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Qui pourrait croire en lisant ce fragment qu'il fut écrit

deux siècles avant Voltaire àune époque ou la

Royauté

« de droit divin » prenait orgueilleusement pour devise

« car tel est notrebon plaisir ! ». Il fallait l'âme d'un phi¬

losophe pour le penser, la résolution d'un médecin pour,

le dire.

Dans le premier livre de son ouvrage, Fernel fait une timide ébauche de thérapeutique générale. L'esprit se

perd au milieu de ces dénomminations bizarres de

médi¬

caments crus ou cuits, adverses, contraires, opposés,

chauds ou froids, dont chacun d'eux répond à une mala¬

die d'unepartie du corps etdoit être ingéré d'une façon spéciale. On sent tout le chaos, tout le désordre d'une

science faite de lambeaux, ne reposant sur aucune base

solide et dont toutes les données sont les fruits du ha¬

sard.Quepouvait être la thérapeutique générale a une

époque ou la physiologie et l'anatomie n'existaient même

pas : Vésale, Varolle, Ingrassias,Fallope, allaient naître ; la chimie était dans l'enfance,la physique balbutiait ; sur la foi des Ecritures Saintes la terre était encore

immo-bile.jDepuis le 1er siècleavant le Christ la science humaine

n'avait pas fait un pas en avant!

Fernel ramène l'action des médicaments à unseul effet:

l'évacuation qui se fait de trois sortes : l'évacuation pro¬

prement dite, la révulsion, la dérivation.

Ceseffets thérapeutiques sont obtenuspar les vomisse¬

ments, lavements, purgation, saignée, sudationet remèdes

divers.

Le second livre de son ouvrage, long de 18 chapitres

est consacré à la saignée. Pendant 20 siècles l'humanité toute entière eut la frénésie de la saignée ; elle a été la panacée universelle, le remède souverain, chanté par les poètes, auquel, aucun mal, présent ou avenir, ne devait

résister.

Le dénombrement des maladies justiciables de ce trai¬

tement, tient trois longues pages : on y trouve entre au¬

tres : les inflammations, les affections des yeux, de la1 parotide, de la gorge, du poumon, du foie, de la rate, de

la matrice, des bras, des jambes, les hémoptysies, les éruptions, les hémorrhoïdes, le charbon, la gale, la fièvre chaude, la léthargie, le vertige, l'épilepsie, etc., etc.

D'où venait donc la faveur dont jouissait la saignée?

Fernel nous l'apprend : c'estque par elle avec le sang on évacuait toutes les humeurs du corps : en effet si l'on regarde du sangrecueilli depuis un moment, on voit que chacune des humeurs qui le compose s'est séparée et à pris sa place propre : « la sérosité, qui n'est pas fort

dif-» férente del'urine, nage par dessus; de la bile déliée et

» et fleuriese faitla plus haute partie du sang caillé ; la

» mêlancholie va au fond, le sang qui est rouge et la

pi-» tuite pâle se logent au milieu. »

Cetteexplication du caillot sanguin qui peut étonnernos

physiologistes, paraît si évidente à Fernel que malgrès

son respectpour les anciens, il ne peuut s'empêcher de

s'écrier : «Lorsque Avicenne dit que la saignée emporte

» le bon sang, il s'abuse et ne sait ce qu'il dit ! »

Puisque toutes ces humeurs se trouvent dans le sang, li cause des maladiesest bienjfacile à connaître : pléthore

ou cacochymie; la pathologie générale se résume en

deux mots. Il y aura pléthore lorsqu'il y a surabondance

de sang et d'humeurs en proportions habituelles, caco¬

chymie lorsque la surabondance des humeurs l'empor¬

tera sur celle du sang. Dans les deux cas la saignée s'im¬

pose.

Il faut cependant reconnaître que Fernel ne se laisse

pas emporter par la passion de la saignée aussi loin que

ses contemporains. Il aie courage de constater que, loin de donner des forces au malade, la saignée sura¬

joute son action débilitante à celle de la maladie et il ap¬

porte a son emploi de grandes restrictions.

Il ne veut voir saigner ni les enfants ni les vieil¬

lards ni tous ceux qui sont trop affaiblis. Comme en cela il fait preuve de plus de sagesse que son admira¬

teur Guy-Patin qui saignait ses malades jusqu'à 32 fois

pour une seule maladie, qui pour un rhume se fit lui-même saigner 7 fois, n'hésita pas a faire saigner 4 fois

sa belle-mère à l'âge de 81 ans et même un enfant de trois jours !

A la fin du livre de la saignée se trouve un chapitre qui mérite d'attirer l'attention. Il est intitulé :

cYEoacuct-» tion universelle du corps qui se fait par

transpira-)) tion insensible. » Or l'honneur de la découverte (1) et de l'étude de cette transpiration insensible est communé¬

ment rapporté à un médecin italien du siècle suivant:

Sanctorius.

Ce savant est l'une des plus étranges figures de l'his¬

toire de la médecine : d'esprit très ingénieux, porté vers la mécanique, il inventa le thermomètre médical,l'hygro¬

mètre, les pulsilogia ( destinés à compter le pouls) il

mit en vogue des lits suspendus, imagina des appareils

pour prendre des bains au lit, dota l'arsenal chirurgical

d'une nouvelle sonde à 3 valves pour extraire les petits

calculs de la vessie.

Cet engouement pour les sciences physiques, l'amena

a envisager que le corps humain devait être soumis à deslois purement physiques et il pensa que le facteur va¬

riable du corps, devait être son poids : préoccupé par cette idée il fitconstruire une balance romaine immense

dans leplateau de laquelle il passa trenteans de sa oie,

se pesant a toute heure du jour et de la nuit, après tout acte physiologique, repas, sommeil, miction, coit, etc, se

soumettant en un mot a la plus minutieuse observation de lui-même.

Il fut ainsi amené à constater que la plusgrande déper¬

dition du corps se fait par transpiration insensible de la peau et des muqueuses

pulmonaire, intestinale,

vésicale, utérine, etc. Il l'évalua au 5/8 des éléments absorbés et

sur cette découverte

échafaudagea

toute une physiologie

(1) Dansla dédicacedesonouvrage, SASCromu3lui-même parle avecenthousiasme delà Grande découverte qu'il afaite.

et toute une pathologienouvelles, ramenant

la médecine

à la connaissance du poids des malades et de ses varia¬

tions.

En 1614 il publia les résultats de ses recherches.

Son

ouvrage, écrit sous la forme un peu

prétentieuse

d'apho-rismes,jouit d'une grande vogue.

Il est donc intéressant de faire ressortir que Fernel,

avait connu cette transpiration insensible et que, comme

ses contemporains, il en a fait la forme de

l'évacuation

universelle du corps.

Ils'étend même assez longuementsurses diverses ma¬

nifestations : il lui reconnaît des périodes de diminution

ou d'accroissement et sait fort bien que son intensité

varie en raison inverse de celle des diverses autres éva¬

cuation telles que l'urine, les selles, etc.