FACULTÉ DE MEDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
ANNÉE 1898-1899
jy. g2
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE
DE LA
DIAZORËACTION de EHRLICH
DANS LA FIÈVRE TYPHOÏDE
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MÉDECINE
Présentée et soutenue puDiiauement le 28 Juillet 1899
PAR
Jean-Bernard BARDE
Né à
Saint-Germain-de-la-Rivière (Gironde), le 19 Juin1
ANCIEN EXTERNE DESHOPITAUX
ffj
Examinateurs de la Thèse :
/ MM. ARNOZAN, professeur,Président,
I MOUSSOUS, professeur, | j RONDOT, agrégé,
l
Juges.( HOBBS, agrégé, I
Le Candidatrépondraauxquestions qui luiserontfaitessur les diverses partiesdel'Enseignement médical.
BORDEAUX
Imprimerie J. DURAISrD, 20, rue Condillac.
1899
FACULTÉ
DEMÉDECINE
ET DE PHARMACIE DE BORDEAUXM. de NABIAS Doyen. | M. PITRES.
PROFESSEURS :
Doyen honoraire.
MM. MICE AZAM DUPUY.. .
MOUSSOUS
Professeurs honoraires.
Clinique interne.
Clinique externe <
Pathologie et théra¬
peutique générales.
Thérapeutique
Médecine opératoire..
Cliniqued'accouchements....
Anatomiepathologique Anatomie
Anatomie générale et histologie
Physiologie Hygiène
MM.
PICOT.
PITRES.
DEMONS.
LANELONGUE.
VERGELY.
ARNOZAN.
MASSE.
LEFOUR.
COYNE.
N.
VIAULT.
JOLYET.
LAYET.
Médecinelégale Physique Chimie
Histoire naturelle... .
Pharmacie Matière médicale Médecineexpérimentale Clinique ophtalmolo¬
gique
Cliniquedes maladies chirur¬
gicales des enfants Clinique gynécologique Clinique des maladies médi¬
cales des enfants Chimiebiologique ...
MM.
MORACHE.
BERGONIÉ.
BLAREZ.
GUILEAUD.
FIGUIER.
deNABIAS.
FERRÉ.
BADAL.
P1ÉCHAUD.
BOURSIER.
A. MOUSSOUS DENIGÈS.
AGRÉGÉS EN EXERCICE :
section de médecine (Pathologie interneetMédecinelégale).
MM. CASSAET.
AUCHÉ.
SABRAZÈS.
MM. Le DANTEO.
HOBBS.
Pathologieexterne.
section de chirurgieet accouchements
MM. B1NAUD.
Accouchements.
MM. CHAMBRELENT.
FIEUX.
Anatomie.
section des sciences anatomiques et physiologiques
l MM. PRINCETEAU- I Physiologie MM. PACHON.
CANN1EU. Histoire naturelle.
Physique.
section dessciences physiques M. S1GAL\S. | Pharmacie...
BEILLE.
M. BARTHE.
COURS COMPLEMENTAIRES
POUSSON.
MOURE.
RÉGIS.
DENUCÉ.
RONDOT.
Clinique desmaladies cutanéesetsyphilitiques MM. DUBREUILH Clinique desmaladies des voies urinaires
Maladies dularynx, des oreilleset dunez Maladies mentales
Pathologie externe Pathologie interne Accouchements Chimie Physiologie Embryologie Pathologie oculaire
CONFÉRENCE d'Hydrologie etminéralogie
DUPOUY.
PACHON C AN NIEU.
LAGRANGE.
CARPES.
Le Secrétaire de la Faculté: LEMAIRE.
Par délibération du 5 août 1879, la Faculté a arrêté que les opinions émises dans les
Thèsesquilui sont présentées doivent êtreconsidérées commepropres à leursauteurs, et qu'ellen'entend leur donnerni approbation ni improbation.
A M. le Docteur RONDOT
Médecin des Hôpitaux,
Professeur agrégé à la Faculté de Médecine.
MON COUSIN
Joseph SURIN
Respectueuxhommage
de maprofonde reconnaissance.
Avant d'entrer dans l'exposé de notre sujet, nous tenons à
témoigner
notre profonde reconnaissance à ceuxqui nous ont guidé au cours de nos études, et éclairé de leursprécieux conseils.
Avec M. leprofesseur Piéchaud et avec M. le professeur Moussous, nous avons appris à aimer la chirurgie et la
médecine infantiles; nous avons gardé le meilleur souvenir des deux années passées comme externe à l'hôpital des
Enfants Assistés, et nous offrons à ces deux maîtres vénérés l'expression de notre profonde reconnaissance.
Nous sommes redevable en grande partie de notre éducation clinique, à M. le professeur Rondot dont nous avons eu le privilège d'être l'externe pendant toute une année. Nous avons trouvé en lui, à côté du professeur éminent donnant à ses élèvesun enseignement remarquable de précision et de clarté, l'ami bienveillant inspirant
l'affection et le respect par ses relations toutes de bonté et d'extrême délicatesse.
A M. le docteur Durand, dans le service duquel la plupart
de nos observationsont été prises, nous offrons l'expression
de notre vive gratitude.
M. le docteur Mongour, médecin des hôpitaux, nous a donné le sujet de notre thèse, et nous a prodigué ses conseils éclairés avec sa parfaite amabilité et sa constante bienveillance; qu'il nous soit permis de lui exprimer ici
notre vive reconnaissance,
A notre ami Gentes, interne de M. le docteur Durand,
nous offrons nos remerciements pour le précieux concours
qu'il nous a apporté dans le choix de nos observations.
Nous présentons à M. le professeur Arnozan qui nous a fait le très grand honneur d'accepter la présidence de notre thèse, l'hommage de notrerespectueuse gratitude.
INTRODUCTION
C'est en 1882 que Erhlich porta à la connaissance du monde médical ses travaux sur la diazoréaction.
Frappé
desa présence à peu près constante dans la fièvre typhoïde, il pensa d'abord pouvoir en faire un
signe
pathognomonique
decette affection.
La valeur de la réaction de Erhlich fut appréciée d'une manière variable; quelquesLuns la regardèrent comme une
réaction empirique,
indigne
de foi etanti-scientifique;
d'autres la considérèrent comme un signe importantoumême
caractéristique de la Dothiénentérie.
Le fait qu'elle se montre dans d'autres
affections,
a conduitbeaucoup
de ceux qui lui avaientaccordé leurconfiance, à la condamner comme inutile; ce n'est pas là, croyons-nous,une manière d'agir bien logique; autant vaudrait-il nier la valeur
clinique
de l'albuminerie comme étant un symptômecommun à plusieurs affections.
Nous avons été frappé des résultats obtenus dans le service de M. le Dr Durand où la diazoréaction a été recherchée pour la première fois dans les hôpitauxdeBordeauxd'une manière
méthodique;
aussi, encouragé par les précieux conseils de M. le D1' Mongour, nous nous sommes hasardé à entre¬prendre ce modeste travail, trop heureux nous serons, si
nous parvenons à démontrer que la diazoréaction de Erhlich
est loin d'être d'une inutilité absolue.
Loin de nous l'idée d'en faire un signe
pathognomonique
de la fièvre typhoïde ; mais nous pensons que dans bien des
cas elle pourra rendre de grands services au praticien hési¬
tant.
THÈSE BARDE
2
Ali ! certes, s'il était donné à tous les médecins de passer leur vie à côté des laboratoires bactériologiques, dans les
centres populeux où rien ne manque, au milieu de profes¬
seurs 11e demandant qu'à vous éclairer de leurs savants conseils, dans ce cas, disons-nous, la diazoréaction perdrait
de son utilité et devrait céder le pas au séro-diagnostic de Widal, tout en conservant sur ce dernier le précieux avan¬
tage de donner des résultats rapides.
Mais parmi nous, il en est beaucoup que les nécessités de
la vie forcent à exercer leur art dans de petites villes de province et souvent dans les campagnes; il leur serait diffi¬
cile d'avoir toujours à leur disposition un microscope, une étuve, une culture récente de bacilles d'Eberth ; c'est pour ceux-là, croyons-nous, que la diazoréaction sera surtout
d'une réelle utilité; elle les aidera à affermir, sinon à établir
leurdiagnostic hésitant, dans la plupart de ces états douteux
que l'on qualifie de typhoïdes.
DIVISION DU SUJET
Chapitre i.
Chapitre II.
ChapitreIII.
OBSERVATIONS
La diazoréaction an point de vue chimique.
La diazoréaction au point de vue clinique
dans la lièvre typhoïde.
I
1° Fièvres
typhoïdes classiques;2° Affections ayant présenté à leui début les signes de la dothiénen térie et où la diazoréaction s'esl montrée négative;
3° Fièvres typhoïdes anormales mé¬
connues, alors cjue la diazoréac¬
tion était positive.
Chapitre IV. — Conclusions.
CHAPITRE PREMIER
1° De la diazoréaction au point de vue chimique.
Désireux de montrer dans ce modeste ouvrage, l'utilité de
la diazoréactiondans le diagnostic de la fièvre typhoïde, nous nous sommes uniquement placé au point de vue clinique;
aussi, ce chapitre sera court ; nous n'entreprendrons pas de
discussion chimique sur la réaction diazoïque ; nous allons
nous borner à rappeler les premiers réactifs employés par
Ehrlich; nous dirons ensuite quelques mots du réactif défi¬
nitif, et nous insisterons enfin sur la technique de la réac¬
tion.
1° Des premiers réactifs employés
Le principe sur lequel est établi la diazoréaction, est le suivant : Formation sousl'influencede substances inconnues,
mais assez abondantes dans l'urine de certains malades,
d'une matière colorante rouge qui s'obtient en ajoutant à l'urine additionnée de quelques gouttes d'ammoniaque, une quantité égale de réactif d'Ehrlich.
Dès le début de ses recherches, cet auteur n'arriva pas à préciser la compositiondu réactif.
Voici la formule qu'il donne dans sa première communica¬
tion :
Eau distillée 500ce
Acidenitrique 30 à 50 »
Acidesulfanilique Quantitésuffisante ad sativum.
A cette première solution on en ajoute une deuxième ren¬
fermant quelques parcelles de nitrate de sodium. Le liquide
— 14 —
11e doit pas être conservé plus de 2 ou 3 jours en été et de
3 jours en hiver.
L'examen de l'urine se fait en ajoutant quelques gouttes d'ammoniaque oudepotassedans un tube à essai renfermant,
le réactif et l'urine à parties égales.
On voit le peu de précision d'une telle formule; Ehrlich laissait la quantité de nitrite de sodium à l'estimation de chacun.
Ce ne fut qu'après les expériences de Penzoldtet de Pétri,
arrivant à des conclusions différentes de celles de Ehrlich,
que ce dernier auteur précisa la manière de préparer son
réactif; il n'avait pas tardé à s'apercevoir que la cause de
cette divergence était due à l'emploi d'une trop grande quan¬
tité de nitrite de sodium.
Deux solutions sont préparées à l'avance.
L'une A contient :
Eau distillée 1 000 gr.
Acide nitrique « 50 »
Acidesulfanilique ad sativnm.
L'autre B contient :
Eau distillée 200 gr.
Nitrite de sodium 1 »
Au moment de l'expérience on mélange :
50 de A 1 de B
Voilà le réactif constitué.
2° Du RÉACTIF DÉFINITIF
La formulé du réactif définitif ne fut donnée par Ehrlich
quedans sa quatrième communication :
«J'estime, dit-il, que la réussite de laréactiondépendétroi¬
tement de l'observation exacte des règles quej'ai données :
» Deux solutions sont préparées et tenues en réserve :
» L'une, la solution A contient :
Eau distillée 1 000 gr.
Acide chlorhydrique 50 »
Acide sulfanilique Quantité suffisante ad sativum.
)) L'autre, la solution B, contient :
Eau distillée 100 gr.
Nitrite de sodium 0^50
« Pour constituer le réactif définitif on mélange :
» 250 centimètres cubes de la solution A.
» 5 centimètres cubes de la solution B.
» Puis on verse dans un tube à essai parties égales d'urine
et du réactif; enfin, on alcalimise fortement avec l'ammo¬
niaque.
» Dans les cas où la diazoréaction est présente, le liquide prend alors une belle coloration rouge, qui se communique
à l'écume produite en agitant; enfin, en laissant reposer 24 heures, on constateun dépôt, dont la totalité ou seulement lacouche supérieure est colorée en vert.
» Toute modification à cette manière de faire, mène à des résultats différents ».
Technique de la Diazoréaction.
Si à un mélange à parties égales d'urine et de réactif, on
ajoute avec précaution quelques gouttes
d'ammoniaque,
on voit se former au point de séparation des deux liquides, unebande rouge très nette ; dès qu'on agite le tube, on observe
une belle coloration rouge de tout le liquide et de l'écume.
Après avoir laissé reposer le liquide pendant 24 heures environ, on remarqueau fond du tube un dépôt d'une impor¬
tance variable et de coloration verdâtre qui doit toujours être pris en considération.
I. Coloration du liquide. — La coloration du liquide dans la dothiénentérie, ne doit en aucune façon servir à établir le
diagnostic.
Il est des cas cependant, où la réaction diazoïque est telle¬
ment marquée, que la seule coloration du liquide peut sans hésitation la faire considérer comme positive; mais nous estimons que l'examen du liquide seulement peut être une cause d'erreur, car il est parfois difficile de distinguer la
coloration d'une réaction diazoïque d'intensité moyenne, de
la coloration donnée par certaines urines fébriles traitées par le réactif de Ehrlich et ne présentant pas la diazoréaction.
II. Coloration du dépôt. — Si on laisse reposer des urines normales ou pathologiques, mais où la diazoréaction est
négative, on voit se former au fond du tube un dépôt uniforme, dont la coloration varie de la couleur orange au rouge brique.
Dans les urines où existe la réaction diazoïque, ce dépôt présente une coloration verte; on est tenté à première vue de
le considérer comme un signe de certitude de la diazoré¬
action: En effet, Spiethofï d'abord, puis Escherich et Mehlen- feldt, le prirent seul en considération: C'est évidemment là
un signe de valeur; mais il importe d'observer qu'à l'ennui
de ne pouvoir être décelé* qu'après vingt-quatre heures,
.s'ajoute l'inconvénient de l'avoir vu manquer dans certains
cas où la coloration du liquide etcelle de l'écume ne permet¬
taient aucun doute sur la présence de la réaction diazoïque.
Ce n'est donc pas un signe constant.
III. Coloration de l'écume. — La coloration de l'écume
— 17 —
doit être considérée comme un signe de certitude de la présence de la réaction diazoïque.
Il n'est pas nécessaire que cette coloration soit intense, la
teinte roséela plus légère suffît à affirmerque la diazoréaction
est positive.
Il faut rechercher cette coloration rosée avecla plus grande attention, surtout dans les cas bénins, ou au moment de la convalescence; il est même bon dans les cas douteux, de la comparer à celle d'urines normales traitées par le réactif de Ehrlich; toute hésitation disparaît rapidement: La teinte la plus légèrement rosée se détache avec un grande netteté, à
côté de la teinte blanche de l'écume normale.
C'est donc sur la coloration de l'écume seule, qu'on devra
former son opinion; c'est là d'ailleurs un moyen sûr, pour
ne pas confondre la coloration de la réaction diazoïque avec des teintes brunâtres et même rougeâtfes du liquide auxquelles Ehrlich a assigné le nom de pseudo-colorations.
Causes de la diazoréaction.
Il résulte des recherches de Ehrlich, qu'aucune des subs¬
tances contenues normalement dans l'urine, ne peut causer la diazoréaction : « L'urée, dit-il, les acides de l'urine, la créatine, la créatinine, la taurine, l'acidegïycocholique, l'acide oxalique de même que les acides gras liquides et leurs sels;
comme le sucre et l'albumine, ne donnent aucune coloration
avec le réactif. »
Nous avons pensé aux matières colorantes de la bile; mais
la diazoréaction persiste dans des urines que nous avons trai¬
tées par le chloroforme pour dissoudreles pigments biliaires,
etensuite filtrées; d'ailleurs la diazoréactionest toujours néga¬
tive dans les urines ictériques.
Quelle est donc cette substanceagissante, cause de la réac¬
tion diazoïque et qui ne peut être identifiée à aucune des substances renfermées normalement dans l'urine ?
— 18 —
Au point de vue chimique on n'est sûr que d'une chose :
a c'est qu'elle appartient à la classe des corps
réducteurs,
parce qu'elle possède une tendance extrêmeà l'oxydation. En
elïet quelques gouttes de permanganate de potassium ou de chlorure de chaux, empêchent la réaction de se produire.
Aussitôt que les urines deviennent alcalines, la réaction ne se
produit plus »
La clinique a cherché par de nombreuses hypothèses à donner la solution du problèmeque la chimie n'a pu parvenir
à résoudre.
De toutes les opinions émises, celle qui réunit le plus de suffrages et qlii cadre le mieux avec les tendances de la science à l'heure actuelle, est la suivante : La cause de la diazoréaction est un produit de transformation de toxines microbiennes par l'organisme—Nissen, Feer, Agello et Jez partagent cetavis. Ce dernier auteur fit sur la souris blanche de nombreuses expériences qu'il serait trop longd'énnmérer ;
citons cependant la suivante qui nous paraît d'unréel intérêt : il évapora au bai11 de sable des urines de typhiques, puis il
lit dissoudre le résidu dans de l'eau filtrée; il en injecta cinq
centimètres cubes dans le péritoine d'une souris blanche qui
mourut en trois minutes; d'autres souris qui avaientreçu un à deux centimètres cubes, ne moururent qu'après deux ou trois jours. A l'autopsie, il trouva le foie et la rate hypertro¬
phiés; de l'hypérémie du côté des reins et de la rougeur du
côté du péritoine et de la muqueuse intestinale.
Disons que les souris de contrôle à qui Jez avait injecté cinq centimètres cubes d'une solution aqueuse du résidu d'urine ne présentant pas la diazoréaction, nemoururentpas.
On est en droit, il nous semble, de conclure de ces expé¬
riences que la cause de la diazoréaction est une substance toxique, « capable, suivant son degré de concentration et sa
quantité, de tuer la souris blanche. »
Disons en terminantcechapitre, que les médicaments n'ont
pasd'influencesur laréaction diazoïque;Ehrlich, Rutiemeyer, Cnopff en ont rapporté de nombreuses preuves.
CHAPITRE II
De la diazoréaction au point de vue clinique.
A l'exemple de Rivier, nous allons dans un premier para¬
graphe examiner comment se comporte la diazoréactiondans les urines normales ; dans un deuxième paragraphe, nous étudierons rapidement la diazoréactiondans les urines patho¬
logiques en général, et nous nous appesantirons en dernier lieu sur son étude dans les urines des typhiques.
1° Absence de la diazoréaction dans les urines normales.
Une des premières questions (pie se sontposées les auteurs qui se sont occupés de la diazoréaction, est celle de savoir si elle est spéciale aux urines pathologiques, et si on ne la rencontre pas dans les urines normales.
Ehrlich lepremier s'occupa de cette recherche avec le plus grand soin; plus tard Georgiewsky, puis Nissen et enfin Umikofï, examinèrent avec attention, le premier, les urines
de 50 sujets adultes, et les derniers les urines d'un grand
nombre d'enfants (267). Tous arrivèrent aux mêmes conclu¬
sions: la diazoréaction est spéciale aux urines pathologiques.
Nous-même, avons examiné àplusieurs reprises les urines
de sujets sains, et nous n'avons jamais pu déceler la moindre
trace de diazoréaction.
Il est vrai que Penzoldt et Pétri ont trouvé la réaction rouge, jusque dans les urines des gens bien portants ; mais
il faut se rappeler que ces auteurs se servaient l'un d'une
— 20 -
solution de nitrite de sodium à plusieurs grammes par litre, l'autre d'une solution à cinq centigrammes par litre, or, comme nous l'avons dit dans le chapitre précédent, Ehrlich
a démontré que l'on ne doit pas dépasser un centigramme de nitrite de sodium par litre de réactif.
2° La diazoréaction dans les'urines pathologiques.
La
diazoréaction,
nous venons de le dire, est donc uneréaction propre aux urines
pathologiques
: Malheureusementon la rencontre dans un assez grand nombre d'affections ; elle perd ainsi de ce fait une grande partie de sa valeur. Elle
ne pourra donc jamais servir à elle seule à établir un diag¬
nostic ; mais au moins elle pourra dans bien des cas servir à affermir un diagnostic hésitant en permettant au médecin d'éliminer telle ou telle affection. Dans la fièvre typhoïde surtout, elle sera un adjuvant précieux ; à peu prèsconstante dans cette affection, elle servira à contrôler les symptômes découverts par la clinique.
Nous avons cru bon avant d'indiquer les résultats des observations que nous avons
prises, de réunir dans un exposé succinct les cas que nous avons pu relever dans la littéra¬
ture médicale. Il sera ainsi facile de se rendre compte par
comparaison de la fréquènce incomparablement plus grande
de la diazoréaction dans la fièvre typhoïde.
Nous y avons ajouté quelques cas personnels. Ehrlich le premier a observé la rareté de la diazoréaction dans les maladies apyrétiques ; aussi il a divisé les affections en
deux catégories d'après la manière dont elles se comportent vis-à-vis de la réaction :
Jre catégorie : Maladies apyrétiques ; 2e catégorie : Maladies fébriles.
P. : positif. | N. : négatif.
1° Maladies apyrétiques.
CAS OBSERVÉS
Parles auteur». Par nous.
P. N. P. N.
Maladiesde cœur .... 37 35 4 3
Maladies chroniques du système ner¬
veux 2 64 »
Maladiesapyrétiquesdu tube digestif. » 47 »
» » du foie 2 23 »
Maladies apyrétiques des organes gé-
nito-urinaires 7 89
»
Néoplasmes divers 3 24 » 1
Manifestations diverses de lasyphilis.. 1 114 » 5 Intoxications diverses (plomb, sel
d'oseille 1 16 » 1
Maladiesde la peau(urticaire, eczéma). » 8 » 2
Anémie » 29
»
Rachitisme » 14 »
Tuberculose osseuse, articulaire 2 17 »
Maladies chirurgicalesdiverses » 148 »
2°"Maladies fébriles.
Divisées par Rivier, au point de vue de la
diazoréaction,
en trois groupes :1er Groupe. — Maladies où la diazoréaction est constante ou presque constante.
CAS OBSERVÉS Parles auteurs. Parnoi
P. N. P
Fièvre typhoïde 16 20
Typhus exanthématique » »
Pyémies 1 1
Tuberculose miliaire aiguë 57 9 »
— 22 —
2e Groupe. — Maladies présente, tantôt absente.
on la diazoréaetion est tantôt
CAS OBSERVES
Parlas auteurs.
P. N.
Phtisiepulmonaire 295 151
Méningitetuberculeuse 13 9
Péritonite chronique 8 1
Pleurésie exsudalive 7 12
Erysipèle 8 9
Pneumonie fibrineuse 70 171
Scarlatine 17 31
Diphtérie 5 39
Pleuro-Pneumonie » 15
Parnous.
P. N.
« 9
»
»
1 3 2 3
»
»
5° Groupe. — Maladies où la diazoréaetion est toujours ou presque toujours absente.
CAS OBSERVÉS Par les auteurs. Parnous
P. N. P. N
Rhumatismepoly-articulaire aigu... 1 49 »• 4
Rhumatisme chronique » » )) 1
Anginefolliculaire simple 41 )) »
Bronchite catarrhale 47 )) 3
Pleurésie sèche 12 )) »
Broncho-pneumonie )> 50 1 4
Varicelle 4 14 » »
Paludisme 1 18 » 3
Coqueluche 24 » 1
Influenza » G » »
Laryngite 2 7 » »
Tétanos 2 )) »
Oreillons 3 )) »
Appendicite » 1 )) 1
Goutte saturnine » » )) 2
Diabète sucré » » 1
Maladie d'Addisson » » )) 2
Obstruction intestinale » » 1
Goitre exophthalmique » » » 1
Coxalgie hystérique » » » 1
Abcès de l'amygdale •. - "» ■ )) 1
Gastrite ulcéreuse » » » 1
— 23 -
Par cet aperçu général, on voit le parti que l'on peut tirer
de la diazoréaction; lorsqu'elle manquera on pourra éliminer
avec une quasi-certitude les maladies du premier groupe et
au contraire lorsqu'elle sera nettement marquée on aura
beaucoup de chances pour n'être pas en présence d'une
maladie du troisième groupe ; mais voyons avec plus de
détails comment se comporte la diazoréaction dans la fièvre typhoïde.
3° De la diazoréaction dans la fièvre typhoïde
Fréquence.
La diazoréaction doit être considérée comme à peu près
constantedans la fièvre typhoïde. Voici à ce sujet comment
s'exprime le professeur Charles Lyman Greene de l'Université
de Minnesota, dans une étude sur les récents progrès dans le diagnostic différentiel de la fièvre typhoïde, études qu'il a
publiées dans le Médical Record du 14 novembre 1896. « Nos tableaux montrent, dit-il, que si on observe la technique appropriée, on a dans le diazoréaction, non pas un signe cer¬
tain, mais un signe constant etprécoce. Quand on observe un
signe 99 fois sur 100, du moins sur un aussi grand nombre
de cas, on peut avec raison le qualifier de constant; pour
mon compte personnel, je crois que tous les cas sérieux de fièvre typhoïde présenteront la réaction si on la recherche au
plus fort de l'infection, c'est-à-dire du dixième au seizième
jour; lorsque dans une fièvre typhoïde supposée, la réaction manque, nous avons une preuve positive que nous sommes en présence d'une autre affection. »
D'après la statistique que nous avons publiée plus haut,
la réaction aurait manqué 16 foissur 554 cas. Simon l'a trou¬
vée également absente 4- fois sur 36 cas. Sans nier la véracité de ces derniers faits, il nous estpermis de nous demander, si dans ces cas où la diazoréaction s'est montrée négative, ou était bien enprésence d'une infection par le bacille.d'Elberth?
Les auteurs, en effet, ne nous disent pas si le séro-diagnoslic-
- 24 -
a été recherché et s'est montré positif on bien si ce dernier était inconnu à l'époque où ils observaient, ils ne nous disent
pas si on a fait une ponction de la rate et ensemencement du sang splénique ou des matières fécales.
Pour notre part, dans la presque totalité des cas que nous
avons observés, nous avons pris soin de faire contrôler le
diagnostic clinique par le séro-diagnostic et nous n'avons jamais vu un seul cas de fièvretyphoïde où le séro-diagnostic
s'était montré positif, présenter la diazoréaction d'Ehrlich négative.
Nous pensons donc pouvoir dire sans témérité, que dans la pratique on doit considérer la diazoréactioncommeconstante dans la dothiénentérie.
Début.
La date d'apparition de la diazoréaction dans le cours delà dothiénentérie est une desquestions qui méritent d'être envi¬
sagées avec le plus de soin; elle joue peut-être dans le pro¬
nostic de l'affection un rôle bien important; démasquant par
son apparition extrêmement précoce une infection sérieuse;
d'ailleurs ne serait-ce qu'au point de vue du diagnostic, il
nous paraît être d'une grande utilité de savoir si la diazoréac¬
tion donne des résultats positifs dès les premiers jours de l'affection.
D'abord, disons-le, il est bien difficile dans les hôpitaux
de déterminer d'une manière précise à quel jour de sa mala¬
die est le malade qui entre; plus ou moinsabattu il ne donne que des renseignements fort vagues; d'ailleurs il ne s'est décidé à entrer.qu'après plusieurs jours de maladie, ordinai¬
rement après le premier septénaire; aussi presque toutesnos observations ne signalent la diazoréaction comme positive qu'aux environs du huitième jour. Nous en avons unecepen¬
dant, celle de Marie T...
(Observation
n° 17) dans laquelle ladiazoréaction a été nettement marquée dès le quatrième jour,
alors que le séro-diagnostic de Widal était négatif. Mais nous
~ 25 -
devons à l'obligeancede M. le docteur Mongour, l'observation
de deux malades de la ville, soignés dans leur famille et observés tout à fait au début de l'infection. Dans l'un de ces cas (Observationn° 27) la diazoréaction s'est montrée positive
dès le quatrième jour; le séro-diagnostic était négatif.
Dans le deuxième cas (Observation n° 28), la diazoréaction
futnettement marquée dès le troisièmejour;leséro-diagnostic
se montra positif au quinzième jour.
A ce propos, il serait intéressant de rechercher si la diazo¬
réaction pourrait donner des renseignements plus précoces que le séro-diagnostic. D'après ce qui ressort de cesdernières
observations ainsi que de l'opinion des auteurs Ehrlich, Spiethofï, Greene, cela ne nousparaîtpasdouteux; mais nous n'insisterons pas ici sur ce sujet, nous proposant d'y revenir plus tard en traitantde la valeurcomparée de la diazoréaction
avec le séro-diagnostic de Widal.
D'après Ehrlich, il serait de règle de voir apparaître la diazoréaction dès le troisième, quatrième ou cinquième jour.
Pour cet auteur, son apparition au commencement du deuxième septénaire, serait une véritable exception.
Il ressort des recherches de Ehrlich qu'on doit regarder la
date d'apparition de la diazoréaction comme comprise entre le deuxième et le sixièmejour.
Il est possible que la diazoréaction puisse se montrer, dans
les cas extrêmement graves, d'une manière plus précoce(dès
la fin du premier jour), c'est là du moins ce qui ressort du
cas de Spiethofï, rapporté par Rivier ;
a Dès le premier jour, la lièvre, dit-il, dépassait déjà 39°.
La réaction fut constante et très intense jusqu'à la mort, qui
eut lieu le cinquième jour. »
Intensité.
Au point de vuede l'intensité de la diazoréaction de Ehrlich,
dans la fièvretyphoïde,
l'impression
que nous avons retiréedel'examen des urines de nombreux typhïques est que cette
THÈSE BARDE 3
réaction ne se présente nulle pari avec une intensité si cons¬
tante que dans cetteaffection.
Nous serions tenté de considérer cette intensité de la réaction diazoïque comme à peu près pathognomonique de la
dothiénenterie.
Toutes les fièvres typhoïdes ne présentent pas une diazo-
réaction également intense; il y a même là une question de pronosticsur laquellenous nous permettronsde dire quelques
mots dans un des paragraphes suivants.
Il serait intéressant de rechercher les causes de variation d'intensité de la diazoréaction; mais ce serait là évidemment remettre au jeu la question des agents de la formation de la
réaction diazoïque
Cependant, les expériences de Jez nousontvivementfrappé;
elles nous paraissent devoir rendrecompte jusqu'à uncertain point de l'intensité variablede la diazoréaction dans la dothié¬
nenterie. Cet auteur, en effet, a démontré expérimentalement
la présence dans les urines des typhiques, de substances toxiques particulières, qu'il n'a pas pu déterminer; il a fait
des inoculations à la souris blanche, et cet animal s'est montréd'une extrême sensibilité. Il n'a jamais rencontré ces substancestoxiques dans les urines oii la diazoréaction s'était
montrée négative, et, dans ce dernier cas, les inoculations à la souris blanche n'ont produit aucun résultat.
Il nous paraît donc logique d'admettre que l'intensité de la
diazoréaction est fonction de la quantité des substances toxiques éliminées de l'organisme.
Afin de donner une idée des différents degrés d'intensité de
la diazoréaction, nous avons adopté la division d'Ehrlich.
11° représente une diazoréaction à peu près négative.
R1 — — faiblement positive.
R2 — — nettement marquée.
R:! — — intense.
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Marche.
Comment se comporte la diazoréaction, pendant l'évolution
d'une lièvre typhoïde normale? Ordinairement, à moins
toutefois qu'on se trouve en présence
d'une infection extrê¬
mement grave comme le cas cité par
Spiethofî, la réaction
est loin d'être aussi accentuée dès les premiers jours de l'affection, que vers le deuxième septénaire; elle paraît
suivre
assez fidèlement, les progrès de la maladie: faible au
début,
elle s'affirme de plus en plus pour atteindre sa plus
grande
intensité au moment où l'infection est à son apogée; elle
diminue ensuite pour disparaître complètement au moment
où s'établit la convalescence, et elle diminue d'une manière progressive, sans à coups, si du moins il ne
survient
pasde complication;
nous avons toujours vules choses
se passer¬ai nsi chez les lyphiques que nous avons observés.
Il n'en est pas toujours de même, et la
diazoréaction
ne répond pas toujours par son intensité austade d'évolution de
l'affection. Si on admet les recherches de Jez, citées précé¬
demment, sur certaines toxines particulières des urines présentant la diazoréaction, l'explication devient
facile: La
diazoréaction a faibli ou a disparu brusquementdans le cours d'une dothiénenterie normale, parce que ces toxines n'arri¬
vent plus dans l'urine; le rein fonctionne irrégulièrement,
il
ne les élimine plus: Que dans la suite de l'affection, cetorgane récupère ses fonctions dans toute leur intégrité, la diazoré¬
action réapparaîtra avec une intensité proportionnelle au degré de l'infection; c'est bien là
d'ailleurs l'opinion de
Ehrlich, lorsqu'il considère comme un signe extrêmement
défavorable, la disparition ou la diminution d'intensité de la diazoréaction, dans une lièvre typhoïde à son apogée: le rein
est troublé dans ses fonctions, il n'élimine plus les toxines, l'organisme est en danger.