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Surveillance immunitaire antitumorale

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6 | La Lettre du Sénologue • N° 74 - octobre-novembre-décembre 2016

DOSSIER

Immunité et immunothérapie

Immunosurveillance

Masse tumorale Échappement Équilibre

Élimination

Temps

Figure 1. Le concept d’immunosurveillance (d’après Zitvogel L, Galluzzi L, Smyth MJ, Kroemer G. Mecha- nism of action of conventional and targeted anticancer therapies: reinstating immunosurveillance. Immunity 2013;39[1]:74-88).

Surveillance immunitaire antitumorale

Antitumor immune surveillance

S. Champiat*

* INSERM U981 ; département d’inno- vation thérapeutique et des essais pré- coces (DITEP), institut Gustave-Roussy Cancer Campus – Grand Paris, Villejuif.

Surveillance immunitaire antitumorale

En raison de signes d’efficacité souvent anecdotiques, l’immunothérapie anticancéreuse a longtemps été une option thérapeutique originale, voire de dernier recours. Malgré de nombreux arguments en faveur d’une immunité antitumorale, il a fallu attendre les succès cliniques récents des immunothérapies ciblant CTLA-4 et PD-1/PD-L1 pour remettre au premier plan l’immunosurveillance, c’est-à-dire le rôle du système immunitaire dans le contrôle de la prolifération des tumeurs. Ces nouvelles immuno- thérapies ciblant les points de contrôle du système immunitaire révolutionnent déjà la prise en charge de certains cancers (mélanomes, cancers pulmonaires, du rein, de la vessie, etc.), mais d’autres types histo- logiques – comme le cancer du sein – semblent moins bien répondre. Afin de mieux appréhender l’utilisa- tion des immunothérapies, qui visent à amplifier la réponse antitumorale naturelle, il est essentiel de bien comprendre le fonctionnement du système immu- nitaire et son interaction avec les cellules cancéreuses.

Concept d’immunosurveillance

(figure 1)

L’idée de lutter contre le cancer en stimulant le système immunitaire est relativement ancienne. Elle a été émise dès la fin du XIXe siècle par le chirurgien William Coley, qui avait observé une association entre la régression de sarcomes osseux et la survenue d’infections postopératoires à strepto coques patho- gènes responsables d’érysipèles. L’hypo thèse selon laquelle la réaction inflammatoire secondaire à une infection pourrait permettre un contrôle de la croissance tumorale a ouvert la voie à la théorie de l’immunosurveillance des tumeurs. Cette théorie a d’abord été énoncée par Paul Ehrlich au début du XXe siècle, avant d’être reprise par Frank Macfarlane et Lewis Thomas. Elle a aujourd’hui été revisitée et

continuée par Robert Schreiber avec la théorie des

“3 E”, qui stipule que l’interaction entre le système immunitaire et la tumeur comporte 3 phases : élimi- nation, équilibre et échappement.

Le concept d’immunosurveillance correspond à l’action de notre système immunitaire qui surveille en continu les différentes cellules de notre orga- nisme à la recherche de cellules cancéreuses.

➤ La phase d’élimination est une phase cellulaire, infraclinique, pendant laquelle le système immu- nitaire détecte la présence de cellules tumorales et les élimine précocement, avant même qu’elles ne deviennent cliniquement apparentes.

➤ Lorsque ces cellules ne sont pas éliminées, on entre dans une phase d’équilibre pendant laquelle le système immunitaire maîtrise la prolifération des cellules tumorales sans pour autant les éradiquer.

Les cellules tumorales sont maintenues dans un état de latence qui peut persister plusieurs années avant qu’une tumeur finisse par devenir cliniquement détectable. C’est durant cette période d’équilibre que le système immunitaire exerce une pression sélective sur les cellules tumorales et favorise l’émergence de clones faiblement immunogéniques (processus d’immuno-sélection ou “immuno-editing”).

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» Les nouvelles immunothérapies cherchent à réinstaurer l’immunosurveillance en agissant sur une ou plusieurs étapes de la réponse immunitaire antitumorale.

Immunogramme

Highlights

»Immunosurveillance cor- responds to the continuous control exercised by our immune system to search for cancer cells. This immune control exerts a selective pressure on tumor cells and promotes escape mechanisms (immunoediting).

»The generation of an immune response follows the cancer-immunity cycle : release of tumor antigens, presentation by dendritic cells, activation of naive T cells in the lymph nodes, migration to the tumor site, recognition and lysis of tumor cell.

»The immune escape mecha- nisms are related to defects of antitumor lymphocytes, intrinsic cancer cells mecha- nisms and an immunosuppres- sive tumor microenvironment.

»New immunotherapies seek to re-establish immunosurveil- lance by acting on the different steps of the antitumor immune response.

Keywords

Immunosurveillance Cancer immunity cycle Immune escape Tumor microenvironment Immunogram

➤ Durant la phase d’échappement, les cellules tumorales ont acquis la capacité de détourner la reconnaissance et/ou la destruction par le système immunitaire. Cela conduit au développement d’une tumeur cliniquement présente qui peut être détectée et prise en charge.

Arguments en faveur d’un rôle du système

immunitaire dans le contrôle tumoral… avant l’avènement des immunothérapies anti- CTLA-4 et anti-PD-1

Les succès thérapeutiques des anti-CTLA-4 puis des anti-PD-1 ont confirmé le rôle majeur du système immunitaire dans le contrôle tumoral. Jusque-là, le concept d’immunosurveillance s’appuyait sur des arguments expérimentaux, épidémiologiques ou anatomocliniques. Sur le plan expérimental, on observe effectivement une fréquence accrue de tumeurs spontanées chez les souris déficientes en cellules ou en molécules clés pour l’immunité adaptative (lymphocytes B et T, IFNγ, etc.) ou pour l’immunité innée (cellules Natural Killer [NK], etc.). Par ailleurs, les données épidémiologiques chez les patients présentant un déficit immu- nitaire primaire d’origine génétique (trisomie 21, ataxie télangiectasie, etc.) ou acquis (traitements immunosuppresseurs, SIDA, etc.) montrent une inci- dence augmentée des cancers aussi bien viro-induits (sarcomes de Kaposi et HHV8, lymphomes et EBV, cancer du col et papillomavirus) que non liés à des virus (leucémies, lymphomes, cancers bronchiques, etc.). Dans le cas de lymphomes survenant chez des patients sous immunosuppresseurs au long cours, l’arrêt de ces médicaments peut conduire à une régression tumorale spontanée. Cela illustre bien que les cellules tumorales étaient présentes de manière infraclinique chez le patient (phase d’équi- libre), mais que le traitement immunosuppresseur a favorisé le développement tumoral en levant le contrôle du système immunitaire (phase d’échappe- ment). Enfin, sur le plan clinique, la mise en évidence

d’une réaction lymphocytaire T cytotoxique chez les patients présentant une régression spontanée de leur cancer du rein ou de leur mélanome ainsi que la corrélation entre un infiltrat immunitaire et un bon pronostic pour certaines tumeurs a conforté le rôle clé du système immunitaire.

Principaux effecteurs

de l’immunité antitumorale

Le système immunitaire se scinde habituellement entre le système immunitaire inné et le système immunitaire adaptatif. Le système immunitaire inné est essentiellement composé des cellules phago- cytaires (macrophages), des neutrophiles et des cellules NK. Elles ont une activité de veille perma- nente au sein de l’organisme et sont responsables d’une défense immédiate contre les pathogènes. Les cellules du système immunitaire adaptatif sont les lymphocytes B (immunité humorale via la produc- tion d’anticorps) et les lymphocytes T (immunité cellulaire). La réponse immunitaire adaptative est plus lente à se mettre en place mais permet une reconnaissance fine du pathogène (spécificité anti- génique) et la génération d’une mémoire immuno- logique. Ces 2 systèmes ont une action coopérative et interdépendante : l’activation du système immu- nitaire inné produit des signaux stimulant et orien- tant les réponses immunes adaptatives, qui, à leur tour, créent des signaux stimulant et augmentant les réponses immunes innées.

Lymphocytes T

Les lymphocytes T ont une reconnaissance spéci- fique de l’antigène tumoral grâce à leur récepteur, le TCR, qui reconnaît le peptide tumoral présenté sur le complexe majeur d’histocompatibilité (CMH). La lyse de la cellule tumorale par le lymphocyte T cyto- toxique (CD8) résulte de la libération de granules cytotoxiques préformés (contenant de la perforine, des granzymes, etc.) ou de l’expression de ligands qui vont activer des récepteurs de mort cellulaire présents à la surface de la cellule tumorale (Fas- ligand/Fas, TRAIL et ses récepteurs).

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Immunité et immunothérapie

Figure 2. Le cycle de l’immunité anticancéreuse (d’après Chen DS, Mellman I. Oncology Meets immunology: the cancer-immunity cycle. Immunity 2013;39[1]:1-10).

Les lymphocytes T auxiliaires (CD4) peuvent parfois présenter la même activité cytotoxique directe que les CD8, mais leur rôle est le plus souvent indirect et orchestre la réponse immunitaire (polarisation) via la sécrétion de cytokines : IL-2 et IFNγ (polarisation Th1) favorisant la persistance des lymphocytes T CD8 antitumoraux, IL-4 (polarisation Th2) orientant vers une production d’anticorps de haute affi nité par les lymphocytes B.

Anticorps

Même si le rôle antitumoral de la réponse humorale médiée par les lymphocytes B n’est pas clairement établi, l’utilisation d’anticorps thérapeutiques en cancérologie représente une avancée majeure. Ces anticorps ont avant tout été utilisés comme un moyen technique pour cibler spécifi quement et direc- tement la cellule tumorale en bloquant dif férents facteurs de croissance – comme avec le trastuzumab (anti-HER2) ou le cétuximab (anti récepteur de l’EGF) – ou des facteurs proangiogéniques (VEGF avec le bévacizumab). Aussi, bien que considérés comme des immunothérapies passives, ces anticorps peuvent permettre le recrutement d’éléments du système immunitaire. En fonction du type de l’immuno- globuline utilisée, plusieurs mécanismes sont

potentiellement en jeu : la cytotoxicité cellulaire dépendante des anticorps (ADCC), la phagocytose cellulaire dépendante des anticorps (ADCP) et l’acti- vation du complément. En effet, lorsque l’anticorps se fi xe sur la cellule tumorale, la partie constante de l’anticorps (appelée fragment Fc) peut se fi xer sur les récepteurs au fragment Fc présents sur les cellules NK ou sur les macrophages, qui, ainsi activés, peuvent entraîner la lyse (ADCC) ou la phagocytose (ADCP) de la cellule tumorale. Par ailleurs, la fi xa- tion d’anticorps à la surface de la cellule tumorale peut déclencher l’activation de la voie classique de la cascade du complément. Cette cascade de réac- tions protéolytiques génère des composants actifs aboutissant à la destruction de la cellule tumorale : formation du complexe d’attaque membranaire capable de lyser la cellule tumorale et libération de substances chimiotactiques capables de recruter des effecteurs immunologiques antitumoraux.

Cellules NK

Contrairement aux lymphocytes T, les cellules NK ne possèdent pas de récepteur spécifique de l’antigène. Elles portent des récepteurs invariants appartenant à la famille des KIR (Killer Immuno- globulin-like Receptors) , dont l’interaction avec les molécules du CMH de classe I délivre un signal inhibiteur aux cellules NK. Ainsi, lorsque la cellule tumorale diminue son expression du CMH pour échapper aux lymphocytes T, la cellule NK n’est plus inhibée par son récepteur KIR, ce qui résulte en une lyse de la cellule tumorale via la libération de granules cytotoxiques préformés (granzymes, perforines). Comme évoqué précédemment, la cellule NK est aussi une clé pour la cytotoxicité médiée par les anticorps (ADCC) via son récep- teur au fragment constant des immunoglobulines (récepteur Fc).

Mise en place d’une réponse immunitaire antitumorale : le cycle de l’immunité anticancéreuse

(fi gure 2)

Ce sont les lymphocytes T cytotoxiques CD8 qui permettent, en grande partie, de générer une réponse immunitaire antitumorale. Ce processus, encore appelé “cycle de l’immunité anticancéreuse”

comprend plusieurs étapes.

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exprimés par les cellules normales. On distingue ainsi plusieurs types d’antigènes tumoraux :

– les antigènes provenant de protéines cellulaires normales surexprimées ou exprimées de manière aberrante par la tumeur (P53, Her2/neu, etc.) ;

– les antigènes de différenciation tissulaire (PSA, mammaglobine-A, ACE, Melan-A, etc.) faiblement exprimés dans le tissu sain et exprimés par la tumeur ;

– les antigènes du groupe “cancer testis” (MAGE, NY-ESO1, etc.) exprimés spécifique- ment par les cellules tumorales mais également de façon ectopique par les cellules germinales ;

– les antigènes dérivant d’agents infectieux pathogènes (virus oncogéniques [HPV, HBV, etc.], bactéries [H. pylori]), etc.

– les antigènes uniques à la tumeur, encore appelés néo-antigènes, qui proviennent d’oncogènes mutés, de gènes suppresseurs de tumeurs ou de protéines du soi mutées, résultant du processus oncogénique.

Encadré. Les antigènes tumoraux.

dendritiques

Le cycle de l’immunité anticancéreuse est déclenché par la libération d’antigènes tumoraux à partir de cellules cancéreuses mourantes, qui sont captés par des cellules présentatrices d’antigène (CPA), telles que les cellules dendritiques. Suite à l’absorption de ces antigènes, les cellules dendritiques migrent vers les ganglions lymphatiques drainants pour présenter aux lymphocytes T naïfs des fragments (peptides tumoraux) apprêtés sur une molécule du complexe majeur d’histocompatibilité de classe I (CMH-I).

Initiation et activation des lymphocytes T naïfs

L’initiation et l’activation du lymphocyte T naïf (encore appelée “priming”) se fait grâce à la reconnaissance du peptide tumoral dont le TCR du lymphocyte est spécifique. Cette inter action TCR-complexe CMH/peptide est le premier signal activateur que reçoit le lymphocyte naïf. Cependant, bien que ce signal soit néces- saire, il n’est pas suffisant pour formellement activer le lymphocyte T, qui doit alors intégrer un ensemble de signaux activateurs et inhibi- teurs provenant de molécules de costimulation, encore ap pelées “checkpoints immunitaires”. Ces points de contrôle du système immunitaire sont un ensemble de récepteurs de costimulation ou de co-inhibition situés à la surface du lympho- cyte, et qui vont moduler son activation en fonc- tion de la présence de leurs ligands respectifs au niveau de la cellule présentatrice d’antigène. Ces checkpoints ont un rôle-clé pour éviter l’embal- lement du système immunitaire contre le soi et pour limiter la durée et l’intensité de la réponse immunitaire.

Circulation et infiltration

des lymphocytes T dans les tumeurs

L’activation du lymphocyte T naïf dans le ganglion de drainage conduit à une expansion clonale des lymphocytes T spécifiques de la tumeur et à l’ex- pression de molécules d’adhérence cellulaire et de récepteurs aux chimiokines, nécessaires pour leur circulation jusqu’au site tumoral.

Reconnaissance et destruction des cellules cancéreuses par les lymphocytes T

Une fois les lymphocytes présents au niveau du site tumoral, ils reconnaissent spécifiquement les cellules tumorales qui présentent à leur surface des antigènes tumoraux associés à une molécule de CMH. Là encore, l’activation du lymphocyte T résulte d’une balance de signaux activateurs et inhibiteurs, liée en particulier aux récepteurs des checkpoints immunitaires. La lyse de la cellule tumorale par le lymphocyte T cytotoxique entraîne le relargage d’antigènes tumoraux supplémentaires, ce qui permet de relancer le cycle de l’immunité anticancéreuse afin d’intensifier la réponse anti- tumorale.

Mécanismes d’échappement et rôle du microenvironnement tumoral

(figure 3, p. 10)

Dans le cadre de la maladie cancéreuse, plusieurs mécanismes interviennent pour permettre à la cellule tumorale d’échapper au système immunitaire.

Défauts des lymphocytes antitumoraux

Les cellules tumorales étant avant tout des cellules saines (du soi) qui ont progressivement dégénéré en cellules cancéreuses, les antigènes tumoraux

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Surveillance immunitaire antitumorale

DOSSIER

Immunité et immunothérapie

Figure 3. Le microenvironnement immunosuppresseur.

sont souvent des antigènes du soi ou des antigènes proches du soi. Aussi, comme l’organisme cherche à limiter le développement de maladies auto -immunes, la plupart des lymphocytes potentiellement auto- réactifs, reconnaissant ces antigènes partagés avec le “soi”, sont supprimés dès leur différenciation au niveau du thymus (délétion clonale). C’est pourquoi les lymphocytes antitumoraux sont le plus souvent peu nombreux, et leurs TCR de faible affi nité.

Mécanismes tumoraux

La cellule tumorale peut déployer plusieurs straté- gies pour éviter une reconnaissance par le système immunitaire. Elle peut empêcher la présentation de l’antigène tumoral, soit en diminuant l’expression de l’antigène tumoral concerné, soit en affaiblissant celle du CMH. Elle peut produire et libérer des molécules immunosuppressives comme IDO, TGFβ, IL-10 ou PGE2. Elle peut augmenter l’expression de molécules antiapoptotiques (BCL-2, FLIP) ou encore libérer des molécules de mort cellulaire (FAS-ligand) afi n d’en- traîner l’apoptose des lymphocytes T ou des NK.

Enfi n, elle peut exprimer des ligands des checkpoints immunitaires (comme PD-L1) pour empêcher l’activa- tion et favoriser l’anergie du lymphocyte cytotoxique.

Rôle immunosuppresseur

du microenvironnement tumoral

La cellule tumorale est capable de recruter, dans son microenvironnement, tout un ensemble de cellules

immunosuppressives pour faciliter l’évasion tumo- rale. Les lymphocytes T régulateurs (Treg) produisent des cytokines immunosuppressives comme l’IL-10 et le TGFβ pour inhiber les lymphocytes T. Les cellules dendritiques tolérogènes diminuent l’expression de checkpoints immunitaires activateurs (CD80, CD86) ou libèrent des molécules immunosuppressives, comme l’IDO, pour empêcher une activation effi - cace des lymphocytes T antitumoraux. Les macro- phages de type 2 (M2) favorisent un environnement immunosuppresseur via la sécrétion d’IL-4 ou d’IL- 10. Enfi n, les cellules myéloïdes suppressives (MDSC) libèrent des substances comme l’arginase (Arg-1), de l’oxyde nitrique synthase inductible (iNOS) ou du TGFβ qui vont permettre de supprimer les réponses T et de recruter des lymphocytes T régulateurs.

Fibroblastes associés au cancer

Les fi broblastes du stroma tumoral peuvent sécréter des facteurs protumoraux, comme avec la produc- tion de facteurs de croissance épithéliaux (EGF) ou vasculaires (VEGF). Ils ont également la capacité d’attirer des cellules immunosuppressives via la libé- ration de chimiokines. Par ailleurs, la production de molécules de la matrice extracellulaire (fi brinogène, collagène) leur permet de compliquer l’accès des lymphocytes à la tumeur en créant une barrière physique.

Thérapeutiques pour réinstaurer

l’immunosurveillance

Les traitements conventionnels utilisés dans le cadre du cancer du sein sont connus pour affecter l’infi ltrat immunitaire tumoral. La radiothérapie ou la chimio- thérapie à base de taxanes ou d’anthra cyclines peut stimuler la réponse immune anti cancéreuse grâce à l’induction du phénomène de mort cellu- laire immunogénique. Ce type de mort cellulaire entraîne le recrutement, l’activation et la matu ration de cellules dendritiques immatures, et permet l’ini- tiation d’une réponse cellulaire adaptative contre les antigènes tumoraux. C’est en quelque sorte un

“effet vaccinal” des traitements conventionnels. Le trastuzumab, anticorps monoclonal spécifi que de HER2, pourrait présenter également des propriétés immuno géniques. Comme évoqué préalablement, son fragment constant pourrait être reconnu par

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immunogènes des traitements conventionnels justi- fient leur association avec des immunothérapies.

En effet, afin d’initier ou d’amplifier une réponse immunitaire antitumorale efficace et durable, il convient d’agir au niveau des différentes étapes nécessaires à la mise en place d’une réponse immu- nitaire. C’est l’objet des nouvelles immunothéra- pies en cours de développement dans le cancer du sein, qui sont testées seules, voire en association, pour agir sur ces différentes phases. Les vaccins ou l’injection locale intratumorale de substances immunostimulantes comme les agonistes des récep- teurs Toll (TLR) pourraient permettre d’optimiser la présentation des antigènes tumoraux. L’utilisation d’anticorps ciblant les checkpoints immunitaires inhibiteurs (CTLA-4, PD-1/PD-L1) ou activateurs (OX40, CD28) pourrait permettre de lever l’anergie des lymphocytes T cytotoxiques antitumoraux. Des anticorps ciblant les macrophages M2 (anti CSF1-R) pourraient aider à renverser l’ambiance immuno- suppressive du microenvironnement. Enfin, des anticorps bispécifiques ciblant HER2 (présents sur les cellules tumorales HER2+) et CD3 (marqueur des lymphocytes T) pourraient augmenter l’infiltrat immunitaire antitumoral en “armant” les lympho- cytes T contre les cellules cancéreuses.

Vers une cartographie

plus précise de l’interaction cancer-système immunitaire : l’immunogramme ?

Afin de mieux utiliser, voire de personnaliser, l’uti- lisation des immunothérapies, la quantification

“immuno biomarqueurs” ont déjà montré leur intérêt pronostique – comme la quantification des lymphocytes infiltrant les tumeurs – ou prédictif, avec l’expression de PD-L1 pour les thérapeutiques ciblant le checkpoint inhibiteur PD-1. L’hétérogénéité de l’infiltrat immunitaire (lymphocytes T cytotoxiques et auxiliaires, T régulateurs, macrophages, cellules NK, etc.) pousse à une caractérisation plus fine et à une standardisation des techniques. L’immuno- score est une première étape proposée pour mieux évaluer le contexte immunitaire du microenvironne- ment tumoral. Cet outil déjà validé dans le cancer colorectal intègre, à partir de coupes d’immuno- histochimie couplées à une analyse d’images standar disée, différents paramètres comme le type de lymphocyte T, la densité cellulaire et la localisa- tion (centre tumoral ou marge d’invasion). Pour une évaluation encore plus globale, certains proposent l’idée d’un “immunogramme” qui combinerait des informations concernant l’immuno génicité de la tumeur (charge mutationnelle et expression de néo-antigènes, perte du CMH), l’infiltrat immunitaire, l’expression de checkpoints immunitaires ou encore l’expression locale de marqueurs de l’inflam mation.

Conclusion

Les mécanismes qui permettent le contrôle tumoral par le système immunitaire sont particulièrement complexes. À l’ère de la révolution immunologique en oncologie, la caractérisation de l’immunogramme des tumeurs sera décisive pour mieux utiliser les immunothérapies en cours de développement et personnaliser la stratégie thérapeutique de nos

patients. ■

S. Champiat déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.

Schreiber RD, Old LJ, Smyth MJ. Cancer immunoediting:

integrating immunity’s roles in cancer suppression and pro- motion. Science 2011;331(6024):1565-70.

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