE CADORET

i884 ....__.

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Le Com.ice jaz't t!clzange de pz~blicatùms.

Cette page est 1-éservée aux annonces des Membres du Comice.

s

.

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Nu 1 SEPTE~lllRE 188.+

BULLETIN

DU COillCE VITICOLE ET AGRICOLE DU CANTON DE CADILLAC

(GJRO~'UE)

Les commimicafùms doi11e11t être adressées :

à ~ L. GU IL BERT, secrétaire général du Conüce, à Cadillac.

DE LA RECONSTITUTION' DES VIGNOBLES

PAR LES VIGNES AMÉRICAINES

CONFÉRENCE

faite au Comice dans sa sèance du 20 avril

Par A. ~Ilt.LARDET

ProfessettY à la Faculté des Sciences de BDYdeawe

Mes,-ieurs,

La reconstitution des vignobles détruits par le phylloxéra, au moyen des vignes américaines, peut être faite par deux méthodes différentes. On peut ou bien cultiver certains cépages américains pour leurs fruits, ou bien repeupler le vignoble de vignes américaines sur lesquelles sont greffées les variétés européennes cultivées dans le pays. En suivant la première méthode, on produira des vins américains, tandis que par la seconde on continuera à faire des vins identiques à ceux récoltés jusque là. Chacune de ces deux méthodes a

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ses avantages et ses inconvénients; et l'une pourra être appliquée de préférence à l'autre suivant les circonstances. Dans la Gironde, où l'on recherche plus encore la qualité que la quantité des produits, c'est presque exclusivement aux greffes de cépages français sur vignes américaines que les viticulleurs denont avoir recours.

l\Iais l'application de l'une comme de Pautre de ce:5 deux méthodes est subordonnée à deux condition~ d'une impor- tance capitale. Il faut que les ,·igues américaines, produc- teurs directs ou porte-greffes, nous offrent toute sécurité au point de vue de leur résistance au phylloxéra: il faut en outre que ces mêmes plantes, venues de pays si lointains, soient capables de végéter avec vigueur sous un climat bien différent souvent de celui de leur pays natal. Résislance au phylloxéra, adaptation au rlimat et au sol, telles sont donc les deux conditions essentielles que doivent remplir les vignes américaines que nous appelons à entrer dans la composition de nos vignobles.

Arrêtons-nous quelques instants sur ce:; deux faits impor- tants.

La résistance au phylloxéra n'est pas la même chez toutes les vignes américaines. Chez les unes elle est à son maxi- mum: celles-ci sont complétement indemnes de phylloxéra;

cet insecte ne s'attache même pas à lturs racines. Chez d'autres, elle n'est guère plu:; grande que dans nos variétés européennes: le phylloxéra y pullule; et au bout de quel- ques années de culture e11es finissent par succomber. Entre ces <leux types extrêmes de résistance se trouvent tous les intermédiaires possibles. D'où vient cette inégalité de réac- tion à l'insecte?

Pour l'expliquer, une courte digression est nécessaire.

On trouve, dans l'Amérique du Nord, à l'état sauvage, une douzaine d'espèces du genre \ïgne. Les plus impor-

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taotes à connaître sont les Vitis !abrusca, éJ'!Stivali's, ripa- ria, cordlfob"a, rupestris, cinerea.

Après avoir pendant longtemps essayé de cultiver notre vigne européenne, les Américains ont renoncé à le faire et, depuis cinquante ans environ, ils se sont appliqués à perfec- tionner par la culture les vignes sauvages de leurs forêts.

Un très grand nombre de variétés plus ou moins recom- mandables sont le résultat de ces efforts incessants accom- plis, depuis un demi-siècle, par un des peuples les plus entreprenants et les plus opiniâtres du globe.

Ces variétés américaines étaient classées naguère en trois groupes, d'après leurs ressemblances avec les espèces sauva- ges dont on les supposait descendues directement. On dis- tinguait le groupe des Labruscas, celui des Riparias et celui des /Estivatis.

Or, déjà en r86g, M. Laliman, à qui on doit les premières notions sur la résistance des vignes américaines au phyl- loxéra, avait remarqué qu'en général les cépages des grou- pes Riparia et /Estivalis sont très ré;;istants à l'insecte, tandis que ceux du groupe Labrusca le sont infiniment moins.

D'après cette première donnée, il aurait saffi, pour avoir un porte-greffe résistant, de prendre une quelconque des variétés appartenant aux groupes Riparia et /Estivalis; au contraire, on devait se garder de s'adresser aux Labruscas malgré leur grande vigueur.

Tel était l'état de la question en 1874, lorsque je fus appelé à m'en occuper.

Un fait me frappa dès le début de mes études. - Parmi les cépages de la classe des Labruscas, qualifiés de non résistants au phylloxéra, se trouvait le York 1lfadeira auquel

rvI. Laliman attribuait cependant une résistance insigne.

Parmi les /Estivalis, le Rulander était reconnu dès 1875 comme peu résistant. Il en était de même pour le Clùzton, dans la classe des Rzparù1s.

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11 semblait donc qu1il y eût, comme le disait M. Plan- chon, des Labruscas non résistauts et d'autres résistants, des LEstivaliS et des Riparias résistants et d'autres non.

Il me parut que l'explication de ces contradictions méri- tait une étude attentive et que le premier point à fixer, dans cette grande question des vignes américaines, était de savoir ce qu'étaient au juste les vignes résistantes et ce qu1étaient celles qui ne résistaient pas.

Vous trouverez dans diverses publications, consignés presque année par année, les résultats de mes recherches.

Depuis 18771 la questi-ou est complétement éclaircie. Tous les Riparias vrais, tous les LEstivalis vrais sont absolu- ment résist.aots au phylloxéra, comme tous les Labruscas vrais et tous les Viniferas sont tués par lui. C'est là une loi sans exception.

Si l'on a pu dire, il y a dix ans, qu1il y a <les .Labruscas qui résistent et d'autres qui ne résistent pas, que des Riprz- rias et des LEstivalù résistent tandis que d'autres succom- bent à l'insecte, c'est que la détermination de ces cépages était inexacte, leur classification complétement erronée.

Les Labruscas qui résistent ne sont pas des Labruscas vraù, pas plus que les Rzparias et les /Estivalis qui ne résistent pas ne sont des Riparz'as et des LEstivati's vrais.

J'ai démontré, en effet, qu'aucune ou presque aucune des variétés de vignes cultivées aux. Etats-Unis n'est de race pure. Toutes sont le produit de croisements plus ou moins complexes, dans lesquels les espèces non résistantes au phyl- loxéra (V. Labrusca, V. vinifera) sont fréquemment inter- venues. li n'y a pas, parmi les cépages américains cultivés, un seul /Estivalis pur (sauf peut-être !'Hermann), pas w1

Riparia pur, et probablement par un seul Labrusca absolu- ment pur de race. Le Clinton, par exemple, est uu Riparia croisé de Labrusca; et c>est à Pintervention de cette der- nière espèce qu'est due la diminution de la résistance qui existe naturellement chez le Rzparia. Le York /Jfadeira est

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un Labrusca croisé d'/EstivaliS; et c'est de ce dernier que lui vient sa résistance insigne au phylloxéra, résistance qui manque au V. labrusca.

Partant de ce principe, j'ai pu dire que si au lieu de s'adresser à des Ch'nton, Taylor, York, etc. chez lesquels la résistance inhérente aux V. Riparia et /.Estivalis se trouve amoindrie par le mélange d'un sang non résistant (de La- brusca ou Vinzfera), on choisissait comme porte-greffes des Riparias, des /Estiva!is, des Rupestrù, purs de race, on rencontrerait une résistance infiniment supérieure à celle de tous le> cépages cultivés connus jusqu'à ce jour.

En effet, dès le mois d'août 1877, je proposais le premier, avant 1\1. Fabre par conséquent, le V. riparz'a comme porte- greffe, et peu de temps après les V. rupestrù, cordtfolia cinerea et œstivalù. Toutes ces espèces ont été employées comme porte-greffes sur une grande échelle, et toutes ont donné, au point de vue de la résistance, les plus beaux résul tats.

:Maintenant, Messieurs, vous voyez clairement ce que sont les vignes résistantes et vous comprenez comment la résistance inhérente à un type (Riparia /.Estivalù) a pu être diminuée par croisement avec un type non résistant (Labrusca, Vimfera).

En poussant ce principe de l'héridité de la résistance jus- qu'à ses dernières conséquences, il semble que l'on pourrait estimer exactement le degré de résistance d'une vigne quel- conque, en mesurant les quantités relatives de sang d'espèces

résistantes et d'espèces non résistantes qu'elle contient.

Mais lors même qu'il en serait ainsi, nous ne pourrions retirer aucun avantage de ce nouveau principe, car s'il est déjà bien difficîle de reconnaître les croisement::. entre espè- ces différentes de vignes, il est complétement impossible de mesurer la proportion des sangs ainsi mélangés dans un hybride.

Il faut donc, puisque la connaissance de la constitution

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originelle d'une vigne peut être insuffisante pour nous fixer sur son degré exact de résistance, il faut, dis-je, avoir recours à un critérium plus sfir et d'un emploi plus facile.

Afin de vous expliquer à quel signe vous pourrez recon- naître qu'une vigne est résistante, je suis forcé de vous dire quelques mots des altérations que le phylloxéra détermine sur les racines des diverses espèces de vignes; car c'est la présence ou l'absence de ces altérations qui nous servira à résoudre le problème dont il s'agit.

Parlons d'abord de la vigne européenne.

Si nous déposons quelques phylloxéras sur les racines d'un chasselas sain, au premier printemps, nous voyons l'insecte se porter d'abord à l'extrémité des plus jeunes racines. Il s'y fixe; et, sous l'influence de sa piqûre, ces extrémités se ren- flent et se recourbent. Ces renflements ont reçu le nom de nodosités. ns sont de forme caractéristique, en têtes d'oiseau, en forme de crochets etc. La production des nodosités dure tant qu'il y a des jeunes racines. Vers le milieu d'août, pour des raisons qu'il serait trop long de rapporter, ces nodosités pourrissent rapidement et avec elles les radicelles qui les supportent. L'insecte délaisse alors celles-ci et remonte sur les racines plus grosses, de un, deux, trois ans et plus. 11 s'y füœ, et c'est sur ces grosses racines, les radicelles étant de- venues plus ou moins rares, qu'il passe l'automne et l'hiver.

Au printemps suivant, il redescend sur les jeunes radicelles, à mesure qu'elles se forment puis, lorsque les nodosités sont pourries, il émigre de nouveau sur les racines plus âgées, et ainsi de suite, jusqu'à ce que la plante meure ou soit trop épuisée: alors il se porte ailleurs ou périt lui-même.

De même que la piqûre de l'insecte, à l'extrémité des radicelles, détermine la formation des nodos1:tés, sa piqfire sur les grosses racines détermine également des renflements quP. j'ai désignés sous le nom de tubérosités. Comme les no- dosités, les tubérosités pourrissent; mais ce n'est qu'après l'hiver.

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Nous avons vu que les nodosités, eu pourrissant, entraî- nent la perte des radicelles à l'extrémité desquelles elles sont situées. La même chose a lieu pour les tubérosités.

Elles pourrissent, avons-nous dit, à un moment donné; et il arrive, pour un certain nombre d'entre elles, que la pourri- ture ne se borne pas à l'écorce, qu'elle atteint le bois de la racine et détruit complètement cette dernière. Heureuse- ment les tubérosités sont moins dangereuses pour les grosses racines que pour les petites.

Ces deux sortes d'altérations ne sont pas également impor- tantes pour la plante. Tandis qu'une nodosité entraîne la perte d'une radicelle Sf'ulement, une tubérosité peut, dans certaines conditions, déterminer la mort d'une racine de huit à dix ans et de tout le chevelu qu'elle supporte. Les tubérosités sont donc infiniment plus dangereuses pour la

vigne que les nodosités.

Telles sont les altérations que le phylloxéra détermine sur la vigne européenne. D'une manière générale, on peut dire que sur la vigne américaine elles sont semblables : la piqtrre de Pinsecte y produit également des nodosités et des tubérosités. Toutefois il faut remarquer qu'en général nodo-

sité~ et tubérosités sont moins grosses dans la vigne améri- caine que dans l'européenne, qu'elles pourrissent plus lente- ment, moins régulièrement, qu'elles sont par conséquent moins dangereuses pour la plante.

Mais le fait le plus important, sur lequel j'appelle toute votre attention, c'est qu'il existe des variétés américaines chez lesquelles ou ne trouve pas de tubérosités ou seulement des tubérosités rares et petites. Le York JII11deira, le Solo- nis, le Gaston Bazille sont dans ce cas. L'absence ou. la ra- reté des tubérosités est pour moi u.n signe de résistance certaine. C'est à ce signe que vous reconnaîtrez les porte- greffes que vous pouvez employer en toute sécurité. C'est parce qu'ils portent beaucoup trop de tubérosités que j'ai toujours rejeté comme porte-greffes les Taylor, 'Jacque11,

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Herbemont, Czmninghaw,, etc. En effet, quand il s'agit d'une opération aussi pénible et dispendieuse que le greffage, on nesaurait demandertrop de garanties au porte-greffe.

Je dois, pour être complet, vous dire encore qu'il y a des vignes américaines infiniment plus résistantes que celles dont je viens de vous parler. Les unes non seulement n'ont pas de tubérosités mais n'ont que de rares nodosités, les Rzparias, Cinereas, Cordzfolias, Rupestris, etc. sauvages, sont dans ce cas. Enfin en rencontre quelquefois, parmi ces types sauvages, des individus sur lesquels le phylloxéra ne se fixe même pas : ils n'ont ni tubérosités ni nodosités. Chez eux la résistance à l'insecte va jusqu'à l'immunité. Le Ru- pestris Ganzin est dans ce cas; il en est de même du Cordi- folia Rupestris de Grasset.

Si je me suis laissé aller à vous parler si longuement de la résistance, c'est pour vous montrer combien ces phéno- mènes ont été étudiés avec soin et fortifier votre foi dans les vignes américaines. La résistance étant strictement 11éréditaire est liée fatalement à la constitution même de la plante et par conséquent invariable, absolument immuable, au moins pour des périodes de temps comme celles que nous sommes habitués à considérer et qui seules nous importent.

Voyons maintenant, Messieurs, ce que nous savons de l'adaptation des vignes américaines à notre climat et à nos sols européens. Je distinguerai deux ordres de faits, des faits de chaleur et de froid, de sécheresse et d'humidité.

Quant au climat, il n'y a aucun doute que nous ne puis- sions trouver, parmi les nombreuses espèces de vignes répandues à la surface du continent Nord-américain, des vignes adaptées aux climats les plus différents de notre Europe. Le V. riparia seul, dont l'aire de distribution s'étend du Canada au Texas, suffirait à. fournir des porte- greffes à toute la région viticole européenne, depuis ses limi- tes les plus septentrionales jusqu'à l'Afrique, du moins au point de vue <les extrêmes de chaleur et de froid qu'il est

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capable de supporter. Mais l'humidité de l'air et du sol joue également un rôle important parmi les conditions <l'exis- tence de cette espèce. Elle habite, en Amérique, des régions où les pluies d'avril à octobre sont fréquentes et abondan- tes, par conséquent où le sol est frais et l'air humide. Aussi semble-t-elle, a priori, devoir moins bien convenir que d'autres au climat méditerranéen, c'est-à-dire au midi de la France et de l'Italie, à l'Algérie, à la partie la plus sèche et la plus chaude de la Péninsule ibérique.

Pour ces régions, j'ai proposé déjà à nombre de viticul- teurs qui m'ont demandé avis, une espèce plus méridionale que le V. riparia, le V. cordzjolia. Mais comme cette espèce ne reprend que très difficilement de boutures, on pourra lui substituer avec avantage les hybrides de Cordi- folt'a et Ru.pestris ceux d1 LEstivalz's et Riparia, de Cordi·- folia et Rzparia et d'autres encore. Tous ces hybrides exis- tent i et j'ai pu constater déjà, au moins pour les deux pre- miers, qu'ils ont donné dans le Roussillon et le Languedoc les plus splendides résultats.

Pour nous, habitants du sud-ouest, les Rzparias du Mis- souri, les seuls à peu près qui se trouvent dans le commerce, constituent un porte-greffe d'une réussite assurée à peu près partout. Je dis à peu près, car si d'un côté l'humidité de notre région donne à notre climat une grande ressemblance avec celui du Missouri, d'un autre, la nature de certains sols peut être assez défavorable au V. riparia pour en interdire la culture sur quelques points. Le Riparia, en effet, est plus sensible encore à la sécheresse du sol qu'à celle de l'atmos- phère : il a besoin d'un terrain frais, aussi se refuse-t-il à vivre sur le rocher de Saint-Emilion comme dans la craie des Charentes.

Après la chaleur de l'atmosphère, nous avons à considé- rer celle du sol. Comme la première, elle exerce une influence décisive sur le développement des végétaux. Il existe, entre ces deux facteurs de toute Yégétation, certaines relations,

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certaines lois d'équilibre qui ne peuvent impunément être troublées.

Supposons une vigne placée dans un sol froid. Au mois d'avril, sous notre climat, la chaleur atmosphérique est suffi- sante pour déterminer le développement des bourgeons. Ceux-ci s'allongent, les feuilles se développent, d'abord aux dépens de l'eau contenue dans la plante. Mais celle-ci ne tarde pas à être épuisée, et cela juste au moment où la transpiration des leuilles en nécessiterait une quantité de plus en plus forte. Or, dans ce sol que nous aYons supposé froid, la chaleur n'a pas encore pénétré assez profondément pour déterminer la production de nouvelles racines. Comme celles de l'année précédente sont inacfü·es, la plante n'absorbe plus d'eau, ou seulement en petite quantité par les racines peu nombreuses qui se sont formées dans les couches les plus superficielles où la chaleur a déjà pénétré. La plante souffre, jaunit; les feuilles, les tiges s'abougrissent.

Cet état dure plus ou moins longtemps; quelquefois la plante meurt. Généralement, à la fin de juin 1 c'est-à-dire lorsque le sol est suffisamment réchauffé pour qu'une quan- tité suffisante de racines se soit formée, les symptômes de dépérissement s'amendent peu à peu ; et, en juillet, la végé- tation a repris son cours normal.

Il est important de savoir que toutes les vjgnes améri- caines sont beaucoup plus sensibles au froid du sol que nos variétés européennes: les plus sensibles sont les .J:tstivalis, surtout le LVorton's Vfrginia et l'Herbemont ,- mais le Riparia et le Rupestris le sont également. J'ai été appelé plusieurs fois à visiter des Riparias et des Rupestri's chez lesquels la chlorose et le dépérissement faisaient supposer l'infection phylloxérique au degré le plus élevé. En réalité, il n'y avait pas d'insecte aux racines, mais je pouvais cons- tater que le système radiculaire de l'année n'offrait qu'un développement des plus incomplets. - Telle est, Messieurs, l'explication de ces échecs de plantations qui ont eu quelque

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retentissement, de ces R/parias et de ces Ru.pestris rabou- gris et finalement arrachés, que des personnes de peu de bonne foi ou de grande imagination nous disent avoir été

dévorés par le phylloxéra.

Pour prévenir des échecs de ce genre, il suffira désormais d'avoir l'esprit éveillé sur leur possibilité et de savoir distinguer un sol froid d'un autre. La froideur du sol pro- vient ou de son exposition ou de la grande quantité d'eau qu'il contient ou de sa couleur pâle. Les pentes tournées au Nord ou à l'Est sont, toutes choses égales d'ailleurs, moins chaudes que celles qui regardent l'Ouest et surtout le Midi.

L'eau stagnante surtout rend le sol froid, car elle absorbe une énorme quantité de chaleur; mais l'eau retenue par simple capillarité entre les particules terreuse:>, suffit aussi à.

retarder l'échauffement du terrain. Tout le monde sait que les sols argileux, marneux qui retiennent par imbibition de grandes quantités d'eau, sont, toutes choses égales,

a

'ailleurs, plus froids que les autres. Enfin les terrains de couleur blan- che, absorbant beaucoup moins de chaleur que ceux de cou- leur foncée, s'échauffent aussi plus lentement que ces der- niers. Tout le monde a vu, à l'Ecole d'agriculture de l\1ont- pellier 1 ce carré de Cynthianas, en terre blanche, guéri d'une chlorose des plus manifestes, qui revenait périodique- ment à chaque printemps, par l'apport de quelques centimè- tres d'épaisseur de terre rouge de St-Georges â sa surface.

J'ai constaté moi-même, chez M. L~spiault, à Nérac, un fait du même genre. Une vigne phylloxérée avait été arra- chée et défoncée profondément. Le sous-sol, de couleur blanche, fut malheureusement ramené à la surface sur plu- sieurs points. Trois à qualre mille américains, appartenant à six ou huit variétés, y furent plantés. Depuis deux ans, que je suis cette vigne, toutes les variétés plantées sur les taches blanches sont plus ou moins chloroliques et bien in- férieures en développement au reste de la plantation.

La conclusion pratique de ces const<lérations sur la tem-

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pérature du sol, c'est qu'il ne faut planter les terrains froids qu'avec les plus grandes précautions. Il sera bon d'y faire des essais en petit. De toutes les vignes que je connais, le Solonù est celle qui s'adapte le moins mal à ce genre de terrains.

Reste à considérerlasécheresse du sol. Nous avons vu déjà que le Riparz"a sauvage craint les sols arides; cela est vrai, surtout dans le l\lidi. Mais comme il y a une foule de formes sauvages de Riparùis1 on a pu cependant en trouver quel- ques-unes qui s'accommodent de ces conditions. J'en ai vu une collection chez M. le 0'" Despetis, à Pomérols dans

!'Hérault. Des observations récentes me font regarder comme certain que les hybrides de Cordifolia et Rupestris, LEsti'valis et Riparia, Rupestris et LEstivalis sont les meilleurs porte-greffes pour ce genre de sols. Au reste, on sait déjà, par des essais faits sur une grande écnelle, que le York 1l1adeira et le Solonis s'accommodent assez bien de ces terrains, lorsque leur aridité n'est pas portée à un degré excessif. J'ajouterai que les expériences auxquelles je me livre, depuis quelques années, sur divers porte-greffes hybri- des découverts récemment ou faits par moi, me donnent, la certitude de trouver de bons parle-greffes pour les terrains les plus réfractaires à la vigne américaine, les garrigues du Languedoc, les aspres du Roussillon, la craie des Charen- tes, etc.

Maintenant, Messieurs, que nous avons des notions pré- cises sur la résistance au phylloxéra des vignes américaines et sur leur adaptation à nos sols et à nos climats, nous allons passer rapidement en revue les variétés les plus importantes pour la reconstitution de nos vignobles.

D'abord les porte-greffes.

Le V. riparia sauvage mérite d'être placé en tête de la série tant par la modicité de son priK que par ses qualités

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intrinsèques de porte-greffe, vigueur, facilité de reprise au bouturage, réussite des greffes, etc. Il en existe de;; formes si nombreuses qu'on a dû renoncer à les distinguer toutes.

Dans mon opinion, la plus grande partie de ces formes est due à des retours plus ou moins complets d'hybrides et de métis à l'espèce ou à des variétés distinctes. C'est à l'existence de ces nombreuses formes qu'il faut attribuer la facilité d'adaptation de celte vigne. En général, le Riparia demande des terrains frais, profonds et chauds. Mais, ainsi que je l'ai indiqué précédemment, M. le docteur Despetis a réussi à sélectionner un certain nombre de formes capables de vivre dans les terrair:s secs de l'Hérault. -Résistance au phylloxéra absolument certaine, du moins pour les Riparias du Missouri. On trouverait certainement des individus in- demnes de phylloxéra.

Il existe des hybrides de Riparia avec /Estivalis, Cordi- folia et Rupestris qui out le plus ~rand a venir comme porte-

g reffes.

V. rupestris. - Aux Etats-Unis, cette espèce remonte beaucoup moins vers le nord et descend un peu plus vers le sud que la précédente. Chez nous, elle supporte mieux la chaleur et la sécheresse de l'atmosphère et du sol que le V. riparia. Elle ne craint que les sols les plus arides et les terrains froids. La reprise de boutures atteint 100 p. 100.

Comme le V. riparia, le V. rupestris pur de race est pres- que indemne de phylloxéra. La forme appelée Ru.pestris

Gamsùi en est même complètement exempte. Excellent por- tegreffe, peut-être supérieur au Riparia. IL existe des formes

innombrables de Rupestris. Toutes paraissent bonnes sauf peut-être celles à très larges feuilles qui ont l'anthracose.

Les hybrides de RupestriS sont nombreux. Les plus remar- quables sonl ceux de Cordifolz'a, d',/Estivalis et de1llustang ou ,·ignes Champin de .M. Planchon. Se défier de ces der-

nières à cause de leur ::;ensibilité à l'anthracose et au phyl-

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loxéra. Les hybrides d'&#valis sont encore peu connus.

Quant à ceux de Cordifolia, il va en être question.

Le V. cordtfolia est en somme un peu plus méridional que les espèces précédentes. li croît lentement, mais devient d'une grosseur énorme. Quoiqu'il ne reprenne que très mal de boutures ( 10 à 20 p. 100) il pourrait rendre des services signalés dans les terrains profonds de la région méditerra- néenne. Son feuillage d'un vert intense et ses racines plon- geantes défient les sécheresse.s les plus excessives. J'en ai vu quelques centaines defortbellesgreffes chez M. de Grasset, à

Pézenas. Même résistance que les deux précédents.

Il existe de nombreux hybrides et des formes plus nom- breuses encore de Cordzfolias sauvages. Parmi les hybri- des, je signalerai seulement ceux de Rupestris. Outre ceux que j'ai faits artificiellement avec M. de Grasset, il en existe plusieurs numéros rencontrés à l'état sauvage, par M. Hermann Jaeger de Néosho (:V1issouri), sur le Territoire indien et dans l'Arkansas. Ce sont des plantes d'une vigueur inouïe, reprenant bien de boutures (50 à 70 p. 100) et presque indemnes ou même complète- ment indemnes de phylloxéra. Ces Cordifolia-Rupestris prennent fort bien la greffe de nos cépages. Ce sont de tous les porte-greffes que je connais, ceux qui ont l'adaptation la plus étendue. En tous cas, je crois, qu'ils sont appelés à jouer le rôle le plus important dans la reconstitution des vignobles du l\lidi, de l'Espagne, du Portugal et de l'Italie.

Le V. cinerca est aussi un porte-greffe d'une résistance certaine. J'en ai vu plusieurs centaines greffés par européen qui avaient un beau développement. Il reprend mal de bou- tures. L'heure de l'utiliser n'est pas encore venue.

Solon/s. Hybride complexe provenant vraisemblablement des forêts de l'Arkansas. On trouve des phylloxéras en

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assez grand nombre sur ses racines; mais, comme les tubé- rosités y sont rares, cette vigne s'est montrée jusqu'ici par- tout résistante à l'insecte. Le Solonis craint les terrains froids et les sols très aride:;. Dain les premiers, il se chlo- rose, tandis que dans les seconds il perd ses feuilles inférieu- res au mois d'août. Excellent porte-grefie, le meilleur jus- qu'ici pour les terrains crayeux des Charentes, bien qu'il n'y présente souvent qu'une assez maigre véf{étation.

York ,Afadeira. Cest un hybride de Labrusca et d',/Esti- valis. Pour la résistance il est un peu supérieur au Solonis.

Cette plante ne craint pas les terrains les plus chauds ni les sols arides; elle réussit dans des sables purs ou d'autres ne viennent pas. Porte-grefte éprouvé, elle peut produire aussi un vin de beaucoup de corps et d'une superbe couleur, mais notablement foxé. Dans le cas de gelée des souches par les froids de l'hiver, une vigne greffée sur York ne s~rait pas complètement perdue comme une vigne greffée sur Ripaniz ou Solonis: le porte-greffe repoussant du pied pourrait être utilisé comme producteur direct. Fertile après la cinquième année.

Gaston-Bazille. Hybride naturel complexe, d'une résis- tance notablement supérieure à celle du York et du Solonis, et jouissant vraisemblablement d'une adaptation extrême- ment étendue. Peu employé, mériterait cependant de Pêtre sur une grande échelle.

Vial/a. Cet hybride de Labrusca et Riparia constitue un excellent porte-greffe pour les terrains moyens (ni chauds ni froids, ni trop secs ni trop humides), assez profonds et fertiles. Bien qu'il soit très accessible au phylloxéra, en le mettant dans les conditions dont je viens de parler, on peut compter sur sa résistance, au moins dans notre Sud-Ouest.

Il passe pour être mieux adapté que toutes les autres variétés à la greffe par nos cépages européens.

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En tête des vignes américaines pouvant être employées comme producteurs rlirects, nous pouvons mettre le Jacquez.

Cest, en effet, vers cette vigne que la faveur du public s'est toumée, depuis six ansJ d'une manière presque exclusive.

Le Jacquez est fertile et suffisamment résistant au phyl- loxéra pour notre région. Comme tous les /Estivalis il préfère les terrains chauds. Son vin est, il est vrai, assez grossier, mais sa couleur intense le fait rechercher pour les coupages. Il coule peu, mais de tous les cépages connus c'est le plus sujet à l'anthracose. 11 souffre aussi du mildiou des feuilles et du raisin (Rot des américains) : aussi fera-t- on bien de ne le planter que sur les côtes bien drainées et aérées. Ce cépage est vraiment dangereux pour les vigno- bles européens à cause de sa sensibilité à l'anthracose et au

mildiou. Depuis quatre ans que je suis cette dernière mala- die, je la vois inYariablement débuter par le Jacquez, à chaque printemps.

L'Herbemont, fait unjoli vin rouge de qualité moyenne.

11 est très fertile mais un peu tardif. On ne le vendange guère, dans la Gironde, avant le 10 octobre. Il demande des expositions sèches et un terrain chaud. Les sols argilo- calcaires de couleur foncée lui conviennent surtout, mais il

se fait très bien dans les alluvions argilo-siliceuses colorées.

Il est peu sujet aux maladies et à la coulure. De tous les producteurs directs, c'est actuellement le plus estimé dans la Gironde, et à juste titre.

Le Rulander ou Louùiana produit en grande quantité un vin rosé qui, sans être désagréable ni de mauvaise qualité, diffère cependant trop de nos vins français pour devoir être cultivé, dans notr~ pays, sur une grande échelle. Du reste, sa résistance au phylloxéra est des moins durables.

Le l unningham résistera probablement partout dans la

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Gironde, mais il est de maturité plus tardi\·e que tous nos cépages du pays. Même vin que celui du Rzûander.

Le CJ1nthiana ou Norton's Virginia produit un vin qui est réellement de bonne qualité. Ce vin est supérieur à tous les vins américains; il a beaucoup de corps et une robe magnific:ue. La production du Cynthiana est faible mais assez régulière. D'après certains auteurs, après la cinquième ou la sixième année de production, celle-ci augmenterait notablement. La résistance de cette variété me paraît assurée. Son feuillage n'est sujet à aucune maladie. Plu- sieurs personnes en plantent comme colorant. Malheureuse- ment il reprend difficilement de boutures. Pour le multiplier, le mieux est d'avoir recours à la marcotte. Il craint beau- coup les sols froids.

Le York-llîadeira, dont nous avons déjà parlé, est un cépage tout à fait robuste et sain. Il réussit partout sauf dans la craie et dans les terrains froids. Sa fertilité est moyenne. Le vin a beaucoup de corps et une belle couleur, malheureusement il est notablement foxé. Depuis quelque temps1 cependant, on en plante volontiers dans le pays, car son vin mélangé dans la proportion d'un quart aux vins communs du Bordelais, au lieu de leur nuire, les améliore réellement.

Je terminerai cette revue des cépages à fruit rouge par l'Othello. Hybride de Clmton et d'européen, ce nouveau venu laisse beaucoup à désirer sous le rapport de la résis- tance au phylloxéra. Néanmoins, comme il est d'une énorme fécondité, je pense qu'il y a Lieu de l'utiliser pour la recons- titution des vignobles. Mais je recommande de ne le plan- ter que dans les meilleures terres et de le fumer tous les trois ans. Il souffre légèrement du mildiou et très peu de l'oïdium. Son vin est commun, d'une belle couleur, passa- blement alcoolique et très légèrement foxé.

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Parmi les cépages à fruit blanc, deux seulement ont quel- que importance pour nous :

Le Noalt réussit parfaitement dans les alluvions et les terrains argilo-siliceux ou argilo-calcaires du sud-ouest. Il craint les calcaires secs. C'est une plante vigoureuse et fer- tile, coulant très p~u, réfractaire à l'oïdium et au mildiou et d'une résistance assurée au phylloxéra. 11 se récolte avec nos cépages de maturité moyenne. Son vin porte de 8 à 9 degrés d'alcool, il est d'assez bonne qualité et un peu foxé.

On en fait, ainsi que <le celui de !'Elvira, de bonnes eaux- de-vie, extrêmement parfumées mais d'un caractère fort différent de celui des nôtres. Je n'hésite pas à vous recom- mander le Noah.

L'Elvz'ra présente les plus grandes analogies avec le pré- cédent, mais lui est un peu inférieur sur tous les points, no- tamment sur celui de la résistance au phylloxéra. En outre, il a l'inconvénient d'avoir la peau du grain si fine que celui- ci crève et pourrit facilement.

Je terminerai cette conférence déjà bien longue par quel- ques réflexions sur le greffage.

Parmi le nombre considérable d'espèces de greffes qui ont été préconisées et pratiquées depuis dix ans, trois ou quatre seulement ont survécu au naufrage de toutes les autres: la greffe en fente simple, la greffe en fente éYidée, la greffe anglaise avec languette et la greffe de côté avec un œil d'appel de la sève. Je n'hésite pas, après avoir étudié cette qu~stion un peu partout, sur des dizaines de milliers de greffes, je n'hésite pas, dis-je, à proscrire les trois dernières sortes pour conseiller exclusivement la greffe en fente sim- ple ou pleine. C'est elle, en effet, qui est employée à peu près seule, depuis deux ou trois ans, dans le Midi, et cela avec raison, puisqu'elle donne une réussite de 80 à 90 p. roo en moyenne.

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Pour arriver à d1aussi beaux résultats, il est nécessaire de se conformer aux prescriptions suivantes :

Le sujet doit être raciné et en place.

Son âge ne doit pas dépasser deux ans.

Il faut greffer autour du T5 avril, dans le Midi; quinze jours à trois semaines plus tard, dans la Gironde. Le beau temps et une chaleur moyenne, de 20 degrés environ, du so1 et de l'atmosphère, favorisent la réussite.

Les greffons doivent avoir été pris sur des bois coupés aussi fraîchement que possible ou stratifiés avec soin.

Le point greffé doit être au ni veau du sol.

Il faut avoir soin de butter à un pied de hauteur et de ne pas attacher la greffe à un échalas : le vent, en ébranlant celui-ci, décollerait la greffe. Le greffon doit avoir deux ou trois yeux et l'œil supérieur affleurera le sommet de la butte.

A la fin d'août, lorsque les greffes sont bien soudées, on les découvre avec précautions, et, avec un instrument aussi tranchant que possible, on excise les racines qui se sont pro- duites sur le greffon. On butte de nouveau pour mettre les greffes à l'abri des froids de l'hiver. Ce n'est qu'après le deuxième hiver que les buttes seront définitivement détruites.

D'après mon opinion bien mûrie et arrêtée, la première condition de réussite dans le greffage. est de greffer sur raciné en place. - La première condition de dé\'eloppe-

ment pour un plant greffé c'est qu'il n'ait été arraché qu'une seule fois à partir du moment de la plantation de la bou- ture qui constitue le sujet. Tandis, en effet, qu'une greffe, sur raciné en place, donne toujours un quart à un tiers de récolte l'année qui suit celle du greffage, une greffe faite à l'atelier sur raciné, remise en pépinière, puis arrachée de nouveau pour être mise en place définitivement, ne donnera jamais de fruit l'année qui suit celle du greffage et très rare-

ment l'année d'après. Il faut à ces greffes au moins deux

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années pour se remettre des mutilation:> répétées que l'on a infligées à leurs racines.

M. de Grasset, chez qui j'ai vu, depuis quatre ans, dans l'Hérault, plus de cent cinquante mille greffes faites de cette façon, avec une réussite de 90 p. 100 en moyenne, m'écri- vait, il y a quelques jours: «J'ai récolté quatre-~·ingts hecto- litres à l'hectare, l'un dans l'autre, sur l'ensemble de mes greffes de deux et trois ans ».

Il y a une telle disproportion entre les chiffres de réussite des greffes faites dans le Midi et ceux des greffes faites dans notre région, qu'il faut nécessairement admettre que la réussite est favorisée par le climat méditerranéen. Il est rare, en effet, de rencontrer chez nous, à la saison du gref- fage, des séries de jours chauds et secs comme dans le Midi.

L'atmosphère, le sol sont fréquemment refroidis par la pluie i pour peu que celle-ci soit abondante, l'eau de\'ient stagnante à la surface des terrains argilelL"; les greffes sont noyées; le réchauffement Ju sol empêché pour longtemps.

C'est pour ces raisons que le greffage sur raciné en place définitive, bien qu'il donne de si beaux résultats dans le Midi, ne me paraît pas à conseiller dans la Gironde.

Sous notre climat, on devra greffer sur place en

pepi-

nière.

Le greffage en pépinière ne souffre pas des mêmes incon- vénients que le greffage en plein vignoble. Si l'on a soin de choisir une bonne exposition, un terrain sec, chaud et meuble, on réussira ces greffes dans une proportion satis- faisante. U faut seulement avoir soin, lorsqu'on plante les boutures, de les espacer de vingt à vingt-cinq centimètres dans le rang. L'année qui suit le greffage, on arrache la pépinière, et, après un triage minutieux, on met en place définitive, le point greffé au niveau du sol afin de prévenir la formation de racines sur le greffon. J'ai vu, chez l\1. Malègue, à Pézilla-la-Rivière, près de Perpignan, cette méthode appliquée sur une grande échelle, et je dois dire

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que les résultats en sont m.agnifiques. Nulle part je n'ai vu de vignes reconstituées d'une pareille régularité et d'un aspect aussi satisfaisant.

Il ne manque pas parmi vous, Messieurs, de praticiens distingués capables non seulement d'exécuter mais encore d'enseigner la greffe en fente pleine, aussi je n'insisterai pas sur le mode opératoire. Du reste, c'est la plus facile des greffes, un couteau suffit pour l'exécuter et l'ouvrier le plus maladroit devient un maître après une journée d'exercice.

Laissez-moi cependant vous recommander, après M. Des- petis, de couper Je sujet à trois centimètres au-dessus d'un nœud. Le nœud empêche la fente de s'étendre outre mesure.

Un membre de ce Comice, M. Cazeaux-Cazalet, a conseillé récemment de tailler la partie supérieure du biseau du greffon sw· un nœud, de manière à amener plus sûrement la rencontre des cambiums du sujet et du greffon. Ce conseil mérite assurément d'être suivi.

Une dernière remarque pour terminer.

Depuis quatre années, vous assistez à un spectacle bien triste et qui ne peut avoir manqué de vous frapper doulou- reusement. Sur la fin du mois d'août, quelquefois même en juillet, la feuille de vos vignes se tache, se dessèche et tombe. Les souches, presque dépouillées de leurs feuilles, devienneut incapables de nourrir leurs raisins. Le vin perd de sa qualité, quand on en fait; mais on n'en fait pas tou- jours. J'ai vu en effet, au 20 octobre, des récoltes de Folle- blanc/ie tncore sur pied et qui n'ont pu être enlevées faute de maturité. Depuis quatre ans, le titre alcoolique des vins dans le Sud-Ouest a diminué en moyenne de deux degrés.

Cette diminution d'alcool correspond en fait, pour les vins communs qui se vendent au poids alcoolique, à une diminu- tion d'un cinquième du revenu: perte colossale, quand on songe qu'elle frappe régulièrement tous les départements compris dans les bassins de la Garonne et de la Charente.

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La cause de ce triste état de choses est une maladie de la vigne que nos pères ne connaissaient pas, et qui a fait sa première apparition en Europe dans l'année 1878. Elle nous vient d'Amérique; et nous lui avons conservé son nom amé- ricain, celui de mildiou (mildew moisissure, en anglais). Le mildiou est produit par un champignon fort petit qui ronge la feuille et la tue.

Jusqu'ici on n'a trouvé aucun traitement vraiment efficace contre ce fléau, mais on a constaté que parmi nos cépages quelques-uns sont moins gravement atteints par le mildiou que les autres. De tous, les plus sujets à cette maladie sont incontestablement le Malbec et la Folle. Les Sauvigm:m et Sémillon blancs, le Cabernet sauvignon. et quelques autres en sont affectés d'une manière moins sérieuse. 11 est de la dernière importance de tenir compte de ces faits dans le choix des cépages au moyen desquels vous allez reconsti- tuer vos vignobles.

Enfin il y a des localité::; bien plus sujettes au mildiou que d'autres, les vallées, les bords des bois et des rivières, par exemple; certaines natures de sol sont dans le même cas.

Observez donc avec soin la marche du fléau sur vos pro- priétés et ne replantez que les points qui vous offrent quel- ques garanties. Mieux vaut un bon pré ou un bon champ qu'une mauvaise vigne.

Messieurs, je suis heureux d'avoir été appelé, par les organisateurs de cette réunion, à prendre la parole devant un public si nombreux et qui m'accueille d'une façon aussi sympathique; j'en suis heureux, car j'espère qu'il en ressor-

tira quelque utilité pour un certain nombre de mes audi- teurs. J'espère avoir réussi à vous convaincre que si la

reconstitution de nos vignobles par les vignes américaines est une opération délicate et dispendieuse, elle n'est pas au- dessus des ressources de la pratique. Avec des soins, du travail et le temps nécessaire, vous pouvez être certains du

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succès. Je dirai plus, la crise que nous traversons aura eu l'avantage de perfectionner notre viticulture. Car il n'y a pas de doute que le greffage soitle meilleur préservatif con- tre la coulure, et que tout en augmentant la quantité, il n'améliore en même temps la qualité des produits.

Pre1wi.ère Assemblée générale · mensuelle

8 Juin 1884

COMPTE-RENDU ANALYTIQUE

La séance est ouverte à

.+

heures du soir.

Etaient au Bureau, MM. Bo11nefoux, président; Dubourg, trésorier; et G. Cazeaux-Cazalet, secrétaire.

L'Assemblée, sur la proposition du Bureau, nomme M. Millardet membre honoraire, en récompense des services, qu'il a rendus au Comice.

Ordre du jour : Communications sur le greffage.

M. Descrambes demande aux membres du Comice com- m7ot on pourrait expliquer l'insuccès complet du greffage sur riparias de un et de deux ans, en greffe anglaise et dans un sol froid, toutes les autres conditions nécessaires à une bonne opération étant d'ailleurs remplies.

111. Ballan prétend que la greffe anglaise ne convient pas aux sujets de deux ans, parce que les coupes de cette greffe se recouvrant entièrement l'une par l'autre, l'excès de sève du porte-greffe noie ces coupes et empêche la soudure de s'accomplir.

ilf. A. Cazeaux fait remarquer que puisqu'il y avait, dans le cas signalé, autant de sujets d1un an que de deux ans,

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l'explication donnée par M. Ballan n'est pas suffisante, il attribue plutôt la non réussite à la nature froide du soI aggravée par l'emploi du sable.

Dans l'incertitude où l'on se trouve au sujet de la plupart des conditions dans lesquelles ce greffage a été exécuté.

M. Bonnefoux propose de nommer une commission qui ira rechercher sm les lieux mêmes les causes d'insuccès. Mais un membre du Comice ayant fait remarquer qu'il était im- possible, à cause du retard imputable à la température, de connaître dès à présent la quantité de greffes réussies, cette proposition est abandonnée.

M. Delbruck parle d'une cause d'insuccès: l'état relatif du porte-greffe et du greffon.

Le sujet étant par exemple, plus avancé en végétation que le greffon, celui-ci part tout de suite et se trouve dans les meilleures conditions possibles pour se souder.

Des greftons trop partis ou plus avancés que le porte-greffe, s'épuisent avant de se souder et sont dans les plus mau- vaises collditions possibles; il en est de même lorsque les

greffons sont éventés. Cet état relatif du porte-greffe et du greffon, nécessaire au succès du greffage, est bien difficile a obtenir et suffit seul à expliquer bien des insuccès. - M. Delbruck ne croit pas, du reste, à l'influence d~ sol.

llf. G. Cazeaux-Cazalet croit, au contraire, à l'influence du sol sur le résultat du greffage; il explique qu'un sol chaud et par suite peu hurnide ou dont l'humidité ne persiste pas est excessi\-ement favorable à la greffe, tandis qu'un sol froid ou un sol trè':> humide sujet à de grandes altérations, exerce une influence funeste sur les résullats du greffage .

... W. Ballan (de Ste-Croix-du-1\lont) dit qu'il a greffé des Jacquez en terrain chauJ et qu'il n'en a pas manqué un seul; il a greffé ajoule-t-il en d'autres terrains, assez sou- vent sans jamais v0ir un pareil succès. M. Ballan signale encore le succès remarquable de 1\1. Perrodet, à Barsac, go p. 1001 en terrain chaud.

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4

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ltf. Lasserre cite l'exemple de M. Peros-Mandis, qui a de grandes réussites en terrain chaud.

M. Déjeans (de Loupiac), demande quels sont les résul- tats des greffages sur 1Estivalis.

M. Ballan (de Ste-Croix-du-Mont), répond que les gref- fages sar lEstivalis lui ont toujours donné de bonnes réus- sites, surtout ceux qui ont élé faits sur bâcbe.

M. A. Cazeaux, demande si l'Herbemont réussit sur Jacquez.

M. le D• Cazeaux, parle d'un vin de Jacquez, qui, très noir il y a deux ans est maintenant couleur de tuile rouge.

Plusieurs membres font remarquer que ce fait concorde avec les renseignements qui a\·aient été donnés sur les vins de Jacquez.

M. Faurie (de Verdelais), a planté ses greffes-boutures qu'il avait mises à stratifier sous bâche, le ro mai dernier, partie en place et partie en pépinière.

Il fait cette remarque, que lorsqu'on établit une pépinière on choisit généralement un sol de jardin, chaud. Ce sol, étant, du reste, fumé tous les ans, a une température supé- rieure au sol où on transplante les greffes-boutures en placequi n'a pas subi de préparation spéciale, qui peut être quelquefois froid de sa nature ou toujours moins chaud que celui de pépinière. La température du sol de la pépinière, en un mot, se rapproche de celle des couches d'où onsortles boutures greffées. La prise en pépinière, dit LU. Faurie, per- met donc à la boulure de reprendre plus facilement et facilite le dé\•eloppement des greffes soudées. Aussi coostate-t-il que les greffes mises en pépinière se sont lancées dès le r5 mai et ont des pousses de 6 centimètres, tandis que, les greffes mises en place ne se sont lancées que dix jours plus tard ; ces dernières sont à ce moment-ci les moins déve- loppées . .l'II. Faurie transplante ensuite au mois d'octobre ses greffes-boutures venues en pépi:nière.

L'honorable membre explique que, pour préserver les

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I

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feuilles de ses greffes des surprises du soleil, il les recouvre, pendant les premiers quinze jours, avec des paillons qui ont servi à envelopper les bouteilles. Mais il tient ces paillons légèrement soulevés au-dessus du sol au moyen de fiches en fil de fer de manière à laisser pénétrer la lumière.

M. le D•' Cazeaux, rappelle qu'on peut employer pour le même usage deux tuiles verticales appuyées l'une contre l'autre par leur sommet ou des petites branches d'arbre que

l'on place du côté du soleil.

M. Fazu·ie dit qu'il lui est impossible de dire dès à présent quel sera le chiffre de réussite de ses greffes-bou- tures, mais il a observé qu'avec beaucoup d'attention on pourrait reconnaître celles qui sont soudées. Ainsi le point de jonction des deux parties peut se reconnaître à la façon dont les écorces du porte-greffe et du greffon sont soulevées tout à l'entour des coupes; mais il ne faut pas prendre comme un indice de soudure le bourgeonnement blanchâtre qui se prodtût autour de ces coupes.

En examinant quelques paquets de greffes stratifiées, M. Faurie a trouvé 6o à 65 p. 100 de greffes réussies.

L'honorable membre continue en disant qu'il avait fait des greffes du 25 février au 12 mars, et qu'il les :lVait mises par paquets de 251 inclinés à 450 dans une couche de terre qui arrivait à quelques centimètres au-dessous des soudures

,

tout le greffon étant recouvert de sable.

M. C. Ducau dit que des greffes-boutures placées dans le tan n'ont pas réussi parce que Le porte-greffe américain n'a rien fait tandis que le greffon a poussé.

M. Faurie répond que les porte-greffes inclinés comme il les avait mis, ont au contraire émis des racines qui com- mençaient à pointiller au moment de la plantation.

M. Déjeans dit que les couches de fumier sont plus favora- bles à la formation de la soudure que celles de tan, car lors- qu'il a planté ses greffes-boutures, vers le 25 avril, non seu- lement le greffon était poussé mais tous les porte-greffes

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avaient émis des racines, ce qui indiquait un certé'in travail dans la bouture. D'ailleurs, dit-il, les pousses des greffons dépassent, actuellement, dix centimètres.

M. Cazeaux-Cazalet ne croit pas comme M. Déjeans que les greffes-boutures fussent soudées au moment de leur plan- tation; la soudure a dû se faire, depuis, en terre. La forma- tion de nouveaux tissus dans la bouture n'estpas une garantie, car ces formations nouvelles ne paraissent se produire dans l'intervalle de deux nœuds que lorsque le nœud supérieur s'est lancé. Le mérithalle où est faite la coupe du porte- greffe n'a pas de nœud supérieur et les tissus noU\·eaux ne s'y forment que très tard alors que le greffon est déjà bien avancé. On a constaté qu'en effet, dans la greffe-bouture, le porte-greffe était toujours en retard sur le greffon.

Le Secrétciz"re, G. CAZEAUX-CAZALET

A VIS AUX MEMBRES DU COMICE

MM. les Membres du Comicequi n'ont pas encore versé le montant de leur cotisation annuelle sont priés d'en opérer le versement dans le cout'ant du mois d'octobre, à Cadillac chez M. Dubourg, trésorier, ou à Langoiran chez M. Ducourneau jeune, vice-trésorier.

8482. - Bordeaux, \'• Cadoret, impr., rue J.lontmëjan, 17 .

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BALLAN-

à. Sainte-Croix-du-Mont

<Gironde)

G-R.EFFOIR..S

Midailles </"or an Coagrès phyllo:.ocêrique de Bordeaux; rSS1 ; Expositioa de Borde-.ux, 1882: Concours régional de Bordeaux, 188+

Grand greffoir pour la greffe anglaise sur table ... F. 40 Greffoir pour la greffe en fente évidée sur table et pour la greffe en fente pleine et la greffe en feute latérale... 25

Tenailles pour la greffe anglaise sur place... 4 Mesureur pour la grosseur des sarments... 1

BOUTURES DE CASTETS

Cépage rouge, résistant au mildew.

1

Les an1101tces do/vent être atf ressees ail Sccretaire du Cimtice, à Loupiac, avant le 20 tl~ chaque mois.

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TABLE DES lVLI\ TIÈ RES

1

Remarques en réµ -

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Rapport général

CAZALET ••.•.••

Compte-rendu de , C--0mpte-renùu del

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du Bulletin

Pag~s

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111. pat· G-. C.i.ZEALX-

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· né1·ale..... . . . .. . . .. .. . . 5"8

8554. - Bordeaux, Ve Cadoret, impr., rue Montmej;tn, r7.

Références

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la maladie du black-rot, qui depuis longtemps exerçait de Lerri- bles ravages dans les vignes en Amérique, apparut en France dans la vallée de l'Héraull, à Ganges. Deux ans

lntfi rcq purt... liüi'rre

brouillo.rds, nous avons eu, en fin de décembre et en janvier, quel- ques journées de froids aussi intenses que les plus rigoureux. La neige a clôturé celle période de

20 Ouvrii· dans chaque mail'ie uu regisfre dont f,e public 71om-rait demande1· communication et sur lequel seraient transcrites les dema11des. Présidence de ,\l.

•.. Précisons, tout d'abord, les conditions dans lesquelles le rogn&lt;ige doit être effectué : Si cette opération est exécutée t&gt;n juilkt et aussitôt que

hâler la maturité et amener l'amélioration de la qualité des fruits. l'appui une e xpérience per~onnelle raite sur le Sémillon. Cazeaux-CazaleL fait des réserves pour

pu voir en juillet, que les radicelles ne se formaient plus à la même profondeur dans le sol trop desséché. Au mois de Feplembre, les pieds qui ont reverdi avaient tous