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Le rôle des organes de règlement des différends de l'OMC dans le développement du droit international de l'environnement : entre le marteau et l'enclume

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Le rôle des organes de règlement des différends de l'OMC dans le développement du droit international de l'environnement : entre le

marteau et l'enclume

BOISSON DE CHAZOURNES, Laurence

BOISSON DE CHAZOURNES, Laurence. Le rôle des organes de règlement des différends de l'OMC dans le développement du droit international de l'environnement : entre le marteau et l'enclume. In: Maljean-Dubois, Sandrine. Droit de l'Organisation mondiale du commerce et protection de l'environnement . Bruxelles : Bruylant, 2003. p. 379-400

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:43371

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(2)

CHAPITRE2

LE SYSTÈME DE L'OMC EST-IL ADAPTÉ POUR LE RÈGLEMENT

DES DIFFÉRENDS ENVIRONNEMENTAUX?

S'agissant de différends environnementaux, l'application du Mémorandum d'accord concernant les règles et procédures régissant le règlement des différends par les groupes spéciaux et l'Organe d'appel pose au moins deux questions. D'une part, comment sont pris en compte les principes et règles du droit international de l'environnement (sec- tion 1)? D'autre part, les règles de procédure sont-elles adaptées à la résolution des différends environnementaux (section 2)?

Section 1

LE RÔLE DES ORGANES DE RÈGLEMENT

DES DIFFÉRENDS DE L'OMC DANS LE DÉVELOPPEMENT

DU DROIT INTERNATIONAL DE

L'ENVI~ONNEMENT

: ENTRE LE MARTEAU ET L'ENCLUME

(1)

Laurence BOISSON DE CHAZOURNES

Les organes de règlement des différends de l'OMC sont pris en- tre le marteau et l'enclume. D'un côté, ils sont tirés par la «juridiction- nalisation » des procédures de règlement des différends et d'un autre côté par leur « politisation ». Dans un système commercial multilatéral net- tement teinté d'« étatisme» ou de « gouvernementalisme», la juridic- tionnalisation des procédures de règlement des différends

contrib~e

à créer un sentiment de méfiance, pour ne pas dire d'hostilité, des Etats membres de l'OMC vis-à-vis des organes de règlement des différends.

Toutefois, dans un système également marqué par les « niveaux diffé- rents de développement », la politisation du règlement des différends comporte le risque de légitimer les rappo1ts de force entre États membres

( 1) Cet article tire en grande partie sa substance de L. Boisson de Chazournes et M. M.

Mbengue, Le rôle des organes de règlement des différends dans le développement du droit: à propos des OGM, in Le commerce international des organismes génétique- ment modifiés, J. Bourrinet et S. Maljean-Dubois eds., op. cit., pp. 177-212.

(3)

380 MISE EN ŒUVRE DU DROIT DE L'OMC ET PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT

de l'OMC et de perturber par ricochet l'équi libre des droits et obligations tel qu'il résulte des Accords de l'OMC

(2).

Entre ces deux options, une troisième voie s'offre, celle d'une« juridic i sation » c'est-à-dire la conso- lidation et l'application du droit international dans son ensemble au bé- néfice de tous les États membres

(3).

Cette propension à une application holistique et transversale du droit i nternational peut être évaluée par le prisme des relations commerce/environnement. Celles-ci occupent désor- mais une place importante sur l'agenda des négociations internationales.

La Déclaration de Doha adoptée lors de la Conférence ministérielle de l'OMC qui s'est tenue en novembre 2001, en est un des exemples les plus récents

(4).

Les organes de règlement des différends de l'OMC ont jusqu'alors participé à cette évolution, dans le cadre re lativement res-

treint de leurs compétences à propos de conflits intéressant les rapports entre le droit international, conventionnel et coutumier, et celui de l'OMC

(5).

La tendance a été jusqu'à présent de qualifier les considérations environnementales et sanitaires (ces dernières seront abordées de pair avec les considérations environnementales) d'« exceptions »

(6)

dans le

(2) J. H. H. Wei Ier. The Rule of Lawyers and the Eth os of Diplomats. Reflections on the Internai and Extemal Legitimacy of WTO Dispute Settlement, Journal of World Trade, vol. 35. n°2. April 2001, pp. 191-207.

(3) Il faut remarquer à cet égard que la sociologie de l'Organe d'appel connaît des muta- tions. Ce dernier est de plus en plus formé de juristes internationaux plutôt que de né- gociateurs ou de fonctionnaires. Cela concourt à l'intronisation du droit international dans le règlement des différends à l'OMC. Voir, H. Ruiz Fabri, Le règlement des diffé- rends au sein de l'OMC: naissance d'une juridiction. consolidation d'un droit, in Souve- raineté étatique et marchés à la fin du 20ème siècle-Mélanges en l'honneur de Phi- lippe Kahn. LITEC. 2000, pp. 303-334.

(4) Déclaration ministérielle de la Conférence ministérielle de l'OMC adoptée à Doha le 14 novembre 2001 (Doc. WT/MIN (01 )/DEC/l ). Disponible sur http://www. wto~

org/french/thewto_f/minist_f/minOI_f/mindecl_f.htm_.Yoir L. Boisson de Chazoumes et M. M. Mbengue. La Déclaration de Doha de la Conférence Ministérielle de !'Orga- nisation mondiale du commerce et sa portée dans les relations commerce/environne- ment, RGDIP, 2002. n°4. pp. 855-992.

(5) Les organes de règlement des différends de l'OMC ont pu adopter une interprétation très limitative de la notion de conflit. Dans l'affaire Guatemala- Enquête antidumping concernant le ciment Portland en provenance du Mexique (rapport du 2 novembre 1998, Doc. WTIDS60/ABIR, par. 65). !'Organe d'appel a estimé que le conflit se défi- nissait comme la situation dans laquelle le respect d'une des dispositions des Accords de l'OMC entraîne la violation d'une autre disposition des Accords de l'OMC. D'après le raisonnement de !'Organe d'appel «il ne devrait être constaté qu'une disposition spé- ciale ou addi\ionnelle prévaut sur une disposition du Mémorandum d'accord que dans le cas où le respect de l'une entraînerait une violation de l'autre, c'est-à-dire en cas de conflit entre les deux dispositions». Pour certains, «this definition of contlict is too strict. Imagine for example, that a WTO rule imposes an obligation not to restrict cer- tain trade flows, but a later non-WTO rule (say, an environmental convention) grants an explicit right to restrict trade. Under the strict definition of legal conflict, set out above, there would be no conflict. lndeed, complying with the WTO rule (not restric- ting trade flows) would not mean violating the later environmental rule. Jt would sim- ply mean forgoing the right (to restrict trade) granted by the environmental rule», voir J. Pauwelyn, The RoJe of Public International Law in the WTO: How Far Can We Go?, American Journal of International Law, juillet 2001, p. 551.

(6) Article XX du GATT de 1994.

(4)

SYSTEME DE L'OMC ET REGLEMENT DES DIFFERENDS ENVIRONNEMENTAUX 381

système OMC et de« règles»

(7)

dans le cadre d'autres systèmes nonna- tifs. Comment alors concilier deux logiques juridiques qui semblent

a

priori ne pas consacrer la même échell e de valeurs et d'intérêts juridiques à protéger?

Les éléments environnement et commerce demandent à être mieux imbriqués, et le rôle des organes de règlement des différends dans ce processus d'agrégation est fondamental. Lta difficulté réside dans l'orientation de la politique jurisprudentielle: quel poids les organes de règlement des différends peuvent-ils accorder à l'environnement dans un système de règlement des différends institué au

~

d'une organisation avec une compétence centrée sur le commerce intemational et chargée de trancher a priori des litiges commerciaux?

1 - À PROPOS DE CERTAINS DOGMES DU SYSTÈME COMMERCIAL MULTILATÉRAL

Avant d'évaluer la contribution potentielle des organes de règle- ment des différends en ce domaine, il apparaît opportun de constater que l'aptitude de ces derniers à développer le droit de l'OMC s'inscrit dans la prise en compte de certains dogmes du système commercial multilatéral.

Il y a tout d'abord, le dogme de « l'équilibre». Celui -ci revient à l'interdiction pour les organes de règlement des différends d'accroître ou de diminuer les droits des États Membres de l'OMC. Ce principe est clai- rement contenu dans les articles 3 .2 et 19 .2 du Mémorandum d'accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends (ci- après Mémorandum d'accord). L'article 3.2 dispose que «les Membres reconnaissent que [le système de règlement des différend!.] a pour objet de préserver les droits et obligations résultant des accords visés ... ».

L'article 19.2 quant à lui prévoit que « .. . dans leurs constatations et leurs recommandations, le Groupe spécial et /'Organe d'appel ne pour- ront pas accroître ou diminuer les droits et obligations énoncés dans les accords visés». Dans cette perspecti ve, il peut être légitime d'être scep- tique sur la capacité des organes de règlement Cles différends à « dé- velopper» le droit de l'OMC afin de prendre en considération les problèmes juridiques liés à la protection de l' environnement.

Vient ensuite, le dogme de la «prévisibilité» (encore appelée

«sécurité») dont la teneur découle de l'article 3.2 du Mémorandum d'ac- cord aux tennes duquel « le système de règlement des différends de l'OMC est un élément essentiel pour assurer la sécurité et la prévisibilité du système commercial multilatéral». Le système du règlement des dif-

(7) Voir par exemple l'article Ier du Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques relatif à la Convention sur la diversité biologique qui détermine l'objectif de ce dernier:«[ ... ] l'objectif du présent Protocole est de contribuer à assurer un degré adéquat de protection pour le transfert, la manipulation et l'utilisation sans danger des organismes vivants modifiés résultant de la biotechnologie moderne qui peuvent avoir des effets défavorables sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique, compte tenu également des risques pour la santé humaine, en mettant l'accent sur les mouvements transfrontières» (pas d'italique dans l'original).

(5)

382 MISE EN ŒUVRE DU DROIT DE L'OMC ET PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT

férends est fondé sur des négociations minutieuses entre États membres de l'OMC . Ces derniers rechignent à voir les organes de règlement des différends user de leur pouvoir discrétionnaire dans l'interprétation des dispositions des Accords de l'OMC. Leur souci est de contenir ces orga- nes dans les limites de ce qui est prévu stricto sensu par les Accords. Un doute persiste par conséquent sur la faculté pour les organes de règle- ment des différends d'adopter certains modes d' interprétation du droit ou/et à recourir à d'autres corpus de règles internationales si un litige portant sur des questions d'environnement venait à surgir.

Il

y

a enfin le dogme de « l'économie jurisprudentielle ». L'arti- cle 3.7 du Mémorandum d'accord préc ise que«[. . .} le but du mécanisme de règlement des différends est d'arriver

à

une solution positive des dif- férends. Une solution mutuellement acceptable pour les parties et com- patible avec les accords visés est nettement pré férable ». Dans le rapport d'appel sur l'affaire États-Unis- Mesures affectant les importations de chemises, chemisiers et blouses de laine tissés en provenance d'Inde, l'Organe d'appel a déclaré qu'« étant donné le but explicite du règlement des différends qui Lransparaît dans tout le Mémorandum d'accord, l'arti- cle 3.2 du Mémorandum d'accord [n'} est [pas] censé encourager ni les Groupes spéciaux ni /'Organe d'appel

à

"légiférer" en clarifiant les dis- positions existantes de !'Accord sur l'OMC hors du contexte du règle- ment d'un différend particulier » (8). Aussi, et conformément à l'article

(8) États-Unis-Mesures affectant les importations de chemises, chemisiers et blouses de laine tissées en provenance d'Inde, rapport cilu 23 mai 1997, Doc. WT!DS/33/ABIR, p.

22, par. VI. Et !'Organe d'appel de préciser que «l'article XI de !'Accord sur l'OMC prévoit que la Conférence miniS{érielle et le Conseil général ont le "pouvoir exclusif"

d'adopter des interprétations de !'Accord sur l'OMC et des Accords commerciaux mul- tilatéraux». Cela est expressément reconnu à l'article 3:9 du Mémorandum d'accord qui est ainsi libellé : <des dispositions du présent mémorandum d'accord sont sans préju- dice du droit des Membres de demander une interprétation faisant autorité des disposi- tions d'un accord visé, par la prise de décisions au titre de !'Accord sur l'OMC ou d'un accord visé qui est un Accord commercial plurilatéral». Voir sur la question de ce pou- voir exclusif des deux organes mentionnés. la décision de !'Organe d'appel dans l'af- faire Japon-Taxes sur les boissons alcooliques, rapport du 1er novembre 1996, Doc.

WT/DSBIABIR, WT/DSIOIABIR, Wf!DSJ llABIR, p. 15. Selon !'Organe d'appel «lors- que les Parties Contractantes [du GATT de 1947) décidaient d'adopter le rapport d'un groupe spécial, leur objectif n'était pas, à notre avis, que cette décision constitue une interprétation définitive des dispositions pertinentes du GATT de 1947. Cela n'est pas envisagé non plus dans le cadre du GATT de 1994, comme nous le montrent certains éléments de !'Accord sur l'OMC. L'article IX:2 de !'Accord sur l'OMC dispose ce qui suit : «La Conférence ministérielle et le Conseil général auront le pouvoir exclusif d'adopter des interprétations du présent accord et des Accords commerciaux multilaté- raux. [ ... )Le fait que ce "pouvoir exclusif' d'interpréter le traité a été établi de façon si précise dans !'Accord sur l'OMC est un motif suffisant pour conclure que ce pouvoir n'est conféré nulle part ailleurs.de façon implicite ou fortuite». Dans la même lancée,

!'Organe d'appel dans l'affaire Etats-Unis-Mesures à l'importation de certains produits en provenance des communautés européennes (rapport du 1 J décembre 2000, Doc.

WT!DSI 65/ABIR, par. 92), rappelle que «Ce n'est certainement pas le rôle ni des grou- pes spéciaux ni de !'Organe d'appel de modifier Je Mémorandum d'accord ou d'adopter des interprétations au sens de l'article IX:2 de l'Accord sur l'OMC. Seuls les Membres de l'OMC ont le pouvoir de modifier le Mémorandum d'accord ou d'adopter de telles interprétations. Conformément à l'article 3:2 du Mémorandum d'accord, le rôle des groupes spéciaux et de !'Organe d'appel dans le système de règlement des différends de

(6)

SYSTEME DE L'OMC ET REGLEMENT DES DIFFERENDS ENVIRONNEMENTAUX 383

11 du Mémorandum d'accord

(9),

un Groupe spécial ne doit traiter que les allégations qui doivent l'être pour résoudre la question faisant l'objet d'un différend (

10).

Face à ces dogmes, la propension des organes de règlement des différends à développer le droit en cas de contentieux relatif aux restric- tions aux échanges pour des motifs environnementaux ou sanitaires peut sembler illusoire. Toutefois, la

jurispruden~

des Groupes spéciaux et de

!'Organe d'appel de l'OMC témoigne de l'existence de sentiers - étroits pour les uns, larges pour les autres - que ces organes empruntent pour marquer de

leu~

empreinte

l'évoluti~n

des

~ports

juridiques entre le commerce, l'environnement et la sante.

· c

II - À PROPOS DU DROIT APPLICABLE AUX DIFFÉ- RENDS PORTÉS DANS LE CADRE DE L'OMC

Certaines dispositions du «système juridique OMC » telles que l'article XXIII du GA TT de 1994 et les articles 1.1, 4.2, 4.4, 7 et 11 du

l'OMC est "de préserver les droits et les obligations résultant pour les Membres des accords visés. et de clarifier les dispositions existantes de ces accords conformément aux règles coutumières d'interprétation du droit international public" (italiques dans l'original). Déterminer ce que devraient être les règles et procédures du Mémorandum d'accord ne relève pas de notre responsabilité ni de celle des groupes spéciaux; cela relève clairement de la seule responsabilité des Membres de l'OMC».

(9) Aux termes de l'article 11 du Mémorandum d'accord, «la fonction des groupes. spé- ciaux est d'aider l'ORD à s'acquitter de ses responsabilités... En conséquence, un groupe spécial devrait procéder à une évaluation objective des faits de la cause, de l'applicabilité des dispositions des accords visés pertinents et de la conformité des faits avec ces dispositions, et formuler d'autres constatations propres à aider l'ORD à faire des recommandations ou à statuer ainsi qu'il es'f prévu dans les accords visés».

( l 0) Australie-Mesures visant l'importation de saumons. Rapport du 20 octobre 1998, Doc. WTIDS/8/ABIR, § 110. Voir également affaire Brésil-Mesures visant la noix de coco desséchée. Rapport du 20 Jllars 1997, Doc. WTIDS22/R, § 293. Ce principe avait déjà été formulé dans l'affaire Elats-Unis-Chemises. chemisiers et blouses, op. cil., p.

22. § VI. A celte occasion !'Organe d'appel a expliqué que «rien dans cette disposition [art. 11 du Mémorandum d'accord] ni dans la pratique antérieure du GATT n'exige qu'un groupe spécial examine toutes les allégations formulées par la partie plaignante.

Les précédents groupes spéciaux établis dans le cadre du GA TI de 1947 et de l'OMC ont souvent traité uniquement les points qu'ils jugeaient nécessaires pour régler la question opposant les parties. et ont refusé de statuer sur d'autres points. Ainsi, dans les cas où un groupe spécial a constaté qu'une mesure était incompatible avec une disposi- tion particulière du GATI de 1947, d'une manière générale, il ne s'est pas demandé si la mesure était aussi incompatible avec d'autres dispositions du GA TT qui auraient pu faire l'objet d'une allégation de violation formulée par une partie plaignante». Il est lé- gitime à partir de là de douter de l'intérêt des groupes spéciaux à statuer sur la compa- tibilité d'une mesure avec un instrument international de protection de l'environnement.

Pour un aperçu de la pratique des groupes spéciaux dans le cadre du GA TT, voir Ja- pon-Commerce des semi-conducteurs, Rapport adopté le 4 mai 1988, IBDD, S35/126,

§ 122: Japon-Restrictions à l'importation de certains produits agricoles, Rapport adopté le 22 mars 1988,

JBDD,

S35/l 80, § 5.4.2 ;

CEE- Règlement relatif

aux

importa-

tions de pièces détachées et composants, Rapport adopté le 16 mai 1990, IBDD, S37/l 42. § 5.10, 5.22 et 5.27 ; Canada-Importation, distribution et vente de boissons alcooliques par les organismes provincJaux de commercialisation, Rapport adopté le 22 mars 1988, IBDD, S35!38, § 5.6 : Etats-Unis-Refus d'accorder le traitement NPF aux chaussures autres qu'en caoutchouc en provenance du Brésil, Rapport adopté le

19 juin 1992, IBDD, S39/I 42, § 6.18.

(7)

384 MISE EN ŒUVRE DU DROIT DE L'OMC ET PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT

Mémorandum d'accord expriment de façon explicite le caractère plus ou moins limité de la compétence des organes de règlement des différends de l'OMC. Aux termes de l'article 1 .1, le Mémorandum d'accord s'appli- quera aux différends résultant des accords visés. L'article 7 .1 prévoit que

le mandat d'un Groupe spéc ial est « d'examiner, à la lumière des disposi- tions pertinentes de (nom de !'(des) accord (s) visé (s) cité (s) par les parties au différend), la question portée devant l'ORD par (nom de la partie) dans le documenf ... ». L'article 7.2 précise que «les Groupes spéciaux examineront les dispositions perfinentes de l'accord visé ou des accords visés cités par les parties au différend».

L'article 11 du Mémorandum d'accord suggère égalem ent une compétence limitée pour les Groupes spéciaux. 11 exige qu'un Groupe spécial «devrait procéder

à

une évaluation objective de la question dont il est saisi, y compris une évaluation objective des faits de la cause, de l'applicabilité des dispositions des accords visés pertinents et de la

·conformité des faits avec ces dispositions, et formuler d'autres consta- tations propres à aider l'ORD

à

faire des recommandations ou à statuer ainsi qu'il est prévu dans les accords visés ».

La compétence limitée des organes de règlement des différends de l'OMC a été brossée par !'Organe d'appel lors de l'affaire Communau- tés européennes - Mesures affectant l'importation de certains produits provenant de volailles dans laquelle s'est posée la question de la valeur légale d'un accord bilatéral entre le Drésil et la Communauté européenne.

L'Organe d'appel déclara à cette occasion «qu'il n'est pas nécessaire de recourir ni à l'article 59. l ni

à

l'article 30.3 de la Convention de Vienne, parce que le texte de !'Accord sur l'OMC et les dispositions juridiques régissant la transition du GATT de 1947 à l'OMC résolvent la question du rapport entre la Liste LXXX et /'Accord sur les oléagineux en l'es- pèce. La Liste LXXX est annexée au Protocole de Marrakech annexé à

/'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 t·Pro- tocole de Marrakech·~. et fait partie intégrante du GA 1T de 1994. À ce titre, elle fait partie des obligations multilatérales découlant de /'Accord sur l'OMC. L'Accord sur les oléagineux, par contre, est un accord bilaté- ral négocié par les Communautés européennes et le Brésil au titre de l'article XXVIII du GAIT de 1947, dans le cadre du règlement du diffé- rend CEE-Oléagineux. De ce fait, !'Accord sur les oléagineux n'est pas un "accord visé" au sens des articles premier et 2 du Mémorandum d'ac- cord. L 'Accord sur les oléagineux ne fait pas non plus partie des obliga- tions multilatérales acceptées par le Brésil et les Communautés euro- péennes conformément à /'Accord sur l'OMC, qui est entré en vigueur le

Ier janvier 1995. L'Accord sur les oléagineux n'est cité dans aucune

annexe de /'Accord sur l'OMC. Les dispositions de certains instruments

juridiques qui sont entrés en vigueur en vertu du GATT de 1947 ont été

intégrées au GATT de 1994 conformément au texte de l'Annexe lA in-

c01porant le GATT de 1994 dans /'Accord sur l'OMC, mais /'Accord sur

(8)

SYSTEME DE L'OMC ET REGLEMENT DES DIFFERENDS ENVIRONNEMENTAUX 385

les oléagineux n'est pas un de ces instruments juridiques»

(11).

On dé- note dans ces propos une hésitation , voire même une réticence des orga- nes de règlement des différends de l'OMC à prendre en compte des ac- cords commerciaux extérieurs à l'OMC. Cela laisse planer des doutes quant à l'acceptabilité et à l'applicabilité de certains instruments interna- tionaux de protection de l'environnement négociés et adoptés en dehors

de l'OMC

(11). ...;

Plus généralement, on peut remarquer que les organes de règle- ment des différends sont réticents à faire recours de manière systémati- que au droit international conventionnel et coutu~

(12),

dans la mesure où les Accords de l'OMC constituent une /ex specialis par rapport au droit international général (

13).

Ce statut de !ex specialis dans l'ordre juri- dique international et par extension la compétence lim itée des organes de règlement des différends, doivent être néanmoins relativisés. Le méca- nisme de règlement des différends de l'OMC n'est pas un système hermé- tique ou hosti le au droit international général

(14).

Comme l'a solennel- lement affirmé !'Organe d'appel dans la première affaire dont il a eu à connaître (

15),

« il ne faut pas lire !'Accord général en l'isolant clinique- ment du droit international public»

(16).

Dans l'affaire Corée - Mesures affectant les marchés publics, le

( 11) Communautés européennes-Mesures affectant l'importation de certains produits provenant de volailles, Rapport du 13 juillet 1998, Doc. WT!DS69/A BIR, p. 33. • ( 11) Voir R. Housman & O. M. Goldberg, Legal Principles in Resolving Conflicts Be-

tween Multilateral Environmental Agreements and the GATT/WTO in the Use of Trade Measures, in Select Multilateral Environmental Agreements (R. Housman et al.),

1995, p. 297.

( 12) Voir M. Garcia-Rubio, On the Application ofCustomary Ru/es of State Responsibil- ity by the WTO Dispute Settlement Organs. A General International Law Perspective, IHEI, Genève, 200 J, pp. 73-78.

( 13) Le régime des Accords de l'OMC a été identifié à certains égards comme un «ré- gime se suffisant à lui-même» (se/fcontained regime). De ce fait, il contient des règles spécifiques au système OMC, lesquelles peuvent être dérogatoires au droit internatio- nal général. Le caractère dérogatoire n'entraîne toutefois pas un isolement total par rap- port au système du droit international. Sur la question voir L. Boisson de Chazoumes, Les contre-mesures dans les relations internationales économiques, IHEI, Genève, 1992, pp. 182-187 ; P.J. Kuijper, The Law of GATT as a Special Field of International Law, Netherlands Yearbook of international Law. 1994, p. 227; Sur la notion de «ré- gime se suffisant à lui-même». voir B. Simma, Self-contained Regime. Netherlands

Yearbook of International Law, 1985, pp. l l l -136.

( 14) Au contraire, l'article 3.2 du Mémorandum d'accord requiert que les Accords de l'OMC soient interprétés à la lumière des règles coutumières d'interprétation. Pour une analyse approfondie de la question, voir G. Marceau, A Cal! for Coherence in Interna- tional Law. Praises for the Prohibition Against «Clinicat lsolation» in WTO Dispute Set~lement, Journal of World Trade. vol. 33, n° 5, October 1999, pp. 87-152.

( 15) Etats-Unis-Normes concernant l'essence nouvelle et ancienne formules, Rapport du 29 avril 1996, Doc. WTIDS2!AB!R. Sous l'empire du GA TT, le droit international pu- blic était appliqué sans qu'une claire référence à celui-ci ne soit faite. Voir, par exem- ple, l'affaire Etats-Unis-Mesures affectant les importations de bois de construction ré- sineux en provenance du Canada dans laquelle le principe d'estoppel a été appliqué par le Groupe spécial, in E. Canal-Forgues et Th. Flory, GATT/OMC Recueil des conten- tieux, Bruylant, Bruxelles, 2001. pp. 428-445.

( 16) Etats-Unis-Normes concernant l'essence nouvelle et ancienne formules, op. cil., p. 19.

(9)

J 86

MISE EN ŒUVRE DU DROIT DE L'OMC ET PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT .

Groupe spécial a confirmé que « l'article 3.2 du Mémorandum d'accord exige qu'[il cherche}, dans le contexte d'un différend particulier, à clari- fier les dispositions existantes des Accords de l'OMC conformément aux

règles coutumières d'interprétation du droit international public. Cepen- dant, le lien entre les Accords de l'OMC et le droit international coutu- mier est plus large que cela. Le droit international coutumier s'applique d'une façon générale aux relations économiques entre les Membres de l'OMC. Il s'applique dans la mesure où les Accords de l'OMC ne contiennent pas de clauses qui les excluent de son champ d'application.

En d'autres termes, dans la mesure où il n'y a pas de conflit ni d'incom- patibilité, ni d'expression dans un accord visé de l'OMC donnant à en- tendre qu'il en va autrement, [ ... ] les règles coutumières du droit inter- national s'appliquent au traité de l'OMC et au processus d'élaboration des traités de l'OMC»

(17).

En outre, !'Organe d' appel a reconnu un certain droit de cité aux instruments de protection de l'environnement dans le règlement d'un différend au sein de l'OMC. Dans le rapport d'appel sur l'affaire États- Unis - Prohibition à l'importation de certaines crevettes et de certains produits à base de crevettes, !'Organe d'appel a reconnu que « la protec-

tion et la conservation des espèces de tortues marines qui sont de gran- des migratrices[. .. ] exigent des efforts concertés et une coopération de la part de nombreux pays dont les tortues marines traversent les eaux au cours de leurs migrations périodiques. La nécessité d'entreprendre de tels efforts et leur opportunité ont été reconnues

à

l'OMC elle-même ainsi que dans un nombre considérable d'autres instruments et déclara- tions internationaux. Par exemple, la partie pertinente du Principe 12 de la Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement dispose que "les mesures de lutte contre les problèmes écologiques transfrontiè- res ou mondiaux devraient, autant que possible, être fondées sur un consensus international". De toute évidence, et "autant que possible", la préférence est largement donnée

à

une approche multilatérale»

(18).

Cependant, !'Organe d'appel n'a jusqu'alors pas pris position sur l'effet et la valeur juridiques d'un accord multilatéral relatif à la protec- tion de l'environnement dans un différend au sein de l'OMC

(19).

L'Or-

( 17) Corée-Mesures affectant les marchés publics, Rapport du 1er mai 2000, Doc.

WTIDS/63/R, par. 7.96. Cette interprétation du Groupe spécial rejoint de près celle de Verzijl dans l'affaire Georges Pinson (France) v. United Mexican States (in Recueil des Sentences arbitrales, vol. V, p. 422) et selon laquelle «toute convention internatio- nale doit être réputée s'en référer tacitement au droit international commun, pour toutes les questions qu'elle ne résout pas elle-même en termes exprès et d'une façon diffé- rente». Voir également affaire l 'Elettronica Sicula (arrêt du 20 juillet 1989), CIJ, Re- cueil 1989, par. 50.

( 18) Etats-Unis-Prohibition à l'importation de certaines crevettes et de certains produits à base de crevettes, op. cit., par. 168.

( 19) E. Brown Weiss, J. H Jackson, The FrameWork for Environment and Tracte Dis- putes, in Reconciling Environment and Trade, op. cit., pp. 30-32 ; N. Bernasconi- Osterwalder, The Cartagena Protocol on Biosafety: A Multilateral Approach to Regu- late GMOs, in Reconciling Environment and Trade, op. cit., pp. 689- 721.

(10)

SYSTEME DE L'OMC ET REGLEMENT DES DIFFERENDS ENVTRONNEMENTAUX 387

gane d'appel exhorte les États membres à négocier

(20)

dans le domaine de la protection de l'environnement mais est resté jusqu'alors particuliè- rement silencieux sur la portée de tels accords environnementaux lorsque des mesures restreignant le commerce sont prescrites et adoptées pour assurer le respect de ces accords.

Les discussions au sein de !'Organe de règlement des différends ont souligné cet aspect. A insi lors du débat sur...)'adoption des rapports du Groupe spéc ial et de !'Organe d'appel dans l'affaire Crevettes, le repré- sentant de Hong Kong, Chine a estimé que « !'Organe d'appel avait re- connu que les règles de l'OMC et les solutions nnlf,.tilatérales en matière d'environnement pouvaient être complémentairéPf::. [il} avait notamment montré à quel point il était important , que tous les pays agissent ensem- ble de façon bilatérale, plurilatérale ou multilatérale, que ce soit dans le cadre de l'OMC ou d'autres instances internationales, pour protéger les

(20) C'est d'une obligation de «négocier» dont il s'agit et non pas d'une obligation de

«conclure» des accords environnementaux. L'Organe d'appel a clarifié le contenu de l'obligation de négocier des Membres de l'OMC lorsque ceux-ci visent la protection de l'environnement dans l'affaire Etats-Unis-Prohibition à /'importation de certaines cre- vel/es et de certains produits à base de creveaes - Recours de la Malaisie à l'article 21:5 du Mémorandum d'accord sur le règlement des différends (Rapport du 22 octobre 2001, Doc. WTIDS58/ABIRW. par. 122-123-124). Selon )'Organe d'appel «[ ... ) pour éviter une "discrimination arbitraire ou injustifiable" les Etats-Unis devaient donner à tous les pays exportateurs "des possibilités similaires de négocier" un accord interna- tional. Compte tenu [ ... ] de la préférence marquée pour des approches multilatérales exprimée par les Membres de l'OMC et autres acteurs de la communauté intemationa\e dans divers accords internationaux pour la protection et la conservation des tortues ma- rines menacées d'extinction. [ ... ] les l'\tats-Unis, à notre avis, seraient censés làire des efforts de bonne foi pour parvenir à des accords internationaux qui soient comparables d'une enceinte de négociation à l'autre. Les négociations n'ont pas à être identiques. En fait, deux négociations ne peuvent jamais être identiques ni conduire à des résultats identiques. Les négociations doivent toutefois être comparables en cc sens que des ef- forts comparables sont faits, des ressources comparables sont investies et des énergies comparables sont déployées pour obtenir un accord international. Dans la mesure où de tels efforts comparables sont faits, il est plus vraisemblable qu'une "discrimination ar- bitraire ou injustifiable" sera évitée entre les pays lorsqu'un Membre importateur conclut un accord avec un groupe de pays, mais n'en conclut pas avec un autre groupe qe pays ( ... )'S'agissant de la mesure en cause en l'espèce, on peut concevoir que les 8tats-Unis puissent respecter cette obligation, et néanmoins la conclusion d'un accord intcrnati9nal pourrait ne pas être possible malgré les efforts sérieux de bonne foi faits par les Etats-Unis. Prescrire qu'un accord multilatéral soit conclu par les États-Unis afin d'éviter une "discrimination arbitraire ou injustifiable" dans ['application de leur mesure signifierait que tout pays partie aux négociations avec les Etats-Unis, qu'il soit ou non Membre de l'OMC, aurait. en fait, un droit de veto sur la possibilité pour les États-Unis d'honorer les obligations qu'ils ont contractées dans le cadre de l'OMC. Une telle prescription ne serait pas raisonnable. Pour diverses raisons, il peut être possible de conclure un accord avec un groupe de pays, mais pas avec un autre. La conclµsion d'un accord multilatéral exige la coopératio9 el l'engagement de nombreux pays. A no- tre avis. on ne peut pas considérer que les Etats-Unis se sont livrés à une "discrimina- tion arbitraire ou injustifiable" au sens de l'article XX uniquement parce qu'une négo- ciation internationale a abouti à un accord et une autre non ( ... ) De toute évidence, et

"autant que possible", la préférence est largement donnée à une approche multilatérale.

Toutefois, c'est une chose de préférer une approche multilatérale dans l'application d'une mesure qui est provisoirement justifiée au titre d'un des alinéas de l'article XX du GATT de 1994 et c'en est une autre de prescrire la conclusion d'un accord multilatéral comme condition nécessaire pour éviter une "discrimination arbitraire ou injustifiable"

conformément au texte introductif de l'article XX» (italiques dans l'original).

(11)

388 MISE EN ŒUVRE DU DROIT DE L'OMC ET PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT

espèces menacées et l'environnement. Toutefois, !'Organe d'appel n'avait pas répondu à la question cruciale de savoir dans quelles circonstances et au regard de quels critères on pouvait considérer que l'application de mesures commerciales au titre d'accords environnementaux multilaté- raux était pleinement compatible avec les règles de l'OMC »

(21 ).

Les organes de règlement des différends de l'OMC conscients de l'importance des problèmes environnementaux et sanitaires et de la né- cessité d'intégrer une dimension env ironnementale et sanitaire dans le droit de l'OMC ont consacré des règles, méthodes et valeurs nouvelles dans le processus de règlement des différends

(22),

en utilisant certaines voies. Cette évolution, de même qu'une plus grande réceptivité des or- ganes de règlement des différends de l'OMC aux questions environne- mentales et sanitaires peuvent être appréhendées au travers de la mé- thode de l'interprétation évolutive du droit de l'OMC.

HI - L'INTERPRÉTATION «ÉVOLUTIVE» DU DROIT DE L'OMC : À PROPOS DE LA NOTION DE RESSOUR- CES NATURELLES

L'interprétation évo lutive du droit de l'OMC s'est réalisée au travers de l'article XX g) du GA TT. Cette disposition couvre les mesures étatiques se rapportant à la conservation des ressources naturelles épui- sables lorsque de telles mesures sont appliquées conjointement à des restrict ions à la production ou

à

la consommation nationales.

Dans l'affa ire Etals-Unis - Prohibition à l'importation de crevet- tes et à certains produits à base de crevettes

(23),

l'Inde, le Pakistan et la Thaïlande avaient fait valoir qu'il était «raisonnable d'interpréter le terme 'épuisable' comme désignant les ressources finies, telles que les minéraux, et non les ressources biologiques ou renouvelables ». Ces ressources finies étaient épuisables «parce qu'elles étaient disponibles en quantité limitée et qu'elles pouvaient disparaÎtre et disparaissaient de manière irréversible à mesure qu'elles étaient exploitées». Qui plus est, il s estimaient que s i «toutes» les ressources nature lles étaient considé- rées comme «épuisables» ce terme devenait superflu

(24).

De son côté, la Malaisie avait ajouté que les tortues marines étant des êtres vivants, une mesure les concernant ne pouvait être exam inée qu'au regard de l'article XX b), étant donné que l'article XX g) s'appliquait aux « res- sources naturelles épuisables non vivantes »

(25).

Selon !'Organe d'appel «si l'on considère son texte, l'article XX

(21) WTIDSBIM/50, p. 17.

(22) E.-U. Petersmann, From the Hobbesian International Law of Coexistence to Modern lntcgration Law : The WTO Dispute Settlement System, Journal of International Eco- nomie Law. vol. 1, n°2, June 1998, pp. 175-198.

(23) Dans l'affaire Etals-Unis-Normes concernant l'essence nouvelle et ancienne fornmle, op. cil., !'Organe d'appel avait déjà mis l'accent sur la nécessité d'interpréter de manière évolutive le GA TT de 1994.

(24) Etats-Unis-Prohibition à /'importation de cerlaines crevettes et de certains produits à base de crevettes, op. cit., par. 127.

(25) Ibidem, par. 127.

(12)

SYSTEME DE L'OMC ET REGLEMENT DES DfFFERENDS ENVIRONNEMENTAUX 389

g) ne se limite pas à la conservation des ressources naturelles "minéra- les" ou "non vivantes" . Le princi pal argument des parties plaignantes re- pose sur l'idée que les ressources naturelles "biologiques " sont "renou- velables" et ne peuvent donc pas être des ressources naturelles "épui- sables" [ .. .] les ressources naturelles "épuisables" et "renouvelables"

[ne} s'excluent [pas} mutuellement. La biologie moderne enseigne que les espèces vivantes, bien qu'elles soient en prjpcipe capables de se re- produire et soient donc "renouvelables", peuvent dans certaines circons- tances se raréfier, s'épuiser ou disparaître, bien souvent

à

cause des ac- tivités humaines. Les ressources biologiques sont'f<tutes aussi "limitées"

que le pétrole, le minerai de fer et les autres ~ ssources non biolo- giques »

(26).

L'Organe d'appel a considéré que l'expression « ressources natu- relles épuisables» figurant à l'article XX g) ayant été façonnée il y a plus de 50 ans, se devait d'être analysée à la lum ière des préoccupations ac-tuelles de la communauté des Etats en matière de protection et de conservation de l'environnemen. t. Cette démarche est similaire à celle de la Cour internationale de Justice. Dans l'affaire du Projet Gabcikovo- Nagymaros la Cour avait considéré que« . . . le traité n'est pas un instru- ment figé et est susceptible de s'adapter à de nouvelles normes du droit international»

(27).

Bien que l'article XX n'ait pas été modifié pendant le Cycle de l'Uruguay, le préambule de !'Accord sur l'OMC montre que les signataires de cet accord étaient, en 1994, «tout à fait conscients de l'im- portance et de la légitimité de la protection de l'environnement en tant

qu'objectif de la politique nationale et internationale »

(28).

Le préam- bule de !'Accord sur l'OMC fait expressément état de« l'objectif de déve- loppement durable

» (29).

Dans la logique de !'Organe d'appel, « le con- tenu ou la référence de l'expression générique "ressources naturelles"

employée dans l'article XX g) ne sont pas "statiques" mais plutôt "par définition évolutifs"»

(30).

Et !'Organe d'appel de mentionner que les

(26) Ibidem, par. 128.

(27) Projet Gabcikovo-Nagymaros, Arrêt du 25 septembre 1997, CU, Recueil 1997, par.

112. La CIJ a recouru à l'interprétation évoJutive dans d'autres différends. Voir par exemple, Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstanl la Résolution 276 (1970) du Conseil de Sécurité. Avis consultatif du 21 juin 1971, CJJ, Recueil 1971, par. 52-53.

Dans cette affaire la CU a déclaré que «tout instrument international doit être interprété et appliqué dans le cadre de l'ensemble du système juridique en vigueur au moment où l'interprétation a lieu». Se référer également à l'affaire du Plateau Continental de la Mer Egée, Arrêt du J 9 décembre 1978, CIJ, Recueil 1978, par. 80.

(28) Etats-Unis-Prohibition à l'importation de certaines crevettes et de certains produits à base de crevettes, op. cit., par. 129.

(29) «Reconnaissant que leurs rapports dans le domaine commercial et économique devraient être orientés vers le relèvement des niveaux de vie, la réalisation du plein emploi [ ... ) tout en permettant l'utilisation optimale des ressources mondiales confor- mément à l'objectif de développement durable, en vue à la fois de protéger et préser- ver /'environnement ... »(italiques ajoutés).

(30) Etats-Unis-Prohibition à /'importation de certaines crevettes et de certains produits à base de crevettes. op. cil., par. 130. Il est important de relever la similitude dans les expressions employées par l'Organe d'appel et celles employées par la CIJ. Dans l'Avis

(13)

390 MISE EN ŒUVRE DU DROIT DE L'OMC ET PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT

conventions et déclarations internationales modernes font souvent réfé- rence aux ressources naturelles comme étant à la fois des ressources bio logiques et non biologiques

(31 ).

En l'espèce, !'Organe d'appel avait notamment fait référence à la Convention sur la diversité biologique pour apprécier la légalité de la mesure américaine au regard de l'article XX g). L'Organe d'appel en consacrant une acception large de la notion de ressources naturelles épui- sables

(32),

a de ce fait ouvert une brèche dans le système OMC. Le re- cours par !'Organe d'appel à des instruments environnementaux (qu'ils soient d'ailleurs des conventions internationales ou des instruments de soft law)

(33)

pour interpréter juridiquement l'article XX g) relativise l' impression de réticence attribuée aux organes de règlement des diffé- rends à contempler d'autres cieux que ceux des Accords de l'OMC. Cette dynamique offre un exemple de développement poussé du droit de l'OMC car !'Organe d'appel en particulier n'hésite pas à trancher laques- tion des rappo1ts commerce/environnement en ne se limitant pas exclusi- vement au régime juridique proprement dit de l'OMC. li l'a fait notam- ment en prenant en compte les mutations institutionnelles au sein de l'OMC. L'établissement du Comité du commerce et de l'environnement (CCE)

(34)

par le Conseil général de l'OMC en 1995 indique, selon

consultatif sur le Sud-ouest afi-icain (op. cit., §52-53) la CJJ a estimé que «les notions consacrées par l'article 22 du Pacte -"les conditions particulièrement difficiles du monde moderne" et "le bien-être et le développement" des peuples intéressés -n'étaient pas statiques mais par définition évolutives et qu'il en allait de même par suite de la notion de "mission sacrée de civilisation"».

(3 1) Ibidem, par. 130.

(32) P. O'Brien, Unilateral Environmental Measures Aftcr the WTO Appellate Body's Shrimp Turtle Decision, in Reconciling Environment and Trade (cdited by E. Brown Weiss and J.H. Jackson). Transnational Publishers, New York, 2001, pp. 445-473; H.

Gillelan, Considering The Biology of the Sea Turtles in the WTO Dispute Settlement Proccss, in Reconciling Environment and Trade, op. cit .. pp. 475-496.

(33) L'Organe d'appel en l'affaire Crevettes s'esl référé tant à la Convention sur la diversi- té biologique qu'au Programme Action 21 ou à la Convention sur le commerce interna- tional des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extension (CITES).

(34) Lors de la Conférence ministérielle de Marrakech. les ministres ont adopté la Déci- sion sur le commerce et l'environnement et ont décidé d'établir un Comité du com- merce et de l'environnement. Dans la Décision sur le commerce et l'environnement, les Ministres ont considéré« ... qu'il ne devrait pas y avoir, et qu'il n'y a pas nécessaire- ment, de contradiction au plan des politiques entre la préservation et la sauvegarde d'un système commercial multilatéral ouvert, non discriminatoire et équitable d'une part el les actions visant à protéger l'environnement et à promouvoir le développement dura- ble d'autre part ... ». La Décision sur le commerce et l'environnement donne au CCE le mandat suivant : «a) identifier les relations entre les mesures commerciales et les me- sures environnementales de manière à promouvoir le développement durable ; b) faire des recommandations appropriées pour déterminer s'il y a lieu de modifier les disposi- tions du système commercial multilatéral, en en respectant le caractère ouvert, équita- ble et non discriminatoire, pour ce qui concerne, notamment : la nécessité d'élaborer des règles pour accroître les interactions positives des mesures commerciales et envi- ronnementales. afin de promouvoir le développement durable, en tenant spécialement compte des besoins des pays en développement. en particulier des moins avancés d'en- tre eux, et la prévention des mesures commerciales protectionnistes. et l'adhésion à des disciplines multilatérales eflicaces pour garantir la capacité du système commer-cial multilatéral de prendre en compte 1.cs objectifs environnementaux énoncés dans Action 21 et dans la Déclaration de Rio, en particulier le Principe 12, et la surveillance des

(14)

SYSTEME DEL 'OMC ET REGLEMENT DES DIFFERENDS ENVIRONNEMENTAUX 391

!'Organe d'appel, l'entrée en scène de nouveaux paradigmes dans le jeu des relations commerciales internationales, paradigmes auxquels doivent s'adapter les organes de règlement des différends

(35).

Les frontières de l'interprétation évolutive sont un sujet de pré- occupation pour certains États. Faut-il figer une interprétation à un mo- ment donné ou au contraire la considérer comme « perpétuellement évo- lutive» ? Certaines délégations étatiques se .sont élevées contre cette méthode d'interprétation lors des discussions relatives à l'adoption du rapport de !'Organe d'appel dans l'affaire Etats-Unis - Prohibition à l'importation de crevettes et de certains produif1i ,,. à base de crevettes.

Pour le Pakistan, « .. . la théorie des interprilations évolutives de /'Organe d'appel, qui était destinée à justifier les constatations selon lesquelles les animaux étaient visés par/ 'article XX g), avait vidé de leur sens ! 'article XX b) et les normes pourtant plus élevées prévues dans ce dernier article. En adoptant cette théorie, l'Organe d'appel mettait en cause la prévisibilité du système de règlement des différends... l'inter- prétation de !'Organe d'appel avait pour résultat logique d'étendre dan- gereusement la portée de l'article XX g), ce qui ouvrait la porte à nom- bre de mesures environnementales liées au commerce qui risquaient de menacer la viabilité des autres engagements négociés dans le cadre du Cycle d'Uruguay»

(36).

La délégation indienne s'est, quant à elle, inquiétée que )'Organe d'appel ait« décidé d'examiner la mesure des États-Unis au regard du§

g) de ! 'article

XX,

en soulignant que /'expression "ressources naturelles épuisables" avait été façonnée il y a plus de cinquante ans et qu'elle devait donc être interprétée "à la lumière des préoccupations de la com- munauté des nations en matière de protection et de conservation de l'en- vironnement". Cette idée qui reposait sur la conception évolutive prônée par /'Organe d'appel en matière d'interprétation, était dangereuse et ne recueillait pas /'approbation des Membres. Faire référence à des "pré- occupations actuelles " pour justifier un changement d'interprétation de

/ 'expression "ressources naturelles épuisables" revenait soit

à

modi-

mesures commerciales appliquées à des fins de protection de l'environnement, des as- pects des mesures environnementales qui touchent au commerce et qui peuvent avoir des effets notables sur les échanges et de l'application effective des disciplines multila-

térales régissant ces mesures». ,

(35) L'Organe d'appel l'affirme clairement dans l'affaire Etats-Unis-Prohibition à l'im- portation de crevettes et de certains produits à base de crevettes : " En attendant que le CCE présente aux Membres de l'OMC des recommandations spécifiques au sujet des questions mentionnées dans son mandat, cl en l'absence d'amendements ou de modifi- cations convenus des dispositions de fond du GA TT de 1994 cl de l'Accord sur l'OMC en général, nous devons nous acquitter de la tâche qui nous est dévolue en l'espèce, la- quelle consiste à interpréter le texte introductif actuel de l'article XX d'après son sens ordinaire, comP,te tenu de son contexte, de son objet et de son but, afin de déterminer si la mesure des Etals-Unis en cause peul être considérée comme justifiée au regard de l'article XX. Il nous faut tenir compte, dans ce contexte, du libellé spécifique du pré- ambule de !'Accord sur l'OMC qui, comme nous l'avons déjà dit, éclaire, ordonne et nuance les droits et les obligations des Membres au titre de l'Accord sur l'OMC en gé- néral et du GATT de 1994 en particulier" (op. cit., par. 168).

(36) Doc. WTIDSB/M/50, p. 6.

(15)

392 MISE EN ŒUVRE OU DROIT DE L'OMC ET PROTECTION DEL 'ENVIRONNEMENT

fier, soit à interpréter de manière discrétionnaire /'accord existant, ce que seuls les Membres avaient la faculté de faire»

(37).

IV - LE PRINCIPE DE PRÉCAUTION : UNE RECON- NAISSANCE MITIGÉE

Si les organes de règlement des différends de l'OMC ont consi- déré la possible application du principe de précaution dans le règlement des différends dont ils ont été saisis, ils ont néanmoins montré une cer- taine réticence à son égard.

Dans l'affaire Communautés européennes- Mesures communau- taires concernant les viandes et produits carnés (Hormones), le principal argument de la Communauté européenne devant !'Organe d'appel était que le principe de précaution est, ou était devenu une règle coutumière générale du droit international ou du moins un principe général de droit.

Se référant plus particulièrement aux articles 5: 1

(38)

et 5:2

(39)

de !'Ac- cord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires (ci-après Accord SPS), l'organisation ajoutait « que l'application du principe de précaution signi-fie qu'il n'est pas nécessaire que tous les scientifiques du monde entier soient d'accord sur la ''possibilité et l'ampleur" du risque ni que tous les Membres de l'OMC ou la plupart d'entre el/X perçoivent et éva- luent le risque de la même façon »

(40).

L'Organe d'appel avait alors rétorqué que « le statut du principe de précaution dans le droit international continue de faire l'objet de débats parmi les universitaires, les professionnels du droit, les hommes de loi et les juges. Certains considèrent que le principe de précaution est devenu un principe général du droit international coutumier de l' envi- ronnement. La question de savoir s'il est largement admis par les Mem- bres [de l'OMC} comme principe de droit international coutumier ou général est moins claire... il est superflu, et probablement imprudent, que /'Organe d'appel prenne position dans le présent appel au sujet de cette question importante, mais abstraite ... le principe de précaution, du moins en dehors du droit international de l'environnement, n'a pas en- core fait l'objet d'une formulation faisant autorité»

(41 ).

(37) Ibidem, p. 11.

(38) «Les Membres feront en sorte que leurs mesures sanitaires ou phytosanitaires soient établis sur la base d'une évaluation, selon qu'il sera approprié en fonction des circons- tances, des risques pour la santé et la vie des personnes et des animaux ou pour la pré- servation des végétaux. compte tenu des techniques d'évaluation des risques élaborés par les organisations internationales compétentes».

(39) «Dans l'évaluation des risques, les Membres tiendront compte des preuves scientifi- ques disponibles ; des procédés et méthodes de production pertinents ; des méthodes d'inspection. d'échantillonnage et d'essai pertinentes ; de la prévalence de maladies ou de parasites spécifiques ; de l'existence de zones exemptes de parasites ou de maladies:

des conditions écologiques el environnementales pertinentes et des régimes de quaran- taine ou autres».

(40) Mesures communautaires concernant les viandes et les produits carnés (Hormones), Rapport du 16 janvier 1998, Doc. WTIDS26/A BIR, WTIDS481A BIR. par. 121.

(41) Ibidem, par. 123. Le principe de précaution n'a pas été discuté lors de la négociation de l'Accord SPS. D'ailleurs, !'Organe d'appel le fait bien comprendre en insistant sur le

(16)

SYSTEME DE L'OMC ET REGLEMENT DES DIFFERENDS ENVIRONNEMENTAUX 393

Le principe de précaution n'a pas été incorporé dans !'Accord SPS comme motif justifiant des mesures SPS (42). Ainsi, la notion de

«risque scientifique identifiable »

(43) développée par le Groupe spécial dans cette affaire a prédominé sur celle de

« risque scientifiquement in- certain»

intrinsèque au principe de précaution (44). L'Organe d'appel déclare que

« l'obligation de procéder

à

une évaluation des risques, qui est faite à l'article 5:1 [de !'Accord SPS], et l atprescription relative aux

"preuves scientifiques suffisantes" énoncée

à

l'article 2:2

(45)

[de !'Ac- cord SPS}, sont essentielles pour maintenir l'équilibre fragile qui a été soigneusement négocié dans !'Accord SPS

ent~llfes

intérêts partagés quoique divergents qui consistent

à

promouvoir le commerce internatio- nal et

à

protéger la vie et la santé des êtres humains»

(46).

Subséquemment, dans l'affaire

Japon - Mesures visant les pro- duits agricoles,

!'Organe d'appel a donné une interprétation de la notion

«

maintenue sans preuves scientifiques »

contenue

à

l'article 2(2) de

!'Accord SPS. Cette notion implique qu'il y ait un lien rationnel entre une mesure SPS et les preuves scientifiques. La question de savoir s'il

y

a un lien rationnel entre une mesure SPS et les preuves scientifiques doit être tranchée au cas par cas et dépendra des circonstances particulières de l'espèce, y compris les caractéristiques de la mesure en cause, la qualité et la quantité des preuves scientifiques (47).

fait que «le principe n'a pas été incorporé dans !'Accord SPS comme motif justifiantt>

des mesures SPS qui sont par ailleurs incompatibles avec les obligations des Membres énoncées dans des dispositions particulières dudit accord[ ... ] le principe de précaution ne dispense pas en soi et sans une directive explicite et claire dans ce sens, le Groupe spécial de l'obligation d'appliquer les principes normaux (c'est-à-dire du droit interna- tional coutumier) de l'interprétation des traités pour interpréter les dispositions de !'Ac- cord SPS [ ... ]Nous approuvons donc la constatation du Groupe Spécial selon laquelle le principe de précaution ne l'emporte pas sur les dispositions des articles 5: 1 et 2 de

!'Accord SPS» (Ibidem. par. 124-125).

( 42) Ibidem. par. 124.

(43) Ibidem, par. 186.

( 44) Cf. Principe 15 de la Déclaration de Rio «Pour protéger l'J!nvironnement, des mesu- res de précaution doivent être largement appliquées par les Etats selon leurs capacités.

En cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l'absence de certitude scientifi- que absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesu- res effectives visant à prévenir la dégradation de l'environnement» (italiques ajoutés).

Voir texte de la Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement in L.

Boisson de Chazournes. R. Desgagné, C. Romano, Protection internationale de l'envi- ronnement. Recueil d'instruments juridiques, Pedone, 1998, p. 44 (pas d'italique dans l'original) ; L. Boisson de Chazournes. Le principe de précaution: nature, contenu et limites, in Le principe de précaution: Aspects de droit international et communau- taire, C. Leben et J. Verhoeven eds., !HEi Paris li, Pedone, 2002, pp. 65-94 et L. Bois- son de Chazoumes, Faire entrer le doute dans le droit, in le principe de précaution:

pour mieux gérer /es incertitudes, Bio Tech Forum, n° 3, sept. 2001, pp. 10-11.

(45) L'article 2:2 de !'Accord SPS se lit : «Les Membres feront en sorte qu'une mesure sanitaire ou phytosanitaire ne soit appliquée que dans la mesure nécessaire pour proté- ger la santé et la vie des personnes et des animaux ou préserver les végétaux, qu'elle soit fondée sur des principes scientifiques et qu'elle ne soit pas maintenue sans preuves scientifiques suffisantes, exception faite de ce qui est prévu au§ 7 de l'article 5».

(46) Mesures communautaires concernant les viandes et les produits carnés (Hormones), op. cit., par. 177.

( 4 7) Japon-Mesures visant les produits agricoles, Rapport du 22 février 1999, Doc.

(17)

394 MISE EN ŒUVRE DU DROIT DE L'OMC ET PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT

Néanmoins, l'Organe d'appel a admis que le principe de précau- tion est pris en compte à l'article 5:7 de l'Accord SPS aux termes duquel

«dans les cas où les preuves scientifiques pertinentes seront insuffisan- tes, un Membre pourra provisoirement adopter les mesures sanitaires ou phytosanitaires sur la base des renseignements pertinents disponibles, y compris ceux qui émanent des organisaLions internationales compétentes ainsi que ceux qui découlent des mesures sanitaires ou phytosanitaires appliquées par d'autres Membres ... »

(48).

Cela laisse une porte d'entrée - si é troite soit-elle

(49) -

au principe de précaution.

Tout en étant encore réticents à considérer que le principe de précaution relève du droit international général, !'Organe d'appel a déve- loppé une approche qui pourrait profiter à la consolidation de ce prin- cipe. Dans son interprétation de la« nécessité» telle que prévue par l'ar- ticle XX b) du GA TI de 1994, !'Organe d'appel a fait observer dans le différend Corée - Mesures affectant les importations de viande de bœuj fraiche, réfrigérée el congelée, que «plus l'intérêt commun ou les va-

leurs communes poursuivis sont vitaux ou importants, plus il sera facile d'admettre la "nécessité" de mesures conçues pour atteindre ces objec- tifs>>

(50).

Dans l'affaire Communautés européennes - Mesures affectant l'amiante et les produits en contenant, !'Organe d'appel a considéré que

«l'objectif poursuivi par la mesure [française] est la prolection de la vie et de la santé des personnes au moyen de la suppression ou de la réduc- tion des risques pour la santé bien connus et extrêmement graves que présentent les.fibres d'amiante. La valeur poursuivie es! à la/ois vitale et importante au plus haut point»

(SI).

La préservation de l'env ironnement et de la santé des personnes sont incontestab lement des valeurs « vitales el importantes au plus haut point ». La précaution en tant qu'instrument de juridicisation de ces objectifs et valeurs

(52)

se pose de plus en plus comme nécessaire dans le débat sur les risques liés au commerce interna- tional des OGM. L'interprétation faite par les organes de règlement des différends de la portée de l'évaluation des risques , constitue un autre

WTIDS76/A BIR, § 84.

(48) Le principe de précaution serait aussi contenu dans le sixième alinéa du préambule et à l'article 3:3 de !'Accord SPS. Selon !'Organe d'appel (Mesures communautaires concernant les viandes et les produits carnés (!lormones), op. cil.,§ 124), ces disposi- tions «reconnaissent explicitement le droit des Membres d'établir leur propre niveau approprié de protection sanitaire, lequel peut être plus élevé (c'est-à-dire plus prudent) que celui qu'impliquent les normes, directives et recommandations internationales existantes [ ... ) Un Groupe spécial chargé de déterminer, par exemple. s'il ex.iste des

"preuves scientifiques suffisantes" pour justifier le maintien par un Membre d'une me- sure SPS particulière peut, évidemment, et doit garder à l'esprit que les gouvernements représentatifs et conscients de leurs responsab[lités agissent en général avec prudence et précaution en ce qui concerne les risques de dommages irréversibles, voire mortels, pour la santé des personnes ... ».

(49) Notons que l'art. 5:7 n'autorise que l'adoption de mesures prises à titre provisoire.

(50) Corée-Mesures affectant les importations de viande de bœuf fraiche, réfrigérée et congelée, Rap. du 11décembre2000, Doc. WTIDS/61/ABIR, WTIDS/69/ABIR, § 167.

(S 1) CE -Mesures affectant l'amiante et les produits en conte-nant, op. cil., par. 172.

(52) L. Boisson de Chazournes, Le principe de précaution : Nature, contenu et limites, op. cit.

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