FACULTÉ DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
ANNÉE <\ 897-1 898 N° 9
APERÇUS HISTORIQUES
DE
quelques Epoques médicales
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MEDECINE
Présentéeet soutenue publiquement le 24 Novembre 1897
PAR
Né à Limoges (Haute-Vienne) le j mars 1873
ÉLÈVE DU SERVICE DE SANTÉ DE LA MARI ^
LAURÉAT DES HOPITAUX
EXAMINATEURS DE LA THÈSE;
MM. VERGELY, professeur, président PICOT, professeur, l MESNARD, agrégé,
]
Juges AUCHÉ, agrégé.Le Candidat répondra aux questionsqui luiseront faitessurles diverses parties de l'Enseignement médical.
BORDEAUX
IMPRIMERIE ET LITHOGRAPHIE GAGNEBIN
72, Rue du Pas-Saint-Georges, 72
FACULTÉ DE MEDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
M. PITRES Doyen
PROFESSEURS :
MM. MICÉ ,
AZÀM Professeurs honoraires.
DUPUY
Clinique interne Cliniqueexterne Pathologie interne....
Pathologieetthérapeu¬
tique générale Thérapeutique
Médecineopératoire..
Clinique d'accouchements. ..
Anatomiepathologique
Anatomie
Anatomie générale et histologie
MM.
PICOT.
PITRES.
DEMONS.
LANELONGUE.
N.
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Physiologie Hygiène Médecine légale Physique
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Histoirenaturelle Pharmacie Matière médicale
Médecine expérimentale...
Clinique ophtalmologique ..
Clinique des maladies chi¬
rurgicalesdes enfants...
Clinique gynécologique....
MM.
JOLYET.
LAYET.
MORACHE.
RERGON1É.
BLAREZ.
GU1LLAUD.
FIGUIER.
deNAB1AS.
FEDRÉ,
BADAL.
PIÉCIIAUD.
BOURSIER.
AGRÉGÉS EN EXERCICE:
section de médecine (Pathologie interne etMédecine légalej.
MM. MESNAR1).
CASSAET.
AUCHÉ.
MM. SABRAZES.
Le DANTEC.
section de chirurgie et accouchements
( MM.Y1LLAR.
Pathologieexterne.', B1NAUD.
( RRAQUEHAYE.
Accouchements. MM.RIVIERE.
CHAMBRELENT.
Anatomie
section des sciences anatomiques et physiologiques
MM. PR1NCETEAU. I Physiologie MM. PACIION.
CANNIEU. I Histoire naturelle BE1LLE.
section des sciences physiques
Physique MM. SIGALAS. I Pharmacie M. BARTIIE.
Chimie et Toxicologie. DEN1GÈS. 1
COURS COMPLÉMENTAIRES :
Clinique interne des enfalits MM. MOUSSOUS.
Clinique des maladiescutanées etsyphilitiques DUBREUILH Clinique des maladies des voies urinaires POl SSON.
Maladies dularynx, des oreillesetdu nez MOIRE.
Maladies mentales RÉGIS.,
Pathologieexterne DENUCÉ.
Accouchements RIVIÈRE.
Chimie DEN1GÈS.
Le Secrétaire de la Faculté : LE.VIAIRE.
Pardélibération du 5août 1819, laFaculté a arrêté quelesopinions émises dans lesThèses quilui sontprésentées doivent être considérées commepropres à leurs auteursetqu'elle n'en¬
tend leurdonner ni approbation ni improbation.
APERÇUS HISTORIQUES DE QUELQUES ÉPOQUES MÉDICALES
LES PASTOPHORES EGYPTIENS 1700 av. J. Ch.
LETTRE D1ASCLÉPIADE DE PRUSE à M. T. CICÉRON
75 av. J. Ch.
RAPPORT DE GILLES DE CORBEIL AU ROI PHILIPPE-AUGUSTE
1220
LA THÉRAPEUTIQUE DE JEAN FERNEL 1540
CAGLIOSTRO A BORDEAUX 1784
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philosophe estl'égal des dieux.
HIPPOCRATE.
11n'yadéjàquetropde médecins qui fontremonter toutela médecine à Bichat, quand ilsnerestent pas endeçàetqui fontprofession de dédaigner comme abso¬
lumentinutiles les recherches d'éruditionetlesinvestigations historiques.
GUARDIA1862.
Pour étudieretpratiquer convenablementla médecine il faut y mettre de l'im¬
portance, etpour ymettre uneimportancevéritable, il faut ycroire. Si notreart
ades fondements solides dans la nature, s'ilpeut-être utile; si ses consolations sontnécessaires a l'infortunéqui souffre: enfin si c'est un devoir de lapartde la puissance publique d'encourageret surveiller nos travaux: on ne saurait em¬
ployertrop demoyens pour porter les hommes quis'ydestinentàs'y dévouer en
tièrement, pourleur fairesentir toute ladignitéde leur ministère, pour leur en
inspirer l'enthousiasme.
CABANIS.
ERRATA
Page 9 Ligne 4-, aulieu de apparent, lireapparut.
— 39 Note 3, — lithotormistes,\iveUthotomistes.
— 41 — 3, après Janvier, etc.
Février,nepasmangerde viande.
— 42 Ligne 18, au lieu de recommandant, lire re¬
commandaient.
— 46 — 6, aulieu de a, lire la.
— 59 — 33, — corrodeut, lire corrodent.
A. Monsieur le Professeur VERGELY,
Professeur de Pathologie et de Thérapeutique Générales Chevalier de la Légion d'Honneur
Officier de l'Instruction publique
Membre correspondant de VAcadémie de Médecine.
Monsieur,
Lorsqu'au déclin de mes études médica'es,je me suis
trouvé dans l'obligationde composerune thèseinaugurale,
sur les indications puisées à votre cours,je me suis tourné
vers une branche bien délaissée de notreart: son histoire.
J'en ai lu curieusementles nombreux traités didactiques, j'ai feuilleté les principales œuvres de notre littérature et
plus j'apprenais à connaître son passé, plusje méprenais
à aimer la médecine.
C'est ce sentimentqui m'a poussé àchoisirdans cepassé quelques époques caractéristiques et à en esquisser une reconstitution vitale pour ainsi dire.
Jene suishellenisteni latinisteassez distingué pouravoir
pu retourner avec fruit les vieux textes, j'ai compulsé et coordonné des documents connus, je me suis attaché àen rendre la lecture facile.
Si l'on vient à me reprocher la forme littéraire que j'ai
donné à ces exposés
historiques,
je me contenterai derépondre avec Hippocrate, qu'Apollon était autrefois le dieu symbole de la Médecine et de laPoésie.
Par vos conseils éclairés et amicaux, par les ouvrages que vous avez bien voulu mettre à ma disposition, vous m'avez, monsieur le
Professeur,
facilité l'achèvement delatâche entreprise, aussine
saurais-je mieux
vousen remer¬cierqu'en vous priant de
vouloir bien accepter la dédicace
de cet ouvrage dont vous avez
déjà consenti à présider la
soutenance.
Au moment oùje vais quitter les
bancs de l'Ecole et à la
faveur d'unusageconsacré, qu'ilme soit
permis de
remer¬cier aussi,mes maîtres dans les
hôpitaux:
M. le Docteur Raymondaud, directeur
honoraire de
l'Ecole de Limoges.
M. le Docteur Bourru, directeur du
service de santé de
la Marine.
M. le Docteur Démons, professeur de
clinique chirurgi¬
cale.
M. le Docteur Rondot, médecin des
hôpitaux
ettous
ceux qui, officiers,
professeurs
oucamarades
pardes
témoignages constants
de sympathies,
nousont rendu
courteset agréablesles heures
passées dans l'étude de l'art
difficile de la médecine.
Bordeaux, le 10
Novembre 1897.
EPOQ.UB
LES PASTOPHORES EGYPTIENS XVIIe Siècle av. J. Ch.
Auxpremières lueurs de l'aurore,une immense rumeur,
bourdonnement gigantesque d'une Cité qui s'éveille,monta
de tous les coins de Thèbes, la populeuse
Lorsque le disque rayonnant apparent au-dessus des
monts d'Ethiopie, la rumeur grandit. Elle se transforma
en hymnes sacrés, en chants d'allégresse qui, de toutes
lesdemeures, s'élevèrentenl'honneurdudieu-soleil Osiris,
filsd'Ammon-Rà, père de la vie (1)....
Seul, vers le Sud, encore perdu dansla pénombre des
buées matinales, ses hauts frontons rosés par les rayons
obliques, le Colossal palais de 1houtmès III, le Thoutmo- seïon, semblait fermé aux bruits extérieurs et indifférent
aux agitations des foules.
Autour de ce monument, résidence nouvelle des Phara¬
ons delà 18me dynastie, s'élevaient plusieurs temples dont
le plus riche était celui d'Anubis, Pieu de la médecine (2)
Ce sanctuaire logeait dans son enceinte, les prêtres du Dieu, corpsconstitué dont la plupartdes membresse nom¬
maient Pastophores (3), sorte de Collège sacerdotal de
médecins.
Aveclejour, les Pastophores sortirent desappartements
où ils avaient passé la nuit. Graves, méditatifs, silen¬
cieux(4), ils se rendirent dans une cour entrecoupée de
canaux et de larges vasques d'eau vive. Ils procédèrent
à leur toilette avec un soin minutieux, se rasant complè¬
tement le corps et la tête pour que leurs poils ne pussent
(lj Mariette-Bey,Mémoire surla mère d'Apis, 1836.
(2) Sprengel, Histoire pragmatique de la médecine,sect II, § 10 et 12.
(3) Diodore de Sicile, Bibliothèqne historique, liv. 1, ch. 12.
(4) Sprengel, ibidem,sect. II,§ 18.
retenirlavermineet
les corpuscules empestés, exhalaisons
des malades qu'ils
devaient visiter (1). Ils se vêtirent
d'étoffes de lin fines et
blanches toujours fraîchement
lavées, et
chaussèrent des sandales de Papyrus (2).
Ces mesures de
propreté prises, les prêtres se rassem¬
blèrent dans la grande
salle, dite d'Ambrés, lieu ordinaire
de leurs réunions. Le
plafond reposait sur de larges et
hauts pylônes en
partie couverts de signes hiéroglyphi¬
ques. Au
fond de la salle se dressait l'autel, surmonté
d'énormes idoles
sculptées
endes monolithes de Jaspe,
avec, ciselés
dans l'or, les attributs de leur puissance.
Derrière l'autel
s'ouvrait
uneporte commandant l'entrée
de la salle redoutable,
accessible
auseul Pharaon (3), où
surde somptueux
tapis, dormait
unchien, animal sacré (4),
vivante incarnation du
Dieu de la sagesse et de la méde¬
cine, protecteur
du Temple.
Lorsque tous
les Pastophores furent réunis, après s'être
mutuellement consultés sur
l'importance des songes que
pendant
leur sommeil leur avait envoyé, la déesse pâle,
flambeau dela nuit, Isis
(5), ils
separtagèrent en quatre
groupes
(6).
Le premier de ces groupes
était chargé de la Purifica¬
tion du temple. Les
prêtres qui le formaient brillèrent à
travers les salles, sur des
charbons ardents, le matin une
résine odorante, au
milieu du jour de la myrrhe, le soir
du Cyphi, mélange
de seize parfums, à la préparation
duquel, le
plus grand soin était apporté(7). En outre iis
reçurent et
interrogèrent quelques malades suppliants,
puis les
installèrent dans une salle où ils devaient passer
lanuitattendantle songe
divin révélateur des remèdes. (8)
(1) Hérodote, Histoire,liv. Il,ch. 37.
(2,i Sprengel, ibidem, sect. II, $21.
(3) Pbrrotet Chipiez,Histoiredel'Artdans
l'Antiquité, tome I, p. 22.
(4) Sprengel, ibidem, sect. Il, SII.
(5) Sprengel,ibidem, sect. II, § 8.
(G) Lenombrequatreétaitregardécomme sacré
(Moïse, Plutarque).
(7) Sprengel,ibidem,sect. II,SB.
(8) A.rtemidore,Oneïrocritie,liv. IV, ch.
24.
C'est ainsi qu'une femme souffrant de
la mamelle,
ayant rêvé, sous l'influence d'Isis,qu'elle allaitait
unagneau,mit
sur son sein des feuilles de plantain, (1) (langue d'agneau)
et guérit; qu'un soldat
qui s'était démis la main,
secoucha
à terre, attendit suivant le conseil du Dieu qu'un passant
marchât sur son bras, et fut guéri. (2)
Le second groupe devait sur les futs
des Pylônes (3) du
temple (4)peindreougraverencaractères hiéroglyphiques
le récit des cures merveilleuses opérées parla volonté des
Dieux. (5)L'ensemblede ces
Pylônes
senommait l'Ambrés
(6) et constituait une sorte
d'Encyclopédie médicale, seul
monument écrit de l'époque. Ils étaient diyisés en
six
groupes (7) représentant
les six grandes branches de la
science :
L'Anatomie, laPathologie,les Instruments
chirurgicaux,
les Médicaments, les Affections
spéciales des
yeuxet des
femmes.
Les Prescriptions mystérieusement
relatées
sur ces pierres, compréhensibles pourles Pastophores seuls, (8)
devaient être rigoureusement observées, sous
peine de
mort, (9) à moins qu'un
succès inespéré
nefut
venu cou¬ronner l'innovation audacieuse.
Le troisième groupe était celui des embaumeurs.
(10) lis
se rendirent dans une enceinte spéciale où était gardépar
sa famille et ses esclaves le cadavre du vice-roi de Lybie,
favori du Pharaon qui devait avoir de somptueuses funé¬
railles. Lepremierqui s'approcha du
Corps, le Grammate,
(11) dessinasurle flanc gauche,la ligne d'incision: derrière
(1) Tacite,Histoire,liv. IV. Citépar DanielLe Clerc.
(2) Tacite, Histoire, liv. IV.
(3) Josèphe,HistoiredesJuifs, liv. I, ch. 2.
(4) Pline, Histoire,liv.XXIX, chap. 2.
(5) Dulaurens,Moyenderendre les hôpitaux utiles (1787).
(6) Embred'aprèsSprengel; Ambrés,d'après Champollion
(7) Diodore de Sicile,Histoire, liv. 1, ch. 12.
(8) Bordeu, Œuvrescomplètes,tomeII,p.559.
(9) Sprengel,ibidem,sect.II,§32.
(10) Genèse, chap. 50.
(11) Écrivainsacré. Diodore,Histoire, liv. I, ch. 91.
lui, le
Paraschite (1) tenant
enmain un silex tranchant
d'Ethiopie, (2)
rapidement, d'un seul coup, presque furti¬
vement, fit
l'incision demandée, puis se sauva en toute
hâte, pouréchapper aux coups
et aux malédictions des
assistants indignés. Les
Embaumeurs proprement dits
s'emparèrent du corps.
Au moyen d'un crochet recourbé
ils tirèrent le cerveau par les
narines (3) et bourrèrent le
crâned'essencesetd'aromates.
Puis l'un d'eux, introduisant
son bras à l'intérieur du tronc en
arracha tous les viscères
sauf le cœur et les reins;
après les avoir lavés avec du vin
depalmierils
les remirent dans l'abdomen qu'ils achevèrent
de remplir de
myrrhe
pure,de eanelle et de cinnamonum.
La plaie recousue,
ils portèrent le corps dans une cuve où
il devait séjourner
pendant soixante-dix jours sous une
épaisse
couche de natron. (4) Ce temps écoulé la momi¬
fication se trouverait opérée,
il
neresterait plus qu'à
envelopper le
caiavre de bandelettes de lin enduites de
commi et sur lesquelles
auraient été patiemment dessinés
les actes mémorables du
défunt. La momie devait être
alorsremiseà des ouvriers
subalternes pour être enfermée
dansuncercueil enboisrare
couvert de peintures éclatantes
et de légendes
emphatiques. (5)
Le quatrième groupe
de beaucoup le plus important
comprenait les
Praticiens. Ils se réunirent dans la salle
d'Ambrés. Le plus ancien
d'entre
euxleur rappela briève¬
ment les principes
fondamentaux édictés par le Dieu Révé¬
lateur des sciences Thoth.
— « Tu ne divulgueras point,
dit-il, les secrets de ton art
à ceux qui nefont pas
partie de la famille sacerdotale. (6)
— «Tunesoignerasque
les maladies qui te concernent.(7)
(1) Prosecteur. » » »
(2) Lettsom, Originede lamédecine,Londres
1787,
p.18.
(3) Hérodote,Histoire,liv. II,ch.86.
(4) Carbonatede soudenatif, pour Ducoudray.
—Soude caustique, pour Gilbert.
—Histoirede l'AncienOrient,ch. IV.
(6) Pomet,Histoiregénéraledesdrogues(1691'.
Article Mumie.
(6) Gilbert,LaPharmacie àtraverslessiècles, ch. 1,p.
41.
(7) Bouillet,Histoire delamédecine, ch. 3,p.
10.
« Tu ne garderas point pour toi le salaire qui te sera
remis. (1)
— « Tu ne laisseras point un enfant de ta caste (2) non circoncis. (3)
— « Tu donneras des soins désintéressés aux soldats et
aux voyageurs blessés. (4)
— « Tu te conformeras toujoursaux prescriptionsqui te
viennent de tes aînés et tu lestransmettras pures auxjeu¬
nesapprentis.
— « Tu nepasserasjamais près de quelqu'un qui semble témoigner de la souffrance sans t'informer de son
mal. (5)
— « Tu ne mangeras ni sel, ni oignons, ni viandes impures. (6)
—« Tu ne traiterasjamais tonmaladeavant le quatrième jour de sa maladie. (7)
— « Lorsque tu seras embarrassé, tu t'en rapporteras toujours à la bienveillance du Dieu-Sauveur dont
les déci¬
sions sont impénétrables ». (8)
Ces commandements sacrés entendus, les Pastophores
sortirent du temple et par les longues avenuesbordéesde Sphinx s'acheminèrent vers l'immense cité de la rive gauche du Nil. Ils s'étaient formés par petits groupes de cinq ou six, chacun d'eux ne s'occupant que des maladies
d'une seule partie du corps, soit de la téte, soit de la poi¬
trine, des yeux, de la peau, des dents, des membres, leur
réunion formait un tout capablede secourir n'importe quel malade; en outre, ils agissaient sous le contrôle perpétuel
les uns des autres. (9)
Comme ils longeaient les bords du fleuve sacré, ils
(1) Sprengel, Histoire, sect. II,S 22.
(2) » » » S 21.
(3) Black, Histoire de !a médecine, Londres 1793,p. 16.
0) Diodore deSicile, liv. I, cfi. 73.
(5) Strabon, Géographie, liv. III,S 16. —Hérodote, Histoiie,liv. I.
(6) Bordeu, Œuvrescomplètes, tome II, p.655.
(7) Aristote, Po'.iticon,liv. III, ch. 15.
(8) Villeneuve, Essaisurl'histoirephilosophique dela médecine dansl'Antiquité, Paris 1865,
(9) Hérodote, Histoire, liv. Il, ch. 8î. ,
entendirent, d'une barque conduite par
deux enfant?,
s'élever un hymne populaire :
— « Salut, ô Nil! (1) — ô
toi qui t'es manifesté
surcette
« terre — et qui viens en paix — pour
donner la vie à
« l'Egypte! tu abreuves
la
terre entout lieu
—voie qui du
« ciel descend — Dieu-Sib, ami des pains —
Dieu-Nopri,
« oblatcur des grains — Dieu-Phtah qui
illumines toute
« demeure »
La voix du chanteur cessa tout à coup; en un rapide la barque fragileavait
chaviré L'ainé des enfants réussit
à regagner la rive soutenant
le
corpsinanimé de
soncompagnon. Un des
Pastophorcs s'avança, prit entre
ses doigts le pouls (2) del'enfant, pratique
asseznouvelle
en Egypte importée,disait-t-on de l'Asie Centrale, (3) puisse
penchant sur
le noyé, il
semit à lui communiquer son
propre
souffle,
comme pourranimer
par sachaleur celle
de l'enfant déjà mort; (4) il eut le
bonheur de le
ramenerà
lalumière. LesPastophores rendirentsur
le champ grâces
à Isisde sabienveillance.
Une femme quipassait parlà,
témoin de
ceprodige, leur
présenta sonjeune fils dont les
yeuxrougis laissaient
écouler un pus abandant; le prêtre qui
s'occupait de
ces affectionsconseilla de lui brûler les tempes avecdes moxas de laines grasses, jusqu'à ce quel'écoulement fut tari. (5)
Les Pastophores reprirent leur marche.
Comme ils
passaient devant unemaisonnette, dont la porte toujours
hospitalièrement ouverteindiquait le rôle social de l'habi¬
tant, ils entendirent
des gémissements; ils entrèrent et
trouvèrent la pauvre fille accroupie en train
d'accoucher
sans aide ni secours. Surprise par les premières douleurs
elle n'avait pas eu le temps d'appeler une femme habi¬
tuée à ces événements. Un des Pastophores prenant dans
(1) Maspéro,Histoire Ancienne,p. 11,d'aprèslePapyrus Sailicr.
(2) Sprengel,Histoire, sect. II, §84. — Le Clerc, Histoire, p.84.
(3) ChineetHindoustan. —Cleyer, Specimen medecinœ Sinicœ.
(4)Bordeu,Œuvres,tomeII,p. 643,d'après le prophète Isaïe.
(5) Hérodote citéparBlack, Histoire de la médecin?.
fiâtre un tison ardent s'en servit poursectionner le cordon
en l'écrasant sur le sol (1). Après la délivrance, la mère
se releva et s'en fut se laver ainsi que le nouveau-né dans
l'eau froide du Nil (2).
Un peu plus loin, les Pastophores virent, exposé devant
la porte de sa demeure (3), un malheureux qui mourait
de la poitrine et qu'aucun remède n'avaitpu rétablir; près
de lui son fils, pâli et fatigué, commençait à présenter les symptômes de l'implacable mal. Ils créèrent au père des
ulcèresartificiels(4)sur la poitrineen le cautérisanténergi- quement au moyen de tampons de charpie imprégnée
d'aromates que l'on laissait se consumer sur place. Au fils, ils ordonnèrent de boiretous lesjours du sang de tau¬
reau et de manger de la chair d'âne (5).
Un jeune homme s'étant accusé d'impuissance, ils lui prescrivirent de la rouille de fer (6); sur un ulcère à la jambe quiaffligeait un mendiant ils répandirent une pou¬
dre, faite de racines pulvérisées, fabriquée dans le plus grand secret à l'intérieur du Temple (7).
Ils allèrent, donnant ainsi des conseils à tous les beso¬
gneux.
Au détour d'une rue, un vieillard se lamentait. A ses
longs cheveux et à son costume, ils le reconnurent pour
un fils d'Israël, ils luidemandèrentnéanmoins la cause de
sa douleur : «Mon fils était gravement malade, je l'exposai
» hier. Un des vôtres vintà passer, l'examina, etlui ouvrît
» le vaisseau de la tempe gauche (8) en m'assurant de sa
» guérison prochaine... monfils est mortle soir même...
» — Depuis combien de temps ton fils était-il malade?
(1) Lettsom, Origine de la médecine, Londres 1787, p. 21.
(2) » » » p. 24.
(3) Hérodote, Histoi.e, liv. I.
(4) Black,Histoire de la médecine,p.18.
(5) Elirn, Histoiredes animaux, liv. II,chap. 34.
Çj) Daniel Le Clerc, Histoire de la médecine,Amsterdam 1723, p. 27.
(7) Gilbert, La Pharmacie àtraversles siècles,ch. 1,p. 21.
(8) Arleriotomie. —Black, Histoireméd.,p, 18,
» — Deux jours...» —
Les Pastophores se regardèrent
silencieusement,
douloureusement presque ; le plus âgé
murmura : « Tu ne
traiteras point ton malade avant le
» quatrième
jour de sa maladie— Les prescriptions du
» Dieu protecteur
sont inexorables !... » Ils reprirent leur
promenade, attristés.
Ils furent bientôt
appelés auprès d'un malade atteint
d'une fièvre ardente; sa
respiration haletait et le délire
avait égaré sa
raison. A la seule position de cet homme,
couché latéralement
les jambes légèrement fléchies, ils
comprirent
la gravité de son état, car ils attachaient une
grande
importance pour le dianostic et dans le pronostic
des maladies à
l'attitude des malades (1). Sur le champ,
ils comprimèrent
fortement les jambes de cet homme
parune
ligature au-dessus du jarret /ils les frottèrent, les
battirent de légers coups
de verges, puis les firent plon¬
ger dans un
bain chaud. Lorsque elles furent enflées et
rouges, au moyen
de silex très aigus ils firent sur toute
leur surface un nombre
considérable de petites piqûres (2)
d'où le sang sortit en
abondance. Ils conseillèrent en plus
le repos, la
diète,
unepurgation légère (3) et recomman¬
dèrentà la famille
d'aller
auTemple dans la soirée cher¬
cherun remède efficace
qu'ils devaient préparer.
Ils continuèrent longtemps
leurs visites, tantôt ordon¬
nant à un enfant grêle et
chétif, d'imiter les exercices vio¬
lents dessoldats(4),
tantôt faisant souvenir celui-ci, anémié,
qu'une bonne
hygiène est de se purger tous les mois pen¬
danttrois jours
(5), tantôt préconisant à cet autre hydro-
pisique,
l'herbe
«l'Œil de typhon » (6), tantôt faisant
alternerl'emploi des
plantes sacrées comme « le cœur de
(1) Sprengel, Hist.pragmat.,sect.
II, § 12.
(2) Prosperi Alpini, MedicinaŒgyptorum,
liv. III, ch. 7.
(3) Diodore de Sicile,Histoire,liv. I.
/4) Ciiampollion,Description destombeaux
de Beni-Hassan.
(5) Hérodote,liv. H, citéparLettsorn,p.
2<">.
(6) Lascille Sprengbl,
Histoire, seçt. II. S 27.
17
Bubastis » (1), « la larmed'Isis» (2) ou la «fleur d'Osiris »
avmc des lavements etdes saignéeshabilement pratiquées.
L'Orbe lumineux commençait à décrire la seconde partie de sacourse, lorsqu'ils rentrèrent au Temple.
Leur repas pris, les Pastophores se trouvèrent de nou¬
veau réunis dans la salle d'Ambrés. Une grave nouvelle fut apportée: le Chien sacré avait refusé son repas! « La
» colère des Dieux nous menace, s'écria l'un d'eux ;
» nos prescriptions saintes ont été transgressées; à toute
» faute son expiation; —un malade est mort hier, saigné
)) au deuxième jour de son mal!...» Du doigt l'accusateur désignait le coupable: «Qui vousprouve, répondit celui-ci,
» en fixant sur eux son regard clair et décidé, qui vous
» prouve que ce malade soit mort d'avoir été saigné trop
» tôt... C'est le mal seul qui l'a emporté... mes soins ne
» pouvaient que le soulager.. Vos traditions sacrées, me
» dites-vous ?... Voilà deux mille ans qu'elles existent...
» Au milieu du renouvellement incessant des choses votre
» science seule est-elle donc immuable ou votre aveugle-
» mdnt si complet?...» Il fut interrompu par deux mots :
parjure,blasphémateur! Une exclamation sortitimplacable
de toutes les bouches: la Mort!... Vaincu, il baissa la tête,
son rêve s'effondrait... et pourtant il croyait bien avoir
entrevu des horizons nouveaux; il sentait que tout n'était
pas dit et que les connaissances humaines ne pouvaient
être définitivement fixées... heureux c'eut été pour lui la dcïfLation, malheureux, c'était la mortU.«On vat'enfer-
» mer, lui dit-on, et te donner une coupe de l'eauamère(3),
» tu la boiras à ton gré... la mort qu'elle procure est fou-
» droyante... Puisse ton âme par unjuste ressentiment de
» la colère céleste, ne pas erreràjamais dans le corps de
» vilsanimaux! » (4)
(1) L'absinthe » » » §20.
(2) Lamartiale etle lierre. » » » »
(3) Gilbert,Pharmacieà traverslessiècles,ch. 1, p. 42.
(4)Ducoudray, Histoirede l'Ancien Orient, p.49 Métempsycose.
Ce pénible Devoir
accompli, les quatre
groupes sesépa¬
rèrent de nouveau pourreprendre lçurs travaux
interrom¬
pus.
Les Praticiens se livrèrent à lapréparation des médica¬
ments; le corps pour eux
était divisé
en36 régions
soumisesà l'influence de 36démons; aussi leur Pharmacie
se composait-elle de 36
herbes sacrées (1). La manupila-
tion de chaque remède était
accompagnée d'incantations
magiques (2) qui donnaient aux corps
leurs propriétés
curatives. Ils tenaient ces coutumes de l'Assyrie que les
récentes conquêtes de Thoutmès III
avaient soumise à la
dominationEgyptienne.
Un esclave nubien vint annoncerqu'une famille suppli¬
ante était prosternée surles
degrés du temple.
C'étaient des Perseslépreux(3) chassés de leur
patrie
comme criminels envers le Soleil (4) et qui venaient de¬
manderà la science thébaine laterminaison deleursmaux;
leurs chairs pendantes, leurs membres
gonflés, des
excroissances difformes sur tout le corps leur donnaient
un aspect repoussant (5).
Les Pastophores leur conseillè¬
rent de s'isoler (6) de se laver avec de
l'eau d'hysope
etsurtout d'adresserdeferventesprières aux Dieux qui seuls pouvaient les
guérir de
ceshorribles plaies.
Comme le soleil déclinait à l'horizon les Pastophores reprirent le chemin
de Thèbes
pouraller présider des
banquets populaires en
l'honneur de la complète pacifi¬
cation du royaume de Pount dont
la conquête entreprise
par la grande
reine Hatasou avait été terminée
par sonIrère et successeur le Pharaon régnant. (7)
Le Pastophore, assisà la place
d'honneur, surveillait le
(1) Galien,citéparDanielLe Clerc,p. 14.
(2) Freind,Histoire de la médecine,ch. 1,p. 35.
(3) Daniel Le Clerc, liv. III, ch. 12, d'après l'Exode.
(4} Hérodote, Histoire, liv. III, ch. 29.
(5) MarietteBey,Description du Templede Deïr-el-Bahari.
(6) Sprengel, Histoire,sect. II. S 39.
(1) Maeiette-Bey, Aperçu de l'Histoirede l'Egypte. LesThoutmès.
repas: à son côté était placé un squelette(1) pour que
les
convives n'oubliassent point, dans les plaisirs, le terme
fatal aux aspirations humaines.
En sorte que ces festins conservaient un caractère de
gravité presque solennelle, et ne dégénéraient jamais en
orgie, comme cela arrivait si souvent en Médie ou Méso¬
potamie.
Au moment où lesderniersrayonscrépusculairesallaient s'éteindresousl'horizon rectilignedugrand désertLybique,
de tous les points de laville, un à un, les Pastophores regagnèrent le Temple. Soudain la nuit se fit, rapide: mais
nuit d'Orient, claire, pure et fourmillante d'étoiles.
Lesconversations s'interrompirentet tousles prêtres se livrèrent à de silencieuses méditations.
Les bruits de l'immense ville eux-même semblaient s'éteindre et mourir autour de l'enceinte sacrée, comme pour n'apporter aucune cause de distraction à la sérénité intellectuelle des servants.
Du côté delà cellule du condamné, une malédiction, un
cri, un râle retentirent, puis tout se tût... et un esclave vintannoncerque le chien sacrése décidait àprendre son repas; les Pastophores prièrent.
Par une porte latérale dissimulée, un homme de haute staturepénétra dans leTemple. A travers les salles déser¬
tes ougrimaçaient les divinités animales, il se dirigea vers celle ou les Pastophores étaient réunis. A son entrée, ils
se levèrent respectueusement.
, Comme eux il était vêtu d'une longue robe blanche
serrée à la ceinture; sur ses épaules était agrafé un man¬
teau de même couleur; untriple bandeau d'orenserrédans
sescheveuxtressés(2) pouvait seul permettre de distinguer
le Pharaon!
Brusquement, il dit: partons et ramenant son manteau (1 Squelette (Plutarque),cadavre(Hérodote), Sprengel,sect. II,|31,
(2) Cabanis,Les révolutions de lamédecine, p. 50.
sur la tête pour .passer inapperçu,
il prit
rang aumilieu
de la longue théorie des prêtres
qui
semirent
enmarche
à travers les avenues désertes sous la blafarde clarté
lunaire.
Ils se dirigèrent vers un temple de
Thoth entouré de
trois côtés parle Nil; ils montèrent sur une vaste terrasse
où setrouvaient de longs tubesde palmiers é vidés,
téles¬
copes primitifs.
Le Pharaon s'accouda, rêveur, sur la
muraille
etlaissa
son regard se perdre sur la nappe
liquide déroulée à
ses pieds où se réfiétaient pâles etmiroitants les nombreux
Portiques, orgueil de la cité, et
les dominant tous
par¬leur sveltesse blanche les hauts obélisques (1) élevés par
sxsœur Hatasou...
Cependant les Pastophorcs étudiaient les
positions
etla
marche des Astres (2) pour savoir si la crue du fleuve nourricier, qui devait bientôt se
produire, serait
pour l'Egypte, féconde ou désastreuse...Longtempsaprès lapériode que nous venons
d'esquisser
les traditions médicales restèrent les mêmes sur le sol égyptien.
Au 15e siècle avant le Christ, lorsque Moïse eut délivré
de sa captivité le peuple d'Israël, les connaissances égyp¬
tiennes apprises par les juifs furent par euximportées en Judée, en particulier la pratique de la circoncision.
Les Mèdes, les Perses, les Assyriens qui avaient cédé
(1)Mariette-Bey, Aperçu de l'Histoire d'Egypte.
(2) Histoire Universelle, Amsterdam 1742,t I. L'Egypte.
quelques unes de leurs coutumes aux
égyptiens,
reçurent à leur tour la science de ces derniers par l'intermédiairedes
Chaldéens,
lors de la captivité de Babylone.Cependant en Grèce existait une médecine ou plutôt une
chirurgie primitive ; le berger
Mèlampe,
le poète Orphée, Esculape et ses fils, Machaon et Podaliresavaient panser les plaies et guérir les maux par des enchantements.Cet état primitif aura jusqu'à Pythagore; ce grand phi¬
losophe qui visita lemonde connurapporta en Grècepres¬
que toute la pratique médicale égyptienne.
C'est alors, sous l'influence de la Philosophie que l'on
vit fleurir la brillante famille des prêtres médecins grecs, les Asclépiades. Alors que s'élevèrent les temples-hôpi¬
taux de Ços et d'Epidaure.
Hèraclite, Anaxagore, Démocrite, par leurs systèmes philosophiques et leurs démonstrations physiques
prépa¬
rèrent l'œuvre du père de la médecineHippocrale.
Il est probable que ce nom, comme celui d'Homère est un terme générique sous lequel ont été publiés et vulga¬
risés les fruits des longues expériences et des patientes creherches de plusieurs.
Les aphorismes
hippocratiques,
dérivés des livres égyp¬tiens, firent loi en médecine et inspirèrent tous ceux qui
par la suite s'occupèrent de notre art.
Avec Platon, Aristote, Dioclès la civilisation grecque
avait éclipsé sa mère
égyptienne,
lorsque par un retour bizarre deschoses, à la suite desPtolémées,
le flambeau de la science revint se fixer à Alexandrie.Erasistrcite, Hèrophile y disséquèrent des cadavres et
formèrent à leur école une pléiade illustre de médecins.
C'est de là que sortirent Sérapion,
Callimaque,
Amyntaset Asclépiade qui al'a porter la médecine grecque à Rome.
Nous pouvons résumer le chemin parcouru en un court tableau de chronologie comparée, de l'histoire du monde
et de celle de lamédecine.
1°
TABLEAU CHRONOLOGIQUE
HISTOIRE DU MONDE. — HISTOIRE DE LA
MÉDECINE
AvantJésus-Christ
XVIIe Siècle. Sésostris Les Pastophores.
XVe » Moïse-Cadmus Mélampe.Orphée.
XIIe » Les Argonautes Esculape.
XIe » La Guerre de Troie Machaon.Podalire.
X° » Salomon
Ve » Solon. Thaïes Pythagore.
Nabuchodonosor Empedocle. Heraclite.
IVe » Socrate. Darius Anaxagore. Démocrite.
Confucius. Périclès Hippocrate.
Platon.
IIIe » Alexandre-le-Grand Aristote.Dioclès.
Ptoléinée-Seleucus Iléropliile.
Erasistrate. Eudcme.
IIe )) Ptolémée-Evergête Sérapion.
Amilcar. Hannibal... Amyntas. Caton.
ScipionHAfricain Archagathos.
Ie » Mithridate-Eupator \
Marius. Sylla ; Asclépiade.
Lucrèce. Cicéron
)
Mais entre Hippocrate et
Asclépiade, avait vécu Epi-
cure, qui jeta dans
l'esprit humain le doute philosophi¬
que et ébaucha la
grande théorie positive des atonies.
Asclepiade, un de ses
fervents disciples fut
unrévo¬
lutionnaire de la médecine, et le chef d'une
nouvelle
école.
Il s'éleva contre le Naturisme d'Hippocrate et inspira
le Méthodisme.
Railleur et rhéteur nous allons le laisser exposer
lui-
mêmeses doctrinesdans une lettre qu'ilaurait pu
écrire à
son ami Cicéron.
IXe EEOQTJE
ASCLÉPIADE DE PRUSE à M. T. CICÉRON
75 av. J. Ch.
Vous vous plaignez, cher Sicilien (1) de l'éloignement qui vous prive de notre compagnie,et à défaut deconver¬
sation demandez à notre amitié de longues lettres. C'est pour nous une charge agréable. Malgré les nombreux clients pressés à la porte de ma maison, je me propose donc aujourd'hui de vous conteravec quelques détails, et
sur votre propre désir, l'établissement de la médecine à Rome. Ce ne fut pas, vous enjugerez, chose facile.
Permettez-moi auparavant, devous narrer en unelégère digression, une anedocte dont votre fidèle Atticus n'a pu
vous faire part.
Mon royal correspondant Mithridate (2) allié à Tigrane
d'Arménie a de nouveau envahi la Bithynie. Mamalheu¬
reuse patrie (3) est vouée éternellementaux horreurs de la guerre. Lucullus doit prendre le commandement des
légions. Mais le jeune C. J. César, dès le début des hosti¬
lités, abandonnantles leçons dumaîtreAppoioniusd'Athè¬
nes, alevé quelques troupes en
Macédoine,
s'est vivement porté à la rencontre de l'avant-garde ennemie et l'a miseen déroute.
Cette nouvelle a causé ici une certaine émotion. Cet adolescent qui tour à tour se révèle orateur, (Dolabella
doit s'en souvenir) homme politique et guerrier, ne laisse
(1) Cicéron étaitalors questeurenSicile. Pellisson. Cicéron ch. II.
(2) Maurice Albert, les médecinsGrecs â Rome,ch. II.
(3) Daniel Leclerc,Histoirede la médecine,liv.III,ch. IV.