Universit´ e P. et M. Curie (Paris VI), Michel Waldschmidt Deuxi` eme semestre 2007/2008 date de mise ` a jour: 12/03/2008 Master de sciences et technologies 1` ere ann´ ee - Mention : Math´ ematiques et applications Sp´ ecialit´ e : Math´ ematiques Fondamentales MO11 : Th´ eorie des nombres (12 ECTS)
Sixi` eme fascicule : 24/03/2008
4 Corps de Nombres
4.1 Norme, trace, discriminant
Rappelons que tous les anneaux consid´ er´ es sont commutatifs et unitaires. Les ´ el´ ements inver- sibles (on dit encore les unit´ es) d’un anneau A forment un groupe multiplicatif not´ e A × .
Soient A un anneau, M un A-module libre de type fini et u un endomorphisme de M . On note Tr(u), N(u) et P u (X) la trace, la norme et le polynˆ ome caract´ eristique de u respectivement. Dans une base (e 1 , . . . , e n ) de M sur A, si A = a ij
1≤i,j≤n d´ esigne la matrice attach´ ee ` a u, on a Tr(u) =
n
X
i=1
a ii et N(u) = det(A).
D’autre part en d´ esignant par I l’endomorphisme identit´ e de M on a
P u (X) = det(XI − u) = X n − Tr(u)X n−1 + · · · + (−1) n N(u).
Quand u 1 et u 2 sont des endomorphismes de M on a
Tr(u 1 + u 2 ) = Tr(u 1 ) + Tr(u 2 ) et N(u 1 ◦ u 2 ) = N(u 1 )N(u 2 ).
Supposons de plus que M est un anneau - on le notera B. Soit donc B un anneau contenant A qui est un A-module libre de rang fini. Pour x ∈ B l’application
[x] : B −→ B y 7−→ xy
est un endomorphisme du A-module B et l’application x 7→ [x] est un homomorphisme d’anneaux de B dans l’anneau des endomorphismes de B.
La norme, la trace et le polynˆ ome caract´ eristique de [x] sont appel´ es norme, trace et polynˆ ome caract´ eristique de x de B sur A et not´ es respectivement
N B/A (x), Tr B/A (x) et P B/A (x; X ).
On a donc, pour x et y dans B,
N B/A (xy) = N B/A (x)N B/A (y) (4.1)
et
Tr B/A (x + y) = Tr B/A (x) + Tr B/A (y).
Soit L/K une extension finie de corps et soit m = [L : K] son degr´ e. La norme de L sur K d´ efinit un homomorphisme du groupe multiplicatif L × de L dans le groupe multiplicatif K × de K et la trace un homomorphisme du groupe additif L dans le groupe additif K.
Lemme 4.2. Soit L/K une extension s´ eparable de degr´ e n. Soit N une extension finie de L, normale sur K et soient σ 1 , . . . , σ n les diff´ erents K-isomorphismes de L dans N . Alors pour α ∈ L on a
Tr L/K (α) =
n
X
i=1
σ i (α), N L/K (α) =
n
Y
i=1
σ i (α) et
P L/K (α; X) =
n
Y
i=1
X − σ i (α) .
D´ emonstration. Soit d le degr´ e de α sur K et
P (X) = X d + a 1 X d−1 + · · · + a d ∈ K[X ]
son polynˆ ome irr´ eductible sur K. Supposons dans un premier temps que α est un ´ el´ ement primitif de l’extension L/K , c’est-` a-dire que L = K(α) ou encore que d = n. Quand on prend {1, α, . . . , α d−1 } comme base de L sur K, la matrice associ´ ee ` a l’endomorphisme [α] est
M α =
0 0 · · · 0 −a d
1 0 · · · 0 −a d−1
0 1 · · · 0 −a d−2
.. . .. . . . . .. . .. . 0 0 · · · 1 −a 1
.
Par cons´ equent le polynˆ ome caract´ eristique de [α] est le polynˆ ome irr´ eductible de α sur K. Le fait qu’il s’´ ecrive
d
Y
i=1
X − σ i (α) provient du Th´ eor` eme 2.19.
Dans le cas g´ en´ eral on note d = [K(α) : K] et m = [L : K(α)], de sorte que n = md et on prend une base (e 1 , . . . , e m ) de L sur K(α). Dans la base {e i α j ; 1 ≤ i ≤ m, 0 ≤ j < d} de L sur K la matrice de [α] s’´ ecrit comme un bloc diagonal diag M α , . . . , M α
. Donc P L/K (α; X ) = P(X ) m ,
Tr L/K (α) = mTr K(α)/K (α), N L/K (α) = N K(α)/K (α) m .
Enfin la suite (σ 1 (α), . . . , σ n (α)) est form´ ee des d conjugu´ es de α sur K, chacun ´ etant r´ ep´ et´ e m
fois.
Lemme 4.3. Soit L/K une extension finie s´ eparable. L’application
L × L → K
(x, y) 7→ Tr L/K (xy) est une forme bilin´ eaire sym´ etrique non d´ eg´ en´ er´ ee sur L.
Il en r´ esulte que l’application qui ` a x ∈ L associe y 7→ Tr L/K (xy) est un isomorphisme du K-espace vectoriel L sur son dual Hom K (L, K).
D´ emonstration du lemme 4.3. Que ce soit une forme bilin´ eaire sym´ etrique est clair. Dire qu’elle est non d´ eg´ en´ er´ ee signifie que si x ∈ L est tel que Tr L/K (xy) = 0 pour tout y ∈ L, alors x = 0.
Cela r´ esulte du lemme 4.4 suivant.
Lemme 4.4 (Lemme de Dedekind sur l’ind´ ependance lin´ eaire des caract` eres). Soient G un groupe, k un corps, σ 1 , . . . , σ n des homomorphisms deux-` a-deux distincts de G dans le groupe multiplicatif k × . Alors σ 1 , . . . , σ n sont lin´ eairement ind´ ependants sur k dans l’espace vectoriel k G .
D´ emonstration. On d´ emontre le r´ esultat par r´ ecurrence sur n. Pour n = 1 il est trivial. Supposons n ≥ 2. Soient a 1 , . . . , a n des ´ el´ ements de k tels que
n
X
i=1
a i σ i (x) = 0 pour tout x ∈ G.
Alors pour tout x ∈ G et tout y ∈ G on a
n
X
i=1
a i σ i (x)σ i (y) = 0.
Comme σ n 6= σ 1 il existe y ∈ G tel que σ n (y) 6= σ 1 (y). En utilisant la relation
n
X
i=2
a i σ i (y) − σ 1 (y)
σ i (x) = 0
avec l’hypoth` ese de r´ ecurrence, on en d´ eduit a n = 0, puis a 1 = . . . = a n = 0.
Remarque. Sous l’hypoth` ese suppl´ ementaire que la caract´ eristique de K est soit nulle, soit premi` ere avec [L : K], le fait que la forme bilin´ eaire (x, y) 7→ Tr L/K (xy) soit non d´ eg´ en´ er´ ee se d´ eduit aussi de la relation
Tr L/K (α n ) + a 1 Tr L/K (α n−1 ) + · · · + a n−1 Tr L/K (α) + a n [L : K] = 0
quand le polynˆ ome irr´ eductible de α sur K est X n + a 1 X n−1 + · · · + a n−1 X + a n ∈ K[X] : comme a n 6= 0, l’un des nombres Tr L/K (α i ), (1 ≤ i ≤ n) n’est pas nul.
D´ efinition. Soient A ⊂ B deux anneaux. On suppose que B est un A-module libre de rang n. On d´ efinit une application D B/A : B n → A appel´ ee discriminant de B sur A par
D B/A (x 1 , . . . , x n ) = det Tr B/A (x i x j )
1≤i,j≤n .
Lemme 4.5. Soient A = a ij
1≤i,j≤n une matrice n × n ` a coefficients dans A. On pose
y j =
n
X
i=1
a ij x i , (1 ≤ j ≤ n).
Alors
D B/A (y 1 , . . . , y n ) = (det A) 2 D B/A (x 1 , . . . , x n )
D´ emonstration. Cela r´ esulte du fait que l’application (x, y) 7→ Tr B/A (xy) est bilin´ eaire.
Donc si x 1 , . . . , x n sont lin´ eairement d´ ependants sur A, alors D B/A (x 1 , . . . , x n ) = 0 (on a suppos´ e A int` egre).
Si {x 1 , . . . , x n } et {y 1 , . . . , y n } sont deux bases de B comme A-module, alors la matrice de passage A est inversible, donc det A est une unit´ e de A. En particulier l’id´ eal principal de A engendr´ e par le discriminant D B/A (x 1 , . . . , x n ) d’une base ne d´ epend pas de la base {x 1 , . . . , x n } : on le note D B/A et on l’appelle id´ eal discriminant de B sur A.
Si A = Z le d´ eterminant det A d’une matrice de passage entre deux bases de B sur Z est ±1, donc son carr´ e est +1 et le discriminant D B/Z (x 1 , . . . , x n ) d’une base de B sur Z ne d´ epend pas de la base {x 1 , . . . , x n }. C’est le discriminant absolu de B, que l’on note D B .
Lemme 4.6. Soient A ⊂ B deux anneaux ; on suppose que B est un A-module libre de rang n et que l’id´ eal D B/A n’est pas l’id´ eal {0}. Soit (x 1 , . . . , x n ) ∈ B n . Alors D B/A (x 1 , . . . , x n ) engendre l’id´ eal D B/A si et seulement si {x 1 , . . . , x n } est une base de B comme A-module.
D´ emonstration. Par d´ efinition de l’id´ eal discriminant D B/A , si {x 1 , . . . , x n } est une base de B comme A-module, alors D B/A (x 1 , . . . , x n ) est un g´ en´ erateur de l’id´ eal D B/A
Inversement supposons que D B/A (x 1 , . . . , x n ) engendre l’id´ eal D B/A . Soit {e 1 , . . . , e n } une base de B sur A. On ´ ecrit x i = P n
j=1 a ij e j (1 ≤ i ≤ n) et on note d x = D B/A (x 1 , . . . , x n ), d e = D B/A (e 1 , . . . , e n ) et a = det(a ij ). D’apr` es le lemme 4.5 on a d x = a 2 d e . Par hypoth` ese d x et d e engendrent le mˆ eme id´ eal D B/A . Donc d x = ud e avec u ∈ A × . Alors (a 2 − u)d e = 0. Comme l’id´ eal principal D B/A contient un ´ el´ ement non nul et que A est int` egre, il en r´ esulte que a 2 est inversible, donc que a est aussi une unit´ e de A, donc la matrice (a ij ) est inversible, son inverse ´ etant une matrice ` a coefficients dans A et par cons´ equent {x 1 , . . . , x n } est une base de B sur A.
Proposition 4.7. Soit L/K une extension s´ eparable de degr´ e n, soit N une extension finie de L, normale sur K , x 1 , . . . , x n des ´ el´ ements de L et soient σ 1 , . . . , σ n les diff´ erents K-isomorphismes de L dans N . Alors
D L/K (x 1 , . . . , x n ) =
det σ h (x j )
1≤h,j≤n
2
. De plus (x 1 , . . . , x n ) est une base de L sur K si et seulement si
D L/K (x 1 , . . . , x n ) 6= 0.
D´ emonstration. On utilise le lemme 4.2 : Tr L/K (x i x j ) =
n
X
h=1
σ h (x i )σ h (x j ).
Donc
D L/K (x 1 , . . . , x n ) = det Tr L/K (x i x j )
= det σ h (x i )
det σ h (x j )
= det(σ h (x j ) 2
. Pour compl´ eter la d´ emonstration il reste ` a voir que la matrice σ h (x j )
est r´ eguli` ere. Si b 1 , . . . , b n
sont des ´ el´ ements de N tels que b 1 σ 1 (x j ) + · · · + b n σ n (x j ) = 0 pour 1 ≤ j ≤ n, alors b 1 σ 1 (x) +
· · · + b n σ n (x) = 0 pour tout x ∈ B et d’apr` es le lemme 4.4 il en r´ esulte b 1 = · · · = b n = 0.
Soit P un polynˆ ome non nul ` a coefficients dans un corps K et soit E une extension de K dans laquelle P est compl` etement d´ ecompos´ e :
P (X) = a 0 n
Y
i=1
(X − x i ),
o` u n est le degr´ e de P , a 0 son coefficient directeur et x i ∈ E. Nous avons d´ ej` a d´ efini le discriminant de P par
D(P ) = a n(n−1) 0 Y
1≤i<j≤n
(x i − x j ) 2 = (−1) n(n−1)/2 a n(n−1) 0 Y
1≤i,j≤n, i6=j