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Le rôle des organes de règlement des différends de l’OMC dans le développement du droit : à propos des OGM

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Le rôle des organes de règlement des différends de l'OMC dans le développement du droit : à propos des OGM

BOISSON DE CHAZOURNES, Laurence, MBENGUE, Makane Moïse

BOISSON DE CHAZOURNES, Laurence, MBENGUE, Makane Moïse. Le rôle des organes de règlement des différends de l'OMC dans le développement du droit : à propos des OGM. In: J.

Bourrinet et S. Maljean-Dubois. Le commerce international des organismes génétiquement modifiés . 2002. p. 177-212

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:42616

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(2)

LE RÔLE DES ORGANES DE RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS DE L'OMC DANS

LE DÉVELOPPEMENT DU DROIT : À PROPOS DES OGM

Laurence BOISSON DE CHAZOURNES

et

Makane Moïse MBENGUE (

1)

Introduction

Les relations commerce/environnement occupent désormais une place importante sur l'agenda international. La Déclaration de Doha adoptée lors de la dernière Conférence ministérielle de l'OMC en est un des exemples les plus récents (2).

Parmi les questions à traiter sous le couvert de ces relations, il y a celle du statut des organismes génétiquement modifiés (OGM) et des échanges y relatifs (3). Comment le système commercial multilatéral

( 1) Les auteurs tiennent à remercier MM. f\.J. Kuyper, Directeur des Affaires juridiques à l'OMC et P. Monnier, Conseiller juridique à la délégation permanente de la France au- près de l'OMC pour leurs remarques sur des précédentes versions de cet article.

(2) Déclaration ministérielle de la Conférence ministérielle de l'OMC adoptée à Doha le 14 novembre 2001 (Doc. WT/MlN (0 1 )/DEC/1 ). Disponible sur http://www.wto.

org/french/thewto f/minist_f/minOl_flmindecl_f.htm,_Aux termes du paragraphe 6 de la Déclaration, Les Etats ont proclamé ce qui suit : "Nous réaffirmons avec force notre engagement en faveur de l'objectif du développement durable, tel qu'il est énoncé dans le Préambule de l'Accord de Marrakech. Nous sommes convaincus que les objectifs consistant à maintenir et à préserver un système commercial multilatéral ouvert et non discriminatoire, et à œuvrer en faveur de la protection de l'environnement et de la pro- motion du développement durable peuvent et doivent se renforcer mutuellement. Nous prenons note des efforts faits par les Membres pour effectuer des évaluations environ- nementales nationales des politiques commerciales à titre volontaire. Nous reconnais- sons qu'en vertu des règles de l'OMC aucun pays ne devrait être empêché de prendre des mesures pour assurer la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux, la préservation des végétaux, ou la protection de l'environnement, aux ni- veaux qu'il considère appropriés, sous réserve que ces mesures ne soient pas appli- quées de façon à constituer soit un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable entre des pays où les mêmes conditions existent, soit une restriction déguisée au com- merce international, et qu'elles soient par ailleurs conformes aux dispositions des Ac- cords de l'OMC. Nous nous félicitons de la coopération suivie de l'OMC avec le PNUE et les autres organisations environnementales intergouvernementales. Nous encoura- geons les efforts visant à promouvoir la coopération entre l'OMC et les organisations environnementales et de développement internationales pertinentes, en particulier pen- dant la période précédant le Sommet mondial pour le développement durable qui se tiendra à Johannesburg (Afrique du Sud) en septembre 2002".

(3) Voir "La Chine engage une épreuve de force avec les Etats-Unis sur l'importation de soja génétiquement modifié" et "Les petits pays réticents aux OGM subissent de fortes pressions de Washington", in Le Monde du 15 janvier 2002, p. 4.

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appréhenderait-il des restrictions aux échanges de produits contenant des OGM ou fabriqués à partir d'OGM (4) ? Le Protocole de Carthagène sur la prévention des risques biotechnologiques relatif à la Convention sur la diversité biologique (ci-après Protocole de Carthagène) adopté en janvier 2000 régit le commerce international des OGM sans toutefois déterminer clairement son lien avec les Accords de I'OMC (5). Le Protocole n'est pas encore e~tré en vigueur et il ne sera en tout état de cau~e pas ratifié par tous les Etats membres de I'OMC (notamment par les Etats-Unis). Cela n'éclipse pas la possible survenance de différends entre États membres de l'OMC, parties ou non (6) au Protocole de Carthagène, à propos d'éventuelles restrictions au commerce international des OGM. Quelle serait alors l'attitude des organes de règlement des différends de l'OMC à leur égard ? Pourraient-ils dans le cadre des procédures de règlement des différends contribuer au développement du régime juridique des mesures commerciales prises par les États dans le champ des OGM, sachant que les règles juridiques en ce domaine sont incertaines - voire même contri- buer à asseoir leur légitimité -(7) ?

Dans la pratique, les organes de règlement des différends de I'OMC peuvent rencontrer plusieurs types de conflits dans l'application de traités. Il peut s'agir d'après le Groupe spécial dans l'affaire Commu- nautés européennes - Régime applicable à l'importation, à la distribu- tion, à la vente et à la distribution des bananes, de"[ ... ] cas où il y au- rait conflit entre des obligations découlant du GA TT de 1994 et des obli- gations contenues dans des accords figurant à l'Annexe 1 A, parce que

(4) Pour des raisons de commodité, il sera fait référence dans l'article au "commerce international des OGM". L'expression couvrira en fait le commerce des produits contenant des OGM et celui de produits fabriqués à partir d'OGM.

(5) R. Romi, "Le Protocole sur la biosécurité: une étape vers l'écologisation des échanges économiques internationaux", Les petites Affiches, no 115, 9 juin 2000, p. 4 ; S. Mal- jean-Dubois, "Le Protocole de Carthagène sur la biosécurité et le commerce inter- national des organismes génétiquement modifiés", L'Observateur des Nations Unies, n°ll, automne-hiver 2001, pp. 41-66;

(6) D. A. Motaal, "Multilateral Environmental Agreements (MEAs) and WTO Rules.

Why the "Burden of Accomodation" Should Shift to MEAs ?", Journal of World Trade, vol. 35,.n° 6, December 2001, p. 1216. Comme l'explique cet auteur, "sorne WTO Members have feared th at one of the following two types of conflicts cou id arise and migrate to the WTO for resolution : ( 1) a dispute between two parties to an MEA, who are both members of the WTO, over a trade-related measure taken in pursuance of the MEA which violates WTO rules. For instance, two parties to an MEA could disa- gree over how to interpret a specifie provision of an MEA, or one party could contest a measure taken by another un der a specifie part of an MEA that it has not itself signed (such as an amendment or a decision to it). lt has been argued by sorne WTO Members that since MEAs generally do not have dispute seUlement provisions as powerful as those of WTO, such disputes would be likely to migrate to the WTO for resolution;

and (2) a dispute between a party and a non-party to an MEA, both of who rn are also members of WTO, over a trade-related measure taken in the context of the MEA, with an effect on non-parties. lt has been argued that the non-party to the MEA would have no choice but to bring the dispute to the WTO since the MEA's dispute seUlement pro- visions would not be available to it as a non-party".

(7) V. P. B. Yu III, "Compatibility of GMO lmport Regulations With WTO Rules", in Reconciling Environment and Trade (E. Brown Weiss & J. H. Jackson, ed.), Transna- tional Publishers, New York, pp. 595-620.

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ces obligations s'excluent mutuellement, en ce sens qu'un Membre ne peut pas s'acquitter simultanément des unes et des autres", et de"[ ... ] cas où une règle énoncée dans un accord [de I'OMC] interdit ce qu'autorise expressément une règle énoncée dans un autre accord" (8).

La deuxième catégorie de conflits intéresse les rapports entre les traités relatifs à la protection de l'environnement, telle Protocole de Car- thagène et le droit de I'OMC (9). D'un côté, il y a les Accords de l'OMC qui affirment le principe de l'interdiction des restric-tions au commerce international et de l'autre, le Protocole de Carthagène qui reconnaît le droit de restreindre le commerce international des OGM. La tendance a été jusqu'à présent de qualifier les considérations environnementales et sanitaires d"' exceptions" ( 10) dans le système OMC et de "règles" (11)

dans le système du Protocole de Carthagène. Comment alors concilier deux logiques juridiques qui semblent a priori ne pas consacrer la même échelle de valeurs et d'intérêts juridiques à protéger?

Le Protocole de Carthagène n'est pas d'un grand secours. Son préambule insiste sur le fait qu'il "ne sera pas interprété comme impli- quant une modification des droits et obligations d'une Partie en vertu d'autres accords internationaux en vigueur" mais en même temps que "le préambule ne vise pas à subordonner le Protocole à d'autres accords in- ternationaux".

Face à de telles dispositions, comment les organes de règlement des différends de l'OMC doivent-ils réagir? A priori, le Protocole les

(8) Communautés européennes-Régime applicable à l'importation, à la distribution. à la vente et à la distribution des bananes, rapport du 22 mai 1997, Doc. WTIDS27/R, par.

7.159.

(9) Il convient de préciser que les organes de règlement des différends de l'OMC adop- tent parfois une interprétation stricte de la notion de conflit. Dans l'affaire Guatemala- Enquête antidumping concernant le ciment Portland en provenance du Mexique (rap- port du 2 novembre 1998, Doc. WTIDS60/ABIR, par. 65), l'Organe d'appel a estimé que le conflit se définissait comme la situation dans laquelle le respect d'une des dis- positions des Accords de l'OMC entraîne la violation d'une autre disposition des Ac- cords de l'OMC. D'après le raisonnement de l'Organe d'appel "il ne devrait être consta- qu'une disposition spéciale ou additionnelle prévaut sur une disposition du Mémo- randum d'accord que dans le cas où le respect de l'une entraînerait une violation de l'autre, c'est-à-dire en cas de conflit entre les deux dispositions". Pour certains, "this definition of conflict is too strict. Imagine for example, that a WTO rule imposes an obligation not to restrict certain tracte tlows, but a later non-WTO rule (say, an envi- ronmental convention) grants an explicit right to restrict tracte. Under the strict defini- tion of legal conflict, set out above, there would be no contlict. lndeed, complying with the WTO rule (not restricting tracte tlows) would not mean violating the later environ- mental rule. It would simply mean forgoing the right (to restrict tracte) granted by the environmental rule", voir J. Pauwelyn, "The Role of Public International Law in the WTO : How Far Can We Go ?", American Journal of International Law, juillet 2001, p. 551.

( 1 0) Article XX du GA TT de 1994.

( 1 I) Article 1er du Protocole qui détermine l'objectif de ce dernier : " [ ... ] l'objectif du présent Protocole est de contribuer à assurer un degré adéquat de protection pour le transfert, la manipulation et l'utilisation sans danger des organismes vivants modifiés résultant de la biotechnologie moderne qui peuvent avoir des effets défavorables sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique, compte tenu également des risques pour la santé humaine, en mettant l'accent sur les mouvements trans- frontières" (pas d'italique dans l'original).

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fonde légalement à se limiter au seul droit de I'OMC pour résoudre un différend commercial relatif aux OGM. L'article 30 de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969 (12) ne pourrait pas trouver appli- cation du fait que le Protocole se refuse lui-même expressis verbis à être une lex specialis dans la sphère du droit du commerce international ( 13 ).

Pourraient-ils néanmoins s'inspirer des dispositions du Protocole au ris- que d'atténuer la portée des Accords de I'OMC, et partant d'assumer la responsabilité d'un "CGM" (commerce international génétiquement mo- difié)?

Avant d'évaluer la contribution potentielle des organes de règle- ment des différends en ce domaine, il apparaît opportun de constater que l'aptitude de ces derniers à développer le droit de l'OMC paraît s'inscrire en faux par rapport à certains dogmes du système commercial multilaté- ral.

Il y a tout d'abord, le dogme de "l'équilibre". Celui-ci revient à l'interdiction pour le juge d'accroître ou de diminuer les droits des États Membres de I'OMC. Ce principe est clairement contenu dans les articles 3.2 et 19.2 du Mémorandum d'accord sur les règles et procédures régis- sant le règlement des différends (ci-après Mémorandum d'accord). L'arti- cle 3.2 dispose que "les Membres reconnaissent que [le système de règle- ment des différends] a pour objet de préserver les droits et obligations résultant des accords visés ... ". L'article 19.2 quant à lui prévoit que

" ... dans leurs constatations et leurs recommandations, le Groupe spécial et l'Organe d'appel ne pourront pas accroître ou diminuer les droits et obligations énoncés dans les accords visés". Dans cette perspective, il peut être légitime d'être sceptique sur la capacité des organes de règle- ment des différends à "développer" le droit de I'OMC afin de prendre en considération les problèmes juridiques liés au commerce des OGM.

Vient ensuite, le dogme de la "prévisibilité" (encore appelée

"sécurité") dont la texture repose sur l'article 3.2 du Mémorandum d'ac- cord aux termes duquel "le système de règlement des différends de l'OMC est un élément essentiel pour assurer la sécurité et la prévisibilité du système commercial multilatéral". Le système du rè&lement des diffé- rends est fondé sur des négociations minutieuses entre Etats membres de I'OMC. Ces derniers rechignent à voir les organes de règlement des dif- férends user de leur pouvoir discrétionnaire dans l'interprétation des dis- positions des Accords de I'OMC. Leur souci est de contenir ces organes

( 12) En vertu de l'article 30, § 2 de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités, "Lorsqu'un traité précise qu'il est subordonné à un traité antérieur ou postérieur ou qu'il ne doit pas être considéré comme incompatible avec cet autre traité, les dispo- sitions de celui-ci l'emportent". De même, l'article 30 § 3 pose des problèmes d'appli- cation étant donné qu'il dispose que "lorsque toutes les parties au traité antérieur sont également parties au traité postérieur, sans que le traité antérieur ait pris fin ou que son application ait été suspendue [ ... ], le traité antérieur ne s'applique que dans la mesure où ses dispositions sont compatibles avec celles du traité postérieur".

(13) Voir Préambule du Protocole de Carthagène: "Soulignant que le présent Protocole ne sera pas interprété comme impliquant une modification des droits et obligations d'une Partie en vertu d'accords internationaux en vigueur. .. "

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dans les limites de ce qui est prévu stricto sensu par les Accords. Un doute persiste par conséquent sur la faculté pour les organes de règle- ment des différends d'adopter certains modes d'interprétation du droit ou/et à recourir à d'autres corpus de règles internationales tels que celui du Protocole de Carthagène si un litige relatif à la matière des OGM venait à surgir.

Il y a enfin le dogme de "l'économie jurisprudentielle". L'article 3.7 du Mémorandum d'accord précise que "[ ... ] le but du mécanisme de règlement des différends est d'arriver à une solution positive des diffé- rends. Une solution mutuellement acceptable pour les parties et compa- tible avec les accords visés est nettement préférable". Dans le rapport d'appel sur l'affaire États-Unis - Mesures affectant les importations de chemises, chemisiers et blouses de laine tissés en provenance d'Inde, l'Organe d'appel a déclaré qu' "étant donné le but explicite du règlement des différends qui transparaît dans tout le Mémorandum d'accord, l'arti- cle 3.2 du Mémorandum d'accord [n'] est [pas] censé encourager ni les Groupes spéciaux ni l'Organe d'appel à "légiférer" en clarifiant les dispo- sitions existantes de l'Accord sur I'OMC hors du contexte du règlement d'un différend particulier" (14). Aussi, et conformément à l'article Il du

( 14) Etats-Unis - Mesures affectant les importations de chemises, chemisiers et blouses de laine tissées en provenance d'Inde, rapport du 23 mai 1997, Doc. WT/DS/33/AB/R, p. 22, par. VI. Et l'Organe d'appel de préciser que "l'article Xl de l'Accord sur l'OMC prévoit que la Conférence ministérielle et le Conseil général ont le "pouvoir exclusif' d'adopter des interprétations de l'Accord sur l'OMC et des Accords commerciaux mul- tilatéraux. Cela est expressément reconnu à l'article 3:9 du Mémorandum d'accord qui est ainsi libellé : "les dispositions du présent mémorandum d'accord sont sans préju- dice du droit des Membres de demander une interprétation faisant autorité des disposi- tions d'un accord visé, par la prise de décisions au titre de l'Accord sur l'OMC ou d'un accord visé qui est un Accord commercial plurilatéral". Voir sur la question de ce pou- voir exclusif des deux organes mentionnés, la décision de l'Organe d'appel dans l'af- faire Japon -Taxes sur les boissons alcooliques, rapport du 1er novembre 1996, Doc.

WTIDS8/ABIR, WT/DSlO/ABIR, WT/DS/1/AB/R, p. 15. Selon l'Organe d'appel "lorsque les Parties Contractantes [du GATT de 1947] décidaient d'adopter le rapport d'un groupe spécial, leur objectif n'était pas [ ... ] que cette décision constitue une interpréta- tion définitive des dispositions pertinentes du GATT de 1947. Cela n'est pas envisagé non plus dans le cadre du GA TT de 1994, comme nous le montrent certains éléments de l'Accord sur I'OMC. L'article IX:2 de l'Accord sur I'OMC dispose ce qui suit : "La Conférence ministérielle et le Conseil général auront le pouvoir exclusif d'adopter des interprétations du présent accord et des Accords commerciaux multilatéraux." [ ... ] Le fait que ce "pouvoir exclusif' d'interpréter le traité a été établi de façon si précise dans l'Accord sur l'OMC est un motif suffisant pour conclure que ce pouvoir n'est conféré nulle part ailleurs de façon implicite ou fortuite". Dans la même lancée, l'Organe d'ap- pel dans l'affaire Etats-Unis- Mesures à l'importation de certains produits en prove- nance des communautés européennes (rapport du Il décembre 2000, Doc. WT/DS/651 ASIR, par. 92), rappelle que "ce n'est certainement pas le rôle ni des groupes spéciaux ni de l'Organe d'appel de modifier le Mémorandum d'accord ou d'adopter des interpré- tations au sens de l'article IX:2 de l'Accord sur l'OMC. Seuls les Membres de I'OMC ont le pouvoir de modifier le Mémorandum d'accord ou d'adopter de telles interpréta- tions. Conformément à l'article 3:2 du Mémorandum d'accord, le rôle des groupes spé- ciaux et de l'Organe d'appel dans le système de règlement des différends de l'OMC est

"de préserver les droits et les obligations résultant pour les Membres des accords visés, et de clarifier les dispositions existantes de ces accords conformément aux règles cou- tumières d'interprétation du droit international public" (italiques dans l'original). Dé- terminer ce que devraient être les règles et procédures du Mémorandum d'accord ne

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Mémorandum d'accord (15), un Groupe spécial ne doit traiter que les allégations qui doivent l'être pour résoudre la question faisant J'objet d'un différend (16).

Face à ces dogmes, la propension des organes de règlement des différends à développer le droit en cas de contentieux relatif aux restric- tions aux échanges de produits contenant des OGM ou fabriqués à partir d'OGM, peut sembler illusoire. Toutefois, la jurisprudence des Groupes spéciaux et de l'Organe d'appel de I'OMC témoigne de l'existence de sentiers - étroits pour les uns, larges pour les autres - que ces organes empruntent pour marquer de leur empreinte l'évolution des rapports juri- diques entre l'économie, l'environnement et la santé. L'espace de règle- ment des différends est en réalité caractérisé par son hybridité. D'un côté, cet espace projette l'image d'organes de règlement des différends "arbi- tres"

m

qui s'en tiennent aux strictes règles pour départager les États parties à un différend. D'un autre côté, ces organes font figure d"'entraîneurs" (II) dont le but est d'adapter Je droit afin de le faire pro- gresser et triompher au nom de certaines valeurs, notamment environ- nementales et sanitaires.

relève pas de notre responsabilité ni de celle des groupes spéciaux ; cela relève claire- ment de la seule responsabilité des Membres de I'OMC".

( 15) Aux termes de l'article Il du Mémorandum d'accord, "la fonction des groupes spé- ciaux est d'aider l'ORO à s'acquitter de ses responsabilités... En conséquence, un groupe spécial devrait procéder à une évaluation objective des faits de la cause, de l'applicabilité des dispositions des accords visés pertinents et de la conformité des faits avec ces dispositions, et formuler d'autres constatations propres à aider l'ORO à faire des recommandations ou à statuer ainsi qu'il est prévu dans les accords visés".

(16) Australie- Mesures visant l'importation de saumons, rapport du 20 octobre 1998, Doc. WTIDS18/ABIR, par. llO. Voir également affaire Brésil- Mesures visant la noix de coco desséchée, rapport du 20 mars 1997, Doc. WT/DS22/R, par. 293. Ce principe avait déjà été formulé dans l'affaire Etats-Unis- Chemises, chemisiers et blouses, rap- port du ·23 mai 1997, Doc. WT/DS/33/AB/R, p. 22, par. VI. A cette occasion l'Organe d'appel a expliqué que "rien dans cette disposition [article Il du Mémorandum d'ac- cord] ni dans la pratique antérieure du GATT n'exige qu'un groupe spécial examine toutes les allégations formulées par la partie plaignante. Les précédents groupes spé- ciaux établis dans le cadre du GATT de 1947 et de I'OMC ont souvent traité unique- ment les poihts qu'ils jugeaient nécessaires pour régler la question opposant les parties, et ont refusé de statuer sur d'autres points. Ainsi, dans les cas un groupe spécial a constaté qu'une mesure était incompatible avec une disposition particulière du GA TT de 1947, d'une manière générale, il ne s'est pas demandé si la mesure était aussi incom- patible avec d'autres dispositions du GATT qui auraient pu faire l'objet d'une allégation de violation formulée par une partie plaignante". Il est légitime à partir de là de douter de l'intérêt des groupes spéciaux à statuer sur la compatibilité d'une mesure avec un instrument international de protection de l'environnement. Pour un aperçu de la prati- que des groupes spéciaux dans le cadre du GATT, voir Japon-Commerce des semi- conducteurs, rapport adopté le 4 mai 1988, IBDD, S351126, par. 122; Japon- Restric- tions à l'importation de certains produits agricoles, rapport adopté le 22 mars 1988, lBDD, S35/180, par. 5.4.2 ; CEE- Règlement relatif aux importations de pièces déta- chées et composants, rapport adopté le 16 mai 1990, IBDD, S37/142, par. 5.1 0, 5.22 et 5.27 ; Canada -Importation, distribution et vente de boissons alcooliques par les or- ganismes provinciaux de commercialisation, rapport adopté le 22 mars 1988, /BDD, S35/38, par. 5.6; Etats-Unis- Refus d'accorder le traitement NPF aux chaussures au- tres qu'en caoutchouc en provenance du Brésil, rapport adopté le 19 juin 1992, IBDD, S39/142, par. 6.18.

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I-LES ORGANES DE RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS "ARBI- TRES" : UN DÉVELOPPEMENT TIMIDE DU DROIT

Dans ce genre de situation, les organes de règlement des diffé- rends sont rivés à la règle de droit ( aussi connue sous le vocable anglais

"rule of law") ( 17). Leur intervention se limite, dans le règlement des

différends qui leur sont soumis, à appliquer à la lettre des dispositions des Accords de I'OMC. Le souci principal est de trancher le différend en mettant le doigt sur la ou les dispositions pertinentes des textes de I'OMC qui s'appliquent dans une espèce donnée.

Le droit relatif aux échanges des OGM et des produits contenant des OGM, et notamment le Protocole de Carthagène ont peu de chance de voir leur contenu normatif se développer lorsque les organes de rè- glement des différends revêtent un tel uniforme. Deux raisons à ce pes- simisme peuvent être déduites de la jurisprudence des organes de règle- ment des différends: c'est d'une part, la compétence relativement "limi- tée" de ces organes dans choix du droit applicable aux différends (A);

c'est d'autre part, la "marginalisation" de l'incertitude scientifique (B), élément central de la régulation prônée par le Protocole de Carthagène.

A - La compétence des organes relativement "limitée" en matière de droit applicable aux différends

Certaines dispositions du "système juridique OMC" telles que l'article XXIII du GA TT de 1994 et les articles 1.1, 4.2, 4.4, 7 et 11 du Mémorandum d'accord expriment de façon explicite le caractère plus ou moins limité de la compétence des organes de règlement des différends de I'OMC. Aux termes de l'article 1.1, le Mémorandum d'accord s'appli- quera aux différends résultant des accords visés. L'article 7.1 prévoit que le mandat d'un Groupe spécial est "d'examiner, à la lumière des disposi- tions pertinentes de (nom de l'(des) accord (s) visé (s) cité (s) par les parties au différend), la question portée devant l'ORO par (nom de la partie) dans le document ... ". L'article 7.2 précise que "les Groupes spé- ciaux examineront les dispositions pertinentes de l'accord visé ou des accords visés cités par les parties au différend".

L'article 11 du Mémorandum d'accord suggère également une compétence limitée pour les Groupes spéciaux. Il exige qu'un Groupe spécial "devrait procéder à une évaluation objective des faits de la cause, de l'applicabilité des dispositions des accords visés pertinents et de la conformité des faits avec ces dispositions, et formuler d'autres constata- tions propres à aider l'ORO à faire des recommandations ou à statuer ainsi qu'il est prévu dans les accords visés".

La compétence limitée des organes de règlement des différends de l'OMC a été brossée par l'Organe d'appel lors de l'affaire Communau- tés européennes - Mesures affectant l'importation de certains produits

( 17) E.-U. Petersmann, "How to Promo te the International Rule of Law ? Contributions by the World Trade Organization Appelate Review System", Journal of International Economie Law, vol. 1, n°l, March 1998, pp. 25-48.

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provenant de volailles dans laquelle s'est posée la question de la valeur légale d'un accord bilatéral liant le Brésil et la Communauté européenne.

L'Organe d'appel déclara à cette occasion qu' "il n'est pas nécessaire de recourir ni à l'article 59.1 ni à l'article 30.3 de la Convention de Vienne, parce que le texte de l'Accord sur I'OMC et les dispositions juridiques régissant la transition du GATT de 1947 à I'OMC résolvent la question du rapport entre la Liste LXXX et l'Accord sur les oléagineux en l'es- pèce. La Liste LXXX du Protocole de Marrakech annexé à l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (le "Protocole de Marrakech"), et fait partie intégrante du GATT de 1994. À ce titre, elle fait partie des obligations multilatérales découlant de l'Accord sur I'OMC. L'Accord sur les oléagineux, par contre, est un accord bilatéral négocié par les Communautés européennes et le Brésil au titre de l'article XXVIII du GATT de 1947, dans le cadre du règlement du différend CEE-Oléagineux. De ce fait, l'Accord sur les oléagineux n'est pas un

"accord visé" au sens des articles premier et 2 du Mémorandum d'accord.

L'Accord sur les oléagineux ne fait pas non plus partie des obligations multilatérales acceptées par le Brésil et les Communautés européennes conformément à l'Accord sur I'OMC, qui est entré en vigueur le 1er jan- vier 1995. L'Accord sur les oléagineux n'est cité dans aucune annexe de l'Accord sur I'OMC. Les dispositions de certains instruments juridiques qui sont entrés en vigueur en vertu du GA TT de 1947 ont été intégrées au GA TT de 1994 conformément au texte de l'Annexe 1 A incorporant le GATT de 1994 dans l'Accord sur I'OMC, mais l'Accord sur les oléagi- neux n'est pas un de ces instruments juridiques" ( 18).

L'hésitation, sinon la réticence manifeste des organes de règle- ment des différends de I'OMC à prendre en compte des accords commer- ciaux extérieurs à I'OMC laisse planer des doutes quant à l'acceptabilité et à l'applicabilité de certains instruments internationaux de protection de l'environnement comportant des mesures commerciales, y compris le Protocole de Carthagène ( 19).

Les organes de règlement des différends sont réticents à faire recours de manière systématique au droit international conventionnel et coutumier (20), dans la mesure où les Accords de I'OMC constituent une lex specialis par rapport au droit international général (21 ). Ce statut de

( 18) Communautés européennes- Mesures affectant l'importation de certains produits provenant de volailles, rapport du 13 juillet 1998, Doc. WTIDS69/ABIR, p. 33. ( 19) Voir R. Housman & D. M. Goldberg, "Legal Principles in Resolving Conflicts

Between Multilateral Environmental Agreements and the GATT/WTO in the Use of Trade Measures", in Select Multilateral Environmental Agreements (R. Housman et al.), 1995, p. 297.

(20) Voir M. Garcia-Rubio, On the Application ofCustomary Ru/es ofState Responsibili- ty by the WTO Dispute Seulement Organs. A General International Law Perspective, tHEl, Genève, 2001, pp. 73-78.

(21) Le régime des Accords de I'OMC a été identifié à certains égards comme un "régime se suffisant à lui-même" (selfcontained regime). De ce fait, il contient des règles spé- cifiques au système OMC, lesquelles peuvent être dérogatoires au droit international général. Le caractère dérogatoire n'entraîne toutefois pas un isolement total par rapport au système du droit international. Sur la question voir L. Boisson de Chazournes, Les

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lex specialis dans l'ordre juridique international et par extension la com- pétence limitée des organes de règlement des différends, doivent être néanmoins relativisés. Le mécanisme de règlement des différends de l'OMC n'est pas un système hermétique ou hostile au droit international général (22). Comme l'a solennellement affirmé l'Organe d'appel dans la première affaire dont il a eu à connaître (23), "il ne faut pas lire l'Accord général en l'isolant cliniquement du droit international public" (24).

Dans l'affaire Corée- Mesures affectant les marchés publics, le Groupe spécial a confirmé que "l'article 3.2 du Mémorandum d'accord exige qu'[il cherche], dans le contexte d'un différend particulier, à clari- fier les dispositions existantes des Accords de I'OMC conformément aux règles coutumières d'interprétation du droit international public. Cepen- dant, le lien entre les Accords de l'OMC et le droit international coutu- mier est plus large que cela. Le droit international coutumier s'applique d'une façon générale aux relations économiques entre les Membres de l'OMC. Il s'applique dans la mesure où les Accords de I'OMC ne con- tiennent pas de clauses qui les excluent de son champ d'application. En d'autres termes, dans la mesure où il n'y a pas de conflit ni d'incompatibi- lité, ni d'expression dans un accord visé de l'OMC donnant à entendre qu'il en va autrement, [ ... ] les règles coutumières du droit international s'appliquent au traité de I'OMC et au processus d'élaboration des traités de I'OMC" (25).

Il y a là un véritable phénomène d'instrumentalisation du droit international par le droit de I'OMC (26). D'une part, le droit international coutumier - a fortiori conventionnel - s'applique tant qu'il n'est pas con-

contre-mesures dans les relations internationales économiques, !HEl, Genève, 1992, pp. 182-187; P.J. Kuijper, "The Law of GA TT as a Special Field of International Law", Netherlands Yearbook of International Law, 1994, p. 227; Sur la notion de "ré- gime se suffisant à lui-même", voir B. Simma, "Self-contained Regime", Netherlands

Yearbook of International Law, 1985, pp. III-136.

(22) Au contraire, l'article 3.2 du Mémorandum d'accord requiert que les Accords de l'OMC soient interprétés à la lumière des règles coutumières d'interprétation. Pour une analyse approfondie de la question, voir G. Marceau, "A Cali for Coherence in Interna- tional Law. Praises for the Prohibition Against "Clinical Isolation" in WTO Dispute Settlement", Journal of World T!·ade, vol. 33, n° 5, October 1999, pp. 87-152.

(23) Etats-Unis- Normes concernant l'essence nouvelle et ancienne formules, rapport du 29 avril 1996, Doc. WTIDS2/ABIR. Sous l'empire du GATT, le droit international pu- blic était appliqué sans qu'une claire référence à celui-ci ne soit faite. Voir, par exem- ple, l'affaire Etats-Unis - Mesures affectant les importations de bois de construction résineux en provenance du Canada dans laquelle le principe d'estoppel a été appliqué par le Groupe spécial, in E. Canal-Forgues et Th. Flory, GATTIOMC Recueil des contentieux, Bruylant, Bruxelles, 2001, pp. 428-445.

(24) Etats-Unis -Normes concernant l'essence nouvelle et ancienne formules, op. cil., p. 19.

(25) Corée-Mesures affectant les marchés publics, rapport du 1er mai 2000, Doc. WTI DS 163/R, par. 7 .96. Cette interprétation du Groupe spécial rejoint de près celle de Ver- zijl dans l'affaire Georges Pinson (France) v. United Mexican States (in Recueil des Sentences arbitrales, vol. V, p. 422) et selon laquelle "toute convention internationale doit être réputée s'en référer tacitement au droit international commun, pour toutes les questions qu'elle ne résout pas elle-même en termes exprès et d'une façon différente".

(26) D. M. McRae, "The WTO in International Law: Tradition Continued or New Fron- tier ?",Journal of International Economie Law, vol. 3, n°l, March 2000, pp. 27-41.

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traire aux Accords de I'OMC. A contrario, en cas d'exclusion tacite ou expresse, il ne s'appliquera pas. D'autre part, l'application du droit inter- national est substantiellement résiduelle. Ce n'est qu'en cas de silence des Accords de l'OMC que les organes de règlement des différends pourront faire recours au droit international coutumier et conventionnel pour combler le vide juridique inhérent à une ou plusieurs dispositions.

L'hypothèse d'applicabilité du Protocole de Carthagène la plus simple et la plus évidente est celle dans laquelle une de ses dispositions aurait remplacée ou amendée une disposition des Accords de I'OMC.

Cela n'est pas le cas du Protocole de Carthagène puisque celui-ci se re-

~use lui-même à créer des changements dans les droits et obligations des Etats découlant d'autres accords internationaux. Dû à la sensibilité du débat lié au commerce international des OGM, le Préambule du Proto- cole de Carthagène fait principalement référence aux Accords de I'OMC

(27).

L'applicabilité du Protocole de Carthagène dans un différend donné au sein de I'OMC ne peut être exclue si les organes de règlement des différends ne se confinent pas à la stricte application des dispositions des Accords de l'OMC (28). À ce propos, la Cour internationale de Jus- tice dans l'Avis consultatif sur l'Interprétation de l'Accord du 25 mars 1951 entre l'OMS et l'Egypte, a déclaré qu' "une règle du droit interna- tional, coutumier ou conventionnel, ne s'applique pas dans le vide; elle s'applique par rapport à des faits et dans le cadre d'un ensemble plus large de règles juridiques dont elle n'est qu'une partie" (29).

D'un point de vue procédural, l'article 13.1 du Mémorandum d'accord pourrait conférer un droit de "représentation" au Protocole de Carthagène dans un différend entre États membres de I'OMC. Aux ter- mes de cette disposition, "chaque Groupe spécial aura le droit de deman- der à toute personne ou à tout organisme qu'il jugera approprié des ren-

(27) Mais, même si l'hypothèse avait joué, les organes de règlement des différends de I'OMC dans leur obligation de prendre en compte principalement les Accords de I'OMC pourraient être confrontés à une situation de non-liquet c'est-à-dire de situation il n'y a pas de droit applicable et dès lors refuser leur compétence dans une affaire donnée. Il faut -préciser toutefois que le non-liquet est contraire au "modèle de règles"

sur la procédure arbitrale de la Commission du droit international (COI) (voir Rapport du Rapporteur spécial Georges Scelle, ACDI, 1950, vol Il, pp. 114-180). En effet, l'ar- ticle 91 dispose que "le tribunal ne peut prononcer le non liquet sous prétexte du si- lence ou de l'obscurité du droit à appliquer". Voir J. Bourgeois, "WTO Dispute Settle- ment in the Field of Anti-Dumping Law", Journal of International Economie Law, vol.

l,n° 1, 199~p.271.

(28) Voir le Rapport de 1996 du Comité du commerce et de l'environnement, Doc.

WT/CTE/1, par. 179. Le CCE reconnaît "qu'il est bon que les groupes spéciaux de I'OMC disposent de toute la compétence pertinente dans les affaires concernant des mesures environnementales liées au comme.rce, y compris les mesures commerciales prises en vertu d'AEM [accords environnementaux multilatéraux]. L'article 13 et l'Ap- pendice 4 du Mémorandum d'accord sur le règlement des différends donnent à un groupe spécial les moyens de demander à toute personne ou tout organisme qu'il juge approprié des renseignements et des avis techniques et de consulter des experts, y compris en établissant des groupes consultatifs d'experts".

(29) Cil, Interprétation de l'accord du 25 mars 1951 entre l'OMS et I'Egypte, Avis consultatif du 20 décembre 1980, Recueil 1980, par. 1 O.

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seignements et des avis techniques" (30). Dans l'évaluation et l'interpré- tation des règles d'autres instruments internationaux, les Groupes spé- ciaux peuvent solliciter l'aide de juridictions internationales ainsi que d'organisations internationales. Le Groupe spécial a par exemple, recou- ru à cette procédure dans l'affaire États- Unis -Article 110 (5) de la Loi sur le droit d'auteur en demandant une information juridique à l'Organi- sation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) (31 ).

Il y a toutefois des incertitudes quant à la valeur et la portée juri- diques de ces avis et renseignements (32). L'Organe d'appel a tenu à le préciser dans l'affaire États-Unis - Prohibition à l'importation de certai- nes crevettes et de certains produits à base de crevettes, affirmant qu"' il convient d'insister sur le caractère global du pouvoir qu'a un Groupe spécial de "demander" des renseignements et des avis techniques "à toute personne ou à tout organisme" qu'il peut juger approprié, ou "à toute source qu'il [jugera] appropriée". Ce pouvoir englobe plus que le seul choix de la source des renseignements ou des avis que le Groupe spécial peut demander et plus que la seule évaluation de ceux-ci. Le pouvoir conféré à un Groupe spécial comprend la possibilité de décider de ne pas demander de tels renseignements ou avis du tout. Un Groupe spécial a aussi le pouvoir d'accepter ou de rejeter tout renseignement ou avis qu'il pourrait avoir demandé et reçu, ou d'en disposer d'une autre façon ap- propriée. Un Groupe spécial a en particulier la possibilité et le .pouvoir de déterminer si des renseignements et des avis sont nécessaires dans une affaire donnée, d'évaluer l'admissibilité et la pertinence des rensei- gnements ou avis reçus et de décider quelle importance il convient d'ac- corder à ces renseignements ou avis ou de conclure qu'aucune impor- tance ne devrait être accordée à ce qui a été reçu" (33).

(30) Voir aussi, article 13.2 du Mémorandum d'accord, en vertu duquel "les groupes spé- ciaux pourront demander des renseignements à toute source qu'ils jugeront appropriée et consulter des experts pour obtenir leur avis sur certains aspects de la question". De même, l'article 11.2 de l'Accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires, dispose que "dans un différend relevant du présent accord et qui soulève des questions scien- tifiques ou techniques, un groupe spécial devrait demander l'avis d'experts choisis par lui en consultation avec les parties au différend. A cette fin, le groupe spécial pourra, lorsqu'il le jugera approprié, établir un groupe consultatif d'experts techniques, ou consulter les organisations internationales compétentes, à la demande de l'une ou l'au- tre des parties au différend ou de sa propre initiative".

(31) Etats-Unis- Article 110 (5) de la Loi sur le droit d'auteur, rapport du 27 juillet 2000, Doc. WTIDSI60/R, par. 4.1. La réponse de I'OMPI a été plus factuelle que juridique.

(32) R. Behboodi, '"Should' Means 'Shall' : A Critical Analysis of the Obligation to Sub- mit Information under Article 13.1 of the DSU in the Canada- Aircrafl Case", Journal of International Economie Law, vol. 3, n°4, December 2000, pp. 563-592.

(33) Etats-Unis - Prohibition à l'importation de certaines crevettes et de certains pro- duits à base de crevettes, rapport du 12 octobre 1998, Doc. WTIDS58/ABIR, par. 104.

Cette interprétation de l'article 13 du Mémorandum d'accord avait déjà été dégagée par l'Organe d'appel dans l'affaire Mesures communautaires concernant les viandes et les produits carnés (hormones), rapport du 16 janvier 1998, Doc. WT/DS26/ABIR, WT/- DS48/ABIR, par. 147. De même et de façon pragmatique dans l'affaire Argentine-Me- sures affectant les importations de chaussures, textiles, vêtements et autres articles (rapport du 27 mars 1998, Doc. WTIDS56/ABIR, par. 84-85-86) l'Organe d'appel décla- re que le "Groupe spécial a agi dans les limites du pouvoir discrétionnaire que lui con-

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