• Aucun résultat trouvé

Aspects géographiques du toucher

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Aspects géographiques du toucher"

Copied!
13
0
0

Texte intégral

(1)

99 | 2016 Varia

Aspects géographiques du toucher

Jean‑Robert Pitte

Édition électronique

URL : http://journals.openedition.org/gc/4612 DOI : 10.4000/gc.4612

ISSN : 2267-6759 Éditeur

L’Harmattan Édition imprimée

Date de publication : 1 novembre 2016 Pagination : 257-270

ISBN : 978-2-343-12829-0 ISSN : 1165-0354 Référence électronique

Jean‑Robert Pitte, « Aspects géographiques du toucher », Géographie et cultures [En ligne], 99 | 2016, mis en ligne le 18 mai 2018, consulté le 27 novembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/gc/

4612 ; DOI : https://doi.org/10.4000/gc.4612

Ce document a été généré automatiquement le 27 novembre 2020.

(2)

Aspects géographiques du toucher

Jean‑Robert Pitte

1 Les géographes ont longtemps privilégié l’approche de la réalité terrestre par la vue, sans guère se poser de questions métaphysiques. Bien avant que leur savoir ait acquis un statut académique, leurs prédécesseurs, les voyageurs-écrivains ont depuis l’Antiquité décrit ce qu’ils voyaient, mais ils n’imaginaient pas que leur regard était guidé par leur éducation et, plus largement, leurs acquis culturels choisis ou involontaires. Tout comme certains représentants d’autres disciplines, des historiens, des philosophes esthéticiens ou des anthropologues, les géographes ont découvert récemment l’intérêt de réfléchir aux représentations mentales qui filtrent et orientent le regard sur le paysage. Ils ont également étudié l’influence de ces perceptions et de ces idéaux sur la transformation de l’espace terrestre, sur l’aménagement des territoires, champ de réflexion qui a beaucoup fait progresser l’histoire et l’analyse des paysages dans lesquels nous vivons. Malheureusement, celui-ci n’a sans doute pas assez encore assez nourri les actions appliquées que sont précisément l’aménagement du territoire, l’urbanisme, l’architecture, le paysagisme, souvent inspirées par la créativité de leurs auteurs et trop rarement par les attentes des usagers, y compris dans des pays qui donnent volontiers des leçons de démocratie1.

2 Ce souci nécessaire et louable des représentations a conduit à une dérive fâcheuse : un désintérêt pour le concret, pour les objets matériels constituant la chair du paysage.

C’est ainsi qu’aujourd’hui il n’y a plus guère de géographes qui s’intéressent aux structures agraires ou aux formes urbaines, à leur genèse, à leur évolution, alors que l’archéologie accomplit des progrès plus rapides que jamais. C’est un peu comme si l’on avait jeté le bébé avec l’eau du bain, évolution qui touche d’autres sciences humaines dont une partie des chercheurs s’en tient aux fondements théoriques, à l’épistémologie, à l’histoire des idées, mais ignore les réalités sensibles et vécues.

L’approche phénoménologique du monde est aujourd’hui considérée par beaucoup de beaux esprits avec condescendance. Pascal avait parfaitement ciblé cette tendance dans l’une de ses plus célèbres Pensées : « L’homme n’est ni ange, ni bête, et le malheur veut que qui veut faire l’ange fait la bête ».

(3)

3 Depuis deux ou trois décennies, les géographes ont aussi abordé d’autres perceptions sensorielles : les odeurs2, les sons3 et les saveurs4, champs sur lesquels il reste encore beaucoup à creuser et à comprendre. En revanche, le toucher ou tact et, plus largement, la somesthésie n’ont guère attiré leur attention. La somesthésie est la sensibilité du corps à la pression, à la chaleur et au froid, à tous les contacts externes et internes avec des objets ou des êtres vivants. Elle est à la source de la douleur et du plaisir physiques. Elle provient de la peau, mais aussi des tendons, muscles, articulations, viscères. On peut vivre en état de cécité et avoir accès, grâce au toucher, à l’écriture par le moyen du braille ; on peut pâtir de surdité, d’agueusie, d’anosmie, mais on peut très difficilement vivre en état d’asomesthésie. L’absence totale de sensibilité du corps crée une insécurité permanente et un traumatisme psychologique difficilement supportable. Lamartine la décrit afin de mieux fustiger l’athéisme auquel il la compare5 : « […] n’avez-vous pas entendu parler d’hommes vivants dont la peau est morte, qui ne sentent ni le chaud ni le froid, ni l’eau ni le feu, ni les mille impressions de l’air qui font frissonner ou s’épanouir notre peau à nous ? » C’est l’un des symptômes de la lèpre et, surtout, des accidents de la moelle épinière qui peuvent toucher une grande partie, mais jamais la totalité du corps. Porter aux sensations perceptibles par le corps, singulièrement la peau, un regard de géographe ouvre des horizons très larges.

Pour l’heure, les représentants de cette discipline qui ont abordé ce champ d’investigation en sont restés au stade de théories exprimées dans une langue très hermétique dont on voit mal à ce stade comment elles pourraient expliquer des phénomènes issus d’observations in situ6. Un certain nombre de pratiques et comportements mériteront d’être abordés dans les années à venir par les géographes qui pourront tenter de comprendre les contrastes existant dans leur répartition et les frontières qui les limitent dans l’espace.

Un sens méprisé, puis réhabilité

4 Le toucher se développe chez l’être humain, vers la 7e semaine de la vie intra-utérine à partir de la région péri-buccale et s’achève vers la 20e. Ce sens est le système d’alarme du corps humain, essentiel à la survie en ce qu’il permet d’explorer et de percevoir l’environnement thermique (chaud et froid), hydrique (l’humide et le sec), minéral, végétal et animal, la pression et la douleur, le dur et le mou, le doux, le lisse, le soyeux, le velouté, le caressant, le rêche, le rugueux, le râpeux, le piquant, le gluant, le collant.

Il est inséparable de la mobilité, de la préhension, de la nutrition, des contacts humains au sein desquels, bien entendu, la sexualité. C’est par la peau que se développent tout au long de la vie l’estime et l’amour de soi et donc d’autrui. Les rats de laboratoire, lorsqu’ils sont « caressés, sont détendus, calmes, souples, confiants et même audacieux, leur apprentissage est meilleur, leur croissance plus rapide, leur résistance aux affections plus grande, leur cerveau plus lourd. Par contre, les rats recevant les soins minimaux dans la stricte indifférence sont tendus, agités, craintifs et agressifs »7. C’est la même chose pour l’être humain qui, s’il n’est jamais touché, développe de l’anxiété, de la culpabilité, de l’agressivité, de la haine, problème que rencontrent un certain nombre d’enfants de certains pays pauvres qui sont élevés dans des orphelinats ou qui grandissent dans la rue8. Il faut apprendre à aimer son corps sans pour autant tomber dans le culte qui lui est rendu dans certains groupes sociaux (une partie des bourgeoisies du monde entier, milieux de la mode et de l’art, sportifs de haut niveau, bandes sauvageonnes, milieu carcéral, etc.) et qui témoigne d’un égocentrisme et d’un

(4)

narcissisme tout aussi frustrants, ainsi que d’un refus anxiogène d’accepter le vieillissement. Ce sentiment est devenu si puissant un peu partout dans le monde qu’une partie des médias en a fait son fonds de commerce.

5 Bien qu’indispensable à la connaissance du monde extérieur et à l’empathie, le toucher est longtemps resté muet en Occident et les philosophes s’y sont intéressés assez tard, en vertu d’un préjugé hérité d’Aristote9, comme si ce sens était par trop révélateur de la proximité entre les animaux et les humains. Dans son Traité des sensations (1754), Condillac est l’un des premiers à franchir le pas, en lien avec l’évolution de la sensibilité du siècle des Lumières, l’exaltation de la volupté dans la peinture ou dans la littérature (Boucher, Watteau, Diderot, Restif de la Bretonne, Casanova, Sade, etc.). Il consacre un long développement à un être humain théorique – qu’il appelle statue – qui serait borné au seul sens du toucher. Il réhabilite ce sens jusqu’alors méprisé, au point même d’en faire celui qui l’emporte sur tous les autres10 : « Le plus grand bonheur des enfants paroît consister à se mouvoir : les chutes mêmes ne les dégoûtent pas. Un bandeau sur les yeux les chagrinerait moins qu’un lien qui leur ôteroit l’usage des pieds et des mains. En effet, c’est au mouvement qu’ils doivent la conscience la plus vive qu’ils aient de leur existence. La vue, l’ouïe, le goût, l’odorat, semblent se borner dans un organe ; mais le mouvement la répand dans toutes les parties, et fait jouir du corps dans toute son étendue. » Plus loin, il valorise encore davantage ce sens qui permet de percevoir son environnement et de susciter la réflexion pour le rendre intelligible de manière synthétique et donc indispensable à la construction du savoir géographique11 : « Quand elle [la statue] n’avoit que l’odorat, elle conduisoit son attention d’une idée à une autre, elle en remarquoit la différence : mais elle ne faisoit pas des collections dont elle déterminât les rapports. Avec la vue, elle pouvoit à la vérité distinguer plusieurs couleurs qu’elle éprouvoit ensemble : mais elle ne remarquoit pas qu’elles formassent des tous figurés. Elle sentoit seulement qu’elle étoit tout-à-la-fois de plusieurs manières. Ce n’est qu’avec le tact, que détachant ces modifications de son moi, et les jugeant hors d’elle, elle en fait des tous différemment combinés, où elle peut démêler une multitude de rapports. […] Or cette attention qui combine les sensations, qui en fait au dehors des tous, et qui réfléchissant, pour ainsi dire, d’un objet sur un autre, les compare sous différens rapports ; c’est ce que j’appelle réflexion. Ainsi l’on voit pourquoi notre statue, sans réflexion avec les autres sens, commence à réfléchir avec le toucher. »

6 Dès lors, le primat du toucher sur les quatre autres sens s’affirme. Paul Valéry écrit, par exemple, que12 « ce qu’il y a de plus profond en l’homme, c’est la peau ». Et Michel Serres affirme, à propos de la Tapisserie de la Dame à la Licorne13 : « Le toucher l’emporte ». Il est vrai que sur le panneau de l’œuvre qui illustre ce sens, la manière dont la dame tient d’une main un étendard et de l’autre la corne de sa licorne la rend majestueuse, maîtresse d’elle-même et de l’univers. Derrière les codes de l’amour courtois, il y a bien des interprétations à donner de cette scène étrange qui réjouit tous les animaux présents : le lion, la licorne, le lapin blanc, le chien, le singe. Laissons cela aux psychanalystes. Le même Michel Serres écrit, dans la lignée de Condillac14 :

« Beaucoup de philosophes se réfèrent à la vue ; peu à l’ouïe ; moins encore donnent leur confiance au tactile, comme à l’odorat. L’abstraction découpe le corps sentant, retranche le goût, l’odorat et le tact, ne garde que la vue et l’ouïe, l’intuition et l’entendement. »

(5)

7 Les différentes parties du corps sont plus ou moins équipées en terminaisons nerveuses, ce qui commande un certain nombre de gestes et de comportements des hommes et des femmes, et les seuils de sensibilité varient également d’un individu à l’autre, comme il en est des autres sens. Cette perception est en partie inconsciente et correspond à des sollicitations extérieures, telle la chair de poule liée au froid, mais également elle s’éduque et l’imaginaire valorise ou au contraire dévalorise telle ou telle sensation de la peau, incite à la repousser ou à la rechercher, telle la chair de poule liée à la frayeur ou au plaisir extrême.

8 Les perceptions tactiles ont de ce fait une histoire, une sociologie et aussi une géographie. Cette dernière est en lien avec le rapport que les êtres humains, individus et groupes sociaux, entretiennent avec leur propre corps, avec leur environnement météorique, avec leurs vêtements, avec les représentations qu’ils se font des contacts avec autrui, avec leur conception du pur et de l’impur, de la pudeur et de l’indécence, également du pouvoir spirituel, comme par le geste de l’imposition des mains commun à toutes les religions. La Bible en contient de nombreux exemples parmi lesquels les gestes d’Isaac et de Jacob sont les plus connus. Les Évangiles rapportent que Jésus a le plus souvent touché ceux qu’il voulait guérir. L’imposition des mains est liée à certains rites des différentes voies du christianisme, du judaïsme, de l’islam. Dès leur sacre à Reims, les rois de France de France devenaient thaumaturges et étaient censés guérir les écrouelles en touchant les malades : « Le roi te touche, Dieu te guérisse ». Des rites comparables existent dans les religions animistes, mais aussi dans l’hindouisme ou le bouddhisme.

9 On pourrait en effet tenter une géographie religieuse de la relation des êtres humains à leur corps et donc du toucher. Ainsi, le gnosticisme, dont le manichéisme et le catharisme ont été des expressions, est un courant religieux qui croit que les êtres humains sont des âmes divines prisonnières de corps mauvais, créés par le Démiurge. Il professe la phobie de la chair. Il n’a rien à voir avec la latitude et le climat et a été suivi dans des régions très différentes allant de l’Iran aux Pyrénées. L’ascétisme rigoureux des ordres monastiques comme les Cisterciens et les Chartreux ou celui du bouddhisme tantrique ou zen est d’un tout autre ordre. Il est un renoncement choisi qui ne théorise pas sur les sens, mais qui simplement les contient dans des limites étroites par l’oubli du corps, sa dissimulation sous d’amples habits, la chasteté, le port du cilice, la privation alimentaire, etc. Il s’est épanoui sous toutes les latitudes et s’il se rencontre depuis toujours dans les espaces déserts, brûlants ou de haute montagne, arides ou glacés, c’est tout simplement qu’il recherche l’éloignement de la société des hommes en vue d’une plus grande intimité avec la transcendance. La pudeur recommandée par beaucoup de religions à leurs fidèles relève des mêmes principes. La question du corps et de la sexualité a fait l’objet de maints débats à toutes les époques, particulièrement au moment de la renaissance et de la Réforme15.

Toucher et environnement

10 L’une des questions qui s’impose d’emblée au géographe est celle de la relation du toucher avec le climat et l’environnement en général. Les climats tropicaux humides développent-ils la sensibilité de la peau, la sensualité et donc l’érotisme et les climats froids les inhibent-ils ? Ce serait conforme à la théorie des climats de Montesquieu reprenant Aristote et tant d’autres. C’est ce que semble admettre Lord Byron qui fait

(6)

dire à son Don Juan16 : « C’est fâcheux, je l’avoue ; la faute en est à ce soleil indécent qui ne peut laisser en repos notre argile chétive, mais qui la chauffe, la cuit, la brûle, si bien que, nonobstant jeûnes et prières, la chair est fragile et l’âme se perd : ce que les hommes appellent galanterie, et les dieux adultères, est beaucoup plus commun dans les pays chauds. Heureux les peuples du moral septentrion, où tout est vertu, où l’hiver envoie le péché grelotter tout nu ». Cette démonstration est évidemment peu crédible et il n’est même pas sûr que Byron y adhère ; il cherche seulement à rendre compte de la bonne conscience cynique de Don Juan. La seule question qui se pose est celle de la licéité d’une expression libérée de la sensualité et relève donc uniquement de la morale, laquelle varie dans l’espace et dans le temps selon des critères qui ne sont en rien déterminés par le climat. Sous les tropiques, le Brésil est désinhibé17, les îles du Pacifique ont été de mœurs très libres avant que les missionnaires n’imposent les robes mission au XIXe siècle, mais qui n’ont modifié que l’apparence des êtres et non leurs penchants. En revanche, l’Inde est prude, ce qui n’a pas toujours été le cas comme en témoignent les sculptures anciennes de certains temples et le Kâmasûtra composé au IVe siècle. La conquête musulmane puis la colonisation anglaise ont imposé une morale nettement puritaine qui perdure jusqu’à aujourd’hui, aggravée par le fait que les hors caste sont à proprement parler « intouchables ». De même, c’est en Iran et en Irak qu’ont été écrites Les mille et-une nuits, là où aujourd’hui règne un puritanisme particulièrement rigoureux, tout au moins dans la sphère publique, tant sous la bannière du chiisme que du sunnisme18. Pourtant, le préjugé climatique n’a pas disparu.

Un sondage réalisé en Martinique par IPSOS Antilles auprès de 472 adultes révèle que 34 % des personnes interrogées pensent que « dans les pays chauds, les besoins sexuels sont beaucoup plus importants que, par exemple, en Europe ou aux États-Unis »19.

11 Le nudisme est né dans le froid de l’Allemagne et de l’Europe du nord, paradoxalement protestantes20. Il est vrai qu’encore maintenant, lorsque cette pratique est collective et encadrée au sein de mouvements organisés et dans des lieux dotés d’un règlement précis, elle ne donne lieu en rien à une sensualité débridée. Elle relève de la recherche symbolique d’une pureté originelle, de l’état d’innocence d’Adam et Ève dans le jardin d’Éden. Il en va tout autrement dans le cas de pratiques à connotation sexuelle affichées, parfois transgressives, voire illégales21.

12 L’usage de l’eau sur la peau et les rites d’hygiène réels22 ou symboliques, comme les ablutions rituelles et sacramentelles des différentes religions relèvent du même souci de pureté. De belles études seraient à conduire sur les origines, le rôle social et la signification des thermes antiques et de leurs avatars que sont les étuves médiévales occidentales23, les hammams et bains turcs, les saunas nordiques et russes. L’onsen du Japon, bain collectif en nudité totale dans l’eau brûlante de sources thermales, est une pratique surprenante dans ce pays puritain et pudique à l’extrême. Elle est à mettre en relation avec la religion animiste originelle du pays qu’est le shinto. Elle se situe à l’opposé des hammams des pays occidentaux dévolus aux rencontres sexuelles furtives.

13 Toujours dans le registre de la relation du sens du toucher avec l’environnement, évoquons aussi la perception par la peau de l’air (température, hygrométrie, vent), des précipitations, du soleil, en faisant la part des accoutumances physiques et des choix culturels qui ne relèvent que des représentations et donc de la liberté24. Quels fantasmes poussent les Asiatiques à craindre le hâle de la peau dû à l’exposition au soleil et, au contraire, les Occidentaux à rechercher aujourd’hui le bronzage, malgré l’inconfort de la morsure du soleil et les dangers que son excès fait courir à ses

(7)

adeptes25 ? Il n’en n’a pas toujours été ainsi et les femmes occidentales se protégeaient beaucoup du soleil il y a encore un demi-siècle à l’aide de vastes chapeaux. La couleur jaune de la peau des Asiatiques des régions de plaine était jadis principalement due aux effets irréversibles de la réflexion du soleil sur l’eau des rizières pendant les longues périodes de repiquage. Les grands chapeaux protégeaient le crâne d’un trop grand échauffement, mais non le visage. Avoir la peau blanche était un signe de distinction en ce qu’il signifiait que l’on n’appartenait pas à la paysannerie. C’est l’un des ressorts du maquillage blanc qui était répandu dans la haute société japonaise depuis l’époque de Heian. Les geishas et les acteurs l’ont plus tard poussé à l’extrême. Mais ces explications sont sans doute trop partielles et quelque peu tabou en Asie.

14 Il en est de même de la couleur noire de la peau au Sahel26, en Afrique du Nord, en Europe et en Amérique du Nord. Cette question ne concerne pas que la vue, mais aussi bien sûr aussi le toucher en raison du désir ou de la répulsion que peut inspirer une peau du fait de sa couleur et de sa texture.

Les choix de traitement de la peau et de la pilosité

15 Hormis sans doute les professionnels du marketing des entreprises de cosmétiques qui ne communiquent jamais leurs découvertes à autrui, on ne sait pas grand-chose de la géographie des soins de la peau – huiles, onguents, crèmes, maquillages – et de leurs significations. Ces pratiques renvoient à la fascination pour la peau douce qui est générale chez les femmes de toutes contrées et de toutes époques, idée qui peut irriter aujourd’hui et être considérée comme une vision sexiste. Néanmoins, il existe des différences notables d’un pays à l’autre quant à l’effet recherché, tout comme de l’exhibition des systèmes pileux ou des épilations. Ainsi en est-il, chez les hommes, du rasage total ou partiel du visage et de l’épilation en lien avec l’expression de la virilité.

Moustaches, barbe de trois jours, plus longue taillée, longue et sauvage, revêtent des significations très variables, politiques, religieuses, sexuelles, mais ont longtemps simplement exprimé une banale négligence due à un mode de vie rustique dans une société à dominante masculine.

16 Le choix de la barbe de quelques jours a été celui des paysans européens ne se rasant que le dimanche et les jours de fêtes, des pionniers, trappeurs et cow-boys américains se rendant de loin en loin chez le barbier que les westerns spaghetti et une bande dessinée comme Blueberry ont magnifiés. À la fin du XXe siècle, Gainsbourg a été en la matière un précurseur en France, et son statut d’icône l’a fait imiter de toute une génération. Les gays des métropoles européennes et nord-américaines ont adopté ce style, imités par les bobos « métrosexuels », avant de gagner l’ensemble de la gent masculine. Pionniers inventifs en matière de mode corporelle et vestimentaire depuis toujours, les gays ont d’abord jeté leur dévolu sur la moustache, puis le rasage intégral de la tête, la barbe de trois jours, la longue barbe soignée, adoptant un rythme de changement de plus en plus rapide. Pour l’heure, la tendance est pour eux à l’adoption d’une apparence hyper-virile, en rupture avec les manières et les allures efféminées naguère adoptées. Totalement différent dans sa symbolique, le port de la barbe dans le monde juif, arabe, turc et iranien mériterait aussi une étude fine, tant ses significations sont diverses, davantage liées à l’observance religieuse et à l’apparence visuelle qu’au contact de peau à peau, semble-t-il27.

(8)

17 Maupassant a superbement décrit le fantasme de la moustache chez les Françaises de son temps, fantasme directement lié au sens du toucher. On comprend à le lire pourquoi il la portait28. Il s’agit d’une lettre écrite par Jeanne à son amie Lucie :

« Vraiment, un homme sans moustache n’est plus un homme. Je n’aime pas beaucoup la barbe ; elle donne presque toujours l’air négligé, mais la moustache, ô la moustache est indispensable à la physionomie virile. Non, jamais tu ne pourrais imaginer comme cette petite brosse de poils sur la lèvre est utile à l’œil et… aux… relations entre époux. […]

D’abord elle chatouille d’une façon délicieuse. On la sent avant la bouche et elle vous fait passer dans tout le corps, jusqu’au bout des pieds un frisson charmant. C’est elle qui caresse, qui fait frémir et tressaillir la peau, qui donne aux nerfs cette vibration exquise qui fait pousser ce petit « ah ! » comme si on avait grand froid. »

18 Ajoutons à ces choix de surface de peau les tatouages et les scarifications qui pourraient faire l’objet d’une étude mondiale, tant leur usage est en train de se généraliser et revêt des significations fort différentes chez les Africains, les Polynésiens, les yakuza japonais29, les jeunes occidentaux de tous genres grâce à qui prospèrent les officines spécialisées. Ils expriment une identité, mais ils ont aussi pour conséquence de susciter le désir ou la répulsion tactiles.

Les contacts corporels

19 Le toucher intentionnel est toujours une expression d’affectivité et parle beaucoup de celui qui en prend l’initiative, à celui qui en fait l’objet et à ceux qui le partagent en vertu d’un consentement mutuel. Des codes régissent les contacts tactiles entre humains30 : rites de salutation et de témoignage affectif, de rapports corporels de tous ordres, sportifs, médicaux, sexuels31. Vaste sujet peu étudié par les sciences humaines que celui des massages divers, spirituels et de relaxation comme cela se pratique dans beaucoup de pays d’Asie depuis l’Inde jusqu’au Japon, thérapeutiques, par exemple aux prématurés ou aux vieillards, érotiques. Caresses et baisers obéissent à des codes qui dessinent une complexe géographie de la planète : baiser russe, embrassade ou accolade méditerranéenne, moyen-orientale32 et africaine, ainsi que des adeptes du sport d’équipe en cas de victoire, frottement de nez de la péninsule arabique ou des Inuits, french kiss. Ce dernier remonterait à l’époque romaine et n’aurait pas été déclaré illicite par la morale chrétienne, à la différence de la morale musulmane. Le Breton évoque33 une enquête réalisée par le sociologue américain Jourard et qui esquisse une géographie des contacts tactiles. Celui-ci « a compté dans des cafés de différentes villes le nombre de fois où des interlocuteurs se touchent en une heure. Malgré l’impressionnisme de la méthode, les résultats laissent songeurs : San Juan (Porto Rico), 180 ; Paris, 110 ; Gainsville (Floride), 2 ; Londres, 0. Les sociétés anglo-saxonnes puritaines mettent à distance le corps de l’autre (se toucher est vulgaire), alors que les sociétés arabo-musulmanes n’hésitent jamais à se toucher (homme à homme ou femme à femme). » Et Le Breton de commenter avec justesse : « La prévention du contact ou son exaspération est un fait de culture. » D’une manière générale, la manière de se saluer en public pourrait faire l’objet d’une cartographie et d’une analyse géographique. Elle varie de l’inclinaison de la tête ou du tronc, comme en Asie orientale34, au baisement des pieds et à la prosternation dans certains rituels religieux ou monarchiques, à la poignée de main de l’Europe et de l’Amérique du Nord de tradition protestante puritaine, au baisemain conféré à genoux à un ecclésiastique de

(9)

haut rang ou d’homme à femme, geste venu des rituels aristocratiques et devenu rare en Europe. En France, le fait de s’embrasser entre hommes est longtemps resté une pratique familiale des milieux populaires, puis celle-ci a gagné les milieux artistiques et certaines catégories professionnelles, comme les cuisiniers, sans surprise les gays, avant de progresser aujourd’hui dans l’ensemble de la société, y compris chez les jeunes.

Les vêtements

20 Les vêtements commencent à faire l’objet d’un intérêt timide de la part des géographes35. Le blue-jean lié aux chevauchées pionnières de la conquête de l’ouest américain a pris après la Seconde Guerre mondiale une dimension sensuelle, voire érotique du fait des formes moulantes de ces pantalons. Partie d’une contrée protestante, cette mode a gagné la planète entière, toutes les générations et tous les milieux36. Dans un même pays, deux groupes peuvent observer des comportements vestimentaires et se référer à des principes moraux totalement opposés : ainsi les habitants des quartiers et colonies juives fondamentalistes d’Israël, comme Méa Shearim à Jérusalem, et ceux de Tel Aviv, la débridée, ou bien encore, en Île-de-France, Versailles et le IVe ou le XIe arrondissement de Paris.

21 L’étude du choix des matières premières (écorce, cuir, fourrure, laine, lin, coton37, soie, etc.) et des formes vestimentaires plus ou moins couvrantes de la peau permet d’envisager leurs rapports avec l’environnement, mais aussi les diverses conceptions du confort, de la beauté et de la pudeur. Chaque partie du vêtement, de la tête aux pieds et aux mains peut faire l’objet d’analyses approfondies. La correction volontaire des imperfections supposées du corps, de dissimulation ou de mise en valeur de certaines parties jugées impudiques ou valorisantes représente un champ d’étude inépuisable38. Évoquons un exemple particulièrement suggestif et lié au toucher, celui des vêtements de cuir et des fourrures qui, comme la soie ou le velours, sont si caressants qu’ils ressemblent au contact avec la peau humaine, la sienne propre ou celle d’autrui. Ils symbolisent la domination de l’animal domestique ou sauvage par l’humanité et, au travers d’un transfert fétichiste, l’appropriation tout à la fois de sa puissance, de sa cruauté (renard, serpent, crocodile, léopard39, etc.) et de sa lascivité réelle ou supposée.

La sensualité des vêtements et accessoires de cuir est augmentée parce qu’ils sollicitent également l’odorat, ce que les parfumeurs ont parfaitement compris en imaginant des compositions musquées destinées tant aux femmes qu’aux hommes40. C’est le lien entre la peau de bête et le pouvoir qui a rendu les vêtements de cuir si recherchés par les cadres des régimes dictatoriaux ou totalitaires du XXe siècle. Évoquons aussi la lederhose, la culotte de peau des Bavarois et des Autrichiens, taillée dans une peau de cerf et qui est devenue un vêtement identitaire régional, mais aussi un signe de virilité, au même titre que le kilt de laine des Écossais. La laine, quant à elle, sous-produit de l’élevage ovin et de quelques autres animaux, destinés à la production laitière ou de viande, n’est réellement sensuelle que si elle est très fine (jersey, cachemire, mohair, alpaga, angora, etc.). Sinon, elle est confortable et protectrice, elle inspire la sécurité, à l’image du mouton ou de l’agneau confiants envers leur berger. Les fibres végétales, principalement le coton, expriment pour leur part le rapport pacifique qui s’est établi depuis toujours entre les sociétés et les plantes cultivées.

(10)

Le toucher des aliments et des boissons

22 La consistance des aliments et boissons et leur perception par le palais, thématique qui associe le toucher au goût, est éminemment variable d’une aire culturelle à l’autre.

C’est ainsi qu’en Extrême-Orient, il est essentiel de varier les textures (lisse, soyeux, granuleux, croquant, croustillant, liquide léger, gluant), les couleurs, les températures (chaud, tiède, froid) ainsi que les saveurs dans un repas gastronomique. Au contraire, en France, depuis la révolution culinaire de la fin du XVIIe siècle, on a privilégié le lisse, le moelleux, le fondant obtenus grâce aux matières grasses et aux sauces liées nappantes. Les vins sont qualifiés de soyeux, de velouté, de lisse, de rêche, de rugueux, toutes caractéristiques qui relèvent de leur texture, selon le registre métaphorique en usage chez les professionnels de la dégustation et qui renvoie aux étoffes. Richard Geoffroy, le maître de chai du champagne Dom Pérignon, évoque le grain et le toucher des vins qu’il élabore avec une sensibilité à fleur de peau. Dans le champ des relations entre le toucher et le goût, l’inventaire des intermédiaires entre les mets et la bouche mériterait observation précise et explication : doigts, baguettes, cuillers, instruments plus complexes inventés en Europe occidentale et diffusés dans le monde entier.

Conclusion

23 Si ce champ des perceptions tactiles est davantage investi dans les années à venir par les géographes, restera à conjuguer les conclusions auxquelles on sera parvenu avec celles qui relèvent de l’analyse des autres perceptions. On a évoqué l’intime mêlée du toucher, de l’odorat et du goût. L’interaction du toucher et de la vue ne manque pas d’intérêt non plus. Christian Renonciat est un sculpteur français qui se passionne pour elle. Il sculpte du bois en donnant l’illusion saisissante qu’il s’agit de papier ou de tissu.

Et il commente41 : « Il ne s’agit pas tant de tromper l’œil que de l’exercer à regarder plus intensément. Éprouver des difficultés à juger de la composition réelle d’un matériau induit le désir de toucher. L’œil analyse plus finement ce que la main a caressé ! J’aime souligner que l’esprit a besoin du corps pour atteindre à la connaissance. » Nos sens communiquent entre eux et dialoguent avec notre intelligence théorique. C’est l’une des voies d’avenir d’une géographie susceptible de séduire nos contemporains en les aidant à vivre plus intensément dans leur environnement et en réconciliant le corps et l’esprit, les deux versants de la condition humaine dont les progrès de la science nous disent chaque jour un peu mieux qu’aucune frontière ne les sépare vraiment.

NOTES

1. Jean-Robert Pitte, Histoire du paysage français, Paris, Tallandier, 2012 [1983], et Philippe Lamour, père de l’aménagement du territoire, Paris, Fayard, 2002.

2. Robert Dulau et Jean-Robert Pitte (dir.), Géographie des odeurs, Paris, L’Harmattan, 1998.

(11)

3. Frédéric Roulier, « Pour une géographie des milieux sonores », Cybergeo [en ligne], 1999. Claire Guiu (dir .), « Géographie et musiques. Quelles perspectives ? », Géographie et cultures, n° 59, 2007.

4. Jean-Robert Pitte, Gastronomie française. Histoire et géographie d’une passion, Paris, Fayard, 1991 ; Jean-Robert Pitte, « La géographie du goût entre mondialisation et enracinement local », Annales de Géographie, n° 621, 2001, p. 487-508 ; Armando Montanari (dir.), Food and environment.

Geographies of tastes, Roma, Società geografica italiana, 2002 ; Gilles Fumey et Olivier Etcheverria (dir.), Atlas mondial des cuisines et des gastronomies. Une géographie gourmande, Paris, Autrement, 2004 ; Géographie des saveurs, Géographie et cultures, n° 50, 2004 ; Massimo Montanari et Jean- Robert Pitte (dir.), Les frontières alimentaires, Paris, CNRS Éditions, 2009.

5. Lamartine, Le tailleur de pierres de Saint-Point, Paris, Hachette, 1855, p. 62.

6. Anne Volvey a attiré mon attention sur ses propres travaux et ceux de quelques géographes anglo-saxons proches d’une certaine voie de la psychanalyse avec lesquels elle travaille depuis longtemps et qui ont bâti une théorie géographique de l’hapticité (qui conjugue le toucher, háptô en grec, et l’empathie). Elle se passionne également pour le Land art dont une partie de l’expression est tactile. Je dois avouer que, malgré une lecture prolongée et attentive, je n’ai trouvé dans ces textes fort ardus aucune clé d’entrée, aucune méthode permettant de répondre aux questions terre à terre que je pose dans les quelques pages qui suivent et de comprendre pourquoi diffèrent d’une société à l’autre, d’un territoire à l’autre, la perception et la pratique du toucher. Je n’en rends responsable, cela va de soi, que les limites de ma propre tournure d’esprit.

J’ai consulté Anne Volvey, « L’espace vu du corps », dans Jacques Lévy et Michel Lussault (dir.), Logiques de l’espace, esprit des lieux. Géographies à Cerisy, Paris, Belin, 2000, p. 319-332 ; Michael A.

Crang, “Qualitative methods : touchy, feely, look-see ?”, Progress in Human Geography, 2003, n° 33 (4), p. 494-504 ; Mark Paterson, “Haptic geographies : ethnography, haptic knowledges and sensuous dispositions”, Progress in Human Geography, 2003, n° 33 (6), p. 766-788 ; Anne Volvey,

“Fieldwork : how to get in(to) touch. Towards a haptic regime of knowledge in geography”, dans Mark Paterson et Martin Dodge (dir.), Touching space, placing touch, Londres, Ashgate publishing, 2012, p. 103‑130.

7. Gérard Leleu, Le traité des caresses, Paris, J’ai lu, 2003.

8. Notons qu’il existe à l’École de médecine de l’université de Miami depuis 1992 un Touch Research Institute qui étudie toutes les facettes de cette question.

9. Aristote dans son Éthique à Nicomaque (X, 5, cité par Gilbert Romeyer Dherbey, La parole archaïque, Paris, PUF, 1999, p. 280) écrit : « Tout comme les actes sont différents, les plaisirs aussi.

Or, la vue l’emporte sur le toucher en pureté, l’ouïe et l’odorat sur le goût. » Et Gilbert Romeyer Dherbey d’expliquer (p. 281) que pour Aristote « le groupe toucher-goût que les hommes possèdent en commun avec les autres animaux « procure des jouissances qui apparaissent

“serviles et bestiales”. » Notons que tous les animaux sont dotés de ces cinq sens, souvent de manière plus développée que les humains.

10. Condillac, Traité des sensations, 1754. Édition de 1984 (Paris, Fayard), p. 109‑110. Il s’oppose en cela à Malebranche qui demeure persuadé que les jugements que l’homme se forme sur la distance et la forme des objets viennent directement de Dieu.

11. Ibid., p. 125-126.

12. Paul Valéry, L’idée fixe, cité par David Le Breton, La saveur du monde. Une anthropologie des sens, Paris, Métailié, 2006, p. 232.

13.Les cinq sens, Paris, Grasset, 1985, p. 54. Voir également sur ce sujet Michel Pastoureau et Élisabeth Delahaye, Les secrets de la licorne, Paris, RMN, 2013.

14. Les cinq sens, Paris, Grasset, 1985, p. 23.

15. Sébastien Jahan, Les renaissances du corps en Occident (1450-1650), Paris, Belin, 2004.

16. Don Juan, 1819, I, 63-64.

17. Je tiens de son gendre Michel Tabuteau la définition que Pierre Deffontaines donnait de ce pays où il avait vécu et qu’il aimait beaucoup, mais exprimée dans des termes proches d’un

(12)

préjugé condescendant : « Au Brésil, il n’y a que le bois qui travaille et que la forêt qui est vierge ! » Il n’a, cela va de soi, jamais osé l’écrire.

18. Ce contraste entre la sphère publique et la sphère privée se retrouve également à propos de la consommation d’alcool.

19. Serge Bilé, La légende du sexe surdimensionné des Noirs, Monaco, Le serpent à plumes, 2005, p.

163 et sq.

20. Francine Barthe-Deloizy, Géographie de la nudité. Être nu quelque part, Paris, Bréal, 2003.

21. Emmanuel Jaurand et Raymonde Séchet (dir.), « Sexualité et espaces publics : identités, pratiques, territorialités »,Géographie et cultures, n° 95, 2016. Voir en particulier dans ce recueil l’article d’Emmanuel Jaurand, « La sexualisation des espaces publics dans la subculture gay.

Entre-soi masculin et territorialisation », p. 29‑58.

22. Une histoire de l’hygiène intime a été tentée par plusieurs auteurs, mais, semble-t-il, pas encore une géographie. On lira avec plaisir l’érudit et désopilant ouvrage de Roger-Henri Guerrand, Le confident des dames. Le bidet du XVIIIe siècle au XXe siècle : histoire d’une intimité, Paris, La découverte, 1997.

23. Sophie Albert (dir.), Laver, monder, blanchir. Discours et usages de la toilette dans l’Occident médiéval, Paris, Presses Universitaires de Paris Sorbonne, 2006.

24. Alain Corbin a récemment dirigé un passionnant ouvrage qui introduit à l’histoire de ce thème : La pluie, le soleil et le vent. Une histoire de la sensibilité au temps qu’il fait, Paris, Aubier, 2013.

Trois géographes y ont participé : Martine Tabeaud, Alexis Metzger et Nicolas Schoenenwald.

25. Pascal Ory a consacré une belle étude historique au phénomène : L’invention du bronzage, Bruxelles, Éditions Complexe, 2008. Reste à la compléter d’une étude géographique.

26. Les Maures qui constituent la majorité dite blanche des Mauritaniens sont des Berbères métissés avec les peuples du sud à la peau noire. En réalité, ils ont souvent la peau très sombre, mais persistent à se vouloir « blancs » (beydanes) et arabes, alors que les envahisseurs Hassanya arrivés vers le XVe siècle n’ont sans doute pas dépassé quelques hordes de guerriers arrivés de la péninsule arabique et ayant traversé l’Afrique du Nord et le Sahara.

27. Voir Georges Vigarello, Alain Corbin et Jean-Jacques Courtine (dir.), Histoire de la virilité, Paris, Seuil, 2011, 3 vol. Matthieu Dumont, Petit livre des grands barbus, Éditions Wildproject, 2011. Sur la virilité et les rapports entre hommes et femmes dans le monde méditerranéen, voir Jean-Robert Pitte, « Mère Méditerranée : un mythe à revisiter », Géographie et cultures, n° 64, 2007, p. 127-138.

28. Maufrigneuse (pseudonyme de Guy de Maupassant), « La moustache », Gil Blas, 31 juillet 1883.

29. Membres de la mafia. Dans les très populaires bains publics japonais des stations thermales (onsen), les hommes tatoués n’ont pas le droit d’entrer.

30. Ce sujet a été bien traité par l’anthropologue David Le Breton (La saveur du monde. Une anthropologie des sens, Paris, Métailié, 2006, p. 219-243), mais sans que les variations spatiales du

« toucher de l’autre » aient particulièrement retenu son attention.

31. Nadine Cattan et Stéphane Leroy, Atlas mondial des sexualités, Paris, Autrement, 2013.

32. Davantage entre personnes du même sexe que de sexes différents. Cela va jusqu’à la stricte abstention du serrement de main entre hommes et femmes chez les juifs et les musulmans de stricte observance. C’est également vrai chez certains chrétiens, comme les moines du Mont Athos qui, lorsqu’ils y résident, n’en ont d’ailleurs pas l’occasion puisque aucun être vivant de sexe féminin n’est autorisé à y pénétrer.

33. David Le Breton, op. cit., p. 228-229.

34. En Inde, l’interdit est resté longtemps très strict vis-à-vis des hors-caste ou Dalits, appelés intouchables. En Extrême-Orient, l’absence de contacts physiques est réservée à la sphère publique, sauf dans le cas des sports de lutte comme le judo ou le sumo. En privé, il peut en être tout autrement, comme en témoignent certaines estampes et peintures japonaises, coréennes ou chinoises.

35. « Les vêtements. Comment s’habille l’humanité ? », La Géographie, n° 1551, oct.-déc. 2013.

(13)

36. Daniel Friedmann, Une histoire du blue-jean, Paris, Ramsay, 1987.

37. Erik Orsenna, Voyage aux pays du coton. Petit précis de mondialisation, Paris, Fayard, 2006.

38. Voir, par exemple, Béatrice Fontanel, Corsets et soutiens-gorge : l’épopée du sein de l’Antiquité à nos jours, Paris, La Martinière, 1992 ; Valérie Steele, The corset : a cultural history, New Haven, Yale University Press, 2001.

39. Nelson Mandela lui-même, tout en prônant la paix, n’hésitait pas à se recouvrir les épaules d’une peau de léopard, symbole de son ascendance royale.

40. Pivert et Coco Chanel affectionnaient les parfums « cuir de Russie ». Leurs versions contemporaines sont particulièrement prisées en Europe et dans les pays du Golfe, mais en aucune manière en Extrême-Orient, ce qui renvoie à la géographie de la pudeur que l’on a évoquée plus haut. Jean-Robert Pitte, « Nez de cuir et chevauchées sauvages », Cent petites gorgées de vin, Paris, Tallandier, 2016, p. 182‑184.

41. Béatrice Comte, Christian Renonciat, « L’ambigüité des apparences », Le Figaro Magazine, 29 mai 1999.

AUTEUR

JEAN‑ROBERT PITTE Membre de l’Institut

jean-robert.pitte@wanadoo.fr

Références

Documents relatifs

Il existe de nombreuses contre-indications à la pratique de la plongée sportive, temporaires ou définitives, qu’il con- vient de rechercher, éventuellement via le manuel édité par

Cette méthode permet ainsi de réaliser des clichés sur ter- rain découvert comme c’est le cas pour cette Carte géographique (Araschnia levana, Lépidoptère Nymphalidé) posée

(2) Par application d’une remise de 100€ dans le cadre de la souscription à un Forfait LIFE Premium 40Go ou LIFE Premium 100Go en cas de portabilité d’un numéro vers Digicel

Quant à la vaisselle, la porcelaine, la faïence, elles ne se recyclent pas : on les jette alors dans le bac gris!. Le tri du

Pour recevoir le catalogue, il vous suffi t de contacter votre partenaire MEWA ou de cocher la case ci-contre. www.protection-au-travail.mewa.ch

quel était le métier du constructeur?.

Si aucune des 2010 faces n'avait le même nombre d'arêtes, il existerait une face comportant 2010 arêtes (et même 2011 et 2012, puisqu'une face a au minimum 3 arêtes).. Soit cette

1ère énigme : prouver que tout polyèdre convexe à 2010 faces comporte au moins deux faces qui ont le même nombre d’arêtes.. Le polyèdre est convexe donc tous segments